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FAAE Rapport du Comité

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I.       Introduction : Tirer les leçons du cas haïtien

À l'heure actuelle, Haïti est un pays divisé aux prises avec une crise politique, économique, écologique et sociale. Les taux de VIH/sida comptent parmi les plus élevés de l'hémisphère occidental. Exacerbée par la profusion d'armes légères aux mains d’acteurs tant étatiques que non étatiques, la violence a saboté les tentatives d'établir la primauté du droit, instaurant ainsi un climat général d'insécurité. Le gouvernement de transition était privé de légitimité populaire et les infrastructures étatiques sont remarquablement absentes dans la plus grande partie du pays, surtout dans les régions rurales. Bref, selon la plupart des étalons de mesure, Haïti est un État fragile.

Yasmine Shamsie et Andrew Thompson1

[…] nous n’allons pas perdre de vue le fait que peut-être aucune facette de la société haïtienne n’est épargnée par la crise. Haïti constitue peut-être l’exemple par excellence de ce qu’on appelle un «  État fragile  ».

Surintendant principal David Beer de la GRC2

Peut-être le plus grand enseignement à tirer des efforts passés [des donateurs] est que les Haïtiens eux-mêmes prennent la direction et la responsabilité de la mise en œuvre de leur programme de développement. Pour que les Haïtiens prennent leur avenir en main, il faut absolument la participation de tous les secteurs de la société.

Peter MacKay, ministre des Affaires étrangères3

Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas changer. Il y a urgence.

Daniel Dorsainvil, ministre des Finances d’Haïti4

Aucun autre cas que celui d’Haïti n’éprouve davantage la capacité d'intervention de la communauté internationale dans notre hémisphère. Comme en font foi les citations ci-dessus, Haïti vit une situation de crise et constitue le parfait exemple de ce que les spécialistes de la politique internationale appellent un État «  fragile  » ou «  en déroute  »5. Ce pays, qui a célébré le bicentenaire de son indépendance en 2004, a pourtant subi de multiples intrusions étrangères et souffert des décennies de dictature brutale, de mauvaise gouvernance et de violence politique. Les élections générales de 2006 ont ranimé l'espoir d'un changement pour le mieux. Pourtant, d'énormes difficultés demeurent dans l'édification d'un État démocratique fonctionnel capable de répondre aux besoins de la majorité indigente d'Haïti. Le problème se retrouve dans tous les secteurs. Il n'y a pas de solution miracle. Et comme il est indiqué dans les citations apparaissant en début de rapport, ce sont les Haïtiens eux-mêmes qui, avec l’aide de leurs partenaires internationaux, doivent amorcer les changements qui s’imposent dans leur pays. Le Comité reconnaît que les interventions de la communauté internationale n’ont pas toujours été à la hauteur dans le passé, particulièrement au cours des dernières années, et il pense notamment à la controverse entourant le rôle du Canada en Haïti. Il entrevoit cependant un avenir placé sous le signe de la solidarité avec le peuple et le nouveau gouvernement d’Haïti, dans leurs efforts sur les plans de la sécurité, du développement et de la démocratie.

De gros intérêts canadiens sont en jeu en Haïti, d’où sont issues notamment quelque 100 000 familles composant la diaspora haïtienne établie au Canada, en particulier au Québec. Longtemps avant qu'il ne commence à accorder à Haïti de l'aide publique au développement (APD), dans les années 60, le Canada était présent dans ce pays. En tout, le Canada a versé plus de 700 millions de dollars à Haïti ces dernières décennies, dont près de 200 millions engagés dans les deux dernières années. Haïti est devenu le plus important récipiendaire de l'aide canadienne dans les Amériques et, après l'Afghanistan, le deuxième dans le monde. Le Canada est aussi pour Haïti le troisième donateur en importance après les États-Unis et l’Union européenne; de fait, il est le plus généreux de tous par habitant. De plus, le 25 juillet 2006, à l'occasion de la Conférence internationale de donateurs pour le développement social et économique d'Haïti, le Canada a annoncé qu'il allait affecter 520 millions de dollars en aide à Haïti au cours de la période quinquennale s’étendant de juillet 2006 à septembre 20116.

C’est donc dire que le Canada a beaucoup investi dans ce petit pays insulaire de 8,3 millions d'habitants. L'enjeu pour le Canada est de pouvoir montrer que tous ses efforts se traduisent par des améliorations réelles et durables dans la vie des Haïtiens. Dans ce contexte, le Comité appuie vigoureusement l'engagement pris par le gouvernement d’accorder un financement pluriannuel pour la reconstruction et le développement d'Haïti passé l'échéance du Cadre de coopération intérimaire (CCI) des donateurs conclu avec Haïti, et prorogé jusqu'en septembre 20077, en accord avec les priorités fixées par le nouveau gouvernement démocratiquement élu d'Haïti. Des projets d’aide au chapitre des infrastructures devraient notamment aider Haïti à respecter ses priorités en la matière. La corruption endémique est un autre problème qu’il faut enrayer, a souligné M. Jacques Bernard, directeur général du Conseil électoral provisoire d’Haïti :

Si le pays ne peut imposer lui-même la discipline, je crois qu'une des conditionnalités de l'aide étrangère doit être un programme systématique de lutte à la corruption. À vrai dire, Haïti ne s'est jamais développé et est resté derrière la plupart des autres pays d'Amérique centrale et des Caraïbes notamment à cause de la corruption. Dans les années 50, Haïti se trouvait au même niveau de développement économique et était peut-être même plus avancé que bon nombre de ces pays. Aujourd'hui, ils sont 100 ans en avance. L'ensemble du problème peut être lié à la corruption8.

Par ailleurs, nous sommes conscients que l’on n’a pas atteint les objectifs fixés lors des précédentes grandes interventions et initiatives de financement des donateurs. Cette fois-ci, il faudra faire beaucoup mieux. En outre, le cas d'Haïti recoupe les dimensions diplomatique, développementale et sécuritaire de la politique internationale et exige des gouvernements donateurs, le Canada y compris, des actions plus intégrées, plus cohérentes et mieux coordonnées. Lorsque le Comité a décidé d’examiner comment le Canada peut être le plus productif possible dans les interventions complexes exigeant une multiplicité d’instruments d'engagement international — ce que l'on appelle parfois l’approche pangouvernementale — Haïti est apparu comme la pierre de touche toute désignée pour juger de la politique canadienne jusqu’à ce jour. Le Comité se souvient des propos de Robert Greenhill en 2005 à la veille de sa nomination à la présidence de l'Agence canadienne de développement international (ACDI) :

Quant aux domaines sur lesquels doit porter notre effort, nous pouvons faire des interventions de sécurité dans une perspective de développement, ou bien des interventions de réduction de la pauvreté, et les deux se recoupent dans des pays comme Haïti ou l'Afghanistan, où il faut trouver une formule conjointe, même si c'est difficile.

Cela étant dit, si je devais choisir un endroit du monde où le Canada puisse agir de façon décisive, à condition d'avoir le courage et la détermination de le faire, ce serait Haïti.

Haïti est un pays dont nous parlons la langue, avec lequel nous avons des relations démographiques, qui est situé dans le même hémisphère que nous et sur lequel nous ne portons pas le même regard que les États-Unis ou la France. Et c'est un pays où nous avons échoué, malgré nos engagements antérieurs, et où nous n'avons plus le droit d'échouer9.

Pour examiner le rôle du Canada en Haïti, le Comité a tenu huit séances en mai et juin 2006 et entendu 27 témoins, dont les ministres des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, le directeur général des élections du Canada, ainsi que des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et la Défense nationale, de l’ACDI et de la GRC. Ce large éventail de témoins gouvernementaux est en lui-même révélateur de la globalité qui caractérise les interventions complexes tentées en Haïti et dans d'autres États fragiles. Il est apparu clairement que les demi-mesures exécutées en vase clos sont vouées à l’échec.

Ce court rapport a pour but de regrouper les conclusions issues de ces témoignages et les leçons tirées des interventions passées, qui donnent des indications prometteuses pour l'avenir de la politique canadienne. Le Comité ne prétend pas offrir la solution aux maux d'Haïti. Le présent document est du reste le prélude à une étude plus vaste que le Comité compte réaliser sur l'appui du Canada au développement démocratique international. Haïti sera, on s’en doute, un des principaux cas d'assistance à examiner. Les audiences préliminaires permettent d'ores et déjà au Comité de formuler quelques recommandations destinées à renforcer la politique du Canada à l'endroit d'Haïti comme cas d'intervention complexe dans un État fragile.

II.      Haïti et les stratégies d'aide aux États fragiles

Avant d'examiner le cas particulier d'Haïti, précisons d'abord ce que l'on entend par «  État fragile  », telle que l'expression est employée par les gouvernements donateurs, et définissons l'état actuel de la question dans l'esprit des bailleurs de fonds quant à ce qui constitue la meilleure façon d'aborder les interventions dans ces États. Citons un document récent de l'ACDI :

Même s’il n’existe aucune définition universelle d’« État fragile », on considère fragile tout État dont le gouvernement n’est pas disposé à assumer les fonctions fondamentales de l’État ou qui n’a pas la capacité de le faire. Ces fonctions sont entre autres les suivantes : assurer la sécurité et l’autorité légitime; protéger, promouvoir et faire respecter les droits de la personne et l’égalité entre les sexes; respecter la primauté du droit; fournir les services de base (par exemple en matière de santé et d’éducation, de l’appui au secteur privé et de la protection de l’environnement). Lorsque l’État ne remplit pas ses fonctions étatiques fondamentales de façon fiable et que la population ne peut avoir accès aux services susmentionnés, cela entraîne une érosion de la légitimité de l’État et risque de provoquer une rupture du pacte social fondé sur la confiance et la coopération tant au sein de la société civile qu’entre la société civile et l’État. Les États sont fragiles non seulement lorsqu’ils sont engagés sur la voie de la déroute, mais aussi lorsqu’ils redeviennent viables10.

Il est évident que les États fragiles ne sont pas les États performants qui répondent aux critères leur permettant d'être sélectionnés comme «  partenaires de développement  » à long terme, et c'est pourquoi Haïti ne figure pas sur la liste de ces 25 pays annoncés par l'ACDI en 2005, dans lesquels doit se concentrer l’APD bilatérale. Il faut une autre méthode pour ce que l'on appelle le «  partenariat difficile  » avec les États fragiles. Depuis plusieurs années, les membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l’OCDE, dont le Canada, peinent à élaborer des lignes directrices régissant les interventions dans ces États qui maximiseraient leurs effets bénéfiques et minimiseraient leurs effets néfastes involontaires. En 2005, l’OCDE a adopté un projet de Principes pour l'engagement international dans les États fragiles, dont le Canada a accepté de piloter l'application au cas haïtien11.

Le Comité reconnaît ce qui se fait déjà pour améliorer le comportement des donateurs. Il s'est dégagé à l’OCDE un consensus sur la nécessité d’adopter des approches pangouvernementales intégrées, cohérentes et coordonnées tant dans les pays donateurs qu'entre eux. Les donateurs doivent se joindre à des partenaires partisans de la réforme dans des États comme Haïti pour réaliser un programme commun de changement à long terme. Dans son Énoncé de politique internationale, le Canada a déclaré avoir l'intention d'appliquer cette approche pangouvernementale dans le cas des États fragiles. Le document précité de l’ACDI énumère également une série de « leçons tirées pour accroître l’efficacité des interventions canadiennes et internationales  » :

  • Capacité accrue d’avoir et de mettre à contribution des réseaux et des agents locaux de changement pour l’ouverture à la diversité ainsi que d’en augmenter le nombre afin d’aider à déterminer les points d’ancrage de la programmation.
  • Approche flexible du développement dans les États fragiles afin de pouvoir répondre aux demandes et besoins changeants.
  • Attentes à court terme raisonnables et réalistes, complétées par une vision à long terme.
  • Volonté de maintenir son appui, autant que possible, pendant les périodes d’instabilité et d’incertitude.
  • Analyse approfondie reposant sur le contexte régional et national, dans laquelle sont précisées les sources d’instabilité et de conflit ainsi que les possibilités d’amélioration.
  • Accent mis sur la prévention non la réaction pour s’assurer que le Canada maximise l’impact sur la sécurité humaine ainsi que sur la réduction de la pauvreté et minimise les effets négatifs sur les citoyens et leurs collectivités.
  • Évaluation régulière et, dans la mesure du possible, processus de recherche-action pour évaluer la pertinence et l’efficacité des programmes et approches du Canada.
  • Partenariats multi donateurs pour favoriser un consensus général au regard des initiatives de programmation et renforcer collectivement la capacité et la confiance entre l’État et les acteurs non étatiques.
  • Engagement de promouvoir un dialogue continu avec les principales parties prenantes.
  • Coordination accrue des donateurs et meilleure harmonisation des politiques et des pratiques, particulièrement dans les États fragiles où l’incohérence des donateurs et l’imprévisibilité de l’aide ont eu un effet déstabilisateur.
  • Partage de la responsabilité au regard du développement entre les donateurs et les gouvernements fragiles, les organisations régionales et la société civile12.

Toutes ces exhortations sensées placent toutefois le Comité devant la grande question : comment ces préceptes sont-ils appliqués concrètement à l'action du Canada et, chose tout aussi importante, avec quels résultats?

Dans le document de l’ACDI, il est dit : «  Dans les États fragiles, les enjeux étant très élevés, les donateurs doivent être assujettis aux normes de pratiques et de rendement les plus élevées et les plus rigoureuses13.  » Et comme l'a déclaré dans son témoignage le vice-président de l’ACDI, Stephen Wallace, «  il est essentiel d'établir une structure claire, transparente, élaborée et responsable en ce qui concerne les résultats. C'est absolument fondamental14.  » Le Comité est on ne peut plus d’accord. Il a d’ailleurs recommandé à l’unanimité l’adoption de mesures législatives établissant un cadre de responsabilisation pour toute l’aide publique au développement fournie par le Canada15. Mais on doute, à l’heure actuelle, que la population canadienne ait une idée nette des raisons stratégiques et des lignes directrices qui régissent les interventions du Canada dans un État fragile comme Haïti ou des résultats obtenus grâce aux sommes considérables dépensées en son nom. Quand on lui aura donné de bonnes explications, elle acceptera, croyons-nous, les risques associés à ces interventions forcément complexes et difficiles.

Le Comité estime que le gouvernement doit mieux préciser et faire connaître aux Canadiens tant les objectifs que les résultats des interventions canadiennes dans les États fragiles. Des jalons précis, dont les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), devraient être fixés pour chaque État bénéficiaire, comme Haïti, pour que la part du Canada dans l’atteinte de ces objectifs puisse être évaluée périodiquement.

RECOMMANDATION 1

Dans un cadre stratégique clair sur le rôle du Canada dans les États fragiles, le gouvernement devrait énoncer des objectifs concrets, axés sur les objectifs du Millénaire pour le développement et la lutte contre la corruption, pour les interventions pangouvernementales canadiennes dans les États bénéficiaires. Le gouvernement devrait par la suite déposer au Parlement des rapports annuels de situation détaillant, pour chaque pays, l’ensemble des sommes dépensées et les résultats obtenus par rapport aux objectifs énoncés.

III.      Interventions des donateurs : Haïti à la croisée des chemins Tirer les enseignements du passé

Ce gouvernement a l'intention de rester en Haïti tant et aussi longtemps que ce sera nécessaire, afin de compléter les tâches de renforcement des efforts internationaux avec les autres partenaires. Notre travail n'est pas encore terminé. Le Canada y sera donc pour une période indéfinie.

Peter MacKay, ministre des Affaires étrangères16

La situation à Haïti est profondément troublante et met en doute l'efficacité des interventions internationales à ce jour. Les deux tiers à peu près de la population vivent en deçà du seuil de pauvreté établi par l’ONU; en régions rurales, où habitent près de 60 p. 100 des Haïtiens, la situation est pire encore. De fait, Haïti est aujourd'hui plus pauvre qu'elle ne l'était il y a un demi-siècle. Le revenu annuel par habitant n'est que de 390 dollars US; à peine 52 p. 100 des adultes savent lire et écrire; l'espérance de vie est de 52 ans et en régression. Au moins le tiers — et selon certaines estimations plus de la moitié — des enfants en âge de fréquenter l'école élémentaire ne sont pas scolarisés. Des témoins ont déclaré au Comité que la situation est tout aussi sombre en matière de sécurité humaine et de droits humains. En effet, avec quelque 170 000 armes légères en circulation, peu de progrès ont été enregistrés dans le désarmement des bandes violentes, la lutte contre l’impunité et la réforme de la justice et du système pénal17. Et il y a la dette étrangère importante d’Haïti, qui s’établit cette année à 1,4 milliard de dollars et qui oblige le gouvernement haïtien à affecter 60 millions de dollars annuellement à son remboursement.

Le Cadre de coopération intérimaire (CCI) des donateurs, mis en place après l'intervention militaire sanctionnée par l’ONU en 2004 (à laquelle le Canada a brièvement contribué 500 soldats), qualifie la situation socioéconomique d’Haïti d’«  alarmante  » et affirme sans détour que «  les résultats de la coopération sur les dix dernières années sont très en deçà des attentes18  ». Entre 1994 et 2004, l’aide à Haïti a atteint au total 2,5 milliards de dollars US (par rapport aux plus de quatre milliards de dollars rapatriés par les quelque 2 millions d’Haïtiens de la diaspora).

Prorogé jusqu’en septembre 2007, le CCI est le texte de référence pour les interventions des donateurs et sera jugé à ses résultats. Comme l’analyste haïtienne Suzy Castor l'a affirmé, la crise permanente en Haïti est aussi une crise de l'aide internationale apportée à ce pays, qu’elle décrit carrément de «  gouffre  »19. Il est à espérer que de nouvelles démarches coordonnées seront plus fructueuses. Fait troublant, en 2002, au moment où beaucoup de bailleurs de fonds avaient réduit ou supprimé leur programme en raison de l’extrême instabilité du pays, Haïti arrivait au 146e rang de l'indice du développement humain (IDH) de l’ONU. Or en 2005, un an après l'adoption du CCI, Haïti était tombé en 153e place. En 2006, le Rapport mondial sur le développement humain le plaçait au 154e rang.20 La dure réalité, c'est qu'Haïti a une longue pente à remonter pour s'arracher au désespoir.

Dans les années 90, des interventions internationales énergiques avaient fait naître l'espoir qu’Haïti était enfin sur la voie de la démocratie. Il a été signalé que le retour au pouvoir en 1994 du président démocratiquement élu Jean-Bertrand Aristide représentait la première et unique fois jusqu'à ce jour que «  le conseil de sécurité autorisait le recours à la force pour rétablir la démocratie dans un État membre21  ». Une décennie plus tard, pourtant, Aristide contraint à un exil controversé, le pays semblait plus que jamais en proie au chaos. En dépit des missions onusiennes successives et des milliards de dollars d'aide, ces espoirs naissants ont été anéantis et un nouveau cycle d'interventions s'est avéré nécessaire.

Les analyses des échecs qui ont marqué ces années ne manquent pas. Lorsque le vice-président de l’ACDI, direction générale des Amériques, Guillermo Rischynski, a comparu devant le Comité lors d'une série d'audiences à l'époque de l'intervention militaire multinationale de mars 2004, il a admis que le Canada et d'autres donateurs ont eu à repenser de fond en comble leur stratégie vis-à-vis d’Haïti. Il a ajouté : «  Dans un contexte aussi difficile que celui d'Haïti, des résultats durables ne peuvent être obtenus qu'à très longue échéance. Or, durant une période si longue, il y a un grand risque d'erreurs et d'échecs. Nous reconnaissons également que pour assurer la coopération au développement en Haïti, il est essentiel de créer une solide base institutionnelle à longue échéance, faute de quoi, les résultats obtenus ne seront que d'ordre humanitaire22.  » M. Rischynski prévoyait pour le Canada un engagement de 10 à 20 ans.

Le Cadre de coopération intérimaire multi donateurs de 2004-2006 conclu avec le gouvernement intérimaire d'Haïti affirmait reposer sur les leçons tirées du passé pour ce qui a trait à l’assistance fournie à Haïti et acceptait que la communauté internationale assume une partie de la responsabilité de cet échec. Il est dit dans le CCI : «  Les bailleurs de fonds reconnaissent un manque d’articulation, de cohérence et de vision stratégique dans leurs interventions. Les bailleurs ont souvent mis en place des structures ‘projets’ parallèles affaiblissant d’autant l’État, sans pour autant lui donner les moyens de coordonner cette aide externe et de développer des capacités d’absorption et d’exécution nationales. […] Le recours au secteur privé ou à la société civile a été presque toujours systématisé, participant à une réelle décapitalisation de la fonction publique.  » Les bailleurs de fonds ont vainement tenté de soumettre l’aide à une stricte conditionnalité puis ont retiré leur aide au moment de la crise. Cette inconstance de l’aide n’a fait qu’exacerber les difficultés. Le CCI juge que «  cette politique d’investissement massif puis de retrait soudain est contre-productive et qu’il est important de maintenir une capacité organisationnelle et institutionnelle de l’administration publique23 ».

Ces enseignements et d'autres se dégagent également de l’évaluation réalisée par l’ACDI elle-même des efforts du Canada en Haïti de 1994 à 2004 dans le cadre de l’initiative du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE en vue de formuler et de tester des principes pour l'engagement international dans les États fragiles24. Au nombre des conclusions cruciales contenues dans le rapport de l’ACDI se trouvent les suivantes :

  • En l’absence d’engagement politique décisif pour garantir l’aide même en situation de partenariat difficile, l’affectation de l’aide est de plus en plus sensible aux crises du moment, au lieu d’être fondée sur une stratégie de planification à long terme. (p. 12)
  • Les programmes dictés par les donateurs et la conditionnalité ont eu des effets plus négatifs que positifs : engagement mitigé et mise en oeuvre inefficace par le gouvernement d’Haïti associé à de la frustration, de la lassitude à l’endroit d’Haïti et même à un mouvement de retrait de la part des donateurs. À elle seule, la conditionnalité appliquée par les donateurs n’a pas réussi à réformer le système ou conduire à la stabilité. (p. 14)
  • L’aide apportée aux ONG a renforcé leur capacité à générer une demande locale en faveur de réformes. En revanche, elle a aussi miné les efforts pour renforcer la bonne gouvernance. Dans le cas d’Haïti, ces acteurs [les ONG locales] ont été utilisés comme moyen de contourner les frustrations occasionnées par la collaboration avec le gouvernement, [ce qui a] donné naissance à des systèmes parallèles de prestation de services, privant ainsi l’État de la légitimité, de la capacité et de la volonté d’offrir les services de base. (p. 14)
  • L’évaluation interne effectuée par l’ACDI de ses 450 projets a permis de constater que ceux-ci étaient trop dispersés et ne permettaient pas d’obtenir un nombre satisfaisant de résultats. Les projets étaient financés à très court terme, enlevant du coup toute possibilité de continuité, donc de changement significatif.  » (p. 15)
  • La période antérieure à 2004 a été marquée par l’absence de facteurs propices à l’apparition d’un sentiment d’appropriation du processus de développement, une méfiance entre les donateurs et le gouvernement haïtien, le manque d’harmonisation des pratiques des donateurs et d’alignement sur les priorités nationales, l’absence de cadre d’intervention stratégique et donc de cohérence entre les interventions. (p. 15-16)

Les bailleurs de fonds affirment que depuis 2004 il a été tenu compte de ces conclusions cruciales dans la programmation relevant des quatre secteurs prioritaires du CCI : assurer une meilleure gouvernance politique et promouvoir le dialogue national; renforcer la gouvernance économique et contribuer au développement institutionnel; favoriser la relance économique; améliorer l’accès aux services de base et l’aide humanitaire. Un rapport publié en juillet 2005 par le Comité conjoint de mise en œuvre et de suivi du cadre de coopération intérimaire, dont le Canada faisait partie, énumérait un certain nombre de réalisations mesurables. Plus précisément, en ce qui concerne l'aide du Canada à Haïti, l’ACDI a fourni au Comité le rapport détaillé de juillet 2006 faisant état des réalisations du programme de l’ACDI en Haïti depuis l’adoption du CCI jusqu’en mars 200625.

Le directeur du programme de l’ACDI pour ce pays, Yves Pétillon, a aussi déclaré au Comité que la démarche stratégique actuelle de l'ACDI incorpore les conclusions de son étude de 2004. Les principaux axes de cette démarche sont de mettre l'accent sur des investissements productifs, accorder une attention particulière à la prévention des conflits, renforcer le consensus social et soutenir les acteurs du changement. En réponse aux reproches de ceux qui trouvent que la légion de petits projets à court terme a peu d'effet cumulatif, M. Pétillon a ajouté que la grande majorité des projets de l'ACDI en Haïti s’échelonnent désormais sur une plus longue période, de cinq à dix ans, et disposent de budgets variant entre 15 et 20 millions de dollars26.

En accord avec les priorités sectorielles du CCI, le Canada a versé plus de 190 millions de dollars d'aide à Haïti d’avril 2004 à avril 2006, ce qui le place au deuxième rang des bailleurs de fonds après les États-Unis. En mai et juin 2006, les ministres MacKay et Verner ont annoncé des aides supplémentaires de 48 millions et de 15 millions respectivement. Comme il a été dit plus haut, étayant ainsi les propos du ministre MacKay devant le Comité, le Canada a confirmé le 25 juillet 2006 son engagement à long terme à l'endroit d'Haïti lors de la conférence ministérielle de bailleurs de fonds. De fait, les contributions prévues du Canada s'élèvent à plus de 100 millions de dollars par année pour les cinq prochaines années.

Le Comité ne doute pas de l'ampleur de l'effort du Canada ni des objectifs recherchés. La contribution du Canada peut être un élément important de l’effort immense qui sera nécessaire pour extirper Haïti de sa misère et de son insécurité chroniques. À ce propos, l'économiste Jeffrey Sachs, conseiller pour les objectifs de développement du Millénaire auprès du Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, a estimé qu'Haïti aura besoin de jusqu'à 850 millions de dollars par année en assistance pour atteindre les objectifs de l'ONU d'ici à 2015. Mais la valeur de l'aide n'est pas en soi un étalon de mesure de la réussite d'une intervention en Haïti. Ce qui comptera au bout du compte, ce seront les témoignages tangibles sur le terrain des leçons apprises et des résultats obtenus. Sur ce plan, et cela est essentiel pendant la durée du CCI, prorogé jusqu'en 2007, il faut que le gouvernement du Canada puisse faire la démonstration aux Canadiens que son aide en Haïti fait progresser concrètement l'atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement.

RECOMMANDATION 2

Aux termes de son plan d'assistance à long terme pour Haïti, le gouvernement devrait déposer au Parlement un rapport sur l'aide du Canada à Haïti à la fin du mandat prorogé du Cadre de coopération intérimaire en 2007. Le rapport devrait contenir des renseignements concrets sur toutes les mesures prises pour corriger les problèmes recensés dans les évaluations des bailleurs de fonds — comme l'étude de 2004 de l'ACDI pour l’OCDE — ainsi que des informations précises sur les résultats de l'aide canadienne apportée à Haïti dans l'atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement, en vue de la mise au point du futur modèle de rapports au Parlement.

IV.      À faire en priorité pour raviver l'espoir en Haïti

Au-delà de toutes les études, évaluations et cadres de planification, le fait est qu'un grand nombre d'Haïtiens ordinaires mènent une existence misérable. Par le passé, les bailleurs de fonds ne se sont désengagés que pour revenir plus tard, obligés de payer plus cher encore. Si l'on veut éviter qu'Haïti ne vacille de crise en crise, il faut absolument tirer les leçons des échecs passés et prendre des mesures concertées pour régler les problèmes précis que nous ont décrits les témoins et que nous examinons ci-dessous.

Profiter de l’embellie postélectorale

L'investiture de René Préval le 14 mai 2006 marque l'ouverture d'une période propice au dépassement de la polarisation politique, de la criminalité et du déclin économique qui caractérisent Haïti [...] Pendant les 100 premiers jours de son mandat, le nouveau président va devoir former un partenariat avec un parlement multipartite. Il va devoir montrer aux Haïtiens des progrès visibles, avec l'aide de la communauté internationale et ce dans un climat d'optimisme exceptionnel dans le pays.

International Crisis Group27

Les quatre prochains mois du régime Préval sont critiques. Au cours de cette période, il est essentiel que les Haïtiens puissent constater une amélioration concrète de la situation. À défaut de cela, les critiques du nouveau président pourront se nourrir de la désillusion de la population, et le pays retombera de nouveau en chute libre. Si cela se produit, des investissements considérables, les nôtres compris, auront été perdus, comme l'ont été une bonne partie des sommes que nous avons investies depuis une vingtaine d'années pour tenter de rebâtir Haïti.

John Graham, Fondation canadienne pour les Amériques28

Même si les élections prévues ont été retardées à plusieurs reprises, les témoins en général ont estimé que la présidentielle de février et les législatives d'avril 2006 avaient obtenu un succès raisonnable, malgré un taux de participation beaucoup plus bas dans le deuxième cas ainsi que les doutes exprimés quant à la capacité du pays de tenir les municipales. Le Canada a beaucoup investi dans le processus électoral haïtien sous forme d'assistance technique et de dispositif sécuritaire grâce à la collaboration exemplaire d'Élections Canada, de l’ACDI (y compris du Corps canadien), des Affaires étrangères, de la GRC et des hauts gradés des Forces canadiennes déployés au sein de la MINUSTAH.

Le directeur général des élections du Canada, Jean-Pierre Kingsley, a décrit au Comité le succès considérable de la Mission internationale d'évaluation des élections en Haïti (MIEEH) en compagnie de M. Jacques Bernard, directeur général du Conseil électoral provisoire d'Haïti, qui a aussi dépeint les efforts du pays, en collaboration avec ses partenaires de la communauté internationale, pour créer une autorité électorale haïtienne permanente, fonctionnelle et viable. M. Kingsley a dit avoir bon espoir que cela puisse se faire : «  À mon avis, il faudrait peut-être une année de partenariat de plus avec l'autorité électorale haïtienne — si elle est établie — pour pouvoir dire qu'il n'est plus nécessaire d'assurer un soutien externe, sauf peut-être un soutien financier par d'autres moyens, etc.29  »

Un des premiers soucis du Comité est que les infrastructures électorales mises en place soient maintenues et consolidées. Et pour continuer à nourrir des idéaux démocratiques, le Comité estime également qu’il faudrait faire comprendre aux citoyens, aux partis politiques et aux députés la valeur et les principes de la représentation parlementaire.

Par elles-mêmes, toutefois, les élections ne peuvent que créer une occasion de changement. Il faut aujourd'hui faire bien plus pour opérer les changements fondamentaux nécessaires. Même si le parti Lespwa (L’Espoir) du président Préval ne jouit pas de la majorité parmi les 18 partis politiques représentés au Parlement, il a su former un gouvernement de coalition dirigé par le premier ministre Jacques-Édouard Alexis et d'un conseil des ministres composé de membres de six partis différents. Le programme du gouvernement, annoncé par le premier ministre lors de son inauguration le 6 juin 2006, comporte quatre grandes priorités : la sécurité pour les Haïtiens et l'accès à la justice; l'élargissement de l'accès aux services publics minimum et aux chances économiques; l'inclusion démocratique, le dialogue et la réconciliation. Le Comité convient avec les témoins de la nécessité pour les bailleurs de fonds d'agir rapidement pour soutenir les efforts du nouveau gouvernement dans tous ces domaines.

Assurer la sécurité et la justice

Le plus grand défi qui se présente au nouveau président René Préval et à la Mission de paix des Nations Unies (MINUSTAH) est la sécurité. Le démantèlement des gangs et l’exécution d’une importante réforme de la police sont essentiels à l’atteinte des principaux objectifs de la nouvelle administration dans différents domaines, depuis la réforme de l’enseignement jusqu’à la gouvernance, en passant par les infrastructures, les investissements du secteur privé, l’emploi et l’agriculture.

International Crisis Group30

S'il est une question qui transcende toutes les autres dans les témoignages entendus par le Comité, c'est celle de la sécurité et de la justice réclamées par les Haïtiens. Suzanne Laporte, vice-présidente de l’ACDI, direction générale des Amériques, a insisté sur l'attachement de l'ACDI à contribuer à réformer la police, le système judiciaire, et l'administration pénitentiaire, admettant que les forces extérieures temporaires ont un effet limité en l'absence d'engagement à long terme en faveur du renforcement des institutions, du développement du professionnalisme et de la lutte contre la corruption — toutes tâches exigeant des Haïtiens la volonté politique de réussir. Le surintendant principal David Beer, de la GRC, convient également que la volonté politique est «  la clé dans la serrure  » de la pérennisation des services de police. Il a aussi décrit en détail l'échec des efforts successifs des bailleurs de fonds dans les années 90, après lesquels «  presque rien — équipement, matériel, infrastructure et formation — n'avait survécu au vol, au pillage, à la destruction gratuite ou, dans le cas de la formation, au simple abandon des principes et des procédures.  » De plus :

Nous devons nous engager à améliorer le secteur de la justice en faisant un système intégré. Les systèmes judiciaires et correctionnels dysfonctionnels doivent être traités dans la même foulée que les services de police. Sans développement parallèle, les services de police ne feront aucun progrès durable. Il faut procéder sérieusement et de toute urgence à la mise à l’écart des fonctionnaires véreux et politisés pour démontrer la volonté du gouvernement de faire des changements31.

Le Comité croit aussi qu’il est nécessaire que des examens approfondis et des contrôles rigoureux de la police haïtienne devraient être effectués par les autorités haïtiennes compétentes

Il conviendra dans une première étape de procéder à un remaniement complet de tous les secteurs de la justice. De plus, celui-ci réclamera un travail de longue haleine, a bien précisé le surintendant principal Beer, et les bailleurs de fonds devront s'attendre à être engagés dans une certaine mesure pour les vingt prochaines années.

Par ailleurs, les témoins se sont abondamment interrogés sur l’adéquation de l’actuel effectif militaire et policier de la MINUSTAH32, ainsi que sur la faiblesse du mandat de l’ONU, qui oblige les forces internationales à travailler aux côtés de la Police nationale haïtienne qui, elle, n'a pas la confiance la population33. David Beer a déploré le manque de francophones provenant des pays contributeurs et déclaré que «  pour être honnête, la plupart [des agents] n'ont pas beaucoup plus d'expérience, de formation ou de connaissances que les Haïtiens qu'ils sont censés aider34  ». Il a aussi indiqué que le contingent canadien de 65 agents est bien inférieur à notre engagement maximum de 10035.

Thérèse Bouchard, du Centre canadien d'étude et de coopération internationale (CECI), a évoqué la perception répandue dans la population haïtienne que la MINUSTAH n'a ni l'autorité ni la compétence pour faire face aux bandes armées. «  En résumé, la MINUSTAH doit avoir un mandat clair, et le personnel affecté à la tâche doit être compétent36.  » L’ONG internationale ActionAid a proposé une série de changements nécessaires au mandat de la MINUSTAH dans un rapport publié en juillet 200637.

John Graham a fait la réflexion suivante devant le Comité :

Les donateurs devront envisager de modifier la composition des forces des Nations Unies en Haïti. Ces forces qui ont été initialement rassemblées à la hâte se sont révélées dans une certaine mesure inappropriées pour la mission qu'elles devaient remplir. Au lieu de confier la répression des émeutes à des forces militaires ordinaires, on a besoin, à l'évidence, d'unités policières ou militaires d'intervention tactique possédant la formation spécialisée, l'expérience et la capacité de mener à bien des interventions délicates en milieu urbain.

En outre, la mission des Nations Unies doit être autorisée à recueillir des renseignements sur les transmissions. L'absence de renseignements sur les transmissions accroît sensiblement le risque pour les forces onusiennes et les civils lorsque des opérations se déroulent dans des zones urbaines densément peuplées38.

M. Graham a aussi fait remarquer que les bas salaires dans les services de police et de la justice sont à l'origine de la corruption et que les bailleurs de fonds devront peut-être envisager de les subventionner, vu le peu de moyens financiers des autorités haïtiennes.

Dans le contexte de la prorogation du mandat de la MINUSTAH en août 200639, Andrew Thompson, attaché de recherche du Centre for International Governance Innovation a soutenu que «  le Canada peut œuvrer auprès des Nations Unies afin de veiller à ce que son mandat soit renouvelé en avril prochain et d'insister pour que les mécanismes de la MINUSTAH en matière de droits de la personne disposent de moyens suffisants pour remplir leurs fonctions40  ». Toutefois, Jean-Louis Roy, président de Droits et Démocratie a plaidé en faveur de la séparation des mandats droits humains et sécurité, et dit espérer que le Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme obtiendrait les moyens nécessaires pour ouvrir une permanence à Haïti. Les deux ont convenu qu'un programme vigoureux de désarmement, de démobilisation et de réintégration est essentiel. D'après M. Roy :

Le gouvernement du Canada doit se battre à New York pour que le mandat qui sera donné par le Conseil de sécurité à la MINUSTAH contienne, dans les termes les plus exigeants, l’obligation de désarmer les groupes privés qui ont les moyens de renverser en quelques heures — on les voit à l'œuvre en ce moment — les efforts d'un grand nombre en semant la terreur et en assassinant. Ces gens doivent être maîtrisés et contrôlés. La société haïtienne doit être débarrassée d'une façon forte de ces éléments qui peuvent défaire rapidement tout le travail que d'autres, dont le Canada, pourraient faire dans ce pays41.

La MINUSTAH, en accord avec le gouvernement haïtien, devrait avoir des pouvoirs et un mandat clairs, dont celui de procéder à des arrestations.

M. Roy a également soulevé la question du terme qui doit être mis à l'impunité dans le système judiciaire et de la formation des jeunes juges, quitte à dépêcher des juges de pays francophones. Il estime également que dans le domaine policier le Canada pourrait faire plus. David Beer a précisé que la GRC s'affairait à se doter d'une capacité permanente de mise sur pied de missions de maintien de la paix. Toutefois, le colonel Denis Thompson, directeur, politique du maintien de la paix au ministère de la Défense nationale, a déclaré : «  Nous sommes maintenant à la limite de notre capacité d'envoyer en Haïti des policiers civils qui parlent français42.  » Il n'entrevoit pas non plus d'augmentation de la contribution militaire du Canada et dit s'attendre à ce que le nouveau mandat d'imposition de la paix en vertu du chapitre VII reste essentiellement le même.

Néanmoins, des témoins comme Jean-Louis Roy ont réclamé davantage d'action. Comme il l’a dit au Comité :

Je crois que le Canada devrait faire le tour de ses ressources. Je sais qu'il y a des implications financières considérables. Cependant, réussir tout ce que j'évoque dans cette décennie coûterait moins cher que recommencer en 2014 ou en 2015, comme on est en train de le faire parce qu'on a lâché Haïti trop tôt dans les années 1990. C'est absolument fondamental. …

Le Canada doit absolument contribuer d'une façon directe et constante, dans les deux ou trois prochaines années, à la mise en place d'une police nationale professionnelle et dépolitisée disposant de l'ensemble des normes, des ressources et des équipements nécessaires pour accomplir sa mission et ses fonctions. Déjà le Canada intervient, et j'aurais dû le mentionner plus tôt, pour les palais de justice et pour certains commissariats de police. On ne parle pas de cela; on parle du besoin de former plusieurs milliers de policiers dans les deux ou trois prochaines années. On pourrait peut-être le faire dans le contexte de la Francophonie et aussi, évidemment, de l'OEA43.

Donc, étant donné la grave situation d’insécurité et le climat de violence qui prévaut toujours en Haïti, une violence perpétuée par des bandes armées, des criminels et aussi certains éléments de la Police Nationale Haïtienne ; étant donné que les premiers mois du nouveau gouvernement sont déterminants et qu’il est essentiel que les Haïtiens puissent constater une amélioration concrète de leur situation, et puisque tous les témoins nous ont confirmé que le désarmement est essentiel pour le développement durable et la mise en place d’une gouvernance démocratique en Haïti, le Comité convient qu’il est urgent, voire primordial, que le Canada s’assure en toute priorité que le mandat de la MINUSTAH soit clairement défini afin que la MINUSTAH ait le pouvoir et les capacités d’aider le gouvernement haïtien à procéder au désarmement des différents groupes armés de façon systématique et décisive et aussi afin que la MINUSTAH puisse faire face aux bandes armées de manière plus adéquate et efficace. Son rôle ambigu empêche la MINUSTAH d’accomplir son travail correctement.

Sachant qu’il y a un besoin criant de réformer la Police Nationale Haïtienne puisque celle-ci est en manque d’effectif, sous-équipée, minimalement entraînée et incapable de faire face aux problèmes de trafic grandissant de drogue, d’armes et de contrebande, le Canada, devrait par ailleurs, contribuer davantage de façon significative et constante, et ce, pour les deux ou trois prochaines années, à la mise en place et à la formation d’une force police nationale professionnelle et dépolitisée. Le contribution du Canada à la réforme et à la formation d’une police nationale professionnelle et dépolitisée devra, tenir compte des leçons apprises des programmes de réforme du passé.

Dans la résolution 1702 adoptée le 15 août 2006, le Conseil de sécurité des Nations Unies constatait que les conditions nécessaires à la mise en place de programmes vigoureux de désarmement, de démobilisation et de réintégration n’étaient pas réunies. Étant donné cet état de fait, le Comité convient que le Canada et les autres pays de la communauté internationale impliqués devraient tout mettre en œuvre pour assurer que les conditions nécessaires à la mise en place de programmes vigoureux de désarmement, de démobilisation et de réintégration soient réunies.

RECOMMANDATION 3

Dans le domaine de la sécurité, le Comité convient que la MINUSTAH doit avoir des pouvoirs et un mandat clairs pour désarmer les bandes de criminels. Le Canada, en collaboration avec ses partenaires internationaux, doit aider les Haïtiens à répondre au besoin primordial de normalisation et de sécurité dans tous les secteurs. Le Canada devrait également songer à augmenter sa contribution à la mission de l’ONU pendant la période de prorogation de son mandat.

Pour ce qui a trait à la réforme de la police, le Canada devrait participer davantage, au cours des deux ou trois prochaines années, à la création et la formation d’une force policière nationale politiquement neutre, en se rappelant les leçons tirées de son précédent programme de réforme de la police haïtienne.

Les tribunaux et le système carcéral en Haïti ont aussi besoin d’une révision en profondeur, et l’urgence de la tâche est indéniable. Cette révision doit inclure les juges et autres magistrats en fonction de lignes directrices rigoureuses. Tel qu’il est indiqué dans le rapport d’octobre 2006 de l’International Crisis Group :

Il est improbable que la réforme de la police soit efficace si elle ne s’accompagne pas d’une réforme de la justice, qui est malheureusement encore plus lente. […] Pour la plupart des Haïtiens, c’est celui qui aura le plus d’argent qui aura gain de cause devant les tribunaux. Si le gouvernement Préval a cherché à mettre une terme aux détentions politiques les plus gênantes, des milliers d’individus demeurent en prison sans avoir reçu un procès équitable et beaucoup sont incarcérés pour une durée supérieure à la peine qu’ils pourraient se voir infliger pour le délit qui leur est reproché44.

Le rapport poursuit ainsi : «  Le système carcéral est le point noir de la justice haïtienne. Les prisonniers croupissent pendant des années sans avoir été jugés et condamnés. Beaucoup d’entre eux ne savent même pas pourquoi ils sont incarcérés. Les conditions d’incarcération sont épouvantables, les locaux sont surpeuplés et il n’y a pas assez d’installations sanitaires45.  »

Dans un système carcéral aussi engorgé, insalubre et terriblement surpeuplé, beaucoup de détenus ignorent quand aura lieu leur procès, et même s’ils seront jugés un jour. Quelque 80 p. 100 de la population carcérale est détenue provisoirement. C’est une situation qui nuit par surcroît au travail de la police. Le surintendant principal Beer, de la GRC, a fourni les explications suivantes au Comité : «  la police ne peut pas agir et arrêter quelqu'un, l'emprisonner tout en sachant que cette personne risque de ne jamais avoir d'avis juridique, et qu’elle pourrait ne jamais voir de juge ou devoir répondre de ses actes si un tel pouvoir exécutif existe, alors, vous commettez un viol des droits de la personne simplement en faisant votre travail46.  »

RECOMMANDATION 4

Dans le secteur de la justice et du système pénitentiaire, puisque l’impunité règne toujours à travers tout le pays le Canada devrait travailler étroitement avec les autorités haïtiennes et ses partenaires internationaux pour mettre fin à l'impunité, mettre sur pied un système national de protection des droits de la personne, former les juges et réformer le système carcéral.

S’attaquer à la pauvreté en Haïti

Les pays donateurs ont reconnu que la pauvreté et les inégalités comptent parmi les éléments qui ont mené à la violence, à l’insécurité et à l’instabilité politique en Haïti. Plusieurs témoins ont souligné que la violence et l’insécurité qui touchent Haïti découlent, dans une large mesure, de l’incapacité chronique de s’attaquer à la pauvreté. À la lueur de ce constat, le Canada devrait s’assurer que la stratégie adoptée pour venir en aide à Haïti ne vise pas uniquement à améliorer le développement du secteur privé mais aussi à améliorer la situation des pauvres en Haïti et tout particulièrement la population rurale, qui constitue la majorité de la population haïtienne.

Pour faire ressortir le lien entre la sécurité et la pauvreté, Thérèse Bouchard du CECI a soulevé un point important lorsqu'elle s’est dit convaincue que «  le plus grand obstacle à la sécurité, c'est la pauvreté. C'est pourquoi il faut que les programmes de développement aient, entre autres objectifs, celui de rendre justice aux plus pauvres [...] Il y a une culture de violence en Haïti, et les paysans les plus pauvres la subissent encore. Il est très important, pour la sécurité à long terme du pays, de travailler aux causes de la violence47.  »

«  Il faut qu'il y ait un projet économique; il faut qu'il y ait de l'emploi pour Haïti  », d'ajouter Michel Chaurette du CECI48. John Graham y dénonce là un échec du précédent gouvernement de transition. Il soutient qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles qui exigent un programme urgent et audacieux de création d'emplois.

De multiples réalisations sont nécessaires. En premier lieu, une amélioration visible de la situation sous la forme de grands ouvrages publics générateurs d'emplois pour montrer que les choses bougent et prouver aux habitants qu'ils sont partie prenante du succès d'un nouveau gouvernement. […]

Nous ne pouvons nous permettre d'attendre que le processus habituel des mécanismes d'aide ponde leurs programmes bien structurés et issus de soumissions en règle. Nous avons besoin de travailleurs armés de pelles sur le terrain maintenant. Il faut faire le nécessaire pour que cela se produise. Pour y arriver, un leadership politique devra donner l'impulsion, l'aval politique qui permettra aux donateurs de court-circuiter les règles régissant normalement les dépenses. Il faudra aussi du courage politique.

Une campagne d'ouvrages publics d'urgence souffrira inévitablement de certains abus. [...] Mais dans la situation actuelle, c'est un risque qu'il faut courir49.

La professeure Yasmine Shamsie de l’Université Wilfrid Laurier a également insisté sur l'importance de l'agriculture et de la production vivrière, affirmant qu’il «  est par contre difficile d'imaginer que l'on viendra à bout de la pauvreté extrême en Haïti sans un plan énergique et durable ciblant le monde rural50  ». Elle met en doute la décision du Canada d'emboîter le pas aux autres grands bailleurs de fonds, qui implique «  des stratégies de développement qui reposent essentiellement sur les régions urbaines  » et qui comptent sur des emplois à bas salaire dans le secteur manufacturier et des opérations de transformation destinées à l'exportation pour créer un grand nombre d'emplois. Même en admettant que «  l'agriculture ne deviendra jamais le principal moteur de la croissance économique d'Haïti  », elle conclut que «  si la réduction de la pauvreté est bien un objectif important pour le Canada, la relance de la production agricole et l'amélioration de la sécurité alimentaire pour les ménages des régions rurales doivent se voir accorder une priorité stratégique51  ».

Michel Chaurette a également soulevé les problèmes particuliers de la riziculture haïtienne : «  Tant et aussi longtemps que les États-Unis feront du dumping de riz subventionné américain, l'apaisement et la paix en Haïti seront impossibles. La transposition du modèle économique international à Haïti va conduire à un échec, à une catastrophe économique. Il faut un dispositif spécial de protection de l'économie haïtienne52.  »

De manière plus générale, il a rappelé que «  l'espace local est actuellement un espace d'action réel  » et qu'il «  faut miser sur les femmes53  ». C’est au niveau local que le CECI a obtenu le plus de succès, même en période de crise et de retrait des bailleurs de fonds. D'autres témoins se sont dit en faveur de cette façon de faire. Éric Faustin, du Regroupement des organismes canado-haïtiens pour le développement (ROCAHD), a insisté sur l'importance en matière d'aide du secteur informel et communautaire, des projets de microcrédit pour les femmes et du renforcement des organisations de la société civile. Boyd McBride, de SOS Villages d’Enfants Canada, a déclaré au Comité : «  Il faudra faire plus, beaucoup plus, de développement communautaire de base à Haïti54.  »

Jean-Louis Roy, de Droits et Démocratie, a soutenu toutefois que le soutien pour la société civile doit évoluer pour favoriser la création de mouvements sociaux efficaces et des partenariats à long terme. Comme il le dit lui-même :

Je souhaite que, plutôt que d'aider les individus ou les groupes un à un, nous ayons une politique visant à consolider des secteurs de la société civile. Il doit y avoir une fédération des femmes haïtiennes interne. Il doit y avoir une grande coalition des défenseurs des droits humains. Elle existe, mais elle a besoin d'être enrichie. Il doit y avoir un regroupement des associations de jeunes, dont je reparlerai, puisque 52 p. 100 des Haïtiens ont moins de 25 ans.

Il s'agit donc de soutenir d'une façon systématique la consolidation d'une société civile durable de ces grands secteurs, d'assurer sa cohésion pour trois ou cinq ans, de la rendre capable de faire des propositions en matière de politiques économiques, sociales et culturelles et de la rendre capable de jouer le jeu des règles démocratiques. Il me semble que l'on devrait réfléchir à des partenariats de trois ans ou de cinq ans pour nous assurer que ce que nous faisons ne sera pas défait dans deux ou trois ans55.

M. Roy a aussi fait remarquer que le futur développement social et économique ne peut se faire quand 40 p. 100 des enfants haïtiens ne sont toujours pas scolarisés. Il dit espérer que le Canada appuiera une initiative d'éducation de base sur une grande échelle. Dans le secteur de l'éducation postsecondaire, Elena Alvarado d’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC) a elle aussi évoqué une initiative de coopération internationale en collaboration avec le gouvernement haïtien.

Pour importantes que soient les études, il faut que du travail attende la jeune majorité haïtienne au sortir de l’école, si bien que dans l'immédiat une priorité est encore une fois la création d'emplois durables par le secteur privé et les pouvoirs publics. Le Comité a relevé que le premier ministre Alexis a consacré une grande partie de son discours de politique générale du 6 juin 2006 à la nécessité de procéder à des réformes qui facilitent les investissements du secteur privé, indispensables à la relance économique d'Haïti.

On peut avoir l'impression que tout doit être fait en même temps. Il n’empêche que pour que le nouveau gouvernement d'Haïti ait une chance de réussir, il faut absolument que quelque chose soit fait dans l'immédiat pour donner aux Haïtiens de vrais débouchés et des moyens de subsistance durables sans abandonner les pauvres à eux-mêmes. De tous les problèmes à régler en Haïti, il en est un, d’ordre économique, qui est fondamental : les bons emplois offrant un salaire qui permet de soutenir une famille se font rares, en raison du manque de sécurité civile et de stabilité au pays qui repousse les investisseurs nationaux et étrangers.

RECOMMANDATION 5

Le Canada doit travailler avec ses partenaires internationaux et avec le nouveau gouvernement haïtien pour s'assurer qu’une priorité immédiate des plans de développement soit l’établissement d’un projet économique, la création d'emplois et des améliorations tangibles de la situation des classes pauvres haïtiennes. La stratégie globale de développement doit aussi accorder une attention particulière aux secteurs suivants : le développement rural et local, y compris la production agricole et la sécurité alimentaire; la scolarisation de base des enfants; le renforcement du pouvoir des femmes; la formation d’organisations syndicales et d'associations de la société civile fortes; et la création d'un climat propice aux investissements du secteur privé.

Étant donné le niveau de dégradation de l’environnement en Haïti, le Canada doit travailler avec ses partenaires internationaux et avec le nouveau gouvernement haïtien pour s’assurer qu’une priorité soit également accordée à la résolution des graves problèmes environnementaux auxquels fait face Haïti, tels que la déforestation responsable des graves inondations, la pollution des berges et l’accumulation de déchets dans les rues des villes et des villages, pour ne nommer que ces problèmes.

Créer les conditions nécessaires à la démocratie et à un État fonctionnel

Les témoins ont rappelé au Comité que même si la tenue d'élections relativement réussies a marqué un pas en avant pour Haïti, l'objectif reste de bâtir une société démocratique durable dotée d'institutions étatiques efficaces. Dans ce processus de longue haleine, les bailleurs de fonds comme le Canada devront s'armer de patience, car il n'y a pas de raccourci, a prévenu Pierre Racicot, président du conseil d'administration du CECI. Comme il l'a dit au Comité :

Il faudra agir tranquillement auprès des masses populaires pour essayer de les habiliter [...] Par un processus lent de partenariat, on pourra les amener à prendre conscience de leur propre capacité à se prendre en main et à établir tout doucement une vraie démocratie.

Présentement, à Haïti, on a les mécanismes d'une démocratie. Toutefois, on n'a pas une démocratie réelle dans la mesure où les gens n'ont pas une base suffisante de connaissances et de capacité à se renseigner. Ils ne se sentent pas habilités à voter, à prendre des décisions, à faire ce que nous, de la société civile, faisons en venant vous rencontrer et répondre à vos questions56.

De renchérir Michel Chaurette du CECI : «  Il faut cesser de penser que le pays n'est pas en crise parce qu'il a un gouvernement élu. Haïti est un pays en crise, et il le sera pour longtemps, et le fait d'élire un gouvernement n'y changera rien.  » Il insiste également sur la nécessité de développer la société civile à l'échelon local parce que «  [c’]'est aussi dans cet espace qu'on trouve des lieux d'apprentissage de la démocratie57  ».

En ce qui concerne les institutions politiques et de gouvernance, on a absolument besoin de mécanismes d'inclusion, de dialogue et de réconciliation (y compris entre les forces pro- et anti-Aristide). Que le gouvernement Préval-Alexis soit une coalition multipartite est encourageant, tout comme l'est l’existence d’un poste de ministre chargé des relations avec le Parlement. Toutefois, ainsi que l'a rappelé au Comité Thérèse Bouchard, directrice de l'unité droit, paix et démocratie du CECI :

Le Parlement n'a pas de grandes habitudes et de culture politique de fonctionnement. C'est un autre défi, et il nous faudra appuyer les Haïtiens dans leurs efforts pour y faire face. Puisque nous avons appuyé les efforts de démocratisation et puisqu'on revient à la normalité constitutionnelle en Haïti, il est important que nous mettions en œuvre les moyens nécessaires pour que cela réussisse. En démocratie, cela doit passer entre autres par la compétence des instances élues du Parlement haïtien58.

En ce qui concerne le développement des institutions parlementaires haïtiennes, le Comité a été particulièrement intéressé par l'exposé de Robert Miller et Joseph Kira du Centre parlementaire, qui est l'agence exécutive d'un projet canadien de cinq millions de dollars de renforcement du Parlement haïtien. Comme le souligne un récent document du PNUD, les assemblées législatives en situation de faiblesse par rapport au pouvoir exécutif le sont souvent encore plus en cas de conflit; pourtant, elles ont un rôle déterminant à jouer dans le dialogue et le redressement nationaux59.

Robert Miller a fait remarquer que «  des élections ne devraient jamais être envisagées comme une stratégie de retrait pour les joueurs de l'extérieur60  » parce qu’elles ne sont que le début d’un long et difficile processus de démocratisation. Il est tout à l'honneur du Canada d’avoir pris les devants et de s’être penché sur la question du renforcement de l'institution parlementaire, dimension souvent négligée dans les cadres de planification du développement. En même temps, MM. Miller et Kira n'ont pas caché les complexités et les questions délicates qui devront faire l'objet de négociations dans le contexte haïtien pour éviter que le projet ne coure à l’échec. De manière plus générale, M. Miller a déclaré au Comité que «  les programmes de soutien des parlements doivent porter une attention particulière à l'élargissement et à l'intensification de la participation des pauvres et des marginalisés. Bien entendu, c'est particulièrement important dans un pays comme Haïti où les pauvres représentent la majorité, mais il ne faut pas partir du principe que les institutions représentatives vont nécessairement prêter une attention particulière à ces groupes61.  »

Le Parlement haïtien éprouve de grands besoins dans presque tous les domaines. Tout en étant soucieux de respecter la souveraineté des Haïtiens sur leurs propres institutions et leur désir d'avoir la maîtrise d'œuvre du projet, M. Kira a esquissé devant le Comité plusieurs voies que le Centre parlementaire espère emprunter à longue échéance62 avec son partenaire haïtien.

Conformément à ce que nous avons entendu et appris pendant les trois missions que nous avons effectuées en Haïti, l'un des axes de notre intervention se situera au niveau de la formation du personnel administratif du Parlement et des parlementaires eux-mêmes, en mettant l'accent sur le travail qui se fait en commission parlementaire.

Aussi, compte tenu de la relation traditionnellement difficile entre l'exécutif et le Parlement, nous pensons pouvoir offrir une contribution utile dans ce domaine, que ce soit, par exemple, au niveau du travail qui est fait en commission parlementaire ou au niveau des rapports que fait l'exécutif au Parlement.

Un autre volet de notre intervention consiste à offrir notre concours au leadership parlementaire haïtien dans ses efforts visant à assurer une plus grande ouverture des institutions parlementaires aux citoyennes et aux citoyens, avec pour objectif de redonner au Parlement une crédibilité et une reconnaissance dont il a tant besoin63.

M. Miller a également suggéré la possibilité d'une aide technique du Parlement canadien au Parlement haïtien, allant jusqu'à dire que «  le Comité pourrait peut-être se jumeler à un Comité équivalent de la Chambre des députés d'Haïti64  ». Pour les membres du Comité, il faudrait que l'initiative vienne du Parlement d'Haïti et que celui-ci demande l'aide parlementaire du Canada; alors seulement la faisabilité du projet pourrait-elle être soigneusement étudiée. Tout projet en ce sens devrait respecter la souveraineté d’Haïti, correspondre parfaitement aux besoins de la société haïtienne et être de nature à accroître la capacité des Haïtiens d’embrasser des réformes.

RECOMMANDATION 6

Le Canada devrait s’assurer du maintien et de la consolidation des infrastructures électorales mises en place. Dans cet esprit il devrait fournir un plus grand soutien, tant financier que logistique, afin d’assurer la tenue des élections municipales, dont celles qui sont prévues pour décembre 2006. La tenue de ces élections est essentielle pour la sauvegarde de tout le travail qui a été accompli et pour éviter que le gouvernement ait la tentation de nommer les maires et ainsi reproduire une situation qui a constitué une des plus grandes sources de corruption en Haïti dans le passé.

Au-delà de la poursuite de l'assistance électorale, le Comité appuie vigoureusement la participation à long terme du Canada dans la création d’institutions démocratiques et de bonne gouvernance durables en Haïti. En particulier, le Canada devrait s’efforcer de solidifier le régime parlementaire en Haïti dans le but d’assurer une meilleure représentation de tous les citoyens au Parlement national.

V.     Vers une stratégie à long terme durable de participation du Canada

Ce qui a le plus miné les efforts extérieurs de la dernière décennie en vue de faire d'Haïti un État démocratique stable, fonctionnel, pluriel et moderne au service de tous ses citoyens, c'est la propension à vouloir sortir de la crise à la hâte. Les décideurs d'aujourd'hui doivent résister à la tentation d'intervenir uniquement lorsque la crise atteint son paroxysme, de stabiliser le pays, de tenir des élections pour ensuite atrophier leur présence et leur participation. Dans un monde où il y a autant de crises, peut-être est-il effectivement difficile de maintenir l'intérêt de la communauté internationale pour un pays aussi petit qu'Haïti — surtout quand on a eu tant de mal à obtenir et maintenir des succès dans ce pays et quand apparaît chez beaucoup de protagonistes internationaux une «  lassitude à l'endroit d'Haïti  ». Dans le cas des États-Unis et du Canada, toutefois, la proximité d'Haïti, la présence et l'influence grandissantes de leurs diasporas et l'importance de ce pays des Antilles en tant que problème international et de politique intérieure contraignent non seulement à un engagement soutenu mais aussi à un leadership soutenu en vue de conserver l’engagement des autres participants.

Robert Maguire65

Des situations comme celle d’Haïti sont particulièrement complexes d'au moins trois manières qui sont importantes pour les décideurs. Premièrement, elles exigent un grand éventail d'interventions, dont la sécurité, le développement et la diplomatie...Deuxièmement, ce sont des situations extrêmement imprévisibles à cause de nombreuses formes d'insécurité et d'instabilité politique. Elles sont particulièrement imprévisibles pour la population du pays, mais aussi pour ceux qui y travaillent, car des opérations qui autrement seraient normales deviennent risquées et dangereuses. Enfin, elles comportent généralement des risques élevés pour les pays qui interviennent, y compris le Canada.

Robert Miller66

Le Comité ne se berce pas de l'illusion que la solution au problème d'Haïti est à portée de main ou que l'aide du Canada peut en elle-même faire de l'État fragile haïtien une démocratie fonctionnelle. Un effort à très long terme de volonté politique doit être consenti tant par la communauté internationale que par le gouvernement haïtien, travaillant ensemble vers une vision commune de développement pour Haïti. Solidaire de cet effort de collaboration, il faut que le Canada, parmi les premiers partisans d'élections valides en Haïti en 2006 continue de manifester sa détermination d'accompagner Haïti sur le long chemin qui l'attend.

Le Comité accueille avec satisfaction l'assurance du ministre MacKay que ce sera le cas — que «  le Canada y sera donc pour une période indéfinie  ». Il se réjouit également de l'annonce du 25 juillet 2006 du gouvernement d’un réengagement financier de cinq ans de 500 millions de dollars pour Haïti. En vérité, il faudra regarder même au-delà de 2011 et du mandat de l'actuel gouvernement Préval. Comme les analyses de la situation d'Haïti l'ont montré, les bailleurs de fonds ont été par le passé trop empressés de reculer ou de se retirer quand la situation s'est corsée, perdant ainsi leurs investissements et devant intervenir à nouveau quelques années plus tard en payant le prix fort. Les témoins ont exhorté à la patience, à ne pas s'attendre à une solution rapide et à se préparer à des revers.

Le Comité est également bien au fait des jugements sans fard des insuffisances passées des bailleurs de fonds — fragmentation des projets, conditionnalités inappropriées et inefficaces, piètre coordination, entre autres — qui ont été admises dans les études d'évaluation des donateurs, dont celles de l’ACDI et du Cadre de coopération intérimaire. Ce qui compte maintenant, c'est que toutes ces leçons soient apprises et que les bailleurs de fonds ne négligent rien pour travailler avec le gouvernement nouvellement élu d'Haïti pour donner au pays le plus pauvre de l'hémisphère une véritable chance de sortir de son état de crise prolongée. Les bailleurs de fonds doivent agir aussi rapidement que possible pour ne pas laisser échapper l'occasion.

Dans le sillage de la conférence d'annonce de contributions des bailleurs de fonds et de la prorogation du mandat de la MINUSTAH par les Nations Unies à l'été de 2006, le Canada doit continuer de proclamer son attachement à une stratégie à long terme de sécurité humaine, de développement et de démocratisation en Haïti. Nous avons énuméré ici certaines des tâches difficiles qui doivent être accomplies pour que cette stratégie puisse s’inscrire dans la durée.

Les interventions complexes mettent à l'épreuve l’ingéniosité et la détermination de la politique internationale du Canada. En Haïti comme ailleurs, il est possible d'admettre sans faux-fuyants les erreurs du passé, d'en tirer les enseignements et de les éviter dans l'avenir. En améliorant son intervention en Haïti, le Canada peut à la fois faire œuvre utile auprès de la population haïtienne et faire progresser ses propres intérêts à long terme dans un monde plus stable et plus démocratique. Cette leçon d'espoir est la plus importante que le Comité tire de son examen de la situation périlleuse d'Haïti et des possibilités ouvertes par les élections.

RECOMMANDATION 7

Dans le cadre des énoncés de politique réclamés dans les recommandations 1 et 2, le Canada devrait souscrire officiellement à une stratégie pangouvernementale pour Haïti qui envisage une participation d'une durée d'au moins dix ans et qui précise que le financement à long terme — au-delà des affectations de cinq ans déjà annoncées en juillet 2006 — sera disponible pour appuyer sans réserve cette stratégie.

Il faut aussi songer à éliminer la dette bilatérale et multilatérale d’Haïti, qui s’élevait à 1,3 milliard de dollars américains en 2005 et qui oblige le gouvernement haïtien à affecter annuellement quelque 60 millions de dollars américains à son remboursement. Le Canada, de concert avec d’autres pays et organisations internationales, devrait œuvrer à l’élimination de la dette d’Haïti, en accord avec l’Initiative d’aide aux pays pauvres très endettés.

Le Canada devrait également prêter son concours et son soutien aux organisations de la société civile. Une stratégie d’aide à long terme avec Haïti doit inclure à la fois le gouvernement et la société civile.


1«  Introduction  » dans Yasmine Shamsie et Andrew Thompson (coord. de la publication), Haiti: Hope for a Fragile State, Wilfrid Laurier University Press, Waterloo, 2006, p. 1.
2FAAE, Témoignages, séance no 6, 31 mai 2006, p. 13. Le surintendant principal Beer a servi en Haïti à titre de commissaire de police de l’ONU au sein de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).
3Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE) de la Chambre des communes, Témoignages, séance no 5, 30 mai 2006, p. 2.
4Extrait de «  Haiti : An Uphill Struggle  », The Economist, 24 juin 2006, p. 46.
5Selon le deuxième indice annuel des États en déroute publié par le magazine Foreign Policy, Haïti est le huitième État le plus vulnérable au monde. Parmi les dix premiers figurent le Soudan, la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire, l’Iraq, le Zimbabwe, le Tchad, la Somalie, le Pakistan et l’Afghanistan (numéro mai/juin, p. 53).
6Agence canadienne de développement international (ACDI), «   Le gouvernement du Canada démontre son appui à la reconstruction d'Haïti  », communiqué de presse, 25 juillet 2006 (consultable en ligne à l’adresse http://www.acdi-cida.gc.ca/cidaweb/acdicida.nsf/Fr/MIC-72594751-J7H?OpenDocument ). D'après le gouvernement, l'aide est censée appuyer les priorités du gouvernement nouvellement élu d'Haïti pendant son mandat de cinq ans. La somme sera composée de 485 millions provenant de l'ACDI, de 15 millions du Fonds pour la paix et la sécurité dans le monde du ministère des Affaires étrangères et de 20 millions au moyen de l'Arrangement pour la police civile au Canada (GRC) dans le cadre de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).
7Sur les 520 millions de dollars d'engagement financier canadien destiné à Haïti pour la période de 2006 à 2011, 135,5 millions seront affectés à la période de prorogation du CCI allant de juillet 2006 à septembre 2007.
8FAAE, Témoignages, séance n5, 30 mai 2006, p. 17. Dans l’indice annuel de corruption publié par Transparency International le 6 novembre 2006, un document qui indique à quel point la corruption est un problème grave et persistant, Haïti arrive au dernier rang parmi les 163 pays recensés.
9FAAE, Témoignages, 38e législature, 1re session, séance no 33, 14 avril 2005, p. 10.
10ACDI, « Sur la voie du rétablissement : Briser le cycle de la pauvreté et de la fragilité — Lignes directrices pour une coopération au développement efficace dans les États fragiles », novembre 2005, p. 6.
11On trouvera en ligne à l'adresse suivante le texte des principes du CAD de l’OCDE : http://www.olis.oecd.org/olis/2005doc.nsf/7b20c1f93939d029c125685d005300b1/69ed09cbd4848acac1256fdc0036925d/$FILE/JT00188127.PDF#search=%22Principes%20pour%20l%E2%80%99engagement%20international%20dans%20les%20%C3%89tats%20fragiles%22.
12Ibid., pp. 13-14 (en gras dans l'original).
13Ibid., p. 29.
14FAAE, Témoignages, séance no 14, juin 2006, p. 19.
15Le rapport du Comité recommandant un tel cadre a été déposé à la Chambre des communes le 13 juin 2005 et adopté par celle-ci le 28 juin de la même année.
16FAAE, Témoignages, séance no 5, 30 mai 2006, p. 4.
17Pour plus de preuves de la gravité de la situation depuis le départ forcé de l’ancien président élu Jean-Bertrand Aristide en 2004, voir Athena Kolbe et Royce Hutson, “Human rights abuse and other criminal violations in Port-au-Prince, Haiti: a random survey of households”, publié en ligne dans The Lancet, 31 août 2006 (www.thelancet.com). «  Nos résultats, disent les auteurs, indiquent que le crime et la violation systématique des droits de l’homme sont courants à Port-au-Prince. Même si des criminels sont le plus souvent identifiés comme les auteurs de ces actes, des acteurs politiques et des soldats de l’ONU le sont aussi fréquemment. Ces observations montrent qu’il faut une intervention systématique du gouvernement nouvellement élu d’Haïti, de l’ONU et des organismes de services sociaux pour remédier aux conséquences juridiques, médicales, psychologiques et économiques de la criminalité et des violations généralisées des droits de l’homme.  »
18Cadre de coopération intérimaire 2004-2006, Rapport de synthèse, juillet 2004, p. ix.
19Suzy Castor, “La difficile sortie d’une longue transition”, dans Shamsie et Thompson (2006), p. 125.
20Voir Programme des Nations Unies pour le développement. Human Development Report 2006, Palgrave Macmillan, Houndmills and New York, 2006, Table 1, p. 285 http://hdr.undp.org/hdr2006/pdfs/report/HDR06-complete.pdf .
21David Malone et Sebastian von Einsiedel, «  Peace and Democracy for Haiti: A UN Mission Impossible  », International Relations, Vol. 20, No 2, 2006, p. 153. Les auteurs présentent une analyse critique détaillée des insuffisances des efforts sanctionnés par l’ONU en Haïti depuis 1990.
22FAAE, Témoignages, 37e législature, troisième session, séance no 9, 30 mars 2004.
23Cadre de coopération intérimaire 2004-2006, Rapport de synthèse, juillet 2004, pp. 5-6.
24ACDI, « Coopération canadienne avec Haïti : Réflexion sur une décennie de ‘partenariat difficile’ », décembre 2004.
25ACDI, «  Coopération Canada- Haïti, Synthèse des résultats dans le contexte du Cadre de Coopération Intérimaire (Avril 2004 — Mars 2006) — Rapport final », juillet 2006.
26FAAE, Témoignages, séance no 14, 21 juin 2006, p. 12.
27International Crisis Group, Haïti après les élections: Défis pour les 100 premiers jours de Préval, Briefing Amérique Latine/Caraïbes n°10, Port-au-Prince/Bruxelles, 11 mai 2006, p. 1 (http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=4104&l=2).
28FAEE, Témoignages, mercredi 14 juin 2006, p. 3.
29FAAE, Témoignages, séance no 5, 30 mai 2006, p. 17.
30International Crisis Group, Haïti : sécurité et réintégration de l’État, Briefing Amérique Latine/Caraïbes no 12, Port-au-Prince/Bruxelles, 30 octobre 2006, p. 1 http://www.crisisgroup.org/library/documents/latin_america/b12_haiti_security_and_the_reintegration_of_the_state.pdf.
31FAAE, Témoignages, séance no 6, 31 mai 2006, p. 14.
32Depuis juin 2006, l’effectif autorisé de la MINUSTAH se compose d'un contingent de 7 200 militaires — auxquels les Forces canadiennes fournissent cinq hauts gradés au Quartier général de la Mission — et 1 800 policiers civils (CIVPOL), dont 100 Canadiens et 25 autres policiers à la retraite agissant comme conseillers. Le commandant de la force de l'ONU est brésilien et son pays fournit 1 200 soldats, soit le plus important contingent de tous les pays.
33Au sujet des graves difficultés avec lesquelles est confrontée la MINUSTAH, voir également Col. Jacques Morneau, «  Reflections on the Situation in Haiti and the Ongoing UN Mission  », dans Shamsie et Thompson (2006), chapitre 5.
34FAAE, Témoignages, séance no 6, 31 mai 2006, p. 19.
35Dans l'annonce du 25 juillet 2006 au sujet du financement quinquennal (2006-2011) accordé à Haïti, le gouvernement a répété son engagement en faveur d'un effectif de police de cette taille à la MINUSTAH.
36FAAE, Témoignages, séance no 13, 20 juin 2006, p. 11.
37MINUSTAH: DDR and Police, Judicial and Correctional Reform in Haiti — Recommendations for Change, juillet 2006, consultable en ligne à l’adresse: http://www.actionaid.org/wps/content/documents/ActionAid%20Minustah%20Haïti%20Report%20July%202006.pdf . DDR signifie désarmement, démobilisation, réintégration à Haïti.
38FAAE, Témoignages, séance no 11, 14 juin 2006, p. 4.
39Le 15 août 2006, aux termes de la résolution 1702, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé à l'unanimité de proroger de six mois le mandat de la MINUSTAH et de la doter d’un « contingent d'un maximum de 7 200 militaires de tous les rangs et d'un maximum de 1 951 policiers civils  ». Reconnaissant la nécessité de renforcer la capacité de la mission, «  la résolution prie donc instamment les États Membres de mettre un nombre suffisant de candidats policiers qualifiés, en particulier francophones, à la disposition de la MINUSTAH et de détacher auprès d’elle des experts de la lutte antigang ». Le Conseil a également demandé que «  16 spécialistes des questions pénitentiaires [soient] détachés par les États Membres afin d’aider le Gouvernement haïtien à remédier aux carences du système pénitentiaire ». Même si dans son rapport le secrétaire général avait demandé au conseil une prorogation de douze mois du mandat, les États-Unis ont tenu à le limiter à six mois. La formule de compromis figurant dans la résolution se lit comme suit : «  jusqu'au 15 février 2007, dans l'intention de le proroger de nouveau ». (On trouvera en ligne la résolution et son contexte à l’adresse: http://www.un.org/News/fr-press/docs/2006/CS8811.doc.htm).
40FAAE, Témoignages, séance no 6, 31 mai 2006, p. 4.
41FAAE, Témoignages, séance no 14, 21 juin 2006, p. 2.
42FAAE, Témoignages, séance no 9, 7 juin 2006, p. 12.
43FAAE, Témoignages, séance no 14, 21 juin 2006, p. 2-3.
44Haïti : sécurité et réintégration de l’État, p. 10.
45Ibid.
46FAAE, Témoignages, séance n6, 31 mai 2006, p. 18.
47FAAE, Témoignages, séance no 13, 20 juin 2006, p. 11.
48Ibid., p. 12.
49FAAE, Témoignages, séance no 11, 14 juin 2006, p. 3.
50FAAE, Témoignages, séance no 6, 31 mai 2006, p. 3.
51Ibid., voir également Shamsie, «  The Economic Dimension of Peacebuilding in Haiti,  », dans Shamsie et Thompson (2006), chapitre 3.
52FAAE, Témoignages, séance no 13, 20 juin 2006, p. 12.
53Ibid.
54FAAE, Témoignages, séance no 11, 14 juin 2006, p. 2.
55FAAE, Témoignages, séance no 14, 21 juin 2006, p. 3.
56FAAE, Témoignages, séance no 13, 20 juin 2006, p. 10.
57Ibid., p. 12.
58Ibid. p. 10.
59Programme des Nations Unies pour le développement, Parliaments, Crisis Prevention and Recovery: guidelines for the international community, New York, 2006.
60FAAE, Témoignages, séance no 10, 13 juin 2006, p. 10.
61Ibid., p. 11.
62Le projet actuel est d'une durée de trois ans; M. Miller s'est toutefois dit en faveur d'un financement sur une période plus réaliste de quatre à cinq ans.
63FAAE, Témoignages, séance no 10, 13 juin 2006, p. 12.
64Ibid., p. 14.
65«  Assisting a Neighbour: Haiti’s Challenge to North American Policy-Makers  », dans Shamsie et Thompson (2006), chapitre 2, p. 32-33.
66FAAE, Témoignages, séance no 10, 13 juin 2006, p. 10.