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ETHI Rapport du Comité

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Rapport dissident du Bloc Québécois

23 avril 2007

Le Bloc Québécois a participé activement et de manière responsable à l’étude de la Partie 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Bien que nous ayons proposé certains aménagements afin de « limiter les dégâts », le Bloc Québécois tient à réitérer son total désaveu de cette loi, adoptée en 2000, et qui a été largement dénoncée par le gouvernement du Québec, les entreprises, les consommateurs, le Conseil du patronat, les éditorialistes, les constitutionnalistes, etc.

La LPRPDE : un exemple de prédation fédérale

Rappelons que la LPRPDE a été adoptée dans la controverse à la fin des années 1990, lorsque le projet de loi C-61 a reçu la sanction royale. Essentiellement, le gouvernement du Québec et les provinces ont plaidé que, bien que le gouvernement fédéral tente d'appuyer la légitimité de la LPRPDE sur sa compétence en matière de réglementation des échanges et du commerce, la protection des renseignements personnels relève du Québec et des provinces en vertu du pouvoir constitutionnel en matière de propriété et de droits civils. À ce sujet, voici ce que disait un constitutionnaliste québécois :

« Le projet de loi C-54, selon moi, viole l'esprit et la lettre du partage des compétences, tel qu'on doit le comprendre en ce pays.  Il met de l'avant une approche arrogante et importune à l'égard des compétences provinciales. […]  La protection de la vie privée est une compétence essentiellement de principe des provinces.  Au Québec, par exemple c'est la propriété et les droits civils, c'est le Code civil, c'est la loi québécoise qui s'applique, en plus des chartes canadiennes et québécoises. »

Jacques Frémont, constitutionnaliste, Université de Montréal

Au Québec, les renseignements personnels sont protégés

Au Québec, la loi fédérale ne fait que chevaucher des dispositions existantes :

  • la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé protège les renseignements personnels des Québécois depuis 1993;
  • la Charte québécoise des droits reconnaît explicitement à son article 5 que toute personne a droit au respect de sa vie privée;
  • le Code civil (chapitre 3, plus particulièrement les articles 36 à 40) contient des dispositions sur la protection de la vie privée.

De plus, notons que les entreprises de juridiction fédérale faisant affaire au Québec étaient déjà couvertes par la Loi québécoise. En effet, les droits des Québécoises et Québécois à la protection de leurs renseignements personnels sont protégés par la loi québécoise, qu'ils fassent affaire avec une entreprise de juridiction provinciale ou une entreprise de juridiction fédérale. Le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadiens a consacré un volume à la protection des renseignements personnels dans ce secteur, rédigé par Richard Owen et publié en septembre dernier. On peut y lire : 

« À la lecture du libellé de la Loi, on constate qu'elle s'applique autant aux banques qu'aux autres institutions financières.  (…) En l'absence de lois fédérales en la matière, une loi adoptée par un gouvernement provincial pourrait s'appliquer à un domaine de compétence fédérale à moins qu'elle n'empêche le gouvernement fédéral d'accomplir les devoirs qui lui incombent habituellement. »2 

De plus, le rapport précise que la Loi québécoise s'appliquait aussi déjà au commerce interprovincial et international. 

« En outre cette loi a des conséquences qui ne se limitent pas qu'au territoire québécois.  Les institutions nationales établies un peu partout au pays devront composer avec ses dispositions en matière de transmission de renseignements personnels (concernant des résidants du Québec) à l'extérieur du Québec. »3

La LPRPDE confère au gouvernement fédéral le pouvoir d’invalider une loi québécoise

La loi fédérale s'applique à l'ensemble des activités commerciales, à moins que le gouverneur en conseil décrète, s'il est convaincu qu'une province a adopté une loi essentiellement similaire, de l'exempter en tout ou en partie.

En décembre 2003, le gouvernement fédéral a pris un décret4 d'exclusion visant des organisations du Québec. Malheureusement, non seulement ce pouvoir, prévu à l'article 26(2)b5, est laissé à la seule discrétion du gouvernement, mais il ne concerne que les renseignements qui demeurent sur le territoire du Québec et qui sont gardés par des entreprises de juridiction provinciale. 

Ainsi, par cet article, le gouverneur en conseil pourrait, par décret, décider s’il lui sied d'invalider complètement ou seulement en partie les lois du Québec, sans même en référer au Parlement. Le Bloc Québécois ne peut accepter une telle situation.


[1] C-6 succédait au projet de loi C-54, mort au Feuilleton en septembre 1999.

[2] Le Groupe de travail sur l'avenir des services financiers canadiens .- La protection des renseignements personnels dans le secteur des services financiers au Canada, par OWENS, Richard, septembre 1998, p. 79-80

[3] Op. cit. , p. 82

[5] 26(2)b) s’il est convaincu qu’une loi provinciale essentiellement similaire à la présente partie s’applique à une organisation — ou catégorie d’organisations — ou à une activité — ou catégorie d’activités — , exclure l’organisation, l’activité ou la catégorie de l’application de la présente partie à l’égard de la collecte, de l’utilisation ou de la communication de renseignements personnels qui s’effectue à l’intérieur de la province en cause.