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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des langues officielles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 31 mai 2005




¿ 0910
V         Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.))
V         L'hon. Liza Frulla (ministre du Patrimoine canadien)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC)
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Guy Lauzon

¿ 0925
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Guy Lauzon
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Guy Lauzon
V         Le président
V         M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ)

¿ 0930
V         L'hon. Liza Frulla

¿ 0935
V         M. Guy André
V         Le président
V         M. Guy André
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Guy André
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Guy André
V         L'hon. Liza Frulla
V         Le président
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)

¿ 0940
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Michel Francoeur (avocat général et directeur, Services juridiques, ministère du Patrimoine canadien)

¿ 0945
V         Le président
V         M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.)
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Michel Francoeur
V         M. Marc Godbout

¿ 0950
V         M. Michel Francoeur
V         M. Marc Godbout
V         M. Michel Francoeur
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Marc Godbout
V         Le président
V         M. Andrew Scheer (Regina—Qu'Appelle, PCC)
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Andrew Scheer

¿ 0955
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Andrew Scheer
V         L'hon. Liza Frulla
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)

À 1000
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les Patriotes, BQ)
V         Mme Françoise Boivin
V         L'hon. Liza Frulla
V         Le président
V         M. Stéphane Bergeron

À 1005
V         L'hon. Liza Frulla

À 1010
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin

À 1015
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC)
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Maurice Vellacott
V         L'hon. Liza Frulla
V         Le président
V         L'hon. Liza Frulla

À 1020
V         M. Maurice Vellacott
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Maurice Vellacott
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Maurice Vellacott
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Maurice Vellacott
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Maurice Vellacott
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Guy André

À 1025
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Guy André
V         M. Michel Francoeur
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.)

À 1030
V         L'hon. Liza Frulla
V         L'hon. Raymond Simard
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Michel Francoeur
V         Le président
V         M. Yvon Godin

À 1035
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         M. Yvon Godin
V         L'hon. Liza Frulla
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Michel Francoeur
V         Le président
V         M. Michel Francoeur

À 1040
V         M. Yvon Godin
V         Le président










CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 035 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Français]

+

    Le président (M. Pablo Rodriguez (Honoré-Mercier, Lib.)): Bonjour à tous. Welcome to all of you. Nous sommes de retour d'une semaine de relâche parlementaire, et je vois beaucoup de sourires autour de la table. Il fait beau soleil aujourd'hui. Il y a un nouveau marié parmi nous, M. Lauzon, qui revient de sa lune de miel avec un grand sourire.

    Nous sommes ici pour poursuivre notre étude du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles. Nous avons le plaisir d'accueillir la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Liza Frulla, qui va commencer par une courte allocution. Par la suite, nous poursuivrons avec les questions et les interventions des membres du comité.

    Bienvenue, madame la ministre. Je vous cède la parole.

+-

    L'hon. Liza Frulla (ministre du Patrimoine canadien): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Bonjour à tous. C'est une belle journée.

    Je suis accompagnée par M. Hubert Lussier, que vous connaissez, et par Me Michel Francoeur, qui a discuté avec vous des tenants et des aboutissants du projet de loi S-3.

    Je suis heureuse de m'exprimer sur le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles. Ce projet de loi a aussi comme objectif la promotion du français et de l'anglais. Il a été soumis à l'origine au Sénat par l'honorable Jean-Robert Gauthier. D'ailleurs, je voudrais féliciter M. Gauthier pour sa ténacité et son engagement envers la politique canadienne des langues officielles, le projet de loi S-3 étant le quatrième projet de loi qu'il a présenté sur ce sujet.

    Le projet de loi S-3 vise à modifier la Loi sur les langues officielles afin d'imposer aux institutions fédérales une obligation justiciable d'assurer la mise en oeuvre de l'engagement fédéral prévu à la partie VII de la loi. Le gouvernement partage l'objectif d'imputabilité accrue que poursuit le projet de loi S-3. J'aimerais à cet égard rappeler l'engagement non équivoque du gouvernement du Canada à promouvoir la dualité linguistique du pays.

    En premier lieu, le gouvernement s'est explicitement engagé, tel que l'indiquent les récents discours du Trône, à réaffirmer la dualité linguistique en tant que valeur fondamentale du pays et à promouvoir la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

    Deuxièmement, j'aimerais rappeler que le Cabinet compte maintenant un ministre responsable des langues officielles chargé de la coordination horizontale de la mise en oeuvre de la politique des langues officielles.

    Troisièmement, le gouvernement du Canada s'emploie à la pleine mise en oeuvre de son Plan d'action pour les langues officielles, au coeur duquel se situent notamment les enjeux liés à la gouvernance de la politique sur les langues officielles. Je crois d'ailleurs important de préciser ici certaines dimensions du plan à cet égard.

[Traduction]

    Le plan d'action, c'est la nouvelle feuille de route de la dualité linguistique au Canada. Il se compose d'un cadre d'imputabilité et de coordination ainsi que d'une stratégie d'investissement comportant trois grands axes : l'éducation, le développement des communautés minoritaires des langues officielles et des mesures destinées à rendre la fonction publique exemplaire. Le cadre d'imputabilité et de coordination, pivot du plan d'action, vise l'ensemble de la loi. Il rappelle les obligations de chaque institution fédérale en vertu de parties I à V de la Loi sur les langues officielles, et spécifie les modalités de mise en oeuvre de la partie VII, dont il est question aujourd'hui.

    Son objet est vaste et sa portée est grande : S'assurer que la dimension « langues officielles » figure dans la conception et dans la mise en oeuvre des politiques publiques et des programmes gouvernementaux. Ainsi, le nouveau cadre précise qu'afin de mettre en oeuvre l'engagement fédéral prévu à la partie VII, les institutions fédérales doivent sensibiliser leurs employés aux engagements gouvernementaux et aux préoccupations des communautés, identifier leurs politiques et leurs programmes ayant des incidences sur le statut des deux langues officielles et sur l'épanouissement des communautés, consulter ces dernières et tenir compte de leurs besoins. Le cadre d'imputabilité et de coordination comprend aussi toute une série de dispositions qui renforcent la coordination horizontale.

[Français]

    Bref, le plan d'action et son cadre d'imputabilité et de coordination vont dans le sens d'une meilleure concertation et de meilleurs résultats et, ce faisant, démontrent combien l'engagement et les actions du gouvernement rejoignent les visées du projet de loi S-3, à savoir amener les institutions fédérales à faire davantage en vue d'appuyer la dualité linguistique du pays et, à cette fin, d'accroître leur imputabilité.

    Je dois cependant exprimer des réserves quant au libellé actuel des dispositions du projet de loi. En effet, il m'apparaît que celles-ci peuvent comporter des répercussions dont on mesure mal l'étendue à ce moment-ci, et qui pourraient s'avérer néfastes.

    Je rappelle que le projet de loi S-3 remplace un engagement de politique non justiciable, c'est-à-dire un engagement fondé en grande partie sur le pouvoir de dépenser, par une obligation de prise de décisions et d'atteinte de résultats. Le projet de loi S-3 crée cette obligation à l'égard d'un objectif très large et plutôt difficile à évaluer, contrairement aux parties I, II, IV et V de la loi, qui visent des situations précises, comme la langue des lois et des règlements, des débats parlementaires, des services au public et la langue de travail.

    De plus, l'obligation d'atteindre des résultats devient justiciable, c'est-à-dire qu'elle peut être l'objet d'un recours devant les tribunaux.

    L'adoption de ce projet de loi, ainsi libellé, pourrait avoir deux répercussions majeures.

[Traduction]

    D'abord, il pourrait affecter considérablement les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. En effet, de nombreux domaines prioritaires reliés au développement des communautés minoritaires des langues officielles relèvent du champ de compétence des provinces et des territoires, et il serait extrêmement difficile pour le gouvernement d'atteindre les résultats exigés sans la collaboration d'autres niveaux de gouvernement.

    Je vous rappelle que le projet de loi exigerait notamment du ministre du Patrimoine canadien qu'il prenne « des mesures pour assurer la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne ». Dans ces conditions, s'activer à obtenir les résultats voulus par la partie VII de la loi pourrait engendrer d'importantes pressions sur les relations fédérales-provinciales-territoriales.

    Ensuite, le projet de loi S-3 pourrait également avoir comme effet de réduire de façon substantielle la marge de manoeuvre du gouvernement dans sa capacité d'élaborer des politiques et des programmes ainsi que dans l'exercice de son pouvoir de dépenser. Les décisions des ministres seraient assujetties à la révision des tribunaux, et les cours pourraient donc prescrire la modification ou l'annulation d'initiatives gouvernementales.

¿  +-(0915)  

[Français]

    Je crois donc que le projet de loi devrait être amélioré pour que, tout en atteignant son objectif premier — accroître l'imputabilité des institutions fédérales dans la mise en oeuvre de la partie VII de la loi —, il respecte la capacité dont doit disposer le gouvernement fédéral dans ses discussions avec les provinces et territoires, dans ses choix de politiques et de programmes, ainsi que dans l'exercice de son pouvoir de dépenser.

    Il importe de préserver la relation de partenariat que nous avons avec les provinces et territoires depuis plus de 30 ans dans les multiples domaines où nous joignons nos efforts.

    Il m'apparaît que la meilleure façon de procéder à cette fin serait de faire porter les obligations des institutions fédérales sur des mesures de moyens à prendre en vue de la mise en oeuvre de l'engagement du gouvernement plutôt que sur les résultats à atteindre. Soyons clairs: nous sommes tous d'avis qu'il importe d'assurer de saines relations entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires. Or, est-il raisonnable d'exiger du gouvernement fédéral qu'il atteigne des résultats tout en sachant que cela serait extrêmement difficile sans la collaboration des provinces?

    Je rappelle d'ailleurs à ce sujet que l'engagement fédéral prévu à la partie VII de la Loi sur les langues officielles de 1988, de nature déclaratoire et non justiciable, a été justement énoncé comme tel en raison des sérieuses préoccupations qu'avaient alors exprimées les provinces et les territoires quant aux pressions que le gouvernement fédéral pourrait être amené à exercer, afin que des actions soient prises dans des champs qui ne relèvent pas de sa compétence.

    J'aimerais m'assurer ici que mon propos soit bien compris de tous. Faire porter les obligations sur des mesures de moyens à prendre plutôt que sur des résultats à atteindre ne vise pas à éviter un empiètement du gouvernement fédéral sur des compétences provinciales, car il va de soi qu'une loi fédérale ne peut sanctionner un tel empiètement. Cela est inscrit dans la Constitution.

    La modification que je propose vise plutôt à réduire les risques de tensions politiques qui pourraient être provoquées par le désir d'une institution fédérale d'obtenir des résultats exigés par la loi, mais dont l'atteinte dépendrait d'autres ordres de gouvernement.

[Traduction]

    Les propositions que vous a soumises mon collègue la semaine dernière se fondent donc sur une approche qui cible les moyens plutôt que les résultats, et s'inscrivent en continuité, tout en les renforçant, des engagements du gouvernement à l'égard de la promotion du français et de l'anglais dans la société canadienne. Ainsi, en vertu de ces propositions, les institutions fédérales se verraient tenues, lorsqu'elles élaborent des politiques ou des programmes, de vérifier l'incidence de chaque politique ou programme sur la promotion du français et de l'anglais; de consulter, s'il y a lieu, les organismes intéressés, notamment ceux qui représentent les minorités francophones et anglophones du Canada; et de tenir compte des incidences de la promotion du français et de l'anglais et du résultat des consultations. Les obligations du ministre du Patrimoine canadien seraient également assujetties à une prise de mesures similaires.

[Français]

    J'aimerais insister sur le fait que de telles mesures de moyens, lesquels seraient, je le rappelle, justiciables, sont très loin d'être banales ou négligeables. L'obligation justiciable de tenir compte des incidences de tels programmes ou politiques sur la promotion du français et de l'anglais serait fort significative et amènerait les institutions fédérales à répondre de façon plus appropriée aux besoins des communautés minoritaires et aux intérêts de la dualité linguistique dans son ensemble. C'est d'ailleurs en ce sens que se prononçait la commissaire aux langues officielles dans le cadre de son dernier rapport annuel de 2003-2004. Elle y indiquait, et je cite:

Les institutions assujetties à la Loi doivent normalement prendre en considération les besoins des communautés de langue officielle dans l'élaboration des politiques et des programmes.

    Cette exigence aurait une portée beaucoup plus grande si son caractère exécutoire était clairement établi. En effet, toutes les institutions devraient considérer de façon plus approfondie et rigoureuse les répercussions des politiques et programmes sur les communautés pour s'assurer qu'elles favorisent leur développement. La commissaire concluait en recommandant au gouvernement de clarifier par voie législative ou réglementaire la partie VII en précisant à la fois son caractère obligatoire et les modalités de sa mise en oeuvre par les institutions fédérales aux termes de l'article 41 de la loi. Il m'apparaît que les propositions mises de l'avant par mon collègue s'inscrivent tout à fait dans cette ligne de pensée.

    Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion d'exposer mon point de vue sur le projet de loi S-3. Vous savez que le gouvernement accorde une grande importance à son engagement en matière de langues officielles, et je souhaite que le comité puisse convenir de la meilleure façon de le rehausser.

    Monsieur le président, nous sommes à vous.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci, madame la ministre.

    Tel que convenu lors de notre dernière rencontre, nos discussions avec la ministre vont durer jusqu'à 10 h 30. Ensuite, nous siégerons à huis clos. Je me permets de vous rappeler ceci pour les travaux futurs, dont l'adoption du budget opérationnel dans le cadre de l'étude du projet de loi S-3.

    Monsieur Lauzon, vous avez la parole.

+-

    M. Guy Lauzon (Stormont—Dundas—South Glengarry, PCC): Merci, monsieur le président.

    Madame Frulla , je vous souhaite la bienvenue.

    Dans votre discours, vous avez dit ceci, et je vais vous citer en anglais:

[Traduction]

Dans ces conditions, s'activer à obtenir les résultats voulus par la partie VII de la loi pourrait engendrer d'importantes pressions sur les relations fédérales-provinciales-territoriales.

[Français]

    Pourriez-vous nous expliquer cela plus en détail?

+-

    L'hon. Liza Frulla: D'abord, l'ensemble de la mise en oeuvre de la politique sur les langues officielles est ce qui est pertinent à la partie VII de la loi. On parle ici des ententes qui nous lient aux provinces et territoires. À cet égard, je peux vous donner l'exemple du protocole d'entente que nous avons signé avec les ministres de l'Éducation partout au Canada.

    En termes d'améliorations, nous voudrions, dans le cadre de la partie III, rendre les consultations imputables. Le résultat, que ce soit en matière d'éducation, de services de santé ou de tout autre domaine touché par le plan d'action du gouvernement, notamment sur les langues officielles, dépend aussi de notre relation avec les provinces. La santé et l'éducation sont de compétence provinciale, et on ne voudrait pas que le résultat soit contesté en cour. Pourquoi? Parce qu'il est souvent le fruit de négociations que nous effectuons avec les provinces. Il est important de s'assurer qu'avant leur conclusion, des consultations adéquates soient menées auprès des organismes concernés ou de la communauté dans son ensemble. Il faut en outre voir à ce que les discussions de gré à gré avec nos partenaires ne soient pas seulement bilatérales: il faut que nous, au fédéral, ayons également accompli notre devoir.

    Si les résultats étaient justiciables, cela impliquerait que n'importe qui pourrait arguer que le fédéral et le provincial n'investissent pas suffisamment dans les services bilingues en santé, par exemple. On contesterait le résultat en cour. Et qu'arriverait-il alors? D'abord, tout risquerait d'être gelé pendant des années et ensuite, on exercerait des pressions indues sur la province, qui a elle aussi une capacité de payer donnée.

    Bref, nous proposons de rendre imputable non pas le résultat, mais la consultation qui a mené à ce résultat.

+-

    M. Guy Lauzon: Vous avez mentionné le plan d'action, madame Frulla. Le fait est que, selon Mme Adam, celui-ci n'a pas donné de résultats satisfaisants au cours des deux dernières années. Présentement, on peut dire que presque rien n'a été fait dans le cadre du plan d'action. Compte tenu de cela, ne pas se fonder sur les résultats serait inapproprié. Il faut que des progrès soient accomplis.

¿  +-(0925)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je vais d'abord revenir à ce que disait Mme Adam. Il est vrai que pendant deux ans, on a procédé à la mise en oeuvre du plan d'action et que la chose n'a pas été simple. Cela demandait qu'on travaille d'une façon différente, nouvelle. Mme Adam ne pourrait pas affirmer la même chose aujourd'hui, puisqu'en matière d'éducation, le protocole est réglé. Nous travaillons maintenant avec l'Ontario, mais il reste que dans le cas de 12 provinces et territoires, tout sera signé d'ici quelques jours. De plus, nous travaillons de façon bilatérale avec les provinces. Pour ce qui est des services, les choses vont relativement bien.

    Lorsque Mme Adam disait que les choses n'allaient pas assez vite et qu'il n'y avait pas de résultats, elle parlait de la mise en oeuvre du plan d'action. Pour que celle-ci soit convenable, il a fallu là aussi effectuer beaucoup de consultation. Si, dans le cadre de ce qui est justiciable, on ne s'en tient qu'aux résultats, le résultat global ne sera pas le seul à être en cause: les sommes investies par les deux parties pour combler un besoin donné le seront aussi. Ainsi, il serait impossible de ne destiner la contestation qu'au fédéral: celle-ci viserait aussi nos partenaires, les provinces.

+-

    M. Guy Lauzon: Il reste que ça ne vaut pas la peine de s'employer à mener avec soin un grand nombre de consultations si on ne passe pas à l'action. Il faut mesurer les résultats.

+-

    L'hon. Liza Frulla: En fait, les résultats sont mesurés dans le cadre même du processus du plan d'action. Il y a la commissaire aux langues officielles, ce comité et, bien entendu, nous. Cependant, il y a une grande différence entre mesurer les plans d'action et rendre les résultats justiciables. Rendre les résultats justiciables signifie qu'on permet à la cour de répondre à tout citoyen qui considère insuffisantes les sommes investies dans un programme quelconque. Je ne pense pas que les provinces en seront ravies.

    Je vous donne un exemple. Nous venons de régler avec les provinces la question de l'éducation pour quatre ans. Les sommes investies de part et d'autre ont fait l'objet d'une entente. Ensuite, on s'assoit ensemble pour régler les questions bilatérales, ce que j'appelle le  tailor made. Ce sont les négociations province par province. Nous et les provinces avons réglé la question.

    N'importe quel citoyen pourrait alors dire qu'il trouve ces montants insuffisants et que, pour ce motif, il intente une poursuite contre nous. Ce n'est pas simple. D'abord, dans une telle situation, la capacité de payer des deux paliers de gouvernement serait en cause et ensuite, une pression indue serait exercée sur nous de même que sur nos partenaires provinciaux, parce que nous nous sommes entendus sur les sommes que nous devons et pouvons investir ensemble.

+-

    M. Guy Lauzon: Mais si on fait tout cela...

+-

    Le président: C'est tout le temps dont vous disposiez. On pourra revenir sur cette question.

    On poursuit avec M. André.

+-

    M. Guy André (Berthier—Maskinongé, BQ): Bonjour, madame Frulla, monsieur Francoeur et monsieur Lussier.

    Vous savez qu'au Bloc québécois, notre préoccupation première est le respect des compétences en matière de langue. On parle ici entre autres de la Loi 101, soit la Charte de la langue française. À cet égard, le projet de loi S-3 nous préoccupe. Même si, à prime abord, nous ne sommes pas fermés à ce projet de loi, nous considérons que certaines conditions devront être respectées pour que nous y soyons favorables. En vous écoutant, je constate que certains propos vont dans ce sens mais que d'autres nous amènent encore à nous poser quelques questions. Nous évoluons au fur et à mesure que le processus avance.

    Ma première question porte sur le sujet dont vous nous entretenez ce matin, à savoir les amendements apportés au projet de loi S-3. J'aimerais savoir en quoi ils vont améliorer la situation des communautés, de la fonction publique et de l'éducation. Je trouvais que le projet de loi avait auparavant un peu plus de mordant. Certains parlementaires ont discuté de cette question, qui était une préoccupation importante.

    Comme vous le savez, les communautés francophones hors Québec ont d'importantes revendications. On sait, et des études le démontrent, que la fonction publique est assez stagnante en matière de bilinguisme et de services bilingues depuis 1995. En ce qui a trait au développement des communautés par le biais du programme PALO, je sais que vous avez effectué une importante négociation. L'augmentation dont on a convenu était de l'ordre de 19 p. 100, ce qui a suscité une légère insatisfaction. Ces gens ont des besoins.

    En ce qui concerne l'éducation, c'est un peu la même situation. Dans quelques communautés, les écoles francophones sont moins bien équipées que certaines écoles anglophones du pays. Or, ces communautés avaient des attentes à l'égard du projet de loi S-3. Ce que j'entends ici me fait comprendre qu'on a l'intention de diminuer les recours. En quoi cela va-t-il aider ces gens?

¿  +-(0930)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je vais d'abord vous dire deux choses. On parle du respect des compétences pour plusieurs raisons.

    Premièrement, quand il s'agit des langues officielles, on ne veut pas se retrouver en cour à tout moment pour ne pas immobiliser les choses. On parlait d'immobilisme plus tôt. La meilleure façon d'immobiliser les choses est de permettre que tout un chacun, au Canada, puisse contester le résultat. À ce moment-là, on ne bouge plus. Pensez simplement à l'hôpital Montfort. Combien de temps a-t-il fallu pour régler ce litige? Quatre ans. C'est une chose.

    Comment peut-on être très efficace sans paralyser le système ni accroître les pressions financières indues, non seulement au fédéral, mais aussi au provincial, puisque les provinces seront touchées par ricochet? C'est pour cela que nous nous sommes dit qu'il fallait procéder à la consultation. Il est vrai que l'exercice sur l'éducation que nous avons fait a été long. Mme Adam nous a même demandé quand nous allions aboutir à des résultats. Il est vrai que cela a été long, mais cela nous a appris beaucoup de choses.

    Nous avons fait notre travail de consultation de notre côté et nous avons demandé aux provinces de consulter leurs conseils scolaires, entre autres. Les conseils scolaires sont très importants. Ils tiendront leur réunion ce week-end. Il est important qu'il soient partie prenante dans ce domaine, mais il faut que ce soient les provinces qui les consultent, parce que c'est de compétence provinciale. Si nous nous obligeons à faire ces consultations et que nous les encadrons, le résultat, sur le plan des négociations, sera beaucoup plus pertinent aux besoins des communautés que si nous établissons nous-mêmes ici, à Ottawa, les besoins des communautés.

    Deuxièmement, vous parlez du respect des compétences. C'est beaucoup à cause de cela. Vous savez que je suis assez soucieuse de cet aspect. La Cour suprême, dans ses derniers jugements, a toujours tenu compte de la spécificité des différentes communautés, dont celle du Québec, sachant que les francophones sont majoritaires au Québec mais minoritaires dans les Amériques. Elle a toujours tenu compte de l'existence de la Loi 101. Nos lois, en vertu de la Constitution, ne peuvent pas empiéter sur les lois provinciales, et la Cour suprême, dans ses jugements, s'assure de tenir compte de la spécificité des communautés. Dans ce cas-ci, il s'agit du Québec.

    Sur cet aspect, je ne suis donc pas inquiète. Je m'inquiétais cependant d'une autre chose. L'empiètement du fédéral passe souvent par son pouvoir de dépenser. Le fédéral n'empiète pas par ses lois, mais par son pouvoir de dépenser. Or, si on rend justiciable le pouvoir de dépenser et qu'on nous impose de la pression, cette pression sera aussi inévitablement imposée à nos partenaires financiers que sont les provinces et les territoires.

    Quand on parle de la fonction publique ou du bilinguisme dans nos lois, cela n'est pas associé à la partie VII, mais aux parties I, II, III, IV et V, qui font en sorte qu'il est beaucoup plus facile de justifier si cela doit être bilingue ou non. La partie VII est beaucoup moins quantifiable. C'est pour cela qu'en 1988, c'était plus axé sur le bon vouloir, la bonne entente. Pour ne pas exercer de pression indue sur nos partenaires ni sur nous-mêmes — parce qu'il s'agit de la capacité de payer —, pour ne pas geler le système, nous nous obligerons à consulter les gens. Si les consultations ne suffisent pas, nous pourrons recourir aux tribunaux et dire aux gens qu'ils n'ont pas fait leurs devoirs. 

¿  +-(0935)  

+-

    M. Guy André: Avons-nous encore un peu de temps, monsieur Rodriguez?

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    M. Guy André: À partir de ce moment-là, vous avez consulté les groupes. On a fait un exercice de consultation, et vous dites que cette consultation entraîne l'imputabilité.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Oui.

+-

    M. Guy André: Vous devez donc tenir compte des recommandations.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Absolument.

+-

    M. Guy André: Pas nécessairement.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Oui, absolument. Si les groupes trouvent que nous ne les avons pas suffisamment consultés, s'ils ne se retrouvent pas dans les résultats, ils peuvent nous amener en cour. Tel est l'objectif.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur André. C'est tout le temps qu'on avait.

    On poursuit avec M. Godin.

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, madame la ministre et merci à vos conseillers.

    Je remercie M. Gauthier de son projet de loi S-3. Comme vous l'avez dit dans votre allocution, madame la ministre, il a été obligé de déposer quatre projets de loi. Je trouve honteux qu'un sénateur ait été obligé de se présenter quatre fois devant le Parlement pour essayer de lui faire comprendre que la partie VII de la loi a besoin de mordant pour faire respecter les deux langues officielles du Canada, et que ça lui ait été refusé à maintes reprises. Souhaitons que cette fois sera la dernière et qu'il y aura un résultat. Mais il ne faut pas le diluer à un point tel qu'il ira à l'encontre de ce que nous avons en ce moment. Cela m'inquiète un peu.

    À moins que j'aie mal compris — et je vais le mettre dans mes mots —, vous dites, madame la ministre, qu'il ne faut pas se mettre dans une position où le peuple pourrait nous traîner en cour n'importe quand, ce qui coûterait de l'argent au gouvernement: la cour pourrait trancher et cela coûterait cher au gouvernement; on ne peut pas se mettre dans cette position.

    On a déjà entendu cela. On ne veut pas du projet de loi S-3 et le gouvernement est contre parce que si la loi est exécutoire plutôt que déclaratoire, les gens iront en cour pour se défendre. C'est comme dire qu'on ne veut pas qu'un policier donne de contravention à une personne qui roule 120 kilomètres à l'heure, parce qu'elle va aller en cour pour dire qu'elle n'était pas coupable. On ne donnera pas de contravention aux gens qui vont vite.

    Depuis des années, on n'arrive pas à régler le problème du bilinguisme au Canada. Vous avez parlé du problème de l'hôpital Montfort qui a passé quatre ans en cour. C'est honteux, parce que la loi n'avait pas le mordant pour dire carrément qu'il était inutile d'aller en cour, parce que, de façon claire et nette, on ne pouvait pas fermer l'hôpital Montfort. En tant que francophone hors Québec, je suis fier de l'hôpital Montfort, je suis fier qu'il se soit battu pendant quatre ans, je suis fier qu'il ait gagné sa cause. M. Gauthier et tout le monde au comité disaient que la loi n'avait pas assez de mordant pour être forte.

    Finalement, on présente ce projet de loi. On ne veut pas dicter à la province du Nouveau-Brunswick ou à la province de Québec comment mener leur province, selon la Constitution. Toutefois, on parle ici du domaine fédéral, de la responsabilité du fédéral. Qu'on ait une loi exécutoire et qu'on arrête de jouer avec la loi. Arrêtez de nous donner des bonbons. On veut une loi solide. On veut que les gens, les organisateurs et les ministres la regardent et comprennent qu'ils ne peuvent plus jouer avec la loi, car ils l'ont devant eux. En ce moment, c'est le gouvernement qui joue avec la loi: comme elle n'est que déclaratoire, il n'a pas à aller de l'avant, il fait ce qu'il a à faire et il attend de voir si les gens iront devant la cour. Les pauvres communautés, les pauvres municipalités sont obligées de prendre leur argent pour aller en Cour d'appel, en Cour suprême et elles dépensent tout leur argent, qui est l'argent du gouvernement. Tout cela fait boule de neige.

    J'aimerais voir ce que le projet de loi S-3, avec les amendements du gouvernement, va donner aux minorités. Je crains que ce ne soit pire que ce qu'on avait avant.

¿  +-(0940)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: Non, cela ne se peut pas.

+-

    M. Yvon Godin: Alors, expliquez-moi pourquoi, madame la ministre.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je vais vous expliquer pourquoi, puis je céderai la parole à Michel, qui a été très impliqué dans le cas de l'hôpital Montfort.

    Nous sommes obligés de « vérifier l'incidence de chaque politique ou programme sur la mise en oeuvre de l'engagement ». Nous sommes obligés de le faire, sinon nous pouvons nous retrouver en cour, et cela s'applique à tout: aux sociétés d'État et à l'ensemble de l'appareil gouvernemental.

    Ensuite, nous sommes obligés de « consulter les organismes intéressés, notamment ceux qui représentent les minorités francophones et anglophones du Canada » et de « tenir compte de la conclusion tirée en application de l'alinéa a) et des résultats de toute consultation faite en application de l'alinéa b). »

    Autrement dit, nous sommes obligés de nous soumettre à cela, et cela s'applique à tout l'appareil gouvernemental, aux sociétés d'État et à tous les organismes.

    Je vais céder la parole à Michel, parce que l'histoire de l'hôpital Montfort est intéressante.

+-

    M. Yvon Godin: Cela prend combien de temps au Canada — ou dans les provinces — pour que le gouvernement oublie et fasse ce qu'il veut après ses consultations? On se fait consulter, les gens se font consulter à 300 milles à l'heure. Mais quel est le résultat après? Quel genre de loi naît d'une consultation? Vous pouvez consulter: les gens disent ce qu'ils veulent et le gouvernement répond qu'il ne va pas dans la même direction. Le gouvernement peut avoir consulté les gens, suivre la loi, et les consulter une deuxième fois, puis une troisième pour se protéger selon la loi. Mais quel est le résultat?

+-

    L'hon. Liza Frulla: Voilà. Il faut obligatoirement « tenir compte de la conclusion tirée en application de l'alinéa a) et des résultats de toute consultation faite en application de l'alinéa b). » Cela veut donc dire qu'on ne fait pas que consulter. Il faut obligatoirement tenir compte du résultat de la consultation. Cependant, est-ce qu'on veut se retrouver en cour pendant des années, coup après coup, pour toutes les décisions? Est-ce bon pour la promotion de la dualité linguistique au Canada? Il y a un précédent intéressant à cet égard, et c'est celui de l'hôpital Montfort.

    Michel.

+-

    M. Michel Francoeur (avocat général et directeur, Services juridiques, ministère du Patrimoine canadien): Vous avez mentionné l'hôpital Montfort, qui est effectivement un précédent très important dans l'histoire des communautés minoritaires et des droits linguistiques au Canada. Vous vous rappellerez peut-être que lors de notre dernier témoignage, il y a environ deux semaines, mon collègue Marc Tremblay avait parlé du jugement de la Cour d'appel de l'Ontario dans le dossier de l'hôpital Montfort pour souligner que dans cette affaire, qui a été une grande victoire pour les communautés minoritaires, la Cour d'appel de l'Ontario n'avait pas invalidé la décision du gouvernement de l'Ontario ou de la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario, mais bien le processus suivi par la Commission de restructuration des services de santé de l'Ontario pour en venir à la décision de réduire les services de l'hôpital Montfort.

    Dans cette affaire, la Cour d'appel a conclu que la Commission de restructuration des services de santé n'avait pas pris en considération l'incidence de la décision sur la communauté minoritaire, qu'elle n'avait pas consulté adéquatement les communautés et que, par conséquent, puisque la commission n'existait plus au moment où le jugement a été rendu, le gouvernement de l'Ontario devait refaire ses devoirs, c'est-à-dire recommencer le processus, mieux consulter la communauté et mieux prendre en considération l'incidence de la réduction des services de l'hôpital Montfort sur la communauté francophone, plus particulièrement celle de la région d'Ottawa.

    Cela démontre que, même lorsque ce sont les moyens ou les processus, et non les résultats, qui sont justiciables, les tribunaux ont un pouvoir d'intervention qui peut faire une différence. L'hôpital Montfort en est le plus bel exemple, puisque la Cour d'appel de l'Ontario a dit au gouvernement qu'il devait refaire ses devoirs parce que le processus avait été inadéquat. On connaît la suite. Après quatre ans de procédures judiciaires, deux jugements, un de la Cour divisionnaire de l'Ontario et un de la Cour d'appel de l'Ontario, le gouvernement a décidé de mettre un terme aux procédures.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Monsieur Godin, vous pourrez revenir au prochain tour.

    Nous poursuivons avec M. Godbout.

+-

    M. Marc Godbout (Ottawa—Orléans, Lib.): Madame la ministre, bonjour.

    Je suis partiellement sympathique à la position de votre ministère, qui veut éviter les chicanes avec les provinces. Je crois que nous nous entendons sur le fait que cela pourrait être problématique. Cependant, j'aimerais revenir sur un point qu'a soulevé M. Godin, soit le fait de limiter la justiciabilité du gouvernement fédéral à la consultation. Je dois vous avouer que j'ai quelque difficulté à cet égard. Il arrive qu'on consulte et qu'on n'interprète pas de la même façon le bilan des consultations.

    Dans un des amendements que votre ministère propose, on dit que le gouvernement canadien « prend des mesures pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne et peut notamment prendre toute mesure ».

    Pour un Franco-Ontarien, le mot « peut » est à peu près le pire mot législatif qui existe. Nous en avons vu de toutes les couleurs au cours de notre histoire. Le gouvernement a interprété de bien des manières le mot « peut ». Dans le texte original, il n'y avait pas ce mot. On disait tout simplement:

    On revient alors à l'actuel article 43 de la loi.

    Je sais que vos avocats sont ici et qu'ils font une interprétation un peu juridique de cela, mais il s'agit d'un projet de loi et c'est quand même assez important. Qu'est-ce qui justifie l'ajout du mot « peut »? Cela m'inquiète au plus haut point.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je vais laisser Michel répondre parce qu'il s'agit de nuances juridiques.

+-

    M. Michel Francoeur: Parlons d'abord des résultats. J'aimerais y revenir pendant un instant parce que cela me semble approprié à votre question.

    Les obligations de résultats nous préoccupent, et voici pourquoi. Si on considère les autres parties de la loi qui contiennent des obligations justiciables — autrement dit qui peuvent faire l'objet d'un recours —, on voit que les obligations de résultats sont très claires et que les résultats sont facilement identifiables. Je vous donne quelques exemples: que les lois soient adoptées en français et en anglais, que les règlements soient adoptés, imprimés et publiés en français et en anglais, que les députés à la Chambre des communes puissent parler français ou anglais, qu'il y ait des services de traduction simultanée lors des travaux de la Chambre des communes, que les services au comptoir offerts par les institutions fédérales soient disponibles en français et en anglais, que les documents préparés par les différentes institutions fédérales et qui sont remis au public soient disponibles en français et en anglais.

    Il en va de même pour la langue de travail. Les employés ont droit à des instruments de travail, des lignes directrices, des politiques disponibles en français et en anglais. Dans les régions dites « bilingues », les employés ont droit à un superviseur qui leur parle dans leur langue officielle.

    Il s'agit donc de résultats que l'on peut définir facilement. Le gouvernement doit simplement s'assurer que les mesures, les moyens ou les ressources soient disponibles afin d'atteindre un résultat clair et facilement identifiable.

    En ce qui a trait à la partie VII, les résultats que le projet de loi S-3 propose — par exemple assurer l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne, ou l'engagement du gouvernement du Canada envers l'épanouissement et le développement des communautés minoritaires — sont beaucoup moins faciles à définir. Nous sommes tous en faveur de l'épanouissement des communautés minoritaires. La loi le prévoit et cela est encourageant.

    Toutefois, comment définit-on l'épanouissement des communautés minoritaires? Comment définit-on l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne, compte tenu du fait que la ministre doit assurer qu'il y ait amélioration?

+-

    M. Marc Godbout: Vous empiétez un peu sur mon temps.

    Ma question est celle-ci: va-t-on prendre les mesures qu'il faut prendre, oui ou non? Pourquoi intégrer le mot « peut » là-dedans? Si on utilise ce mot, on ne fera pas cette chose si on ne le veut pas. Cela m'inquiète. On parle aussi de « mesures ». Ce terme me semble discutable, jusqu'à un certain point. On parle du processus.

    En ce qui a trait aux résultats, je ne peux pas dire que je suis parfaitement d'accord avec vous. Toutefois, ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus. Si on utilise le mot « peut », on fait en sorte que le gouvernement n'ait plus aucune obligation, selon moi.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Michel Francoeur: En toute sincérité, une des raisons de cet emploi est que dans la version anglaise du projet de loi S-3, on retrouve les mots « may take measures ». Le mot « may »...

+-

    M. Marc Godbout: Je n'aime pas mieux le mot « may » que le mot « peut ». Je préférerais de beaucoup le mot « shall ».

+-

    M. Michel Francoeur: Nous avons tenté de concilier les deux versions, la version anglaise et la version française. Or, la version anglaise utilise le terme « may ». C'est pourquoi on a proposé le terme « peut » comme équivalent français.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Quand on regarde l'ensemble des obligations, on voit qu'elles s'appliquent à plusieurs articles, par exemple les articles 41, 42, 43, 44, etc. Si on lit l'ensemble de la partie VII, on voit qu'il s'agit d'obligations qui sont, je dirais, véritables et vérifiables. Il ne faut pas oublier qu'il nous faut absolument avoir des moyens de portée significative pour vérifier l'incidence sur l'épanouissement des communautés. On se doit aussi de consulter les groupes intéressés. On se doit de tenir compte de l'incidence sur les communautés et sur les résultats. S'il s'agit d'une obligation justiciable, tout doit être documenté puisqu'en bout de ligne, on peut être poursuivi.

    Ces obligations sont quand même assez importantes.

+-

    M. Marc Godbout: Je suis d'accord avec vous, mais on pourrait très bien utiliser l'expression « shall » plutôt que « peut ». Si on avait utilisé le mot « peut » dans le cas de l'article 23...

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Godbout.

    On passe maintenant au deuxième tour de table. Cette fois-ci, comme vous le savez, chaque intervenant dispose de cinq minutes.

    On poursuit avec M. Scheer.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Scheer (Regina—Qu'Appelle, PCC): Merci.

    Merci à la ministre d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.

    J'ai quelques brèves questions.

    Dans votre déclaration, vous signalez que le projet de loi S-3, dans son libellé actuel, pourrait avoir également comme effet de réduire de façon substantielle la marge de manoeuvre du gouvernement dans sa capacité d'élaborer des politiques et des programmes ainsi que dans l'exercice de son pouvoir de dépenser. Croyez-vous que les tribunaux pourraient rendre des décisions qui modifieraient le pouvoir de dépenser du gouvernement dans un domaine ou dans un programme particulier? Les tribunaux pourraient-ils décider que le gouvernement doit augmenter son financement ou augmenter la réaffectation de ces fonds vers un secteur particulier?

+-

    L'hon. Liza Frulla: En effet, le projet de loi S-3 exerce des pressions non seulement sur le gouvernement fédéral mais également sur les provinces, puisque les dépenses dans plusieurs secteurs se font d'habitude en partenariat. Voilà donc les conséquences qu'aurait le projet de loi dans son libellé actuel.

    Nous en avons discuté avec le sénateur Gauthier qui nous a avoué que ça n'avait pas été vraiment dans son intention. Il voulait simplement s'assurer que le gouvernement fédéral agisse de façon efficace, avec consultation, et qu'on tiendra compte du résultat des consultations.

    Voilà pourquoi nous avons proposé en amendement qui obligerait l'ensemble du gouvernement ainsi que les sociétés d'État à lancer des consultations et à tenir compte de celles-ci dans leurs plans et leurs négociations. Cela aurait pour effet de ne plus soumettre le gouvernement fédéral au jugement des tribunaux, étant donné que les procédures seraient justifiables.

+-

    M. Andrew Scheer: Autrement dit, tant que les ministères et les sociétés d'État font des efforts, cela suffirait.

¿  +-(0955)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: Non, cela va plus loin. Cela oblige à vérifier l'incidence qu'auront sur les communautés les politiques, les décisions et toutes les applications du plan. Cela représente l'obligation de consulter tous les groupes intéressés et de tenir compte de l'incidence des résultats des consultations sur les communautés. Nous devons donc tout documenter et le rendre officiel. Ainsi, si nous sommes actionnés, nous aurons en main tous les documents officiels pour nous justifier devant les tribunaux.

    Ce n'est pas rien! Cela imposera d'autres obligations financières au gouvernement et à l'appareil gouvernemental, puisque nous imposons encore d'autre chose au gouvernement et que cela s'applique à l'ensemble de l'appareil fédéral. C'est nous qui avons décidé de passer de la parole aux actes, et le gouvernement fédéral doit assumer les conséquences de ses décisions.

    En dernière analyse, je suis certaine, nous constaterons que les résultats dépasseront de loin ce que nous avons connu jusqu'à maintenant, car ces mesures seront imposées non seulement au ministre du Patrimoine mais également à toutes nos sociétés d'État et au gouvernement fédéral dans son ensemble.

+-

    M. Andrew Scheer: Il me semble que le projet de loi s'applique surtout aux institutions fédérales. Si c'est uniquement dans ce contexte que c'est justiciable, comme pouvez-vous dire qu'il s'applique aux accords fédéraux-provinciaux qui relèvent des provinces. On ne parle pas ici d'institutions fédérales.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Justement : Si vous parlez des mesures, elles sont notre responsabilité à nous. Nous nous imposons à nous-mêmes ainsi qu'à nos sociétés d'État de lancer des consultations. Si nous sommes justiciables à l'égard des résultats, il faut comprendre que le résultat dépend de notre partenariat avec les provinces.

    Cela ressemble à ce que nous avons fait en matière d'éducation. Nous avons demandé aux provinces ce dont elles avaient besoin. Puis, nous avons accepté d'injecter 40 p. 100 des fonds, contre 60 p. 100 pour les provinces, ou 70 p. 100 dans tel secteur contre 30 p. 100 pour les provinces dans ce même secteur.

    Si nous nous fondons uniquement sur les résultats, c'est ce qui serait justiciable. Autrement dit, si les gens sont d'avis que les moyens financiers injectés ne suffisent pas, ils peuvent toujours aller en justice, mais ce faisant, ils ne peuvent entamer des poursuites uniquement contre le fédéral en raison des résultats. En effet, puisque ceux-ci sont les résultats d'efforts combinés des provinces et du gouvernement fédéral, il faudra que l'on intente des poursuites contre les deux paliers.

    Si nous voulons vraiment faire de cette entreprise une entreprise fédérale, pour que l'on reconnaisse véritablement la dualité linguistique, alors assumons nos responsabilités, et elles sont énormes. Elles coûteront cher au gouvernement fédéral, mais rien ne sera imposé aux gouvernements provinciaux.

+-

    Le président: Merci, monsieur Scheer.

[Français]

    C'est tout le temps dont nous disposions.

    Nous poursuivons avec Mme Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Merci.

    Bonjour, madame la ministre, messieurs.

    J'ai accepté d'appuyer ce projet de loi lorsque M. Boudria l'a présenté, car j'aimais sa simplicité. Il n'y avait pas grand-chose de compliqué. On ajoutait du mordant à la loi, comme plusieurs l'ont déjà souligné, et on mettait fin au sempiternel débat pour déterminer si la partie VII est déclaratoire ou exécutoire et si on a le droit de s'en servir pour aller devant les tribunaux. Dorénavant, les questions pourront être portées devant les tribunaux, et on n'aura plus à discuter de cette partie au tout début. Ce sera déjà fait.

    Je pense que tout le monde ici, vous y compris, est réaliste et comprend que cela ne signifie pas qu'il n'y aura pas de poursuites. Il y en aura toujours de toute façon. Dans mon monde idéal, on ne se poserait plus ces questions et on serait capables de vivre dans une société canadienne parfaitement bilingue. Cela semble extrêmement compliqué.

    J'avoue que les termes suggérés dans les amendements m'inquiètent un peu. On entend des débats autour de la table depuis le début. Je passe ma vie à lire et à relire chaque phrase et, chaque fois que je les relis, j'ai toujours des interprétations différentes. Cela fait le bonheur des avocats. J'en suis une, et je vois déjà les gens se frotter les mains. En tout cas, il y a une classe qui se fera bien de l'argent dans peu de temps. C'est sûr et certain.

À  +-(1000)  

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les Patriotes, BQ): Pas encore!

+-

    Mme Françoise Boivin: Oui, malheureusement, Stéphane.

    Cela suscite de l'inquiétude. La population dit toujours que les politiciens créent des lois tellement complexes que cela fait le bonheur des avocats. À mon avis, notre responsabilité est d'essayer de simplifier le projet de loi le plus possible.

    Il faut tenir compte du principal message du sénateur Gauthier, que je salue d'ailleurs. Sans sa patience et sa persévérance, nous ne serions pas là. Les francophones partout au Canada lui doivent beaucoup. Je m'inquiète des discussions et des batailles de mots que nous aurons ici dans très peu de temps. N'y aurait-il pas moyen de régler strictement l'un des irritants, à savoir de rendre la partie VII justiciable, donc d'amender seulement ce volet sans rien changer d'autre?

    Vivons-nous bien avec les textes actuels? Malgré tous les propos que nous entendons, dans l'article 41 tel qu'il est maintenant, les responsabilités gouvernementales existent. Jusqu'à maintenant, vous semblez bien assumer les responsabilités imposées par l'article 41, même si les résultats ne sont pas toujours satisfaisants pour les francophones et parfois les anglophones. Ils ne le seront peut-être jamais, comme vous le dites.

    Ce que je propose ne serait-il pas une solution? Sinon, pour régler le problème posé au Bloc québécois par le projet de loi S-3, ne pourrait-on pas proposer, dans le texte établi par M. le sénateur Gauthier et maintenant déposé devant la Chambre, que cela se fasse dans le respect des juridictions provinciales?

+-

    L'hon. Liza Frulla: Premièrement, notre volonté n'est certainement pas de compliquer les choses. Nous disons simplement que nous prenons l'essence même du projet de loi S-3. Après certaines discussions, même avec le sénateur, nous nous disons que l'objectif de ce projet de loi est de donner plus de mordant à la Loi sur les langues officielles et de l'appliquer à l'ensemble du gouvernement fédéral sans s'immiscer dans les compétences provinciales, parce que les provinces sont nos partenaires et que nous avons besoin d'elles. Sans elles, nous n'atteindrions aucun des objectifs que nous nous sommes fixés. Dieu sait si c'est nous qui négocions avec les communautés, par exemple dans le cas des ententes sur l'éducation. Comme c'est Patrimoine canadien qui fait la plus grande partie des négociations, nous savons de quoi nous parlons. Les provinces sont nos partenaires depuis plus de 30 ans, comme je le disais tout à l'heure.

    Notre conclusion, après avoir travaillé sur la Loi sur les langues officielles, est qu'il faut rendre le processus justiciable. C'est tout. Ce sont les mêmes objectifs. Cependant, pour atteindre ces objectifs et respecter les compétences provinciales, parce que l'expérience nous dit que c'est ce qu'il faut faire, nous devons rendre le processus, c'est-à-dire ce qui s'applique à nous, justiciable. En fin de compte, avec ces obligations, nous allons mieux servir notre communauté. C'est tout ce que nous disons.

    À mon avis, nous ne compliquons pas la loi. Au contraire, nous voulons rendre justiciables les mesures à prendre au lieu du résultat. C'est une grande contrainte. Il faut comprendre que tout ce que nous faisons actuellement, comme nous nous en apercevons dans nos négociations, est une très grande contrainte, mais je pense qu'elle est nécessaire. Nous sommes prêts à relever le défi.

+-

    Le président: Merci, madame Boivin.

    Nous poursuivons avec M. Bergeron.

+-

    M. Stéphane Bergeron: Merci, monsieur le président.

    Madame la ministre, messieurs, j'aurais beaucoup à dire sur la distinction que vous établissez entre ce que vous appelez l'obligation de processus et ce que les communautés francophones et acadienne auraient aimé voir mis en oeuvre, à savoir l'obligation de résultat.

    Cela dit, j'aimerais revenir sur le dernier point qu'a soulevé Mme Boivin concernant la question du respect des compétences et des lois provinciales. Ce qui m'inquiète personnellement comme député du Bloc, certes, mais également comme député québécois, et je sais que c'est une préoccupation partagée par l'ensemble des députés québécois autour de cette table, c'est le fait que la partie VII de la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas seulement aux institutions fédérales, mais va beaucoup plus loin. L'application de cette loi peut poser problème parce qu'on n'a pas prévu d'application particulière pour le Québec.

    Je sais, madame la ministre, que dans une vie antérieure, vous avez fait partie d'un gouvernement qui défendait bec et ongles les compétences et la spécificité du Québec. Je le sais pertinemment puisqu'à l'époque je travaillais à l'Assemblée nationale. J'ai donc eu l'occasion de vous voir à l'oeuvre à ce moment-là. Comme vous l'avez évoqué vous-même dans votre allocution d'ouverture, et comme le ministre Stéphane Dion et la commissaire aux langues officielles, Mme Adam, l'ont reconnu également, la situation du Québec en Amérique du Nord est tout à fait particulière. Quoique constituée d'une majorité de francophones, cette société constitue une minorité en Amérique du Nord. Donc, elle a besoin d'une protection particulière. On parlait même d'une application asymétrique de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Mme Adam et M. Dion parlaient directement ou indirectement d'une application asymétrique.

    D'ailleurs, lorsque M. Boudria est venu nous voir et lorsqu'on a parlé avec le ministre Bélanger, il a été question que nous amendions la Loi sur les langues officielles de manière à en enlever les éléments éventuellement irritants. Or, les amendements que vous nous avez soumis n'enlèvent d'aucune façon ces éléments potentiellement irritants. Ils sont toujours maintenus. Je me suis enquis auprès de M. Francoeur, lors de notre dernière rencontre, s'il y avait une volonté de la part du gouvernement du Canada d'enlever ces éléments irritants, et on m'a dit à ce moment-là qu'il n'y avait pas d'autres amendements de prévus que ceux que vous nous avez soumis.

    Nous en avons donc soumis un pour que le Québec soit exclu de l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Certains, dont mon collègue du NPD M. Godin, ont suggéré que ce soit plutôt sous l'angle du respect des juridictions et des lois provinciales, ce avec quoi je serais tout à fait disposé à vivre. Cependant, il faut absolument qu'il y ait quelque chose de votre part ou de la part des membres de ce comité, puisqu'on retrouve toujours, par exemple à l'alinéa 43(1)f)... Madame la ministre, vous disiez vous-même tout à l'heure qu'il fallait contrôler le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Or, il y a là des dispositions qui, à mon avis, sont très inquiétantes. Par exemple, on dit que le gouvernement fédéral doit prendre des mesures:

f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l’usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins;

    Cela va carrément à l'encontre de la Charte de la langue française au Québec. Est-ce que le gouvernement fédéral va distribuer des sommes ici et là aux entreprises, organisations syndicales, organisations bénévoles pour encourager l'usage de l'anglais en contravention flagrante avec la Charte de la langue française? C'est une disposition qui m'apparaît irritante. Est-ce qu'on va la laisser là? Est-ce qu'on va l'amender? Est-ce que le comité ne va pas décider d'imposer au gouvernement fédéral de respecter les compétences et lois provinciales et territoriales puisque, comme je vous le signalais, la partie VII de la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas aux seules institutions fédérales, mais va beaucoup plus loin?

À  +-(1005)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: J'ai travaillé à l'Assemblée nationale comme vous l'avez dit; j'ai aussi travaillé avec M. Ryan à ramener la paix linguistique. Nous avons établi des mesures qui sont encore respectées et qui l'ont été par le gouvernement du Parti québécois. Nous avons fait notre travail. Je vous assure que si je croyais le moindrement que cette loi menace la Loi 101 ou les protections que le Québec se doit de se donner, je ne serais pas ici devant vous à essayer de vous convaincre qu'elle ne met pas en péril les priorités du Québec.

    Quant à exclure le Québec de l'application de la partie VII, je ne crois pas, honnêtement, que le Québec serait d'accord. Pourquoi? Parce que ça signifierait exclure aussi la communauté minoritaire anglophone de cette discussion. Je ne crois pas que qui que ce soit, ni vous non plus, ne veuille ça.

    Cela dit, il y a dans les lois fédérales, comme je l'ai dit plus tôt, l'obligation de prendre en considération. Dans notre système, la prépondérance des lois provinciales est toujours prise en considération lorsqu'il est question du respect de certaines minorités ou de protéger les minorités dans quelque domaine que ce soit. Cela signifie que la Loi 101, qui s'applique au Québec pour la protection du fait français au Québec et pour assurer la protection de la communauté francophone dans les Amériques, sera toujours prise en considération. En cas de contestation devant les tribunaux, elle sera prise en considération par la Cour suprême parce que la Cour suprême l'a toujours fait.

    Spécifier que cette loi doit respecter les compétences des provinces serait redondant. Vous pouvez en discuter, mais la disposition est déjà là.

    Cela dit, quand on dit: « peut prendre », on parle de l'obligation de consulter, et les premières que l'on doit consulter sont les provinces. On n'arrive à aucun résultat si les provinces ne sont pas des partenaires à part entière dans l'application des ententes. Si le Québec n'avait pas été un partenaire de premier plan à cette étape-ci, entre autres dans les ententes conclues en éducation, on ne serait pas ici à signer le protocole, d'autant plus que le ministre de l'Éducation du Québec est président du Conseil des ministres de l’Éducation (Canada).

    On ne peut rien faire si les provinces ne sont pas nos partenaires. Il faut prendre ça en considération et ensuite, il faut se l'imposer à soi. C'est pour ça que le processus, et non le résultat, doit être justiciable, parce que si le résultat l'est, on revient au pouvoir de dépenser.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Merci, madame la ministre. Je me dois de vous interrompre.

    On poursuit avec M. Godin.

+-

    M. Yvon Godin: Merci, monsieur le président.

    Je veux insister sur les consultations, parce que j'en ai beaucoup vu. Le Nouveau-Brunswick a tenu des consultations sur la santé, et quatre hôpitaux francophones ont été fermés dans le nord-est du Nouveau-Brunswick. On en a sauvé un où il y a six lits et une urgence ouverte jusqu'à minuit. C'est ce que donne la consultation.

    Madame la ministre, je souhaite des explications. Si j'ai bien compris, vous dites ne pas vouloir créer une situation qui permettrait à la population d'aller en cour parce que ça coûterait au gouvernement des montants faramineux, ce qu'il ne peut pas se permettre. À quoi servent les consultations, dans ce cas?

    J'essaie de poser les questions les plus simples possible. Je peux parler 10 minutes et perdre mon temps. C'est simple, où cela nous mène-t-il? Moi, les consultations...

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je comprends, Yvon, et je vais essayer de répondre le plus simplement possible.

    Si la population n'a pas été suffisamment consultée, s'il y a des effets dommageables pour les communautés, on peut toujours aller en cour, la cour va statuer et va, comme dans le cas de l'hôpital Montfort, renverser la décision.

+-

    M. Yvon Godin: Dans ce cas, il y avait eu un manque de consultation.

    Je parle de tenir des consultations à la tonne. On consulte, on rencontre tout le monde, on le fait quatre fois; on a consulté toute la province au grand complet, et à la fin des consultations le gouvernement n'en a pas tenu compte parce que ça allait au-delà de ce qu'il souhaitait, lui.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Yvon, c'est un manque de consultation. Il y a un manque de consultation en général, mais l'effet sur les communautés peut également être justiciable. Les communautés peuvent amener le gouvernement en cour s'il y a des effets néfastes après qu'elles aient été consultées, après tout ce qu'elles ont dit.

+-

    M. Yvon Godin: C'est la façon d'agir du gouvernement fédéral qui me pose un problème. Quand la population se présente devant un tribunal de première instance et gagne, comme dans l'affaire de la délimitation de la circonscription d'Acadie—Bathurst, le gouvernement conteste ensuite le jugement du tribunal. Quand le Forum des maires de la Péninsule acadienne a gagné dans la cause des inspecteurs des aliments qu'on avait transférés de Shippagan à Shédiac, le gouvernement fédéral a contesté le jugement en cour. Il veut se rendre jusqu'à la Cour suprême pour se battre contre les communautés francophones et leur dire que cela ne leur appartient pas.

    On parle de deux manières. On veut aider les communautés et on leur donne des outils pour les aider, mais dès qu'elles les utilisent, on les traîne en cour parce qu'on veut savoir si c'est vraiment ce que la loi dit, alors que c'est nous qui faisons les lois. Vous ne pouvez pas me contredire. Dans tous les cas que je vous ai mentionnés, le gouvernement fédéral va à la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire, pour se battre contre les communautés francophones qui ont finalement gagné quelque chose.

À  +-(1015)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: À ce moment-là, fermons nos livres. Nous n'avons plus besoin de la Loi sur les langues officielles.

+-

    M. Yvon Godin: Étant donné la façon dont les choses se passent, cela ne me poserait pas de problème, madame la ministre. Fermons nos livres.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Ce n'est pas cela. À ce moment-là, on n'aurait plus besoin de la Loi sur les langues officielles. Que ce soit justiciable au niveau des mesures ou au niveau du résultat, dès qu'on va en cour, le problème commence. On s'entend?

+-

    M. Yvon Godin: Madame la ministre, le but du projet de loi S-3 était de donner du mordant à la partie VII de la loi, pour qu'on arrête d'aller en cour, pour dire aux gens que la loi a une force telle qu'on n'a plus besoin d'aller en cour. Arrêtez de violer la loi. Respectez-la, et on n'ira plus en cour.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Le résultat est justiciable. Pense-t-on qu'il n'y aura plus de poursuites parce que le résultat est justiciable?

+-

    M. Yvon Godin: Il y aura des poursuites si le gouvernement ne respecte pas la loi, mais s'il respecte la loi...

+-

    L'hon. Liza Frulla: Le fédéral [Inaudible], parce que les provinces peuvent dire qu'on exerce sur elles des pressions supplémentaires et qu'elles ne l'ont pas demandé.

+-

    M. Yvon Godin: Nous discutons, et je pense que nous sommes prêts à nous assurer que cela n'empiète pas sur les...

+-

    L'hon. Liza Frulla: On n'a pas le choix, parce que le résultat est évidemment l'aboutissement des négociations fédérales-provinciales. Quand nous nous sommes assis avec les provinces et que nous leur avons présenté un protocole d'entente en éducation pour quatre ans, elles l'ont accepté. Je vais maintenant entreprendre les négociations bilatérales avec les provinces. On va aller au Manitoba et on va voir quels sont ses besoins. Hier, j'ai eu une conversation avec le ministre du Manitoba, M. Selinger, et nous avons examiné l'ensemble des besoins. Nous allons nous entendre: je ne bâtis pas d'école parce que ce n'est pas de ma compétence, mais je vais l'aider pour le centre communautaire; pour le Collège de Saint-Boniface, on va mettre cela ensemble. L'aboutissement de cela peut être justiciable.

+-

    M. Yvon Godin: Mais la loi était claire. On a été obligé de bâtir des écoles à l'Île-du-Prince-Édouard et au Manitoba. C'est ce que dit la Constitution.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Godin.

[Traduction]

    Nous arrivons maintenant à notre troisième et dernier tour.

    Monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, PCC): J'aimerais interroger la ministre sur certains articles qui ont paru dans les journaux depuis un ou deux jours, et en particulier dans les journaux d'aujourd'hui. Je songe particulièrement au financement du groupe anglophone du Québec, Alliance Québec. Je lis que l'on a tronqué les subventions versées à cet organisme de 900 000 $ à 539 000 $ par année, et que l'on recommande de les réduire encore plus jusqu'à 300 000 $.

    Le projet de loi permettrait-il à cet organisme d'intenter des poursuites? Après tout, c'est votre ministère qui a réduit à ce point les subventions, sous prétexte que l'organisme avait déjà embarrassé le gouvernement fédéral à quelques reprises, et particulièrement au sujet de discrimination qui aurait été constatée à l'égard d'embauche d'anglophones.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Sans vouloir vous offenser, ce que vous dites au sujet d'Alliance Québec est faux.

+-

    M. Maurice Vellacott: Qu'est-ce qui est faux?

+-

    L'hon. Liza Frulla: Il est faux de dire que l'organisme a embarrassé... Il faut bien comprendre la situation, même si cette discussion est hors de la question à l'étude.

[Français]

+-

    Le président: Je veux m'assurer que cette discussion qui porte sur Alliance Québec ait tout de même un lien avec le projet de loi S-3. Si vous me le permettez, je veux m'assurer qu'on ne s'écarte pas du sujet à l'étude et qu'on s'applique à discuter du projet de loi S-3. Si le but de votre question est celui-là, ça va. Sinon, je vous encourage à...

+-

    L'hon. Liza Frulla: Monsieur le président, ceux qui vivent au Québec savent très bien qu'on ne peut pas accepter des déclarations semblables.

[Traduction]

    Alliance Québec recevait effectivement 900 000 $. Si vous vivez au Québec, vous saurez qu'il y a 20 ans, Alliance Québec était le seul porte-parole de la communauté anglophone. Aujourd'hui, il existe le QCGM, qui est un réseau communautaire regroupant 24 organismes, dont Alliance Québec. Or, vendredi, nous avons augmenté le financement du réseau de 19 p. 100. Mais Alliance Québec a aussi droit à du financement, dans la mesure où elle respecte un principe fondamental, celui de la bonne gouvernance. Peu importe le rôle que vous jouez, dans le cas de subventions et de contributions, il faut respecter les règles et les règlements, dont la bonne gouvernance. Cela s'applique à Alliance Québec.

    Si, en vertu du projet de loi S-3, Alliance Québec...

À  +-(1020)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Je m'excuse de vous interrompre, madame la ministre, mais c'est à moi de poser des questions et je voudrais profiter de l'occasion : certains ont laissé entendre que ce réseau que vous financez, le QCGM, est un groupe relativement obéissant qui, avec son budget annuel de 3 millions de dollars, compte beaucoup de Libéraux à sa solde. Or, Alliance Québec était le seul organisme dans la province de Québec qui se faisait un devoir de combattre les abus à l'égard de ceux qui parlent là-bas la deuxième langue officielle du Canada et de faire des recherches. Voilà ce que faisait Alliance Québec. Vous ne pouvez tout de même pas inventer d'autres groupes bidons à volonté!

+-

    L'hon. Liza Frulla: Non, Alliance Québec n'est pas le seul à le faire. Si vous habitiez au Québec, vous sauriez que ce n'est pas le seul groupe de défense des anglophones. Il y a une règle d'or à observer quand on reçoit une subvention ou une contribution, c'est respecter les règles et règlements qui s'y rattachent. Il faut pouvoir se justifier devant le vérificateur général. Et cela fait problème pour Alliance Québec.

    J'habite au Québec, et cela fait des années que je traite avec Alliance Québec. Je respecte cet organisme, mais je sais qu'il se pose actuellement un problème de gouvernance et que...

+-

    M. Maurice Vellacott: De quelle façon?

+-

    L'hon. Liza Frulla: Il se pose un problème de gouvernance.

+-

    M. Maurice Vellacott: De quel ordre?

+-

    L'hon. Liza Frulla: Nous avons rencontré l'Alliance 21 fois et nous comptons la rencontrer une 22e fois. Nous oeuvrons en étroite collaboration avec elle.

    Je tiens à faire une précision : Il est faux de dire que nous finançons le QCGM et les 23 ou 24 autres organismes qui représentent les anglophones des Cantons-de-l’Est, de la Gaspésie et d'ailleurs, simplement parce qu'ils sont de nos partisans. Il faut être Québécois pour comprendre ce que j'entends par là. Je n'accepte pas vos allégations.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous affirmiez, madame la ministre, qu'il se pose des problèmes de gouvernance avec cet organisme. Nous savons qu'il a fait l'objet d'une vérification, mais celle-ci n'a rien révélé, en dernière analyse, même après ce que certains considéraient comme du harcèlement, jusqu'à un certain point. La vérification a bien révélé quelques petits accrochages, mais rien de majeur. Je me demande bien sur quoi vous vous fondez pour affirmer qu'il y a des problèmes de gouvernance, puisque rien dans les faits ne permet d'étayer votre affirmation, ni même la vérification.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Il y a un problème de gouvernance.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous pouvez bien dire ce que vous voulez, mais étayez vos affirmations.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Écoutez, il y a bel et bien un problème de gouvernance. Nous ne sommes pas autorisés à annuler une dette. Nous avons rencontré Alliance Québec et nous allons continuer à le faire. La dernière fois, c'était vendredi matin. Nous rencontrerons Alliance Québec pour la 22e fois et nous allons travailler avec elle, comme nous le faisons avec les autres groupes similaires et je suis ravie que nous augmentions notre soutien à la communauté anglophone...

+-

    M. Maurice Vellacott: Donc, pour revenir à notre projet de loi, j'aimerais savoir s'il est possible ou non pour...

+-

    Le président: Il ne vous reste plus de temps, ni à l'un ni à l'autre. Merci beaucoup.

    J'encouragerais aussi tous les membres du comité à s'en tenir au projet de loi S-3.

[Français]

    Nous poursuivons avec M. André.

+-

    M. Guy André: Bonjour.

    Au début, lorsque des collègues et moi-même avons discuté du projet de loi S-3, une de nos premières réactions a été de nous demander, compte tenu des tenants actuels de la Loi sur les langues officielles, si nous avions réellement besoin de ce projet de loi. En fait, nous étions d'accord pour dire que ce n'était pas tant un changement d'attitude de la part du gouvernement à l'égard des minorités du Canada qui était nécessaire qu'un changement législatif. Nous nous disions que l'actuelle Loi sur les langues officielles comportait des articles qui, comme vous le savez, stipulent que le gouvernement doit favoriser la progression des minorités dans l'ensemble du Canada. C'était donc notre première réaction.

    Je considère l'ensemble des amendements au projet de loi S-3 que vous proposez et le fait que vous dites vouloir consulter davantage les communautés pour faire en sorte qu'elles aient plus de recours et tenir compte de leurs recommandations. Or, dans une autre vie, j'ai organisé des consultations alors que j'étais organisateur communautaire dans un CLSC. On est limité lorsqu'on consulte des groupes puisque leurs besoins sont souvent d'ordre financier. Dans le contexte actuel, lorsqu'on parle de développement de services et de programmes au sein des communautés francophones, cela va souvent de pair avec du financement.

    Je me demande comment on va procéder. Les groupes seront consultés et ils vont par la suite nous faire des recommandations. Celles-ci vont sûrement avoir rapport avec du financement. En vertu de cette loi, les groupes auront davantage de recours et pourront demander si on a tenu compte de leurs recommandations. Le gouvernement pourra alors répondre qu'il n'a pas les sommes requises pour répondre à l'ensemble des besoins des communautés. J'entrevois que les choses pourraient se dérouler de cette façon après l'application des amendements au projet de loi S-3.

    De quelle façon croyez-vous que cet amendement pourrait faire en sorte que les besoins des communautés soient davantage satisfaits? Ce projet de loi est-il encore utile et donne-t-il réellement plus de pouvoirs? Selon moi, la consultation est un processus qui est déjà applicable en vertu de la Loi sur les langues officielles.

À  +-(1025)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: Elle existe en effet, mais elle dépend du bon vouloir du gouvernement. Avec les amendements que nous proposons, il n'est plus question de bon vouloir mais d'obligation. Celle-ci est justiciable, et doit donc être documentée. Ainsi, il faut prendre en compte les résultats des consultations. Autrement dit, on ne peut pas décréter quels sont les besoins des communautés. Il faut s'asseoir et travailler avec elles.

    Si vous étiez encore en poste dans un CLSC, on aurait l'obligation de vous consulter, mais aussi une obligation justiciable de tenir compte de ce que vous nous diriez. Il ne serait pas question de bon vouloir.

+-

    M. Guy André: Aujourd'hui, dans notre société, pour être en mesure de procéder à la mise en oeuvre de tous les programmes, il va de soi que la concertation et la consultation sont nécessaires.

+-

    M. Michel Francoeur: Si vous le permettez, j'aimerais ajouter ce qui suit.

    On a parlé plus tôt du dossier de l'hôpital Montfort. Or, c'est précisément ce qui n'allait pas dans le processus suivi par le gouvernement de l'Ontario. On sait les résultats que cela a donné.

    M. Godin a fait allusion plus tôt à l'affaire Raîche et ce, en rapport avec la nouvelle délimitation électorale qui prévaut dans le nord du Nouveau-Brunswick. Dans ce cas, la Cour fédérale a conclu que la Commission de délimitation des circonscriptions électorales, même si elle avait considéré l'incidence que la nouvelle délimitation aurait sur la communauté francophone de la région, n'avait pas évalué avec toute la rigueur nécessaire cette incidence. Comme dans le cas de l'hôpital Montfort, la cour a donc renvoyé la commission à ses devoirs.

    Or, dans cette affaire, le procureur général du Canada n'a pas interjeté appel. En outre, le gouvernement du Canada a mis en oeuvre un processus dans le but de revoir la délimitation de cette circonscription en prenant en considération les intérêts des communautés. Il est clair que ce genre de mesure donne lieu à des résultats assez significatifs.

+-

    Le président: Merci, monsieur André.

+-

    M. Yvon Godin: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je veux simplement rappeler...

+-

    Le président: Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement. Vous aurez l'occasion de revenir sur ce sujet.

+-

    M. Yvon Godin: Je veux simplement ajouter que le gouvernement n'a pas fait appel parce qu'il y avait une élection fédérale à ce moment-là.

+-

    Le président: Vous aurez l'occasion d'y revenir dans cinq minutes.

    Je donne maintenant la parole à M. Simard.

+-

    L'hon. Raymond Simard (Saint Boniface, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Bienvenue, madame la ministre.

    C'est la quatrième fois qu'on essaie de faire avancer un projet de loi comme S-3. Vous avez sans doute remarqué qu'il y avait cette fois-ci une volonté de connaître le succès. Nous voulons faire avancer le projet de loi S-3 et l'adopter. Vous avez sans doute également vu que la préoccupation des députés ici présents, ainsi que celle de la communauté, porte sur le fait que si ce n'est pas basé sur les résultats, ce projet de loi pourrait ne pas avoir de mordant. Cela nous préoccupe beaucoup.

    Je sais également que les résultats sont très subjectifs. Ce qui est tout à fait adéquat pour le gouvernement pourrait être très inadéquat pour les communautés. On pourrait donc aller en cour très souvent. C'est une chose qui me préoccupe beaucoup.

    Dans votre présentation, vous avez dit que les mesures de moyens seraient justiciables. Normalement, quand on fait des consultations, on aboutit à certaines recommandations. Si le gouvernement n'acceptait pas les recommandations ou ne les mettait pas en oeuvre de manière vigoureuse, ce serait justiciable. Est-ce que je comprends bien? C'est donc un outil très puissant pour les communautés.

À  +-(1030)  

+-

    L'hon. Liza Frulla: C'est cela. Nous sommes obligés de les prendre en considération. Si les groupes consultés trouvaient que nous n'avons pas suffisamment tenu compte des consultations et de leurs recommandations dans l'ensemble de nos négociations, nous pourrions en effet être poursuivis.

+-

    L'hon. Raymond Simard: Pouvez-vous nous donner un exemple de circonstances où les provinces pourraient être placées dans une situation difficile si on ne modifiait pas le projet de loi tel qu'il a été présenté? Nous sommes très préoccupés.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Michel.

+-

    M. Michel Francoeur: Si le projet de loi était adopté tel quel et que les institutions fédérales avaient une obligation de résultats, c'est-à-dire d'assurer la progression du français et de l'anglais dans la société canadienne, l'épanouissement des communautés, leur développement, etc., et s'il y avait une entente entre le fédéral et les provinces sur la santé, un domaine qui est principalement de compétence provinciale, cela pourrait placer le fédéral dans une situation...

    Permettez-moi de reculer d'un pas. Si l'entente signée entre le fédéral et une province donnée ne prévoyait pas de fonds suffisants pour assurer la fourniture des services en français et en anglais, selon une communauté minoritaire donnée ou selon la commissaire aux langues officielles, ou ne comportait pas de mécanisme permettant à la province de donner les services à la communauté en français et en anglais, si les fonds étaient transférés mais qu'il n'y avait pas de clause linguistique précisant que les services devront être offerts en français et en anglais dans certaines circonstances, un citoyen pourrait contester l'entente puisqu'il la jugerait insuffisante et puisqu'elle ne comporterait pas de mécanisme approprié pour assurer la progression du français et de l'anglais et l'épanouissement des communautés visées par l'entente. Cela pourrait placer le fédéral dans une situation difficile. Il pourrait arriver que, parce que l'entente ne comporte pas ce genre de mécanisme linguistique ou ne prévoit pas de ressources suffisantes, le fédéral soit dans l'obligation de refuser de signer l'entente.

    Bien qu'en vertu de la loi, qu'il s'agisse de la loi actuelle ou de la loi telle qu'elle serait modifiée si on adoptait le projet de loi S-3 tel quel ou avec des modifications, les institutions provinciales, les gouvernements provinciaux et tout autre tiers qui n'est pas une institution fédérale ne puissent pas être poursuivis directement, on voit bien que cela aurait une incidence importante sur les relations entre le fédéral et les provinces. Compte tenu de son obligation de résultats, le fédéral pourrait refuser de signer l'entente si la province n'acceptait pas l'inclusion d'un mécanisme ou d'une clause linguistique dans l'entente. S'il la signait, il violerait possiblement son obligation de résultats, son obligation d'assurer l'épanouissement des communautés, leur développement et la progression du français et de l'anglais dans la société canadienne. Ultimement, c'est la province qui serait affectée puisque, si elle voulait avoir accès aux fonds du gouvernement fédéral, elle serait dans l'obligation d'accepter un mécanisme linguistique, à défaut de quoi le gouvernement pourrait refuser de signer l'entente. Telle est la difficulté que posent le projet de loi S-3 et cette obligation de résultats qui incomberait aux institutions fédérales. Cela aurait ultimement une incidence sur les relations entre le fédéral et les provinces, parce qu'ils pourraient se retrouver dans une espèce de Catch-22.

+-

    Le président: Merci, monsieur Simard.

    Voici la dernière intervention. Monsieur Godin.

+-

    M. Yvon Godin: Non, ce n'est pas nécessaire.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: D'accord, merci.

+-

    M. Yvon Godin: Je ferme les livres!

+-

    Le président: Pardon? Vous fermez les livres?

+-

    M. Yvon Godin: Honnêtement, le vrai problème, lorsque le gouvernement s'entête, qu'il ne veut pas investir d'argent et qu'il a peur d'aller en cour, c'est qu'il ne tient pas à régler le problème du bilinguisme et des services au Canada.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Yvon, en toute amitié, je veux répondre à cela.

    Vous dites que le gouvernement ne veut pas investir d'argent, mais on n'a qu'à regarder les ententes...

+-

    M. Yvon Godin: C'est notre argent de toute façon. C'est nous qui payons les taxes. C'est notre argent, à nous tous.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je sais, c'est notre argent à nous aussi.

    Dire que le fédéral ne veut pas investir votre et notre argent m'apparaît exagéré. D'abord, il faut considérer l'augmentation qu'on a accordée à l'éducation et les 740 millions de dollars qu'on a investis dans le plan d'action. On travaille de près avec les communautés, on fait des efforts énormes pour elles; on ne peut pas dire qu'on n'investit pas d'argent.

    Le projet de loi S-3, tel que présenté et amendé, va exiger du fédéral des ressources financières importantes, qu'on le veuille ou non, et c'est très bien ainsi. Sauf qu'en bout de ligne, l'obligation de résultats...

    Ce qui me dérange le plus par rapport au Québec, c'est le dernier élément dont Michel a parlé. Il faut faire attention de ne pas mettre en péril nos relations avec nos principaux partenaires, en dépit de notre bonne volonté. Nous dépendons d'eux pour atteindre le but que nous visons tous. Nous dépendons des provinces dans la mesure où c'est de compétence provinciale et où ce sont nos partenaires.

    Si, comme Michel l'a expliqué, nous ne signons pas une entente et que la province est obligée de... Quand c'est le résultat qui est justiciable, nous empiétons sur les compétences des provinces au moyen de notre pouvoir de dépenser. C'est pourquoi nous proposons de prendre sur nous toute l'obligation. Toutefois, l'obligation est forte! Ce n'est pas rien! Il s'agit de négocier, de tenir compte. Les communautés peuvent dire que nous n'avons pas suffisamment tenu compte de leurs recommandations et nous emmener ensuite en cour. Personne ne veut aller en cour. Nous voulons réussir. Il faut alors s'assurer de tenir compte des recommandations.

+-

    M. Yvon Godin: Madame la ministre, nous voulions réussir chez nous. Les inspecteurs de l'alimentation et les communautés francophones voulaient réussir. C'est le gouvernement du Canada qui a décidé d'aller en Cour suprême. Nous voulions réussir.

    Comme je l'ai dit très rapidement plus tôt, sauf le respect que je vous dois, l'histoire de la délimitation de circonscriptions se passait au mois de juin, pendant des élections. Le gouvernement avait le choix d'emmener ou non la communauté en cour. J'avais le net sentiment que s'il n'y avait pas eu d'élection, cela serait allé en cour. Les gens le savent. Monsieur Boudria, vous pouvez hocher la tête, car vous vous rappelez très bien la bataille qui se menait pour savoir si on irait ou non en cour. Il y avait des élections, et c'eût été faire mauvaise figure. On a manqué cette partie.

    Je vous parle des gens de chez nous, des communautés francophones de chez nous, de la SAANB. Chaque fois qu'on gagne quelque chose, il faut qu'on se présente en cour, et c'est le fédéral qui nous y emmène.

+-

    L'hon. Liza Frulla: Je comprends, Yvon, mais l'obligation de tenir compte des recommandations en sachant très bien qu'on peut nous emmener en cour si nous ne faisons pas notre travail correctement est un carcan assez contraignant pour que nous nous organisions pour que cela fonctionne.

    Honnêtement, je ne crois pas qu'un gouvernement, quel qu'il soit, prenne plaisir à aller en cour, n'est-ce pas? Il faut donc s'organiser pour que cela fonctionne, et nous mettons les balises nécessaires. Cela me semble être un pas dans la bonne direction et être très positif.

    C'est à vous d'en discuter, mais je suis convaincue que cette loi respecte les compétences provinciales. De plus, c'est à nous qu'elle impose les obligations, et non à nos partenaires.

+-

    Le président: Il reste une minute à M. Godin, si bon lui semble.

+-

    M. Yvon Godin: Je n'ai rien à dire.

+-

    Le président: Vous fermez le livre à quatre minutes.

+-

    M. Michel Francoeur: Puis-je faire un commentaire?

+-

    Le président: Allez-y.

+-

    M. Michel Francoeur: Je veux simplement répondre au commentaire du député Godin concernant l'affaire qui est à la Cour suprême du Canada et qu'on appelle communément l'affaire Forum des maires de la Péninsule acadienne contre l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

    Dans un premier temps, c'est le Forum des maires de la Péninsule acadienne qui a intenté le recours, donc qui a amené le gouvernement devant la section de première instance de la Cour fédérale du Canada. Dans ce jugement, la cour a conclu que l'actuelle partie VII de la Loi sur les langues officielles était justiciable. Pourtant, nous sommes tous ici aujourd'hui précisément pour modifier la Loi sur les langues officielles afin de la rendre justiciable. Or, dans ce jugement, qui traitait de différentes choses, il y avait notamment un énoncé de la cour disant que la partie VII était déjà justiciable.

    Évidemment, pour le procureur général du Canada, il s'agissait d'un principe fondamental. Une cour faisait un énoncé qui allait à l'encontre de la position du procureur général du Canada et de notre compréhension de la loi telle qu'elle est aujourd'hui. C'est pour cette raison que le procureur général du Canada a porté l'affaire en appel devant la Cour d'appel fédérale. On se rappellera que la Cour d'appel fédérale a donné gain de cause au procureur général du Canada en disant que la partie VII telle qu'elle était rédigée n'était pas justiciable et que, si le Parlement voulait la rendre justiciable, il avait le loisir de le faire en la modifiant. Au moment où le jugement a été rendu, la loi n'était pas justiciable.

    Pour compléter le tout, c'est le Forum des maires de la Péninsule acadienne, donc les citoyens représentés par ces maires, qui amènent l'affaire à la Cour suprême du Canada, et non le contraire. C'est le Forum des maires de la Péninsule acadienne qui a demandé que l'affaire soit entendue par la Cour suprême.

À  -(1040)  

+-

    M. Yvon Godin: Maintenant, nous avons un projet de loi devant nous, et vous voulez y apporter des amendements pour pouvoir encore gagner.

-

    Le président: Merci, monsieur Godin.

    C'est tout le temps que nous avions.

    Merci beaucoup de votre présence, madame la ministre, monsieur Francoeur et monsieur Lussier. Nous allons faire une pause deux minutes, puis nous poursuivrons la séance à huis clos pour discuter des travaux du comité.

    Merci.

    [La séance se poursuit à huis clos.]