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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 4 novembre 2004




¹ 1535
V         Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.))
V         Mme Norma Kozhaya (économiste, Institut économique de Montréal)
V         Le président
V         Mme Norma Kozhaya

¹ 1540
V         Le président
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC)
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Monte Solberg
V         Mme Norma Kozhaya

¹ 1545
V         M. Monte Solberg
V         Le président
V         M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ)
V         Mme Norma Kozhaya
V         Le président
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Guy Côté
V         Mme Norma Kozhaya

¹ 1550
V         M. Guy Côté
V         Mme Norma Kozhaya
V         Le président
V         L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.)
V         Mme Norma Kozhaya
V         L'hon. John McKay

¹ 1555
V         Mme Norma Kozhaya
V         L'hon. John McKay
V         Mme Norma Kozhaya
V         L'hon. John McKay
V         Le président
V         M. Charlie Penson (Peace River, PCC)
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Charlie Penson
V         Mme Norma Kozhaya

º 1600
V         M. Charlie Penson
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Charlie Penson
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Charlie Penson
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Charlie Penson
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)

º 1605
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Charles Hubbard
V         Mme Norma Kozhaya

º 1610
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)
V         Mme Norma Kozhaya
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Roger Gibbins (président et chef de direction, Canada West Foundation)

º 1615
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC)
V         M. Roger Gibbins

º 1620
V         Mme Rona Ambrose
V         M. Roger Gibbins
V         Mme Rona Ambrose
V         M. Roger Gibbins
V         Le président
V         M. Yvan Loubier

º 1625
V         M. Roger Gibbins
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Don Bell (North Vancouver, Lib.)

º 1630
V         M. Roger Gibbins
V         M. Don Bell
V         M. Roger Gibbins
V         Le président
V         L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.)

º 1635
V         M. Roger Gibbins
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         L'hon. Maria Minna
V         Le président
V         M. Roger Gibbins
V         L'hon. Maria Minna
V         M. Roger Gibbins

º 1640
V         L'hon. Maria Minna
V         M. Roger Gibbins
V         Le président
V         M. Guy Côté
V         M. Roger Gibbins
V         M. Guy Côté
V         M. Roger Gibbins
V         Le président
V         M. Charles Hubbard

º 1645
V         M. Roger Gibbins
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         Mme Norma Kozhaya
V         Le président
V         M. Roger Gibbins

º 1650
V         Le président
V         M. Don Bell
V         Le président
V         M. Don Bell
V         Le président
V         M. Don Bell
V         Le président










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 novembre 2004

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): La séance est ouverte.

[Français]

    J'aimerais vous demander de faire vos remarques d'ouverture ou votre présentation à l'intérieur d'une période de cinq minutes. Les membres du comité vous poseront ensuite des questions.

[Traduction]

    Nous essaierons de prendre une demi-heure pour les questions. Je sais que les membres sont assez nombreux. C'est pourquoi chacun pourrait disposer de quatre minutes, si personne n'y voit d'inconvénients. Je demande votre indulgence.

    Nous ferons le tour de la table.

[Français]

    Madame Kozhaya.

+-

    Mme Norma Kozhaya (économiste, Institut économique de Montréal): Bonjour.

+-

    Le président: Merci d'être venue.

+-

    Mme Norma Kozhaya: Merci de m'avoir invitée cet après-midi pour discuter de l'allocation des surplus budgétaires. Veuillez m'excuser, mais ma présentation sera en français. Pour ce qui est des questions, elles pourraient être en anglais.

    Pour commencer, je crois qu'il est pertinent de rappeler quelques constats importants. D'abord, au Canada, les recettes fiscales, en proportion du PIB, sont parmi les plus élevées du G-7. En outre, les dépenses fiscales, à tous les niveaux de l'administration publique, n'ont cessé d'augmenter au cours des dernières années. En fait, le déficit fédéral a davantage été éliminé par l'augmentation des recettes que par la diminution des dépenses.

    L'autre constat concerne la dette publique fédérale. Cette dernière a été réduite de façon importante au cours des dernières années et semble sous contrôle, surtout si on la compare à celle d'autres pays. Ce n'est donc pas un problème urgent.

    Dans une perspective économique, la priorité est de réduire les impôts. Quels types d'impôt? On propose une réduction des taux d'imposition sur les revenus des particuliers--tous les taux d'imposition, y compris pour les revenus élevés--, à cause des effets négatifs qu'ont les taux d'impôt élevés sur l'activité économique.

    Si nous comparons notre niveau d'imposition à celui de notre voisin et principal partenaire commercial, les États-Unis, nous constatons que le seuil à partir duquel le taux supérieur s'applique est d'un peu plus de 300 000 $ aux États-Unis, alors qu'il est de 113 000 $ au Canada. Cela démontre encore davantage la pertinence de réduire les impôts.

    Il est surtout important de noter que la théorie économique et l'expérience montrent que les réductions d'impôt ont des effets bénéfiques sur l'activité économique. Notamment, lorsqu'on réduit les taux d'impôt des particuliers, on incite les gens à travailler plus, à travailler au Canada plutôt qu'aux États-Unis, par exemple, à épargner plus, à investir plus, à prendre plus de risques et à créer plus d'emplois. Il s'agit donc d'effets bénéfiques importants. L'expérience le prouve. Ainsi, les coupures d'impôt aux États-Unis ont été suivies de périodes de forte croissance économique.

    Un deuxième effet des baisses d'impôt se produit sur les revenus imposables déclarés. En effet, lorsque les taux d'imposition augmentent, les gens changent leur comportement quant à la façon de déclarer leurs revenus, que ce soit de façon légale ou illégale. Ils peuvent entre autres choisir de déclarer une part moins importante de leurs rémunération sous forme de revenus imposables, et une plus grande part sous forme d'avantages sociaux non imposables. Bien sûr, lorsque les taux d'impôt augmentent, on observe également plus d'évasion fiscale et plus de travail au noir.

    Lorsqu'on réduit les taux d'impôt, l'assiette fiscale augmente et contrebalance en quelque sorte les effets des réductions. Ceci est particulièrement vrai pour les revenus les plus élevés: une réduction de ces taux tend à s'autofinancer.

    Une étude réalisée pour le Canada a bien montré que lorsque les taux d'impôt ont augmenté entre 1988 et 1996, la classe de revenus de 50 000 $ à 100 000 $ a joué le rôle de classe refuge pour les revenus élevés. On a donc vu plus de revenus déclarés dans cette classe de revenus que dans celle des revenus supérieurs, et donc plus de contribuables dans cette classe de revenus.

    En terminant, je dirai que dans une perspective dynamique, la réduction des impôts et la réduction de la dette ne sont ni contradictoires ni mutuellement exclusives. On peut réaliser les deux en même temps. Il faut commencer par la réduction des impôts de façon à générer des effets positifs. Une réduction des taux d'impôt pour tout le monde, pour toutes les catégories de revenus, a des effets bénéfiques sur l'activité et la croissance économiques ainsi que sur les revenus imposables déclarés. Par la suite, les effets se font sentir sur les recettes du gouvernement. Cinq ou dix ans plus tard, on se retrouve avec une économie plus prospère. Les contribuables paient moins d'impôt et le gouvernement a plus de recettes et peut alors rembourser la dette.

    Je vous remercie de votre attention.

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Merci. Nous allons commencer la période de questions.

    Monsieur Solberg, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, PCC): Merci infiniment, monsieur le président.

    Je veux remercier l'Institut économique de Montréal de sa présence. Depuis le peu de temps qu'il existe, cet institut a beaucoup contribué, je pense, à relever le débat sur les questions liées à l'imposition et aux dépenses publiques. Vos points de vue sur ces questions sont très bien accueillis.

    Dans votre exposé, vous avez pris les États-Unis comme exemple pour aborder la question de la réduction des impôts. Certains n'aiment pas parler des États-Unis, pour toutes sortes de raisons. Assez curieusement, ils ne croient pas que c'est un exemple pertinent pour le Canada.

    Je me demande si vous pouvez résumer la situation dans certains autres pays où la réduction des impôts a fait augmenter les recettes et le niveau de vie. J'ai appris que des pays scandinaves ont réduit les impôts, tout comme l'ont fait l'Irlande et d'autres pays. Pourriez-vous simplement résumer la situation dans ces pays et indiquer les résultats qu'ont entraînés les différentes réductions d'impôt?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Je peux vous citer des exemples au Canada : ceux du fédéral et de l'Ontario, ainsi que—et c'est peut-être un peu poussé—celui des pays de l'Europe de l'Est, comme l'Estonie et même la Russie. Mon collègue pourra peut-être donner d'autres exemples.

    Un collègue de l'Institut économique de Montréal a rédigé un document sur le scénario de la réduction d'impôt suivie d'une augmentation des recettes publiques. En Russie notamment, les recettes se sont accrues de 35 p. 100 après l'imposition d'un impôt uniforme de 13 p. 100; les recettes publiques ont grimpé en flèche, parce que les contribuables déclarent dorénavant des revenus supérieurs et travaillent davantage, ce qui fait augmenter les recettes publiques. Dans ces pays, la transition a été difficile, mais les succès se multiplient aujourd'hui. Nous avons invité le premier ministre de l'Estonie qui nous a parlé de l'impôt uniforme. Son pays a réduit les impôts et a obtenu de très bons résultats sur les plans des activités économiques et, partant, des recettes publiques.

+-

    M. Monte Solberg: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est essentiel de baisser le taux marginal maximum et pourquoi cette baisse exerce-t-elle une si grande influence?

+-

    Mme Norma Kozhaya: En fait, les personnes gagnant un revenu élevé sont celles qui engendrent le plus de recettes fiscales ou publiques. Elles disposent d'une marge de manoeuvre pour déclarer leur revenu, indiquer où elles travaillent et préciser le nombre d'heures travaillées. Lorsque nous réduisons le taux d'imposition de ces contribuables, ils sont donc plus enclins à déclarer des revenus supérieurs—notamment davantage au Canada qu'ailleurs. L'expérience nous apprend qu'une baisse d'impôt s'autofinance car, même si les taux d'imposition sont réduits, les revenus déclarés sont un peu supérieurs, ce qui compense la baisse. Prenons l'exemple des États-Unis, au déplaisir de certains. Lorsque le taux marginal maximum a été réduit par l'administration Kennedy, la proportion des recettes totales attribuée aux mieux nantis est passée de 17 p. 100 à 27 p. 100, même si le taux marginal maximum a été ramené de 70 p. 100 à 28 p. 100. Les preuves sont là, et ces contribuables sont incités à déclarer plus de revenus.

¹  +-(1545)  

+-

    M. Monte Solberg: Merci infiniment.

    Je pense que mon temps de parole est écoulé. Je veux simplement vous remercier de votre présence et de votre participation à ce débat.

    Je dois vous quitter, étant donné que je dois me rendre à la Chambre pour y prendre la parole.

+-

    Le président: Merci, monsieur Solberg.

    Monsieur Côté.

[Français]

+-

    M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup pour votre présentation.

    Au cours des derniers jours, plusieurs personnes, dans le cadre de leurs présentations, ont affirmé que les baisses d'impôt devaient être très bien ciblées, que des baisses d'impôt générales, tant pour les particuliers que pour les sociétés, n'auraient pas les effets que vous nous présentez maintenant et qu'on devrait plutôt opter pour des baisses d'impôt ciblées accompagnées de baisses de dépenses.

    Pourriez-vous nous donner des détails sur les avantages et les effets de ces deux options?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Quand vous parlez de baisses d'impôt ciblées, s'agit-il de baisses destinées aux contribuables à revenu moyen, aux sociétés ou...

+-

    Le président: C'est une bonne question. Est-ce que je peux intervenir?

    En fait, on ne parlait pas de baisses ciblées. On parlait plutôt de déductions spécifiques destinées à des industries ou à des secteurs donnés.

+-

    Mme Norma Kozhaya: D'un point de vue à la fois personnel et strictement économique, je crois qu'en général, en ciblant une industrie ou un secteur, on risque de créer des distorsions et de ne pas obtenir des effets optimaux ou bénéfiques. Je ne sais pas pourquoi l'on déciderait de faire bénéficier d'une telle mesure un secteur plutôt qu'un autre. Il s'agit là d'un choix qui n'est pas purement économique, mais qui peut relever d'autres décisions politiques ou sociales. Ce n'est pas vraiment mon domaine.

    Une autre réduction d'impôt dont je n'ai pas parlé ici, mais qui peut être bénéfique, concerne l'impôt sur le capital. Tout le monde sait que cet impôt est nocif pour l'investissement. En plus, compte tenu du revenu qu'il rapporte, je crois qu'il n'est pas difficile de choisir de l'éliminer complètement, étant donné ses effets négatifs.

    Par ailleurs, une baisse générale de l'impôt ne crée pas de distorsions entre un secteur et un autre, ou entre un contribuable et un autre. Au contraire, tout le monde en profite. Cela augmente le dynamisme économique. Dans chaque catégorie de revenu, les gens sont incités à produire plus, à travailler plus, à créer plus d'emplois et à investir plus.

    À mon sens, c'est plus profitable. Il est possible que je n'aie pas assez de connaissances sur une industrie ou un secteur particulier, mais d'un point de vue général, je crois que le fait de cibler un secteur donné risque de créer plus de distorsions que de bénéfices.

+-

    M. Guy Côté: Le gouvernement fédéral a profité de ses surplus non prévus pour investir massivement dans la réduction de la dette. Si je comprends bien, vous seriez plutôt favorable à ce que le ratio de la dette au PIB continue de diminuer, ne serait-ce que par le biais de la croissance économique uniquement. Vous seriez favorable à ce que le gouvernement arrête d'investir de telles sommes, conserve uniquement une réserve pour les imprévus et alloue la plus grande part des excédents budgétaires à des baisses générales d'impôt, peu importe le revenu.

    Est-ce que je comprends bien votre point de vue?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Oui. Vous avez parlé de prudence et de marge de manoeuvre. Évidemment, tout le monde est d'accord à ce sujet. Si l'on réduit la dette, il va de soi qu'on économise du côté du service de la dette. Par contre, on ne crée pas plus d'incitatifs, de croissance ou de prospérité pour l'avenir. D'un point de vue comptable, on peut dire qu'on réduit la dette et que c'est bien, puisqu'on économise, mais en termes de dynamique, on n'ajoute pas grand-chose.

    En revanche, une réduction des impôts a des effets bénéfiques en termes d'incitation et de prospérité. C'est ce qui fait qu'à l'heure actuelle on puisse se le permettre. Si, alors même qu'on affiche des surplus et que la Banque du Canada parle d'une situation de plein emploi et de très bonnes conditions, on ne se permet pas de prendre de telles mesures, il sera difficile de le faire dans cinq ou dix ans. On ne profitera donc pas de l'avantage d'être plus compétitif sur le plan fiscal, ce qui nous permettrait peut-être éventuellement d'allouer des sommes plus importantes à la réduction de la dette.

    Pour l'instant, je crois que la priorité devrait être de réduire les impôts pour être en mesure de profiter de ce dynamisme bénéfique.

¹  +-(1550)  

+-

    M. Guy Côté: Est-ce que les mesures dont vous parlez devraient être accompagnées de réductions équivalentes en matière de dépenses de programmes?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Les dépenses constituent une autre problématique. Il ne faudrait pas nécessairement réduire les dépenses, mais assurer un certain contrôle sur ces dernières. Si l'on veut dépenser plus, on devra taxer plus, ce qui fait que les gens seront moins portés à travailler et tendront à favoriser le travail au noir. On devra alors de nouveau augmenter le fardeau fiscal. Or, la plus grande priorité est d'alléger le fardeau fiscal de façon à ce que nous soyons plus compétitifs.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur McKay.

+-

    L'hon. John McKay (Scarborough—Guildwood, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci de votre témoignage.

    Comme vous le savez, le gouvernement est à la fin d'une réduction d'impôt de 100 milliards de dollars, dont 75 p. 100 ont été affectés à l'impôt des particuliers et 25 p. 100, à celui des sociétés. Fait intéressant, la déclaration finale du gouvernement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2004 montre que, malgré l'allègement fiscal consenti aux sociétés—sur ce qu'elles gagnent, si je peux m'exprimer ainsi—, les montants ainsi versés au gouvernement ont augmenté en fait de 23 p. 100. Il peut paraître paradoxal que vous réduisiez l'impôt des sociétés mais que vos recettes s'accroissent. Les résultats ont été légèrement inférieurs avec l'impôt sur le revenu des particuliers, qui a fait l'objet d'allègements, comme je l'ai signalé. Les recettes fiscales ont en fait augmenté de 3 p. 100. Je me demande ce que vous en pensez. Il est possible d'expliquer différemment pourquoi les recettes fiscales se sont accrues malgré les allègements fiscaux consentis. Il s'agit de ma première question.

    Ma seconde porte sur la composition des recettes fiscales. Cette composition a été critiquée, et l'on s'est demandé si elle devait être axée sur l'impôt des particuliers, l'impôt des sociétés, l'impôt sur le capital ou les charges sociales. J'aimerais connaître votre opinion. Croyez-vous que nous avons la composition des recettes fiscales pertinente ou qu'il faut la modifier?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Malheureusement, je ne peux pas répondre à votre question correctement, parce que je ne suis pas au courant des diverses modalités. Je me suis penchée principalement sur la réduction de l'impôt des particuliers. Ce sera probablement fonction aussi des mesures de notre voisin, notamment—pour demeurer concurrentiel.

    Naturellement, réduire l'impôt des sociétés est également avantageux. Les impôts ont rapporté davantage pour plusieurs raisons, dont peut-être la réduction des taux d'imposition. Ce qui se passe en Asie exerce également une influence, notamment... la demande accrue dans le domaine énergétique. Tout cela a également favorisé la rentabilité des entreprises, qui disposent de revenus accrus.

    Je le répète, je n'ai malheureusement peut-être pas étudié cette question assez exhaustivement. Je devrais le faire à un moment donné.

+-

    L'hon. John McKay: Vous me permettrez de vous poser alors une autre question. Vous avez dit que le remboursement de la dette ne créait pas d'emplois. Je vous signale que les 61 milliards de dollars que le gouvernement a remboursés au cours des sept dernières années d'excédent budgétaire ont créé effectivement des emplois. Vous n'êtes pas sans savoir que, parmi les pays du G-7, nous avons le deuxième rapport dette-PIB. Nos taux d'intérêt sont parmi les plus bas—ils sont à un niveau sans précédent.

    Ce montant de 61 milliards a dû avoir une utilité. Le gouvernement ne s'en est pas servi. Nous pouvons donc présumer que ce sont les entreprises et les citoyens canadiens qui en ont profité. Nous avons des taux d'inoccupation sans précédent, particulièrement dans ma ville, Toronto. Le taux de disponibilité locative officiel s'élève à 3 p. 100, mais je pense qu'il est probablement plus près de 5 ou de 6 p. 100. Le nombre de mises en chantier connaît une hausse vertigineuse. Tout cela est imputable au fait que les gens ont les moyens de payer les hypothèques. Le coût du logement est beaucoup plus abordable.

    Je pourrais donc vous faire valoir que rembourser la dette entraîne des possibilités économiques favorisant la prospérité.

¹  +-(1555)  

+-

    Mme Norma Kozhaya: Vous attribuez donc essentiellement la faiblesse des taux d'intérêt au remboursement de la dette, n'est-ce pas?

+-

    L'hon. John McKay: Notre gouvernement n'emprunte plus sur les marchés. Il n'a fait que modifier la composition des recettes fiscales pour qu'elle soit plus avantageuse. Que ce soit notamment à cause des taux d'intérêt, du marché à terme, des conditions propres au Canada ou à d'autres pays, il n'en demeure pas moins que la composition des recettes fiscales rapporte beaucoup plus au gouvernement.

+-

    Mme Norma Kozhaya: Exactement. Je ne dis pas qu'il n'est pas rentable d'avoir réduit la dette. Je dis plutôt que, puisque nous l'avons ramenée à son niveau actuel, la dette constitue peut-être un problème moins urgent, et nous pouvons nous permettre d'utiliser autrement nos recettes. Si la réduction de la dette a permis de créer des emplois, cela équivaut presque à réduire les dépenses, mais nous n'accordons pas les mêmes genres d'incitatifs personnels, même si cela...

    En fait, il faut se demander également si l'activité immobilière accrue est durable et utile. Dans la situation actuelle, il semble qu'il soit moins urgent de s'attaquer à cette question que d'améliorer les niveaux de revenu des Canadiens. À mon avis, nous pourrions mieux y parvenir en ramenant les impôts à un niveau plus concurrentiel pour inciter les Canadiens à travailler ici plutôt qu'aux États-Unis, où notamment les taux d'imposition sont inférieurs.

+-

    L'hon. John McKay: Merci.

    Me reste-t-il du temps?

+-

    Le président: Vous n'en avez plus.

    Monsieur Penson.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci.

    Je voudrais simplement poursuivre dans la même veine. Je comprends ce que vous dites à propos du remboursement de la dette—que c'est moins important que les allègements fiscaux. Dans les témoignages que nous avons entendus non seulement aujourd'hui mais au cours des ans, on nous a fait valoir que la productivité et la compétitivité du Canada diminuaient depuis un certain temps et qu'il existait un écart assez important entre nous et notre principal partenaire commercial, les États-Unis.

    Une façon de combler cet écart, si vous me permettez l'expression, serait de réduire les impôts pour que les entreprises canadiennes soient en mesure de réinvestir dans l'innovation et l'équipement afin d'améliorer leur compétitivité et de faciliter leur exploitation. Ainsi, nos entreprises jouiraient d'un avantage concurrentiel légèrement supérieur. Est-ce pourquoi vous préconiseriez de réduire les impôts plutôt que de rembourser la dette?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Réduire les impôts, dites-vous...?

+-

    M. Charlie Penson: Je pense que la question est la suivante : si les entreprises ou les fabricants canadiens pouvaient réinvestir avec l'argent économisé à la suite d'allègements fiscaux, est-ce là une raison, selon vous, expliquant pourquoi il faudrait accorder la priorité à la réduction des impôts plutôt qu'au remboursement de la dette?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Oui. Si elles disposaient de plus d'argent parce qu'elles payaient moins d'impôt, les entreprises canadiennes seraient plus concurrentielles, ce qui produirait davantage de recettes fiscales... un tel scénario est préférable à une réduction de la dette.

º  +-(1600)  

+-

    M. Charlie Penson: J'aimerais simplement savoir si vous vous tenez au courant de la situation aux États-Unis. Les élections qui ont eu lieu il y a quelques jours entraîneront peut-être des modifications dans les politiques établies. Si les États-Unis décidaient d'apporter des changements afin de réduire leur déficit courant, pourraient-ils envisager notamment d'encourager une hausse des taux d'intérêt? Est-ce une possibilité dont nous devons peut-être tenir compte?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Une hausse des taux d'intérêt...

[Français]

    Je crois que je ne suis pas assez qualifiée pour répondre, mais une hausse des taux d'intérêt serait peut-être envisageable, éventuellement.

    Je ne sais pas ce qu'ils vont décider, mais je crois qu'ils pourraient peut-être commencer par réduire leurs dépenses. En fait, si on observe bien, on voit que les recettes fiscales ont diminué aux États-Unis, mais qu'elles recommencent à augmenter. Étant donné leur déficit budgétaire énorme, cela risque d'améliorer la situation.

    En ce qui a trait aux taux d'intérêt, bien sûr, cela va dépendre de la situation. Pour l'instant, il ne semble pas y avoir une augmentation très importante des taux d'intérêt. Je ne sais pas ce qui se passera lorsqu'ils auront réglé leur problème d'emploi intérieur et certains autres problèmes, que ce soit dans l'immédiat ou dans un futur plus lointain.

[Traduction]

+-

    M. Charlie Penson: Revenons à la question des impôts les plus susceptibles de provoquer un ralentissement ou une croissance de l'économie. Votre institut s'est-il penché sur le rapport Mintz ou sur ce qui est proposé à l'égard de la nécessité d'une réforme fiscale? Il y est indiqué que certains types d'impôt freinent considérablement la croissance des recettes. Prenons l'exemple de l'impôt sur le revenu des particuliers. Plus le nombre de contribuables susceptibles d'être dans la tranche d'imposition supérieure augmente, plus les gens sont susceptibles de ne pas vouloir y accéder. Vous êtes vous penché sur ce rapport?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Je pense que les études effectuées montrent essentiellement que l'impôt des particuliers ou celui des sociétés ont un effet de dissuasion, mais que les taxes à la consommation, notamment, ont un effet de dissuasion moindre ou n'en ont pas du tout. Examinez l'effet des impôts sur les économies et les investissements... l'impôt sur le revenu vise les économies d'une certaine façon. Cependant, la taxe à la consommation ne vise pas les économies, mais uniquement la consommation.

    Si vous souhaitez alléger les impôts, vous devez naturellement atténuer cet effet de dissuasion sur les revenus et les recettes, de préférence aux taxes de consommation ou à d'autres formes d'imposition.

+-

    M. Charlie Penson: Diriez-vous que les pays européens qui ont une taxe de vente, une taxe sur la valeur ajoutée, plus élevée que celle du Canada ont adopté la bonne approche?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Si je comprends bien, nous avons des surplus à l'heure actuelle.

[Français]

    Pour l'instant, on a des surplus budgétaires. Si, éventuellement, on devait augmenter les taxes, cela se ferait plus sur le plan des taxes de vente, par exemple, que sur le plan de l'impôt sur le revenu.

[Traduction]

+-

    M. Charlie Penson: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Hubbard, puis ce sera M. Loubier, rapidement.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue au comité.

    Nous voulons connaître le point de vue des régions, et je ne connais pas très bien l'institut de Montréal. Combien d'économistes y travaillent? L'institut est-il associé aux universités? Pouvez-vous nous donner brièvement quelques renseignements généraux sur votre organisme? Avant tout, s'intéresse-t-il surtout au Québec ou à l'ensemble du Canada?

º  +-(1605)  

+-

    Mme Norma Kozhaya: Nous nous intéressons surtout aux enjeux du Québec, mais aussi aux enjeux canadiens. Par exemple, nous avons effectué certains travaux sur le commerce interprovincial et le système de santé, ce qui touche l'ensemble du Canada. Disons que la moitié de nos travaux vise surtout le Québec et l'autre moitié porte sur des dossiers canadiens, voire internationaux.

    Nous avons quelques économistes. Nous travaillons parfois en consultation avec des universitaires à qui nous demandons d'examiner nos études.

+-

    M. Charles Hubbard: Vous avez beaucoup parlé du surplus et de la dette. À l'heure actuelle, une partie importante de nos revenus est affectée au service de la dette. Je sais que notre PIB a grimpé; nous avons un meilleur ratio qu'à l'époque où notre gouvernement a été élu en 1993.

    Quel serait le niveau optimal? Vous semblez dire qu'il ne faut pas s'occuper de la dette, mais êtes-vous prête à maintenir une dette de 500 milliards de dollars qu'il faut amortir? Nous sommes très chanceux à l'heure actuelle, parce que les taux d'intérêt sont très bas.

    Pouvez-vous dire au comité quel serait le niveau optimal de la dette qu'un pays comme le Canada pourrait assumer?

+-

    Mme Norma Kozhaya: C'est une question difficile. Je ne sais pas s'il y a un consensus sur le niveau optimal de la dette. Bon nombre d'études tentent de démontrer quel serait le niveau optimal de la dette par rapport au PIB, par exemple, mais personnellement, je n'en connais aucune qui donne des chiffres précis. Nous pouvons faire des comparaisons avec d'autres pays, par exemple les pays européens, et voir si notre niveau est acceptable ou non.

    Même si nous payons pour amortir notre dette, et elle n'est pas négligeable—mais c'est le cas aussi des autres pays—, si nous voulons une économie plus dynamique, si nous voulons des revenus plus élevés par habitant, nous ne pouvons y arriver simplement en diminuant la dette. Si nous ne pouvons nous permettre de réduire les impôts maintenant, après plusieurs années de surplus, plusieurs années d'expansion économique—et nos résultats sont bons par rapport à d'autres pays, par rapport aux États-Unis—, je crois que nous ne pourrons jamais le faire.

    Si nous allégeons les impôts, nous serons tôt au tard en mesure de réduire la dette. Je ne me réjouis pas d'avoir une dette de 500 milliards de dollars, mais je crois que c'est moins urgent pour la prospérité économique de réduire la dette que de réduire les impôts.

+-

    M. Charles Hubbard: Vous vous intéressez principalement au Québec et c'est de cette province dont vous parlez plus particulièrement. Or, on y trouve une grande disparité économique dans les régions—presque tous les jours à la Chambre des communes, des députés s'inquiètent du chômage qui sévit dans la province de Québec. On pourrait croire qu'il faudrait investir ou trouver un autre moyen pour qu'un plus grand nombre de personnes aient la chance de travailler, parce que très peu de gens veulent recevoir des prestations d'assurance-emploi; ils veulent pouvoir travailler.

    Quelle stratégie budgétaire recommanderiez-vous au comité afin d'améliorer les perspectives économiques et augmenter les investissements de manière à offrir ces possibilités dans votre propre province?

+-

    Mme Norma Kozhaya: En fait, mon étude a été faite à l'intention de Québec puisque, comme vous le savez, le gouvernement libéral avait promis de réduire les impôts, mais ne l'a pas fait. Il semble qu'il ne peut se permettre de réduire les impôts.

    Je recommanderais encore de diminuer les impôts et d'encourager les gens à travailler. Le chômage est une question très délicate. Nous avons beaucoup de contraintes sur le marché du travail, peut-être à cause d'une plus forte présence des syndicats ou d'autres raisons, qui font en sorte que le niveau de chômage est élevé au Québec. Si nous voulons que les gens investissent davantage, il faut leur offrir plus d'incitatifs et diminuer les contraintes.

    Je dirais d'abord qu'il faut pratiquement éliminer l'impôt sur le capital, par exemple. Par ailleurs, la réduction de l'impôt sur le revenu peut inciter les entreprises à investir davantage au Québec, parce qu'elles auraient plus d'employés qualifiés, plus de personnes qualifiées disponibles pour travailler, et elles auraient plus d'incitatifs pour investir au Québec.

º  +-(1610)  

+-

    Le président: Merci.

    Merci, monsieur Hubbard.

    Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

    J'ai une courte question à poser. Est-ce que l'Institut économique de Montréal a fait des évaluations des surplus que dégagera le gouvernement fédéral au cours du présent exercice? Avez-vous fait des prévisions de ce genre?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Non, nous ne faisons pas de prévisions à l'Institut économique de Montréal. Nous faisons des études plus générales. Nous n'avons pas de fiscalistes ou de comptables à notre emploi. Nous étudions ce que font les spécialistes de la question.

+-

    M. Yvan Loubier: Je vous remercie beaucoup.

    Je vous avais dit qu'elle était courte, ma question.

+-

    Le président: Très bien.

    Je vous remercie de votre présence, madame. Si vous le voulez, vous pouvez rester, mais les députés adresseront maintenant leurs questions à M. Gibbins.

[Traduction]

    Monsieur Gibbins, merci de comparaître devant le comité. Nous allons changer notre façon de procéder puisque vous êtes arrivé un peu en retard. Nous allons vous donner cinq minutes pour présenter vos observations préliminaires, puis les membres du comité vous poseront des questions. La période de questions devrait durer environ une demi-heure.

    Merci.

+-

    M. Roger Gibbins (président et chef de direction, Canada West Foundation): J'aimerais vous remercier de m'avoir invité. Je vous prie également de bien vouloir excuser mon retard—j'avais déjà un engagement que je ne pouvais annuler.

    Monsieur le président, permettez-moi de vous dire d'abord que la Canada West Foundation n'a pas adopté de position sur cette question. Je ne parle pas au nom de mon conseil d'administration, ni au nom de la fondation, et je n'oserais pas prétendre parler au nom des Canadiens de l'Ouest ou de l'Ouest du Canada. Je parle en mon nom personnel.

    Mes commentaires découlent d'un débat parallèle qui se tient actuellement en Alberta, où on se demande ce qu'il faut faire d'un surplus provincial d'environ 9 milliards de dollars l'an prochain. Un grand nombre d'options sont les mêmes : augmenter les dépenses de programmes, réduire les impôts, faire des réserves pour éventualités. La seule option que l'Alberta n'examine pas et que l'on peut débattre ici, c'est le remboursement de la dette provinciale. Nous nous y sommes attaqués, et ce n'est plus une option.

    Il y a une autre différence importante entre le débat albertain et les discussions de votre comité. Le surplus qu'enregistre l'Alberta est surtout attribuable au prix élevé d'une ressource naturelle énergétique non renouvelable. Dans sa forme la plus simple, le surplus d'Ottawa est attribuable à une imposition excessive. Pour dire les choses simplement, le gouvernement fédéral recueille des sommes d'argent qu'il n'a pas l'autorisation de dépenser, et il le fait année après année. La réponse à la question du surplus est simple : remettez cet argent aux gens qui l'ont donné. Si, année après année, vous prenez plus d'argent que vous en avez besoin, alors redonnez-le aux Canadiens.

    Toutefois, d'après ce que nous pouvons entendre, la population ne souhaite pas vraiment des réductions d'impôt, du moins dans mon coin de pays. Il semble, en fait, qu'on soit davantage en faveur d'une augmentation des dépenses de programmes.

    Nous avons mené un sondage auprès de 3 200 Canadiens de l'Ouest en janvier dernier. On leur a demandé de classer 13 sujets en ordre de priorité. La réduction des impôts est arrivée au dixième rang. Même en Alberta, la baisse des impôts est arrivée au dixième rang parmi 13 priorités.

    Dans un sondage que le gouvernement provincial a effectué sur l'utilisation de son propre surplus, on a constaté encore une fois qu'on était beaucoup plus en faveur des dépenses de programmes en matière de santé et d'éducation qu'en faveur des réductions d'impôt.

    Cela m'amène à toucher au coeur du problème. L'accumulation des surplus fédéraux traduit de façon éloquente l'argumentation des gouvernements provinciaux sur le déséquilibre fiscal vertical que l'on trouve dans le système fédéral. Ottawa prélève plus d'impôt qu'il n'en a besoin, alors que les gouvernements provinciaux et les autorités municipales ont du mal à combler leurs propres besoins. La solution traditionnelle à ce problème a été de transférer des ressources d'Ottawa aux provinces par les paiements de transfert.

    Il vaudrait mieux, à mon avis, qu'Ottawa réduise le fardeau fiscal et donne ainsi une plus grande marge fiscale aux gouvernements provinciaux. Ou encore, si nous ne voulons pas passer par les contribuables, si nous ne voulons pas donner d'une main et prendre de l'autre, il faut alors utiliser le surplus en transférant des points d'impôt aux provinces. De cette façon, nous pouvons nous attaquer au déséquilibre fiscal sans recourir aux transferts.

    Voilà ce que je propose : ne gardez pas le surplus à Ottawa, mais transférez-le aux gouvernements qui ont besoin de cet aide financière. En d'autres mots, le gouvernement fédéral devrait s'occuper de ses affaires et s'en tenir à ses principales responsabilités.

    Si l'argent recueilli est supérieur aux dépenses approuvées par le Parlement, remettez cet argent aux Canadiens et donnez une plus grande marge fiscale aux administrations provinciales et municipales. Si le gouvernement fédéral souhaite étendre ses tentacules, qu'il le fasse de façon directe et transparente : créez de nouveaux programmes et de nouvelles sources de revenus en suivant les procédures parlementaires habituelles, mais ne le faites pas de façon détournée avec les surplus.

º  +-(1615)  

    Dernière chose. On dit souvent, ici comme en Alberta, que nous devrions utiliser le surplus pour répondre aux besoins urgents des Canadiens à faible revenu et moins nantis. Je serais d'accord sur ce point si on le fait en réduisant les impôts : en commençant au bas de l'échelle, il va de soi. Toutefois, je m'y opposerais farouchement si nous augmentons les dépenses de programmes. La façon dont nous traitons les moins fortunés traduit bien notre véritable sens civique. Par conséquent, en tant que Canadien, je trouve révoltant que l'on songe à utiliser le surplus pour répondre aux besoins sociaux. C'est une responsabilité fondamentale de citoyen et une responsabilité fondamentale des gouvernements. Ce n'est pas une peccadille, quelque chose dont on peut s'occuper en période de prospérité, quand on a trop d'argent dans les poches. Cette question devrait être rayée des débats sur le surplus. Elle touche à l'essence même de ce que sont les Canadiens et leurs gouvernements.

    Merci beaucoup de m'avoir écouté.

+-

    Le président: Merci, monsieur Gibbins.

    Nous allons commencer avec Mme Ambrose.

+-

    Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Gibbins, pour votre exposé.

    Je souscris à tout ce que vous avez dit, mais j'aimerais que vous nous parliez davantage du déséquilibre fiscal, du transfert des points d'impôts ainsi que des avantages et des inconvénients que comporte le transfert des points d'impôts aux provinces comme moyen de régler le déséquilibre fiscal, par rapport aux transferts.

+-

    M. Roger Gibbins: Je vais m'expliquer dans les limites de mes capacités, en tant que politicologue. Gardez à l'esprit que je ne suis pas économiste et prenez ce que je dis avec un gros grain de sel.

    Au cours des 30 dernières années, les experts ont été de plus en plus nombreux à montrer qu'il existe un déséquilibre fiscal, et ce déséquilibre se trouve entre, d'une part, un gouvernement qui a des revenus supérieurs à ce dont il a besoin et, d'autre part, des gouvernements qui ont plus de responsabilités qu'ils ne peuvent financer. Le problème quand on veut corriger ce déséquilibre par des transferts quelconques, c'est que ces transferts sont assortis de conditions et qu'on impose des contraintes aux gouvernements qui reçoivent ces transferts alors qu'ils s'occupent des dossiers qui relèvent de leurs propres responsabilités.

    Je comprends la façon dont les paiements de transferts ont été utilisés au Canada pour créer certaines normes nationales, et je peux y souscrire dans une certaine mesure. Je ne veux pas rejeter cette approche d'emblée, mais je crois que nous avons assez de conditions à l'heure actuelle et qu'il faut adopter une approche plus fondamentale pour tenter de corriger le déséquilibre fiscal. Cela signifie qu'il faut redonner la capacité d'imposition aux gouvernements qui fournissent les services et maximiser l'obligation de rendre compte dans le système politique. En effet, un des effets négatifs des paiements de transferts est un manque de responsabilité politique : un gouvernement dépense l'argent perçu par un autre gouvernement. À mon avis, ce n'est pas une situation idéale.

º  +-(1620)  

+-

    Mme Rona Ambrose: Compte tenu de ce que vous venez de dire, un des arguments philosophiques que nous entendons toujours, c'est la dévolution totale et l'abdication du gouvernement fédéral de son rôle national. Je me demande si vous pouvez, à titre de politicologue, commenter cette approche.

+-

    M. Roger Gibbins: Je ne crois pas que le fait d'accorder aux gouvernements provinciaux et aux administrations municipales un pouvoir de taxation accru constitue en soi un exemple de dévolution. Cela peut se faire à l'intérieur du cadre constitutionnel en place. C'est une démarche visant simplement à raffermir les mécanismes de responsabilisation. Selon moi, c'est une mesure dont la logique s'impose sans qu'on ait nécessairement à parler de dévolution ou de décentralisation accrue. Si on enlève au gouvernement fédéral toute possibilité d'avoir recours au financement conditionnel comme mécanisme de transfert, je crois qu'on va un peu trop loin. La conditionnalité n'est pas une lacune de notre système en place; j'estime que nous pouvons intervenir d'une manière plus générale pour nous doter de mécanismes de transfert qui sont véritablement fondés sur les sources de revenu fiscal et qui remettent la responsabilité du financement entre les mains des provinces et des administrations municipales.

+-

    Mme Rona Ambrose: Pour en revenir au débat en cours au sujet de la péréquation, j'aimerais que vous nous fassiez part de vos observations sur la formule proposée et sur la pertinence d'inclure ou non dans cette formule les ressources non renouvelables.

+-

    M. Roger Gibbins: Encore là, je tiens à préciser dès le départ que je ne jouis que d'une expertise limitée dans ce domaine.

    Je dirais que la répartition inégale des ressources entre les différentes régions du pays devrait être un facteur à considérer si l'on veut mieux comprendre la question des paiements de péréquation. Selon moi, il n'est pas logique que l'Alberta, par exemple, ne soit pas prise en compte dans la formule de péréquation, étant donné les objectifs d'une telle formule. J'aurais donc tendance à privilégier, sans toutefois avoir réfléchi à la question autant que je l'aurais souhaité, la formule à dix provinces. Par ailleurs, je reconnais que cela fait porter le fardeau de la péréquation au gouvernement fédéral. Cela ne change rien dans le cas de l'Alberta, parce que le gouvernement provincial ne paye rien pour la péréquation. Cela crée donc pour le gouvernement fédéral un problème fiscal sur lequel il faut, selon moi, se pencher très sérieusement. Mais si l'on s'en tient aux principes, il est tout à fait logique d'avoir une formule de péréquation basée sur dix provinces, plutôt que cinq, et cette idée est probablement plus facile à vendre aux Canadiens. La formule de péréquation actuelle est d'une telle complexité qu'il devient difficile d'en débattre efficacement sur les tribunes politiques. Je crois donc qu'il serait logique de la simplifier, de la rationaliser, si cela est possible.

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Docteur Gibbins, je vous remercie de votre excellent exposé.

    En vous écoutant tout à l'heure, j'avais l'impression de m'entendre. Nous avons eu ce matin un débat sur la péréquation et le déséquilibre fiscal, et je faisais remarquer à ma collègue conservatrice que nous étions entièrement d'accord, dans notre parti, sur tout ce que vous avez dit.

    Vous avez raison lorsque vous dites qu'on est peut-être rendu à un point tournant, comme en 1964, alors que M. Pearson était premier ministre du Canada et M. Lesage, premier ministre du Québec et qu'une conférence avait donné lieu à un transfert de points d'impôt. On s'était aperçu que des responsabilités particulières dictées par la première loi du pays, qu'on appelle la Constitution, faisaient en sorte qu'un rééquilibrage des pouvoirs fiscaux des provinces et du gouvernement fédéral était nécessaire.

    J'ai bien aimé votre exposé également. Il semble que vous ayez mis l'accent sur le fait que les transferts ne sont plus la réponse, parce qu'ils sont imprévisibles d'une année à l'autre. Il faut recommencer le processus année après année. Lorsqu'une province a la responsabilité d'offrir des services de santé, d'éducation et de soutien du revenu des personnes les plus défavorisées, elle ne peut pas agir une année en ne sachant pas ce que l'année suivante ou les cinq prochaines années lui réservent. Dans le secteur de la santé, c'est encore plus évident. On ne peut pas engager un médecin cette année quand on ne sait pas si, l'année prochaine, on va avoir assez d'argent pour le garder en poste.

    J'aimerais que vous m'expliquiez votre préférence. Vous parliez d'un transfert de points d'impôt, mais il existe également la possibilité de transférer un champ fiscal particulier du gouvernement fédéral vers les provinces, en l'occurrence celui des revenus de la TPS. Ne serait-il pas intéressant que le gouvernement fédéral transfère le champ fiscal de la TPS aux provinces? Cela donnerait aux provinces l'autonomie nécessaire pour accomplir leurs responsabilités ainsi que de la flexibilité pour prendre leurs décisions quant à la gestion de ce montant, mais, surtout, le montant dont elles disposeraient serait prévisible parce que l'augmentation des recettes de la TPS est assez directement liée à la croissance du PIB.

º  +-(1625)  

[Traduction]

+-

    M. Roger Gibbins: C'est une question très difficile pour un Albertain car cela aurait pour effet de voir le gouvernement de l'Alberta imposer soudainement une taxe de vente provinciale de 7 p. 100, ce qui ne ferait certes pas son bonheur.

    Permettez-moi de vous répondre de façon un peu indirecte. Je conviens tout à fait qu'il y a une grande différence entre un excédent budgétaire unique—eh, nous en avons plus qu'il nous en faut cette année—et un excédent davantage structurel, ou du moins qui semble l'être. À la lumière des témoignages que vous avez entendus la semaine dernière, il semble que cela soit devenu une situation permanente. J'estime donc qu'il faut d'abord considérer les transferts à l'intérieur du régime fiscal et du système de points d'impôt.

    J'hésite davantage à vous entretenir de la question du transfert des responsabilités sans y avoir réfléchi plus à fond. Instinctivement, je croirais qu'il serait préférable de revoir la répartition des points d'impôt avant de considérer la question des responsabilités. Je ne dirais pas qu'il convient d'éviter cette discussion plus générale, mais je ne crois pas que cela devrait nous empêcher de nous pencher, dès que possible, sur la question des points d'impôt.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Docteur Gibbins, j'aimerais vous réinviter un peu plus tard au cours de l'année 2005, lorsqu'un sous-comité tentera de trouver des solutions au problème du déséquilibre fiscal. J'ai trouvé votre exposé fort intéressant. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Loubier.

    Je cède la parole à M. Bell, qui sera suivi de Mme Minna, de M. Côté et de M. Hubbard.

[Traduction]

+-

    M. Don Bell (North Vancouver, Lib.): Merci, monsieur Gibbins.

    Quand on pense au fardeau fiscal imposé aux Canadiens, que ce soit par le gouvernement fédéral, les provinces, les municipalités, les commissions scolaires, les autorités régionales, le cas échéant, jusqu'où peut-on aller? J'ai travaillé au sein d'administrations locales pendant 30 ans à différents niveaux et la plupart des gens semblent d'avis que les impôts qu'ils doivent payer sont trop élevés. Mais trop élevés par rapport à quoi? Les sondages que j'ai consultés donnent des résultats équivalents à celui que vous avez mené auprès de 3 200 répondants, à savoir que la réduction des impôts est considérée moins importante que l'amélioration des programmes offerts. Mes années de politique municipale m'ont permis de constater que les gens ne veulent pas de réductions dans les services ou les programmes, ils veulent qu'on mette fin aux gaspillages gouvernementaux, une remarque qui revient année après année. Lorsque vous suggérez qu'une partie de l'espace fiscal fédéral, si on veut l'appeler ainsi, devrait être transférée à un autre palier de gouvernement, comment cela peut-il se concevoir concrètement dans l'esprit des gens?

º  +-(1630)  

+-

    M. Roger Gibbins: Encore là, je vous répondrai davantage en tant que citoyen qu'en ma qualité d'économiste.

    À la lecture des témoignages entendus par ce comité la semaine dernière, deux choses ont retenu mon attention. Premièrement, tout semble indiquer que, sous bien des aspects, l'économie canadienne a connu de très bons résultats au cours de la dernière décennie. Par ailleurs, certains ont fait valoir que nous aurions besoin d'un régime fiscal différent si nous voulons être mieux en mesure de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. Mon instinct me dit que, compte tenu de la bonne performance de l'économie canadienne au cours des dernières années, le fardeau fiscal total des Canadiens n'est pas tellement disproportionné par rapport à ce que ses citoyens seraient raisonnablement en droit de s'attendre pour avoir accès aux programmes et services. Je ne vois pas d'indication claire que les Canadiens réduisent leurs attentes quant à ce que les gouvernements devraient faire. En fait, à l'échelon municipal, ces attentes semblent en pleine croissance et presque sans bornes.

    À mon avis, les Canadiens ne devraient donc pas trop se plaindre du fardeau fiscal qu'ils doivent actuellement assumer. Ce que j'estime être davantage discutable—et mes collègues ont une opinion différente de la mienne à ce sujet—, c'est la répartition du fardeau fiscal entre les différents ordres de gouvernement. Des travaux que nous avons réalisés et des analyses menées par des villes de l'Ouest canadien ont révélé qu'environ 4 p.100 des recettes fiscales demeurent à la disposition des gouvernements locaux; c'est donc une très forte proportion de ces recettes, 96 p. 100, qui se retrouvent ailleurs. J'aimerais qu'il existe au sein du régime fiscal un lien plus direct entre les réalisations d'un gouvernement et les recettes fiscales qui lui reviennent. Dans un monde idéal, nous n'aurions pas droit à une réduction considérable du fardeau fiscal, mais bien à une redistribution qui verrait sans doute les municipalités et les provinces imposer davantage pendant que le gouvernement fédéral imposerait moins.

+-

    M. Don Bell: Vous avez dit que vous parliez à titre personnel. Je vais donc vous poser une question fondée sur votre expertise personnelle. J'ai noté que les conseillers en crédit disent toujours à leurs clients qu'en cas d'entrée d'argent supplémentaire, ou d'augmentation de salaire qui sera permanente, comme ce fut le cas avec le projet de loi C-10, ou de gains inattendus pour une raison ou une autre, il est préférable de rembourser ses dettes, le cas échéant, en commençant par celles qui coûtent le plus cher, soient celles assorties du taux d'intérêt le plus élevé. Je crois que c'est ce qui a posé problème dans la situation qui nous intéresse. J'ai entendu les gens se plaindre du fait qu'une si grande proportion de ce que les contribuables paient en impôt soit utilisée pour rembourser la dette résultant du financement déficitaire.

    Ne serait-il pas prioritaire—comme ce fut le cas pour des gouvernements provinciaux, dont l'Alberta notamment—de rembourser la dette jusqu'au point où, théoriquement, elle serait éradiquée ou atteindrait un niveau très bas, pour ensuite réduire les impôts ou transférer le pouvoir de taxation? Étant donné que le gouvernement fédéral a la dette la plus élevée et doit consacrer un si fort pourcentage de la ponction fiscale totale à son remboursement, cela ne devrait-il pas être une priorité? C'est le point de vue que j'ai entendu. Il semble toutefois que vous soyez d'un avis différent.

+-

    M. Roger Gibbins: À la lumière de mon expérience personnelle du remboursement d'une hypothèque et de mon expérience de citoyen albertain qui rembourse la dette provinciale et constate les avantages qui en découlent, je dois certainement vous donner raison quand vous parlez du remboursement de la dette fédérale comme d'une priorité. Il me semble toutefois qu'il est possible de réaliser des progrès considérables dans l'éradication de la dette en éliminant les déficits, comme nous l'avons fait, et via la croissance économique. Alors, je ne suis pas nécessairement un partisan de la réduction de la dette.

    J'aime l'idée d'un échéancier. J'aime l'idée d'un engagement ferme du gouvernement fédéral à s'attaquer au problème de sa dette, mais je suis moins enclin à considérer comme une grande priorité le remboursement accéléré de la dette. Je ne pense pas qu'un programme de remboursement accéléré de la dette soit considéré comme une grande priorité par les citoyens canadiens, du moins dans l'Ouest du Canada où j'ai principalement travaillé.

+-

    Le président: Merci, monsieur Bell.

    Madame Minna, monsieur Côté puis monsieur Hubbard.

+-

    L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais revenir, monsieur Gibbins, à quelques-uns des commentaires que vous avez faits précédemment. Nous semblons parler des provinces comme s'il s'agissait de créatures très fragiles n'ayant pas leurs propres pouvoirs de taxation et leurs sphères de responsabilité respectives. Ce n'est pourtant pas le cas, car non seulement peuvent-elles prélever des impôts auprès des particuliers et des entreprises, mais elles disposent également d'autres sources fiscales auxquelles le gouvernement fédéral n'a même pas accès.

    Nous semblons également présumer, ce qui me cause certains problèmes, que l'excédent est à ce point structurel qu'il se répétera indéfiniment. Nous semblons parler d'une décennie d'excédents. Il ne s'agit pas d'une décennie, si je puis me permettre, mais bien de sept ans. Je me souviens très bien de nos trois ou quatre premières années ici. La situation n'était pas rose. Les temps étaient durs. Le pays était supposément en faillite. Nous ne voulons pas nous retrouver à nouveau dans une telle situation.

    Je sais comme vous que les États-Unis ont un déficit énorme, sans parler de leur important déficit commercial. Je crois que ce pays va faire faillite ou finir par imploser. Ils ne peuvent maintenir leur niveau de déficit actuel. Dans un tel contexte, il est inévitable que notre économie en ressente les répercussions. Je ne sais pas si ce sera dans deux ou quatre ans, ou beaucoup plus tard, mais les effets vont assurément se faire sentir.

    Je crois que nous faisons erreur en présumant que l'excédent est une situation qui perdurera à jamais et que nous pouvons donc nous départir de nos points d'impôt. Je ne suis pas d'accord avec une telle hypothèse.

    Troisièmement, malgré nos efforts pour réduire les impôts et éliminer le déficit, et malgré la diminution de notre dette, il persiste au Canada d'autres types de déficits importants auxquels nous devons nous attaquer. Il faut espérer que cela se fera à long terme si nous continuons à faire les investissements nécessaires, comme pour l'environnement et Kyoto. Personne ne peut dire le contraire; il faudra investir beaucoup. Il y a tout le secteur de la recherche. Nous avons investi énormément dans la recherche en santé, la technologie et d'autres domaines de recherche, mais cela ne reste encore qu'un seul secteur. Il y en a d'autres—la défense, nos engagements internationaux, nos soins de santé, les enfants; nous discutons actuellement du dossier des enfants dans le but de nous donner des programmes pancanadiens dans lesquels le gouvernement pourra exercer un certain leadership. Ce sont autant de secteurs où il nous faut intervenir.

    Dans ce contexte, on continue de parler des dépenses à effectuer et des transferts de points d'impôt à octroyer aux provinces... Nous avons déjà fait cela. À l'époque—je sais que cela remonte aux années 70—, je me souviens d'avoir assisté à un débat visant à déterminer si les provinces devaient utiliser ces fonds aux fins pour lesquelles les points d'impôt étaient transférés, c'est-à-dire pour la santé. Comme vous le savez bien sûr maintenant, on prétend que cette exigence n'existe tout simplement pas.

    Il faut également préciser que l'accroissement des transferts de fonds ne signifie pas nécessairement que la province devient mieux apte à offrir de meilleurs programmes à ses citoyens. En Ontario, par exemple, nous avons vécu 10 années de réductions d'impôt. Les fonds dont disposait la province et la productivité économique accrue dont elle a profité, parce que ce fut le cas en Ontario comme pour le reste du pays, ont permis de réduire les impôts. Cette province enregistre maintenant un lourd déficit sur lequel le gouvernement du Canada n'exerce aucun contrôle.

    Ce qui revient essentiellement à dire que je ne peux pas, dans mon rôle de parlementaire fédérale devant trouver le juste équilibre entre la situation financière du pays et ses priorités, et veiller à ce que nous soyons en mesure de réagir en cas de crise ultérieure, me permettre de tenir pour acquis que nous allons réaliser des excédents année après année.

    Je ne comprends donc pas que vous puissiez en arriver à dire que l'excédent est là, qu'il faut transférer les points d'impôt et que c'est la solution pour régler les problèmes. Ce n'est pas mon point de vue. Je constate les responsabilités que nous devons assumer et toutes ces choses que nous n'avons pas encore réalisées. Je ne vois pas les fondements d'une telle prise de position.

º  +-(1635)  

+-

    M. Roger Gibbins: J'aimerais être clair à propos d'un ou deux points.

+-

    Le président: Mme Minna a pris près de quatre minutes, si bien qu'il vous reste une minute environ.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: Monsieur le président, je peux lui donner le temps dont je dispose pour qu'il puisse répondre.

[Traduction]

+-

    L'hon. Maria Minna: Pas de problème.

+-

    Le président: Je veux être juste avec tout le monde.

+-

    M. Roger Gibbins: Je vais essayer d'être beaucoup plus rapide.

+-

    L'hon. Maria Minna: Désolée, nous pourrons parler après si vous voulez.

+-

    M. Roger Gibbins: Je vais essayer de répondre beaucoup plus rapidement.

    Je suis complètement d'accord, le gouvernement fédéral doit faire preuve de prudence en matière de sources de recettes. Toutefois, je crois qu'il est risqué d'afficher un excédent fédéral cumulatif, qui pourrait encourager le gouvernement fédéral à se lancer dans des initiatives alors qu'il devrait peut-être s'en abstenir.

    Vous avez dit qu'il faudrait penser à d'autres formes d'investissement. Je suis complètement d'accord. Mon organisme a surtout concentré ses efforts sur les infrastructures municipales. À mon avis, un réinvestissement dans ce domaine est des plus urgents. Je ne sais pas vraiment si cet investissement devrait provenir du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux ou des gouvernements municipaux. À mon avis, ce n'est pas parce que d'autres formes d'investissement s'imposent qu'il faut conserver le pouvoir financier à Ottawa. Il faudrait plutôt prévoir un argument ou un cadre plus raisonné et il s'agit, selon moi, d'un bon débat pour l'ensemble du pays.

º  +-(1640)  

+-

    L'hon. Maria Minna: Nous allons poursuivre la discussion, j'en suis sûre.

+-

    M. Roger Gibbins: Je l'espère bien.

[Français]

+-

    Le président: Nous passons à M. Côté, qui sera suivi de M. Hubbard.

+-

    M. Guy Côté: Vous ne serez guère surpris d'apprendre que votre présentation a été comme de la musique à nos oreilles. Nous avons tous nos dadas, si vous me permettez l'expression. Le mien est l'effet qu'ont ces surplus non prévus, année après année, sur l'imputabilité et la démocratie de ce pays. Vous y avez fait allusion un peu plus tôt et vous venez tout juste de le faire, notamment en parlant des infrastructures municipales. J'aimerais que vous nous donniez un peu plus de détails sur ce sujet.

[Traduction]

+-

    M. Roger Gibbins: Au sujet des infrastructures municipales?

+-

    M. Guy Côté: Oui et aussi au sujet de l'effet sur la démocratie; pourquoi cacher ces excédents année après année pour arriver à un excédent inattendu de 7 milliards de dollars?

+-

    M. Roger Gibbins: C'est une question difficile.

    J'aimerais que l'établissement du budget du gouvernement se rapproche le plus possible de l'objectif visé pour que le Parlement recueille les fonds dont il a besoin, pas plus et pas moins. Je comprends qu'il y ait un peu de dérapage, un peu d'imprévisibilité, sans compter que le gouvernement fédéral doit faire preuve de prudence également. Il semble toutefois que lorsque l'on a des excédents réguliers, il ne s'agit plus tant d'une question de prudence que d'un problème de structures. C'est la raison pour laquelle je dirais qu'il faut arriver à une solution en examinant la répartition ou la réaffectation des recettes fiscales à tous les niveaux de gouvernement.

    Je ne pense pas pouvoir aller beaucoup plus loin et je n'accuserais pas le gouvernement du Canada d'irresponsabilité à cet égard. Ce que je dirais, c'est qu'en faisant preuve de prudence, il a démontré l'argument avancé par les provinces à propos d'un déséquilibre structurel et donné la preuve d'un argument plus abstrait avancé par les gouvernements provinciaux; maintenant que la preuve en est faite, il est possible de poser la question du déséquilibre budgétaire vertical.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    J'ai un peu de mal à comprendre la terminologie utilisée, ainsi que certains des faits examinés.

    Tout d'abord, il est très difficile pour un gouvernement de prévoir une année à l'avance s'il va avoir un excédent ou un budget équilibré; reste à espérer qu'il ne connaîtra pas de déficit. Des gouvernements d'expérience ont déjà affiché des déficits annuels de plus de 40 milliards de dollars dans notre pays.

    Alors que nous débattons de cette question autour de la table, je ne suis pas sûr que nous réalisions que même dans notre pays aujourd'hui, lorsqu'on parle de dette et de revenu, notre dette équivaut à près de trois fois notre capacité financière annuelle. Je ne suis pas sûr que l'on indique clairement qu'au milieu des années 90, plus de 30¢ de chaque dollar perçu en impôt était affecté au service de la dette. Encore aujourd'hui, on parle de 23¢ par dollar perçu pour l'impôt.

    Je ne suis pas non plus sûr de la terminologie de « déséquilibre » que beaucoup utilisent. Au Canada, pour ce qui est de notre gouvernement fédéral, notre soi-disant dette équivaut à peu près à trois fois le revenu annuel. A-t-on fait la comparaison, monsieur Gibbins, avec les provinces qui se plaignent de leur situation? Si l'on examine leur dette par rapport à leur revenu, parlons-nous de la même chose? Avez-vous examiné cet aspect de la dette et des relations entre les deux niveaux de gouvernement?

º  +-(1645)  

+-

    M. Roger Gibbins: Permettez-moi de répondre à vos deux questions.

    Premièrement, il est difficile de prévoir avec précision les dépenses que va devoir supporter le gouvernement fédéral, car beaucoup d'éléments interviennent au cours d'une année. Au fil des ans, toutefois, il semble que la tendance ait été systématiquement à la hausse si bien, qu'à un moment donné, on peut penser que certains ajustements peuvent se faire. C'est tout ce que je dis.

    Deuxièmement, je n'essaye pas de défendre les gouvernements provinciaux les moins favorisés, et je n'essaye pas non plus de dire qu'ils s'en sortent mieux, dans un certain sens, pour ce qui est des finances publiques, ni non plus que leur dette est intolérable, ou quelque chose du genre. Tout ce que je dis, c'est qu'il est intéressant d'avoir des gouvernements qui ont la capacité de financer leurs dépenses sans dépendre des transferts d'autres niveaux de gouvernement. C'est tout ce qu'il y a de plus positif et je crois que les gouvernements provinciaux devraient rendre des comptes à cet égard. Je n'ai aucun problème à ce sujet.

+-

    M. Charles Hubbard: J'aimerais dire aussi, monsieur Gibbins, que pendant près de 10 ans, les déficits annuels n'ont cessé de croître alors qu'au cours des sept ou huit dernières années, notre économie s'est améliorée de façon significative pour arriver au résultat que nous connaissons aujourd'hui. Pour ce qui est du témoignage du ministre des Finances devant nous, il faut reconnaître qu'il faudra au moins 45 années de plus pour rembourser la dette nationale compte tenu du montant que nous y affectons chaque année.

    Pouvons-nous nous permettre, selon la philosophie présentée par certains, de continuer à imposer cette charge fiscale aux générations futures—nos petits-enfants, en fait—qui devront payer pour ce que nous avons eu dans le passé et ce que nous avons aujourd'hui? J'ose espérer que nous devrions être très heureux de rembourser la dette; nous devrions certainement l'être et je ne comprends pas vraiment pourquoi les gens se plaignent à la Chambre du fait que l'on puisse rembourser 10 milliards de dollars de dette. C'est un montant très insignifiant.

    J'aimerais également croire, monsieur le président, que nos recherchistes se penchent sur certains des ratios dont j'ai fait mention. Les provinces disent... mais les dettes provinciales équivalent-elles à leurs revenus ou les provinces se trouvent-elles dans une situation fort difficile comme certains voudraient nous le faire croire?

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Si je puis me permettre de répondre, c'était la raison d'être des groupes consultatifs. Dans le groupe consultatif national se sont retrouvés divers groupes d'intérêts; c'était la même chose pour le groupe régional... on voulait recueillir leurs points de vue. Je ne sais pas s'ils ont répondu à nos objectifs.

    J'aimerais vous remercier tous les trois d'être venus aujourd'hui.

    J'ai une question rapide qui s'adresse essentiellement à l'une des institutions des régions de l'Atlantique qui était censée venir. Comme vous le savez bien, nous avons des fonds régionaux. Au Québec, il s'agit du DEC, Développement économique Canada, puis, dans le Canada atlantique, c'est l'APECA et dans l'Ouest, nous avons le Fonds pour la diversification de l'économie de l'Ouest. Ils sont conçus pour faciliter des programmes particuliers pour les régions. Vous venez tous les deux des régions, que pensez-vous de ces fonds?

    Je crois que lorsqu'il a comparu devant le comité, Ralph Goodale a indiqué qu'il voulait que ce soit surtout un fonds d'innovation visant à promouvoir la R et D dans les régions, pas seulement dans le Canada atlantique. Il a parlé du Canada atlantique, mais je crois que nous aimerions reprendre ce modèle peut-être au Québec, dans l'ouest du Canada et dans le nord de l'Ontario où de tels fonds régionaux existent.

    C'est à vous deux que je pose cette question.

[Français]

    Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre à ma question. Est-ce que des programmes qui sont conçus directement pour les régions favorisent vraiment le développement des régions? Avez-vous fait des études sur ce sujet?

+-

    Mme Norma Kozhaya: Pour répondre très rapidement, je dirais que non. La preuve de cela est le fait que malgré les paiements de péréquation et tous les autres transferts, aux provinces Atlantiques notamment, ces régions sont encore très pauvres ou ont des taux de chômage très élevés.

+-

    Le président: Merci.

[Traduction]

    Monsieur Gibbins, avez-vous...?

+-

    M. Roger Gibbins: Dans le cas de l'Ouest canadien, le fonds pour la diversification de l'économie de l'Ouest ne donne pas trop de résultats en matière de prestation de programme ou de redistribution. Par contre, il permet au gouvernement fédéral de jouer un rôle catalyseur très important dans les domaines de compétences variées. Ainsi, le fonds pour la diversification de l'économie de l'Ouest a contribué à mobiliser d'autres gouvernements pour qu'ils se penchent sur les questions relatives aux Autochtones vivant dans les villes, par exemple, et a tenté de combler certaines des lacunes d'un programme d'innovation dans cette région. Par conséquent, pour moi, le rôle de ce fonds dans l'Ouest canadien ne sert pas tant à promouvoir le développement économique de l'Ouest, mais plutôt à donner au gouvernement fédéral un rôle plus souple et créatif dans la région qu'il n'aurait pas s'il s'appuyait uniquement sur les principaux ministères chargés de la prestation des programmes dans l'Ouest.

º  -(1650)  

+-

    Le président: Merci encore.

[Français]

    Je vous remercie de nous avoir consacré de votre temps.

[Traduction]

    Je suis désolé que certains des témoins ne se soient pas présentés.

    Monsieur Bell, très rapidement.

+-

    M. Don Bell: Ai-je encore du temps pour poser d'autres questions?

+-

    Le président: Pas vraiment. Nous pouvons leur parler après...

+-

    M. Don Bell: Je pensais que la séance durait jusqu'à 17 heures.

+-

    Le président: Nous avons convenu de terminer à 16 h 30.

+-

    M. Don Bell: D'accord, désolé.

-

    Le président: La séance est levée.

    Merci.