CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 27 avril 2005
¿ | 0905 |
Le président (l'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
Le président |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
¿ | 0910 |
Mme Bouchra Kaache (directrice, Centre International des Femmes de Québec) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Andrée Juneau (coordinatrice, Service d'accueil aux réfugiés de Québec) |
¿ | 0915 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
¿ | 0920 |
Mme Andrée Juneau |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Andrée Juneau |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Jocelyne Michaud (à titre personnel) |
¿ | 0925 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Bouchra Kaache |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Andrée Juneau |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Jocelyne Michaud |
¿ | 0930 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Meili Faille |
Mme Andrée Juneau |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
¿ | 0935 |
Mme Andrée Juneau |
L'hon. Andrew Telegdi |
Mme Jocelyne Michaud |
¿ | 0940 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Andrée Juneau |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Bouchra Kaache |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Jocelyne Michaud |
¿ | 0945 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Nadia El Ghandouri (avocate, Héroux & Boivin, Centre Culturel Islamique de Québec) |
À | 1000 |
M. Nader Trigui (avocat, Centre Culturel Islamique de Québec) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Nadia El Ghandouri |
À | 1005 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Paule Bérubé (à titre personnel) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Paule Bérubé |
À | 1010 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Meili Faille |
Mme Paule Bérubé |
Mme Meili Faille |
À | 1015 |
Mme Paule Bérubé |
Mme Meili Faille |
Mme Nadia El Ghandouri |
Mme Meili Faille |
M. Nader Trigui |
Mme Nadia El Ghandouri |
À | 1020 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
À | 1025 |
M. Nader Trigui |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Paule Bérubé |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Nader Trigui |
À | 1030 |
Mme Nadia El Ghandouri |
M. Nader Trigui |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Nadia El Ghandouri |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Nadia El Ghandouri |
À | 1035 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Mme Paule Bérubé |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Nader Trigui |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva (à titre personnel) |
À | 1055 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Á | 1100 |
M. Stefan Szilva |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Á | 1105 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva |
Á | 1110 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Stefan Szilva |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Inderjeet Singh (Secrétaire général, Comité d'action pour les droits de l'homme) |
Á | 1120 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Inderjeet Singh |
Á | 1125 |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Inderjeet Singh |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
Á | 1130 |
M. Inderjeet Singh |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
M. Inderjeet Singh |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
M. Inderjeet Singh |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
L'hon. Andrew Telegdi |
Le président suppléant (M. Roger Clavet) |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 27 avril 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¿ (0905)
[Français]
Le président (l'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): Bon matin, tout le monde, et bienvenue. Québec est notre dernier arrêt dans le cadre de notre étude sur la citoyenneté, la reconnaissance des compétences internationales et la réunification des familles.
Je cède le micro à M. Clavet, député du Québec.
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est pour moi un plaisir de vous accueillir ce matin dans la capitale, à Québec. Toute l'équipe du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration a parcouru le Canada. Nous sommes maintenant à Québec, après avoir passé la semaine dernière à Montréal en compagnie, entre autres, de ma collègue Meili Faille, qui est la vice-présidente de ce comité. Plusieurs autres collègues nous ont également accompagnés. Il y en a moins ce matin; j'imagine qu'ils doivent traiter d'affaires plus urgentes. Les gens sont souvent très occupés.
Je suis heureux que vous ayez, tous et toutes, répondu à notre appel. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration sera heureux de vous entendre.
Depuis le début, nous avons reçu beaucoup de commentaires. On constate, de façon presque universelle, qu'il y a des retards considérables dans les dossiers de l'immigration. Cependant, il y a aussi des pistes de solutions intéressantes. Tous les membres du comité, quelles que soient leurs allégeances, travaillent par consensus. Notre comité fera rapport à la Chambre des communes. C'est avec plaisir que nous vous ferons parvenir les recommandations que nous aurons soumises.
Pour l'instant, je vous souhaite encore une fois la bienvenue chez nous, la bienvenue chez vous. Nous vous souhaitons de très bonnes délibérations.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Merci. J'aimerais simplement dire que dans ce comité, malgré toute cette excitation à Ottawa—nous avons tendance à travailler de façon tout à fait non partisane, et c'est un principe que nous avons réussi à respecter. Dans le contexte de ce voyage, on dirait qu'un assez bon consensus commence déjà à se dégager parmi les membres. Nous espérons pouvoir rapidement déposer à la Chambre des communes un rapport présentant nos constatations de sorte que, quoi qu'il arrive, il y ait un compte rendu officiel de nos délibérations pendant cette grande tournée du Canada—nous en sommes maintenant à notre quatrième semaine—de même qu'un relevé de nos conclusions.
Puisque je me trouve dans la circonscription électorale de M. Clavet, je vais lui demander d'assumer la présidence aujourd'hui, car M. Clavet s'est révélé un membre très travailleur et diligent du comité, de même que tous ses collègues. Je tiens à lui dire à quel point nous apprécions sa contribution. Nous avons établi des relations de travail très étroites avec lui, ainsi qu'avec Mme Faille, dans le cadre de nos délibérations. Je suis vraiment convaincu que le rapport que nous déposerons reflétera fidèlement les voeux des Canadiens.
M. Clavet, le président.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Nous sommes donc prêts à commencer nos délibérations. Nous entendrons d'abord Bouchra Kaache, directrice du Centre International des Femmes de Québec. Vous disposez de cinq minutes, après quoi il y aura d'autres intervenants, puis une période de questions. Je vous invite à limiter votre intervention afin de permettre un flot de questions de part et d'autre.
Allez-y, nous vous écoutons.
¿ (0910)
Mme Bouchra Kaache (directrice, Centre International des Femmes de Québec): Bonjour tout le monde. Je commencerai en faisant une petite présentation du Centre International des Femmes de Québec. C'est un organisme à but non lucratif qui a été créé en 1981 et qui est au service des femmes immigrantes et de leur famille, entre autres. Il est aussi dédié au rapprochement interculturel entre les familles immigrantes et les familles québécoises, afin de favoriser l'intégration des nouveaux arrivants.
Les services rendus sont variés. Par son intervention sur le terrain auprès des femmes et des familles immigrantes, le Centre International des Femmes de Québec agit auprès des nouveaux arrivants en leur rendant des services, par exemple en fournissant des interprètes, surtout aux réfugiés et aux personnes allophones qui ne maîtrisent pas ou peu le français. Il agit aussi en intervention, c'est-à-dire en les aidant dans diverses démarches qu'ils ont besoin de faire dès leur arrivée. Aussi, il les aide en développant divers projets qui peuvent répondre éventuellement aux besoins qui ne cessent de se développer avec les nouvelles vagues migratoires.
La problématique que le Centre International des Femmes de Québec a choisi de vous présenter aujourd'hui concerne principalement le regroupement familial. On a choisi de parler de parrainage parce que notre clientèle, qui est, comme je viens de le dire, une clientèle féminine par excellence, compte beaucoup de femmes qui sont parrainées par leur conjoint. On a remarqué que cela peut parfois causer quelques difficultés.
Notre mémoire traite de deux aspects: d'une part, l'engagement de parrainage et, d'autre part, le regroupement familial entre conjoints. L'engagement de parrainage place la femme immigrante et les familles d'immigrants en général dans une position critique. En plus de placer la femme en dette envers son mari tout au long de la période de parrainage, cet engagement pénalise plus largement les familles d'immigrants parce que celles-ci ne peuvent pas compter sur le même soutien gouvernemental que les autres familles, même si leur situation financière est difficile.
Ainsi, la proposition faite est que le répondant devrait s'engager à subvenir aux besoins essentiels de la personne parrainée seulement s'il en a la capacité.
Le regroupement familial entre conjoints traite du lien juridique de dépendance découlant de l'engagement de parrainage. Ce lien juridique crée une dynamique de dépendance et de subordination entre les hommes et les femmes, tout en minant le droit à l'égalité des immigrantes. De même, la dépendance engendrée par l'engagement de parrainage rend la femme parrainée très vulnérable aux tactiques de contrôle et de violence conjugale, en plus de favoriser la reproduction des modèles historiques de domination patriarcale.
La recommandation faite dans ce mémoire est que l'engagement de parrainage ne soit pas obligatoire dans le cas d'un regroupement familial entre conjoints.
Je me limiterai à cela, en vous remerciant de votre attention.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup.
J'invite maintenant Mme Andrée Juneau, coordinatrice du Service d'accueil aux réfugiés de Québec, à nous faire sa présentation.
Mme Andrée Juneau (coordinatrice, Service d'accueil aux réfugiés de Québec): Merci beaucoup. Bonjour, monsieur le président, mesdames, messieurs. Je vous remercie de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue sur une portion de la problématique liée à la loi C-11. On s'attardera surtout à la problématique de la réunification familiale.
Personnellement, étant bénévole auprès de réfugiés depuis près de 20 ans sur le terrain, je pense pouvoir me permettre de dire que cette loi est discriminatoire en ce qui a trait à la capacité des réfugiés de réunifier leur famille. Je vous donnerai quelques explications à cet effet.
De façon générale, on peut prévoir que les réfugiés qui arrivent ont dû forcément laisser derrière eux des membres de leur famille qui sont en situation de détresse ou en danger. Deuxièmement, ils ont le droit — et c'est ce qui est paradoxal, pour ne pas dire cruel —, comme résidents permanents, de parrainer des membres de leur famille, mais ils ne satisfont pas aux critères financiers exigés par la loi. Ils ont donc le pouvoir légal, mais ils n'ont pas le pouvoir économique de le faire. C'est cruel, surtout si on considère que la plupart des réfugiés qui arrivent ont vécu des horreurs. Ils ont souvent ce qu'on appelle la culpabilité des survivants et ils auraient besoin, pour réparer cette blessure, de pouvoir au moins faire quelque chose pour les quelques membres de leur famille qui ont survécu à un génocide ou à toute autre atrocité.
En ce qui concerne leur capacité financière, il faut prendre en considération le fait que lorsqu'ils arrivent ici comme réfugiés, ils ont une dette envers le gouvernement canadien, car ils doivent rembourser le prêt qui leur a été consenti pour les billets d'avion et les examens médicaux passés à l'étranger. Déjà là, leur capacité financière est limitée. Plusieurs doivent suivre des cours de français avant de trouver un emploi, et lorsqu'ils en trouvent un, c'est un emploi à faible revenu. D'autres sont prestataires de la sécurité du revenu. La loi le dit très bien, ils peuvent parrainer des membres de leur famille s'ils sont capables de faire la preuve, à même leur capacité financière et leurs revenus d'emploi tels que déclarés dans leur rapport d'impôt, qu'ils pourront les prendre en charge pendant un minimum de trois ans, dans la plupart des cas. Déjà là, on en élimine 98 p. 100. C'est ainsi.
De plus, quand on additionne tous les coûts de traitement du dossier, de droit d'établissement et de transport aérien, la procédure de réunification familiale est extrêmement onéreuse. Comment voulez-vous qu'un réfugié qui arrive ici, qui a tout perdu, qui arrive très souvent avec seulement les vêtements qu'il porte, soit capable de réunir les 4 000 $ ou les 5 000 $ dont il aurait besoin pour parrainer un membre de sa famille? C'est utopique.
Il y a un autre point que je trouve aussi très déplorable. La loi ne permet pas de parrainer les frères et soeurs, sauf s'ils ont moins de 18 ans. Si j'avais une soeur de 19 ou 20 ans et qu'elle était seule dans un camp de réfugiés, ma préoccupation serait énorme. La même chose vaut pour son propre enfant, s'il est âgé de plus de 22 ans. Cesse-t-on d'aimer son enfant ou de s'en préoccuper le jour de son 23e anniversaire? Cela n'a aucun sens.
Il y a aussi la fameuse fenêtre d'un an, que j'ai rarement vue appliquer. Quand les gens remplissent les formulaires à l'étranger, ils sont dans une situation de stress épouvantable. Il peut y avoir un problème linguistique qui fait qu'ils ne comprennent pas très bien ce qu'ils remplissent. Il y a aussi la rumeur selon laquelle il est préférable pour eux de ne pas ajouter les membres de leur famille qui sont disparus, parce que cela prolongera le processus. Tout cela fait en sorte que la plupart des réfugiés ne se prévalent pas de cette fenêtre d'un an. Il est extrêmement pénible — et je l'ai vécu — d'annoncer à des parents, à un père de famille et à une mère qui viennent de retrouver leur enfant de 5 ans dans un camp de réfugiés en Tanzanie et qu'ils n'avaient pas inscrit en vertu de la fenêtre d'un an, que la loi ne leur permet pas de réunifier leur famille, qu'il leur faudra automatiquement obtenir une exemption réglementaire, etc. De plus, ils n'ont pas le salaire pour le faire, car ils sont encore à l'école. Il est insensé de faire vivre cela à des gens qu'on a par ailleurs admis pour des raisons humanitaires.
¿ (0915)
Le règlement sur la réunification familiale ne fait aucune distinction entre un programme humanitaire et un programme d'immigration économique. Il est certain que cette impuissance à réunifier les familles engendre des coûts sociaux et économiques qu'on aurait peut-être avantage à évaluer. Bien souvent, quand les réfugiés arrivent ici, la guerre sévit encore dans leur pays. On leur demande de s'intégrer et de suivre des cours de formation linguistique ou professionnelle, mais ils n'ont pas la tête à cela: ils sont aux prises avec l'impuissance et la détresse.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Madame Juneau, je vous demanderais de résumer votre présentation.
¿ (0920)
Mme Andrée Juneau: Oui, j'accélère.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Je voulais seulement vous le rappeler.
Mme Andrée Juneau: Je veux seulement terminer en disant que le parrainage collectif — c'est notre mission principale — est devenu un dérivatif et un palliatif au vide que la réglementation portant sur la réunification familiale a créé.
Nous recommandons que la loi C-11 soit amendée de manière à ce que tous les membres d'une même famille de réfugiés, incluant les frères et les soeurs quel que soit leur âge, qui désirent s'établir au Canada soient admis en priorité comme résidents permanents. On ne doit pas continuer à diviser et à briser les familles. C'est indigne d'un pays qui se veut être une terre d'accueil.
Je vous remercie.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup, madame Juneau. On aura l'occasion d'y revenir.
J'invite maintenant notre troisième témoin, Mme Jocelyne Michaud, qui intervient ce matin à titre personnel.
Mme Jocelyne Michaud (à titre personnel): Bonjour. Merci d'être à Québec et merci de m'entendre.
Vous le savez, les processus d'immigration sont longs et fastidieux. Je me demande si le Canada veut des immigrants. Plusieurs annonces ont été faites récemment par le nouveau ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Joseph Volpe, sur la réunification des familles, mais quand nous appelons le ministère et que nous essayons de savoir ce que cela changera pour les dossiers en cours et quand la politique sera mise en place, nous n'obtenons aucune réponse. On nous répond que les préoccupations sont ailleurs.
Alors, pourquoi créer des attentes en faisant des annonces prématurées?
Dans les dossiers que j'ai eu à traiter depuis neuf mois, j'ai eu l'impression que l'accouchement se faisait attendre. En effet, comme vous le savez, neuf mois, c'est le temps d'une grossesse. Mais l'accouchement se fait attendre, car plusieurs dossiers ne se règlent pas dans des délais raisonnables.
En ce qui concerne les familles, j'ai connu plusieurs expériences traumatisantes. Une Québécoise que j'appelais un matin tout heureuse de lui annoncer que son mari avait reçu son visa m'annonçait que celui-ci était mort pendant la nuit, après neuf mois d'errance et de tergiversations. Vous pouvez vous imaginer dans quel état elle était. Actuellement, j'ai le cas d'un mari et sa femme qui essaient de faire venir leurs enfants. Il en restait trois là-bas: un jeune de 14 ans est décédé, deux autres jeunes ne peuvent rejoindre leurs parents, même si nous avons demandé au ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté de traiter ce dossier comme une urgence.
Quelle sorte de pays sommes-nous? N'y a-t-il pas un peu d'humanité quelque part? Sommes-nous en train de perdre de vue que l'immigration se fait au bénéfice des personnes? Je traite de nombreux dossiers où des conjoints citoyens canadiens ou citoyennes canadiennes essaient de faire venir mari ou femme. Les délais sont tellement longs qu'ils désespèrent de réussir. Je ne parle pas ici de celles ou ceux qui se marient en pensant accélérer le processus. Quelle déception pour elles, pour eux et pour nous! Dans les rares cas où le dossier aboutit, nous avons l'impression d'avoir couru un marathon et d'être épuisés.
Je parlerai maintenant de nos demandes d'information dans les consulats, qui n'aboutissent jamais, comme si nous avions mis la demande d'information à la déchiqueteuse. Selon mon expérience, les consulats les plus problématiques sont ceux de Buffalo, Paris et Abidjan. Une de mes collègues, Kim Basque, qui travaille aussi pour Christiane Gagnon, pourrait sûrement en témoigner. Parlons aussi des consulats où les documents envoyés aux demandeurs ne sont pas signés, comme celui d'Abidjan en Côte-d'Ivoire, par exemple.
Quant à la reconnaissance des acquis professionnels, le Canada se vante d'être une terre d'accueil, mais en est-il vraiment une? Nous écumons l'élite de certains pays, lui faisant miroiter des jours meilleurs. Toutefois, quand ces gens finissent par arriver ici, on leur refuse la reconnaissance de leurs études réalisées à l'étranger. Ne pourrions-nous pas établir un tutorat qui leur permettrait de travailler sous supervision et, ensuite, d'être accrédités par leur ordre professionnel? Sinon, refusons carrément — et ça va loin — les immigrants détenteurs de diplômes sous la juridiction d'ordres professionnels, plutôt que de les empêcher de travailler dans leur domaine d'études.
En ce qui concerne la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la plupart du temps, quand nous parlons à des fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, nous sommes traités avec respect et dignité. Parmi ces fonctionnaires, il y en a qui se sentent investis d'une véritable mission à l'égard de la citoyenneté et de l'immigration, et qui démontrent une vraie passion pour le sujet et la mission de leur ministère. Je souhaiterais que ces personnes aient la possibilité d'utiliser davantage leur discernement et que leurs réponses ne soient pas comme celles d'un robot. Si ce sont des personnes, elles devraient avoir une marge de manoeuvre. Si mes informations sont bonnes, cette marge de manoeuvre existe dans la loi, mais les fonctionnaires n'ont pas la possibilité de l'utiliser.
Actuellement, je vois de nombreux dossiers de visas de séjour temporaire refusés, comme si on avait décidé d'interdire les relations amoureuses entre des Canadiens ou des Canadiennes et des étrangers.
En conclusion, votre travail de comité est absolument nécessaire, et vous pourrez commettre un rapport qui aidera le ministère, la démocratie et surtout les personnes concernées par des problèmes d'immigration. Ce ne sont pas que des numéros de dossiers, mais bien des êtres humains qui souhaitent améliorer leur sort et celui de leurs proches par l'immigration. Aidons-les à nous enrichir de leurs vécus différents.
¿ (0925)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup, madame Michaud.
Voilà qui complète cette première présentation de mémoires. Nous procéderons maintenant à une période de questions. Pour ce faire, nous respecterons l'ordre. La première personne à pose des questions sera ma collègue Meili Faille, vice-présidente du comité et également porte-parole du Bloc québécois en matière d'immigration. L'intervention de Meili sera suivie de celle du président, M. Telegdi. Mon tour viendra un peu plus tard. Pour l'instant, c'est Meili Faille qui ouvre le bal des questions.
Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je voudrais vous remercier de vos témoignages. Je ne peux pas vraiment être contre ce que vous dites. Je défends la cause des réfugiés depuis des années, dont un an à titre de députée. J'ai travaillé dans le domaine de l'immigration pendant plusieurs années également. Toute la question de la réunification familiale est importante.
J'aimerais vous céder la parole pour que vous nous donniez encore plus de détails concernant la clientèle que l'on retrouve ici, à Québec. Vous nous avez expliqué les problématiques en tant que telles, mais j'aimerais vous donner l'occasion de nous dresser un portrait de la situation à Québec. Quel est le pourcentage de personnes réfugiées? En regard des objectifs du Québec en matière d'échanges interculturels et de régionalisation, quel impact cela a-t-il dans la grande région de Québec?
Le président suppléant (M. Roger Clavet): La question est très large, mais c'est la question initiale à laquelle il faut répondre pour tenter de dresser le portrait de la région de Québec. Qui veut commencer?
Mme Bouchra Kaache: Je peux commencer, sans trop m'étaler afin de laisser la place à mes collègues. Je parlerai de la clientèle de la ville de Québec en tant que telle. Bien évidemment, je le ferai en fonction de la clientèle qui fréquente notre organisme, le Centre International des Femmes de Québec.
C'est une clientèle formée majoritairement de réfugiés. Dans la ville de Québec, il y a effectivement plus de réfugiés que d'immigrants indépendants ou d'immigrants économiques. Ces réfugiés, dont on a beaucoup parlé ce matin, présentent des besoins particuliers. Par exemple, dans la majorité des cas, ils ne parlent pas le français. C'est pour cette raison que le Centre International des Femmes essaie de leur fournir des interprètes linguistiques et culturels dans le but de les aider dans diverses démarches dès leur arrivée. Après un processus de francisation d'une durée de six mois ou d'un an, ils ne maîtrisent pas nécessairement le français. Ils ont donc encore besoin d'un cadre pour pratiquer et améliorer leur français.
Une autre clientèle se compose des parrainés, dont on vient de parler. Ce peut être un réfugié qui parraine une autre personne ou bien un immigrant indépendant qui parraine un conjoint ou une conjointe.
Sans trop m'étaler, je céderai la parole à mes collègues.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Allez-y, madame Juneau.
Mme Andrée Juneau: Au quotidien, je traite surtout des demandes de réfugiés nouvellement arrivés pour un parrainage d'un membre de leur famille. Soit dit en passant, ce programme de parrainage collectif, qui constitue notre mission principale, est en voie d'extinction, étant donné que le traitement des demandes peut prendre jusqu'à cinq ans. Plus ça va, plus l'étau se resserre. J'en remarque les impacts sur le taux de rétention et sur la capacité d'intégration. On ne peut pas s'intégrer à une nouvelle culture et à un nouveau pays quand on est constamment préoccupé et sollicité par un membre de notre famille qui est en danger là où il se trouve. Le danger est le même, qu'il s'agisse d'un parent, d'un enfant, d'un frère ou d'une soeur. On ne peut pas briser cela, c'est la nature humaine. Cela a des impacts majeurs à bien des égards.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Madame Michaud, voulez-vous compléter ce portrait propre à la région de Québec de l'immigration et des réfugiés?
Mme Jocelyne Michaud: Nous couvrons le territoire de la circonscription de Louis-Hébert, donc les anciennes villes de Sillery, Sainte-Foy et Cap-Rouge, principalement. Ce territoire est aussi couvert par l'Université Laval, il ne faut pas se le cacher. Donc, beaucoup d'étudiants, de professeurs invités et de gens qui ont une éducation supérieure à la moyenne arrivent dans notre secteur et veulent s'y établir. Ce sont des gens qui souhaitent obtenir la résidence permanente. Or, souvent celle-ci leur est refusée pour des raisons qui apparaissent un peu obscures.
Même si, par exemple, un médecin traitant dit à un professeur que sa santé est bonne, et ce depuis trois ans, si, dans son dossier, il y a quelque chose dans son passé, on retient toujours cela contre lui, et cela l'empêche de parrainer les autres membres de sa famille. Toute la famille est donc presque en situation d'être menacée d'expulsion. En tout cas, c'est ainsi qu'ils se sentent. Ils habitent dans un logement de trois pièces et demie, même si le père et la mère sont professeurs à l'université.
Alors, il y a des cas qui m'apparaissent contradictoires. L'analyse faite par la personne qui examine le dossier dit quelque chose qui contredit ce que la personne y a déposé. Par exemple, nous voyons beaucoup d'étudiants aux études supérieures, maîtrise ou doctorat, qui ne peuvent pas terminer leur études parce que leur visa d'études vient à échéance et qu'on refuse de le prolonger. Il ne faudrait parfois que quatre, cinq ou six mois, même pas un an, pour leur permettre de terminer et de retourner dans leur pays avec un diplôme qui leur permettrait d'apporter quelque chose de positif à leur pays, soit à titre de professeurs d'université ou à titre de dirigeants d'un centre de recherche, etc.
¿ (0930)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Madame Meili Faille, si vous avez une question supplémentaire, vous pouvez la poser, étant donné qu'on a moins de témoins.
Mme Meili Faille: Dans les dossiers de réfugiés que vous traitez, diriez-vous qu'on attaque souvent la crédibilité des personnes? Compte tenu que la population qui est accueillie ici, à Québec, se compose surtout de réfugiés, j'imagine que la majorité d'entre eux vient du Moyen-Orient ou d'endroits où ce qui se passe n'est pas clair. Dans le traitement des demandes d'asile en tant que telles ou des gens, sent-on qu'il y a une attaque à la crédibilité de la personne qui témoigne?
Mme Andrée Juneau: Il est difficile de porter un jugement là-dessus, mais je peux dire, en ce qui concerne les engagements de parrainage dans lesquels on s'implique, que les délais de traitement son très longs et qu'on a l'impression, vu de l'extérieur, qu'il y a beaucoup d'arbitraire dans les critères d'admission. On le sait et on le déplore depuis des années. L'entrevue est faite par un fonctionnaire. Comme il est seul face à une personne, cela laisse place à beaucoup d'arbitraire. On a parfois même l'impression qu'il y a du sabotage au niveau des engagements de parrainage que l'on signe.
Soit dit en passant, les enquêtes judiciaires sont très correctes. Personnellement, je n'ai pas le goût de vivre dans un pays où on accueille des criminels. Toutefois, on a vraiment l'impression — c'est ainsi pour les réfugiés qui proviennent de l'Afrique ou de toute autre région du monde — qu'ils sont, a priori, soupçonnés d'être coupables et qu'ils doivent faire la preuve de leur innocence.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Quelqu'un d'autre voudrait-il faire un bref commentaire sur la crédibilité?
Merci, madame Faille.
Je vais maintenant passer la parole à notre président, Andrew Telegdi.
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président. Je trouve intéressant de me trouver dans la situation inverse.
Je voudrais signaler aux témoins qu'il leur faudra maintenant mettre leurs écouteurs. Voilà justement ce qui fait la grandeur de notre pays.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Et ce qui rend les choses si difficiles.
L'hon. Andrew Telegdi: Difficile peut-être, mais…
Je tiens, tout d'abord, à remercier les témoins de leur présence. Je dois dire que je suis toujours très impressionné par l'attitude des gens du Québec. À certains égards, leur situation se rapproche davantage de la mienne. Je suis venu de Hongrie comme réfugié en 1957, et quand nous parlons des problèmes des réfugiés, je songe tout de suite à ma jeunesse et aux problèmes qu'ont connus mes parents—notamment mon père—pour faire reconnaître leurs titres de compétences.
Il est intéressant de noter, par rapport à la composition du comité, que sur 12 membres, il y en a six qui ne sont pas nés au Canada. Deux d'entre nous sommes des réfugiés—les deux seuls réfugiés qui soient députés à la Chambre des communes. Ensuite, nous avons des personnes comme Mme Faille, dont les parents ont émigré au Canada et qui est donc de la première génération à être née au Canada. Ensuite, nous avons des gens comme Roger, qui a de grandes réserves d'empathie. Tous les membres du comité sont très contents d'être là.
Madame Juneau, vous avez dit que les gens ont le pouvoir légal, mais ils n'ont pas le pouvoir économique de parrainer d'autres membres de leur famille parce que leurs revenus sont limités. À bien des égards et dans beaucoup de cas, cela n'a pas de sens.
Il arrive fréquemment qu'une mère et ses enfants vivent au Canada en touchant l'assistance sociale, et pour pouvoir se passer de l'assistance sociale, il faut absolument que le conjoint vienne les rejoindre ici. Il faut y voir une sorte d'investissement. Je ne sais pas dans quelle mesure vous rencontrez ce genre de situation parmi les gens avec qui vous travaillez.
¿ (0935)
[Français]
Mme Andrée Juneau: Exactement le même phénomène se produit. Les mêmes causes engendrent les mêmes effets. C'est prévisible.
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Ce sur quoi il faut insister, c'est que pour les fins du programme de réunification familiale, et pour assurer notre avenir économique, nous devons examiner cette possibilité, au lieu de dire aux gens qu'ils ne sont pas admissibles, et de condamner une personne à rester assistée sociale jusqu'à ce que ses enfants soient grands. Voilà une recommandation qui ressort clairement de nos audiences d'un bout à l'autre du pays.
Vous avez raison : l'âge de 21 ans n'est pas magique en ce qui concerne les enfants. Vous l'avez très bien dit : ils ne cessent pas d'être vos enfants quand ils atteignent cet âge-là.
Madame Michaud, vous avez parlé de ce que je qualifie de gaspillage intellectuel. Nous avons une politique en vigueur à l'heure actuelle en vertu de laquelle nous essayons d'attirer vers le Canada des gens diplômés qui ont beaucoup de connaissances. Mais il leur est très difficile d'obtenir des postes au Canada parce que la concurrence est très vive, et parce que nous sommes un peu xénophobes—ce qui m'amène à vous poser une autre question.
Il y a un peu plus de deux ans, nous avons changé les critères de sélection. Le rapport actuel est de 60 p. 100 pour les migrants économiques, et de 40 p. 100 pour la catégorie de la famille et les réfugiés. Nous nous demandons justement s'il y aurait lieu de modifier ce rapport. Voilà une possibilité à laquelle nous songeons actuellement.
De plus, de nombreuses personnes qui ne sont pas en mesure de répondre aux critères pratiquent justement un métier pour lequel il existe une pénurie au Canada.
J'ai donc deux questions : premièrement, faudait-il accorder plus de points aux travailleurs qualifiés? Et deuxièmement, convient-il de modifier le rapport actuel, qui est de 60 à 40? Je vous invite tous à répondre.
[Français]
Mme Jocelyne Michaud: En fait, je ne sais pas si on devrait changer le rapport 60:40. Cependant, je sais que l'on attire ici des gens sous de fausses représentations. Au moment de la sélection, on leur accorde beaucoup de points à cause de leurs compétences, mais une fois qu'ils arrivent ici, ils ont beaucoup de difficulté à travailler dans leur domaine.
Quand un neurochirurgien lave la vaisselle chez Tomas Tam, on perd une expertise importante, et c'est vraiment dommage, car cette personne a vraiment une compétence. Ce qu'il faut faire, c'est leur présenter la situation telle qu'elle est, ne pas faire de fausses représentations. Il faut leur donner l'heure juste et leur dire qu'il faudra des années pour que l'on reconnaisse leurs acquis professionnels.
Par contre, ici, à Québec, quand on attire des immigrants indépendants, ils sont parfois sélectionnés par des entreprises dans le cadre de concours internationaux. Toutefois, quand ils arrivent à Québec et qu'ils ont un petit accent, on leur dit qu'ils ne peuvent pas travailler avec les francophones parce que leur accent est trop prononcé. Il faut donc aussi que la communauté soit prête à intégrer les gens qui ont un accent différent. Souvent, quand on a vécu à l'étranger, on réalise que cet accent n'est pas si prononcé.
Par conséquent, il faut vraiment que la terre d'accueil soit prête, elle aussi, à changer certains éléments pour permettre aux gens de travailler dans une langue qui leur est parfois étrangère. J'ai un ami qui est arrivé ici comme immigrant. Il avait été sélectionné dans le cadre d'un concours international et il enseigne maintenant à l'Université McGill à Montréal, parce qu'ici, on ne lui reconnaissait pas une assez grande facilité pour parler le français. Pourtant, son français était vraiment bon; c'était l'accent qui posait problème. Les gens étaient confrontés à son accent.
Il est donc important de donner l'heure juste aux personnes qu'on sélectionne. Je ne veux plus que le Canada aille chercher des gens qui ont des compétences à l'étranger, privant ainsi des pays qui en auraient besoin, et qu'il ne leur permette pas d'exercer leur profession ici. Je trouve que c'est vraiment une perte pour l'ensemble de l'humanité. Je voudrais que l'on donne l'heure juste.
¿ (0940)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup, madame Michaud.
Monsieur Telegdi, votre temps est écoulé. On pourra y revenir. S'il y en a d'autres qui veulent intervenir tout à l'heure, cela ne posera aucun problème.
Je me permets, à ce moment-ci, d'intervenir et de vous poser une question à mon tour. C'est une question assez générale, mais qui rejoindra chacune d'entre vous.
Je veux parler de la dimension humanitaire dans le cas du parrainage et des réfugiés. Avez-vous l'impression que, du point de vue des bureaucrates et de l'administration de la loi, on tient compte davantage des réalités humanitaires? Avant que ne soit complété un processus de parrainage, il y a des dimensions qui changent en cours de route. Trouvez-vous que le législateur tient suffisamment compte de cette réalité?
Je ne sais pas si vous aimeriez faire un commentaire à ce sujet, mais il me semble que cet aspect fasse l'unanimité.
Madame Juneau.
Mme Andrée Juneau: Effectivement, pour ma part, selon mon expérience quotidienne en qualité de représentante d'un organisme qui signe des engagements de parrainage collectif, le mot « humanitaire » est significatif, surtout quand on voit que le délai moyen de traitement d'un dossier est de quatre, cinq ou six ans, et ce, pour des personnes qui, au moment où l'on signe l'engagement de parrainage, sont dans une situation de danger. Cela n'a aucune espèce de bon sens.
Je trouve que cela devient même peut-être un petit peu vicieux. En effet, on sait très bien que pour être acceptées comme réfugiées parrainées, il faut évidemment que les personnes satisfassent aux exigences de la Convention de Genève quant à la définition de ce qu'est un réfugié. Compte tenu du temps que cela requiert, paradoxalement, peut-être que la situation politique dans le pays d'origine aura changé, positivement ou négativement. Une foule de variables interviennent. C'est très décourageant et démobilisant pour un organisme de parrainage qui s'implique. Nous sommes tous des bénévoles, nous ne sommes aucunement subventionnés. Or, on perd des bénévoles parce qu'il faut trop de temps avant que les gens arrivent.
Si c'est ce qu'on appelle un contexte humanitaire, cela n'a aucune espèce de bon sens.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): J'aimerais entendre la représentante du Centre International des Femmes de Québec sur la question de la dimension humanitaire et sur toute cette problématique.
Mme Bouchra Kaache: En ce qui concerne la dimension humanitaire, si on prend en considération les démarches administratives elles-mêmes, c'est difficile de trancher et de généraliser. Cela dépend des cas.
Comme je le disais dès le début, on met davantage l'accent sur les cas des femmes. De notre côté, il y a eu des changements depuis quelques années. Je donne l'exemple de la violence conjugale. À l'époque, lorsqu'il s'agissait de parrainage, il fallait attendre 10 ans pour qu'une femme puisse être en quelque sorte libérée du parrainage de son mari lorsqu'il y avait violence conjugale. Or, depuis la Marche mondiale des femmes « Du pain et des roses » qui a eu lieu en 2000, le gouvernement a entendu les revendications de ces femmes, et les délais ont été réduits. Il sont maintenant de trois à cinq ans. C'est déjà tout un acquis au chapitre des revendications féminines. Bien évidemment, ce n'est pas tout. D'autres choses doivent être améliorées. Les années à venir nous le prouveront.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup.
Madame Michaud, aimeriez-vous faire un commentaire?
Mme Jocelyne Michaud: Je voudrais savoir si, lorsqu'un député prend un engagement personnel envers un immigrant, il y a des cas où l'on émet des permis ministériels. Je ne parle pas des danseuses, mais d'autres cas. Cette question me préoccupe beaucoup, car je n'ai vu aucun permis ministériel accordé au député pour lequel je travaille. M. Clavet est bien au courant, n'est-ce pas?
Cela m'agace. Lorsque les fonctionnaires ne peuvent plus rien dire à un immigrant, ils lui suggèrent d'aller voir son député. Ainsi, lorsque l'immigrant arrive chez nous, il est dans une situation de désespoir total. Et même si l'on présente une demande de permis pour des raisons humanitaires, on ne l'obtient pas. Parfois, on nous dit qu'on l'obtiendra si on remplit telle et telle condition.
Nous avons vécu un cas, celui d'Athanase Djongon, où le cabinet de la ministre nous a dit que nous aurions un permis pour lui s'il était admis à l'université et s'il obtenait l'engagement du député, ce qu'il a effectivement obtenu. Malgré tout, on n'a pas émis de permis ministériel. Donc, ce jeune erre actuellement en France, ne sachant pas ce qui lui arrivera.
Si on demande un permis ministériel pour des raisons humanitaires, comme on l'a fait dans le cas des enfants dont j'ai parlé, les choses devraient bouger, puisque le député qui a rencontré ces gens a reconnu qu'ils étaient de bonne foi et qu'ils voulaient faire quelque chose. Sinon, à quoi sert le travail du député?
C'est la question que je voudrais poser. Peut-on améliorer cette situation? Les critères peuvent-ils devenir à ce point clairs qu'on saura dans quels cas on peut demander un permis ministériel et l'obtenir? Je ne dis pas que ces permis doivent être émis à tout le monde, mais il y a tout de même des cas qui mériteraient une réponse, et une réponse rapide.
¿ (0945)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Mesdames Michaud, Juneau et Kaache, nous allons faire une petite pause de 10 minutes. Je vous remercie de vos témoignages. Nous pourrons revenir avec le prochain groupe de témoins. Il sera alors question de la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger par les immigrants.
Merci et à tantôt.
¿ (0945)
¿ (0955)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Bonjour, tout le monde. Nous poursuivrons nos travaux. Nous accueillons cette fois des représentants du Centre Culturel Islamique de Québec. Nous entendrons aussi Paule Bérubé, qui témoignera à titre personnel. Chacun disposera de cinq minutes pour résumer sa position. Ensuite, il y aura une période de questions. C'est un cadre très informel, mais nous vous invitons quand même à exprimer le plus d'idées possible. Voilà la façon dont nous fonctionnons. Bienvenue à notre comité.
Mon nom est Roger Clavet. Je suis membre du Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Je vous présente mes collègues. Mme Meili Faille est vice-présidente du comité et porte-parole du Bloc québécois, et M. Andrew Telegdi est président du comité.
J'inviterais en premier les représentants du Centre Culturel Islamique de Québec à nous faire leur présentation. Merci.
Mme Nadia El Ghandouri (avocate, Héroux & Boivin, Centre Culturel Islamique de Québec): Au nom du Centre Culturel Islamique de Québec, je remercie le comité de nous accorder un droit de parole. Le Centre Culturel Islamique de Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe des membres de confession principalement musulmane. En 2003, on avait estimé le nombre de nos membres à 5 000 à 7 000 personnes. La communauté musulmane de Québec est très diversifiée, très instruite et hautement compétente. Par conséquent, il est d'autant plus important que nous puissions faire valoir un peu nos idées et les difficultés que nous avons constatées — il y en a — en matière d'immigration.
Étant donné que nous n'avons que cinq minutes, nous tenterons de vous faire part de nos idées rapidement. Vous verrez que nous en avons de bonnes. Premièrement, notre communauté regroupe son constat sous trois grands thèmes: l'information, la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger et, finalement, l'intégration des gens qui ont toutes les compétences nécessaires pour intégrer le marché du travail.
Les solutions que nous aborderons sont également regroupées sous trois thèmes: l'information, les incitatifs et la sensibilisation.
Mon collègue Nader Trigui vous donnera plus détails en ce qui a trait à l'information.
À (1000)
M. Nader Trigui (avocat, Centre Culturel Islamique de Québec): Le premier problème soulevé par plusieurs membres de la communauté en est un d'information. Il se situe à deux niveaux. Tout d'abord, ce problème existe au sein des institutions gouvernementales, notamment Citoyenneté et Immigration Canada, que ce soit par le biais de son site Internet ou des ambassades et les bureaux d'immigration à l'extérieur. On a remarqué un manque d'information à l'intention des candidats en ce qui concerne la reconnaissance de leurs compétences professionnelles, pour lesquelles ils ont été sélectionnés.
Je résume. Souvent, lorsqu'il est question de compétences, les institutions dirigent les candidats vers les ordres professionnels. On ne leur explique pas quelles sont les exigences qu'ils seront contraints de respecter. Bien souvent, on les renvoie aux ordres professionnels et, ce faisant, on les laisse à eux-mêmes.
De plus, nous avons observé qu'on fait souvent circuler, dans les ambassades ou sur le site Internet, un message très positif quant au marché du travail canadien, sans donner l'information juste et adéquate en ce qui a trait aux professions qui sont réglementées par des ordres professionnels. Cela crée des attentes. Ainsi, en arrivant ici, les gens sont déçus devant les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Ce problème d'information concerne donc Citoyenneté et Immigration Canada.
Nous avons également remarqué des problèmes d'information au sein des ordres professionnels. En matière de qualité de l'information, il y a un manque d'information juste, adéquate et efficace offerte à ces gens par les ordres professionnels.
Dans un cas, une personne a demandé des informations à un ordre professionnel, qui l'a dirigé vers une institution universitaire qui, à son tour, l'a renvoyé à l'ordre professionnel. La personne n'a pas pu avoir l'heure juste.
À cet égard, nous proposons de faire des ordres professionnels un réel partenaire de Citoyenneté et Immigration Canada, afin de donner une information juste, adéquate et efficace. Nous suggérons aussi que Citoyenneté et Immigration Canada, au lieu de renvoyer les gens aux ordres professionnels, affiche sur son site Internet une liste des métiers et des professions qui sont régis par de tels ordres, ainsi qu'un résumé des exigences de chaque profession ou de chaque métier.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci.
Nous allons compléter rapidement avec vous, madame El Ghandouri, pour ne pas laisser en plan d'autres éléments que vous vouliez mentionner au cours des cinq minutes qui vous étaient allouées. Vous aviez parlé des incitatifs et de la sensibilisation.
Mme Nadia El Ghandouri: Oui. En fait, on a parlé de la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger. En ce qui concerne les idées, étant donné le temps limité, je pense qu'il y a un constat général: les gens arrivent ici avec leurs diplômes et, compte tenu des exigences, ils se rendent forcément compte, une fois arrivés ici, qu'ils ne peuvent pas accéder au marché du travail.
On a parlé de réels partenaires. Nous savons bien que nous sommes ici au niveau fédéral et que les ordres professionnels sont de compétence provinciale. Toutefois, étant donné que les objectifs sont les mêmes lorsqu'on parle de réels partenaires, on a pensé que l'ordre professionnel pourrait peut-être jouer un rôle de premier plan lorsque l'étranger est à l'extérieur du Canada et qu'il désire venir au Canada pour exercer un métier spécifique. Ainsi, on a pensé que l'ordre professionnel pourrait analyser les demandes préliminaires, comme on le fait au niveau provincial. Au moment de la sélection, on peut faire une demande préliminaire, et il y a une première étude. Pourquoi ne pas faire le même exercice auprès des ordres professionnels, de manière à ce qu'ils jouent un rôle de premier plan?
À ce stade, ce ne serait pas nécessairement un engagement, mais cela permettrait aux gens d'obtenir la bonne information. De cette façon, on ne susciterait pas chez eux des attentes qui ne seraient pas comblées une fois qu'ils arriveraient ici.
Nous avions mentionné une autre possibilité. Une liste des professions en demande comme celle faite au palier provincial pourrait être faite au palier fédéral. Ce seraient des outils concrets.
Encore une fois, on impliquerait les ordres professionnels. En effet, si les listes des professions en demande se trouvaient à comporter des métiers réglementés, il serait important qu'il y ait une flexibilité ou un engagement de l'ordre professionnel quant aux exigences. Ce faisant, si une personne était recrutée parce que sa profession fait partie de la liste, l'ordre professionnel s'engagerait à faciliter son obtention des titres ou des équivalences ou la reconnaissance des équivalences rapidement après son arrivée ici.
À (1005)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Je vous remercie. Nous pourrons y revenir un peu plus en détail lors de la période de questions. Je ne veux pas vous bousculer, car je sais que cela demande toujours un peu de temps, mais je vous en ai laissé un peu plus. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
Nous passons maintenant à notre autre témoin, Mme Paule Bérubé, qui intervient, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, à titre personnel.
Madame Bérubé, la parole est à vous.
Mme Paule Bérubé (à titre personnel): Monsieur Clavet, monsieur le président et les autres membres du comité réunis autour de la table, je suis une infirmière de profession à la retraite et je travaille depuis déjà plusieurs années à la Société Saint-Vincent-de-Paul, pour les immigrants et les réfugiés.
Pendant les 20 premières années où j'ai côtoyé des immigrants, les choses se passaient très bien. J'avais affaire à des ouvriers qui n'avaient pas de profession, qui étaient de simples mineurs ou des travailleurs de la forêt. Tout était très bien organisé. Les écoles que fréquentaient les enfants étaient merveilleuses, et cela fonctionnait bien. Il me plaît de le dire, parce que c'est ce que j'ai vécu avant de venir à Québec et de travailler à la Société Saint-Vincent-de-Paul.
Durant les années 1970, dans la région de l'Abitibi, il y avait une grave pénurie de médecins, ce qui n'avait rien de nouveau. Nos nouveaux diplômés en médecine arrivaient dans la région, se brûlaient au travail et ne pouvaient pas continuer. Un jour, un jeune géologue grec fut engagé par la société minière. Il était marié à une Irlandaise médecin qui avait des qualifications d'une université britannique reconnue.
Face au besoin pressant de personnel médical, les démarches en vue de son accréditation par le Collège des médecins furent entreprises immédiatement. Il lui fallait payer l'étude de son dossier, ce qu'elle a fait. Les mois passèrent, la correspondance était d'une lenteur inouïe. Elle était prête à écrire des examens. On lui demandait toujours de l'argent pour poursuivre les recherches. Plusieurs voyages à Montréal ne donnèrent rien. Même les médecins de l'hôpital Royal Victoria ont apporté leur aide.
Entretemps, cette dame venait avec moi dans les écoles du secteur de Val-d'Or où je pratiquais. Certains élèves présentaient des problèmes que je ne comprenais pas. J'ai été à même de constater l'intelligence et les connaissances de cette femme que le Collège des médecins faisait poireauter en éternisant l'étude de son dossier.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Madame Bérubé, si je peux me permettre d'intervenir, pourriez-vous le dire dans vos propres mots le plus rapidement possible? Le temps file. L'exemple est tellement bon qu'il ne faudrait pas l'escamoter. Je vous invite donc à le raconter dans vos propres mots.
Mme Paule Bérubé: À mon point de vue, cette dame était du calibre du Dr Gloria Jeliu qui travaille à l'hôpital Sainte-Justine. Toutefois, le Collège des médecins ne l'a jamais acceptée. Finalement, après deux ans d'efforts, elle a décidé d'aller au Manitoba où, dans l'espace de deux mois, elle a été acceptée. Aux dernières nouvelles, elle s'y trouvait toujours et était bien heureuse.
À présent, je vous ferai part d'un autre cas, qui se passe présentement ici. Il s'agit d'un neurochirurgien de nationalité arménienne. Il a complété ses études en Russie et a fait son internat en neurochirurgie à l'Université d'Erevan. Il compte cinq ans de pratique. Il est aussi l'auteur d'une quinzaine d'articles spécialisés publiés dans des revues médicales arméniennes et russes. Ce médecin, qui est arrivé au pays après avoir suivi une formation complète, s'est plié aux exigences du Collège des médecins. Son dossier s'est même rendu au bureau de M. Couillard. Lui, des réponses et des lettres en trois copies, il connaît cela. Un échange de courrier incroyable a été orchestré. On a tout fait pour que cet homme puisse arriver à travailler.
Au cours de l'hiver, le Collège des médecins, par l'intermédiaire de sa revue Le Collège, a sorti un nouveau plan: trois voies d'accès à la pratique médicale au Québec. Je vous fais grâce de sa lecture. Je me dis que plus ça change, plus c'est pareil. Non seulement on fait passer des examens pour la pratique médicale, mais maintenant, il faut faire passer des examens en français, et deux fois plutôt qu'une.
La meilleure chose à faire pour un immigrant ou un réfugié qui est médecin et qui a reçu dans son pays de l'information selon laquelle il y a un manque de médecins au Canada et qui désire travailler ici, c'est de soumettre une demande à l'Université Laval pour être accepté en première année de médecine. Encore là, l'Université Laval peut lui dire que le programme est contingenté et qu'il devra compléter sa première année à Montréal. Par la suite, s'il rejoint sa famille à Québec, l'Université Laval lui demandera de refaire sa première année, même s'il l'a déjà complétée et qu'il a obtenu de très bonnes notes.
Nous avons ici le cas d'une personne qui a vécu cette situation. Elle est maintenant médecin au CHUM.
À (1010)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Madame Bérubé, nous terminerons là-dessus. Je sais qu'il y aurait encore plusieurs choses à dire, mais nous allons donner la chance aux membres du comité de poser des questions, pour que vous puissiez répondre à tout cela et pour que chacun puisse compléter son témoignage. Nous passons donc tout de suite à la période de questions.
Madame Faille, allez-y.
Mme Meili Faille: Je veux vous remercier d'avoir témoigné devant nous. Tout à l'heure, je voulais simplement ajouter une petite parenthèse: compétent, en effet, mais faisant preuve aussi d'un grand coeur. J'étais à même de constater le dévouement des personnes qui sont ici devant moi.
Mes questions seront brèves. En fait, vous avez bien circonscrit la problématique de la reconnaissance des compétences pour les professionnels telles que les médecins, les infirmières et les vétérinaires. La liste est assez longue. Selon les témoignages que nous avons également entendus d'autres groupes, il semblerait qu'il y a eu du progrès.
Le cas que vous nous avez présenté, madame Bérubé, est-il encore en cours, ou a-t-il été réglé? Vous parliez d'un médecin pratiquant qui a livré un témoignage, je pense. Je ne suis pas certaine du dernier cas que vous nous avez présenté.
Mme Paule Bérubé: Ce monsieur est inscrit à l'Université Laval. Il débutera des études en septembre, mais pas en médecine.
Mme Meili Faille: Dans le cadre des conférences que nous avons eues, des gens nous ont dit qu'ils étaient surqualifiés et qu'ils avaient dû modifier leur curriculum vitae de façon à être ramenés à un niveau technique pour être embauchés et ensuite faire valoir leurs compétences.
Pourriez-vous dire que c'est un peu la situation que l'on retrouve dans les cas que vous nous avez présentés?
À (1015)
Mme Paule Bérubé: À la Saint-Vincent-de-Paul de mon secteur, nous soutenons présentement trois médecins, sept ingénieurs, une physiothérapeute, trois infirmières, et nous avons six étudiants à la maîtrise et au doctorat.
Mme Meili Faille: Merci.
Mme Nadia El Ghandouri: Effectivement, il y a des gens qui retournent à l'école, mais ce n'est pas la réalité pour tout le monde. Il y a des gens qui acceptent de le faire parce qu'ils ont besoin d'intégrer le marché du travail afin de soutenir une famille. Parce qu'ils n'ont pas les moyens de se payer une autre formation, ils occuperont des emplois qui ne seront pas à la hauteur de leurs compétences et de leur formation. C'est donc une perte évidente. On n'a pas payé pour les former, on a eu la chance de les accueillir alors qu'ils avaient déjà reçu une formation, mais ils occuperont des emplois...
Le ministre Coderre disait à un moment donné qu'il trouvait intéressant de prendre le taxi parce qu'il considérait qu'il y avait des échanges intéressants. On sait bien — c'est surtout propre à la communauté maghrébine, d'une certaine façon — que ce sont parfois des gens qui ont des doctorats.
Mme Meili Faille: La question se pose. Je ne demeure pas en milieu urbain, je demeure en région. On a tenté de convertir ces situations autrement. Je vous donne l'exemple d'une personne dans ma circonscription qui produit maintenant plus du tiers des hydromels au miel — du vin de miel — produits au Québec. On s'est aperçu que, dans son cheminement, il avait modifié son curriculum vitae afin d'être admissible à un programme gouvernemental de réinsertion à l'emploi. Il a reçu une petite formation technique qui lui a permis d'être accepté à un programme de gestion de la qualité à l'intérieur d'une miellerie. Par la suite, lors d'un séjour dans mon coin, il a trouvé un producteur de miel près de la retraite qui lui a vendu son entreprise. Or, il était docteur en recherche bioalimentaire. Il a utilisé ses compétences, mais pas pour chercher un emploi, car il était surqualifié. Il avait en plus des compétences transversales, ce qu'on appelle en anglais des soft skills. Ces compétences étaient plutôt dans le domaine de l'entrepreneuriat, de la gestion, ce qui a fait de lui un formidable entrepreneur. Il réussit. Il a créé plus de 20 emplois en région.
Devrait-on être plutôt agressif dans l'élaboration de stratégies de ce genre? Rien ne m'attriste davantage que de voir qu'on laisse poireauter des gens très compétents à qui on donne l'espoir de pouvoir d'exercer un jour leur profession. Parmi ces gens, certains pourraient peut-être faire carrière dans un domaine différent qui leur permettrait de réussir tout aussi bien. On devrait peut-être encourager ce genre de programme. Qu'en pensez-vous?
M. Nader Trigui: Les constatations que nous avons réussi à obtenir sont à l'effet que ces gens ont une intention réelle de changer de métier ou de profession. Cependant, il y a un obstacle énorme. Lorsqu'ils arrivent au pays, ils n'ont aucune référence à fournir pour obtenir du crédit. Leur nom n'est pas une référence. Donc, même s'ils ont des projets, les institutions financières ne leur permettent pas de les réaliser. On revient au point de départ. On leur demande une caution, alors qu'à leur arrivée, on le sait, ils n'ont aucune référence et ne connaissent personne. Donc, tous ne peuvent pas avoir la même chance que le type dont vous avez parlé.
Mme Nadia El Ghandouri: Par contre, il y a des programmes qui pourraient constituer des pistes de solutions. Cela faisait partie de ce que nous voulions mentionner aujourd'hui. Il pourrait y avoir des stages pour l'obtention d'équivalences. Je n'en ai pas parlé tout à l'heure, mais pour permettre aux gens d'accéder à un emploi dans leur domaine, on pourrait reconnaître une période de stage, peut-être plus longue, plutôt que de les retourner à l'école.
Sinon, on pourrait favoriser les employeurs en leur offrant un accès à des programmes de subventions ou a des avantages fiscaux, de manière à les inciter à embaucher des immigrants. Cela favorisait l'intégration des immigrants dans les entreprises. On pourrait le faire au moyen de stages qui deviendraient des leviers pour entrer dans un domaine. Sinon, cela ferait en sorte de favoriser l'insertion dans le milieu du travail des immigrants qui n'ont pas de point d'attache et qui ne s'opposent à aller dans les régions éloignées. On pourrait aussi mettre sur pied un programme pour le développement d'une entreprise, car il est vrai que ces gens, à leur arrivée, n'ont pas de références à offrir pour obtenir du crédit.
À (1020)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup.
Monsieur Telegdi, c'est à votre tour de poser des questions.
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.
Il y a quelques années, nous avons changé un peu l'orientation de la catégorie économique pour mettre davantage l'accent sur l'éducation. Selon le système des points, plus vous avez de diplômes, plus vous obtenez de points. Le fait est qu'on peut finir par obtenir un diplôme après avoir suivi un certain programme au Canada, comme je le sais pour avoir fait des études universitaires, et décidé ensuite de faire un autre genre de travail, comme, par exemple, être chauffeur de taxi. Je me souviens d'un ami qui obtenu un diplôme de premier cycle mais qui a fini par acheter un taxi et en est très satisfait; c'est ça l'orientation qu'il a décidé de prendre.
Par le passé, notre politique d'immigration a toujours eu un objectif précis. Pour permettre de bâtir ce pays, le gouvernement a fait venir les travailleurs chinois pour construire le chemin de fer. Pour éviter que le Canada soit absorbé par les États-Unis, ils ont fait venir beaucoup d'Ukrainiens pour cultiver la terre. Et bien sûr, il y a eu plusieurs vagues de migration vers le nord de l'Ontario et diverses zones d'exploitation des ressources naturelles.
À l'heure actuelle, nous avons de grandes pénuries de main-d'oeuvre dans les métiers spécialisés. À mon avis, c'est le résultat de notre système d'éducation, qui semble dévaloriser les métiers spécialisés. Depuis des années, nous dépendons de l'Europe pour obtenir des travailleurs spécialisés, mais en vertu de ce nouveau système que nous avons mis en oeuvre, leurs chances d'être admis sont bien moindres. Nous avons beaucoup d'outilleurs-ajusteurs qui sont venus au Canada et s'en sont très bien tirés, alors qu'ils ne parlent pas un mot d'anglais ou de français à leur arrivée.
Je me demande si nous avons pris la bonne décision en choisissant de mettre autant l'accent sur le niveau d'instruction des personnes voulant immigrer au Canada à titre d'immigrants de la catégorie économique, surtout que les postes appropriés ne sont pas disponibles. Il y a actuellement beaucoup d'ingénieurs au Canada qui sont au chômage. Si l'on fait venir des ingénieurs d'ailleurs, ils auront sans doute du mal à obtenir un poste. Je remets donc en question la sagesse de cette nouvelle politique que nous avons adoptée, étant donné que nous voilà face à une véritable pénurie dans les métiers spécialisés. Les mécaniciens d'ascenseurs sont à peu près impossibles à trouver—voilà un secteur où les travailleurs spécialisés manquent cruellement au Canada. Pour les mécaniciens des moteurs diesel, c'est pareil; pour les outilleurs-ajusteurs, c'est pareil; et pour les conducteurs d'équipement lourd, c'est encore pareil.
On peut donc se demander si c'était la bonne politique à adopter. Voilà la première question. Quand nous avons une pénurie de main-d'oeuvre dans tel secteur, devrions-nous avoir recours aux immigrants de la classe économique pour combler notre pénurie?
Mon autre question porte sur la proportion d'immigrants économiques que nous acceptons par rapport à ceux qui sont admis au Canada en tant que réfugiés ou pour des raisons de réunification familiale. Nous nous demandons si ce rapport de 60 à 40 ne devrait pas plutôt être de 50 à 50 ou de 40 à 60. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Il y a autre chose qui nous échappe également : la valeur des médecins qui veulent s'installer au Canada. Supposons qu'un médecin haïtien veuille venir au Canada. Bien sûr, c'est terrible d'arracher les médecins haïtiens à leur pays, étant donné que la population en a terriblement besoin là-bas. Mais le fait est que s'ils veulent venir exercer la médecine ici, puisque nous avons une population haïtienne au Canada, ces derniers auront nécessairement une sensibilité culturelle que des médecins canadiens qui ne connaissent pas leur culture n'auront pas.
Je vous invite donc tous les trois à répondre à ces questions.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): C'est une question à multiples volets: pénurie, immigrants économiques versus réfugiés, le rapport 60:40.
Qui peut répondre en premier? Monsieur Trigui, voulez-vous répondre?
À (1025)
M. Nader Trigui: En ce qui concerne l'immigration économique, on constate que les critères ou les points accordés aux immigrants ne correspondent pas nécessairement au cycle économique présent. Dans les années 1980, le pays avait besoin de gens hautement qualifiés, de gens titulaires d'une maîtrise ou d'un doctorat. Ce n'est peut-être pas le cas présentement. Compte tenu du vieillissement de la population, on a davantage besoin de gens qui ont des qualifications dans des domaines techniques. Malheureusement, je pense qu'il n'y a pas de lien entre les besoins et le système pointage. C'est certain qu'une personne qui a un doctorat ou une maîtrise obtiendra plus de points.
Je pense que la solution consiste à ajuster le système de pointage, car il y a des changements, peut-être sur une base annuelle ou selon les cycles économiques. Évidemment, il est très important, je pense, d'avoir un partenariat entre les entreprises et Citoyenneté et Immigration Canada via Ressources humaines et Développement des compétences Canada, afin de savoir quelle est la tendance du marché.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Madame Bérubé, je vais tenter de reprendre sans erreur ce que M. Telegdi a demandé tout à l'heure.
Est-il sage de vouloir maintenir un système qui permet de continuer, à la faveur d'une nouvelle politique, de recruter des professionnels, alors qu'il y a un fossé entre ce qu'ils découvrent quand ils arrivent ici et les obstacles qu'on leur impose? Quelle est la sagesse de ce processus?
Mme Paule Bérubé: Je me pose énormément de questions au sujet de ce processus. Je me dis qu'il est beaucoup plus facile de prendre un jeune ouvrier et de lui faire apprendre une technique ici, au Canada, qui correspond à nos besoins que de prendre un professionnel d'un pays étranger, de l'inviter chez nous et de lui dire qu'il devra compléter une autre éducation, une autre instruction, car on a besoin de telle chose. C'est très démoralisant pour la personne qui arrive. Il y a déjà beaucoup de contraintes: l'arrivée, l'accueil, l'acclimatation, etc. Quand en plus on refuse de reconnaître leurs compétences, c'est très démoralisant pour eux.
Je peux vous dire qu'on a beaucoup plus de facilité à accepter, dans l'organisation technique ou commerciale, un individu qui devra finir son éducation ici qu'à accepter un médecin ou un ingénieur. Pour ces derniers, il n'y a pas de fin.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci, madame Bérubé.
C'est à mon tour de poser quelques questions. Je vais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur Trigui, au sujet des demandeurs de travail que l'on réfère aux ordres professionnels. On a l'impression qu'il y a une partie de ping-pong qui se joue, qu'on se les renvoie un peu d'un à l'autre.
Vous me corrigerez si je suis dans l'erreur, mais vous disiez également qu'on présente un message — pour reprendre votre expression — très positif quant aux possibilités d'emploi et au marché du travail au Canada. Est-ce très positif ou trop positif? Avez-vous l'impression qu'on embellit un peu la situation?
Il faut aussi tenir compte des attentes des gens. Quand on est en situation d'immigration, on a peut-être tendance à enjoliver le pays d'accueil, parce que celui qu'on quitte est l'enfer. Y a-t-il un peu de tout cela? Je voudrais que vous reveniez à la question de l'image très positive que l'on donne du marché du travail.
M. Nader Trigui: Je parlerai de mon expérience personnelle. Je suis arrivé ici en tant qu'immigrant en 1998. Je suis juriste dans mon pays d'origine, qui est la Tunisie. Lorsqu'on visite l'ambassade du Canada à Tunis, on voit des messages qui, sur le plan du marketing, sont très bien étudiés. On nous dit que le Canada est le meilleur pays au monde, un pays où il fait bon vivre.
À (1030)
Mme Nadia El Ghandouri: Oui.
M. Nader Trigui: Évidemment, on nous dit que le système de santé est gratuit, que le système d'éducation est l'un des meilleurs au monde. Pour un jeune, évidemment, c'est le paradis. On ne dira jamais qu'il y a des problèmes quant aux ordres professionnels et à la reconnaissance des diplômes.
On peut donc dire de ce message qu'il n'est pas trop positif, mais très positif.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): C'est l'image que l'on présente à l'extérieur.
Madame El Ghandouri, êtes-vous du même avis?
Mme Nadia El Ghandouri: En effet, je partage son opinion. L'image est positive, ce qui est correct, parce que le message est à l'avantage du Canada mais ce n'est pas une fausse publicité. Cependant, cette publicité n'est pas complète. À cet égard, il est facile de dire qu'on a besoin de gens comme nous, qu'on a besoin de professionnels. Toutefois, en ce qui concerne les métiers réglementés, il faut aller chercher l'information. C'est ce que nous déplorons un peu.
Ici, on se réfère plus spécifiquement au site Internet, où l'on donne l'impression aux gens qu'ils sont capables d'obtenir seuls toute l'information dont ils ont besoin en consultant le site ou en contactant le personnel. On va même plus loin, en disant que ce n'est pas nécessaire de recourir aux services d'un consultant ou d'un avocat, alors que l'on sait très bien que des informations doivent être données au sujet des métiers réglementés, ce qui est le sujet d'actualité ici et qui pose un énorme problème.
Cela oblige, en contrepartie, le gouvernement à donner plus d'information. C'est la raison pour laquelle nous faisions une suggestion à cet effet tout à l'heure. Lorsqu'on parle de métiers réglementés ou d'ordres professionnels, il est important que les gens sachent de quoi on parle et qu'il y ait une liste des métiers visés. Lorsqu'on parle d'avocats, de médecins et d'ingénieurs, il faut dire ce qu'est un ordre professionnel. Il faut faire des liens et donner le plus d'information possible, car ces gens ont des attentes.
Me Trigui disait que son expérience personnelle a été d'aller à l'ambassade, où il y a beaucoup d'information positive. C'est tout à l'honneur du Canada, mais là n'est pas la question. Cette information n'est pas complète. En ce sens, il faut donner un peu plus d'information. Autrement, il ne faut pas dévaloriser la présence des consultants ou des avocats, qui eux-mêmes ont un rôle de conseiller. Il ne s'agit pas uniquement de payer, mais de conseiller, de donner l'heure juste. Si on choisit la première option, à ce moment-là, que l'on donne toute l'information et que l'on évite de laisser les gens dans le néant.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): À d'autres occasions, notre comité a eu la chance de rencontrer plusieurs représentants de divers ordres professionnels.
Sentez-vous, madame Bérubé, monsieur et mesdames du Centre Culturel Islamique de Québec, qu'il y a peut-être une volonté des ordres professionnels de sacrifier quelque peu les normes d'accès aux professions, d'ouvrir les rangs de leur profession, mais de garantir quand même une qualité de services? Sentez-vous une réticence dans certains cadres professionnels?
Nous avons reçu des médecins, des infirmiers, des ingénieurs. Chaque fois ces gens disaient qu'il ne fallait pas sacrifier la norme. Par contre, quand on n'a pas accès à un médecin, on prendrait bien un médecin haïtien ou libanais, dans la mesure où il peut répondre correctement aux normes de la profession. Nous avions l'impression — je peux me tromper — qu'il y avait une résistance aux changements et une grande crainte.
Sentez-vous cela dans vos contacts avec les ordres professionnels? Cela vaut aussi pour l'exemple du médecin irlandais que Mme Bérubé nous a donné. Qu'aurait-on pu faire autrement?
Je vous laisse commenter la volonté réelle que les ordres professionnels affichent quand vous les côtoyez et que vous avez affaire à eux.
Mme Nadia El Ghandouri: Ce que j'ai à dire correspond à ce que j'entends, et non à mon expérience personnelle. Je comprends bien la dynamique de l'ordre professionnel: il vise à protéger le public et à assurer la qualité des services. En même temps, d'après mon expérience, les médecins et les ingénieurs que je connais personnellement ont été totalement découragés. Ils estiment qu'il leur faudrait environ 10 ans — je n'ai pas vérifié les chiffres — avant d'être en mesure de joindre les rangs d'un ordre professionnel.
Je crois qu'il y a probablement une volonté. Cela s'explique-t-il du fait que cette dynamique est nouvelle? Ma première impression est qu'il y a une guerre de clocher. Je ne sens pas l'ouverture. On éprouve beaucoup de déception à cet égard. Il est très difficile d'accéder aux ordres professionnels.
Une des solutions qui permettrait aux ordres professionnels d'assurer la qualité des services résiderait dans le recours à des stages. Cela n'obligerait pas nécessairement les gens à aller refaire leurs cours, avec tout ce que cela comporte. On ne valorise pas assez l'expérience étrangère, qui peut pourtant être très enrichissante pour le métier visé.
À (1035)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup.
Madame Bérubé, peut-être pouvez-vous commenter rapidement?
Mme Paule Bérubé: Pour ce qui est de la médecine, il y a sûrement une résistance. Cette résistance, je l'ai vécue avec des gens que j'ai accompagnés. Où se situe le véritable problème? Les journaux nous informaient cette semaine que 40 étudiants en médecine venaient de recevoir leur diplôme de l'Université Laval. On manque de médecins, mais ils ne savent pas où ils iront.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Vous voyez donc là une illustration de la situation dont on vient de discuter.
Allez-y, monsieur Trigui.
M. Nader Trigui: Je voudrais faire une petite intervention. Je pense qu'il existe aussi un problème de sensibilisation auprès de la population et au sein des ordres professionnels. Certaines personnes seront tenaces et accéderont enfin à un ordre professionnel. Cependant, une fois qu'elles y auront accédé, elles devront trouver un emploi. Or, la recherche d'emploi est le point de départ d'un combat quotidien pour faire valoir son expérience de travail auprès d'un employeur, que ce soit dans le secteur privé ou public, bien que le gouvernement ait des programmes pour éviter la discrimination.
On se retrouve au même point de départ. Ces gens n'ont pas d'emploi et, par conséquent, il est difficile de les retenir ici. Ils seront donc obligés de quitter le Canada et de retourner dans leur pays.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Je vous remercie infiniment. Nous tiendrons compte de vos commentaires et suggestions dans la préparation de notre rapport, ce qui ne devrait pas trop tarder.
Nous allons faire une pause de cinq minutes, mais j'aimerais d'abord vous rappeler que ma collègue doit quitter pour assister à une conférence de presse dans sa circonscription. Nous continuerons en mode réduit, mais cela nous donnera plus de temps.
J'en profite également pour remercier le personnel technique qui accompagne ce comité: les interprètes, le greffier, les analystes, le personnel de soutien technique. Je remercie enfin tous les gens qui ont participé à cette séance.
Nous faisons une pause de cinq minutes, puis nous reviendrons afin de poursuivre notre étude des questions touchant la citoyenneté. Pour ceux qui le souhaitent, on voudrait prendre une photo avec le président et les membres du comité. Merci.
À (1035)
À (1050)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Nous sommes prêts à reprendre nos délibérations. Nous accueillons maintenant, comme témoin, M. Stefan Szilva. Nous en sommes à l'étude des questions touchant la citoyenneté.
Je vous demande donc, monsieur Szilva, de faire votre présentation tout de suite. Suivra une brève période de questions. Ce sera très flexible, puisque vous êtes le seul témoin.
M. Stefan Szilva (à titre personnel): Bonjour. Mon nom est Stefan Szilva. Je veux vous parler de mon dossier. Mon frère et moi sommes les deux seuls enfants de notre famille. Mon père habite encore en Slovaquie. Ma mère est déjà décédée. Nous sommes tous les deux ici. Nous n'avons ni frères, ni soeurs, ni aucune autre famille. Mon père se retrouve donc tout seul, puisque ma mère est décédée il y a dix ans. Depuis ce temps, l'état de santé de mon père s'est détérioré encore davantage. Il doit prendre des médicaments. Il est maintenant âgé de 77 ans et il habite dans un appartement au deuxième étage. Lorsqu'il va faire son magasinage et son épicerie, il doit utiliser les escaliers, car il n'y a pas d'ascenseur dans la maison, ce qui ne facilite pas sa tâche. Il doit prendre des médicaments tous les jours: matin, midi et soir. Je ne sais pas si vous me comprenez, mais ce n'est pas facile de calculer le nombre de cachets qu'il vous faut prendre: il y en a de toutes les sortes et de diverses couleurs. Présentement, il y a une dame qui l'aide à cet égard et qui fait la cuisine, le ménage et le lavage, mais cette dame est déjà retraitée. De plus, sa mère est encore en vie et elle doit s'occuper d'elle aussi.
L'année dernière, j'ai passé un mois en Tchécoslovaquie avec mon père. J'ai vu que c'était très difficile pour lui de vivre seul. Dès mon retour, j'en ai parlé avec mon frère, et nous avons entrepris les démarches de parrainage pour le faire venir ici. Nous avons envoyé les demandes et nous avons payé la totalité des frais. Nous avons reçu assez rapidement — le 12 juillet — une lettre accusant réception de notre demande. Toutefois, depuis 10 mois, nous n'avons eu aucune nouvelle.
Chaque fois que nous appelons — nous avons appelé deux ou trois fois au bureau à Mississauga —, on nous répond très froidement qu'on a autre chose à faire et que ce n'est pas une priorité, car la priorité va aux enfants, aux épouses ou aux conjoints. Dans notre cas, il s'agit de notre père. Nous avons ajouté à notre demande la lettre que l'on vous a distribuée. J'imagine que vous l'avez. Cela n'a absolument rien donné. Nous avions même l'impression que nous les avions dérangés un peu par nos appels téléphoniques.
Au début, quand nous avons communiqué avec eux, ils nous ont dit qu'il faudrait 18 mois pour compléter le traitement de la demande. La dernière fois que nous les avons appelés, ils nous ont dit qu'il faudrait maintenant 36 mois, que les demandes qu'ils ont reçues en 2003 n'étaient même pas encore à l'étape du traitement. La nôtre a été envoyée en 2004. Nous sommes maintenant en 2005. Si les délais ne sont pas prolongées davantage, notre demande devrait être traitée en 2007. Je ne suis même pas sûr, étant donné ses 77 ans, que mon père pourra vivre jusqu'en 2007, malheureusement. Nous sommes vraiment découragés.
Pour avoir un peu d'aide, nous sommes allés voir votre adjointe, Mme Michaud. Elle nous a écoutés. Elle a aussi fait une demande par écrit au ministère, qui a répondu que l'attente serait encore d'environ 20 mois. Je ne comprends pas pourquoi c'est si long. Dans toute notre famille, il y a mon père, ma mère et deux enfants. Nous deux, mon frère et moi, sommes déjà ici. Ma mère a déjà obtenu le statut de résidente permanente au Canada. Maintenant, elle est décédée. Il ne manque que mon père. Je ne comprends pas pourquoi c'est difficile. Il est retraité et ne veut pas travailler. Nous nous engageons à payer toutes ses dépenses. Il sera logé et nourri, comme la commission l'exige. Je ne vois pas pourquoi cela tarde autant. Je m'excuse, mais je suis découragé.
À (1055)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Szilva, sans vouloir commenter ce cas précis, je dois ajouter que, depuis le début des audiences, nous avons entendu de nombreux cas comme celui dont vous nous faites part., et ce, à répétition.
Avant de céder la parole au président Telegdi, je me permets simplement de rappeler que vous êtes sans nouvelles depuis 10 mois.
M. Stefan Szilva: On n'a reçu aucune réponse de leur part. Si on n'appelle pas, on n'a aucune nouvelle, et quand on les appelle, c'est comme si on les dérangeait.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Nous pourrons y revenir un peu plus en détail plus tard. Il y a de nombreuses situations comme celle-là. Chaque fois, ce sont des individus qui sont en cause, des gens comme vous, votre frère et votre famille, qui vivez un drame.
Certains membres du comité sont absents en raison d'autres occupations, mais nous nous sommes rencontrés au préalable, et d'entrée de jeu, nous avons convenu ce matin d'une approche non partisane. Dans notre rapport, que M. Telegdi et nous allons préparer, nous ferons état de ce cas et d'autres cas semblables. Nous demanderons des explications et suggérerons des correctifs. À notre avis, il est aberrant que de telles situations se présentent. Le gouvernement doit faire preuve d'un minimum d'honnêteté. S'il veut accueillir des familles, s'il a à coeur la réunification des familles, il doit prêcher par l'exemple.
Avant d'aller plus loin, je céderai la parole à mon collègue, à moins que vous n'ayez autre chose à ajouter concernant ce cas. Y a-t-il d'autres éléments qui vous viennent à l'idée et dont vous souhaiteriez nous faire part avant que nous passions à la période de questions comme telle?
Á (1100)
M. Stefan Szilva: Je pense que la situation se détériore beaucoup. On a fait la même demande pour ma mère il y a environ 11 ans. Je sais que cela peut sembler loin, mais à cette époque, le processus ne prenait même pas un an et coûtait environ 250 $, alors que maintenant, on parle de 1 500 $ et de délais plus de trois fois plus longs.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci, monsieur Szilva.
Je cède la parole au président, M. Telegdi, qui a entendu des cas semblables au cours des audiences et qui peut témoigner de sa propre expérience. J'insiste pour mentionner que M. Telegdi est un député du Parti libéral du Canada, mais il a exprimé à plusieurs reprises des positions courageuses qui lui ont parfois valu certaines mesures. Il est à même de bien saisir ce que vous aurez à lui expliquer.
Je cède donc la parole au président, M. Telegdi.
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Monsieur Clavet, c'est vous qui êtes président aujourd'hui.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Oui, aujourd'hui seulement.
L'hon. Andrew Telegdi: [M. Telegdi parle en hongrois.]
Pour les fins du compte rendu, je signale aux personnes présentes que je viens de lui demander s'il parle hongrois. Il m'a répondu que oui, et je lui ai expliqué qu'il y a trois autres membres du comité…les deux autres ne parlent pas hongrois, mais ils ont des noms hongrois, et donc, nous sommes trois en fin de compte.
La question que vous soulevez en est une dont on nous a parlé à maintes reprises. En fait, le gouvernement a récemment fait une annonce à ce sujet. Je ne sais pas si vous êtes au courant. Autrefois on admettait 6 000 personnes dans la catégorie de la réunification des familles. Mais ce nombre est maintenant passé à 18 000.
De plus, ce qui arrivait autrefois quand quelqu'un présentait une demande d'admission au Canada, tout de suite…
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Attendez une seconde, monsieur Telegdi.
L'hon. Andrew Telegdi: J'aurais pu continuer à parler en hongrois. Là nous aurions été dans de beaux draps.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Je suis désolé de vous avoir interrompu, monsieur Telegdi, mais il vaut mieux le faire maintenant que plus tard.
[Français]
Pendant que notre témoin installe son casque d'écoute pour avoir l'interprétation, je vous rappelle que nous discutons des questions qui touchent la citoyenneté. En ce moment, nous avons un invité qui nous a raconté son cas pathétique, comme tant d'autres l'ont fait au cours des audiences de ce comité.
Nous pouvons maintenant continuer.
[Traduction]
Monsieur Telegdi, voulez-vous répéter votre question pour le témoin?
L'hon. Andrew Telegdi: À titre d'information, monsieur le président, je vous signale que le nom Szilva veut dire prune en anglais. Donc, si vous pouvez vous rappeler ce nom, vous saurez comment dire le mot « prune » en hongrois.
Á (1105)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): En latin le mot « Silva » veut dire forêt.
L'hon. Andrew Telegdi: Très bien.
La question que vous soulevez est une question dont on nous a parlé à de nombreuses reprises en comité, et la situation est effectivement très frustrante. La politique dans ce domaine a récemment été modifiée. J'aimerais justement vous expliquer à quel point l'ancienne politique était ridicule. Si un parent voulait venir s'installer au Canada, on lui refusait un visa au moment de présenter sa demande. Comme c'est un processus qui est de par sa nature très long, en déclarant qu'ils voulaient aller au Canada pour être avec leurs enfants, de nombreux parents se sont vu refuser un visa pour visiter le Canada parce qu'on a supposé qu'ils allaient présenter une demande d'asile. C'était complètement ridicule. En tout cas, cette politique a été changée.
Le ministre a justement annoncé que le nombre de personnes admises passerait de 6 000 à 18 000 par an. Étant donné que l'arriéré actuel est de plus de 100 000, il est clair que cela va prendre un certain temps, ne serait-ce que pour traiter les demandes qu'on a déjà reçues. À mon avis, il va falloir recommander que les demandes de parents dont tous les enfants se trouvent au Canada soient prioritaires.
Vous avez dit que vous seriez prêt à supporter toutes les dépenses. Il y a une chose dont le gouvernement ne parle pas, et c'est un problème qu'il va absolument falloir solutionner. Quand les gens viennent au Canada, le coût des soins est considérable. Il faudra que le comité se penche sur cette question-là, parce que ces coûts constituent un véritable obstacle. J'aimerais qu'on puisse définir une procédure qui ferait que la situation sera plus gérable, afin qu'on puisse vraiment mettre en oeuvre cette nouvelle politique. Je sais que l'Australie a mis en place un modèle qui tient compte de ce genre de problème, et en vertu de son régime, certains parents ont la priorité sur d'autres.
En tout cas, la question que vous soulevez fait l'objet de nombreuses discussions en comité. S'il y a eu un changement de politique, c'est sans doute parce que les besoins dans ce domaine sont de plus en plus clairement énoncés par les témoins qui participent à nos audiences.
Merci infiniment d'avoir soulevé la question. C'est un sujet qui a été soulevé auprès de tous les membres assis autour de cette table disposée en fer à cheval—du moins quand les 12 membres sont présents—quand ils étaient dans leurs circonscriptions électorales. Nous espérons que la situation va s'améliorer après que nous aurons déposé notre rapport, et nous souhaitons apporter d'autres améliorations à la politique actuellement en vigueur.
Merci.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Avez-vous un commentaire à émettre à ce sujet, monsieur Szilva?
M. Stefan Szilva: Je suis content de voir que le comité va s'en occuper. Par contre, je voudrais bien savoir ce que cela donnera concrètement. Le fait de rédiger des rapports et d'en faire part au gouvernement améliorera peut-être la situation, mais comme monsieur disait qu'il y a plus de 5 000 cas dans cette situation, même si le gouvernement augmente de 6 000 à 12 000 ou à 18 000, il faudra encore attendre des années.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Szilva, je suis bien content que vous mentionniez ce point. Effectivement, ce comité ne va pas régler chacun des cas individuels. Par contre, en ce moment, nous sommes en situation de gouvernement minoritaire. Nous ne savons pas combien de temps durera cette situation. Quoi qu'il en soit, cette situation a permis notamment à ce comité, alors que tous ses membres étaient présents, de recevoir des représentants de la communauté vietnamienne. Ces derniers nous ont demandé avec insistance de faire venir la dernière vague des boat people qui se trouvent encore aux Philippines.
Les membres du comité, de façon non partisane, ont pu contraindre le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à venir comparaître devant le comité. Nous avons profité de l'occasion pour lui demander pourquoi on ne complétait pas l'exercice avec ces gens qui se sont établis au Québec, et un peu partout au Canada. La communauté vietnamienne a pris racine. Ces gens sont devenus des hommes et des femmes d'affaires prospères. Ils demandaient, comme vous le faites maintenant pour votre père, que les familles soient réunies, et cela s'est réalisé.
Cela signifie qu'il n'est pas interdit de penser qu'on puisse faire la même chose, quand viendra le temps de soumettre notre rapport, sur la foi des témoignages comme le vôtre.
Je me permets à ce moment-ci de quitter mon poste de président et d'intervenir à titre de député du Bloc québécois et de membre du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir: le centre de traitement des demandes de Mississauga, en Ontario, tout près de Toronto.
Trouvez-vous normal, monsieur Szilva, qu'un résidant de Québec fasse une demande et que celle-ci soit traitée à Mississauga, en Ontario? De plus, cette demande doit être traduite, puisque, visiblement, vous ne parlez pas l'autre langue officielle. Ce n'est pas un blâme, mais une constatation. De la même manière, je ne pourrais pas reprocher à mon président de parler le hongrois et de ne pas parler le français. Ce n'est pas la place pour ce genre de chose. Cela démontre une grande ouverture envers les autres cultures.
J'aimerais savoir si vous trouvez normal que votre demande ait été acheminée à Mississauga. N'aurait-il pas fallu la traiter dans un centre au Québec, en français? Peut-être aurait-on pu, en réduisant la bureaucratie, éliminer des étapes. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Stefan Szilva: Personnellement, cela ne me pose aucun problème que ma demande soit traitée n'importe où au Canada. Toutefois, si cela peut réduire le nombre d'étapes, c'est certain que j'aimerais qu'elle soit traitée plus près. Par ailleurs, le fait qu'elle soit traitée en anglais ou en français ne me pose aucun problème.
Á (1110)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Vous nous avez décrit ce matin le cas de votre père âgé de 77 ans. Est-il malade? N'est-il pas diabétique?
M. Stefan Szilva: En effet, il a le diabète. Dernièrement, il a subi des opérations. C'est sûr que les médicaments qu'il doit prendre peuvent carrément être dangereux. Il ne peut pas se permettre de se tromper quand vient le temps de choisir ses médicaments, et il en a plusieurs à prendre.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Quelle différence cela ferait-il pour vous et votre frère d'avoir votre père auprès de vous pour les quelques années — qu'on souhaite nombreuses — qu'il lui reste à vivre? Quelle différence cela ferait-il pour vous de savoir qu'en réunissant votre famille, ce casse-tête serait éliminé? C'est un tracas que vous vivez depuis déjà un bon moment. Qu'est-ce que cela changerait dans votre vie?
J'aimerais vous l'entendre dire, afin qu'on puisse le transcrire et l'inclure dans les comptes rendus du comité. Ce témoignage pourrait peut-être ébranler ceux qui doutent encore de l'utilité d'élargir la définition de la famille pour y inclure des membres autres que ceux de la famille immédiate. À mon avis, le père fait partie de la famille immédiate. J'aimerais que vous nous livriez un petit témoignage à cet égard. Je suis convaincu à l'avance; vous prêchez à un converti. Cependant, pour que cela se rende en haut lieu, dites-nous quelle différence cela ferait dans votre vie et dans celle de votre frère d'avoir votre père à vos côtés.
M. Stefan Szilva: Cela ferait une énorme différence. Il y a six ans, après le décès de ma mère, nous avons fait venir mon père au Canada à titre de visiteur. Il a passé un an complet ici avec nous et avec ses trois petits-enfants. C'était quasiment comme le paradis pour lui. Il n'avait aucun problème. Il nous racontait des histoires de son enfance que nous ne connaissions même pas. Il regardait la carte géographique du monde et me racontait où il avait été élevé: en République tchèque et un peu partout à droite et à gauche. Il me racontait beaucoup d'histoires. Les petits-enfants pouvaient au moins profiter de la présence de leur grand-père, alors que maintenant, ils n'ont personne. Nous avons beau leur dire que nous irons voir leur grand-père en Slovaquie, mais cela ne leur donne rien. Ce n'est pas une personne à qui ils peuvent parler. Ils lui parlent parfois au téléphone, mais ce n'est pas du tout la même chose.
Au moins, nous saurions notre père en sécurité. Ici avec nous, il serait bien traité. Honnêtement, à l'âge où il est rendu, il faut au moins qu'il vive dans la dignité, et non pas dans les circonstances où il vit actuellement. On nous dit aussi que nous aurions pu le placer dans un foyer en Slovaquie. Or, ce pays vient de se défaire d'un régime communiste. Un foyer pour personnes âgées n'est pas du tout la même chose là-bas qu'ici. Il arrive parfois des choses horribles dans les foyers ici, mais chez nous, c'est encore pire.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Que répondez-vous au législateur qui dit que l'on doit donner priorité aux enfants et aux conjoints et, après, éventuellement, au père et à la mère?
Il semble que le législateur ait établi une priorité pour les enfants et les conjoints. Que répondez-vous au législateur qui dit qu'il faut aller au plus urgent: les enfants, les conjoints et, éventuellement, peut-être les parents?
M. Stefan Szilva: Je trouve que c'est quand même logique. En effet, la famille immédiate est composée des parents et des enfants.
Dans notre cas, notre père n'est pas en bonne santé et il est seul. S'il était en bonne santé, nous comprendrions que cela puisse prendre du temps. Toutefois, étant donné la situation actuelle, il est carrément en danger. D'ailleurs, mon frère, avec qui j'ai fait la demande, est parti en Slovaquie aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle il ne peut pas être ici. Cependant, lorsque j'ai rencontré votre adjointe, il était avec moi.
Il parti pour une période d'un mois afin de voir dans quelles conditions notre père vit vraiment et de l'aider un peu, au moins. Nous sommes vraiment découragés face à cette situation.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Szilva, je vous remercie beaucoup.
Monsieur Telegdi, aviez-vous une autre question à poser qui compléterait ce témoignage?
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Non, ça va.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci beaucoup, monsieur Szilva.
Nous allons maintenant entendre un autre témoin. Selon ce qui était prévu, nous devrions accueillir quelqu'un du Comité d'action pour les droits de l'homme.
En attendant la venue du prochain témoin, nous allons faire une pause de deux minutes.
Á (1110)
Á (1115)
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Les travaux du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration se poursuivent. Nous accueillons un nouveau témoin, M. Inderjeet Singh, qui nous présentera son témoignage, lequel sera suivi d'une période de questions.
Monsieur Singh, la parole est à vous.
[Traduction]
M. Inderjeet Singh (Secrétaire général, Comité d'action pour les droits de l'homme): Bonjour à vous tous.
Je suis désolé d'avoir à vous annoncer que notre porte-parole, M. Sanjiv Kumar, ne peut pas être présent parce qu'il a manqué son vol. En son nom, je vais donc vous faire part de nos préoccupations relatives à la réunification familiale et d'autres aspects connexes.
Monsieur le président et membres du comité permanent, bonjour. Merci de l'occasion qui est donnée au Comité d'action pour les droits de l'homme de présenter ses vues sur toutes ces questions.
Je m'appelle Inderjeet Singh. Je suis secrétaire général du Comité d'action pour les droits de l'homme. Nous sommes très reconnaissants envers le comité permanent de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos vues. Notre président, Sanjiv Kumar a demandé au comité permanent de bénéficier d'être reçu seul afin que nous puissions vous présenter nos préoccupations détaillées. Il devait venir de Toronto ce matin. Malheureusement, il a manqué son vol d'une minute ou deux, et le vol suivant partait trop tard pour lui permettre d'être là à l'heure de la réunion. Il m'incombe donc en son absence de faire ces remarques aux honorables membres du comité. Comme M. Sanjiv Kuma voulait lui-même faire l'exposé, et puisqu'il ne peut être présent, nous n'aurons peut-être pas besoin de toute l'heure qui nous est impartie.
Nous exhortons les honorables membres du comité à faire des recommandations énergiques au gouvernement sur les changements qui s'imposent dans le domaine de la réunification des familles. Les problèmes sont de deux types.
Premièrement, il faut réduire le délai d'attente pour les familles de réfugiés qui ont été acceptées en principe et qui doivent ensuite attendre plusieurs années avant d'être réunies avec leurs conjoints et leurs enfants au Canada. Certains parents de réfugiés doivent attendre plusieurs années à l'étranger pendant le traitement de leurs dossiers. Ces retards créent de graves difficultés pour les familles et, dans certains cas, conduisent à la rupture complète de la famille. Nous appuyons la recommandation du Conseil canadien des réfugiés voulant que les conjoints et les enfants de personnes ayant obtenu le statut de réfugié au Canada puissent immédiatement venir au Canada pour faire traiter leurs demandes. De plus, il faudrait prévoir que les enfants mineurs admis à titre de réfugiés puissent être réunis avec leurs familles, puisqu'ils sont vulnérables et ont besoin de l'appui de leurs familles.
Deuxièmement, il faut reconnaître la contribution qu'apportent à la société canadienne des personnes n'ayant pas de statut officiel, mais qui vivent au Canada pendant plusieurs années. Il y a plus de 100 000 personnes qui veulent être réunies avec leurs familles. D'ailleurs, nous avons pris bonne note de la déclaration de l'honorable ministre devant ce comité, selon laquelle il compte reconnaître la contribution de ces segments productifs et importants de la société canadienne.
S'agissant de régulariser la situation, nous proposons au gouvernement de retenir les principaux suivants.
Premièrement, il faut un programme de régularisation complet, transparent et inclusif, qui soit à la fois équitable et accessible à toute personne vivant au Canada sans avoir le statut d'immigrant officiel. L'accès à un tel programme ne doit pas dépendre de la participation à la population active, et il ne faut pas non plus exclure des groupes particuliers, comme les pauvres, les personnes non salariées, les chômeurs, et ceux qui ont pu bénéficier d'une aide gouvernementale. De même, il ne faut pas limiter l'accès à un groupe particulier, comme ceux qui pratiquent une profession ou métier particulier, ou oeuvrent dans des secteurs d'activité particuliers.
Deuxièmement, tout programme de régularisation doit permettre d'obtenir, sans restrictions et sans conditions, le statut de résident permanent ou d'immigrant reçu au Canada.
Á (1120)
Troisièmement, tout programme de régularisation doit être non discrétionnaire, non arbitraire, et d'application uniforme. Tout en garantissant à tous les demandeurs le droit à l'application régulière de la loi, ce programme doit prévoir une procédure d'appel pour ceux dont les demandes sont rejetées.
Quatrièmement, tout programme de régularisation ne doit pas être discriminatoire, et donc rejeter certaines demandes pour raison de race, de couleur, d'origine nationale ou ethnique, de confession ou de religion, de sexe, d'incapacités mentales ou physiques, d'orientation sexuelle, d'état matrimonial, etc.
Cinquièmement, tout programme de régularisation ne doit pas être basé sur le temps que le demandeur a déjà passé au Canada.
Sixièmement, la non-admissibilité pour des raisons médicales est un motif profondément discriminatoire qui enfreint les droits humains les plus fondamentaux et constitue une atteinte déshonorante aux principes fondamentaux de la justice et de la compassion.
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Singh, pourriez-vous résumer vos propos, car si vous lisez votre mémoire intégral, vous en aurez pour plus d'une demi-heure. Je vous saurai donc gré de bien vouloir résumer vos arguments.
M. Inderjeet Singh: Septièmement, tout programme de régularisation doit respecter le principe de la réunification des familles au Canada et le droit des enfants de vivre avec les personnes au Canada qui ont la principale responsabilité de les soigner. Il faut donc permettre aux personnes dont le dossier a été régularisé mais qui n'ont pas encore de statut officiel de parrainer les membres de leur famille qui se trouvent à l'étranger pour qu'ils puissent immédiatement venir au Canada. La définition de la famille doit être suffisamment inclusive pour reconnaître diverses normes et pratiques culturelles, les conjoints de fait, les relations de personnes de même sexe, et les nouvelles réalités qui caractérisent à présent la vie des gens.
Huitièmement, les personnes n'ayant pas de statut officiel ne doivent pas être pénalisées pour avoir été obligées de vivre de façon clandestine au Canada. Le programme de régularisation doit permettre à de telles personnes de présenter leurs demandes de façon anonyme ou en passant par une tierce partie, sans craindre de faire l'objet d'accusations criminelles, de détention, d'expulsion, ou d'autres mesures de répression.
Neuvièmement, pendant la mise en oeuvre du programme de régularisation, tous les paliers de gouvernement au Canada doivent garantir aux personnes n'ayant pas de statut officiel l'accès intégral, dans les mêmes conditions que d'autres Canadiens, au système de soins, à l'assistance sociale, aux services d'éducation, aux services de garde d'enfants, aux emplois, à la protection qu'offrent la législation du travail, aux logements, à l'aide juridique, aux services de protection contre la violence familiale, etc., sans craindre d'être dénoncées, ou de faire l'objet d'accusations au criminel, de mesures de détention, d'expulsion, ou de toute autre forme de répression.
Dixièmement, quiconque n'a pas tout à fait un statut officiel au Canada, y compris des personnes bénéficiant de permis de travail temporaire, doit être admissible au programme de régularisation.
Á (1125)
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Singh, je veux simplement vous dire que tous les membres du comité ont une copie de votre mémoire et qu'il sera acheminé à ceux qui ne sont pas ici, dans les deux langues officielles. Je voulais savoir, pour l'instant, si vous pouviez résumer. Il vous reste une minute, après quoi on posera des questions.
[Traduction]
Pourriez-vous résumer?
M. Inderjeet Singh: En fait, je vous invite à lire notre mémoire intégral. Je ne peux pas vous répondre parce que je n'en ai pas beaucoup discuté avec notre porte-parole. Si je vous lis cette déclaration, c'est parce que lui-même n'a pas pu être présent.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Singh, je veux être juste envers les autres présentateurs, qui ont eu le même temps que vous à leur disposition pour présenter leurs mémoires. Si vous le permettez, je pense que nous allons prendre fait et acte de ce document, que les membres du comité ont déjà en leur possession. Je vous demanderais, si possible, de vous mettre à la disposition du comité pour que nous puissions maintenant vous poser des questions.
Á (1130)
[Traduction]
M. Inderjeet Singh: Je suis désolé. Je ne peux pas vous répondre parce que je ne parle pas très bien anglais. C'est ça mon problème.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): On peut vous accorder encore quelques minutes, mais il est impossible que vous lisiez tout le document, cela n'a pas de sens. Je vous demanderais d'aller au plus urgent. Je comprends très bien que vous êtes un porte-parole, mais même avec la meilleure volonté du monde, la lecture d'un document de 20 pages est un exercice impossible. Je vous demanderais d'aller aux conclusions, si vous en avez dans votre document. Je m'excuse, ce n'est pas une décision autoritaire.
[Traduction]
M. Inderjeet Singh: C'est très bien. Si vous acceptez de lire ce document, ça va. Je veux bien vous le lire, si vous le souhaitez. Sinon, on va en distribuer une copie à chacun d'entre vous. Je vous exhorte à le lire complètement.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Tout à fait. Je pense, monsieur Singh, que ce sera l'avenue que nous choisirons, étant donné que nous avons en main le document et que vous êtes un porte-parole. Nous apprécions que vous ayez remplacé au pied levé quelqu'un qui n'était pas disponible. Le comité en prend acte. Nous allons parcourir le document; vous pouvez en être assuré. On l'a fait dans d'autres cas. Nous prendrons connaissance de votre mémoire. Il est déposé officiellement. Je vous mets maintenant à la disposition des membres du comité, s'ils ont d'autres questions à vous poser.
Monsieur Telegdi, avez-vous une question à poser?
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Je voulais simplement vous dire, monsieur Singh, que le comité a déjà retenu la question de la régularisation de la situation des personnes au Canada qui n'ont pas de documents.
En ce qui concerne les principes que vous avez énoncés, je tiens à vous féliciter d'avoir déclaré en particulier qu'il ne doit pas y avoir de discrimination pour des raisons d'orientation sexuelle et qu'il faut reconnaître la légitimité des relations entre personnes du même sexe. Si je vous dis cela, c'est parce que pour moi, le Canada est un pays composé de membres de tous les groupes ethniques, de toutes les religions, et de toutes les races. Si nous tenons à nous entendre au Canada, il est très important de cautionner les principes de la Charte des droits et libertés et de considérer cette dernière comme notre bible laïque, si je puis dire, puisque nous vivons dans une société laïque,
Je vous félicite donc pour cette aspect de votre mémoire.
En tant que comité, nous avons déjà déterminé que cela pose problème. J'espère qu'il n'y aura pas d'élections tout de suite, et que nous pourrons proposer des solutions. Il faut absolument que le Canada définisse une nouvelle politique dans ce domaine.
Merci infiniment de votre exposé.
M. Inderjeet Singh: Merci. C'est très gentil de votre part.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Monsieur Singh, nous apprécions vraiment votre participation. Je m'engage personnellement à ce que votre mémoire soit lu, parcouru et pris en note par tous les membres du comité. Merci.
Voilà qui complète cette séance du Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Je remercie tous les participants.
On me fait signe que M. Telegdi voudrait dire un mot avant la fin.
Monsieur Telegdi.
[Traduction]
L'hon. Andrew Telegdi: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voulais simplement dire que lorsqu'un comité comme le nôtre fait un périple comme celui-ci, cela demande énormément de travail de la part de personnes qui ne sont pas des membres proprement dit du comité. Vous avez certainement vu parmi nous le personnel technique, le représentant du ministre, et les interprètes en cabine, qui se découragent par moments quand les gens se mettent à utiliser leurs BlackBerry. Il est clair que notre greffier, M. Farrell, et Ben, notre gourou qui nous aident à voir clair dans tous les rapports que nous recevons et que nous avons à préparer, devront définir certaines conclusions par rapport à ce processus.
Je tiens donc à les remercier tous, et je voudrais aussi remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui, car c'est vous qui êtes à la base de tout cela. Merci beaucoup.
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Le président suppléant (M. Roger Clavet): Merci, monsieur Singh, et merci à tous les témoins qui ont comparu.
Cela met un terme à notre présence ici, à Québec. La séance est levée.