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AANO Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6
 

38e legislature, 1re session

Le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord a l’honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Étude de l’efficacité du mode alternatif de règlement des conflits du gouvernement
dans le règlement des revendications relatives aux pensionnats indiens

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité a entrepris une étude de l’efficacité du mode alternatif de règlement des conflits du gouvernement dans le règlement des revendications relatives aux pensionnats indiens.

Le Comité a pris en compte les témoignages et mémoires présentés par les témoins, y compris ceux :

  1. d’anciens étudiants des pensionnats indiens, dont certains ont comparu à titre personnel et d’autres comme porte-parole de la Fondation autochtone de guérison, de la National Residential School Survivor Society, de la Children of the Shingwauk Alumni Association, de l’Indian Residential School Survivors Society, de Spirit Wind et de l’Association for the Survivors of the Shubenacadie Indian Residential School;
  2. du National Consortium of Residential School Survivors’ Counsel;
  3. de l’honorable Ted Hughes, arbitre en chef, Résolution des questions des pensionnats indiens Canada;
  4. de l’honorable Anne McLellan, vice-première ministre et ministre responsable de Résolution des questions des pensionnats indiens Canada;
  5. de M. Mario Dion, sous-ministre, Résolution des questions des pensionnats indiens Canada;
  6. de l’Assemblée des Premières Nations (APN);
  7. de l’Association du Barreau canadien (ABC).

Le Comité a particulièrement pris note, pour la rédaction des recommandations qui suivent, du rapport de l’APN intitulé Assembly of First Nations Report on Canada’s Dispute Resolutions Plan to Compensate for Abuses in Indian Residential Schools, publié en novembre 2004, et du rapport de février 2005 de l’Association du Barreau Canadien intitulé The Logical Next Step: Reconciliation Payments for All Indian Residential School Survivors.

Le Comité a particulièrement pris note, pour la rédaction des recommandations qui suivent, des témoignages oraux et écrits présentés par les anciens pensionnaires et par les représentants d’organisations de survivants quant à leur expérience personnelle des pensionnats et du mode alternatif de règlement des conflits de Résolution des questions des pensionnats indiens Canada. Les témoignages sont éloquents, par leur candeur et leur intégrité, sur l’expérience des témoins en tant que détenus du système des pensionnats, et ils sont justes, francs et persuasifs en ce qui concerne les questions d’intérêt public.

Le Comité a particulièrement pris note, pour la rédaction des recommandations qui suivent, des témoignages de la ministre, du sous-ministre et de l’arbitre en chef. Les preuves sont contradictoires pour ce qui est du rendement évalué, tant financier qu’en matière de règlement des cas, et du mode alternatif de résolution des conflits de Résolution des questions des pensionnats indiens Canada, en plus de ne pas faire la lumière sur les divergences entre la preuve en interrogatoire principal des témoins et les chiffres obtenus d’autres sources gouvernementales. Il s’agit d’un fait troublant car il suggère une mauvaise administration financière et une absence de contrôle administratif. Fait plus déconcertant encore, la ministre, dans son témoignage, après n’avoir présenté aucune forme d’excuses, se félicite tant du cadre sous-jacent que des résultats du MARC. Elle paraît donc déconnectée de l’expérience des anciens pensionnaires témoins, envers lesquels elle a un devoir particulier de diligence mais qu’elle n’écoute pas.

Le Comité en est venu à l’inévitable conclusion que le mode alternatif de règlement des conflits constitue un échec excessivement coûteux et mal appliqué que la ministre et ses représentants officiels sont incapables de défendre de façon convaincante. Plus précisément, le MARC est un échec car :

  1. il est manifestement déconnecté des prétendus projets pilotes qui l’ont précédé;
  2. les mécanismes de consultation qui ont présidé à son élaboration ne comprenaient pas un éventail suffisamment large de participation d’anciens pensionnaires et de professionnels pertinents des domaines juridique, culturel et psychologique et du domaine de la guérison;
  3. il n’offre pas une procédure équitable, impartiale et uniforme;
  4. il n’amène pas un nombre suffisant d’anciens pensionnaires à présenter des demandes;
  5. il est structuré de façon à indemniser un groupe trop étroit d’anciens pensionnaires;
  6. il offre une indemnisation très inadéquate, accordée à contrecœur;
  7. il exclut de l’admissibilité un trop grand nombre des quelque 87 000 anciens pensionnaires restants;
  8. il est trop lent, permettant à trop d’anciens pensionnaires de rendre l’âme sans avoir été indemnisés;
  9. il recourt à un modèle de règlement des différends irrespectueux, humiliant et insensible et fait à nouveau des victimes des survivants, qui sont majoritairement âgés et vulnérables;
  10. il constitue une solution administrative arbitraire, vulnérable aux caprices de la politique;
  11. ses coûts structurels élevés sont fixes et ne seront jamais proportionnels à l’ampleur de l’indemnisation consentie;
  12. son prétendu processus de vérification impose aux demandeurs un fardeau de preuve inacceptable qui inscrit d’avance l’échec dans son déroulement, requiert des données non pertinentes et impose aux demandeurs des coûts pouvant dépasser la somme de l’indemnisation;
  13. une importante proportion d’anciens pensionnaires n’a pas confiance dans le processus;
  14. les chiffres n’indiquent nulle part de façon satisfaisante que le programme fonctionne.

Le Comité a pris note de la constance des survivants, de l’APN, de l’ABC et du National Consortium of Residential School Survivors Counsel sur cinq points :

  1. la nécessité d’une indemnisation pour les anciens pensionnaires qui sont en mesure d’établir une cause d’action et leur droit légitime à un processus d’indemnisation;


  2. la nécessité de distinguer l’indemnisation dont il est question au paragraphe précédent de l’indemnisation des cas de violence sexuelle et de sévices corporels graves;


  3. l’absolue nécessité d’un processus de règlement comprenant des négociations directes avec les survivants et une protection vigoureuse de leurs droits légaux pendant les pourparlers;


  4. la sagesse de recourir à un mode de règlement approuvé et supervisé par un tribunal, qui soit transparent, se déroule de façon neutre et ne puisse faire l’objet de manipulations politiques;


  5. la nécessité d’un règlement qui soit complet et définitif et libère le gouvernement de toute obligation future de réparer.

Le Comité a pris note de trois recommandations des survivants et de leurs groupes :

  1. le besoin d’un soutien financier continu des processus de guérison, avec une direction locale et une autodirection personnelle accrues quant à la façon dont la guérison doit se faire;


  2. la nécessité d’un forum national respectueux et attentionné au sein duquel les survivants pourront dire la vérité sur leur expérience des pensionnats indiens, afin que les Canadiens puissent l’apprendre et ne jamais l’oublier;


  3. l’urgence d’une indemnisation, d’une réconciliation et d’une guérison promptes car les anciens pensionnaires sont âgés; en moyenne, de 30 à 50 d’entre eux meurent chaque semaine sans indemnisation, emportant dans la tombe le chagrin de leur expérience.

Le Comité a pris note du caractère approfondi, réfléchi et constructif de l’analyse et des recommandations contenues dans les rapports de l’APN et de l’ABC qu’il a reçus et dont il croit qu’ils constituent des documents féconds, aptes à guider les processus d’indemnisation et de guérison.

Le Comité a pris note de la recommandation de l’Association du Barreau Canadien, formulée dans son rapport intitulé The Logical Next Step: Reconciliation Payments for All Indian Residential School Survivors, au sujet d’un paiement de redressement réparatrice qui « reconnaîtrait en une personne la survivante d’un programme préjudiciable dont le gouvernement du Canada est responsable ». Cette recommandation s’aligne sur le vœu de l’Assemblée des Premières Nations, qui demande qu’un « montant forfaitaire soit versé à toute personne ayant fréquenté un pensionnat indien ». Par surcroît, le Comité a pris note de la recommandation de l’Association du Barreau Canadien sur les détails du versement, y compris ce qui suit quant à la somme, en tant qu’élément de référence pour les négociations et le règlement supervisés, approuvés et mis en application par les tribunaux :

  1. le paiement de redressement devrait débuter par un versement de base pour toute période passée dans un pensionnat (par exemple : 10 000 $), à laquelle s’ajouterait une somme pour chaque année passée dans un pensionnat (par exemple : 3 000 $).

Le Comité regrette la façon dont le gouvernement a administré le programme Résolution des questions des pensionnats indiens Canada et lui recommande d’envisager les mesures suivantes :

  1. Que le gouvernement prenne de toute urgence toutes les mesures recommandées ci après, en tenant dûment compte de la santé fragile et de la courte espérance de vie des anciens pensionnaires.


  2. Que le gouvernement mette fin au mode alternatif de règlement des conflits du programme Résolution des questions des pensionnats indiens Canada.


  3. Que le gouvernement entame avec les anciens pensionnaires des négociations sous surveillance judiciaire et conclue avec eux un règlement approuvé par un tribunal et exécuté sous surveillance judiciaire qui le dégage de toute responsabilité envers les anciens pensionnaires qui sont en mesure d’établir une cause d’action et leur droit légitime à une indemnisation.


  4. Que le gouvernement confère aux tribunaux un pouvoir discrétionnaire complet et irrévocable pour ce qui est de limiter les frais de justice.


  5. Que le gouvernement accélère le règlement des autres plaintes impliquant des circonstances aggravantes, telles que des violences sexuelles et des sévices corporels graves, et ce, dans le cadre d’un processus basé sur la justice réparatrice.


  6. Que, afin de permettre aux anciens pensionnaires de raconter leur histoire à l’ensemble des Canadiens dans la dignité et le respect, le gouvernement du Canada veille à ce qu’une initiative nationale de redressement et de diffusion de la vérité soit menée au sein d’un forum qui souligne la valeur des anciens pensionnaires et honore la mémoire de tous les enfants qui ont fréquenté les pensionnats indiens.


  7. Que le gouvernement demande à la vérificatrice générale de faire une vérification du mode de règlement des conflits du programme Résolution des questions des pensionnats indiens Canada, et ce depuis sa création jusqu’à son expiration.


  8. Que le gouvernement réponde publiquement et par écrit au rapport de l’Assemblée des Premières nations intitulé Assembly of First Nations Report on Canada’s Dispute Resolutions Plan to Compensate for Abuses in Indian Residential Schools et à celui de l’Association du Barreau Canadien intitulé The Logical Next Step: Reconciliation Payments for All Indian Residential School Survivors.

Des exemplaires des Procès-verbaux du Comité (Réunion nos 18, 19, 20 et 25) sont déposés.


Respectueusement soumis,

La présidente,



Nancy Karetak-Lindell, députée