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SVET Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 5 mai 2004




¹ 1535
V         Le président suppléant (M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.))
V         M. David Cotter (À titre personnel)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         Mme Elsie Wayne (Saint John, PCC)
V         M. James Cotter (À titre personnel)
V         Mme Elsie Wayne

¹ 1550
V         M. James Cotter
V         Mme Elsie Wayne
V         M. James Cotter
V         M. David Cotter

¹ 1555
V         Mme Elsie Wayne
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Rick Casson (Lethbridge, PCC)
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ)
V         M. David Cotter
V         M. Claude Bachand
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. David Cotter
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter

º 1600
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter
V         M. David Cotter
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)

º 1605
V         M. James Cotter
V         M. John O'Reilly
V         M. James Cotter
V         M. John O'Reilly
V         M. James Cotter
V         M. John O'Reilly
V         M. James Cotter

º 1610
V         M. John O'Reilly
V         M. James Cotter
V         M. John O'Reilly
V         M. David Cotter
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         L'hon. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD)

º 1615
V         M. James Cotter
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. James Cotter
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. James Cotter
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. James Cotter
V         M. David Cotter
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. David Cotter
V         L'hon. Bill Blaikie
V         M. David Cotter
V         M. James Cotter
V         L'hon. Bill Blaikie
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Rick Casson
V         M. James Cotter
V         M. Rick Casson

º 1620
V         M. James Cotter
V         M. Rick Casson
V         M. James Cotter
V         M. Rick Casson
V         M. James Cotter
V         M. Rick Casson
V         M. James Cotter
V         M. Rick Casson
V         M. David Cotter
V         M. Rick Casson
V         M. James Cotter
V         M. Rick Casson
V         M. James Cotter

º 1625
V         M. David Cotter
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter
V         M. David Cotter
V         M. Claude Bachand
V         M. James Cotter
V         M. Claude Bachand
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. John O'Reilly

º 1630
V         M. James Cotter
V         M. John O'Reilly
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         Mme Elsie Wayne
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. James Cotter
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)

º 1640
V         M. André Marin (ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes)

º 1645
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Rick Casson
V         M. André Marin

º 1650
V         M. Rick Casson
V         M. André Marin
V         M. Rick Casson
V         M. André Marin
V         M. Rick Casson
V         M. André Marin
V         M. Rick Casson
V         M. André Marin

º 1655
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin

» 1700
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. John O'Reilly

» 1705
V         M. André Marin
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. John O'Reilly
V         M. André Marin

» 1710
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         Mme Elsie Wayne
V         M. André Marin

» 1715
V         Mme Elsie Wayne
V         M. André Marin
V         Mme Elsie Wayne
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. John O'Reilly
V         M. André Marin
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin

» 1720
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin

» 1725
V         M. Claude Bachand
V         M. André Marin
V         M. Claude Bachand
V         Le président suppléant (M. Murray Calder)










CANADA

Sous-comité des anciens combattants du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants


NUMÉRO 004 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 mai 2004

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président suppléant (M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.)): Nous allons commencer nos travaux.

    Nous accueillons aujourd'hui James Cotter, un ancien combattant de la guerre de Corée—je suis heureux de vous rencontrer monsieur—et son fils David. Vous avez la parole.

+-

    M. David Cotter (À titre personnel): J'ai préparé une déclaration. Il me faudra à peu près dix minutes pour la lire, puis Dad répondra à vos questions. Je vous lis ce document comme si mon père s'adressait directement à vous.

    Je tiens à remercier le comité d'avoir accepté de me rencontrer aujourd'hui. J'espère que les informations que je vais vous fournir vous seront utiles au cours de vos délibérations. Les anciens combattants de la guerre de Corée succombent à toutes sortes de maladies et de troubles terribles directement attribuables à leur service et on a déjà beaucoup trop tardé à le reconnaître. J'espère qu'en votre qualité de représentants élus de la population et de défenseurs de la cause des anciens combattants, vous saurez les aider à obtenir les égards qu'ils méritent.

    Le gouvernement a reconnu dernièrement la participation d'anciens combattants canadiens de la Deuxième Guerre mondiale à des essais de produits chimiques dangereux au camp de Suffield, et il a décidé de leur accorder une indemnisation. André Marin, ombudsman de l'armée, a fourni la liste des maladies diagnostiquées chez ces personnes: plusieurs types de cancer, dysfonction sexuelle, asthme, bronchite chronique, emphysème et autres troubles respiratoires, problèmes de la vue et troubles psychologiques, leucémie et dysfonction de l'appareil reproducteur. Voici les conclusions d'une étude publiée par le ministère australien des Anciens combattants au sujet de la mortalité chez les anciens combattants australiens ayant participé à mes côtés à la guerre de Corée. En général, le taux de mortalité chez les anciens de la guerre de Corée est 21 p. 100 plus élevé que celui calculé dans le reste de la population masculine australienne. Pour chacune des causes de décès énumérées ci-après, le taux de mortalité est plus élevé et cela correspond aux conclusions d'André Marin.

    Pour les troubles de l'appareil circulatoire, les maladies de coeur et les accidents vasculaires cérébraux, les taux sont plus élevés de 13, 10 et 17 p. 100 respectivement; pour le cancer, de 31 p. 100; pour les causes externes et les suicides, 37 et 31 p. 100 respectivement. Pour les maladies respiratoires, 32 p. 100, et pour la broncopneumopathie chronique obstrusive, 49 p. 100. Pour les maladies respiratoires autres que la broncopneumopathie chronique obstructive, 45 p. 100, et enfin, pour les maladies de l'appareil digestif, de 35 p. 100.

    Vous devez savoir que le gouvernement du Canada a déjà constaté à peu près le même phénomène chez les anciens combattants canadiens de la guerre de Corée. Au début des années 90, le Sénat a fait enquête sur ce que ces derniers désignaient sous le nom de «syndrome de la mort prématurée». On a découvert à ce moment-là que les soldats canadiens ayant participé à ce conflit présentaient un taux de mortalité plus élevé que le reste de la population, sauf qu'on ne pouvait pas en établir la cause. Je peux maintenant dire avec certitude que j'ai trouvé la cause de ce phénomène. Il s'agit de l'exposition constante et prolongée à des quantités considérables de pesticides et autres produits chimiques nocifs en Corée. Le ministère des Anciens combattants passe son temps à refuser des pensions à des victimes ou à leurs conjointes sous prétexte que, comme l'a indiqué l'ancien ministre Pagtakhan dans une entrevue à Radio-Canada, «il n'existe aucun cas documenté d'exposition prolongée à des substances toxiques.» La vérité est évidemment tout autre.

    D'abord, le manuel d'hygiène des militaires canadiens, qui date de 1950, prescrivait l'usage de produits chimiques dangereux, tels que le DDT, la lindane et l'hexachlorure de benzène, comme pesticides. Ensuite, puisque je touche moi-même pour cette raison une pension du ministère des Anciens combattants pour politoxicosensibilité, on ne saurait nier que les militaires ayant participé à ce conflit ont été exposés. En agissant comme il le fait, le ministère pèche par opportunisme politique. Il veut sans doute entretenir le plus longtemps possible la confusion dans ce dossier, dans l'espoir que les victimes meurent avant d'avoir à leur verser une pension. Sa stratégie est simple: nier jusqu'à ce qu'ils meurent.

    J'ai monté tout un dossier qui démontre clairement que les soldats canadiens ayant servi en Corée ont été exposés à des produits chimiques dangereux causant toutes sortes de maladies terribles et débilitantes, voire même la mort. Nous sommes malades et à l'agonie et nous méritons certainement de voir nos demandes de pension d'invalidité, d'indemnisation et de soins médicaux être traitées rapidement, afin d'atténuer nos souffrances.

    Les documents qui suivent prouvent que le gouvernement du Canada, l'Ontario et d'autres organismes crédibles savent que le DDT, l'hexachlorure de benzène et d'autres pesticides sont cancérogènes et peuvent aussi causer d'autres maux et maladies terribles. Nous avons une description, par le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail, un organisme fédéral, des effets nocifs du DDT et du benzène, notamment de leurs propriétés cancérogènes; un article citant Johanne Gélinas, commissaire fédérale à l'environnement, selon laquelle on a établi un lien de cause à effet entre les pesticides et les infections pulmonaires, les troubles de l'appareil reproducteur, les anomalies congénitales, les cancers, les troubles du développement, les réactions allergiques, le peu de résistance aux maladies et d'autres affections; un article démontrant que les bureaux d'indemnisation des travailleurs et les centres de santé des travailleurs de l'Ontario considèrent le benzène, produit auquel nous avons été exposés, comme un produit cancérogène connu; une déclaration de principe de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement faisant état des effets biologiques d'une exposition au DDT; un communiqué émis récemment par le Collège des médecins de famille de l'Ontario selon lequel les pesticides sont trop nocifs pour être utilisés sous quelque forme que ce soit et que l'exposition à ces produits peut causer un cancer du cerveau, de la prostate, du rein ou du pancréas, la leucémie et beaucoup d'autres maladies graves; et, enfin, une liste du RAMO énumérant les 53 maladies ou troubles différents qui m'ont été diagnostiqués entre 1987 et 1994, soit sur une période de sept ans.

¹  +-(1540)  

    J'ai aussi réuni divers documents afin de démontrer que l'armée canadienne a exposé ses troupes au DDT, à l'hexachlorure de benzène et à d'autres pesticides; j'ai quatre pages tirées du manuel d'hygiène des militaires canadiens publié en 1950 où il est indiqué que les soldats canadiens et leurs vêtements doivent être arrosés avec du DDT et de l'hexachlorure de benzène, ce qui constitue une preuve claire de l'exposition à ces produits; une lettre de Paul Marsden, archiviste à la Section des archives militaires et d'État, Division des archives gouvernementales, suivant laquelle les dossiers de l'armée canadienne font état de l'utilisation du DDT comme pesticide en Corée; une lettre du soldat John M. Aube indiquant que le soldats canadiens avaient reçu l'ordre de répandre de la poudre de DDT sur leurs sacs de couchage pendant leur service en Corée, de 1951 à 1952; une lettre du caporal Don Scrivens, maintenant décédé, attestant que les photos qu'il avait fournies représentaient des soldats du 3e bataillon du Royal Canadian Regiment en train de s'arroser de pesticides contre les poux et les tics, en 1953, lors de leur service en Corée; une lettre de Rod Carew, membre retraité de l'ARC, qui affirme avoir vu des aéronefs pulvériser des insecticides assez près pour qu'il y ait danger d'inhalation par les troupes au sol et enfin des ordres émis en 1951 par la 8e armée américaine concernant la pulvérisation d'insecticides toxiques sur les zones avant et arrière des combats—les troupes canadiennes en Corée faisaient partie de la première Division du Commonwealth, alors rattachée à la 8e armée américaine, visée par ces ordres.

    Je jure moi-même avoir été exposé à maintes reprises à l'arrosage et à la fumigation de mon abri, de mon uniforme, de ma literie et de la salle à manger. On m'a même souvent obligé, pendant mon service en Corée, à me dévêtir jusqu'à la taille pour m'arroser à l'aide d'un mélange de DDT et de kérosène.

    J'ai ajouté au dossier ces éléments d'information importants venant du directeur des centres régionaux de consultation postdéploiement, le lieutenant-colonel Tim Cook des Forces canadiennes. Tout d'abord le témoignage du Dr Cook devant la Commission d'enquête sur la Croatie, dans lequel il dit avoir soigné un ancien de la guerre de Corée, Jim Cotter, qui avait été exposé à une grande quantité de pesticides pendant la guerre de Corée. Il y a un courrier électronique du Dr Cook où ce dernier indique que Jim Cotter devrait recevoir des soins médicaux propres à son état en tant que prestataire d'une pension pour la polytoxicosensibilité. Il y a un autre courrier électronique du Dr Cook suivant lequel Jim Cotter et d'autres anciens de la guerre de Corée ont été exposés au DDT ainsi qu'à d'autres pesticides. Enfin, et c'est très regrettable pour nous, un courrier électronique dans lequel le Dr Cook écrit que le ministère des Anciens combattants a reconnu avoir commis une erreur en accordant une pension à Jim Cotter pour cause de polytoxicosensibilité et qu'il n'allait probablement plus accorder de pension pour cette raison à l'avenir. Cela me semble être une indication claire de l'intention du ministère de refuser aussi longtemps que possible à des anciens combattants de la guerre de Corée des pensions auxquelles ils devraient avoir droit.

    Mon argument est bien clair. Le gouvernement canadien, ses organismes, la commissaire fédérale à l'environnement, le Collège des médecins de famille de l'Ontario et la Commission des accidents de travail de l'Ontario s'entendent pour dire que le DDT, l'hexachlorure de benzène et tous les autres pesticides sont des produits dangereux et des substances cancérogènes connues. Et comme en font foi le manuel d'hygiène des militaires et les archives, le gouvernement canadien est bien conscient du fait que l'armée canadienne a exposé ses troupes au DDT, à l'hexachlorure de benzène et à d'autres pesticides pendant la guerre de Corée. En outre, on sait que l'armée américaine a ordonné l'arrosage à l'aide de pesticides de troupes et des quartiers dont faisaient partie les Forces canadiennes, et les soldats canadiens à la retraite ont laissé des témoignages écrits en ce sens. Le Dr Tim Cook reconnaît les faits et il a même affirmé au cours de son témoignage devant la Commission d'enquête sur la Croatie que les militaires canadiens en Corée avaient été exposés à des pesticides et qu'au moins un ancien combattant canadien s'était vu accorder des indemnités pour cette raison. Enfin, je rappelle que le taux de mortalité chez les anciens combattants canadiens de la guerre de Corée est nettement plus élevé que celui de la population en général. Malheureusement, le ministère des Anciens combattants est au courant de la situation depuis la première fois que j'ai demandé une pension pour polytoxicosensibilité, en 1994, certainement en tout cas depuis qu'il m'a accordé cette pension en 1996.

    Mes arguments sont on ne peut plus clairs et ils contredisent tout ce que l'ancien ministre Pagtakhan a raconté au cours de l'entrevue qu'il a accordée à Radio-Canada en septembre 2002. M. Pagtakhan avait alors déclaré qu'il n'existait aucune preuve d'exposition prolongée à des pesticides pendant la guerre de Corée. Pourtant, les documents du gouvernement canadien, un archiviste fédéral et le témoignage du lieutenant-colonel Cook fournissent des preuves du contraire. L'ancien ministre a aussi indiqué dans l'entrevue qu'il ne voyait pas de lien entre la maladie et l'exposition à des pesticides. Les informations que j'ai obtenues prouvent exactement le contraire, et M. Pagtakhan, un médecin de profession, devrait avoir honte de dire des choses aussi insensées.

    On m'a diagnostiqué toutes les formes de maladies décrites dans le rapport de l'ombudsman sur les soldats affectés au camp Suffield. De nombreux autres anciens combattants de la guerre de Corée sont dans la même situation. Il est temps que le ministère des Anciens combattants, les Forces canadiennes et le gouvernement du Canada reconnaissent les causes de leur état. Nous avons été exposés à maintes reprises à des agents chimiques à l'origine de ces maladies et la pension que je reçois pour polytoxicosensibilité est un aveu de la part du ministère que, non seulement ai-je été exposé à ce cocktail de produits toxiques, mais que cette exposition a causé les maladies susmentionnées.

¹  +-(1545)  

    On ne saurait trouver d'autre explication que le fait que tout comme moi 20 000 soldats canadiens qui ont participé au conflit de Corée ont été exposés à de nombreuses reprises à des produits chimiques dangereux. Mais vu l'acharnement avec lequel les ministres successifs des Anciens combattants nient la réalité, je dois conclure que l'on tente délibérément de noyer le poisson. J'ai écrit plusieurs fois à ce sujet aux premiers ministres et aux ministres de la Défense nationale et des Anciens combattants depuis 1996. Soit qu'on m'ait ignoré ou qu'on m'ait écrit pour m'apprendre que le ministre avait bien reçu ma lettre et qu'il était heureux de connaître mon opinion, mais il n'y a jamais eu de suivi. Toutes mes démarches sont restées lettre morte.

    J'en ai assez des faux-fuyants, des dénégations et de toutes ces tentatives de camouflage des indignités absolument incroyables commises par les autorités en place. Des jeunes hommes débordant de santé sont partis pour la Corée. Ils ont risqué leur vie pour leur pays et sont revenus malades, et le gouvernement fédéral reste insensible à leurs appels au secours. Le ministère des Anciens combattants doit reconnaître sans plus tarder les maux infligés aux soldats canadiens pendant leur service en Corée et les dédommager comme il a dédommagé les militaires exposés à des agents chimiques pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Voici mes exigences à l'égard du ministère des Anciens combattants:

    Premièrement, on devrait informer tous les anciens combattants de la guerre de Corée encore en vie qu'ils ont été exposés à des substances toxiques pendant leur service et qu'ils devraient se faire examiner par un spécialiste en écomédecine le plus vite possible.

    Le ministère des Anciens combattants devrait offrir immédiatement des soins médicaux complets à tous les anciens combattants canadiens de la guerre de Corée souffrant d'une des maladies indiquées ci-dessus.

    Le même ministère devrait accorder des pensions en fonction du niveau d'invalidité. Au moment de justifier leur demande de pension, les anciens combattants devraient jouir du bénéfice du doute, tel qu'il est précisé dans la Loi sur le ministère des Anciens combattants. Si chaque demande doit être étudiée avec soin, il ne faut pas imposer aux requérants des exigences anormalement élevées.

    Le ministère des Anciens combattants doit effectuer sans tarder une étude sur la mortalité semblable à celle qui a été menée par les autorités australiennes auprès des anciens de la guerre de Corée. Et il ne faudrait pas que cette étude dure sept ans comme en Australie, car nous serons tous morts avant qu'elle ne soit terminée. À 71 ans bien sonnés, je compte parmi les plus jeunes encore en vie à avoir servi en Corée.

    On doit indemniser chacun des anciens combattants de la guerre de Corée souffrant de maux attribuables à une exposition à des agents chimiques pendant son service dans l'armée canadienne.

    Le gouvernement canadien doit offrir immédiatement ses excuses à tous les anciens combattants de la guerre de Corée, non seulement pour les avoir exposés à des produits chimiques dangereux, mais aussi pour n'avoir rien fait même s'il est au courant du problème depuis au moins dix ans.

    On pourrait presque qualifier de criminelle l'inaction du gouvernement du Canada, du ministère des Anciens combattants et des Forces canadiennes depuis au moins les dix dernières années. Ils ont en tout cas manqué à leur devoir à l'endroit des anciens combattants en laissant souffrir des milliers d'hommes pour ne pas avoir l'air de perdre la face ou pour des raisons d'opportunisme politique ou financier. Au cours des quelques dernières années, j'ai vu mourir, souvent à un âge beaucoup trop précoce, des types avec qui j'avais servi. Ils mouraient du cancer ou de maladies du coeur ou du foie, des morts très douloureuses simplement parce qu'ils avaient représenté leur pays. Mon ami, Don Scrivens, a succombé à une maladie de rein l'automne dernier. Il est mort seul, dans une petite cabane privée de chauffage et de courant. Le ministère des Anciens combattants lui refusait le droit à une pension depuis des années. Il ne voulait même pas payer ses frais de déplacement pour se rendre à North Bay afin d'y recevoir les soins propres à son état.

    Je ne peux plus me résigner à voir le ministère des Anciens combattants traiter de la sorte nos anciens soldats. Il est grand temps que le gouvernement du Canada agisse avec les anciens de la guerre de Corée comme il l'a fait avec les militaires canadiens exposés à des agents chimiques pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est temps qu'on nous traite avec le respect et la dignité que nous avons acquis et mérités.

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Merci beaucoup, David.

    Nous passons maintenant à l'opposition officielle, le Parti conservateur, pour sept minutes.

+-

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PCC): J'aimerais signaler d'entrée de jeu que je suis parfaitement d'accord avec vous. J'ai vu votre article dans le National Post aujourd'hui. On y lit: «Je ne peux simplement pas rester coi et voir le ministère des Affaires des anciens combattants continuer à maltraiter les anciens combattants. Le temps est venu pour vous de nous accorder le respect et la dignité que nous méritons.» L'article décrit comment on avait arrosé vos uniformes, vos lits et vos sacs de couchage. Je suis scandalisée à l'idée que vous ayez été exposé à ce genre de choses, monsieur Cotter, mais pourtant nous n'avons rien fait pour vous aider.

    Je vous ai déjà parlé de tous les problèmes que vous avez eus, et vous êtes loin d'être le seul. Combien d'anciens combattants de la guerre de Corée sont-ils toujours vivants, monsieur Cotter?

+-

    M. James Cotter (À titre personnel): Je dirais qu'il en reste à peu près 14 000. Nous étions 26 971.

+-

    Mme Elsie Wayne: Je suis convaincue que notre comité, monsieur le président, devrait se pencher sur ce dossier en leurs noms. En Colombie-Britannique, comme vous le savez, on retrouve ceux qui ont été exposés au gaz moutarde au camp Suffield, et nous avons enfin pu régler ce dossier. Il nous incombe de nous occuper également de ces anciens combattants.

    Il a fallu sept ans en Australie pour terminer l'étude. Ces anciens combattants ont-ils reçu la reconnaissance qui leur était due, les pensions appropriés et tout ce genre de choses après cette longue période?

¹  +-(1550)  

+-

    M. James Cotter: L'étude vient d'être publiée. J'étais en contact permanent avec le colonel Limburg là-bas. Il est chercheur pour l'Association des anciens combattants de la Corée. Certains de mes documents ont été employés dans le rapport qu'ils ont produit.

    Les lenteurs sont incroyables. La dernière fois que j'ai participé à une réunion sur la question était en 1997, et ce n'était pas très loin d'ici, au 66 rue Slater. On nous avait alors dit que si on connaissait quelqu'un qui avait vraiment besoin d'une pension ou de traitement médical, on pouvait ajouter leurs noms et le ministère avait convenu de traiter de façon accélérée leurs demandes.

    J'ai présenté deux noms, ceux de Don Scrivens et de Jim Dunnet. Jim Dunnet est décédé deux semaines plus tard et David vous a dit ce qui est arrivé à Don Scrivens. Le ministère n'avait rien fait. Il avait demandé une pension avant son décès. La veuve de Jim, Joan Dunnet, a demandé une pension de survivant après son décès et elle n'a toujours rien reçu. Elle attend depuis sept ans. Voilà comment le ministère agit.

    Il m'a fallu attendre cinq ans avant de recevoir certaines de mes pensions—j'en ai douze.

+-

    Mme Elsie Wayne: C'est vrai?

+-

    M. James Cotter: Les gens ne peuvent attendre aussi longtemps. Si vous êtes malades, vous avez besoin d'aide tout de suite. Lorsque j'ai commencé à parler au ministère, une des choses qu'on m'a dit c'est qu'on s'occupait des clients. J'ai dit très bien, mais qu'est-ce qu'un client? On m'a simplement répondu que c'était une personne qui touchait une pension. Je pense que les choses ont maintenant changé, mais le ministère n'aide toujours pas les anciens combattants. Si vous vous adressez au ministère des Anciens combattants et si vous avez à franchir toutes les étapes imposées par la bureaucratie, c'est terrible.

    Le ministère m'a envoyé à St. Catharines pour voir un psychologue ou un psychiatre, et dans ce document vous trouverez une partie du rapport; le ministère a le reste du document. Ils n'ont pas aimé ce qu'on y disait et ils ont donc simplement décidé de ne pas s'en servir, mais David pourra vous lire ce que la psychologue a affirmé.

+-

    M. David Cotter: Voici un extrait des constatations de la psychologue chargée par le ministère d'examiner mon père:

    «Son plus grave problème qui continue à avoir un impact sur sa vie est le syndrome de stress post-traumatique. La nature de la guerre et son impact sur les soldats et le diagnostic de son problème sont demeurés méconnus jusqu'à ce qu'on étudie de plus près la situation des anciens combattants du Vietnam. Il y avait un nombre plutôt élevé de victimes psychologiques en raison du nombre de personnes tuées par les Américains pendant ce conflit et le piètre accueil qu'ont reçu les anciens combattants à leur retour au pays.

    «Le syndrome de stress post-traumatique de M. Cotter a été empiré non seulement pas le manque de compréhension manifesté pendant plusieurs années par le monde médical mais également par les problèmes qu'il a eus avec les fonctionnaires du ministère des Anciens combattants. Un homme confiant qui s'attend naïvement à recevoir de l'aide de cette institution après avoir été blessé est durement ébranlé lorsque ce ministère n'est pas prêt à l'écouter car il y voit un abus de confiance. La victime perçoit le fait qu'on ne l'écoute pas comme un refus et le pousse à agir d'une façon qui maintiendra la présence du problème dans l'espoir d'être enfin entendu. La progression de son comportement et les menaces qu'il a proférées à l'égard du ministère des Anciens combattants découlent directement de cet abus de confiance et de sa frustration parce qu'il n'arrivait pas à être entendu. Et tout cela est empiré par le simple fait que plusieurs intervenants ont peine à accepter un diagnostic psychiatrique.

    «Même si M. Cotter a accepté ces conclusions, il refuse de reconnaître que ce syndrome explique ses problèmes, même si ses contacts avec le ministère des Anciens combattants n'ont fait qu'empirer ce stress.»

¹  +-(1555)  

+-

    Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Merci.

    Monsieur Casson, vous pourrez prendre la parole au deuxième tour de questions.

+-

    M. Rick Casson (Lethbridge, PCC): Très bien.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Nous passons maintenant au Bloc québécois.

    Monsieur Bachand.

+-

    M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je crois que vous aurez besoin de l'écouteur.

+-

    M. David Cotter: J'espère que vous me pardonnerez, mais mon père porte des appareils auditifs et ne peut donc se servir de cet écouteur.

+-

    M. Claude Bachand: Très bien.

    Comment voulez-vous procéder?

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): David peut traduire pour son père. On pourrait procéder de cette façon.

+-

    M. David Cotter: Très bien.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Quel âge avait M. Cotter lorsqu'il a participé à la guerre de Corée, et a-t-il servi pendant toute la guerre?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: J'avais 17 ans et demi quand je me suis enrôlé dans l'armée, à l'automne de 1950. J'ai servi en Corée en 1952 et 1953.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Tout à l'heure, vous nous avez parlé de gens qui devaient systématiquement s'asperger de DDT, en asperger leur sac de couchage, etc. Est-ce que c'étaient des ordres, et est-ce que tout le monde s'aspergeait ainsi?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: Oui, on nous a ordonné de le faire. Il y avait des gens qui arrosaient les bunkers et autres choses. Nous devions nous occuper nous-mêmes de notre sac de couchage, mais ils nous arrosaient. La façon dont ils ont procédé est décrite dans les quatre pages du manuel d'hygiène des militaires canadiens. Parfois l'été, vous n'aviez peut-être pas de chemise et ils vous arrosaient le torse nu.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Vous avez commencé à 17 ans et demi, en 1950, et vous avez servi en 1952 et 1953. Disons que vous aviez 20 ans à cette époque. Vos symptômes sont-ils apparus lorsque vous êtes revenu de la guerre de Corée, ou si vous avez eu des symptômes de maladie pendant votre service?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: Je ne savais pas quels étaient les symptômes lorsque j'étais en Corée, mais j'avais des symptômes lorsque je suis revenu à la maison. J'ai une lettre notariée de ma mère disant que j'étais trop malade pour travailler. J'étais trop malade pour travailler lorsque je suis revenu à la maison.

    Puis j'ai obtenu un emploi à Énergie atomique du Canada. Ils ont analysé mon sang et les biomarqueurs indiquait que je souffrais d'anémie et de pré-leucémie. Les médecins vous diront qu'une fois que vous souffrez d'anémie, vous pouvez attraper n'importe quelle maladie.

    Mes dents ont toutes été détruites par la carie, mais je ne pense pas que ce soit simplement parce que je n'avais pas de bonnes dents. Le reste de ma famille, ma mère, mes frères et soeurs, mon père, tous avaient de bonnes dents. Ma mère a 95 ans et vit dans un foyer à Pembroke. Elle n'a eu qu'une carie dans sa vie.

º  +-(1600)  

+-

    M. Claude Bachand: Elle a de bonnes dents.

[Français]

    Vous dites qu'il reste 14 000 des personnes qui ont servi lors de cette guerre. Vous deviez avoir un regroupement à votre retour. Est-ce que c'était une règle générale? Est-ce que tous ceux qui ont participé à la guerre de Corée, dans votre section ou dans votre régiment, ont connu des symptômes similaires aux vôtres ou d'autres symptômes qui pourraient être reliés à l'aspersion de DDT?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: Je ne sais pas parce qu'à l'époque ma mère et mon père vivaient à Deep River et je suis retourné chez eux et j'ai vécu là-bas un bon bout de temps; j'étais le seul ancien combattant dans le coin à l'époque. Depuis j'ai appris que d'autres anciens combattants avaient eu les mêmes symptômes que moi.

    J'ai eu une très mauvaise éruption cutanée à l'époque, d'ailleurs cela figure dans mon dossier à EACL. Ils pensaient que c'était à cause de l'herbe à puce mais si vous consultez le Handbook of Pesticide Toxicology vous verrez que les produits à base de chlore peuvent entraîner la chloracné, un rash, ce que j'ai depuis mon retour de Corée. On m'a opéré au genou il y a quatre ou cinq ans—on a remplacé mon genou—et j'ai eu un rash pendant 18 à 24 mois après le remplacement du genou.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Y a-t-il actuellement un regroupement de gens? Quand des gens ont subi un traumatisme ou une espèce de blessure collective, il existe souvent un regroupement qui les aide non seulement à se remonter le moral, mais aussi à tracer un plan d'action. Par exemple, il y a des gens qui se regroupent pour intenter un recours collectif. Je voudrais savoir s'il y a actuellement un regroupement ou si vous songez à créer un regroupement des anciens combattants de la guerre de Corée qui ont été malades comme vous. Quel est votre plan d'action? Si cela ne se règle pas avec les Anciens combattants, songez-vous à intenter un recours collectif contre le gouvernement?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: Oui, un recours devant les tribunaux... Oui, j'y ai pensé, et j'avais déjà trouvé un avocat qui a passé en revue mes dossiers et m'a dit qu'il aurait beaucoup de plaisir devant le tribunal s'il acceptait ce dossier. Mais il a dit que je devais suivre le processus établi pour la revendication d'une pension d'abord puis, si je ne réussissais pas à obtenir gain de cause, qu'on passerait à l'attaque.

    La raison pour laquelle j'ai pu le faire c'est qu'à mon retour de Corée, avant même de recevoir mon congé de l'armée, je suis allé travailler pour EACL à Chalk River. Lorsque vous allez travailler là-bas, ils procèdent à une numération globulaire, prennent toutes sortes de prises de sang, et on m'a dit...

+-

    M. David Cotter: Désolé, je terminerai pour lui.

    Les résultats ont démontré qu'il avait subi un empoisonnement chimique, et il est un des rares anciens combattants qui a eu la chance de rentrer de Corée et d'obtenir des analyses sanguines qui démontrent qu'il avait été exposé à ces produits lorsqu'il était en Corée. Le problème c'est qu'il y a 14 000 autres anciens combattants qui ne savaient pas pourquoi ils étaient malades et qui n'ont pas le genre de dossier médical que mon père a réussi à monter.

    Il existe une Association canadienne des vétérans de la Corée et il s'agit d'un groupe social fort actif mais il ne s'occupe pas vraiment beaucoup de ce dossier.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Monsieur O'Reilly, vous avez sept minutes.

+-

    M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Et merci à vous, monsieur Cotter, d'avoir accepté de venir. Votre témoignage m'a beaucoup appris.

    C'est un sujet qui m'intéresse toujours, parce que j'ai deux amis qui sont revenus de Corée; je ne mentionnerai pas leur nom, mais ils vivent dans ma circonscription, à Lindsay, en Ontario. Ils souffrent des flashbacks caractéristiques du syndrome de stress post-traumatique, symptôme qui nous affecte tous au moins un peu, à un moment ou à un autre, si on vit une expérience horrible. Parfois, les flashbacks échappent à leur contrôle et les épuisent d'un point de vue émotif. Comme je travaille dans l'ambulance, j'ai une idée de la façon dont c'est susceptible de vous affecter.

    J'ai récemment travaillé avec l'Association des anciens combattants de la guerre de Corée de ma circonscription—je crois que c'est la section locale 53—afin de dresser un monument commémoratif aux soldats de la guerre de Corée à Lindsay. Ils ont fait venir un groupe d'anciens combattants de la Corée de l'hôpital Sunnybrook, à Toronto, où on s'occupe vraiment bien d'eux.

    Je me demandais s'il n'y avait pas une association dans votre région, ou des contacts avec cette Association d'anciens combattants de la guerre de Corée? Ils semblent prendre rapidement la défense des gens de ma région qui se sont heurtés à des problèmes. Je me demandais simplement si, dans votre région, il n'y avait pas une association de ce type ou...

º  +-(1605)  

+-

    M. James Cotter: Oui, nous avons une Association des anciens combattants de Corée; je crois qu'elle compte 13 membres. Sauf si c'est un problème qui vous affecte directement et dont vous avez conscience, les gens ne se bousculent pas pour y remédier.

    Vous avez parlé de flashbacks. Je suis bien placé pour en parler : je n'ai pas eu une bonne nuit de sommeil depuis mon retour de Corée; j'ai des cauchemars sans arrêt. Quand on voit un canon de calibre 25 faire feu la nuit, on peut dire que c'est un canon de calibre 25 à cause de la silhouette de la lumière quand le canon fait feu; même chose pour les I-5. Rares sont les nuits où je ne vois pas ces canons faire feu. Il y a dans mes nuits une tranchée de tir hérissée de bras, de jambes et d'autres parties de corps, partiellement recouvertes de sable, etc. C'était ma famille, là-bas.

+-

    M. John O'Reilly: Est-ce que j'ai bien compris le chiffre 12, que vous aviez 12 pensions? Est-ce ce que vous avez dit?

+-

    M. James Cotter: Non, je reçois une pension pour 12 affections.

+-

    M. John O'Reilly: Ah, je me demandais combien vous pouviez avoir 12 pensions. J'avais mal compris.

+-

    M. James Cotter: Non, il est assez difficile d'en obtenir ne serait-ce qu'une.

+-

    M. John O'Reilly: Oui, c'est ce que j'allais dire.

    Pensez-vous donc, d'après l'analyse que l'on vous a donnée, qu'on voyait dans votre syndrome de stress post-traumatique le plus gros de vos problèmes? Si la pulvérisation de produits chimiques, de DDT, de gaz moutarde, etc. endommagent l'environnement, nous pouvons comprendre que cela nuit aussi aux gens; je pense qu'il est difficile de dire le contraire. Mais quel écho cette analyse a-t-elle trouvé dans les cercles médicaux?

    Je me demande de quelle preuve le Dr Pagtakhan a pu disposer, pour en venir à une conclusion opposée. Il s'agit, en effet, d'un médecin enseignant, qui devrait être bien renseigné. C'est pourquoi je me pose la question.

+-

    M. James Cotter: J'ai consulté des médecins qui en connaissaient un rayon, deux spécialistes américains de la médecine nucléaire (University of Texas Southwestern Medical School; University of California, école de médecine). Ce sont des gens qui disent pouvoir effectuer une tomographie mono-photonique d'émissions et repérer exactement quel est le problème. Ils disent être en mesure de voir si une personne se pique à l'héroïne ou est alcoolique, voir si une femme a eu un implant mammaire, sans le lui demander. Or, ces gens ont effectué une tomographie mono-photonique d'émissions sur moi et conclu qu'elle présentait des anomalies allant de pair avec la neurotoxicité.

    Voici quelques-uns de mes dossiers médicaux, chacun correspondant à une maladie. On y a établi une corrélation entre les diagnostics des médecins et les fiches santé et sécurité de produits chimiques. Notez que ce n'est pas moi qui m'avance, ici; c'est ce qu'affirment des organisations gouvernementales, des écoles de médecine universitaires et des médecins prestigieux. Même le Dr Tim Cook, de la clinique de la guerre du Golfe, a dit que oui, j'avais été victime d'un empoisonnement chimique en Corée.

º  +-(1610)  

+-

    M. John O'Reilly: Pourquoi alors le ministère des Anciens combattants fait-il la sourde oreille, selon vous? Pensez-vous qu'il existe un problème pour le ministère des Anciens combattants, dont nous devrions être au courant?

+-

    M. James Cotter: Non, je pense que c'est la même tactique que pour les gens de Suffield, pour qui on a fait traîner les choses aussi longtemps que possible. C'est la même tactique que pour les personnes ayant servi dans la marine marchande. Si être une cible sans défense au milieu de l'océan ne vous donne pas droit à une pension, qui y aurait droit? Nous, au moins, nous avions un endroit où nous cacher.

+-

    M. John O'Reilly: Justement, notre comité a joué un rôle dans l'attribution d'une pension aux personnes ayant servi dans la marine marchande. C'était à l'époque de George Baker, et des personnes membres du comité à l'époque—Elsie en était, avec d'autres—ont beaucoup oeuvré dans ce sens. C'est donc un problème que nous connaissons bien. Peut-être pourrons-nous aussi être en mesure de vous venir en aide. En tout cas nous nous y efforcerons. Je pense que c'est dans l'espoir d'être utiles que nous participons au présent comité.

+-

    M. David Cotter: Mon père n'a pas besoin d'aide. Il a une pension à 100 p. 100. C'est grâce à sa diligence, à ses efforts et à la documentation qu'il a réunie qu'il dispose d'une pension et des soins qu'il lui faut. Le problème est qu'il existe 14 000 autres hommes malades qui n'ont pas de pensions et qui meurent dans la misère dans des taudis à Sundridge, en Ontario, faute de fonds pour se rendre à North Bay et y recevoir le traitement dont ils ont besoin pour leur cancer du rein.

    C'est pour ces hommes que nous sommes venus témoigner aujourd'hui.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Fort bien, merci.

    M. Blaikie, du NPD, a maintenant la parole, pour sept minutes.

+-

    L'hon. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

    Pour commencer, je voudrais remercier M. Cotter et son fils d'avoir bien voulu témoigner aujourd'hui et de l'avoir fait, comme ils viennent de le dire, non pour eux-mêmes mais pour tous vos camarades de la guerre de Corée qui sont nombreux à souffrir des mêmes types de problèmes, sans bénéficier du traitement que vous accorde le ministère des Anciens combattants et que de nombreux membres de ce comité, à mon sens, voudraient leur voir accorder.

    Je ne veux pas montrer du doigt un parti politique ou un gouvernement; c'est toujours comme cela que fonctionne le ministère des Anciens combattants. Je suis député depuis 25 ans, assez longtemps pour constater que le principe semble être de ne rien faire avant que le nombre de personnes concernées par une éventuelle prestation soit considérablement réduit.

    Si j'étais un véritable cynique, je vous dirais que vous êtes encore trop jeune. Il faut que le nombre des anciens combattants de Corée passe de 14 000 à 5 000 avant qu'on estime rentable de faire quoi que ce soit en votre faveur. Pour les personnes ayant servi dans la marine marchande, il a fallu... vous n'avez qu'à voir : les victimes dans la marine marchande remontent aux années 40; dans votre cas, cela remonte aux années 50. Disons que d'ici 2012, vous devriez être assez peu nombreux pour que le gouvernement se range enfin à vos vues.

    Je sais que c'est un point de vue éminemment cynique, mais cela semble être un principe quasi systématique, dès qu'il s'agit d'anciens combattants. Je vous écoute et cela me hérisse.

    Pourriez-vous me dire, monsieur Cotter ou David, pourquoi, à votre sens, l'Association des anciens combattants de Corée n'a pas été plus active dans ce dossier? Comme je l'ai dit, la situation des anciens combattants est une question qui me préoccupe depuis longtemps. Or, peut-être est-ce un hasard, mais c'est la première fois que ce problème des produits chimiques retient aussi vivement mon attention.

    Ce n'est pas la même chose que Suffield et le gaz moutarde. Quand le gouvernement a exposé des personnes au gaz moutarde, il savait que c'était une mauvaise chose. Par contre, quand les autorités pulvérisaient du DDT sur les gens, entre autres pour les débarrasser des poux, elles le faisaient sans avoir conscience du caractère nocif de cette substance, à l'époque. Le gaz moutarde, c'est une autre histoire. Dans le cas des pesticides, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ferait un complexe de culpabilité tel qu'il refuserait d'admettre quoi que ce soit. À l'époque, personne ne savait que le DDT était toxique; personne n'agissait donc sciemment. N'empêche qu'il y a des gens qui ont été exposés à ces produits, qui souffrent aujourd'hui de diverses affections et qu'il convient de leur venir en aide.

    Pourquoi, selon vous, l'Association canadienne des vétérans de la Corée... C'est plus qu'un club de gens qui se réunissent; c'est une association qui a fait preuve d'initiative au vu de nombreux problèmes. Manifestement, le problème dont vous parlez n'a pas retenu leur attention comme il aurait dû. Je me demande si vous pouvez dire pourquoi.

    Avez-vous présenté la situation à l'association, sans rencontrer d'échos? Que s'est-il passé, exactement?

º  +-(1615)  

+-

    M. James Cotter: J'ai effectivement fait des présentations. Je crois que c'est à l'automne dernier qu'il y a eu un reportage dans les nouvelles du matin de CBC. J'y ai participé, ainsi que Joan Dunnet et le ministre Pagtakhan. L'une des choses que ce dernier m'a dite a été: «Si vous êtes en mesure de prouver ce que vous dites, je prendrai les mesures qui s'imposent.» Le journaliste a demandé au président de l'Association canadienne des vétérans de la Corée ce qu'il pensait de l'assertion du ministre et a obtenu comme réponse: «Je ne peux le dire à la télévision.» Le journaliste a insisté: «Sérieusement, que pensez-vous de cette assertion?» Et il a obtenu la réponse suivante: «C'est une pure foutaise.» Voilà ce que le président de l'Association canadienne des vétérans de la Corée pensait de l'assertion du ministre.

    En effet, si le ministre me dit «Prouvez-le moi, je prendrai les mesures qui s'imposent», pourquoi ne me laisse-t-il pas le prouver? Je ne demande qu'à me présenter avec mes dossiers militaires et médicaux.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Savez-vous si l'Association canadienne des vétérans de la Corée a fait une présentation au gouvernement, au ministre ou à quelqu'un d'autre, à ce sujet? Savez-vous s'ils ont présenté des arguments comme les vôtres?

+-

    M. James Cotter: Oui.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Ils l'ont fait.

+-

    M. James Cotter: Oui.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: C'est ce que je voulais savoir. Il m'aurait semblé curieux qu'ils ne l'aient pas fait.

+-

    M. James Cotter: J'ai fait la présentation moi-même et y ont assisté bon nombre de personnes, dont Cliff Chadderton et Les Peate. J'ai demandé alors la même chose qu'aujourd'hui et j'ai le procès-verbal de la réunion.

+-

    M. David Cotter: Lors de cette réunion, le ministère des Anciens combattants s'est engagé à effectuer une étude des anciens combattants de la guerre de Corée afin d'évaluer la véracité de nos affirmations. Peu de temps après, mon père a reçu une lettre disant qu'ils avaient étudié le cas de 500 anciens combattants et que nos affirmations ne semblaient pas fondées.

    Toutefois, dans cette lettre ils indiquaient aussi qu'ils attendaient des résultats d'une étude basée sur l'étude australienne, parce que les soldats australiens et canadiens servaient tous deux au sein de la First Commonwealth Division, où ils étaient exposés aux mêmes conditions. À l'époque, le ministère des Anciens combattants a donc dit à mon père et à l'Association canadienne des vétérans de la Corée qu'ils attendaient les résultats de l'étude dont j'ai cité des extraits aujourd'hui.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: L'étude a donc paru.

+-

    M. David Cotter: Oui, elle a paru il y a quelques semaines et fait état d'un taux de mortalité très élevé.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Ce sont de nouveaux éléments dans ce dossier, du moins cette étude.

+-

    M. David Cotter: Oui.

+-

    M. James Cotter: Le colonel Allan Limburg, le chercheur de l'Association des vétérans de Corée en Australie, m'a envoyé un fax au moment de la parution du rapport, pour m'indiquer où on pouvait le trouver dans Internet. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, mais à présent il est trop malade pour poursuivre. C'est à moi de continuer.

    L'un des auteurs, Ashley Cunningham-Boothe, de Grande-Bretagne, est également décédé. Mon cas a été mentionné dans des livres, des magazines, des journaux, des émissions de radio et de télévision. Où que ce soit, je répète toujours la même chose : personne ne vient en aide aux anciens combattants canadiens de la guerre de Corée.

+-

    L'hon. Bill Blaikie: Eh bien, on le devrait. J'espère que le comité sera en mesure de précipiter un peu les choses à cet effet.

    Merci.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Merci, monsieur Blaikie.

    Nous passons maintenant au deuxième tour de questions. Monsieur Casson, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup à tous les deux d'être venus. Vous et votre fils, monsieur Cotter, constituez une formidable équipe. Même avec l'interprétation, vous vous en êtes plutôt bien sortis.

    La pulvérisation a-t-elle eu lieu uniquement quand vous étiez en Corée?

+-

    M. James Cotter: Non, ils nous ont aspergés quand nous étions au Japon aussi.

+-

    M. Rick Casson: Et l'aspersion visait à éviter que les maladies ne se propagent?

º  +-(1620)  

+-

    M. James Cotter: C'est exact, notamment la fièvre de Mandchourie.

+-

    M. Rick Casson: À ce que vous savez, vous êtes le seul ancien combattant de la guerre de Corée à recevoir une indemnisation du ministère des Anciens combattants?

+-

    M. James Cotter: Pour l'affection particulière dont je souffre, la polytoxicosensibilité, oui. C'est ce qu'indique la lettre du major Cook, directeur de la clinique de la guerre du Golfe.

+-

    M. Rick Casson: Le ministère des Anciens combattants a étudié votre cas, accepté les preuves que vous lui avez fournies, comme quoi vous aviez été exposé à des produits chimiques lors de leur pulvérisation en Corée, et vous a attribué une pension.

+-

    M. James Cotter: Oui.

+-

    M. Rick Casson: A-t-on fini par vous présenter des excuses pour ce qui avait été fait? C'est une des choses que vous aviez demandées.

+-

    M. James Cotter: Le printemps dernier, l'un des conseillers du bureau de North Bay était chez nous. Il a dit que j'avais été maltraité par le passé, mais que les choses avaient changé. Cela reste à voir.

+-

    M. Rick Casson: Pourquoi les autres anciens combattants sont-ils traités différemment? Leur manquait-il de quoi asseoir leur cas? Vous disposiez, quant à vous, de la documentation constituée lors de votre demande d'emploi à Énergie atomique. Les tests que vous avez subis alors confirmaient la situation. Ainsi donc, vous aviez un document prouvant que vous souffriez d'empoisonnement toxique, ce qui n'était pas le cas des autres anciens combattants.

+-

    M. David Cotter: En fait, nous avons participé à des audiences au ministère des Anciens combattants pour d'autres anciens combattants qui demandaient des pensions similaires. Nous avons apporté les preuves de mon père, dans un effort pour montrer qu'il y avait un lien. Chaque fois, les preuves ont été rejetées comme ne constituant pas des preuves médicales directement et spécifiquement reliées au cas. Et on ne sait pas quelle aurait été la décision finale, car à chaque fois, la personne demandant une pension est décédée avant la fin du processus d'appel.

+-

    M. Rick Casson: Le gouvernement a-t-il cherché à nier qu'il y avait eu pulvérisation et qu'il s'agissait des produits chimiques que vous avez indiqués?

+-

    M. James Cotter: L'an dernier, lors de l'émission télévisée que j'ai mentionnée, le ministre des Anciens combattants a dit qu'il n'existait pas de preuve probante comme quoi il y avait eu pulvérisation. Mais il existe beaucoup de preuves de cela. Le ministre est le seul à avoir exprimé de tels doutes. Les forces armées savent parfaitement que nous avons été pulvérisés, puisque c'était elles qui s'en chargeaient.

+-

    M. Rick Casson: Vous avez parlé de différents pays, de l'étude australienne... toutes les troupes étaient-elles mélangées? Étiez-vous séparés? Est-ce que seuls les Canadiens et les Australiens ont été pulvérisés? Ou tout le monde... Comment cela s'est-il passé là-bas?

+-

    M. James Cotter: Autant que je sache, tout le monde a été pulvérisé, parce que les Australiens, les Néo-Zélandais, les Britanniques et les Américains ont tous les mêmes problèmes.

    Mais avant de pouvoir faire admettre comme une réalité ce type de chose, il faut beaucoup de recherches et beaucoup de dévouement individuel. La Corée est un pays montagneux. Les bunkers et les tranchées étaient creusés tout autour des collines et les soldats s'entassaient dans ces tranchées et dans ces bunkers. Personnellement, je me suis trouvé dans un bunker avec trois autres personnes, un recoin creusé sur le côté d'une tranchée mesurant environ trois pieds de haut, cinq pieds de large et six pieds de long. Quatre hommes s'y entassaient. Nous n'avions même pas de place pour bouger. Vu les conditions, on pulvérisait systématiquement.

    En plus, quand il pleut, toutes les saletés s'écoulent le long des collines et dans les tranchées. Pas question de mettre les latrines au sommet de la colline, à moins de vouloir offrir une cible en or aux Chinois quand on se lève le matin pour faire ses besoins. Pour uriner, on utilisait des douilles d'obus, longues comme ceci et large comme cela, que l'on calait avec des pierres après avoir fait un trou dans le sol. Et on ne cherchait pas de midi à quatorze heures pour savoir où les installer. Cela pouvait être en haut d'un bunker.

º  +-(1625)  

+-

    M. David Cotter: Monsieur, laissez-moi revenir en arrière pour répondre spécifiquement à votre question.

    Australiens, Britanniques et Canadiens servaient au sein de la 1re Division du Commonwealth. C'était une armée contiguë, sous le commandement de la 8e Armée américaine, celle qui a ordonné la pulvérisation de pesticides, dont le DDT, sur toutes les lignes avancées de combat. Et j'ai une copie de cet ordre.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Il va falloir qu'on passe à quelqu'un d'autre.

    Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Le service de recherche de la Bibliothèque du Parlement nous prépare toujours des documents. Dans ces documents, on parle de pesticides et d'insecticides. Vous dites que les gens de la 8e Armée américaine aspergeaient. Qu'est-ce qu'ils aspergeaient et pourquoi? Était-ce pour contrer la malaria, pour tuer les insectes porteurs de la malaria? Est-ce que c'était le but?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: La fièvre de Mandchourie figurait au premier rang des préoccupations, je crois, mais on pulvérisait aussi pour contrôler les poux, les tiques, etc. Comme les rats étaient infestés par les poux et les tiques, on pulvérisait aussi pour tuer les rats. Le rat de là-bas est brun, pas noir, comme le nôtre.

+-

    M. David Cotter: Ils pulvérisaient si généreusement que cela suffisait à tuer ces rats bruns, qui étaient de la taille des chats.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Dans le document qu'on a ici, on parle d'autres types de produits, comme de la peinture toxique, du gaz radon et d'autres produits chimiques utilisés pendant la guerre. Est-ce qu'on a utilisé, en plus des pesticides, des gaz comme le radon pendant la guerre de Corée à des fins militaires? Est-ce que des gaz auraient pu être utilisés par les Coréens du Nord pour créer des problèmes physiques aux militaires sur le terrain?

[Traduction]

+-

    M. James Cotter: Il y a bien eu un article sur la découverte d'un peloton de soldats nord-coréens trouvés morts dans des positions bizarres, comme s'ils étaient morts instantanément. Mais je n'ai jamais entendu dire qu'on ait utilisé des gaz. Si cela s'est fait, je ne le sais pas.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Je conclurai en disant qu'il faudrait que le comité, par une motion ou autrement, pousse cette affaire un petit peu plus loin pour appuyer M. Cotter et aussi pour que nous ayons plus de preuves. Dans son cas, c'est bien évident, mais s'il reste 14 000 soldats, j'aimerais savoir dans quel état ils sont. J'imagine que le gouvernement a gardé les dossiers médicaux de ces soldats. S'il y a vraiment un problème et que le gouvernement ne veut pas payer, il faudrait peut-être exercer les pressions politiques qui s'imposent. Pouvons-nous adopter une motion semblable à celle que nous avons adoptée dans le cas des veuves, disant que ce comité, à l'unanimité, demande au ministère de faire une enquête exhaustive, etc.? Est-ce acceptable?

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Tout d'abord, monsieur Bachand, nous n'avons plus le quorum depuis le départ du NPD. Mais j'imagine que le secrétaire parlementaire pour les Anciens combattants souhaite répondre à ce que vous venez de dire.

    Monsieur O'Reilly.

+-

    M. John O'Reilly: Je crois que c'est une bonne idée, monsieur le président. Je pense que le comité devrait se procurer un exemplaire du rapport australien, pour commencer. Nous devrions le parcourir pour voir s'il comporte des éléments susceptibles de nous être utiles, puis demander aux représentants du ministère des Anciens combattants de revenir s'entretenir avec nous. C'est une suggestion amicale à laquelle je n'ai pas d'objection, qu'il y ait quorum ou pas, vu que notre but est d'être utile aux anciens combattants.

    J'estime que c'est une bonne façon de procéder pour le comité: commencer par obtenir le rapport australien, le parcourir, puis voir ce que les représentants du ministère des Anciens combattants ont à dire. J'ai des questions que j'aimerais leur poser; j'imagine que nous en avons tous.

º  +-(1630)  

+-

    M. James Cotter: Si vous le permettez, j'aimerais intervenir. Je peux vous fournir un exemplaire du rapport. Je peux aussi vous indiquer tout de suite ses constatations: par rapport au groupe de contrôle, un taux de mortalité supérieur de 31 p. 100 pour l'armée, de 15 p. 100 pour la marine, mais équivalent pour l'aviation.

    Le rapport évoque l'excès d'alcool et de tabac comme l'une des causes possibles de cette différence. Or, à mon retour de Corée, un jour où mon père et moi passions devant l'hôtel, il m'a dit: «Tu voudrais t'arrêter et prendre une bière?» J'ai répondu que oui. Papa a donc demandé au barman, Phil Coyle, qui me connaissait depuis que j'étais tout petit: «Deux bières, s'il te plaît, Phil». Et savez-vous ce que Phil a répond? «Une bière pour toi, Lawrence, mais pas pour Jim. Il est trop jeune.»

+-

    M. John O'Reilly: Nos greffiers et nos chargés de recherche peuvent nous procurer tout rapport que nous souhaitons voir. À partir du moment où nous en faisons la demande, ils s'en chargent. Je crois que nous devrions voir s'il n'y a pas aussi un rapport américain, puisque ce sont eux qui ont ordonné la pulvérisation. Il doit être possible de savoir comment ils ont ordonné la pulvérisation et ce qu'ils ont utilisé. Mais la première des choses à faire serait de parcourir le rapport australien, puis de demander à quelqu'un du ministère des Anciens combattants de venir nous expliquer de quoi il retourne.

    Manifestement, cela ne peut pas faire l'objet d'une motion, en l'absence d'un quorum, mais c'est une direction à suivre.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): J'ai sous les yeux le sommaire de l'article et l'adresse du site Web pour en télécharger une version complète. Nous veillerons à en faire parvenir un exemplaire à tous les membres du comité. Quand le président sera de retour, la semaine prochaine, nous parlerons du moment où il convient de faire venir les représentants du ministère des Anciens combattants, une fois que nous aurons eu le temps d'effectuer des recherches dans le document en question.

    Nous vous tiendrons au courant de l'évolution de la question.

+-

    Mme Elsie Wayne: Je pense qu'il conviendrait également d'entendre le président national de l'Association canadienne des vétérans de la Corée, ainsi que Cliff Chadderton.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Fort bien, leur présence me semble également dans l'ordre des choses.

    Mesdames et messieurs les membres du comité, nous allons lever la séance pendant une ou deux minutes, pour permettre un changement des témoins.

    Jim et David, je vous remercie beaucoup de votre présentation. Nous nous pencherons sur la question sans tarder. Merci encore.

+-

    M. James Cotter: C'est nous qui vous remercions de nous avoir écoutés.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Le plaisir a été pour nous.

º  +-(1633)  


º  +-(1637)  

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): La séance reprend.

    Chers collègues, nous accueillons maintenant l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes.

    André, Barbara, je vous souhaite la bienvenue.

    Barbara, je vois que votre nom de famille est Finlay; j'espère que vous n'êtes pas parent avec John Finlay.

    Une voix: Oh, oh! Tant mieux.

    Le président suppléant (M. Murray Calder):Chers collègues, le représentant de la Légion royale canadienne, le camarade Parks, qui est son président national, est dans l'impossibilité d'être parmi nous aujourd'hui. Il nous a fait parvenir l'énoncé officiel de la position de la Légion royale canadienne au sujet d'un ombudsman pour les anciens combattants dont je vais vous faire la lecture, si vous le voulez bien, pour les besoins du compte rendu.

    Si vous avez des observations à faire, Barbara ou André, n'hésitez pas à les incorporer à vos propres déclarations.

    La position officielle se lit comme suit:

Il y a longtemps que la Légion royale canadienne se considère la protectrice et la porte-parole des anciens combattants au Canada. De plus, elle est appuyée par d'autres associations d'anciens combattants dans les démarches qu'elle entreprend pour que le gouvernement reconnaisse l'apport des anciens combattants par le versement de prestations équitables et la commémoration de leurs sacrifices. La Légion se considère donc comme leur «ombudsman». Elle a établi un réseau d'agents de services de même que les mécanismes et procédures qui s'imposent afin que la cause des anciens combattants soit bien définie et justifiée aux yeux du gouvernement du Canada. Tout ancien combattant canadien peut présenter son cas ou ses préoccupations au gouvernement en communiquant avec un agent de services de la Légion dans n'importe quels de nos 1 600 bureaux à travers le Canada.

Par conséquent, la Légion royale canadienne n'appuie pas la proposition d'établir un «ombudsman indépendant pour les anciens combattants» au Canada. Nous assumons déjà ce rôle de manière efficace. Par contre, nous serions favorables à la création d'un poste d'«inspecteur général des soins de longue durée pour les anciens combattants» et nous incitons le gouvernement à prendre cette mesure. La Légion fait observer aujourd'hui que la décision de transférer la gestion et la prestation des soins de longue durée du gouvernement (par l'entremise du ministère des Anciens combattants) aux autorités provinciales n'a pas donné les résultats prévus. La disparition des hôpitaux consacrés uniquement aux anciens combattants et administrés par le ministère a entraîné une réduction considérable des soins aux anciens combattants. Il n'existe plus au pays une seule norme pour la prestation des soins et services à ces personnes étant donné que toutes les provinces y allouent un budget différent et doivent donc relever ce défi de diverses manières. Par conséquent, on n'a plus l'impression que le ministère s'acquitte pleinement de ses responsabilités en ce qui concerne la prestation de soins et services aux anciens combattants dans le besoin. En fait, il a abdiqué ses responsabilités dans ce dossier en confiant la gestion de ces soins et services aux autorités sanitaires provinciales.

La Légion recommande donc de nommer un «inspecteur général des soins de longue durée pour les anciens combattants» qui s'assurerait que le ministère des Anciens combattants s'acquitte de ses responsabilités de manière aussi efficiente que possible, et que chaque province fournisse aux anciens combattants les soins de longue durée les plus complets possible, comme ces derniers sont en droit de s'attendre et comme on leur a promis.

    Cela dit, Barbara et André, je vous invite à faire votre exposé. Merci.

º  +-(1640)  

+-

    M. André Marin (ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Il me fait grand plaisir d'être ici cet après-midi pour participer à vos discussions ayant trait à la création d'un poste d'ombudsman au ministère des Anciens combattants.

[Traduction]

    Je suis ici cet après-midi parce que le comité m'a demandé de venir vous parler du concept d'ombudsman, de ses activités pour le compte du MDN et des FC et de la nécessité d'établir un tel poste pour le ministère des Anciens combattants.

    Je souhaite dire tout d'abord que je ne prétends pas être un expert des questions relatives aux anciens combattants. En fait, notre mandat nous empêche actuellement de nous pencher sur les dossiers d'anciens combattants. Dans mon introduction, je vais vous expliquer comment nous fonctionnons au MDN et aux FC et vous parler de notre expérience limitée en ce qui a trait aux anciens combattants. Ensuite, je pourrai répondre à vos questions et aborder les nombreux défis que suppose la mise sur pied d'un bureau de l'ombudsman crédible et efficace.

[Français]

    Le bureau aide les membres actuels et les ex-membres des Forces canadiennes et leurs familles en enquêtant sur environ 1 500 cas par année, et en leur fournissant de l'information et les aiguillant vers les ressources et les services offerts par l'entremise des Forces canadiennes et du ministère des Anciens combattants. Nous fournissons de l'information sur les ordonnances, règlements et politiques applicables du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes. Nous fournissons des conseils et des lignes directrices sur l'utilisation de mécanismes de plainte existants. Nous enquêtons sur des plaintes impliquant des circonstances impérieuses ou un préjudice, ou lorsque la personne a épuisé tous les mécanismes internes. Nous enquêtons sur les enjeux systémiques qui touchent les membres du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes en tant que groupe, comme le syndrome de stress post-traumatique, et sur la façon dont les Forces canadiennes traitent les plaintes relatives à l'exposition à des dangers environnementaux en déploiement, et rédigeons des rapports à ce sujet.

[Traduction]

    Notre bureau s'est occupé d'un certain nombre de cas où le problème en cause découlait d'un chevauchement des activités du MDN/des FC et du MAC et de lacunes dans le système, ou de problèmes de communication ou de transition d'un système à un autre. Par exemple, les plaintes concernant la difficulté d'établir l'admissibilité à une pension attribuable au fait que le MDN/les FC ne possèdent pas suffisamment de documents sur les affections médicales ou les blessures infligées en services; des plaintes concernant le fait que le MDN/les FC ont tardé à fournir de l'information sur les affections médicales, les blessures ou le lieu d'affectation permettant de déterminer l'admissibilité à une pension ou l'admissibilité à d'autres avantages sociaux et services; des inquiétudes quant à la confidentialité de l'information médicale échangée entre les FC et le MAC, notamment des cas où des membres des FC ont présenté une demande de pensions lorsqu'ils étaient encore en service; ainsi que des préoccupations au sujet de la transition, des FC au MAC, des soins dispensés aux membres à leur libération, surtout en ce qui concerne les membres qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel.

    Souvent, les membres ne font pas confiance au système, ils offrent une résistance au changement et ils ne comprennent pas pourquoi on a modifié leur salaire ou leurs avantages sociaux.

[Français]

    Au cours des quelques enquêtes que nous avons menées et pour lesquelles nous avons dû obtenir l'aide du personnel du ministère des Anciens combattants, nous avons bénéficié d'une bonne collaboration. Même si notre mandat nous interdit spécifiquement de nous attaquer à des dossiers relatifs aux anciens combattants, nous avons quand même participé de temps à autre à certaines enquêtes à titre de bon samaritain. Nous avons noué des relations de travail favorables avec des dirigeants importants au ministère des Anciens combattants.

º  +-(1645)  

[Traduction]

    Le MAC a-t-il besoin d'un ombudsman? Même si le MAC est exclu spécifiquement de notre mandat, nous avons reçu, depuis la création de notre bureau, près de 250 plaintes au sujet de ce ministère. Parmi les problèmes courants dont il est fait mention dans les plaintes concernant le MAC, mentionnons les suivants : des retards importants dans le processus de présentation des demandes de pension et d'appel; l'impression que les demandes sont constamment rejetées dès le début, dans l'espoir que l'ancien combattant n'interjettera pas appel; la crainte qu'un diagnostic médical soit contesté ou rejeté par les membres de la commission des pensions; la crainte qu'on ne reconnaisse pas qu'une blessure sportive a été infligée en cours de services; l'impression que les responsables du bureau des pensions servent les intérêts du MAC et non pas ceux des demandeurs; enfin, la nécessité d'offrir une meilleure formation au personnel du MAC afin qu'il puisse traiter avec de jeunes anciens combattants qui ont servi dans le cadre de plusieurs déploiements et qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel, notamment de graves problèmes de maîtrise de la colère.

    Rien ne saurait davantage soutenir la cause de la création d'un bureau de l'ombudsman au MAC que l'article que l'on trouve à la page 4 de l'édition d'aujourd'hui du National Post, où on rapporte que des anciens combattants de la guerre de Corée se plaignent du taux élevé de mortalité parmi les leurs. Ils exigent des excuses et une indemnisation pour la façon dont l'armée les a traités pendant la guerre, les ayant obligés à se faire asperger de DDT et d'autres agents chimiques. Tout cela est du déjà-vu. Nous avons publié un rapport il y a quelques mois portant sur les plaintes concernant les essais d'agents chimiques réalisés durant la Seconde Guerre mondiale. On a recommandé de verser aux quelque 3 500 anciens combattants qui ont fait l'objet d'essais d'agents chimiques, dont le gaz moutarde, pendant la Seconde Guerre mondiale, aux laboratoires militaires de Suffield (Alberta) et d'Ottawa, un montant raisonnable en guise d'indemnisation. Toujours dans ce rapport, on a fait remarquer que les sujets des essais s'étaient vu refuser des pensions et des soins médicaux par le MAC à cause du caractère secret des essais et de l'absence de documentation, et à cause de l'absence de reconnaissance de la part du gouvernement.

    Mon bureau a créé l'impulsion nécessaire pour faire avancer la cause des anciens combattants de Suffield. Nous nous sommes assurés de bien formuler leur cause et de veiller à ce qu'on règle le dossier et qu'on intervienne rapidement après quelque 60 ans d'attentisme.

    Un bureau de l'ombudsman, loin d'affaiblir la fonction de direction et de leadership d'une institution, constitue un puissant outil de renouveau organisationnel, car il est une composante majeure de la conscience de l'organisation. L'ombudsman est le gardien du franc jeu. C'est vers lui qu'on se tourne lorsqu'on estime ne pas avoir été traité comme il se doit. Il permet à l'organisation de réparer les injustices et lui rappelle qu'elle ne peut se borner à se gargariser du sempiternel leitmotiv «les gens avant tout».

    Sur ce, je répondrai volontiers à vos questions. Merci.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Barbara, avez-vous quelque chose à dire? Non? Je vais donc donner la parole pour sept minutes à l'opposition officielle.

+-

    M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui. Si vous êtes ici, c'est que le comité se demandait s'il était possible pour vous de défendre également les intérêts des anciens combattants. La question que j'ai à vous poser est la suivante: Comment faudrait-il procéder? Je sais que ça n'est pas dans votre mandat. Il faudrait le changer. Mais de quels moyens auriez-vous besoin : personnel, budget, etc.? En avez-vous une idée?

+-

    M. André Marin: De fait, ce serait très simple parce que notre mandat—malheureusement, j'ajouterais—ne découle pas d'une loi, ce qui signifie qu'il n'est pas besoin de modifications législatives. Il suffirait que le ministre de la Défense nationale, avec l'approbation du ministre des Anciens combattants, j'imagine, modifie notre mandat. C'est donc très simple à faire.

    Pour ce qui est des moyens, comme je l'ai dit dans ma déclaration, malgré l'interdiction, nous faisons office de bons samaritains et intervenons souvent en coulisse. Nous recevons de l'aide précieuse de personnes clés au MAC, et notre action n'a pas été contestée juridiquement. Néanmoins, vu l'interdiction, nous n'intervenons que dans les cas les plus flagrants et devons rejeter la grande majorité des cas.

    Pour ce qui est des budgets et du personnel, nos employés connaissent très bien les dossiers du MAC et le bureau continue d'ajouter à ses connaissances. Il suffirait d'une poignée d'employés supplémentaires pour s'occuper des dossiers du MAC.

    Le problème actuellement, c'est que cela fait six ans qu'il y a un bureau de l'ombudsman au ministère de la Défense nationale. Nous traitons 1 500 cas par année. Nous en rendons publics une demi-douzaine, à peu près. J'estime que nous rendons un service crucial aux membres, mais dès qu'ils passent à l'autre ministère, ils n'ont plus leur bouée de sauvetage.

    C'est là le véritable noeud du problème parce que s'ils ont besoin d'information pour faire une demande de pension, les renseignements se trouvent au MDN. Dans ces cas, nous pouvons les aider. Mais si le cas repose sur le caractère suffisant de la preuve, il relève alors du MAC. Les membres se plaignent qu'on les laisse en rade ou à mi-chemin. Ils ont du mal à le comprendre. Autrement dit, nous les abandonnons en cours de route.

º  +-(1650)  

+-

    M. Rick Casson: Dans votre déclaration, vous avez dit que les demandes sont systématiquement rejetées dès le début dans l'espoir que l'ancien combattant n'interjettera pas appel. C'est le sentiment qu'ont les anciens combattants?

+-

    M. André Marin: C'est leur impression, oui. Ils n'ont pas confiance au système.

    L'ombudsman porte plusieurs casquettes. La plus anodine est celui de fournisseur de renseignements et de guide dans le labyrinthe des organismes, entités, comités, groupes de travail, etc., et d'agent de sensibilisation. Avec le temps, nous finissons par amener les gens à avoir confiance envers ces entités, au lieu de nourrir la méfiance.

    Si vous me permettez de réagir un peu à la déclaration de la Légion royale canadienne...

+-

    M. Rick Casson: Je vous en prie.

+-

    M. André Marin: ... lorsque nous avons vu le jour, il y a six ans, beaucoup de gens, dans les filières qui existaient déjà chez les militaires, ont craint que le bureau empiète sur leurs pouvoirs : qu'il s'agisse des syndicats des civils au MDN, des adjudants supérieurs—qui normalement s'occupent des soldats—ou de la chaîne de commandement en général. C'est essentiellement la position de la Légion royale canadienne: «l'ombudsman, c'est nous».

    Malgré l'excellent travail de la Légion, toutefois, il n'empêche que 250 cas nous parviennent et ce même si notre mandat stipule que nous ne nous occupons pas des anciens combattants. Vous avez entendu le cas de Jim Cotter, qui m'a précédé. Ces cas existent.

    J'estime donc que la position de la Légion royale canadienne traduit l'insécurité naturelle que l'on a quand arrive un nouveau venu et la crainte que son rôle sera diminué à cause de l'existence d'un ombudsman. Pour moi, le rôle de l'ombudsman est de travailler de concert avec la Légion et les mécanismes déjà en place.

+-

    M. Rick Casson: Aucun d'entre nous ne met en doute la valeur de la Légion au pays ni le travail magnifique qu'elle fait, mais il me semble qu'il y a ici un vide à combler.

    J'ai une question précise à poser. L'autre jour, j'ai posé la question aux fonctionnaires du MAC à propos d'une clause concernant les «croqueuses de diamants» et les pensions, c'est-à-dire les cas où lorsque vous épousez un ancien combattant de plus de 60 ans, vous n'avez pas droit à sa pension, et ils m'ont répondu que c'était une question qui relevait du MDN. Avez-vous eu à traiter des cas de veuves d'anciens combattants qui n'ont pas droit à la pension de leur conjoint parce qu'ils les ont épousées après l'âge de 60 ans?

+-

    M. André Marin: On me dit que nous avons eu un ou deux cas, mais que nous n'avons pas fait enquête parce que cela soulève des questions de changements législatifs et devient une question qui relève du MAC et qui est donc hors de notre portée.

+-

    M. Rick Casson: Voilà justement le problème. Le MDN dit que c'est hors de sa portée et vous, vous dites la même chose. Il semble y avoir un vide entre les deux.

+-

    M. André Marin: C'est typique. Comme dans l'exemple que je vous ai donné, l'ancien combattant a parfois besoin d'information qui doit venir du MDN. Si le MAC estime sur réception que cette information est insuffisante, cela devient un problème avec le MAC. Ils se refilent la responsabilité. Je suis certain que ce n'est pas voulu, mais comme l'ancien combattant traite avec deux grandes bureaucraties qui se chevauchent, cela arrive.

    Si nous devions élargir notre champ d'action pour englober le MAC, notre tâche serait d'assurer la continuité du service des militaires et des anciens militaires.

º  +-(1655)  

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Nous allons maintenant passer au Bloc, pour sept minutes.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Merci, monsieur le président.

    Bienvenue à vous, monsieur Marin et madame Finlay.

    Vous avez dit qu'il pourrait être assez simple de modifier le mandat. Je pense que je vous donne raison là-dessus. Cependant, je pense que cela entraînerait forcément une modification de votre budget actuel. Si on vous donne des tâches supplémentaires, vous ne pourrez pas vous en acquitter avec le même nombre d'employés. Êtes-vous d'accord pour dire que si jamais ces tâches vous étaient confiées, il faudrait que vos budgets soient augmentés en conséquence pour qu'on puisse donner un service intéressant à ces gens?

    Il me semble que vous ne pouvez pas toucher à des cas d'avant juin 1998. Pouvez-vous me le confirmer? Si c'est le cas, il faudrait qu'il y ait une correction à ce niveau-là aussi. Vous traitez actuellement les plaintes qu'il y a eu depuis 1998, dans une armée moderne, mais on parle ici des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée. Cela exige un autre type d'expertise, et ce n'est pas nécessairement le même personnel qui pourrait faire cela. Il faudrait que ce soit vraiment séparé et que vous ayez des gens spécialisés dans les questions d'anciens combattants, n'est-ce pas?

+-

    M. André Marin: Nous nous sommes impliqués, par exemple, dans le cas de Suffield, qui remontait à la Seconde Guerre mondiale. Pour nous occuper de cas de ce genre, qui sont survenus avant le 9 juin 1998, nous devons obtenir la permission du ministre. Jusqu'à maintenant, cela a fonctionné chaque fois que nous l'avons demandé, sauf pour un cas où M. McCallum nous avait refusé la permission. Donc, sauf dans un cas, nous avons toujours eu le droit de retourner dans le passé.

    Vous avez bien raison de dire qu'il faut développer une expertise dans ce domaine, mais il s'agira tout simplement de réorganiser le bureau et de créer une section pour les anciens combattants. Il y a environ 30 p. 100 des gens de notre personnel qui sont d'anciens militaires et qui ont beaucoup d'expérience avec le ministère des Anciens combattants. Ce n'est pas une expertise qui serait très difficile à acquérir pour notre bureau.

+-

    M. Claude Bachand: D'accord. Il me semble aussi que le ministre est sensible au fait qu'il faut donner une image un peu plus compatissante au ministère de la Défense nationale. Je pense que c'est cela que vous aviez invoqué pour retourner dans le passé. Vous avez peut-être son accord plus facilement, mais ce n'est pas une règle fondamentale qui est coulée dans le béton.

+-

    M. André Marin: Non.

+-

    M. Claude Bachand: Vous êtes obligé, comme on dit souvent, de jouer du violon au ministre et de lui dire: «Si vous ne voulez pas passer pour une bande de sans-coeur, je suis prêt à faire l'enquête.» C'est cela que vous invoquez, n'est-ce pas?

+-

    M. André Marin: Essentiellement, on se penche sur la question de l'intérêt public, ainsi que sur celle des ressources que cela exigera. Donc, on examine l'enjeu au complet et on présente notre cas au ministre. Jusqu'à maintenant, cela a fonctionné.

    Il y a des cas qui suscitent beaucoup de compassion, beaucoup d'intérêt, comme celui de M. Cotter, par exemple, et celui de Suffield. Par contre, il y a d'autres cas individuels qui sont moins importants, par exemple celui de quelqu'un qui réclame une médaille qu'il n'aurait pas eue à la Seconde Guerre mondiale. On estime que le coût d'une seule enquête s'élève à quelques dizaines de milliers de dollars. Donc, c'est une question de jugement et de distribution des ressources à l'intérieur du bureau.

    Jusqu'à maintenant, cela va bien, mais il n'y a pas de doute que cette disposition du mandat a été critiquée parce qu'elle remet un certain contrôle politique dans les décisions internes du bureau. Je peux vous dire que jusqu'à maintenant, cela a bien fonctionné.

+-

    M. Claude Bachand: La Légion canadienne prétend que c'est elle, le vrai ombudsman. Qu'en pensez-vous? J'imagine que ce n'est pas égal partout. Dans mon comté, il y a deux sections de la Légion canadienne. S'il y en a une qui est plus performante que l'autre, les anciens combattants pourront ne sont pas être traités également. C'est bien beau de le dire, mais je ne pense pas que les légions canadiennes soient toutes capables de donner partout le même service. C'est peut-être cela, le problème.

+-

    M. André Marin: C'est cela, et il faut reconnaître que même si le bureau de l'ombudsman est indépendant de l'organisation, nous avons accès à tous les niveaux du ministère. C'est un bureau professionnel, et son mandat lui donne spécifiquement un accès à tous les niveaux du ministère. C'est une infraction au code de discipline que de refuser au bureau une collaboration entière. Nous avons donc un fondement juridique qui nous permet d'aller dans la boîte pour agir.

    Nous ne voyons pas notre bureau comme étant en concurrence avec les recours qui existent déjà. J'ai dit plus tôt en anglais que lorsqu'on avait fondé le bureau de l'ombudsman, il y a six ans, les syndicats du côté civil du ministère nous voyaient comme une menace. Les adjudants-chefs et les sous-officiers de rang supérieur se voyaient comme étant les ombudsmans des Forces canadiennes. Donc, tous se disaient que nous empiétions sur leur territoire. Mais nous considérons que nous jouons un rôle complémentaire et non pas un rôle conduisant à l'assimilation de ces organisations qui existent déjà.

»  +-(1700)  

+-

    M. Claude Bachand: Je vous avoue que je n'ai pas relu votre mandat. Est-ce que vous rendez des décisions obligatoires? Pouvez-vous dire au ministère qu'il a mal fait telle chose et qu'il va payer pour cela?

+-

    M. André Marin: Non.

+-

    M. Claude Bachand: C'est plus consultatif.

+-

    M. André Marin: Nous pouvons recommander plutôt qu'obliger. Cela étant dit, le fait que nous avons la possibilité de rendre nos rapports publics est très importante. Ensuite, nous réussissons dans 95 p. 100 des cas à faire accepter nos recommandations.

+-

    M. Claude Bachand: Donc, vous pensez qu'un ombudsman, que ce soit vous ou un ombudsman distinct, pourrait être utile à ces anciens combattants.

+-

    M. André Marin: Absolument. Rien n'empêche le ministère des Anciens combattants de créer son propre ombudsman, mais il faut que je vous dise qu'il y a plusieurs sortes d'ombudsman. Il y a plusieurs personnes qui portent le titre d'ombudsman et il y en a de toutes les couleurs. Il y en a qui portent le titre d'ombudsman et qui ne sont qu'une extension de la section des ressources humaines du ministère. Donc, si on crée un bureau d'ombudsman séparé, il faudra lui donner les outils nécessaires pour qu'il soit un vrai ombudsman.

+-

    M. Claude Bachand: Vous, vous avez la prétention d'être distinct et autonome du ministère.

+-

    M. André Marin: Oui.

+-

    M. Claude Bachand: Donc, pour vous, un ombudsman pour les anciens combattants devrait avoir les capacités qui sont les vôtres.

+-

    M. André Marin: Il le faudrait absolument, oui.

+-

    M. Claude Bachand: D'accord. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Merci.

    Nous allons maintenant passer du côté des ministériels pour sept minutes.

+-

    M. John O'Reilly: Merci, monsieur le président.

    Merci à vous d'être venus, André et Barbara. Évidemment, je vous ai déjà parlé en privé de la nécessité d'un ombudsman pour les anciens combattants. Le problème vient du fait qu'à un moment donné, le militaire libéré devient un ancien combattant. Il se peut que vous ayez à vous occuper des raisons pour lesquelles le militaire est libéré ou du moment où il l'est, et alors vous traitez avec un ancien combattant. Vous pénétrez donc ainsi dans un domaine qui n'est pas forcément le vôtre.

    Et puis, comme on l'a vu dans le texte de la Légion, il y a toujours des gens qui estiment avoir leur chasse gardée. Ils ne veulent pas être dérangés. J'ai 18 sections de la Légion dans ma circonscription—elle est très vaste—et certaines n'ouvrent qu'un ou deux jours par semaine. Certaines n'ouvrent pas du tout. Je pense que 47 sections de la Légion ont fermé leurs portes au Canada l'an dernier, ce qui montre bien que l'on a besoin d'une entité. Vous avez dit, je crois, que votre bureau pourrait s'en occuper. La preuve en a été faite depuis six ans.

    Il est certain qu'il y a des gens qui n'aiment pas votre bureau ou les décisions que vous avez prises. Mais quand on marche sur les plates-bandes de quelqu'un, cela arrive toujours. Beaucoup de gens n'aiment pas que quelqu'un regarde par-dessus leur épaule ou que leur pouvoir soit réduit un peu, car alors ils ont des comptes à rendre.

    Si l'on met tout cela de côté, je suis sûr à 100 p. 100 que le bureau de l'ombudsman rendrait service aux anciens combattants. Il faudrait toutefois changer plus que votre mandat; il faudrait changer la loi. Mes collègues d'en face ont parlé des plus de 60 ans... Essentiellement, la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennesest administrée par le MDN et non le MAC. Or, il y a des anciens combattants qui la touchent. Cela montre que le problème des plus de 60 ans—le cas des «croqueuses de diamants», comme l'a appelé mon collègue—ne relève pas du ministère des Anciens combattants. Cela relève du ministre de la Défense nationale à cause de la loi.

    Comment peut-on régler cela sans changer la loi et ainsi autoriser votre bureau à intervenir? J'y vois plusieurs problèmes qu'il faudrait régler. Si vous vous occupiez des deux, cela s'arrangerait peut-être tout seul. Mais je crois qu'il faudrait modifier la loi et ne pas se contenter de rafistolages.

    J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

»  +-(1705)  

+-

    M. André Marin: Oui. Le comité le sait mieux que moi, monsieur le président, le processus législatif est laborieux et passe par bien des étapes. De façon temporaire, toutefois, cela pourrait se faire très facilement en attendant de changer la loi.

    Notre bureau a été créé en 1998 et notre mandat a été publié en 1999, puis modifié en 2001. Le ministre de la Défense nationale s'est engagé à nous donner des assises législatives, ce qui n'est toujours pas fait, six ans plus tard. C'est quelque chose que nous souhaitons. Je pense que le gouvernement y tient toujours, mais l'occasion ne s'est pas présentée. Maintenant que nous avons fait notre marque et montré que nous sommes à la hauteur, le bureau doit être prévu dans la loi. Si la loi est modifiée comme il se doit pour nous donner un fondement juridique, au lieu d'être à la merci du ministre et du chef d'état-major, ce serait l'occasion de nous autoriser à nous occuper des affaires des anciens combattants. On pourrait faire d'une pierre deux coups.

    À la suite des observations de M. O'Reilly au sujet de la position de la Légion, il est clair pour moi que nous avons un rôle complémentaire. De notre côté, nous avons l'infrastructure, l'accès et les connaissances. Le personnel du ministère et des Forces canadiennes doit collaborer sans réserve sous peine de commettre une infraction à la discipline. Il y a chez nous l'obligation de collaborer avec d'autres entités, ce qui n'est pas forcément le cas de la Légion. Cela y fait pour beaucoup dans l'accès que nous obtenons.

    Il est certain que la première réaction des gens vis-à-vis de l'ombudsman, c'est la nervosité. Ils savent que quelqu'un va regarder par-dessus leur épaule. À l'époque, les Forces canadiennes se sont empressées de dire qu'elles avaient déjà tel ou tel mécanisme et n'avaient pas vraiment besoin d'un ombudsman. J'imagine qu'il en sera de même aux Anciens combattants. Je me trompe peut-être, mais ce ministère aussi a des groupes de travail, des plans et quantités d'autres choses. La différence, c'est l'indépendance d'esprit et le pouvoir de faire enquête de l'ombudsman.

    Quand je présente mes rapports, je pense au mot de Harry Truman: «Je ne leur passe jamais un savon; je me contente de leur dire la vérité et ils pensent que c'est un savon». C'est souvent le cas chez nous. Quand ils reçoivent nos rapports, souvent, ils n'en reviennent pas. Nous avons pu nous prononcer sans avoir peur de contredire la ligne de parti du ministère.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Très brièvement, monsieur O'Reilly.

+-

    M. John O'Reilly: Je pense que vous pourriez surmonter la difficulté posée par l'interdiction de faire enquête sur les événements avant le 15 juin 1998 en excluant le cas des anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale ou de la guerre de Corée. Ce n'est pas vraiment cela notre problème.

    Ce qui me dérange, c'est lorsque je reçois une multitude de plaintes. Je suis l'adjoint du ministre à titre de secrétaire parlementaire—c'est le nom qu'on me donne, en tout cas—ce qui m'exclut de pas mal de choses. Je finis par recevoir quantité de plaintes et je n'ai personne vers qui me tourner. Il n'y a nulle part où se vider le coeur.

    Si j'ai un problème avec une banque, comme député, je peux m'adresser à l'ombudsman de la banque ou de tout autre établissement. Il y a normalement une porte où frapper, où l'on peut obtenir des résultats si l'on a abouti dans une impasse, sauf aux Anciens combattants. Je suis tout à fait en faveur d'un rôle pour vous auprès des Anciens combattants et j'espère que nous trouverons une solution aux difficultés qui existent.

    Cela me fascine, la clause concernant les événements survenus avant le 15 juin 1998. Je n'étais pas sûr que c'était le cas.

+-

    M. André Marin: Je peux peut-être vous expliquer son origine. À l'époque, à la création du poste, on craignait beaucoup que cela serve à rouvrir le dossier de la Somalie. La disposition avait pour but d'encourager le bureau à se tourner vers l'avenir et non sur le passé. Elle a fait l'objet de vives critiques à l'époque, car il est très inhabituel de retrouver une telle disposition dans le mandat d'un ombudsman. Normalement, celui-ci a la liberté de prendre ses décisions sans en référer à ses maîtres politiques.

    Néanmoins, comme je l'ai dit, elle ne nous a pas causé trop de mal. Je ne suis pas très critique à son endroit. Une fois seulement M. McCallum nous a interdit d'examiner un cas. Toutes les autres fois où nous avons demandé à revenir en arrière, nous y avons été autorisés. C'est possible, je crois, à cause de la transparence du bureau.

    Ce que vous avez dit, en tout cas, est tout à fait juste. Dans ses fonctions, l'ombudsman porte plusieurs casquettes. Pouvoir se vider le coeur, c'est important. Il ne s'agit pas seulement d'envoyer la cavalerie, de lancer une grosse enquête et de produire un rapport; il faut aussi savoir écouter et donner aux gens de l'information et des conseils. C'est une fonction très importante. Il ne faut pas la minimiser. Il ne s'agit pas seulement de faire des enquêtes de grande envergure.

»  +-(1710)  

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Madame Wayne, vous avez cinq minutes.

+-

    Mme Elsie Wayne: Merci beaucoup.

    Je tiens à vous remercier personnellement. Je trouve que vous faites de l'excellent travail, sincèrement. Vous écartez les considérations politiques et c'est ainsi que cela doit se faire. C'est quelque chose que nous suivons depuis longtemps déjà.

    C'est la même chose lorsqu'il s'agit des anciens combattants. Si vous étiez leur ombudsman, je suis certaine que toutes les veuves, et pas seulement celles qui remontent à 1990, bénéficieraient du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, le PAAC. J'ai reçu un coup de téléphone d'une veuve dont le mari était mort en août 1990. Il était un ancien combattant. Elle n'a pas eu droit au PAAC, mais une dame qui habitait en face de chez elle, dont le mari est mort en septembre 1990, y a eu droit. La veuve était en sanglots quand elle m'a téléphoné.

    Lorsqu'il est question des anciens combattants, il nous faut quelqu'un qui ne politise pas leur cas et qui agit dans leur intérêt. Ils sont aujourd'hui très âgés. La plupart d'entre eux ne sont pas bien portants et ils ont besoin d'un porte-parole.

    Pensez-vous avoir le temps qu'il faut ou êtes-vous trop occupé pour assumer ce fardeau?

+-

    M. André Marin: Il faudrait une petite réorganisation du bureau avec quelques employés de plus, peut-être, pour créer une cellule spécialisée qui s'occuperait de ces cas. Mais pour moi, ce n'est pas un gros obstacle. Il ne serait pas nécessaire de réinventer le bureau ou de réaffecter les ressources de fond en comble.

    Je trouve très émouvant ce que vous avez dit à propos de la veuve qui vous a téléphoné. Pour ce qui est des cas dans lesquels nous sommes intervenus, je me souviens de la fois où on nous a signalé le cas des anciens combattants de Suffield. Sur les 3 500, combien sont encore en vie? Peut-être 2 000 ou moins encore.

»  +-(1715)  

+-

    Mme Elsie Wayne: C'est cela.

+-

    M. André Marin: À 80 ans, ils en sont réduits à écrire des lettres au journal, à participer à des émissions-débats; c'est ce qu'on oblige ces gens-là à faire. Je me rappelle les lettres que j'ai reçues et qui avaient été dactylographiées avec de vieilles machines à écrire. Ils font cela dans leur sous-sol, ils sont laissés à eux-mêmes.

    Je me rappelle, quand je les ai rencontrés, lorsque je leur ai dit que j'allais m'occuper de leurs affaires, que je ferais ceci et cela, ils me regardaient avec de grands yeux, presque incrédules. J'avais l'air de tomber du ciel.

    Notre bureau sert de courroie de transmission, et il utilise son statut et son autorité morale pour canaliser ces griefs d'une manière ordonnée. Monsieur Cotter, qui m'a précédé aujourd'hui, est un cas typique; dans nos contacts avec ces anciens combattants, nous voyons qu'ils ont le coeur à la bonne place. C'est la justice qu'ils recherchent et pour ce faire, ils comptent sur leur fils, un parent, leur journal local. Ce n'est pas une façon ordonnée de procéder pour un ancien combattant qui a une cause à défendre. Ce n'est pas sa faute, bien sûr, mais c'est là qu'un ombudsman peut peser dans la balance. Nous avons du personnel spécialisé, les connaissances voulues et nous avons accès aux autorités. Nous sommes en mesure d'articuler, de verbaliser leurs préoccupations et de vous faire part des tendances. Par exemple, nous vous avons expliqué la tendance qui se dégage de ces cas. Nous sommes en mesure de catégoriser les griefs.

    C'est donc une ressource incroyable que nous offrons à ces gens et qu'ils ne trouvent pas au ministère des Anciens combattants.

+-

    Mme Elsie Wayne: Je dois dire que M. Tanner m'a contactée plusieurs fois de la Colombie-Britannique en ce qui concerne la situation du gaz moutarde. D'ailleurs, j'ai reçu encore aujourd'hui une autre télécopie de ce brave homme. Mais il a fait votre éloge, c'est sûr, et il m'a dit à quel point vous l'aviez aidé.

    Je tiens seulement à dire, monsieur le président, que je suis parfaitement d'accord pour dire que nous avons besoin.... peu importe la forme que cela prendra, qu'il s'agisse d'un inspecteur général ou d'un subordonné de l'ombudsman qui pourra s'occuper de cela, sous sa direction, peu importe la manière dont il entend procéder. Je pense que nous devons absolument nous pencher là-dessus et agir le plus vite possible.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Monsieur O'Reilly, je sais que vous vouliez faire une brève intervention.

+-

    M. John O'Reilly: Merci.

    Je suis membre du comité du 60e anniversaire du débarquement de Normandie, et ce que je constate au ministère des Anciens combattants, c'est que les clients ont plus de 80 ans, 84 ans ou 86 ans. Nous avions une photo hier qui nous montrait le général Rohmer, Garth Webb et Jan DeVries, et toutes ces personnes sont dans le club des 80 ans et plus.

    À mon avis, le problème des clients est un problème de communication moderne. J'ai un ordinateur de poche Palm Pilot avec lequel je peux prendre des photos, faire la lessive et qui me dit à quelle heure me lever le matin. Il contient un téléphone satellite et tous ces beaux machins. Mais ça ne marche pas dans mon comté parce que nous n'avons pas le numérique. Je suis député fédéral, et on penserait que je peux me servir de mon Palm Pilot chez-moi.

    Quoi qu'il en soit, si je donnais aux gens qui me contactent sept adresses de sites Web où ils peuvent obtenir ces informations, ils penseraient qu'un site Web, c'est quelque chose de déplaisant, qu'il faut jeter.

    Je constate que nous comptons beaucoup trop sur les moyens de communication que nous avons à Ottawa, mais ceux-ci sont tout simplement inutiles dans certains coins de mon comté. Je ne m'en plains pas, mais si vous unissez mon comté et celui de Larry McCormick, vous vous retrouvez avec un tiers du territoire du sud de l'Ontario. Il y a près de 60 localités chez-nous et 18 pavillons de la Légion. Ils sont très rares ceux qui disposent de bonnes communications et qui ont un accès informatique autre qu'aux PAC, etc.

    Donc, le problème selon moi, ce sont les moyens de communication dont se servent maintenant la plupart des ministères. Vous le savez, nous avons du mal maintenant à parler à des employés des Anciens combattants au téléphone. Tout est automatisé maintenant. Vous décrochez le téléphone, vous téléphonez aux Anciens combattants, et c'est quelqu'un à Sudbury ou à Charlottetown qui vous répond, avec tous ces systèmes téléphoniques automatisés. Les gens qui ont plus de 80 ans ne s'y retrouvent pas, et c'est pourquoi ils se tournent vers les députés fédéraux comme Rick, moi-même et Claude, et les autres députés qui sont ici. Nous devons ensuite nous battre pour eux, et nous n'avons pas l'accord des tiers pour obtenir toutes les informations nécessaires en raison des problèmes liés à l'accès à l'information. Nous essayons parfois de jouer votre rôle sans avoir les moyens qu'il faut, et c'est probablement la raison pour laquelle je crois de tout mon coeur qu'il faut ajouter le ministère des Anciens combattants à votre service et que c'est cela qu'il faut faire.

    C'est ce que je crois.

+-

    M. André Marin: Monsieur O'Reilly, vous avez parfaitement raison. Ces gens ont énormément de mal à avoir accès aux mécanismes internes. C'est la raison pour laquelle nous avons structuré notre bureau avec la plus grande simplicité, avec le guichet unique. Vous pouvez téléphoner à un numéro sans frais, le 1-888-8BUDMAN, et pour simplifier encore plus les choses, vous pouvez téléphoner de n'importe où dans le monde. Et c'est ainsi que nous aidons les gens. Les députés fédéraux de tous les partis nous soumettent constamment des cas. Des ministres de la Défense nationale ont fait appel à nous aussi.

    C'est là notre raison d'être. Nous sommes le trait d'union entre toutes ces instances dont vous avez parlé et nous tâchons de faciliter la vie aux gens qui veulent accéder à ces mécanismes.

+-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): Monsieur Bachand.

[Français]

+-

    M. Claude Bachand: Merci.

    Si on donnait votre mandat tel qu'il est décrit dans ce livre à un ombudsman du ministère des Anciens combattants, pensez-vous que cela pourrait être très utile aux anciens combattants?

+-

    M. André Marin: Je pense que cela pourrait être très utile comme solution intérimaire. Le bureau de l'ombudsman attend son mandat législatif depuis six ans. Un tel mandat temporaire comblerait le vide qui existe en ce moment, et on pourrait apporter un amendement législatif pour nous donner le fondement juridique qu'il nous faut pour fonctionner.

+-

    M. Claude Bachand: Me dites-vous que le fondement législatif n'existe pas actuellement?

+-

    M. André Marin: Il n'est pas là.

»  +-(1720)  

+-

    M. Claude Bachand: Cela a-t-il été fait par décret?

+-

    M. André Marin: Ce n'est qu'une directive ministérielle. Le ministre donne une directive au chef d'état-major et au sous-ministre, nous donnant les pouvoirs qu'il nous faut pour fonctionner. C'est une solution intérimaire qui a fonctionné jusqu'à maintenant, mais nous fonctionnons comme cela depuis six ans. Nous attendons notre fondement législatif, et on nous a dit qu'il s'en venait. Mais il faudrait aussi avoir l'accord du ministre des Anciens combattants. Le ministre de la Défense ne peut pas tout simplement nous donner cela. Il faudrait que cela vienne du ministre des Anciens combattants. Cependant, M. McCallum a toujours cru dans le bureau de l'ombudsman et nous a appuyés constamment. Je ne peux évidemment pas parler au nom de M. McCallum, mais je ne pense pas qu'il y aurait de problème. Il faudrait que les deux ministres s'entendent pour faire cela.

+-

    M. Claude Bachand: Mais cela ne vous donnerait pas des pouvoirs supplémentaires. Qu'est-ce que cela fait qu'il n'y ait pas de fondement législatif à votre organisation? J'imagine que si quelqu'un décide de vous poursuivre, c'est le gouvernement qui prend cela en charge.

+-

    M. André Marin: Si nous avions un fondement juridique, nous ne dépendrions pas d'un ministre pour avoir notre autorité. Nous aurions une loi, et notre existence serait mieux assurée.

+-

    M. Claude Bachand: Très bien.

+-

    M. André Marin: Cela pose un problème de perception et aussi un problème de fonctionnement. Vous parlez d'une poursuite judiciaire. La plupart des ombudsmans ont une immunité contre les poursuites civiles. Les directives ministérielles ne peuvent pas nous octroyer cela. Il faut une loi pour nous donner cela. Donc, il y a toutes sortes de choses qu'il faudrait faire pour nous donner finalement le fondement juridique qu'il faut pour faire fonctionner le bureau.

+-

    M. Claude Bachand: J'imagine que vous demandez assez régulièrement au ministère de vous donner la loi qu'il vous avait promise pour entourer votre travail. Quelle réponse vous donne-t-on? Est-ce que cette loi est au moins en préparation?

+-

    M. André Marin: On ne le sait pas. Au début, nous insistions fortement, mais nous avons vu que cela n'allait pas se produire dans les mois suivants. Donc, nous avons un peu abandonné. Nous revenons à la charge cette année parce que nous existons depuis six ans et que nous avons eu cet engagement. Étant donné l'appui que nous ont donné les ministre Eggleton, Pratt et McCallum, je suis convaincu qu'il n'y aura pas d'objections du côté politique. Il faudrait simplement qu'on s'engage à terminer ce projet. Nous croyons qu'après six ans, il est temps que cela se fasse. Il faut achever ce projet. Il faut mettre les point sur les i.

+-

    M. Claude Bachand: C'est exact.

    J'aimerais que vous m'entreteniez un peu du comité consultatif. Je sais que ses membres se réunissent régulièrement. De quoi discutent-ils? Qui sont ces individus? Vous pouvez les choisir, mais à partir d'une liste qui vient du ministère, je pense.

+-

    M. André Marin: Non. Je choisis moi-même les candidats et je les soumets au ministre. Chaque fois que j'ai soumis une candidature, elle a été acceptée par le ministre. Ce sont des gens que je choisis pour représenter les différents rangs et expériences. Il y en a qui sont d'anciens membres et d'autres qui sont actuellement dans la chaîne de commandement.

    Nous nous rencontrons environ quatre fois par année, pendant une journée. Je leur présente plutôt des problèmes hypothétiques, des tendances qu'on observe, et j'obtiens leur feedback. Je leur demande s'ils ont des commentaires à faire et des orientations à me suggérer.

    Ce comité n'examine pas de cas individuels. Il s'occupe tout simplement de l'orientation. Il nous donne des conseils de politique générale. C'est aussi le comité qui décide qui va recevoir les Mentions de l'Ombudsman. Chaque année, je donne quelques prix d'excellence, en éthique, de collaboration avec le bureau. Donc, nous revoyons les candidatures et ils me proposent des candidats.

    C'est un comité extrêmement important pour le fonctionnement du bureau au plan des opérations générales. Nous avons des gens qui sont d'anciens lieutenants-généraux ou des sergents que je suis allé chercher dans les rangs ou à la retraite pour m'aider à gérer le bureau. C'est un comité qui fonctionne de façon très productive, et j'apprécie énormément sa contribution.

+-

    M. Claude Bachand: Ce sont pour la plupart des gens inactifs aujourd'hui, ou plutôt des gens qui ont terminé leur service militaire.

+-

    M. André Marin: Oui, mais il y en a aussi qui sont actuellement dans le service militaire,...

+-

    M. Claude Bachand: Oui?

+-

    M. André Marin: ...dans la chaîne de commandement. C'est pour cela qu'on ne leur soumet pas des cas individuels. Cela me donne un genre de mécanisme pour voir quelle réaction j'aurais à mes idées si j'allais à la chaîne de commandement. Je m'en sers un peu comme d'un groupe d'opinion générale. Ils me disent que si je leur proposais telle chose, leur réflexe serait de dire telle ou telle chose. Cela me permet de mieux planifier mon approche lorsque je vais à la chaîne de commandement.

»  -(1725)  

+-

    M. Claude Bachand: Pouvez-vous aussi vous en servir comme d'un instrument de lobbying? Pouvez-vous demander à ces gens d'aller parler au général Henault pour lui demander de vous donner un fondement législatif comme ombudsman? Pouvez-vous faire cela aussi?

+-

    M. André Marin: Je le pourrais, mais je ne me sers pas du comité pour cela. J'ai accès au ministre et au comité parlementaire, et il m'appartient de faire mon propre lobbying.

+-

    M. Claude Bachand: Très bien. Merci.

[Traduction]

-

    Le président suppléant (M. Murray Calder): D'accord.

    La sonnerie va retentir dans quelques minutes, à 17 h 30, alors je vous remercie, Barbara et André, d'avoir été des nôtres aujourd'hui. Les informations que vous nous avez communiquées sont très utiles et nous vous en remercions vivement.

    La séance est levée.