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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent du patrimoine canadien


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 21 avril 2004




¹ 1530
V         La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.))
V         M. André Cornellier (photographe et vice-président pour le droit d'auteur, Canadian Photographers' Coalition)
V         La présidente
V         M. André Cornellier
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V         M. André Cornellier
V         L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.)
V         M. André Cornellier

¹ 1535

¹ 1540

¹ 1545
V         La présidente
V         M. Alex Cameron (membre, Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada)
V         La présidente
V         M. Alex Cameron

¹ 1550
V         La présidente
V         Mme Nancy Marrelli (présidente, Comité du droit d'auteur du Bureau canadien des archivistes)

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         Mme Anne Kothawala (présidente et chef de la direction, Association Canadienne des Journaux)

º 1605

º 1610
V         La présidente
V         M. Ron Poling (chef du Service Photo, Presse canadienne)

º 1615
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC)

º 1620
V         Mme Nancy Marrelli
V         M. Alex Cameron
V         M. André Cornellier

º 1625

º 1630
V         La présidente
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Cornellier
V         M. Ron Poling

º 1635
V         L'hon. John Harvard
V         M. Ron Poling
V         M. André Cornellier

º 1640
V         La présidente
V         Mme Nancy Marrelli
V         La présidente
V         L'hon. John Harvard
V         M. Ron Poling
V         L'hon. John Harvard
V         M. Ron Poling
V         L'hon. John Harvard
V         M. Ron Poling
V         L'hon. John Harvard
V         M. Ron Poling
V         L'hon. John Harvard
V         M. Ron Poling
V         L'hon. John Harvard

º 1645
V         M. André Cornellier
V         L'hon. John Harvard
V         M. André Cornellier
V         L'hon. John Harvard
V         M. Alex Cameron
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli

º 1650
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         Mme Nancy Marrelli
V         L'hon. John Harvard
V         La présidente
V         Mme Nancy Marrelli
V         La présidente
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)

º 1655
V         M. Alex Cameron
V         M. André Cornellier
V         M. Alex Cameron
V         M. André Cornellier
V         La présidente
V         M. Ron Poling
V         La présidente
V         M. Ron Poling

» 1700
V         La présidente
V         M. Gary Schellenberger
V         M. André Cornellier

» 1705
V         M. Alex Cameron
V         M. André Cornellier
V         M. Alex Cameron
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Cornellier
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Cornellier

» 1710
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Cornellier
V         Mme Christiane Gagnon
V         M. André Cornellier

» 1715
V         Mme Anne Kothawala
V         La présidente
V         Mme Nancy Marrelli
V         M. Ron Poling

» 1720
V         La présidente
V         M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.)
V         La présidente
V         M. Alex Cameron

» 1725
V         La présidente
V         Mme Nancy Marrelli
V         La présidente
V         Mme Anne Kothawala
V         La présidente
V         M. André Cornellier

» 1730
V         La présidente










CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 008 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 avril 2004

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.

    La séance est ouverte. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité étudie le rapport d'étape du gouvernement sur la réforme du droit d'auteur. Les deux heures de la séance d'aujourd'hui seront consacrées plus particulièrement aux oeuvres photographiques.

    Je suis sûre que vous avez tous vu le rapport d'étape qui a été préparé conjointement par les ministères de l'Industrie et du Patrimoine canadien. Nous espérons aujourd'hui recevoir vos conseils quant aux démarches... Vous avez vu les deux démarches qui sont proposées dans le rapport d'étape relativement aux oeuvres photographiques. Nous nous attendons aujourd'hui à entendre votre point de vue sur la démarche que nous devrions suivre—ou s'il y en a d'autres, vous pourriez peut-être nous les proposer pour que nous puissions avancer dans notre étude.

    Nous espérons être en mesure, une fois que nous aurons passé deux semaines à entendre des témoignages, de faire rapport au gouvernement.

    Nous accueillons, de la Canadian Photographers' Coalition, André Cornellier, photographe et vice-président pour le droit d'auteur.

    Monsieur Cornellier.

[Français]

    Monsieur Cornellier, bonjour et bienvenue.

+-

    M. André Cornellier (photographe et vice-président pour le droit d'auteur, Canadian Photographers' Coalition): Merci, madame la présidente. Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

    Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à venir discuter avec vous de la réforme de la Loi canadienne sur le droit d'auteur.

    Je m'appelle André Cornellier. Je suis photographe. Je suis également coprésident de la Canadian Photographers' Coalition, qui représente plus de 14 000 photographes oeuvrant dans tous les domaines de la photographie à travers le Canada.

    Notre coalition regroupe les membres des Photographes professionnels du Canada, PPC, et de l'Association canadienne de photographes et illustrateurs en communication, ACPIC, dont je suis membre.

    Depuis les tout débuts de la photographie, les photographes canadiens sont reconnus et respectés pour la qualité artistique de leurs images. Leurs oeuvres sont recherchées et prisées par les collectionneurs, et celles de photographes canadiens légendaires comme Notman, Karsh et Malak sont vénérées dans le monde entier.

    Comme tous les créateurs, nous avons besoin de lois sur le droit d'auteur pour que l'intégrité de nos créations et les avantages que nous en tirons soient protégés. Le rapport d'étape du gouvernement aborde deux enjeux relatifs au droit d'auteur pour les photographies devant être réexaminées dans le cadre de la réforme de la législation canadienne sur le droit d'auteur.

    Premièrement, le gouvernement a accepté d'abroger le paragraphe 10(2) de la loi. Ce paragraphe stipule que le propriétaire du négatif d'une photographie en est l'auteur. Nous sommes également d'avis que le paragraphe 10(2) de la loi doit être abrogé. Cela aura pour effet de moderniser notre loi afin de la rendre conforme à la réalité technologique d'aujourd'hui.

    Le deuxième grand enjeu concerne le droit d'auteur pour les photos commandées. C'est un point sur lequel la législation canadienne sur le droit d'auteur a pris du retard sur les lois correspondantes d'autres pays. Nous sommes heureux que le gouvernement ait accepté de modifier la loi sur le droit d'auteur de manière à ce que le photographe soit considéré comme l'auteur de la photographie et titulaire du droit d'auteur relatif à toutes les photographies commerciales commandées.

    Comme le font la plupart des lois internationales sur le droit d'auteur, la loi canadienne considère l'auteur d'une oeuvre comme le premier titulaire du droit d'auteur pour cette oeuvre. Néanmoins, contrairement à la plupart des autres créations, les photographies commandées sont expressément exclues. Dans la loi canadienne, c'est la personne qui a commandé la photo, et non pas l'auteur, qui est présumée détenir le droit d'auteur pour l'image, à moins de stipulations contraires.

    Le Canada a emprunté cette anomalie étrange à une loi britannique qui était en vigueur en 1924, mais qui a été abolie depuis. Alors que de nombreux pays, dont la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis, faisaient autrefois une distinction dans leurs lois entre les photographes et les autres créateurs, ils ont tous changé leurs lois pour donner aux photographes les mêmes droits d'auteur pour les oeuvres commandées que ceux dont jouissent les autres créateurs. Pourtant, la loi canadienne continue à être décalée par rapport au reste du monde.

    Cette loi dépassée entraîne chaque année une perte de revenus pour les photographes canadiens. Aux États-Unis, les images d'archives sont un secteur d'activités important depuis l'avènement d'Internet, les ventes annuelles se chiffrant à 3,7 milliards de dollars US. La plus grande agence américaine de photos d'archives a, à elle seule, un chiffre d'affaires de 700 millions de dollars, mais parce que les photographes canadiens ne sont pas toujours les premiers titulaires du droit d'auteur, notre participation au marché de la photo d'archives est limitée.

    La première condition de la participation d'un photographe...

+-

    La présidente: Excusez-moi. Pourriez-vous simplement nous expliquer ce que sont les images d'archives?

+-

    M. André Cornellier: Bien sûr. Les images d'archives...

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Vous parlez français et vous lisez votre texte en anglais. Vous allez beaucoup trop rapidement, l'interprétation n'a pas le temps de traduire tout ce que vous dites. Donc, j'aimerais que vous freiniez un petit peu votre rythme. Merci.

+-

    M. André Cornellier: D'accord, merci.

[Traduction]

    Les images d'archives sont essentiellement un service offert par une agence. L'agence me représente. Elle représente des centaines de photographies et chaque agence... Voici un exemple d'agence canadienne d'archives photographiques. L'agence publie un répertoire comme celui-ci dans lequel figurent les images produites par des photographes et qui ont été confiées à l'agence en question. Les images appartiennent au photographe. L'agence joue le rôle d'intermédiaire et prend une commission lorsqu'elle autorise l'utilisation d'une photographie. Les photographies ne sont pas vendues, mais bien cédées en vertu d'une licence. Chaque utilisation est négociée par l'agence qui se garde un pourcentage et qui remet le reste au photographe.

+-

    L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): C'est un peu comme une bibliothèque commerciale.

+-

    M. André Cornellier: Oui, d'une certaine façon. Le photographe demeure propriétaire du droit d'auteur. Il le confie toutefois à cette agence, qui possède un énorme site Web que les gens visitent pour y trouver des photos. Ils cherchent des photos pour de la publicité, des magazines, des brochures, etc. Si, par exemple, Bell Canada a besoin d'une image montrant une personne au téléphone, la compagnie va louer la photo en question de l'agence. Elle va payer un droit pour utiliser l'image pendant six mois, pour la faire paraître, par exemple, dans les journaux.

    La première condition de la participation des photographes au marché des images d'archives est qu'ils soient propriétaires du droit d'auteur relatif à ces images. Mais parce que la loi canadienne comporte deux différents types de titulariat du droit d'auteur, les agences d'archives photographiques ne sont guère disposées à inclure les oeuvres de photographes canadiens dans leur répertoire.

    Au Canada, le nombre de photographes est le dixième de ce qu'il est aux États-Unis, mais les revenus annuels de notre plus grande banque d'images ne sont que de 21 millions de dollars, alors qu'ils devraient être beaucoup plus élevés. Sur le plan individuel, nous pensons, en nous fiant à l'expérience américaine, que de nombreux photographes canadiens perdent chaque année entre 50 et 100 000 $ de revenus.

    Dans sa mise à jour sur le rapport produit en vertu de l'article 92 qu'il a déposé auprès de votre comité le mois dernier, le gouvernement a reconnu que, pour les photographies commerciales, le droit d'auteur devrait être attribué au photographe. Nous nous réjouissons de cette décision tant attendue, et nous remercions tous ceux qui y ont joué un rôle.

    Malheureusement, le document indique que, pour les photos commandées prises à des fins privées ou personnelles, des études plus poussées s'imposent. Si je comprends bien, le principal argument avancé contre l'extension de la protection du droit d'auteur aux photographies commandées à des fins personnelles est venu d'Industrie Canada, qui souhaite protéger la vie privée des personnes apparaissant sur les photos et l'utilisation de ces photos.

    On a peut-être invoqué devant vous le fait que donner au photographe le droit d'auteur pour une photo commandée mettrait en péril les droits des personnes apparaissant sur les photos pour ce qui est de protéger et de contrôler l'utilisation des photos les représentant. Cette crainte n'est pas justifiée. En réalité, la vie privée des personnes représentées dans des photographies commandées est déjà protégée par de multiples mesures, qui vont bien au-delà de ce que pourrait sous-entendre le paragraphe 13(2) de la Loi sur le droit d'auteur.

    Tout d'abord, le droit à la vie privée des personnes apparaissant sur des photos a été clairement et fermement protégé par la Cour suprême du Canada dans Aubrey c. Éditions Vice-Versa Inc. en 1998. Dans cette décision, la Cour a statué que le droit de contrôler la publication d'une image personnelle est une composante fondamentale du droit à la protection de la vie privée. Ce droit de contrôler la publication de l'image personnelle existe, quoi que dise le paragraphe 13(2) de la Loi sur le droit d'auteur.

    Les lois sur la protection de la vie privée du Québec, du Manitoba, de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve protègent expressément, elles aussi, les droits des personnes représentées dans des photographies commandées et stipulent que leur image personnelle ne peut être utilisée sans autorisation. Qui plus est, le droit canadien de la responsabilité délictuelle, pour ce qui est de l'usurpation de l'identité, la diffamation et l'obligation de conserver le secret, par exemple, ajoute une protection supplémentaire pour les personnes représentées dans des photographies commandées qui ne veulent pas que leur image soit utilisée à des fins commerciales. Tout ceci vient s'ajouter à la norme en vigueur dans l'industrie qui stipule qu'une décharge autorisant l'utilisation de la photo doit être signée par toutes les personnes photographiées lorsqu'il est possible de les identifier.

    Ainsi, non seulement les photos sont déjà soumises à la législation qui protège la vie privée, mais plusieurs études réalisées par le gouvernement ont également indiqué sans conteste que la Loi sur le droit d'auteur n'est pas un mécanisme approprié pour assurer la protection du droit à la vie privée. Prenons, par exemple, le Livre blanc de 1984 intitulé De Gutenberg à Télidon. Les auteurs du Livre blanc affirmaient que la législation relative au droit d'auteur ne visait pas à protéger le droit à la vie privée, et ils invitaient le gouvernement à abroger la disposition concernant les oeuvres commandées et à préciser que le droit d'auteur appartient à l'auteur de l'oeuvre. L'année suivante, en 1985, le Sous-comité sur la révision du droit d'auteur a publié un rapport intitulé Une charte des droits des créateurs et créatrices dans laquelle il disait essentiellement la même chose.

    Comme vous pouvez le constater, le Canada a déjà un système complet de lois sur les droits des Canadiens qui les protègent parfaitement contre toute utilisation non autorisée ou indésirable de leur image personnelle.

    Dans tous les autres pays industrialisés, ou presque, les photographes détiennent le droit d'auteur pour leurs photos commandées et le droit à la vie privée des personnes figurant sur ces photos est quand même protégé. Il est protégé, non pas par la Loi sur le droit d'auteur, mais par la loi relative à la vie privée, comme cela devrait être. La seule exception notable est l'Australie.

¹  +-(1535)  

    Certains d'entre vous savent sans doute que, si la nouvelle Loi australienne sur le droit d'auteur stipule que le photographe détient généralement le droit d'auteur pour les photos commandées, une exception est faite pour les photos commandées prises à des fins privées ou domestiques. En Australie, c'est la personne qui a commandé ces photos qui détient le droit d'auteur. Nous nous sommes demandé pourquoi l'Australie se démarquerait ainsi de ce qui se fait dans d'autres pays. Cette décision s'explique par le fait qu'il n'y a absolument rien dans la Loi australienne sur le droit à la vie privée qui protège l'utilisation de l'image personnelle. La situation en Australie est différente de celle qui existe au Canada. La Loi australienne sur le droit d'auteur inclut la protection de la vie privée parce que, sans cela, il n'y aurait aucune protection en droit de la vie privée.

    Tous les autres pays, y compris les États-Unis ont choisi de protéger la vie privée de la façon que nous proposons. C'est l'approche que devrait adopter le Canada dans la modernisation de sa Loi sur le droit d'auteur.

    Les photographes conviennent de l'importance primordiale du droit à la vie privée, et c'est un droit que nous prenons au sérieux, mais la solution qui est proposée ne donnera pas les résultats escomptés à cause de la réalité du marché. Nous craignons que si l'on suit le modèle australien au Canada, cela ne fasse plus de mal que de bien. Dans bon nombre, sinon dans la plupart des cas, la personne qui a commandé la photo n'est pas celle qui y est représentée. Prenons l'exemple d'une photo de groupe. La personne qui aura commandé la photo détiendra le droit d'auteur non seulement pour son image à elle, mais pour celle de tous les autres membres du groupe. Bien souvent, la personne qui a commandé la photo n'y figure même pas. Prenons l'exemple des écoles qui, chaque année, commandent à un photographe des photos de centaines d'élèves. Dans le modèle australien, c'est l'école qui détiendrait le droit d'auteur—pas les parents ni les enfants figurant dans les photos. Il en serait de même pour les photos d'équipes sportives juniors, d'équipes de baseball ou de participants à un tournoi de golf ou de tennis. Dans chacun de ces cas, la personne représentée sur la photo ne serait pas titulaire du droit d'auteur. C'est l'école, l'entraîneur de l'équipe de hockey ou le club de golf qui aurait commandé la photo qui détiendrait le droit d'auteur.

    Qu'arriverait-il si l'école fermait, si l'équipe de hockey changerait d'entraîneur ou si le club de golf était vendu? Ne serait-il pas plus facile pour tout le monde de communiquer avec le photographe? On serait obligé de communiquer avec lui de toute façon, parce que c'est lui qui aurait l'original dont on aurait besoin pour faire faire des reproductions.

    Prenons maintenant l'exemple des photos de mariage. La plupart du temps, c'est un parent qui commande les photos et qui les paye pour en faire cadeau aux nouveaux mariés. Cette personne—le père, la mère ou l'oncle—serait titulaire du droit d'auteur pour les photos des mariés, mais aussi du ministre du culte, de la belle-famille, des amis, des collègues, des traiteurs, du chauffeur de la limousine et de bien d'autres personnes qu'elle ne connaîtrait même pas. Est-il raisonnable que toutes ces personnes aient à demander à l'oncle de la mariée la permission de faire faire des reproductions de leur image personnelle? Qu'advient-il du droit d'auteur quand l'oncle décède? Qu'advient-il lorsqu'il y a un divorce?

    Dans toutes ces situations, la vie privée des personnes qui figurent sur les photos ne bénéficierait d'aucune protection supplémentaire si nous adoptions l'amendement australien. Le droit d'auteur n'appartiendrait ni à la personne représentée sur la photo ni au photographe, mais à une tierce personne. En quoi la vie privée des gens serait-elle mieux protégée de ce fait?

    Quand le photographe est titulaire du droit d'auteur, tout devient simple. Chacun sait qui est titulaire du droit d'auteur et qui possède l'original. Chacun sait à qui s'adresser pour obtenir des reproductions. À cause la loi canadienne qui protège la vie privée, le photographe ne peut pas donner de reproduction des photos à moins d'avoir la permission de ceux qui y figurent. C'est d'ailleurs la seule façon de veiller à ce qu'on obtienne leur consentement.

    Remplacer une exception par une autre ne résoudra pas le problème. Cela n'aidera pas les photographes canadiens sur le marché international et cela ne protégera pas le droit des gens de contrôler l'utilisation de leur image personnelle.

¹  +-(1540)  

    Je voudrais pour conclure rappeler à votre comité qu'un projet de loi d'initiative parlementaire traitant de ce sujet est actuellement devant l'autre Chambre. Le projet de loi S-20 a été présenté par le sénateur Joseph Day, avocat et expert reconnu dans le domaine de la propriété intellectuelle. Ce projet de loi, s'il était adopté, apporterait toutes les modifications nécessaires à la législation sur le droit d'auteur. Si ce projet de loi arrive jusqu'à la Chambre, j'aimerais encourager tous les membres de votre comité à le soutenir.

    Je tiens à vous remercier à nouveau de m'avoir invité. J'espère que mon exposé vous aura convaincus que les photographes canadiens ont besoin que leur droit d'auteur pour les photos commandées soit protégé. Ils en ont besoin et ils le méritent.

    Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

¹  +-(1545)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cornellier.

    Je tiens à vous dire que nous avions effectivement demandé au sénateur Day de venir témoigner devant nous aujourd'hui, mais qu'il n'a pas pu venir à cause d'un autre engagement.

    Très bien. Alors, nous entendrons maintenant la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada, représenté par un de ses membres, M. Alex Cameron.

    Monsieur Cameron, j'ai oublié au début de la séance de rappeler aux témoins de se limiter à une dizaine de minutes pour leur exposé pour que nous ayons ensuite le temps de poser des questions.

    Je vous ai permis de dépasser légèrement le temps alloué, monsieur Cornellier, parce que je n'avais pas fait état de cette règle au départ.

+-

    M. Alex Cameron (membre, Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada): J'ai prévu de parler moins longtemps.

+-

    La présidente: Très bien.

    Je tiens à préciser aussi que nous aurons un vote ce soir. J'aimerais que tous les témoins puissent nous présenter leur exposé et que nous puissions ensuite leur poser des questions.

    Merci. Monsieur Cameron.

+-

    M. Alex Cameron: Merci.

    Je m'appelle Alex Cameron. Je suis avocat et étudiant des cycles supérieurs à l'Université d'Ottawa. Je représente aujourd'hui la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada, dont le sigle est CIPPIC. La CIPPIC est une clinique d'aide juridique intégrée à l'Université d'Ottawa, qui s'intéresse aux enjeux issus des droits d'auteur dans l'intérêt public. La CIPPIC a un site Internet (www.cippic.ca), qui fournit de l'information sur toutes ses activités.

    Nous avons déposé un mémoire écrit la semaine dernière, qui, je crois, a été transmis par courrier électronique à tous les membres. Nous sommes désolés d'avoir envoyé ce rapport tardivement. Je ne crois pas qu'il ait été traduit, mais il me semble que la traduction est en cours.

    Essentiellement la CIPPIC convient que les photographes devraient recevoir le même traitement que les autres créateurs en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. L'abrogation pure et simple du paragraphe 13(2) de la loi pose problème car elle serait injuste pour les consommateurs canadiens. Le comité doit tenir compte des intérêts des consommateurs. Voilà ce dont je vais vous entretenir aujourd'hui.

    La solution que je vais proposer répond aux intérêts des photographes et des consommateurs. Il est important de garder à l'esprit que chacun des éléments que je vais soulever consiste en une règle par défaut. Il ne s'agit pas d'un droit absolu. Il ne s'agit pas de dispositions qui limitent la capacité des photographes et d'autres artistes à obtenir des droits d'auteur pour leurs oeuvres. Selon nous, des règles par défaut, comme celles dont il est question ici, devraient favoriser la partie qui a le moins de pouvoir de négociation pour assurer qu'il incombe à la partie indiquée, soit la partie la plus forte, de négocier une autre attribution des droits dans un contrat.

    La CIPPIC a trois recommandations à faire à cet égard. Premièrement, ceux qui commandent des photographies ou d'autres oeuvres à des fins personnelles ou privées devraient être les premiers titulaires du droit d'auteur concernant ces oeuvres, sous réserve de stipulations contraires. Selon nous, il s'agit d'une situation logique, équilibrée et équitable pour ce qui est des oeuvres commandées à des fins personnelles et privées. Des règles différentes s'appliquent aux transactions commerciales. Nous convenons avec les photographes que les règles devraient être modifiées.

    Cette recommandation reflète les attentes raisonnables des consommateurs canadiens. Ces attentes ont deux volets. Par exemple, lorsqu'un couple engage un photographe pour prendre des photos de mariage, il s'attend à obtenir le droit d'utiliser ces photographies comme bon lui semble, et d'en faire des copies, de les envoyer à des amis, de les afficher dans des sites Internet familiaux, entre autres usages personnels et privés.

    Deuxièmement, lorsque des consommateurs engagent et paient un photographe ou un autre artiste, ils s'attendent à ce que le créateur ne fasse pas d'autres usages de l'oeuvre. Le couple ou les clients qui engagent un photographe pour prendre des photos de mariage s'attendent à ce que les photographies ne se retrouvent pas dans un portfolio utilisé à des fins commerciales. Si la règle était modifiée comme le veut la proposition, ou si la règle était simplement abrogée, une telle situation risquerait de se produire car le titulaire du droit d'auteur serait le photographe. Ainsi, les photographies pourraient se retrouver dans l'un de ces portfolios.

    Je vous rappelle que la règle que nous proposons est une règle par défaut. Elle ne limite en rien la capacité des photographes et d'autres artistes d'obtenir des droits d'auteur par contrat. C'est aux créateurs, aux photographes qu'il devrait appartenir de soulever cette question auprès du consommateur. Ce fardeau ne devrait pas peser sur le consommateur. Il n'est pas équitable de s'attendre à ce que le consommateur le fasse.

    La règle par défaut devrait favoriser la partie plus faible, soit le consommateur dans le cas qui nous occupe. Le consommateur n'a pas l'expérience professionnelle en matière de droits d'auteur, il ne connaît pas ces questions dans le détail, et n'a pas tous les renseignements. De façon générale, les consommateurs ne sont pas susceptibles d'aborder la question des droits d'auteur. Il est plus équitable de faire peser cette responsabilité sur les créateurs.

    Comme je l'ai dit, la règle par défaut doit être différente dans le cas d'oeuvres commandées à des fins commerciales. Par exemple, si un magazine retient les services d'un photographe, ce dernier devrait être le titulaire des droits d'auteur par défaut, dans des situations commerciales.

    Notre recommandation traite tous les créateurs de façon égale. Selon nous, notre recommandation devrait s'appliquer à toutes les oeuvres, pas uniquement aux oeuvres photographiques. C'est la nature de la commande qui importe, et non le type d'oeuvre.

¹  +-(1550)  

    Les personnes qui commandent des photos, un poème ou autres oeuvres à des fins personnelles et privées devraient être par défaut les premiers titulaires du droit d'auteur, sous réserve d'une entente contraire.

    Deuxièmement, la CIPPIC recommande que ceux qui commandent des photographies et d'autres oeuvres à des fins personnelles ou privées—ce qui restreint la catégorie—devraient jouir du droit, en vertu de la Loi sur le droit d'auteur, d'en limiter l'usage, d'empêcher qu'elles se retrouvent dans un livre d'inventaire, par exemple, ou sur la couverture d'une revue. Encore une fois, sous réserve d'une entente contraire. Une telle règle s'impose pour les mêmes raisons que la première recommandation que j'ai formulée.

    J'aimerais répondre brièvement à certaines questions relatives à la protection de la vie privée. L'affaire Aubrey a été jugée en vertu d'une loi québécoise et il n'y a aucune raison de croire que cette décision s'appliquera à l'ensemble du pays. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques comporte des exceptions qui permettent d'utiliser des oeuvres artistiques, littéraires et journalistiques sans obtenir de consentement.

    Notre deuxième recommandation obligerait les créateurs à obtenir le consentement des consommateurs pour montrer, distribuer ou utiliser les oeuvres que ceux-ci ont commandées. Je vous signale que l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande, l'Irlande et la Hollande ont adopté cette approche; ce n'est pas juste l'Australie dont la loi contient une disposition étrange. Tous ces pays reconnaissent les droits des consommateurs qui commandent des oeuvres dans de telles circonstances.

    La troisième recommandation concerne les portraits. Nous croyons que les sujets de portrait devraient avoir le droit de limiter la reproduction et la distribution de leur portrait en raison du caractère très particulier et personnel de ces oeuvres. Cette recommandation s'appliquerait quel que soit le titulaire du droit d'auteur et obligerait le portraitiste à obtenir le consentement du sujet avant d'utiliser son portrait. Ces règles se trouvent également dans les lois néerlandaise et belge.

    Avant de conclure, j'aimerais ajouter un commentaire au sujet de la première recommandation, soit le droit d'auteur par défaut. Il n'y a pas que l'Australie qui accorde le premier droit d'auteur au consommateur qui commande une oeuvre à des fins personnelles et privées, la Nouvelle-Zélande et l'Australie ont également de telles dispositions.

    Voilà mes trois recommandations. Je serai heureux de répondre à vos questions.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Cameron.

    Nous avons terminé l'audition de nos témoins. La parole est maintenant à Nancy Marrelli, présidente du Comité du droit d'auteur du Bureau canadien des archivistes.

    Bienvenue.

[Français]

+-

    Mme Nancy Marrelli (présidente, Comité du droit d'auteur du Bureau canadien des archivistes): Bonjour. Mon nom est Nancy Marrelli. Je suis l'archiviste à l'Université Concordia à Montréal.

[Traduction]

    Je suis également présidente du Comité du droit d'auteur du Bureau canadien des archivistes.

    Je suis heureuse d'avoir pu accepter l'invitation du Comité permanent du patrimoine canadien à venir vous parler des modifications aux dispositions relatives aux photographies de la Loi sur le droit d'auteur. Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant qu'archiviste; vous n'entendez probablement pas parler d'eux très souvent.

    Je suis ici aujourd'hui car il y a des millions de photographies dans les fonds des institutions d'archives du Canada. Il y a plus de 21 millions de photos dans la seule collection de la Bibliothèque nationale et des Archives nationales du Canada, à quelques pas d'ici. Il y a des millions d'autres dans les archives provinciales, municipales, universitaires et autres du pays, et même dans les archives familiales, dans des boîtes à soulier, des albums de photos, des enveloppes et des petits sacs de papier. Ces photographies font partie intégrante du patrimoine et de la culture de la société canadienne. Elles nous racontent et nous montrent qui nous sommes, ce que nous faisons et d'où nous venons.

    Les recommandations que vous formulerez au sujet de la protection des droits d'auteur à l'égard des photographies auront des répercussions économiques immédiates pour les photographies professionnelles, mais elles auront également une incidence sur la culture et le patrimoine canadien. Le rapport d'étape traite du projet de loi S-16, projet d'initiative parlementaire émanant du Sénat. Les modifications à la Loi sur le droit d'auteur proposées dans ce projet de loi reflètent les besoins et les intérêts des photographes professionnels. Nous croyons que le projet de loi et le rapport d'étape définissent les questions de manière très étroite, entre traitant des problèmes précis sans toucher à d'autres questions importantes, questions qui sont importantes pour nous.

    Les membres du comité ont entendu le point de vue des photographes professionnels et entendront celui des journaux. Ces groupes ont des intérêts importants et légitimes que le comité doit entendre, nous en convenons. Ce que je vous propose cet après-midi, c'est une perspective très différente : le point de vue des archivistes. Les fonds d'archives contiennent des photographies prises par des photographes professionnels, mais ceci ne représente qu'une petite proportion des photographies prises dans ce pays et une petite proportion des photographies historiques qui se trouvent dans les archives canadiennes. La vaste majorité des photographies dans nos archives ont été prises par des gens ordinaires, des gens comme vous et moi, qui ne sont pas des photographes professionnels.

    Permettez-moi de vous décrire un peu mon univers. Les personnes que je représente sont celles à qui vous avez confié le soin de recueillir, de préserver et de rendre disponibles à des fins de recherche historique des photographies prises par des Canadiens ordinaires de même que par des photographes professionnels il y a 10, 20, 50, 100 ans ou même plus longtemps. C'est le rôle des archives; c'est ce que je fais.

    Ces photographies constituent une partie intégrante et importante de notre patrimoine national. Toutes les recommandations que formulera le comité sur la protection du droit d'auteur à l'égard des photographies doivent faire en sorte que celles qui se trouvent dans les archives puissent être utilisées à des fins de recherche et d'étude et que nous ne serons pas plongés dans un trou noir bureaucratique où elles deviendront inaccessibles aux Canadiens. Je vous parle dans une perspective à long terme, pas à court terme nécessairement, ni même à moyen terme.

    Les photographies d'archives prises par des Canadiens ordinaires posent de nombreux problèmes de droits d'auteur. La plupart du temps, l'auteur de la photographie est inconnu. Votre oncle Jean, votre cousine Suzanne, votre voisin ne signent pas leurs photographies. Je ne sais pas qui a pris la plupart des photographies qui se trouvent dans mes propres albums de famille, surtout celles qui ont été prises avant ma naissance. Sans renseignement sur la personne qui a pris les photographies, il est impossible de trouver le titulaire du droit d'auteur. Il est donc impossible d'obtenir la permission ou de donner à nos chercheurs la permission d'utiliser les photographies. Si un chercheur ne peut pas obtenir la permission d'utiliser une photographie, celle-ci reste dans les limbes du droit d'auteur et il devient impossible d'effectuer une recherche historique précieuse.

    Les questions du droit d'auteur, de la paternité d'oeuvre et de la durée de la protection de ces droits à l'égard de photographies sont très simples lorsqu'on se place du point de vue d'un photographe professionnel et je pense que nous avons entendu ce point de vue présenté de manière très claire cet après-midi.

¹  +-(1555)  

    Ces mêmes questions sont beaucoup plus difficiles et complexes lorsqu'on se place du point de vue de l'archiviste qui doit assurer l'accès à des millions de photographies dont ne sait pas qui détient le droit d'auteur, qui a pris la photo, ni même la date de décès de ces personnes.

    La CIPPIC, que nous venons d'entendre, a proposé une solution intéressante à certaines des questions que je soulève. Elle propose d'accorder une protection différente aux photographies privées et commerciales prises par des photographes professionnels. Nous pensons que c'est une solution novatrice; cependant, d'après ce que nous en avons vu, nous ne croyons pas que ce soit une solution pratique à long terme. En outre, nous croyons qu'elle ne règle qu'une partie du problème.

    Je n'ai pas de dispositions législatives à vous proposer. J'aimerais bien avoir une baguette magique pour régler tous les problèmes de ceux qui sont assis à ce bout de la table, mais je n'en ai pas. Par contre, je vous dirai que nous devons trouver d'autres solutions que celles proposées dans le rapport d'étape. Il nous faut une loi sur le droit d'auteur qui protège les intérêts économiques des photographes professionnels tout en assurant l'accès aux vastes collections de photographies qui ont une valeur historique plutôt que commerciale, ce qui vise probablement la plupart des photographies prises dans ce pays.

    Je ne sais pas quelles sont les solutions possibles. Je sais que les analystes de la politique des ministères du Patrimoine et de l'Industrie ont été formés pour chercher des solutions. Nous sommes prêts et disposés à les rencontrer ainsi que les autres intervenants pour chercher ensemble des solutions viables, et même nous souhaiterions vivement les rencontrer.

    Le fait de modifier un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été rédigé afin de répondre aux problèmes des photographes professionnels ne répondrait pas aux besoins de tous les intervenants touchés par cette loi. Ce ne serait pas servir les intérêts des Canadiens.

    Je tiens à dire clairement que les intérêts économiques des photographes professionnels et des autres créateurs doivent être pris en considération très sérieusement. Nous le reconnaissons pleinement. Toutefois, il faut également tenir compte des intérêts des autres intervenants. Cela inclut les intérêts des chercheurs et des archives et des archivistes qui sont chargés d'acquérir, d'entreposer, de préserver et de rendre disponible le patrimoine documentaire que représentent les millions de photographies qui se retrouvent dans les fonds d'archives du pays.

    Je vous suggère de recommander aux ministères compétents d'identifier des options de politiques sur la propriété, la paternité des oeuvres et la protection du droit d'auteur à l'égard des photographies de manière à tenir compte des intérêts de tous les groupes, y compris les intérêts économiques des photographes professionnels et les intérêts de tous les citoyens ordinaires qui prennent des photographies et qui enregistrent l'histoire visuelle de notre pays en se disant que les générations futures y auront accès.

    Les archivistes croient fermement qu'il faut qu'une analyse sérieuse de la politique et un débat public fassent partie intégrante du processus de modification de la Loi sur le droit d'auteur. Une loi qui protège les droits des photographes a des répercussions importantes sur la politique publique et touche tous les Canadiens, pas seulement un segment ou l'autre de la société. Il y a des Canadiens qu'on ne voit pas nécessairement comme des intervenants traditionnels et qui veulent prendre part au débat sur ces questions de politiques publiques. Le processus devrait permettre une discussion et une exploration approfondie et ouverte de ces questions de politiques publiques par des représentants des différents segments de la société canadienne plutôt que dans une atmosphère sous pression où des lobbyistes puissants dominent le débat. Nous croyons que cette approche permettra de dégager un véritable consensus public sur ces questions importantes.

    Enfin, j'aimerais vous livrer un principe directeur qui nous semble important : un domaine public vigoureux est un élément essentiel d'une société éclairée et participative. Les lois sur le droit d'auteur accordent un monopole restreint aux détenteurs de ces droits. La protection du droit d'auteur ne s'étend pas au-delà de l'oeuvre originale et ne dure pas non plus indéfiniment. Les faits et les idées continuent à échapper au droit d'auteur. À la fin d'une période donnée, même les oeuvres protégées appartiennent au domaine public.

º  +-(1600)  

    Le Bureau canadien des archivistes est d'avis qu'il est tout aussi fondamentalement important de protéger le domaine public et d'en assurer la vigueur que de protéger les droits des particuliers et des sociétés qui détiennent des droits d'auteur.

    Je serais heureuse de répondre aux questions des membres du comité.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Marrelli.

    Nous entendrons maintenant Anne Kothawala, présidente et chef de la direction de l'Association canadienne des journaux.

    Ai-je mal prononcé votre nom?

+-

    Mme Anne Kothawala (présidente et chef de la direction, Association Canadienne des Journaux): Non, c'était très bien.

    Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

    L'Association canadienne des journaux est une association professionnelle qui représente des quotidiens de langue française et anglaise d'un océan à l'autre. Notre mandat est de promouvoir et de défendre la liberté de presse.

    Une photo d'actualité, puisque c'est de cela que je vais vous parler, est le produit de l'investissement des collecteurs d'informations qui couvrent l'actualité mondiale. Les quotidiens jouent un rôle essentiel dans une société démocratique en diffusant les nouvelles, bonnes et mauvaises, aux Canadiens. Les nouvelles et les photos sont le résultat d'investissements considérables en capital humain et financier.

    Un quotidien, dont un des rôles est de couvrir l'actualité doit souvent : premièrement, téléphoner; deuxièmement, s'entendre avec le sujet; troisièmement, obtenir une accréditation; quatrièmement, louer des véhicules ou payer le millage; cinquièmement, acheter des billets pour que le photographe puisse se rendre au bon endroit, au bon moment pour prendre une photo qui aidera à rapporter l'actualité; et enfin, faire parvenir ce photographe à ce bon endroit au bon moment.

    La plupart des journaux canadiens ainsi que la Presse canadienne recrutent les meilleurs photographes d'actualité disponibles. Puis ils dépêchent ces photographes dans l'ensemble du pays pour couvrir l'actualité. C'est une pratique qui existe depuis des générations, depuis que les journaux publient des photographies.

    Si un journal ne peut pas envoyer un de ses propres photographes, il s'entend avec un service de presse, un autre journal ou peut-être un photographe pigiste pour qu'il couvre l'événement à la place de son photographe. Le journal donnera à ce photographe pigiste la même possibilité de prendre des photos et de les lui faire parvenir rapidement. Ce photographe pigiste fait partie intégrante du processus d'affectation des journaux; il aide à couvrir l'actualité lorsqu'il n'est pas possible d'envoyer un membre du personnel.

    Les législateurs doivent se rendre compte que les choses ne sont pas aussi simples que voudraient leur faire croire ceux qui disent qu'il s'agit d'une anomalie historique, que les photographes devraient être traités de la même façon que les rédacteurs de nouvelles.

    Les photographes, qui sont régulièrement affectés par les journaux, couvrent l'actualité essentiellement de la même façon que les reporters et les rédacteurs. Ils ne devraient pas bénéficier de droits différents pour déterminer l'utilisation qu'on fera de leurs photos. Un autre jour, nous pourrions examiner avec vous la question de savoir si les employés des journaux devraient avoir le droit de restreindre l'utilisation de leur produit, tel que mentionné au paragraphe 13(3)—qui, d'après nous, ne tient pas compte de la réalité technologique moderne—mais pour aujourd'hui, nous vous expliquerons comment les photos d'actualité sont prises et comment fonctionne réellement le marché.

    Nous verrions d'un mauvais oeil une loi qui s'ingérerait dans les relations contractuelles ou les négociations collectives en cours ou qui tenterait de les modifier, et, franchement, une telle intervention n'est pas nécessaire. Il y a très certainement des arguments pour et contre les droits à l'égard des photographies prises par des photographes d'actualité en affectation pour le compte de quotidiens. Nous vous prions de ne pas vous laisser convaincre qu'il s'agit purement et simplement de corriger une anomalie historique. Ce n'est pas le cas. C'est une question beaucoup plus complexe qui a fait l'objet et qui fera toujours l'objet de négociations collectives et de discussions contractuelles.

    Depuis 55 ans, on accorde des prix de photographie dans le cadre du concours canadien de journalisme. Au fil de ces années, des moments d'une importance monumentale ont été saisis sur pellicule et ils ont été vus par des Canadiens d'un océan à l'autre qui y ont attaché une grande valeur et ils ont pu être représentés à de nombreuses reprises dans un contexte historique. Un photographe légendaire de la Presse canadienne a immortalisé un incident mémorable lorsqu'il a photographié l'ancien premier ministre Pierre Trudeau effectuant une pirouette dans le dos de la Reine.

º  +-(1605)  

    Parfois les journaux veulent publier des photos prises par des photographes qui ne font pas partie des équipes normales en mission pour le journal. Ce sont d'authentiques pigistes. Ils sont propriétaires de leur produit ou c'est l'entreprise pour laquelle ils travaillent qui l'est. Il peut s'agir d'une agence d'information, d'un service de souscriptions ou d'un service quelconque d'information qui a investi dans la création d'occasions de prendre ces photos. Le journal doit négocier pour obtenir ces photos protégées par le droit d'auteur. Le journal et le détenteur des droits d'auteur n'ont aucun lien de dépendance. Plus le journal veut les photos, plus le propriétaire des droits d'auteur est en situation favorable pour négocier. C'est la parfaite expression du marché libre. Les législateurs n'ont certainement pas à se mêler des négociations entre les journaux et les pigistes légitimes qui créent un produit en toute indépendance des éditeurs qui veulent ensuite leur imposer un contrat de licence.

    En 2003, par exemple, un simple citoyen qui n'avait rien à voir avec la presse a pris une photo de deux couvreurs en haut d'un édifice en flammes. Ces deux ouvriers ont par la suite péri dans le brasier. La photo a suscité énormément d'intérêt public à cause de l'échec des tentatives de sauvetage des pompiers qui ont assisté impuissants à la mort de ces deux hommes. Le Montréal Gazette a acheté cette photo à ce photographe, qui a lui-même reversé aux familles les redevances qu'il avait perçues. La photo a été sélectionnée pour la remise d'un prix par un journal national cette année.

    En conclusion, j'aimerais dire que la suppression du paragraphe 13(2) de la Loi sur le droit d'auteur aura par inadvertance pour effet d'entraver la qualité de la collecte et de la diffusion des informations dans notre pays, sans que cela serve les intérêts de qui que ce soit, et notamment du public, alors que l'intérêt du public devrait l'emporter sur l'intérêt commercial.

    Merci beaucoup. Je répondrai volontiers à vos questions.

º  +-(1610)  

+-

    La présidente: Merci.

    Enfin, nous avons M. Ron Poling, chef du Service Photo de la Presse canadienne.

    Monsieur Poling.

+-

    M. Ron Poling (chef du Service Photo, Presse canadienne): Merci.

    La Presse canadienne est une coopérative sans but lucratif qui appartient aux journaux membres dans tout le Canada. Notre fonction consiste à répartir des images dans les divers journaux et à élaborer de riches dossiers d'information quotidiens, des histoires et des photos qui sont reprises par les journaux, les stations de radio, les stations de télévision et les sites Web, les livres d'histoire et bien d'autres supports qui transmettent l'image du Canada aux Canadiens.

    La Loi sur le droit d'auteur affecte tout ce que fait la PC. Nous créons des photographies visée par le droit d'auteur. Nous obtenons des photographies appartenant à d'autres journaux, des agences internationales et des photographes pigistes. La protection de ce contenu est essentielle pour le maintien de notre succès et de notre existence.

    Nous souhaitons avoir une loi sur le droit d'auteur moderne, équitable et facile à comprendre pour protéger le bon travail que nous faisons et celui des autres sources que nous représentons et nous permettre d'assurer la couverture des informations dont ont besoin les Canadiens.

    Nous faisons appel à trois groupes de photographes distincts : des employés à plein temps, des photographes à contrat et des pigistes. Avant de vous parler de la différence entre eux, il importe de faire une distinction entre le texte écrit et la photo.

    On peut modifier les droits d'auteur sur une histoire en lui apportant des changements de fond. Après certains changements, c'est quelqu'un d'autre qui va posséder le droit d'auteur. Un écrivain peut rédiger une histoire à partir d'une émission de télévision ou de discussions avec des témoins. L'auteur n'a pas nécessairement à être là pour produire une histoire.

    En revanche, le photographe doit être présent au moment de l'événement. S'il arrive trop tard, cela ne sert à rien. L'actualité se déroule à un moment précis, et pour être sûr qu'un photographe va être présent, il faut exploiter et gérer d'énormes possibilités grâce à une bonne perception de l'actualité, beaucoup de ressources et des contacts poussés.

    Les ouvertures que crée la PC avant d'envoyer quelque part un photographe de son personnel ou un photographe à contrat sont énormes. La PC a un accès privilégié à toutes sortes de manifestations. Elle s'appuie sur des contacts soigneusement établis pour obtenir des informations, elle obtient un accès pour les photographes et elle leur donne des instructions avant de les envoyer couvrir un événement.

    Le résultat de cette séance de photographie sera essentiellement le même, avec des différences mineures selon le niveau d'expertise ou de créativité d'un photographe par rapport à un autre. En l'occurrence, nous ne voyons pas pourquoi la propriété du droit d'auteur devrait dépendre du fait que l'impôt sur le revenu est prélevé à la source ou non. Le fait qu'on crée une ouverture et que le personnel du service d'informations ou du journal apporte au photographe une aide immense pour la réalisation véritable de la photo...

    La PC fait appel à de nombreux photographes pigistes. Ce sont eux qui détiennent les droits d'auteur sur leurs photos. C'est dans ce cas le photographe qui crée l'occasion en se servant de sa propre créativité, de sa perception de l'information, de ses accès et de ses ressources. La PC négocie les droits d'utilisation de ces photos en fonction de l'utilisation, et nous ne contestons en aucun cas la propriété de ces images.

    En raison de ces différences, la PC n'a pas d'objection à l'abrogation de l'article 10 de la loi, à condition qu'on modifie le paragraphe 13(1) pour qu'il se lise comme suit : Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et du paragraphe (2), l'auteur d'une oeuvre est le premier titulaire du droit d'auteur sur cette oeuvre.

    Tout ce que nous faisons et notre aptitude à le faire efficacement est énoncée au paragraphe 13(2). Nous ne voyons pas la nécessité de modifier cet article de la loi. Il permet aux photographes de négocier à l'avance une commission et permet à la PC d'intervenir rapidement pour couvrir l'actualité en faisant appel à son personnel ou à des photographes à contrat selon la situation. Ce paragraphe protège aussi la nature exclusive des occasions que crée la PC et nous permet de respecter les obligations juridiques et morales que nous assumons lorsque nous acceptons d'avoir un accès privilégié à des lieux comme la Chambre des communes ou des manifestations comme les Jeux olympiques.

º  +-(1615)  

    Un bon exemple serait celui des Jeux olympiques de Salt Lake City où nous avons envoyé quatre photographes parce que nous n'avions obtenu que quatre accréditations. Je crois qu'en tout, l'ensemble du Canada a obtenu 15 accréditations à l'époque. Nous en avons eu quatre. Nous avons décidé d'envoyer trois employés à plein temps et un photographe à contrat. Nous avons payé tous leurs frais. Nous avons négocié le montant de la rémunération du photographe à contrat. Nous avons assigné à chaque photographe des manifestations précises à couvrir.

    En conséquence, tout leur travail a été traité de la même façon. Nous estimons qu'il n'y avait pas de raison d'agir différemment. Le photographe à contrat produisait exactement le même contenu et cela coûtait exactement le même montant au service de transmission de nous fournir ces images. Nous avons pu les diffuser auprès des Canadiens, c'est-à-dire auprès du public auquel elles étaient destinées.

    Nous estimons que les droits moraux ne sont pas une question de très grande importance dans le débat sur le paragraphe 13(2) puisqu'ils sont couverts aux paragraphes 14(1) et 28(2) de la loi.

    Quant à la durée de la protection—et c'est une autre de vos questions—, nous n'avons pas d'objection à la prolonger ou la modifier car ce sera aussi un moyen de protéger notre investissement dans les images dont nous détenons les droits d'auteur et cela protégera tous les autres photographes qui détiennent des droits d'auteur.

    Nous pensons simplement qu'il risque d'y avoir un problème pratique à ce niveau, compte tenu des problèmes que nous connaissons actuellement. Il est presque impossible de savoir si un événement s'est produit 40 ans ou 60 ans avant la date de décès d'un auteur. Donc, si vous estimez qu'il faut le faire, nous pensons qu'il vaudrait mieux rallonger la durée, la porter à 70 ans ou quelque chose de correct. Mais à part cela, nous n'avons aucune objection.

    Sur ce, je vais m'arrêter et être prêt à répondre à vos questions.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Poling.

    Monsieur Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC): Merci.

    Je n'aurais jamais cru que cela puisse devenir aussi compliqué! Chacun d'entre vous a abordé des aspects de la question qui me touchent.

    La plupart d'entre nous ont sans doute déjà assisté à des mariages. Ce dont je veux m'assurer, c'est que les gens qui paient le prix fort ou de grosses commissions pour faire prendre des photos lors de mariages puissent être les détenteurs des droits d'auteur qui protègent lesdites photos—ou que, du moins, ils puissent faire en sorte que ces photos restent du domaine privé.

    Je vois autour de la table un certain nombre de politiques qui envoient pour la plupart des bulletins parlementaires à leurs électeurs, entre autres choses. Moi, dans ces cas-là, je songe à toutes les photos que mon personnel prend des gens de ma circonscription qui viennent me voir à mon bureau. Je n'ai jamais demandé à ces visiteurs de signer quelque renonciation que ce soit. La plupart du temps, nous leur demandons s'ils acceptent que leur photo prise avec moi soit distribuée, par exemple. Et comme ces photos sont souvent distribuées dans les envois collectifs, je me demande si je respecte ou pas le droit d'auteur.

    Si nous devions supprimer cette disposition de la Loi sur le droit d'auteur, les témoins pourraient-ils me dire si je contreviendrais alors à la loi, si je n'y contreviens pas déjà?

    Prenons, en second lieu, le cas des archives qui sont un élément très important à mes yeux. Ma mère est justement la plus grande archiviste de notre famille et elle garde des photos dans des boîtes. D'ailleurs, j'ai reçu récemment une photo que m'a envoyée une connaissance qui avait quitté notre région lorsqu'il avait une dizaine d'années. Il s'agit d'une photo de son père prise lors d'un banquet de hockey lorsque j'avais une douzaine d'années. Or, touts ceux qui sont photographiés, y compris l'autre jeune garçon dans la photo, sont aujourd'hui décédés. Je suppose que cette photo avait été prise à l'époque par The Beacon Herald de Stratford. Comme j'ai 10 ou 12 ans sur la photo, j'imagine que celle-ci remonte à 50 ans. Comme beaucoup de temps a passé, j'imagine que cela pourrait se faire avec...

    Pouvez-vous me dire qui détient le droit d'auteur protégeant cette photo en particulier de même que toutes les autres qui ont été prises il y a maintenant longtemps et qui se trouvent dans mes archives familiales?

º  +-(1620)  

+-

    Mme Nancy Marrelli: Tout cela peut devenir assez complexe, comme nous le disions déjà. Ce n'est pas simple.

    Comme vous le laissiez entendre vous-mêmes, d'un point de vue logistique, il est très difficile de vérifier qui détient les droits d'auteur et si la personne est encore de ce monde 50 ans après la photo. Cela semble si simple lorsque vous êtes en mesure de dire aujourd'hui que le photographe en question avait son propre commerce ou encore que vous savez exactement quand les photos ont été prises et par qui. Dans ces cas-là, c'est très simple. Mais 50 ans plus tard, la situation peut avoir changé du tout au tout et plus personne ne se rappelle quoi que ce soit. Voilà le problème que nous voulons signaler.

    Des tas de gens se présentent chez nous avec des photos entre les mains. Nous sommes souvent tout disposés à rendre ces photos accessibles, mais nous ne savons parfois pas qui est le titulaire du droit d'auteur et quelle est la durée de la protection.

    L'affaire est très complexe. Et il ne s'agit pas uniquement de corriger ceci ou cela. Si vous mettez le doigt dans l'engrenage, vous ouvrez une boîte de Pandore.

    C'est sans contredit un problème.

+-

    M. Alex Cameron: Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. On a voulu présenter le dossier comme si c'était simple, mais cela fait des décennies que des commissions se sont penchées les unes après les autres sur la question et ont abouti à des conclusions parfaitement opposées. En 1957, une commission avait établi exactement ce qui ressort aujourd'hui, à savoir que cette règle se justifie afin de protéger le consommateur. Mais d'autres commissions ont dit exactement le contraire.

    Ce dossier comporte énormément d'aspects complexes.

+-

    M. André Cornellier: Si vous me permettez d'intervenir, ce que dit Mme Marrelli, c'est au fond...

    Je ne sais pas comment la Loi sur le droit d'auteur peut résoudre la question.

    On peut dire qu'il n'y a pas de droit d'auteur et qu'elle a donc accès à toutes les photos, mais dans la mesure où le droit d'auteur existe, il y a une personne qui en est titulaire et qu'on peut retrouver. Si ce n'est pas le photographe, c'est quelqu'un d'autre. Mais, à l'heure actuelle, la Loi sur le droit d'auteur dispose que ce n'est ni le photographe ni la personne qui figure sur la photo qui est titulaire du droit d'auteur, mais que c'est le plus souvent une tierce partie.

    Les deux personnes en cause, le photographe et le sujet de la photo, devraient donc discuter de ces choses et décider de la façon de distribuer la photo. Si c'est le photographe qui a le droit d'auteur... le droit d'auteur existe pour protéger non pas la vie privée du sujet, mais le travail de l'artiste. La loi dit que l'oeuvre est la création de l'artiste et que l'artiste devrait avoir le droit d'en contrôler la distribution et de toucher les redevances qui en découlent.

    S'agissant de la photographie, ce qui paraît être complexe est en fait très simple, d'une certaine façon, quand on fait la comparaison avec d'autres activités artistiques comme la peinture ou l'écriture. Pour tous les autres types de création artistique, il n'y a qu'un droit en cause, le droit d'auteur. Dans le domaine de la photographie, c'est le droit d'auteur qui permet au photographe de dire : « Voici ce que j'ai créé ». Ce qui se trouve sur la photo n'appartient pas au photographe et ne lui appartiendra jamais. Ce n'est pas ce que nous demandons. Quand nous demandons à être titulaire du droit d'auteur, c'est que nous demandons au gouvernement de dire : « Oui, cette personne est l'artiste qui a créé cette oeuvre. » Si je veux ensuite distribuer cette oeuvre dont je suis le propriétaire, j'ai beaucoup d'autorisations à demander, notamment celle relative à la protection de la vie privée.

    Il y a une loi qui protège tout ce qui est breveté, alors dès que je photographie un objet breveté, je dois d'abord obtenir l'autorisation du propriétaire du brevet. Si je veux photographier une cannette de Coke, cette cannette porte le logo de Coke et je dois demander à la compagnie l'autorisation de la photographier. S'il y a une personne qui est représentée sur la photo, je dois demander à cette personne sa permission. Nous ne voulons donc pas être propriétaires de ce qui figure sur la photo. Ce n'est pas ce que nous demandons et ce n'est pas pour ça que nous sommes ici aujourd'hui. Rien ne changera à cet égard, puisque la personne qui est représentée sur la photo continuera à avoir son mot à dire.

    Monsieur dit qu'il s'inquiète de ce que nous puissions distribuer la photo sans permission si vous abrogez le paragraphe 13(2). En fait, si vous supprimez ce paragraphe ou y incluez quelque chose, la Cour suprême a expressément statué que la loi qui protège la vie privée l'emporte sur la loi relative au droit d'auteur. Elle a préséance, et la Loi sur le droit d'auteur vient au deuxième rang. Alors, même si vous mettez quelque chose en ce sens dans la Loi sur le droit d'auteur, l'effet ne sera peut-être pas aussi bon qu'il pourrait l'être.

    En attribuant le droit d'auteur à la personne qui a commandé la photo, vous vous trouverez à le donner à une tierce partie, car il ne s'agira que dans de très rares cas de la personne qui est représentée sur la photo. Si vous accordez le droit d'auteur au photographe, le photographe doit demander l'autorisation au sujet de la photo. Si, toutefois, vous l'accordez à une tierce partie, il y a du coup trois personnes en cause et il faudra demander la permission à tous les trois pour que la photo puisse être distribuée. La situation deviendrait impossible. Si les archivistes soutiennent qu'elle est déjà impossible, elle pourrait l'être encore plus parce que vous feriez intervenir une troisième personne. Ce que nous voulons, c'est simplifier la situation afin que tout le monde sache qui est titulaire du droit d'auteur, en l'occurrence le photographe.

    En ce qui concerne les photos de mariage, il est vrai qu'on paye plus pour les services d'un photographe professionnel. Au mariage dont vous parliez, il y a bien des gens qui prendraient des photos. Vous en prendriez sans doute, le neveu en prendrait aussi et la tante en prendrait également. Personne n'a d'objection à ce qu'on se passe les photos entre membres de la famille et invités. Personne n'a quoi que ce soit à redire.

    Mais vous savez que, quand vous faites appel à un photographe professionnel, vous avez une valeur ajoutée. Vous payez le photographe, et vous savez qu'il y a une valeur ajoutée et que le photographe est titulaire du droit d'auteur. Vous le savez dès le départ. Il n'est pas nécessaire de l'expliquer à tout le monde. Tout le monde sait que le photographe est un professionnel. Dans ce sens-là, vous savez qu'il y aura des négociations. Si vous voulez utiliser les photos, le photographe ne va pas vous refuser son autorisation. Il va négocier avec vous les conditions de leur utilisation. Voilà ce que nous voulons.

º  +-(1625)  

    À l'heure actuelle, la Loi sur le droit d'auteur prévoit que le droit d'auteur appartient à la personne qui a commandé l'oeuvre. Je veux ici répondre à l'argument de l'association des journaux. Elle soutient que, si cette disposition est modifiée, cela changera la façon dont elle traite les employés syndiqués et les contractuels, mais c'est faux. Les négociations syndicales ne visent que les employés, et les employés ne seront pas touchés par cette modification puisque c'est le journal qui continuera à détenir le droit d'auteur relativement à tout ce que créent ses employés. Il n'y aura donc aucune incidence sur les négociations syndicales puisque le journal continuera à être titulaire du droit d'auteur pour toutes les photos faites par ses photographes permanents.

    La situation est toutefois différente dans le cas des photographes pigistes. Les journaux disent que ce sont eux qui paient le billet d'avion du photographe pigiste. C'est juste, mais ils paient aussi le billet d'avion du journaliste qui se rend sur place et, aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, le journaliste est titulaire du droit d'auteur relatif à son article.

    Par ailleurs, les journaux ne disent rien des avantages qu'ils ne paient pas. Quand il s'agit de permanents, ils paient les congés annuels, le régime de pension, les congés de maladie, les cotisations à l'assurance-emploi, les primes d'assurance, etc. Ils ne payent rien de tout cela dans les cas des photographes pigistes. La Loi sur le droit d'auteur a toujours été là pour dire aux pigistes qu'ils doivent obtenir de l'argent d'autres sources parce qu'ils ne bénéficient pas de ces avantages-là.

º  +-(1630)  

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Gagnon.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: Monsieur Cornellier, vous avez invoqué une première motivation pour que la loi soit changée. C'est aussi une perte de revenu de 50 000 $ à 100 000 $. J'aimerais que vous nous expliquiez en quoi consistent les détails du processus, soit le fait que vous ayez une perte de revenu de 50 000 $ à 100 000 $ annuellement pour les photographes.

    Est-ce que c'est tout le processus pour avoir accès à une oeuvre et qui finalement vous coûte tellement en temps et en énergie qui fait que vous ne pouvez pas aller de l'avant quant à l'utilisation d'une oeuvre? J'aimerais que vous m'expliquiez cela plus en détail.

+-

    M. André Cornellier: Comme je le disais dans mon rapport, les banques d'images représentent un gros commerce qui génère plus de 3,7 milliards de dollars américains par année. Pour faire partie d'une banque d'images, la première chose qu'on vous demande, c'est d'avoir vos droits d'auteur. Autrement dit, la compagnie qui va prendre vos photos et qui va les louer veut être certaine que vous avez vos droits d'auteur. Si vous ne les avez pas ou si ces gens n'en sont pas certains, ils n'accepteront pas la photo de peur d'être poursuivis. Donc, ils veulent s'assurer que vous avez vos droits d'auteur.

    Dans les pays comme les États-Unis, l'Angleterre, la France, l'Allemagne, partout en Europe, le droit d'auteur appartient uniquement au photographe. Il n'y a nulle part d'exemption qui dit autrement. Autrement dit, lorsqu'un photographe dépose des photos dans une banque d'images, cette dernière est au courant que ces photos-là lui appartiennent, et elle peut les vendre.

    Au Canada, il est bien dit dans la loi que la photo appartient à la personne qui a commandé l'oeuvre, mais elle peut appartenir au photographe, s'il a un contrat. À partir de ce moment-là, on n'est jamais sûr qu'une photo venant d'un photographe canadien lui appartient: on ne sait pas si elle a été commandée, on ne sait pas s'il y a eu un contrat et on ne connaît pas quels sont les termes du contrat. Donc, ces compagnies refusent nos photographies et ne les mettent pas dans les banques d'images. Donc, au Canada, que ce soit pour les journaux ou pour les revues, les gens achètent des images et des photos qui viennent d'Américains, de Français ou de Britanniques, parce que nos photos n'apparaissent pas dans ces banques d'images. Ces compagnies-là refusent nos photos de peur qu'on n'ait pas nos droits d'auteur. Et tant que le droit d'auteur ne reviendra pas aux photographes, clairement et simplement, ces compagnies vont refuser de nous accepter dans ce marché. On a calculé qu'aux États-Unis, les revenus étaient en moyenne ceux-là.

[Traduction]

+-

    M. Ron Poling: Je pourrais peut-être répondre à deux ou trois des questions qui ont été posées.

    Tout d'abord, nous sommes forcés de reconnaître qu'il n'y a pas de taille unique, que la solution ne peut pas être la même pour tous. Il y a bien des éléments différents qui entrent en ligne de compte dans les photographies et il y a bien des raisons différentes qui expliquent l'importance de la Loi sur le droit d'auteur.

    Si l'on modifiait la Loi sur le droit d'auteur, cela poserait un gros problème pour les journaux qui doivent couvrir l'actualité. Quand on sait que des événements importants sont en train de se dérouler, il faut tout de suite un photographe sur les lieux. Nous n'avons pas le temps de négocier une entente, parce qu'il nous faut dépêcher le photographe sur les lieux. Nous n'aurions donc pas le droit d'utiliser les photos à des fins historiques ni de les transmettre à toutes les plates-formes que nous servons. Nous aurions ainsi les mains liées et nous ne pourrions absolument pas couvrir l'actualité.

    Il y a tellement d'éléments différents qui rendent notre tâche extrêmement difficile. Vous avez évoqué les lois qui protègent la vie privée au Québec. Ces lois sont un gros obstacle à notre couverture pancanadienne. Nous avons été l'objet de plusieurs poursuites frivoles. Cela nous a coûté une fortune, parce que nous ne pouvons plus photographier des scènes de la vie de tous les jours.

    Nous devons être très prudents. Ces lois ont accentué les problèmes que nous avions. C'est très bien à notre avis qu'on veuille protéger la vie privée. Je veux que ma vie privée à moi soit protégée, mais il faut faire bien attention, car le fait de modifier la loi peut avoir des conséquences pour notre perspective historique.

    Nous disons maintenant à nos photographes qui travaillent au Québec de ne plus photographier de ces scènes de la vie quotidienne que nous avions l'habitude de prendre. Dans nos livres d'histoire, on peut voir de ces scènes du début du siècle, mais n'en verra plus à cause de la loi.

º  +-(1635)  

+-

    L'hon. John Harvard: C'est la législation relative à la vie privée, pas la Loi sur le droit d'auteur.

+-

    M. Ron Poling: C'est la législation relative à la vie privée, exact.

    Si vous vous mettez toutefois à modifier la Loi sur le droit d'auteur, il vous faudra faire bien attention, là aussi, aux conséquences que cela pourrait avoir dans d'autres domaines. Notre capacité d'intervenir rapidement en sera affectée.

    Vous savez, une organisation comme la Presse canadienne, qui est une coopérative sans but lucratif, fournit des images à tous les types de médias. Nous dépendons du revenu que nous tirons de ces ventes pour assurer la couverture de l'actualité. Nos coûts ne cessent d'augmenter, et si invraisemblable que cela puisse paraître, notre caisse est toujours à sec, voire déficitaire.

    Ce n'est pas que nous cherchons à faire de l'argent avec ces photos ni que nous voulons priver qui que ce soit de revenu. C'est seulement que nous voulons être en mesure de diffuser les nouvelles rapidement et que, pour cela, nous devons pouvoir envoyer rapidement des photographes sur les lieux quand il se produit un événement.

    Enfin, il n'y a pas de différence selon nous entre les photographes pigistes et les photographes permanents. Je tiens à corriger ce qui a été dit tout à l'heure. En fait, nos photographes pigistes reçoivent un tarif horaire plus élevé que celui que nous donnons à nos photographes permanents afin de tenir compte des avantages auxquels ils n'ont pas droit. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit non plus. Le coût est le même pour nous dans les deux cas.

    Nous faisons appel à des pigistes parce qu'il est difficile d'avoir mille photographes pour couvrir un territoire aussi vaste que le Canada. Quand il se passe quelque chose à Timmins ou à Muskrat Lake, il nous faut une photo. Comment pouvons-nous l'obtenir? Allons-nous avoir un photographe permanent en poste à Muskrat Lake?

    Ce qui est proposé est problématique. Voilà ce qui est important pour nous. Le paragraphe 13(2) présente peut-être certaines lacunes, mais vous savez, en adoptant cette disposition, le législateur a fait un assez bon travail.

+-

    M. André Cornellier: Monsieur Poling, je veux simplement vous poser deux questions.

    Tout d'abord, vous avez dit que vous représentez l'agence américaine Associated Press. Or, cette agence doit composer avec la loi américaine qui accorde le droit d'auteur au photographe, et cela ne lui pose aucun problème. C'est une bonne agence, elle se tire très bien d'affaire et elle n'a pas de problèmes. Alors, pourquoi dites-vous que si la modification qui est proposée était adoptée vous auriez les mains liées et que vous ne pourriez pas négocier à la dernière minute avec un photographe? Je ne crois pas que c'est ainsi que les choses se passent d'habitude, monsieur Poling. Vous n'allez pas appeler un photographe que vous ne connaissez pas, dont vous n'avez jamais entendu parler, pour lui demander de se rendre quelque part dans les plus brefs délais sans négocier quoi que ce soit avec lui.

    Deuxièmement, si l'agence qui joue le même rôle que vous aux États-Unis se débrouille très bien sans le paragraphe 13(2), il me semble qu'il ne devrait pas y avoir de problème à le supprimer ici.

    Nous avons une entente avec la société Rogers, qui est un des plus importants éditeurs canadiens. Cette société publie principalement des magazines comme Châtelaine et L'actualité. Je le répète, c'est le premier éditeur en importance au Canada. Tous ses photographes sont des pigistes. La société n'a aucun photographe permanent. Or, Rogers ne conserve pas le droit d'auteur relatif aux photos qu'elle commande. De par le contrat qui la lie à tous ces photographes, c'est le photographe qui conserve le droit d'auteur, et Rogers achète seulement le droit de première utilisation. Si Rogers peut le faire, je ne vois pas pourquoi d'autres ne pourraient pas le faire aussi.

    Je peux aussi vous citer un autre groupe en exemple, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. M. Garth Whyte, vice-président national de ce groupe qui représente toutes les petites entreprises au Canada, dit qu'il n'y aurait aucun problème à supprimer le paragraphe 13(2). C'est ce qu'il a dit dans la lettre qu'il a adressée à l'honorable Allan Rock à ce sujet l'an dernier.

    Il y a aussi la Coalition des créateurs et producteurs sur le droit d'auteur, qui représente l'Association of Canadian Publishers, la Canadian Independent Record Producers et l'Association canadienne des éditeurs de musique. Dans un document qu'elle a fait parvenir à Mme Sheila Copps il y a quelques mois, cette coalition recommandait l'abrogation du paragraphe 13(2).

    Aucune de ces entreprises n'est en faillite. Elles se portent très bien, elles gagnent beaucoup d'argent et cette modification ne leur cause aucun problème. Je ne comprends pas pourquoi c'est un problème pour la presse.

    Soit dit en passant, le groupe que représente M. Poling, la Presse canadienne, est la propriété des journaux.

º  +-(1640)  

+-

    La présidente: Je vais devoir demander à tout le monde de donner des réponses un petit peu plus courtes, sinon nous enlevons à Mme Gagnon de son temps de parole.

    Madame Marrelli, très rapidement.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Je préférerais répondre à des questions, mais j'ai quand même une chose que je tiens à dire. Tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant montre bien ce que beaucoup de nous qui sommes venus témoigner ici aujourd'hui ont dit, à savoir que la question est complexe. Il n'y a pas de solutions miracles. Si nous allons trop vite en affaires, il y aura des problèmes.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Harvard, puis madame Karetak-Lindell.

+-

    L'hon. John Harvard: En effet, la question a l'air d'être bien complexe. Puisqu'elle l'est, peut-être que nous devrions éviter, en notre qualité d'hommes et de femmes politiques, d'élaborer un modèle rigide auquel tout le monde serait tenu de se conformer, qu'il s'agisse de droit d'auteur ou d'autre chose. Nous devrions peut-être essayer d'incorporer autant de souplesse que possible dans la loi, afin que les intérêts divergents puissent être pris en compte, peut-être par des accords commerciaux, des contrats privés ou je ne sais quoi encore.

    En écoutant ce que disait M. Poling, et peut-être aussi Mme Kothawala... je crois vous avoir entendu parler, monsieur Poling, d'une situation où la Presse canadienne enverrait peut-être trois photographes permanents et un photographe pigiste. Vous étiez un peu inquiet d'avoir à prendre des décisions à la hâte étant donné que le photographe pigiste se trouverait ni plus ni moins à faire le même travail que le photographe permanent. J'ai l'impression que vous cherchez à faire d'un oeuf un boeuf, car il me semble que vous n'auriez qu'à vous organiser dans des situations comme celle-là, étant donné que vous saurez sans doute déjà—pas toujours—à quel photographe pigiste vous pouvez faire appel. Il y a de bonnes chances que vous ayez déjà eu à traiter avec ces photographes par le passé et que vous sachiez s'ils sont prêts à renoncer à leur droit d'auteur.  Vous n'auriez qu'à signer un contrat qui mettrait le photographe pigiste sur un pied d'égalité avec vos photographes permanents. Ne pourriez-vous pas faire cela?

+-

    M. Ron Poling: Oui...

+-

    L'hon. John Harvard: Permettez-moi de reformuler ma question. Pourquoi devrais-je, en ma qualité d'homme politique, chercher à rédiger un texte législatif très complexe sur le droit d'auteur pour essayer de démêler toutes les situations particulières dans lesquelles vous pourriez vous trouver et où vous n'auriez que cinq minutes pour décider si vous allez envoyer un photographe, quel qu'il soit, à Rat Creek. Cela entre-t-il dans mes fonctions, en tant qu'homme politique?

+-

    M. Ron Poling: Je ne pense pas que ce soit possible, car, comme vous pouvez le constater...

+-

    L'hon. John Harvard: Si ce n'est pas possible, pourquoi voulez-vous me contraindre à faire quelque chose que je vais sans doute bousiller?

+-

    M. Ron Poling: Ce que je dis, c'est que nous avons maintenant le paragraphe 13(2), qui définit les conditions dans lesquelles on peut retenir les services d'un photographe. C'est un modèle qui fonctionne depuis des années et qui permet de faire exactement ce que vous venez de dire, en ce sens qu'il permet de conclure une entente. Le photographe n'est pas tenu de conclure une entente. Finalement, nous voulons simplement...

+-

    L'hon. John Harvard: Il n'a pas besoin de conclure d'entente, mais il n'aura pas nécessairement de travail non plus. S'il n'acceptait pas de renoncer à ses droits, eh bien, il n'y aurait pas de travail pour lui.

+-

    M. Ron Poling: Non, pas du tout, et l'inverse serait vrai si c'était nous qui avions le droit d'auteur.

+-

    L'hon. John Harvard: Bien sûr.

+-

    M. Ron Poling: Si le photographe refusait de renoncer à son droit d'auteur avant que nous ne retenions ses services, nous ne l'embaucherions pas. C'est un fait. Il n'y a donc pas de solution unique. Voilà ce que je voulais dire. Ce n'est pas aussi simple que cela.

+-

    L'hon. John Harvard: C'est pourquoi je me demande si nous ne devrions pas faire bien attention à ce que nous allons faire.

    J'ai été particulièrement frappé par ce qu'a dit M. Cameron, et je pensais à l'exemple des photos de mariage. Je crois que vous avez qualifié cela de formule par défaut. Supposons qu'un photographe vienne prendre des photos de mon mariage, pourquoi diable voudrait-il les reproduire si ce n'est pour mes fins à moi? Il s'agit de photos personnelles après tout.

    Quel genre de protection demandez-vous, monsieur Cornellier? Pourquoi voudriez-vous avoir la possibilité de reproduire ma photo de mariage pour vos fins commerciales à vous?

º  +-(1645)  

+-

    M. André Cornellier: Je dirais que, dans les 100 dernières années—et cela ne fait pas 100 ans que je travaille, mais je fais partie d'une association et j'ai entendu parler...

+-

    L'hon. John Harvard: À rester ici, on a l'impression que ça fait 100 ans.

+-

    M. André Cornellier: La loi existe depuis 1924. Je fais des portraits depuis 30 ans, ce qui veut dire que je photographie des gens. Personne ne m'a jamais demandé s'il était possible d'acheter les photos de mariage d'une autre personne. En effet, ce sont en général uniquement le marié, la mariée et les familles qui achètent ce genre de photos.

    Disons plutôt que Coca-Cola, Pepsi ou une autre société voulait m'acheter une photo en particulier. C'est vrai qu'il y a des photos de mariage qui se retrouvent dans les publicités. Mais ce sont des photos montées. On a recours à des mannequins, qui sont payés, qui sont habillés et maquillés, et à des artistes. Il ne s'agit pas de vraies photos de mariage.

    Si, pour une raison ou une autre, une telle société s'intéressait à une photo donnée, la première chose qu'on me demanderait, c'est si le mannequin a signé une décharge. Si je n'ai pas de décharge signée par le mannequin, il n'y a plus d'intérêt.

+-

    L'hon. John Harvard: Qu'en pensez-vous, monsieur Cameron? Comment réagiriez-vous face à la situation qu'il....

+-

    M. Alex Cameron: Il y a trois façon de réagir, je pense. Premièrement, par souci d'équité, c'est sur le consommateur qu'on devrait s'attarder par défaut. Monsieur dit qu'en pratique personne ne va vendre ces photos, mais nous ne pouvons pas compter là-dessus. Ce sont eux qui détiennent les droits d'auteur et ils pourraient vendre les photos librement. Là se situe le premier problème.

    Deuxièmement, on ne répond pas aux attentes du consommateur qui n'ont pas le droit d'utiliser les photos qu'ils ont pourtant commandées et achetées. Il leur est impossible d'en tirer des exemplaires supplémentaires et d'en envoyer à leurs amis, car s'ils le font, ils contreviennent à la réglementation relative au droit d'auteur.

    Comme nous l'avons dit, c'est le consommateur qui devrait détenir le droit d'auteur. Comme il existe déjà des contrats, il ne devrait pas être problématique d'y ajouter le transfert du droit d'auteur, si c'est ce qui est désiré. De toute façon, le photographe devrait en parler au client pour que ce dernier sache qui détient les droits.

+-

    L'hon. John Harvard: Je voudrais poser une dernière question à Mme Marrelli.

    Votre dilemme me touche particulièrement. Vous essayez de vous procurer et de garder des photos, qu'elles aient 1 ou 100 ans, qui font partie du patrimoine canadien, de l'histoire canadienne. Je pense que c'est notre devoir, en tant que politiciens, de soutenir votre travail.

    Je ne voudrais pas que vous soyez l'otage des titulaires des droits d'auteur de photos ou qu'ils rendent votre travail très difficile et très coûteux.

+-

    Mme Nancy Marrelli: C'est pourtant ce qui se passe actuellement.

+-

    L'hon. John Harvard: C'est le cas actuellement.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Dans bien des cas, nous sommes dans une impasse car il nous est impossible d'identifier les titulaires des droits d'auteur et de résoudre les problèmes dont nous avons parlé. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est essentiel que...

+-

    L'hon. John Harvard: Je ne suis pas expert en la matière et vous demanderez de m'expliquer la situation. Disons qu'il y a une photo qui a été prise il y a 20 ou 100 ans, et que vous ne savez pas qui...

+-

    Mme Nancy Marrelli: Les photos qui ont été prises il y a 100 ans ne posent pas de problèmes; c'est de 48 ans en montant qu'on parle, ensuite on a apporté des modifications à la loi.

+-

    L'hon. John Harvard: Très bien.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Des changements ont été apportés à la loi et depuis 1998 les dispositions s'appliquent du vivant du photographe, plus 50 ans.

+-

    L'hon. John Harvard: Expliquez-moi comment ça marche. Disons que vous avez une photo et que vous ne savez pas qui l'a prise.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Oui. C'est le cas de la majorité de nos photos.

+-

    L'hon. John Harvard: Vous voulez dire que vous ne savez pas qui est le photographe?

+-

    Mme Nancy Marrelli: Oui, c'est bien ça.

+-

    L'hon. John Harvard: Bon, disons que la photo a 25 ans et que le photographe est inconnu. Si vous vous en serviez comme bon vous semble, quels seraient les dangers?

+-

    Mme Nancy Marrelli: Nous contreviendrions à la loi.

º  +-(1650)  

+-

    L'hon. John Harvard: Et que dit la loi?

+-

    Mme Nancy Marrelli: Selon la loi, il est interdit de faire des reproductions. Nous ne pouvons même pas donner une photo à une personne qui pourrait la reproduire.

+-

    L'hon. John Harvard: Qu'entendez-vous quand vous dites que vous ne pouvez pas donner une photo à quelqu'un d'autre?

+-

    Mme Nancy Marrelli: Si un chercheur nous demande une photo, tout ce qu'on peut faire c'est lui en donner une sur laquelle il est inscrit en grosses lettres noires que l'image ne doit servir qu'à des besoins de recherche. La photo est ainsi complètement défigurée. Mais on est obligé de procéder ainsi en vertu de la loi.

+-

    L'hon. John Harvard: On devrait être en mesure de faire quelque chose pour vous aider.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Je l'espère. Voilà pourquoi nous disons que nous n'avons pas de panacée. Pour nous, notre partie prenante ce sont les photographes et les journaux. Nous sommes également au service de tous les Canadiens. Les créateurs alimentent nos institutions et les besoins des chercheurs et de ces créateurs nous tiennent à coeur. Il faut qu'il y ait des changements au niveau des politiques pour qu'on puisse résoudre ces...

+-

    L'hon. John Harvard: Permettez-moi de soulever une question.

    Si vous n'aviez qu'une photo, il ne serait pas difficile de comprendre l'aspect délicat de cette question. Dans ce cas, cette photo, dont le photographe serait inconnu, constituerait votre stock tout entier et votre entreprise serait fondée sur cette image. Mais la réalité est bien différente puisque une photo donnée n'en est qu'une parmi des milliers. Elle ne représente qu'une...

+-

    Mme Nancy Marrelli: C'est effectivement le cas puisque nous avons 60 000 photos.

+-

    L'hon. John Harvard: Très bien. Donc, quand on parle d'une photo, il ne s'agit que d'une toute petite partie de votre collection. Comment les politiciens ou le gouvernement pourraient-il justifier que votre entreprise soit mise en péril en raison d'une toute petite partie de votre collection? Est-ce que vous voyez où je veux en venir?

+-

    Mme Nancy Marrelli: Oui. Nous essayons de faire notre travail. On essaie de vous faire comprendre que nous avons besoin d'aide pour trouver de nouveaux mécanismes nous permettant de gérer ces photos qui sont essentiellement non commerciales.

+-

    L'hon. John Harvard: Eh bien, faites-nous part de vos idées.

+-

    La présidente: Je suis un peu surprise. J'ai d'ailleurs demandé à nos attachés de recherche pourquoi ces questions n'ont pas été soulevées lorsqu'on étudiait la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. Et quelles étaient les règles en matière de recherche à cette époque? Voilà une question que je me pose.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Il s'agissait de quelque chose de différent.

+-

    La présidente: Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

    Toutes ces interventions sont intéressantes.

    Je représente le Nunavut, et je veux simplement vous faire remarquer qu'il vous manque un océan quand vous parlez « d'un océan à l'autre »; nous avons un autre océan au Canada.

    Il y a des cas dans ma circonscription dans le Nord où tous les points que vous avez soulevés au sujet des anciennes photos du Nord entrent en ligne de compte. Certaines personnes ont été très mécontentes de voir leur image sur une carte postale tirée d'une photo prise par quelqu'un qui avait séjourné dans leurs localités. Cette carte postale est mise en vente et les gens paient pour l'acheter. On n'y inscrit peut-être comme légende « inconnus du Nord ». On dit : « Il y avait un problème de langue, alors je n'ai pas pu obtenir le nom de la personne. » Il y a eu de ces cas chez-nous.

    De même, dans les ouvrages sur le grand nord qui sont publiés par des gens venus travailler dans le nord, comme enseignant ou comme infirmière dans les années 50 ou 60, il y a des photos sur lesquelles les gens de chez-nous se reconnaissent. Ils estiment qu'il y a là une atteinte à leur vie privée. Personne n'a cherché à les identifier.

    Je peux vous dire que presque toutes les photos sur lesquelles on voit des gens du Grand Nord portent comme légende « guides inuits inconnus ». C'est toujours le même prétexte qu'on invoque pour ne pas se donner la peine de faire les recherches nécessaires ou d'utiliser les ressources dont on dispose aujourd'hui pour identifier ces personnes; comme ça, on n'a pas besoin d'essayer de les contacter pour obtenir leur autorisation. Cela fait partie de la discussion puisqu'il s'agit de propriété intellectuelle, à notre avis.

    J'ai aussi une question au sujet des photos d'école. De nos jours, le scannage des photos est courant. Qu'arrive-t-il quand on fait ainsi le scannage de photos grâce aux techniques dont on dispose aujourd'hui et qu'on diffuse ensuite ces photos sur Internet par voie numérique?

    S'agissant de photos de mariage, certaines personnes ont recours à des conseillers en mariage qui s'occupent de tout. Ces personnes s'occupent d'embaucher le photographe, le traiteur, etc. Les photos deviennent-elles de ce fait des photos commerciales parce que c'est une entreprise qui a embauché le photographe, au lieu que ce soit des photos commandées à des fins personnelles, comme c'est le cas quand je paie le photographe moi-même? Cela change-t-il les règles du jeu?

    Pour revenir à ce que vous disiez au sujet des journaux—quand un journal paie le photographe permanent ou pigiste de manière à s'assurer la titularité de la photo—cette règle s'applique-t-elle aussi aux conseillers ou conseillères en mariage qui paient le photographe? Cela leur donne-t-il la titularité sur la photo? Comment tout cela fonctionne-t-il?

º  +-(1655)  

+-

    M. Alex Cameron: Je peux sans doute répondre. Nous n'avons pas encore rédigé de mesure législative qui donne réponse à des questions aussi détaillées que celles-là. D'après nous, il faut se demander à quelles fins les photos ont été prises. S'il s'agit de photos de mariage, les photos n'ont peut-être pas été payées par ceux qui y sont représentés, mais elles ont été payées, vraisemblablement, par un de leurs proches.

    C'est la personne qui a commandé les photos qui devrait en détenir le droit d'auteur, car vous pouvez être sûr que ceux qui embauchent un conseiller en mariage vont s'assurer de conserver les droits relativement à l'utilisation des photos et que ni le photographe ni le conseiller en mariage n'auront le droit d'utiliser les photos comme bon leur semble. Il s'agit d'un problème délicat, mais qui ne se pose sans doute pas bien souvent.

+-

    M. André Cornellier: Je tiens à réitérer que nous ne sommes pas autorisés à distribuer les photos de notre propre initiative. Nous n'avons jamais été autorisés à le faire et nous ne le serons jamais. Les lois qui protègent la vie privée sont catégoriques, et elles protègent les sujets des photos.

    Ce que dit M. Cameron, à savoir que si nous avions le droit d'auteur nous pourrions distribuer les photos sans autorisation, est complètement farfelu, car cela ne s'est jamais produit. J'aimerais bien que l'on me cite une seule affaire mettant en cause un photographe et un particulier où c'est le photographe qui a eu gain de cause. Dans toutes les causes de ce genre au Canada, la Loi sur la protection des renseignements personnels est entrée en ligne de compte et c'est le particulier qui a eu gain de cause, dans chaque province.

    Je n'ai jamais vu un seul cas... En fait, il y en a eu un qui mettait en cause un photographe et un particulier où c'est le photographe qui a eu gain de cause. Mais le photographe a gagné parce qu'il avait un contrat signé dans lequel le sujet lui donnait le droit de reproduire la photo. C'est le seul cas que je connaisse où le photographe a eu gain de cause.

    Ce qu'on vous a dit est donc faux. Les photographes ne vont pas vendre, de leur propre initiative, leurs photos de mariages, de bébés ou d'autres événements. Cela ne se fait pas.

    Dire que nous pourrions faire cela... Il y a des lois qui protègent la vie privée, et pas seulement au Québec. C'est ridicule de penser que nous pourrions faire cela. C'est de la fabulation. Cela ne s'est jamais produit en 100 ans.

+-

    M. Alex Cameron: Puis-je réagir, je vous prie? 

    Ce n'est pas vrai que c'est de la fabulation, car cela ne cesse de se produire. Je vous parie que vous-mêmes, autour de la table, vous avez eu des amis qui vous ont raconté avoir vu, dans la vitrine d'un photographe, leur propre photo qui avait été prise quelques années auparavant par le photographe en question! Moi-même, je connais des gens qui m'ont raconté la même histoire. Même si ce genre de situations n'a pas été porté devant les tribunaux et n'a pas fait l'objet d'un procès public, cela ne signifie pas pour autant qu'elles ne se produisent pas. Au contraire, elles se produisent.

    Ensuite, la législation relative à la protection de la vie privée ne règle pas ce problème. Le cas sur lequel a tranché la Cour suprême du Canada ne portait que sur ce qui se passe au Québec. La Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques n'en parle pas non plus, et prévoit une exception pour les oeuvres d'artistes. Par-dessus le marché, on ne tient même pas compte de l'équité dans la négociation, dans une situation donnée. Or, on ne peut s'attendre à ce que les clients soient les experts, car ils ne connaissent pas la réglementation. Ils n'ont pas non plus à dépendre de la bonne volonté du photographe pour que celui-ci ne se serve pas de leurs photos. Or le photographe qui est titulaire du droit d'auteur peut techniquement parlant les utiliser. Voilà le problème auquel nous faisons face.

    C'est le client qui devrait, par défaut, être titulaire du droit d'auteur, pour les raisons que j'ai exposées mais aussi parce qu'il faut donner au client le droit d'utiliser à sa guise les oeuvres en question. En étant titulaire du droit d'auteur, ils pourront envoyer copie des épreuves à leurs amis, les publier sur le site Web de leur famille, etc. Or, ce n'est pas en ayant recours à la législation relative à la protection de la vie privée qu'on y parviendra.

+-

    M. André Cornellier: Si vous faites affaire avec un conseiller en mariage, c'est lui qui obtiendra le droit d'auteur. En quoi est-ce que cela protège les mariés?

+-

    La présidente: Avant de passer à la deuxième ronde, j'aurais moi-même une petite question au sujet de la façon dont cela se passe aux États-Unis. Je pense même que c'est M. Cornellier qui a donné l'exemple. L'Associated Press a ses propres règles et le droit d'auteur est accordé à... Comment font les journaux aux États-Unis? Il me semble me rappeler une cause célèbre au sujet d'une photographie et de sa paternité. Ne s'agissait-il pas de...

+-

    M. Ron Poling: C'était dans le New York Times...

+-

    La présidente: Oui, c'était le New York Times et JFK...

+-

    M. Ron Poling: On se demandait qui était le propriétaire de l'épreuve originale. Personne ne remettait en question l'identité du titulaire du droit d'auteur. Le problème, c'était de déterminer qui était le propriétaire de l'épreuve originale. Je ne pense pas que cela se soit réglé en cour, je crois plutôt que cela s'est réglé à l'amiable. Tout tournait autour de l'épreuve originale que le photographe avait imprimé lui-même et qu'il avait transmise au journal dans le cadre des tâches qui lui avaient été assignées. Or, l'épreuve originale s'est vendue pour une somme faramineuse, ce qui a déclenché un litige autour de l'identité du propriétaire de l'épreuve plutôt qu'autour de l'identité du titulaire du droit d'auteur. Voilà ce dont il était question.

    Je ne suis pas vraiment sûr de ce que dit la loi américaine. Je sais toutefois que l'agence AP conclut des ententes avec ses entrepreneurs habituels, c'est-à-dire ceux avec qui elle fait affaires régulièrement. Je me rappelle que cette entente contractuelle a fait beaucoup parler d'elle, car elle est assez stricte.

    Nous, de la Presse canadienne, nous signons également un contrat avec nos entrepreneurs habituels. Mais nous avons choisi l'autre façon de faire. Nous affectons d'abord un photographe à une tâche, et ensuite, en reconnaissance du fait que le photographe contractuel ne travaille chez nous qu'à l'occasion, nous lui cédons les droits de vendre n'importe laquelle de ces épreuves, à certaines conditions, et de garder les produits de la vente. Mais les photographes peuvent également choisir de les verser à notre banque de photos, et lorsque nous les vendons, nous leur remettons 50 p. 100 des produits de la vente.

    Cela, c'est important, puisque les journaux doivent protéger ces investissements ainsi que les occasions de photographies. Ainsi, lorsqu'un journal cherche une exclusivité et consacre six à sept mois à la recherche de cette exclusivité, le journal finit par savoir que s'il envoie un photographe, il pourra obtenir telle ou telle photo et en faire un texte important.

    Les journaux qui ont réussi à créer l'exclusivité veulent la garder pour eux et veulent qu'elle soit reconnue comme étant le fruit de leur labeur. Et ce qu'il faut comprendre, c'est que l'on ne parle pas uniquement ici du labeur du photographe, mais du labeur de l'ensemble de l'organisation, puisque le photographe, contractuel ou attitré, a été considéré comme faisant partie de la famille dans le cadre de l'affectation en question.

    Dans notre cas à nous, nos concurrents sont Reuters et Getty, et nous ne voudrions pas que le photographe, quatre jours après avoir pris la photo... Ce que nous craignons, c'est qu'après avoir investi beaucoup de temps et d'argent—parfois des mois de travail et des dizaines de milliers de dollars—les photographies se retrouvent sur un autre site Web ou que le service Getty nous fasse la concurrence. Comme nous craignons ce genre de situation, nous faisons signer un contrat.

»  +-(1700)  

+-

    La présidente: Très bien. Passons à la deuxième ronde.

    Monsieur Cameron, vous avez mentionné les modèles néo-zélandais et australien. Quand nous arriverons à vous, pourriez-vous m'expliquer comment on protège les consommateurs aux États-Unis?

    Monsieur Schellenberger.

+-

    M. Gary Schellenberger: Je serai très bref, car M. Cameron a mentionné quelque chose que j'avais inscrit ici.

    C'est quelque chose qui se produit souvent quand on se marie. Moi-même, je ne me suis marié qu'une fois, et il y a de cela si longtemps que je ne me souviens pas ce que nous avions fait pour les photographies. Mais pour le mariage de mes filles, je sais que lorsqu'elles se sont présentées au studio du photographe, celui-ci leur montrait d'habitude un album dans lequel on trouvait diverses photographies prises à d'autres mariages, pour montrer la façon dont le photographe travaille. Si nous revenons au fameux contrat, en ferait-on signer dans des cas comme celui-là?

    Je sais bien que les photos qu'on a montrées à mes filles n'étaient pas nécessairement vendues au public, mais elles aidaient le photographe à convaincre les clients éventuels. Lorsque vous y avez fait allusion, cela m'a chiffonné un peu. J'ai oublié, mais lorsque l'on souhaite que des photographies soient prises lors d'un mariage, faut-il signer un désistement pour que les photographies puissent être utilisées dans un album, par exemple?

+-

    M. André Cornellier: Comme je suis photographe, j'aimerais répondre. Je fais pour ma part signer des contrats demandant à ceux que je vais photographier la permission d'utiliser leur photo dans mon portfolio pour pouvoir les montrer à ma clientèle. En 30 ans de carrière, une seule personne me l'a refusée. Lorsque les clients apprennent que la photo ne doit servir que dans un portfolio, pour faire valoir mon travail, ils acceptent la plupart du temps. Mais lorsque la personne dont je vous ai parlé a refusé, j'ai retiré cette photo de mon portfolio.

    Je ne puis vous assurer que tous les photographes canadiens procèdent de la même façon, mais la plupart de nos membres le font. Nous leur apprenons comment faire et leur conseillons de le faire. D'ailleurs, lorsque nos deux associations se rendent dans les écoles pour faire des photos, nous leur conseillons d'apporter des formulaires de désistement.

»  +-(1705)  

+-

    M. Alex Cameron: C'est une question importante. Je ne remets pas en question ce qui vient d'être dit, car c'est sans doute le cas, mais on ne peut s'attendre à ce que ce soit le client qui pose la question. Le photographe doit se voir obligé de présenter le contrat au client. Si on s'attend à ce que ce soit le client qui réagisse, on utilisera ces photos à toutes sortes de fins sans son consentement. On ne peut s'attendre à ce que ce soit les clients qui posent la question. De plus, rien n'incite le photographe à soulever la question, car cela pourrait même compliquer les négociations en cours avec le client. Il est important de le comprendre.

    Je ne connais pas bien la loi américaine, mais je sais que six autres pays, et pas seulement l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont adopté des dispositions presque identiques à celles que nous proposons.

    Je crois savoir que notre mémoire a été traduit. Je ne sais pas comment vous pouvez en obtenir un exemplaire, mais vous devriez en avoir un, car on y trouve une annexe qui expose les dispositions adoptées par chacun de ces pays (la Nouvelles-Zélande, l'Australie, la Hollande, l'Angleterre, l'Irlande et la Belgique) qui ont trait à ce dont nous parlons très exactement.

    Le paragraphe 13(2) ne fait pas du Canada une anomalie et ne nous place pas dans une situation bizarre. S'il était modifié pour dire le contraire, ou si le paragraphe était abrogé, nous serions justement dans une position unique et anormale puisque nous n'accorderions plus au consommateur le type de protection dont nous parlons.

+-

    M. André Cornellier: Ce que vient de dire M. Cameron est très intéressant. En Australie, le droit d'auteur est accordé à la personne qui commandite l'oeuvre, si elle est commanditée pour des fins publiques et personnelles. C'est le seul pays à le faire.

    M. Cameron a dit qu'on faisait la même chose au Royaume-Uni, mais ce n'est pas vrai. Au Royaume-Uni, tous les droits d'auteur sont accordés au photographe.

    La seule précision qu'apporte la loi est la suivante :

85.—(1) Quiconque, à des fins personnelles ou privées, commandite la prise d'une photo ou le tournage d'un film a, lorsque l'oeuvre en résultant est assujettie au droit d'auteur, le droit de
a) ne pas rendre publiques des copies de l'oeuvre,

b) ne pas montrer l'oeuvre en public,

c) ne pas faire diffuser l'oeuvre ni de l'inclure dans un service de programmation par câble.

    La personne qui a commandité les photos n'est donc pas titulaire du droit d'auteur, mais elle a le droit de refuser que la photographie soit publiée.

    Ce que nous disons, c'est qu'au Canada, le droit relatif au respect de la vie privée, le droit relatif à la responsabilité délictuelle et la Cour suprême ont tous trois établi cela et ont confirmé que toute personne a, au Canada, le droit de refuser que sa photo soit rendue publique. Cela nous semble tout à fait acceptable à nous, photographes, et nous acceptons de nous y conformer.

    Ce qui se fait au Royaume-Uni illustre clairement ce qu'il est possible de faire simplement et facilement pour rassurer ceux qui craignent que leur photo puisse être utilisée à toutes sortes de fins. Mais M. Cameron a omis de dire que le droit d'auteur n'est pas accordé là-bas à celui qui se fait photographier, mais plutôt au photographe ou à l'artiste.

+-

    M. Alex Cameron: Mais pas en Australie ni en Nouvelle-Zélande.

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon: J'aimerais savoir, si le droit d'auteur était reconnu aux photographes... Si je commande des photos pour ma famille et que je décide d'en faire une affiche pour une association, est-ce que j'ai le devoir ou l'obligation de demander, en vertu de la loi actuellement en vigueur, la permission au photographe qui a produit l'oeuvre? Si c'était changé, il faudrait que la personne qui a commandé l'oeuvre aille demander l'autorisation au photographe, ce que je n'ai pas à faire présentement, je pense.

+-

    M. André Cornellier: Ce n'est pas tout à fait vrai. En ce moment, il y a deux possibilités. La loi dit que le droit d'auteur va appartenir à la personne qui commande la photo.

+-

    Mme Christiane Gagnon: D'accord. Donc, je me sentirais autorisée à prendre la photo et à faire ce que je veux avec ma photo.

+-

    M. André Cornellier: Oui, sauf s'il y a eu un contrat entre vous et le photographe stipulant le contraire. Personnellement, pour chaque travail que je fais, pour chaque photo que je prends, je fais signer un contrat disant que les droits d'auteur m'appartiennent. Autrement dit, je me protège parce que la loi ne le fait pas. Je suis obligé de le faire. Si quelqu'un refuse de signer mon contrat, c'est à moi de décider si je fais le travail ou non. Je peux donc dire que je ne ferai pas le travail parce que je n'aurai pas le droit d'auteur, ou je vais le faire quand même, mais ce sera négociable.

    En ce moment, ce qui est difficile pour nous--et c'est là où je ne suis pas en accord avec l'Association canadienne des journaux--, c'est que c'est eux, au départ, qui ont le droit et c'est à nous de le négocier avec eux. Ce que je ne trouve pas normal, c'est qu'une compagnie a mon droit au départ et qu'il faut que je redemande la permission pour le renégocier pour moi.

    Nous, ce que nous voulons, c'est qu'on dise que le droit d'auteur appartient au photographe, dans un premier temps. En ce moment, c'est le cas pour les auteurs, pour les écrivains par exemple. Ils engagent beaucoup de gens pour écrire des choses et ils engagent des gens à la pige aussi. Qu'est-ce qu'ils font? Ils demandent à signer un contrat et ils rachètent les droits d'auteur. Donc, ils peuvent toujours négocier avec moi pour me les racheter. Je ne refuserai pas de les vendre si le prix est bon, etc., mais au moins, ce serait à eux de négocier avec moi plutôt que le contraire, comme c'est le cas en ce moment, alors que c'est à moi de négocier avec une grosse compagnie.

    Pour moi, négocier avec une très grosse société comme CanWest, ça peut être très difficile quand la compagnie a dix avocats pour régler ses contrats. Je préfère que ce soit le contraire, que les droits m'appartiennent et que, s'ils veulent me les acheter, rien ne les empêche de m'offrir un contrat disant qu'ils veulent avoir les droits d'auteur et qu'ils sont prêts à les payer. Si le prix est correct, ça ne me pose aucun problème de les vendre.

    Dans votre cas, par exemple, oui, si j'ai un contrat, le droit d'auteur m'appartient, et le droit de votre image vous appartient. Donc, il faut les deux ensemble pour pouvoir reproduire la photo. Il y a un but très précis à cela. Si on revient aux photos de mariage, par exemple, selon ce que CIPPIC propose, les gens paieraient la photo et auraient le droit de l'utiliser, le droit de la copier tant qu'ils le voudraient. Si on fonctionne de cette façon, cela va changer notre façon de fonctionner. Un photographe a deux types de revenus: quand il produit la photo, qu'il fait une séance de photographie, et quand on lui rachète des prints, des tirages.

    Ce que monsieur demande, en fait, ferait en sorte qu'on vendrait un tirage et qu'après cela, on n'en vendrait plus, et les gens pourraient reproduire ce tirage-là à volonté. À ce moment-ci, dans le cas d'un mariage, par exemple, on peut vendre 50, 100 ou 150 tirages, selon le nombre de tirages que les gens qui y ont assisté veulent avoir: la famille, la belle-famille et tous ceux qui veulent des photos. Donc, ils achètent des tirages. Cela fait que le prix de base pour prendre des photos reste bas, reste acceptable et qu'on fait notre profit ensuite sur le nombre de photos.

    Si vous venez pour une photo de passeport, je ne pense pas que je pourrai vous demander 2 000 $, mais selon ce que monsieur propose ici, vous auriez le droit de vendre une photo, et après, les gens auraient le droit de la reproduire. Ce serait comme dire aux propriétaires de Châtelaine qu'ils ont le droit de vendre une revue et qu'après, tout le monde pourrait les passer au scanner et les afficher sur l'Internet sans qu'ils ne puissent en vendre d'autres. Je ne pense pas qu'ils pourraient vivre et je ne pense pas qu'on pourrait vivre.

    À ce moment-là, la seule façon de vivre serait de demander 5 000 $ pour la prise de vue à chaque fois qu'on prendrait des photos, puisqu'on n'aurait plus de revenus ensuite. Donc, le prix des photos deviendrait déraisonnable. Comme beaucoup de gens n'ont pas de gros besoins, ils paieraient donc pour tous les besoins devant, alors que vous, vous avez peut-être un besoin très simple. Dans ce cas, je vais vous dire que la séance de photo est de 75 $ et le print 10 $, et c'est tout ce que vous aurez, car ce sont là tous vos besoins. Mais un mois plus tard, si vous avez besoin d'une autre copie, je vais vous en vendre une autre à 10 $. Mais en ce moment, ce qu'ils disent, c'est que je ne pourrai jamais vous en vendre deux. Donc, je ne pourrai plus vous faire une séance de photographie pour 75 $.

»  +-(1710)  

+-

    Mme Christiane Gagnon: De toute façon, d'après ce que je comprends, présentement, je ne serais pas autorisée à le faire parce qu'il y a un contrat de signé avec vous. Je vais rarement voir des photographes professionnels, mais la photo, je ne peux pas en faire ce que je veux, je ne peux pas la reproduire. Donc, on est quand même limité dans notre rapport avec le photographe présentement. Je ne peux pas faire ce que je veux de la photo, même si on me dit que j'ai des droits d'auteur sur l'oeuvre parce que je l'ai commandée de vous.

+-

    M. André Cornellier: Non. Si je n'ai pas de contrat avec vous, la loi dit que vous avez entièrement les droits d'auteur et, à ce moment-là, vous pouvez faire ce que vous voulez.

+-

    Mme Christiane Gagnon: D'accord, mais vous avez la possibilité de signer un contrat, toutefois. Est-ce qu'on utilise souvent cette possibilité de faire un contrat, parmi les photographes qui font des photos? Avez-vous un ordre de grandeur?

+-

    M. André Cornellier: Le problème quant à ces contrats, c'est qu'on s'est rendu compte que beaucoup de photographes avaient des contrats, mais que beaucoup d'entre eux n'avaient pas une compréhension à 100 p. 100 de la Loi sur le droit d'auteur. De plus, ces contrats-là varient beaucoup; il y a des variations énormes. Il y en a qui ne valent pas grand-chose, pas plus que le papier sur lequel ils sont écrits, parce qu'ils sont tellement mal écrits. Cela devient donc très confus, et personne ne sait à qui vraiment appartiennent les droits d'auteur, donc, il faut engager un avocat pour déterminer ce que le contrat veut dire, pour savoir s'ils appartiennent à un tel ou à tel autre. La raison est qu'il n'y a pas de norme, il n'y a pas de contrat standard, par exemple, que tout le monde utiliserait. C'est pour cela, d'après nous, que ce serait beaucoup plus simple si le droit d'auteur appartenait au photographe, puisqu'on éliminerait tous ces problèmes-là, et tout le monde saurait à quoi s'en tenir.

    Madame parlait d'envoyer des photos par courriel. En fait, ce que les photographes font pour les mariages, ce sont des packages. Ils discutent avec vous, vous demandent quels sont vos besoins et ils vous font un prix. Ils vont même vous donner des scans sur CD que vous pourrez envoyer par courriel. Ils vous donnent la permission de les envoyer par courriel; ils ne la refusent pas, ils vous la donnent. Ce n'est pas vrai qu'on retient tout. On a plutôt tendance à négocier avec la personne pour qu'elle ait le maximum de possibilités, pas le moins de possibilités.

»  +-(1715)  

[Traduction]

+-

    Mme Anne Kothawala: Je n'ai pas encore réagi aux flèches de M. Cornellier à l'endroit des journaux, mais j'aimerais apporter quelques précisions.

    D'abord, et sans vouloir vous contredire, j'aimerais préciser qu'il ne faudrait surtout pas comparer les journaux aux revues. Les journaux publient des nouvelles de dernière heure, et doivent décider en quelques minutes à peine qui envoyer pour couvrir tel ou tel événement. Les revues sont pour la plupart des hebdomadaires ou des mensuels et certes pas des quotidiens. C'est ce qui fait toute la différence du monde.

    Or, le droit d'auteur ne doit pas constituer un obstacle et empêcher la publication de textes d'intérêt public pour les Canadiens. Supposons que votre photographe attitré ne soit pas disponible pour couvrir un événement particulier et que vous deviez y envoyer quelqu'un : vous êtes obligé alors de vous rabattre sur vos photographes contractuels. Si vous avez déjà fait affaire avec certains contractuels, c'est parfait car le contrat existe déjà. Mais dans d'autres cas, vous n'avez pas nécessairement le temps d'ouvrir les négociations en vue d'un contrat. On ne parle pas ici nécessairement d'un mariage qui se produira dans plusieurs mois, ce qui vous donne tout le temps voulu pour négocier avec votre photographe et pour établir avec soin la nature du contrat en vue de l'événement en question.

    La situation est tout autre dans le cas de la photographie d'actualité, surtout lorsqu'il s'agit de nouvelles de dernière heure et que vous devez réagir rapidement.

    Bref, ce qu'il faut regarder... le libellé de la loi devrait peut-être reconnaître qu'il peut y avoir différents types de photographies qui servent à différentes fins. Il peut s'agir de photographies personnelles, de photographies commerciales, de photographies de journalisme et, enfin, de photographies réutilisées à des fins d'archives, à des fins historiques ou encore à des fins de recherche.

    Nous devrions peut-être regarder du côté de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Toutefois, celle-ci est peut-être un peu trop vaste; on ne pourrait certainement pas y inclure les photos d'artistes, car... Mais dans la législation relative à la protection de la vie privée, toute l'exemption à des fins de journalisme procédait du même phénomène que celui que nous voulons faire valoir aujourd'hui : en effet, on a reconnu dans cette loi que la protection des renseignements personnels ne peut avoir préséance en tout temps sur l'intérêt public lorsque vient le temps de publier un texte donné.

    Cela pourrait être une option pour vous... À mon avis, il est impossible de trouver une définition qui convienne à tous les cas. Les photographes qui prennent des photos commerciales et qui désirent que leurs photographies soient versées dans une banque de photos devraient pouvoir le faire et devraient pouvoir tirer de leur travail une rémunération raisonnable.

    Mais il faut absolument faire la distinction entre les différents types de photographies et les divers usages que l'on en fait.

+-

    La présidente: Madame Marrelli.

+-

    Mme Nancy Marrelli: Je m'inscris en faux contre ce qu'a dit à plus d'une reprise M. Cornellier, à savoir qu'il serait plus facile de faire ceci ou cela.

    Le problème, monsieur Cornellier, c'est que vous parlez d'un groupe très ciblé de photographes. Or, il y a toutes sortes de genres de photographes au Canada, et ce qui pourrait être une solution simple pour certains ne le sera pas nécessairement pour d'autres. Nous sommes tous sensibles à la difficulté que vous avez signalée—en tout cas je le suis personnellement—mais je n'accepte pas que l'on jette le bébé avec l'eau du bain parce que vous avez une difficulté. Il faut trouver une meilleure façon de régler le problème.

+-

    M. Ron Poling: Puis-je également intervenir?

    Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. La question n'est pas si simple que cela. Je veux bien comprendre que l'on souhaite obtenir une rémunération raisonnable pour le travail effectué, mais il y a d'autres éléments en jeu. Il est très important de ne pas nous embourber dans des règlements qui nous empêcheront, comme disait Anne, de couvrir les actualités au Canada. Attention de vouloir régler la situation trop rapidement.

    C'est un problème à plusieurs facettes, tout à fait. Du côté des photos de mariage et des albums de famille, je ne voudrais pas être obligé d'obtenir la permission de quelqu'un pour publier une photo que j'ai commandée pour ma famille ni pour l'utiliser de la façon qui plaît à ma famille.

»  +-(1720)  

[Français]

+-

    La présidente: Monsieur Castonguay, avez-vous des questions?

[Traduction]

+-

    M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): J'aurai besoin de plus de temps pour y réfléchir, car il y a énormément de matière à réflexion. Mais il ne fait pas de doute que la question n'est pas aussi simple qu'elle n'y paraît à première vue.

    Monsieur Cornellier, je respecte vos propos et je comprends fort bien que vous soyez obligé de gagner votre vie, comme nous tous. Par ailleurs, si je fais encadrer ma photo, j'ai quand même le droit de décider ce qu'il adviendra de la photo, n'est-ce pas? Quand on décide de l'envoyer aux archives, je crois...

    Je remercie encore une fois tous les témoins de leur contribution. Encore une fois, c'est un dossier extrêmement complexe et il nous faudra encore beaucoup y réfléchir avant de pouvoir proposer un projet de loi.

+-

    La présidente: Si vous me permettez, j'ai moi-même quelques questions à poser.

    Je m'adresse à vous tous : le droit d'auteur devrait-il traiter de la protection de la vie privée, qui est de compétence provinciale? Si je me rappelle bien, ce que nous ont dit les gens du ministère, ce dont nous discutons ici, c'est une question de protection de la vie privée, qui est de compétence provinciale.

    M. Cameron a mentionné le Royaume-Uni, mais il faut comprendre que le Royaume-Uni n'est pas une fédération et que la loi ne s'applique pas là-bas comme ici. En toute justice, il ne faudrait pas comparer des pommes et des oranges. Parmi tous les pays que vous avez mentionnés, y en a-t-il un qui jouit du même type de divisions et de pouvoirs constitutionnels que notre système et que nous pourrions comparer en toute équité au Canada? Je sais que l'Australie est divisée en États, mais je ne sais pas si la protection de la vie privée est de compétence fédérale ou relève des États. J'aimerais que vous m'aidiez et que vous répondiez à cette question.

    Ensuite, je comprends les besoins de Mme Marrelli en matière de recherche, et je suis assez d'accord avec ce qu'a dit M. Harvard. Mais je me rappelle que lorsque les fonctionnaires ont comparu, ils nous ont donné l'exemple des photographies que nous avons tous dans nos archives familiales et de celles que nous prenons de nos familles. Les photos que j'ai prises sont-elles censées être considérées comme commerciales, ou devaient-elles servir plutôt...? M. Cornellier, lui, fait de la photographie commerciale. Mais moi, lorsque je prends des photos, est-ce avec l'intention de me prévaloir d'un droit d'auteur?

    Les fonctionnaires du ministère de l'Industrie nous ont expliqué qu'il n'a jamais été question d'assortir d'un droit d'auteur les séances de clavardage sur Internet. Ce faisant, nous supposons que ces conversations ne serviront jamais à rien et ne seront pas commercialisées.

    Comment fait-on pour savoir et pour faire la distinction entre les créations d'oeuvres d'art? Voilà le genre d'oeuvres que nous voulons protéger d'un droit d'auteur. Par contre, lorsque je prends une photo de ma famille, je n'ai aucunement l'intention de la... J'essaie de comprendre.

    Madame Kothawala, comment font les Américains? Chaque fois qu'il y a des nouvelles de dernière heure, tous les CNN de ce monde veulent diffuser la nouvelle et publier l'exclusivité, peut-être encore plus que les autres radiodiffuseurs. Que fait-on dans ces cas-là? S'ils sont capables de déterminer que le photographe est le titulaire du droit d'auteur... Pouvez-vous nous aider?

    Voilà mes trois questions à l'intention de M. Cameron, de Mme Marrelli et de Mme Kothawala.

+-

    M. Alex Cameron: Pour ce qui est de la façon dont cela se passe dans les autres pays, je crois que le Canada occupe une position unique en son genre. La question n'en est pas une de protection de la vie privée, mais plutôt de droit d'auteur.

    Je vous ai expliqué que les consommateurs s'attendaient à deux choses dans ces circonstances. D'abord, ce qui est le plus important, c'est de pouvoir utiliser les photos qu'ils ont commandées contre rémunération à un photographe. S'ils achètent les photos, ils estiment pouvoir donc les reproduire, les donner à des amis et les envoyer par courriel. Donc, la première chose à établir, c'est que ce n'est pas une question de protection de la vie privée mais de droit d'auteur.

    La deuxième chose à laquelle ils s'attendent, c'est d'avoir le droit de limiter les usages futurs des photos. Dans ce cas-ci, c'est à nouveau une question de droit d'auteur, même si cela peut sembler à première vue une question de protection de la vie privée. La Loi sur le droit d'auteur prévoit des droits afférents à l'utilisation d'oeuvres artistiques. Notre législation relative à la protection de la vie privée porte expressément qu'elle ne s'applique pas à l'utilisation d'oeuvres artistiques; c'est entendu. Ce dont il est question ici, ce sont des utilisations possibles des oeuvres artistiques, et c'est ce qui est prévu dans la Loi sur le droit d'auteur. Nous, nous affirmons que vous devriez modeler le droit d'utilisation de la même façon et l'assujettir à des restrictions comme celles que nous avons proposées.

»  +-(1725)  

+-

    La présidente: Je suis sûre que j'entendrai des avocats dire exactement le contraire.

    Madame Marrelli.

+-

    Mme Nancy Marrelli: La loi dit très clairement que toute photographie, qu'elle soit prise pour vos archives familiales ou pour d'autres raisons, est protégée par un droit d'auteur, et c'est justement là ce qui fait partie du problème. Si l'on s'arrête un instant à ce type de photos, il faut tenir compte de la masse de photographies prises au Canada. Tout enfant de plus de quatre ans prend aujourd'hui des photos. Il y en a donc plusieurs millions, mais elles sont toutes assujetties à la loi. Le droit d'auteur existe, que vous le vouliez ou pas. Nous sommes donc liés par les dispositions de la loi s'appliquant à ces photographies.

    Quelqu'un est venu me voir aux archives hier matin et m'a montré des photographies prises dans les années 50 et 60 d'un restaurant montréalais très célèbre et de photographies prises du personnel du quart de nuit de ce restaurant ouvert 24 heures sur 24. Ma première réaction fut de demander qui avait pris les photos. Ma visiteuse m'a répondu qu'elle n'en avait aucune idée, mais que cela ne pouvait certes pas être son père, mort en 1972, puisqu'il figurait dans les photos.

    Or, ce restaurant est à la veille de fermer ses portes et ces photos pourraient servir de documents illustrant la trame sociale de ma ville, là où je demeure. Malheureusement, je ne pourrai pas rendre cette photo publique puisqu'elle a été prise après 1948. C'est stupide, mais c'est la loi.

+-

    La présidente: Madame Kothawala.

+-

    Mme Anne Kothawala: J'aimerais réagir à la question de protection de la vie privée. La question est pertinente puisque le Canada est doté d'une loi fédérale sur la protection de la vie privée—tandis que beaucoup des provinces sont à mettre à jour leurs propres lois—qui reconnaît que le travail du journaliste est différent. Voilà où je tracerais le parallèle. Je ne crois pas que les problèmes soient les mêmes en termes de droits d'auteur et de protection de la vie privée, mais le fait que le travail du journaliste soit considéré comme différent est pertinent, à mon avis, à cette discussion sur le droit d'auteur. Voilà pour la réponse à la première question.

    Quant à l'Associated Press, je dois dire que je ne suis pas une spécialiste en la matière. C'est M. Cornellier qui en a parlé. Je ne sais pas s'il est un spécialiste de la façon dont l'AP conclut ses contrats avec ses photographes, mais je ne crois que nous puissions tenir pour acquis que tout fonctionne pour le mieux aux États-Unis, alors qu'aucun d'entre nous ne sait vraiment comment la loi s'applique là-bas. Moi, je ne m'y connais certes pas. Je ne puis commenter que ce qui se fait au Canada, dans nos journaux, et la façon dont la PC traite avec nos photographes.

+-

    La présidente: Je comprends. Toutefois, chaque fois que l'on a parlé des autres pays, il était remarquable de constater que l'on ne mentionnait jamais ce qui se passe aux États-Unis. Voilà pourquoi je crois qu'il convient de poser la question et de demander à nos attachés de faire de la recherche là-dessus.

    Monsieur Cornellier.

+-

    M. André Cornellier: En fait, le droit d'auteur est très clair aux États-Unis. Tous les droits appartiennent au photographe, sans exception aucune. Si le photographe est l'employé d'une agence, alors le droit d'auteur appartient à son employeur, tout comme ici. Nous ne contestons pas cela. Nous ne voyons pas d'inconvénient à cela et nous ne voulons pas que cela change.

    En outre, aux États-Unis, la Loi sur la protection de la vie privée est une loi de l'État. Chaque État a sa propre loi sur la protection de la vie privée, exactement comme nous au Canada. Ce n'est pas une loi fédérale mais une loi de l'État. Il y a donc 50 lois sur la protection de la vie privée aux États-Unis et elles traitent très bien de cela.

    Manifestement, certaines lois sont plus musclées que d'autres. Prenez le cas de la Californie qui a sans doute la loi la plus sévère du monde entier. À la Loi sur la protection de la vie privée, s'ajoute la Loi sur la publicité, ce qui signifie que si vous êtes acteur, vous avez le droit d'empêcher que votre image soit diffusée dans le film sans votre consentement. Le producteur doit vous consulter. En Californie, donc, il y a un cran de plus que la Loi sur la protection de la vie privée, ce que la plupart des autres États n'ont pas. On estime que ce n'est pas nécessaire parce qu'il n'y a pas beaucoup d'étoiles du cinéma en Orégon ou en Ohio.

    Essentiellement donc, à mon avis, l'exemple américain se rapproche énormément du nôtre. La Loi sur le droit d'auteur n'empêche pas le photographe... c'est la législation sur la protection sur la vie privée qui intervient. Nous ne pensons pas que cela va déclencher des actions en justice; cela ne pose pas de vraie difficulté.

»  -(1730)  

-

    La présidente: Merci.

    Je pense qu'il est important que nous trouvions une solution canadienne durable. J'essaie toujours de voir ce qui se fait ailleurs. Il est assez évident que l'expérience américaine est lacunaire et ce n'est pas du tout que je pense que nous devrions prendre pour modèle la méthode américaine.

    J'entends le timbre. Je vais donc vous remercier tous d'être venus.

    Madame Marrelli, si vous et votre équipe d'experts trouvez une solution à ce problème, n'hésitez pas—et c'est vrai pour les autres—à nous envoyer des renseignements supplémentaires.

    Merci à tous d'être venus. La séance est levée.