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SNAS Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité sur la Sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1er avril 2003




¹ 1540
V         Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.))
V         M. Ward P. Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité)

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Kevin Sorenson

¹ 1555
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ)
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Mario Laframboise

º 1600
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Mario Laframboise
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Mario Laframboise
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Mario Laframboise
V         M. Ward P. Elcock

º 1605
V         Le président
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD)
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Bill Blaikie
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Bill Blaikie

º 1610
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock

º 1615
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Kevin Sorenson

º 1620
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président

º 1625
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Mario Laframboise

º 1630
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt

º 1635
V         Le président
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson

º 1640
V         M. Ward P. Elcock
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock

º 1645
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président

º 1650
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock

º 1655
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         Le président
V         M. David Pratt
V         Le président
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         Le président

» 1700
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock

» 1705
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. David Pratt
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt

» 1710
V         M. Ward P. Elcock
V         M. David Pratt
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président
V         M. Ward P. Elcock
V         Le président










CANADA

Sous-comité sur la Sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er avril 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)) : Chers collègues, nous examinons le Budget des dépenses du Service canadien du renseignement de sécurité, autrement dit ses prévisions budgétaires. Nous regardons généralement les chiffres globaux et nous posons ensuite des questions générales.

    Nous avons aujourd'hui pour témoin et invité M. Ward P. Elcock, qui est depuis longtemps directeur du SCRS. Notre attaché de recherche, Phil Rosen, a préparé à l'intention des membres du comité un court document qui pourrait être utile pour poser des questions et pour comprendre les prévisions budgétaires. C'est Marilyn Pilon qui est ici aujourd'hui en tant qu'attachée de recherche. M. Rosen est actuellement dans l'Ouest avec le Comité de la justice.

    Je vais commencer par demander à M. Elcock s'il a une déclaration préliminaire à faire. Si oui, il peut commencer par nous la présenter, après quoi nous passerons aux questions.

    Monsieur Elcock.

+-

    M. Ward P. Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Merci, monsieur le président.

    J'ai une déclaration préliminaire, en effet. Je vais être bref afin de vous permettre de poser le plus de questions possible. Mais j'espère que mes quelques observations seront utiles compte tenu du contexte dans lequel nous nous trouvons.

    Comme le savent sans doute les membres du comité, la stabilité de la sécurité mondiale est plus précaire qu'elle ne l'a été depuis des années. Les nombreuses tensions constatées aux quatre coins de la planète pourraient avoir des conséquences graves; si jamais elles débouchaient simultanément sur des conflits, la capacité du reste du monde à y apporter une solution militaire, politique et humanitaire serait mise à très rude épreuve.

    Les mesures décidées en réaction aux actes des terroristes islamistes soumettent les ressources des services de sécurité occidentaux, y compris du SCRS, à des pressions énormes. L'escalade des tensions a multiplié le nombre de demandes des alliés et exige des efforts accrus pour répondre aux exigences en matière de sécurité nationale.

    Depuis que la guerre a été déclarée en Irak, le 19 mars 2003, le Service est en état d'alerte élevée; il a redoublé de vigilance et intensifié ses activités opérationnelles contre le terrorisme. Je dois préciser, monsieur le président, que même s'il y a une guerre en Irak, le Canada n'a pas déclaré la guerre à ce pays. Jusqu'ici, à notre connaissance, les Canadiens et les intérêts du Canada n'ont été exposés à aucune menace précise.

    En novembre 2002, Oussama Ben Laden a désigné nommément le Canada comme cible légitime d'Al-Qaïda, en bonne partie en raison de sa participation aux opérations en Afghanistan et de son appui aux mesures vigoureuses prises pour combattre le terrorisme. Le Service estime que cette annonce permet de croire que des extrémistes musulmans pourraient commettre des attentats terroristes au Canada ou contre des intérêts canadiens à l'étranger. Il demeure donc en état d'alerte élevée et continue de faire preuve de vigilance face au réseau Al-Qaïda et aux groupes qui y sont associés.

    Quoique nous ne possédions aucune information sur la date et l'heure d'éventuels attentats, ni sur les méthodes qui pourraient être utilisées pour les perpétrer, il est prouvé qu'Al-Qaïda dispose de moyens pour mener une grande variété d'opérations terroristes, notamment des attentats avec des engins explosifs improvisés causant des pertes massives, des détournements d'avion, des assassinats, des enlèvements et des assauts armés. Dans l'ensemble, on estime qu'une menace directe pèse maintenant sur le Canada et les intérêts canadiens partout dans le monde. Bien sûr, les États-Unis demeurent toujours la principale cible en Amérique du Nord. Bien que le risque d'un attentat à l'arme chimique ou biologique soit jugé faible, particulièrement en territoire canadien, cette menace s'étend maintenant également au Canada.

    Tout de suite après les attentats du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center, le gouvernement du Canada a adopté un certain nombre de mesures législatives et d'initiatives stratégiques destinées à assurer la sécurité des Canadiens et il a alloué des sommes substantielles dans le domaine de la sécurité publique et de la lutte au terrorisme.

    En raison de la menace actuelle, le Service a vu sa charge de travail augmenter dans plusieurs domaines, dont le filtrage des demandes d'immigration, le filtrage pour le gouvernement, les recherches nécessaires pour l'inscription d'entités terroristes et la lutte contre le financement d'activités terroristes. Le gouvernement du Canada a reconnu l'ajout de ces nouvelles responsabilités et le besoin accru de ressources d'enquête en fournissant des fonds supplémentaires. Comme il l'a annoncé dans le budget de décembre 2001, il a haussé le budget de base du Service de 35 p. 100, soit 354 millions de dollars pour une période de six ans. Cette augmentation a permis au SCRS de faire passer le nombre de ses employés à 2 290 en 2002-2003, alors qu'il se chiffrait à 2 097 l'année précédente.

    Ces ressources ont permis au Service de renforcer les programmes en place et de prendre d'importantes mesures pour accroître son efficacité sur le plan opérationnel, notamment d'accélérer son programme de recrutement et de remplacer son matériel technique et de communication désuet.

    Malgré cette augmentation budgétaire, cependant, le renseignement de sécurité demeure par sa nature même une question de gestion du risque. Le SCRS évalue régulièrement les nouvelles menaces, en établit la priorité et répartit ses ressources de manière à relever le mieux possible les défis que pose la menace actuelle.

    Sa grande priorité demeure la même: protéger la population contre la menace terroriste, l'extrémisme sunnite figurant en tête de liste du programme de lutte contre le terrorisme. Ses autres priorités opérationnelles restent, elles aussi, inchangées: contrer la menace que représentent les armes de destruction massive, assurer la sécurité économique du Canada, déjouer les cybermenaces contre l'infrastructure essentielle et protéger l'information confidentielle détenue par le gouvernement du Canada contre les gouvernements étrangers et les autres personnes ou organisations qui pourraient menacer la sécurité des Canadiens.

    L'antiterrorisme illustre bien les efforts déployés par le Service pour gérer les risques et affecter convenablement ses ressources. Au début des années 90, le terrorisme a commencé à apparaître comme la plus grande menace pour la sécurité du Canada. Reconnaissant le nouveau contexte de cette menace, le SCRS a immédiatement affecté des ressources au programme opérationnel d'antiterrorisme, en mettant l'accent sur l'extrémisme islamiste sunnite. Au cours de la dernière décennie, les ressources consacrées à la lutte contre le terrorisme ont augmenté selon l'ampleur et la complexité de la menace.

    Le Service a également pris d'autres mesures pour s'adapter au contexte changeant de la sécurité. Il a notamment créé une Direction de la lutte contre la prolifération. Le risque que représente la prolifération des armes de destruction massive est une source de préoccupation de plus en plus grande, car des États aussi bien que des protagonistes non étatiques cherchent aujourd'hui à obtenir ces armes meurtrières et le pouvoir qui y est associé. Face à cette menace, le gouvernement du Canada a fait de la lutte contre la prolifération une de ses priorités au chapitre du renseignement de sécurité.

¹  +-(1545)  

    Le SCRS a réagi à la gravité croissante de la menace que représente cette prolifération en créant un service qui réunit les éléments chargés d'enquêter sur ces questions. Ce service met son expérience de la lutte contre l'espionnage et le terrorisme au service de la lutte contre cette menace croissante qui déborde les frontières nationales et dont les protagonistes ne sont pas tous des États.

    La Direction de la lutte contre la prolifération s'acquitte de ses responsabilités dans le cadre du mandat du SCRS en recueillant de l'information sur les programmes de fabrication d'armes biologiques, chimiques et nucléaires de gouvernements étrangers ou d'organisations terroristes. En échangeant des renseignements avec les gouvernements étrangers et en coopérant étroitement avec un certain nombre de ministères et d'organismes fédéraux, la Direction de la lutte contre la prolifération enrichit ses connaissances et partage ses renseignements sur les menaces et les tendances nouvelles dans ce dossier. Grâce à l'information qu'elle recueille,elle évalue les risques d'utilisation d'armes de destruction massive au Canada ou contre des intérêts canadiens, et diffuse les résultats de ses analyses aux autres services de sécurité et de renseignement, ainsi qu'aux autres ministères et organismes fédéraux.

    Passons maintenant à la coopération accrue en matière de renseignement. Les attentats terroristes perpétrés contre les États-Unis le 11 septembre 2001 ont de nouveau mis en évidence la nécessité, pour les services de sécurité et de renseignement, de collaborer entre eux tant au pays qu'à l'échelle internationale. Le caractère transnational de plusieurs organisations terroristes, dont Al-Qaïda est la mieux connue, exige un partage efficace des renseignements pertinents entre les organisations chargées de la sécurité publique. La prestation en temps opportun, à d'autres organismes gouvernementaux, de conseils à valeur ajoutée qui répondent aux besoins des clients demeure une priorité. Elle permet ainsi au SCRS de s'assurer que les besoins individuels en matière de renseignements de sécurité sont comblés et de favoriser un échange suivi d'information entre le Service et ses principaux clients ministériels.

    Pour faire face à l'évolution de la menace, le SCRS a accru ses échanges de renseignements avec les services de renseignement de sécurité des pays amis appuyant l'engagement du Canada à combattre le terrorisme international.

    En ce qui concerne le contrôle de sécurité préliminaire, les conseils en matière de sécurité sur les questions d'immigration et de citoyenneté constituent un volet crucial de la lutte contre les menaces pour la sécurité du Canada importées de l'étranger. Le programme de filtrage constitue la première ligne de défense contre les individus qui tentent d'entrer au Canada dans le but de compromettre sa sécurité. Le SCRS essaie donc de s'assurer que toutes les demandes dans ce domaine sont traitées dans les plus brefs délais.

    En étroite collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada, la principale tâche du Service en ce qui concerne ce programme de filtrage des demandes d'immigration consiste à fournir des conseils en matière de sécurité à CIC. Le but est d'empêcher les personnes interdites de territoire en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés d'entrer au Canada ou d'y obtenir le statut d'immigrants. Au cours de la dernière année, le changement le plus important, du point de vue du filtrage de sécurité, a été l'adoption du programme de contrôle de sécurité préliminaire pour tous les demandeurs du statut de réfugié au Canada.

    Il s'agit d'une initiative du gouvernement permettant de s'assurer que tous les demandeurs du statut de réfugié qui arrivent au Canada font l'objet d'une vérification dans les dossiers du SCRS et de la GRC avant l'évaluation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cette initiative a été mise en oeuvre pour qu'il soit possible de repérer et de filtrer le plus tôt possible, pendant le processus de détermination du statut de réfugié, les individus pouvant avoir un dossier de sécurité ou un casier judiciaire parmi le flot de demandeurs du statut de réfugié. Avant la mise en place de ce programme, le SCRS n'avait pas pour tâche ou pour mandat de filtrer les demandeurs du statut de réfugié.

    Il y a cependant de nouvelles demandes et de nouvelles pressions à l'horizon. Compte tenu de la hausse des préoccupations liées à la sécurité depuis les événements du 11 septembre, l'escalade des tensions a multiplié le nombre de demandes des alliés et exige des efforts accrus pour répondre aux impératifs de sécurité nationale.

    En raison de la menace actuelle, le SCRS a vu sa charge de travail augmenter dans plusieurs domaines; je veux mentionner en particulier l'utilisation des recherches et des analyses du SCRS pour l'inscription d'entités terroristes en application de la Loi antiterroriste; l'utilisation des renseignements du SCRS dans la lutte contre le financement d'activités terroristes; les demandes de services de filtrage de sécurité, que le SCRS fournit à l'ensemble de l'administration fédérale, sauf à la GRC, et désormais à toutes les centrales nucléaires et à certaines administrations provinciales; les demandes accrues d'information, notamment de la part des services américains, ces demandes ayant augmenté d'environ 300 p. 100 au cours des six premiers mois qui ont suivi le 11 septembre, tendance qui ne donne aucun signe de vouloir s'inverser.

    Pour le SCRS, qui est déjà assujetti à l'examen du CSARS et de l'inspecteur général et qui doit composer avec des pressions opérationnelles à une époque où la gravité de la menace ne cesse de s'accroître, le fait de susciter un intérêt sans précédent de la part d'autres institutions gouvernementales et parlementaires s'est révélé être un autre défi à relever.

    Malgré cet accroissement de notre charge de travail, il est important de signaler que notre relation avec nos partenaires américains demeure forte et d'une importance primordiale. C'est ce qu'a réitéré Louis Freeh, ancien directeur du Federal Bureau of Investigation, lors d'une conférence tenue en mars 2002 à Whistler. M. Freeh a alors déclaré ce qui suit:

À ma connaissance, et je tiens cette information de source sûre, il n'existe rien de comparable ailleurs dans le monde aux relations étroites qu'entretiennent les services de renseignement et d'application de la loi de nos pays respectifs dans le cadre du partenariat canado-américain [...] dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et l'espionnage.

¹  +-(1550)  

    La guerre contre le terrorisme se poursuivra et évoluera à mesure que les parties en présence s'adapteront aux nouvelles réalités internationales. Les récents événements ayant démontré que le Canada n'est pas à l'abri du terrorisme, le SCRS continuera de tout mettre en oeuvre, en collaboration avec ses partenaires, pour faire échec au soutien aux réseaux de financement du terrorisme au Canada et pour empêcher les membres des organisations terroristes de trouver refuge en territoire canadien.

    J'espère que ces commentaires seront utiles pour les membres du comité. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre de mon mieux.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Elcock.

    Nous allons commencer par des rondes de sept minutes. Monsieur Sorensen.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Merci d'être revenu nous voir aujourd'hui. C'est toujours un plaisir de vous recevoir, et de pouvoir vous poser des questions et obtenir des réponses sur une guerre qui nous préoccupe tous, la guerre contre le terrorisme.

    J'ai quelques questions à vous poser, mais je vais en garder pour les rondes de trois minutes. Premièrement, tout au long de votre exposé, vous avez beaucoup parlé de la menace accrue depuis le 11 septembre. Vous avez évoqué quatre ou cinq fois le resserrement des mesures de sécurité depuis le 11 septembre, les six mois qui ont suivi le 11 septembre, et le niveau de risque accru depuis le 11 septembre. Mais pourriez-vous nous dire si le niveau de risque et les mesures de sécurité ont été encore accrus depuis le début de la guerre en Irak? Nous ne sommes pas en guerre. Nous n'avons pas déclaré la guerre, mais évidemment, notre allié et notre plus proche partenaire commercial l'a fait. Nous entretenons des liens très étroits avec ses services de renseignement, comme avec ceux du monde entier.

    Est-ce que nous avons constaté une menace accrue ici au Canada à cause de cette guerre, à cause de notre proximité avec les États-Unis, qui pourrait vouloir dire que certains ennemis, dans cette guerre...? Il y a eu des attentats terroristes pendant la guerre: des attentats à la voiture piégée, des attentats suicides et d'autres. Si ce genre de choses devait se produire ailleurs, aux États-Unis ou dans d'autres parties du monde, le SCRS considère-t-il qu'il y a une menace accrue depuis le déclenchement de la guerre en Irak?

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, le Canada ne participe pas à la guerre. Cela dit, bien des gens craignent depuis longtemps que, dans l'éventualité d'une guerre, l'Irak ait recours au terrorisme pour faire la guerre de son point de vue. Il est évident que c'est une perspective qui préoccupe depuis un certain temps tous les services de renseignement du monde.

    Le problème avec les opérations terroristes, qu'elles soient menées par Al-Qaïda ou par les Irakiens, c'est que même des pays qui ne participent pas à la guerre peuvent en subir le contrecoup et être considérés comme des cibles secondaires pour atteindre des cibles américaines ou britanniques. Il ne fait aucun doute que, dans ce contexte, la guerre en Irak a entraîné des tensions et des risques accrus dans le monde entier.

+-

    M. Kevin Sorenson: Compte tenu de ce risque accru et de la menace qui pèse sur notre sécurité depuis le début de la guerre en Irak, avez-vous demandé au gouvernement de vous accorder des ressources supplémentaires qui vous aideraient à mieux répondre à ce risque accru?

+-

    M. Ward P. Elcock: Comme je l'ai déjà dit, monsieur le président, nous avons obtenu des fonds importants dans le budget de décembre, à la suite du 11 septembre. Pour le moment, nous ne voyons pas la nécessité de demander des ressources supplémentaires pour faire face à la situation actuelle.

+-

    M. Kevin Sorenson: J'aimerais vous poser une question sur une chose au sujet de laquelle vous vous êtes déjà prononcé publiquement.

    Quand nous avons reçu l'ancien sous-greffier du Conseil privé—je pense qu'il s'appelle Richard Fadden—pour lui poser des questions, il avait recommandé que le SCRS envisage d'aille au-delà de sa capacité de recueillir des renseignements au Canada même et qu'il élargisse ses horizons, qu'il soit plus actif au niveau international. Notre vice-premier ministre a déjà dit pour sa part qu'il était peut-être temps d'élargir nos capacités de renseignement à l'échelle internationale. Il songeait à quelque chose comme la sécurité intérieure, mais avec une possibilité de déborder nos frontières.

    Y a-t-il eu des discussions ou des réflexions plus poussées sur la possibilité d'élargir le rôle et les capacités du SCRS pour qu'il soit plus actif sur la scène internationale? Je reconnais pleinement que nous pouvons déjà recueillir des renseignements à l'échelle internationale en faisant appel à d'autres organismes, mais est-ce que nous avons eu des discussions récemment au sujet de la mise en place d'un organisme qui travaillerait à l'étranger pour s'occuper du filtrage préliminaire des candidats à l'immigration?

¹  +-(1555)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Malheureusement, la réponse à votre question est plutôt longue. En fait, en ce qui concerne le filtrage, pour ne prendre que cet aspect-là de la question, nous avons déjà des agents à l'étranger qui exercent cette fonction. Ils sont là à titre d'agents de liaison, mais ils s'occupent également de filtrage, en ce sens qu'ils se chargent des cas préoccupants en effectuant des entrevues à l'étranger. Ils le font déjà depuis des années.

    En ce qui concerne les opérations à l'étranger, cela a toujours fait partie du mandat du SCRS et il y a eu, si vous voulez, une évolution dans le genre d'opérations que le SCRS a la capacité et le mandat d'exécuter en dehors du pays. Ce mandat s'applique à toute menace contre la sécurité du Canada et, par conséquent, à toute autre information que le SCRS pourrait recueillir dans le cadre d'une enquête à ce sujet.

    Nous avons travaillé dans le passé avec d'autres organismes à l'étranger, et nous allons continuer à le faire, mais nous menons également nous-mêmes des opérations secrètes en dehors du pays si nous le jugeons utile dans les circonstances. Il n'est pas possible de régler tous les dossiers grâce à ce genre d'opérations, mais nous en menons déjà, nous en avons mené dans le passé, et nous allons continuer à en mener à l'avenir.

+-

    Le président: Merci, monsieur Sorenson.

[Français]

    Monsieur Laframboise, vous avez sept minutes.

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je vais reprendre un peu ce que mon collègue de l'Alliance canadienne mentionnait plus tôt. Je veux qu'on se comprenne bien. Il vous demandait si la guerre augmentait les pressions terroristes. Vous avez d'abord dit qu'on n'était pas en guerre. Donc, théoriquement, la guerre ne devrait pas augmenter les pressions. Mais par la suite, vous avez dit que ça augmentait les tensions.

    Est-ce que c'est sur les biens des Américains ou de la Grande-Bretagne? Je pourrais comprendre pour les ambassades, mais est-ce que cela augmente les tensions, ou si, vu qu'on n'est pas en guerre, il n'y a pas de pressions supplémentaires par rapport à la guerre? Le terrorisme est toujours là. On est conscients qu'il y a toujours des pressions face au terrorisme et que vous vous devez de faire votre travail, mais la question qu'il vous a posée portait sur la guerre. Est-ce que cela augmente les tensions?

[Traduction]

+-

    M. Ward P. Elcock: Ce que j'ai dit, monsieur le président, c'est que même si le Canada ne participe pas à la guerre, le problème avec les guerres, c'est qu'il y a parfois des victimes innocentes qui sont mêlées aux événements. Il faut reconnaître que nous sommes les voisins immédiats d'un des principaux pays belligérants et que des opérations irakiennes pourraient prendre pour cibles des intérêts américains ou britanniques au Canada, ou encore que des agents irakiens pourraient chercher à entrer aux États-Unis. C'est le genre de choses, parmi d'autres, qui accroîtraient les risques d'attentats terroristes et, de notre point de vue, les risques sont plus grands ces temps-ci à cause de la guerre en Irak et des menaces potentielles.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Mais si je comprends bien, c'est contre des biens des Américains et de la Grande-Bretagne ici, au Canada. Sinon, vous auriez augmenté la cote de sécurité. Il ne faut quand même pas apeurer la population qui nous écoute, monsieur Elcock. Il faut être réaliste. Je suis probablement d'accord avec vous que les ambassades pourraient être sujettes... Vous avez sûrement plus de surveillance et vous êtes plus attentifs face aux biens que les pays qui sont en guerre détiennent chez nous, mais pour le reste, ne trouvez-vous pas qu'il ne faut quand même pas énerver la population pour rien?

º  +-(1600)  

[Traduction]

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, je ne parlais d'aucune cible en particulier. Nous n'avons pas de renseignements spécifiques sur une menace précise. Nous enquêtons sur les menaces potentielles afin de les détecter avant qu'elles se concrétisent. C'est à la police et aux autres qu'il appartient de protéger les ambassades et les installations diplomatiques, mais il y a beaucoup d'autres installations. La vérité, c'est qu'il y a beaucoup d'autres cibles—des entreprises ou d'autres entités, par exemple—qui pourraient être visées par une opération. Nos préoccupations à cet égard recouvrent donc une foule de choses.

    Nous poursuivons nos enquêtes pour veiller à ce qu'il ne se produise pas d'événements de ce genre dans notre pays, mais il y a une demande accrue, une menace accrue en plus des menaces qui existaient déjà.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Sauf que cette menace n'a pas fait en sorte que vous augmentiez la crainte de sécurité. Vous n'avez pas lancé un message à la population que vous haussiez d'un cran la tension du public face à ce qu'elle pourrait être. C'est sensiblement ce qu'il y avait avant la guerre. Depuis le 11 septembre 2001, vous faites du bon travail et vous continuez le même travail. Vous nous dites qu'il y a plus de demandes de surveillance; c'est correct, je suis bien conscient de cela. Mais face au travail que vous faites et face à la crainte ou à la hauteur de la menace envers la population, elle était la même avant la guerre qu'après la guerre. Je ne voudrais pas qu'on énerve la population aujourd'hui.

[Traduction]

+-

    M. Ward P. Elcock: Il faudrait dire aussi, je pense, qu'il y a une menace supplémentaire qui s'ajoute, mais ce serait comparer des pommes et des oranges. Quand nous évaluons les niveaux de risque, nous donnons des avis à la police et aux gouvernements sur la nature de la menace. Il appartient ensuite aux gouvernements de prendre les décisions qui s'imposent sur le niveau de réponse nécessaire pour réagir à cette menace. Dans certains cas, il peut être nécessaire de prendre des mesures supplémentaires, par exemple de poster des gardes autour d'autres ambassades ou autre chose du genre.

    En général, c'est une décision qui doit être prise par les corps policiers ou les responsables de l'application de la loi dans tout le pays s'il y a une menace précise, et non selon que le niveau de risque augmente ou diminue de façon générale.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Jusqu'ici, c'est quand même raisonnable pour la population; c'est ce qu'on peut constater.

    Je vais vous poser une deuxième question. Le projet de loi C-17 sera probablement adopté. Moi, vous le savez, je souhaite qu'il y ait des modifications importantes. Mais s'il était adopté tel quel, est-ce que vous avez les budgets suffisants pour créer la banque de données qui est demandée dans le projet de loi C-17? Est-ce que vous avez tout ça dans vos budgets, ou est-ce qu'il faudrait des sommes supplémentaires pour être en mesure d'atteindre les objectifs du projet de loi C-17?

[Traduction]

+-

    M. Ward P. Elcock: Les dépenses prévues en vertu du projet de loi C-17 sont essentiellement liées à la mise en place de la capacité de recherche nécessaire pour comparer une banque de données à une série de noms de terroristes. C'est une dépense additionnelle, mais je pense que nous pouvons nous la permettre. Pour le moment, je ne pense pas que cela pose un problème.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Face à l'analyse que vous avez faite, est-ce que vous êtes allés aussi loin qu'examiner ce qu'auront à payer les compagnies aériennes pour essayer de constituer cette banque de données-là, ou si ce n'est pas de votre ressort et que vous n'avez pas examiné cela? Évidemment, avec la nouvelle façon de travailler prévue dans le projet de loi C-17, vous serez en coordination avec les compagnies aériennes. Est-ce que vous avez analysé la possibilité de coûts supplémentaires pour les entreprises, ou est-ce que ce n'est pas de votre domaine?

[Traduction]

+-

    M. Ward P. Elcock: Pour ce qui est des compagnies aériennes, il y a déjà eu des discussions avec elles et ces discussions vont se poursuivre. De notre côté, nous ne nous attendons pas à ce qu'elles établissent une base de données. Nous aimerions simplement, en définitive, qu'elles nous fournissent une banque de données.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: Vous avez sept minutes, monsieur Blaikie, après quoi ce sera le tour de M. Pratt.

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.

    J'ai seulement quelques questions à poser à M. Elcock. J'ai remarqué qu'à quelques reprises—deux, je pense—, vous avez parlé de l'«extrémisme islamiste sunnite». Je me demande pourquoi vous utilisez une catégorie aussi vague, en ce sens qu'elle inclut beaucoup de gens qui ne devraient peut-être pas être inclus, mais qu'elle en exclut aussi beaucoup d'autres.

    Il est évident, par exemple—et je pense que tout le monde s'en inquiète—, que l'Iran est considéré comme un pays qui fait la promotion du terrorisme ou, du moins, qui est accusé de le promouvoir. Or, c'est un pays musulman chiite.

    Alors, pourquoi parler uniquement des sunnites? C'est ce qui m'a frappé. Ne serait-il pas plus juste de dire qu'il y a certains musulmans sunnites qui ont des liens plus étroits que les autres avec le terrorisme?

+-

    M. Ward P. Elcock: Je pense que l'expression «extrémisme sunnite» vient du fait...

    Il ne fait aucun doute qu'il y a aussi des groupes terroristes chiites. Le problème, à mon avis, dans le cas des extrémistes sunnites, c'est qu'il y en a de nombreux groupes, dont certains sont éparpillés et ont des filiales nationales. Il y a en fait des groupes égyptiens, des groupes soudanais, des groupes somaliens, des groupes tchétchènes et d'autres. En réalité, cependant, tous ces groupes fonctionnent de façon beaucoup plus interchangeable que la plupart des autres organisations, en particulier les groupes chiites.

    Ils coopèrent à ce point entre eux que nous avons plutôt tendance à parler d'extrémisme sunnite plutôt que de dresser une liste interminable de tous les groupes qui se placent sous cette bannière ou qui y sont associés, et qui sont dirigés dans une large mesure par Al-Qaïda.

+-

    M. Bill Blaikie: Vous dites d'autre part que vous prêtez main-forte non seulement à différents ministères et établissements gouvernementaux, mais aussi, maintenant, à des centrales nucléaires et à certains gouvernements provinciaux. Est-ce une chose que vous faites sur demande? C'est bien ce que vous avez dit? Pourquoi certains gouvernements provinciaux, mais pas les autres?

+-

    M. Ward P. Elcock: Pour le moment, certains gouvernements provinciaux nous ont demandé ce service, et le gouvernement fédéral a accepté de le leur fournir contre remboursement de ses coûts, pour effectuer des vérifications de sécurité dans certaines provinces données. Nous avons conclu des accords avec quelques provinces, et je pense qu'il y en a quelques autres qui sont intéressées.

+-

    M. Bill Blaikie: Donc, vous fournissez uniquement ce service sur invitation ou à la suite d'un accord?

    M. Ward Elcock: Oui.

    M. Bill Blaikie: Il y a bien des gens, après le 11 septembre, qui ont exprimé des préoccupations sur le fait que certains groupes étaient pris pour cibles en raison de leur profil racial. Il en a déjà été question dans nos discussions, et vous ne pouvez évidemment pas nous en parler très en détail, mais compte tenu de ce dont nous venons de parler, par exemple au sujet des extrémistes sunnites, est-ce que cela signifie que le SCRS accorde plus d'attention à la communauté des musulmans sunnites qu'à d'autres communautés? Comment les choses se passent-elles?

º  +-(1610)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Non, ce n'est pas ce que cela signifie. Cela signifie simplement, en ce qui concerne les cibles, que nous enquêtons surtout sur certains groupes ou individus en particulier. Nous ne visons pas l'ensemble de la communauté sunnite—pas plus que de la communauté chiite, de la communauté catholique irlandaise ou de n'importe quelle autre communauté dont des organisations terroristes pourraient obtenir l'appui à l'occasion ou au sein de laquelle elles pourraient exister.

    En définitive, nous sommes là pour faire enquête sur des individus et des groupes précis, et c'est la même chose dans le cas des sunnites. Nous nous intéressons aux éléments qui appartiennent à des organisations terroristes et qui sont aussi sunnites, mais nous ne visons pas l'ensemble des sunnites.

+-

    Le président: Merci, monsieur Blaikie.

    Monsieur Pratt, vous avez sept minutes.

+-

    M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Elcock, bienvenue devant le comité. Je suis content de vous revoir. Je dois dire que vous êtes un de mes témoins préférés, dans tous les comités devant lesquels j'ai comparu ou dont j'ai fait partie.

+-

    M. Ward P. Elcock: J'espère bien que c'est parce que mes réponses sont vraiment exceptionnelles.

+-

    M. David Pratt: Oui, en effet, et même plus.

    Vous allez peut-être trouver que je me répète, comme un vieux disque égratigné, monsieur Elcock, mais il y a une question à laquelle je voudrais revenir parce que j'ai trouvé vos réponses très intéressantes la dernière fois.

    Sur la question dont M. Sorenson a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire la possibilité de recueillir des renseignements dans d'autres pays, à l'étranger, il est évident que le SCRS a, du point de vue législatif, l'autorisation de recueillir de l'information dans d'autres pays dans le cadre d'activités secrètes, s'il y a une menace potentielle contre la sécurité du Canada. Il me semble également qu'il y a probablement des limites à ce que vous pouvez faire en termes d'échanges de renseignements. Il y a certainement des pays qui se montrent très coopératifs sur le plan de la sécurité, tandis que d'autres se contentent sans doute de vous fournir un minimum de renseignements, sans aller très en profondeur, je suppose.

    Mais au sujet de certaines de ces opérations secrètes menées à l'extérieur du Canada en cas de menace contre la sécurité du pays, dans notre monde où tout est interrelié, est-ce que nous menons des opérations à la demande, par exemple, de certains de nos plus proches alliés, ou est-ce que nous pourrions envisager d'en mener pour les aider à obtenir de l'information qu'ils ne pourraient pas recueillir eux-mêmes dans un pays étranger? En effet, quand on parle de menaces contre la sécurité du Canada, on peut dire également que les menaces contre la sécurité de nos alliés représentent également une menace pour notre sécurité à nous, n'est-ce pas? Est-ce que les opérations secrètes à l'étranger s'inscrivent dans un cadre aussi vaste?

+-

    M. Ward P. Elcock: Nous menons des opérations à l'étranger avec d'autres organisations. Nous participons à ce que nous appelons des opérations conjointes avec beaucoup d'entre elles.

º  +-(1615)  

+-

    M. David Pratt: Si je comprends bien, ces opérations sont relativement limitées en nombre. Je pense que cela se rattache à la question de la création d'un service de sécurité distinct chargé de recueillir des renseignements à l'étranger pour le Canada. Vous avez indiqué vous-même, par exemple, que les demandes venant des organismes américains avaient augmenté de 300 p. 100 depuis le 11 septembre. Nous recevons plus de demandes de renseignement de nos alliés. Pourtant, contrairement à eux, nous sommes limités parce que nous n'avons pas de service de renseignement à l'étranger, qui pourrait enquêter non seulement sur les menaces contre la sécurité du Canada, mais aussi sur la myriade d'autres intérêts que nous pourrions avoir, que ce soit du point de vue politique, du point de vue militaire, ou du point de vue commercial et économique. Nous nous sommes privés de la capacité de recueillir des renseignements de ce genre parce que nous sommes le seul pays du G-8 qui n'a pas de service de renseignement étranger.

+-

    M. Ward P. Elcock: Pour répondre à votre question, c'est le gouvernement qui devra en définitive adopter une politique à ce sujet, et déterminer s'il souhaite ou non créer un service de renseignement étranger. Le débat sur cette question dure depuis des années.

    Il est certain que le SCRS n'a pas une capacité illimitée pour recueillir de l'information à l'étranger, en vertu du mandat que lui confère la loi. La réalité, c'est que pour des questions de taille, à moins d'être une énorme organisation, le nombre d'opérations qu'il est possible de faire à l'étranger est limitée. Les opérations en dehors du pays sont par définition plus risquées, plus coûteuses, et ainsi de suite. Donc, même si nous avions un service de renseignement étranger, le nombre d'opérations que pourrait mener ce service pourrait aussi être très limité et ne dépasserait peut-être même pas ce que le SCRS peut faire maintenant.

    Je pense qu'il y a un avantage considérable à fonctionner comme nous le faisons, en fonction des menaces contre la sécurité du Canada. C'est peut-être un inconvénient aux yeux du comité, mais en fait, la définition des menaces contre la sécurité du Canada est assez vaste et englobe bien des choses. Elle nous laisse passablement de latitude pour mener nos enquêtes. Le fait que ce soit le SCRS qui mène ces opérations tant au Canada qu'à l'étranger signifie qu'il n'y a pas d'écart entre nous et une autre organisation qui serait chargée des enquêtes à l'extérieur du Canada. Les renseignements que nous recueillons en dehors du pays se rattachent aux enquêtes que nous menons au Canada même. Notre façon de procéder, en fonction des menaces contre la sécurité du Canada, présente donc certains avantages. Si nous devions créer un organisme distinct, il me semble que l'avantage de pouvoir faire circuler l'information facilement, plutôt que d'essayer de la transmettre d'un organisme à l'autre, serait perdu.

    L'autre réalité, à court terme, c'est que notre grande priorité pour le moment, tant pour notre pays que pour un certain nombre d'autres pays à travers le monde, c'est la lutte contre le terrorisme. Si nous devions créer demain un service de renseignement étranger—et je ne dis pas que c'est une bonne ou une mauvaise idée—, il faudrait de dix à quinze ans avant que cette organisation rapporte vraiment des dividendes parce que c'est le temps qu'il faut pour développer les compétences nécessaires afin de mener les opérations qui permettent de recueillir des renseignements utiles. Donc, si nous voulions prendre cette voie-là, ce serait un engagement à long terme. Dans les circonstances actuelles, compte tenu de la lutte contre le terrorisme, la seule façon d'accélérer les choses serait de prendre des gens du SCRS et de les envoyer dans la nouvelle organisation. En tant que directeur du SCRS et, encore une fois, compte tenu de la lutte contre le terrorisme, je dirais que ce serait une erreur en ce moment. Il ne serait pas judicieux, à mon avis, de créer une organisation distincte qui nous obligerait à éparpiller les ressources du SCRS à un point tel que nous ne pourrions plus fonctionner aussi efficacement.

+-

    M. David Pratt: Merci, monsieur le président. J'aimerais que vous inscriviez mon nom pour une autre ronde.

+-

    Le président: Certainement.

    Nous allons maintenant passer à des rondes de trois minutes, en alternant entre nous. Votre président a une ou deux questions à poser lui aussi.

    Monsieur Sorenson, pour trois minutes.

+-

    M. Kevin Sorenson: Merci.

    J'ai quelques autres questions qui font suite à la discussion que nous venons d'avoir. J'aimerais savoir, pour le compte rendu, quelle est l'organisation à laquelle nous faisons appel le plus souvent pour recueillir des renseignements à l'étranger.

+-

    M. Ward P. Elcock: Que voulez-vous dire?

+-

    M. Kevin Sorenson: À quel service de renseignement faisons-nous appel à l'étranger? Est-ce au service britannique? Au service américain? Je ne le sais même pas. Y a-t-il des opérations de renseignement dans des pays avec lesquels nous ne sommes pas alliés historiquement? Est-ce que nous travaillons avec la Chine, par exemple? Ou avec les services de renseignement de certains pays avec lesquels nous n'avons pas de liens très étroits? À qui faisons-nous appel surtout?

+-

    M. Ward P. Elcock: Nous avons des rapports avec environ 250 services à travers le monde, tant des services de renseignement de sécurité que des services de renseignement étranger, et dans certains cas des services de renseignement d'origine électromagnétique. Ces liens sont souvent importants dans des cas précis, pour nous permettre de vérifier ou d'obtenir de l'information, ou encore d'obtenir de l'assistance.

    J'ai déjà dit, et c'est vrai, que nous avons évidemment des rapports particulièrement étroits avec nos partenaires américains. Nous partageons le même espace nord-américain, et la réalité, c'est que nous travaillons en très étroite collaboration.

    Cela dit, nous avons aussi des liens—parfois très étroits—avec beaucoup d'autres services. Dans certains cas, je pense, la plupart des gens seraient étonnés s'ils le savaient. Mais nous avons des liens avec une foule d'organisations.

+-

    M. Kevin Sorenson: J'ai une autre question, qui s'écarte du sujet du renseignement étranger—enfin, peut-être pas... J'aimerais savoir comment réagit le SCRS quand nous sommes mis au courant d'une menace. Je pense par exemple à un réfugié qui représenterait un risque pour notre sécurité et à qui nous refuserions l'entrée au pays. Après le 11 septembre, nous avons interrogé bien des gens au Canada pour savoir s'ils représentaient un risque.

    Est-ce que le SCRS a pour rôle d'informer les Canadiens de l'existence d'une menace de ce genre au Canada, ou du fait qu'il y a des gens qui ont essayé d'entrer, simplement pour les tenir au courant de ce qui se passe et leur montrer que le SCRS a la situation bien en main?

º  +-(1620)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Ces dernières années, notre organisation a cherché—parce que nous étions soumis à des pressions considérables, je dois dire—à devenir plus ouverte, en termes de ce que nous disions et ce que nous ne disions pas. Mais en définitive, il reste que la loi nous a donné pour mandat de donner des avis au gouvernement du Canada.

    De façon générale, en ce qui concerne les cas spécifiques—les menaces précises et les explications plus détaillées sur ces menaces ou sur leur gravité—, nous fournissons cette information au gouvernement, aux forces policières, aux organismes chargés de l'application de la loi et à la GRC, puisque ce sont eux qui doivent assurer la sécurité ou décider du niveau de sécurité approprié en réponse à une menace donnée.

+-

    M. Kevin Sorenson: Hier, à la télévision, nous avons tous vu défiler au bas de nos écrans une nouvelle selon laquelle le SCRS considérait Zundel comme une menace contre la sécurité du Canada. C'est le SCRS qui a pris cette décision. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les gens comme lui ne devraient pas entrer au pays, mais comment avez-vous pu déterminer s'il représente ou non une menace? Est-ce qu'il y a des risques qu'il veuille monter une organisation ou est-ce seulement son message qui représente une menace?

    Comment évaluez-vous le niveau de gravité des menaces contre la sécurité de nos citoyens?

+-

    M. Ward P. Elcock: Dans ce cas-là, je pense que c'est quelqu'un du SCRS qui a témoigné au procès. Je sais à peu près ce qu'il a dit, mais je ne veux pas me lancer dans une discussion détaillée sur ses propos parce que je ne les ai pas sous les yeux. Mais cela faisait partie de sa déclaration devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié au sujet de M. Zundel.

    L'article 77 de la loi sur l'immigration et la protection des réfugiés—j'oublie le titre exact—, qui a remplacé l'ancienne Loi sur l'immigration, prévoit le même genre de choses. Les certificats que nous délivrons en vertu de l'article 70 résultent des enquêtes que nous menons—et c'est la même chose pour la Commission de l'immigration et du statut de réfugié—au sujet de groupes ou d'individus donnés, et qui nous fournissent suffisamment d'information pour nous permettre de déterminer, compte tenu des dispositions de cette loi, que quelqu'un représente effectivement une menace pour la sécurité du Canada.

    Je n'ai pas le document sous les yeux; je ne peux donc pas vous parler en détail ce cette cause, mais il est certain que ce témoignage est du domaine public.

+-

    Le président: Le président voudrait intervenir. Je pense que le moment est bien choisi.

    À la cour de circuit, monsieur Elcock, il a été question des difficultés que posent les autorisations contextuelles, c'est-à-dire le fait de cibler certaines personnes parce qu'elles sont associées à un secteur d'intérêt donné. Si vous ciblez un individu susceptible de représenter une menace, c'est une chose. Mais si vous vous concentrez sur un secteur d'intérêt ou sur un groupe associé à ce secteur, vous devez inévitablement vous intéresser à des gens qui ne représentent peut-être pas une menace eux-mêmes, mais sur qui vous voudrez quand même obtenir de l'information.

    Le CSARS a souligné qu'en recueillant de l'information, le SCRS avait pu à l'occasion aller au-delà de ce qui était strictement nécessaire en l'occurrence. Il l'a mentionné deux fois dans son dernier rapport, une fois vers la page 23, je pense, et l'autre vers la page 77.

    J'aimerais par conséquent savoir ce que vous faites du point de vue des libertés civiles et comment votre service peut recueillir de l'information sur les menaces potentielles. Pouvez-vous nous dire ce qui se passe quand le SCRS se penche sur des secteurs d'intérêt donnés, plutôt que sur des individus précis, et comment il réussit à protéger les libertés civiles des gens qui ne représentent pas eux-mêmes une menace, mais qui peuvent être mis sous surveillance parce qu'ils sont associés à un secteur ou à un groupe particulier?

º  +-(1625)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Je pense, monsieur le président, que vous mélangez un peu les pommes et les oranges.

    Le CSARS nous pose à l'occasion des questions sur la conservation de l'information strictement nécessaire à nos enquêtes. Je pense que les deux cas que vous avez mentionnés n'avaient rien à voir avec des autorisations contextuelles. Ils reflètent seulement l'opinion du CSARS selon laquelle certains renseignements ont été conservés; je pense qu'ils avaient été recueillis dans le cadre d'une enquête découlant d'un mandat, et non d'une autorisation contextuelle... Ce n'était pas du tout cela parce que nous n'aurions pas eu un mandat dans une situation de ce genre. Mais je pense que le CSARS s'inquiétait un peu de l'information que nous avions conservée, parce qu'il ne jugeait pas cela strictement nécessaire. Nous jugions que c'était nécessaire parce que cette information se rattachait clairement à des possibilités de renseignement qui étaient importantes pour nous.

    Nous avons à l'occasion des divergences avec le CSARS. Nous en prenons parfois notre parti chacun de notre côté, mais il arrive, quand le CSARS a des préoccupations sérieuses, qu'il en fasse part au ministre en termes un peu plus insistants. Dans ces cas-là, nous finissons toujours par avoir une discussion avec le ministre, qui doit trancher en définitive, puisque le CSARS ne peut que faire des recommandations, et non prendre des décisions.

    En ce qui concerne le ciblage lié à des secteurs d'intérêt, ou les autorisations contextuelles, c'est une chose que nous faisons normalement quand nous ne connaissons vraiment pas l'ampleur du problème et que nous n'avons pas nécessairement de renseignements détaillés... Ou quand nous ne savons pas exactement quels sont les individus dont nous devrions nous préoccuper. Nous avons peut-être une idée générale du problème, mais cela nous permet... Cela nous donne la discipline nécessaire pour gérer ces enquêtes. Par exemple, si quelque chose de nouveau arrivait sur nos écrans radars, quelque chose dont nous ne savions rien, mais qui pourrait à notre avis déboucher sur une menace contre la sécurité du Canada, nous aurions ainsi l'autorisation de veiller à ce qu'il y ait une enquête menée en bonne et due forme au sujet de cette nouvelle menace potentielle, pour nous assurer qu'il n'y a pas d'enquête inappropriée.

    Les enquêtes menées en vertu de ces autorisations contextuelles comportent généralement peu d'intrusions dans la vie privée des gens. Pour des raisons évidentes, nous n'aurions pas de mandat de toute façon dans des cas comme ceux-là.

+-

    Le président: Dans les années 90-91, le prédécesseur de notre comité s'est penché sur les directives du ministre visant à assurer un environnement sécurisé dans les bureaux du SCRS. J'aimerais vous demander s'il serait possible de refaire cet exercice — dans la mesure où tel serait le voeux des membres du comité. La question a été posée à la dernière réunion du CSARS. À l'époque, le CSARS s'est montré coopératif, mais il nous a par la suite fait savoir par écrit qu'il n'était pas en mesure de renverser les directives ministérielles. C'est pourquoi je vous demande si nous pouvons y revenir.

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, j'ai vérifié tout cela dans tous les sens auprès de toutes les personnes concernées, des échelons les plus élevés du service jusqu'aux postes subalternes. Toutes les personnes que j'ai consultées me disent qu'à leur connaissance le comité n'a pas eu l'occasion de faire un tel examen. À l'époque, il y a eu un débat à huis clos au comité; mais après avoir communiqué avec l'ancien directeur et tous les hauts fonctionnaires qui y avaient travaillé, je crois pouvoir dire que le comité n'a jamais eu accès aux directives ministérielles. Malheureusement, je crois que tous les gens étaient rentrés chez eux cet après-midi…

    Par ailleurs, je dois dire que, de toute façon, ce n'est pas à moi de les fournir. Ce sont les directives du ministre pas les miennes. Il appartient donc au ministre de décider d'y donner accès ou non.

+-

    Le président: Très bien. Vous appliquez les directives et le comité pourrait souhaiter les consulter. Je me souviens très bien des directives. Malheureusement, la réunion au cours de laquelle il en avait été question s'était tenue à huis clos et nous n'avons donc pas de transcription.

    De toute façon, je vais maintenant faire circuler aux membres du comité un projet d'ordonnance qui va nous permettre de nous pencher là-dessus, si les membres du comité en émettent le voeu. Nous pouvons considérer cela comme un avis de motion.

    Je m'arrête ici pour céder la parole à M. Laframboise pour trois minutes.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.

    Ça m'intéresse. Je vais poursuivre votre questionnement, monsieur le président, parce que lors de l'étude du projet de loi C-17, qui est le projet de loi sur la sécurité et, entre autres, sur la collecte de renseignements sur les voyageurs, on vous a posé des questions, monsieur Elcock, surtout face aux interventions du commissaire à la protection de la vie privée et du commissaire à l'information, qui, par le projet de loi qui est déposé, se voyaient pratiquement exclus de la vérification. Car comme vous le savez, le projet de loi C-17 tourne autour de la collecte de renseignements personnels et sur le temps que vous allez les conserver. Or, je vois que la question de M. le président portait sur le temps et sur le ciblage des renseignements.

    Vous savez, monsieur Elcock, qu'on est là, nous, pour assurer la transparence, pour essayer de démontrer à la population que le travail que font les services policiers et les services de renseignement ne vont pas contre ses intérêts. Ça m'étonne que vous ayez la même réaction que vous avez eue au comité, c'est-à-dire que vous ne voulez pas qu'on rajoute des textes qui assureraient, par exemple au commissaire à la protection de la vie privée, la possibilité de vérifier si les renseignements que vous conservez sont vraiment des renseignements qui présentent un intérêt et qui ne vont pas à l'encontre de la liberté des individus.

    C'est la même chose pour le commissaire à l'information, qui nous dit que ça n'a aucun sens que les renseignements personnels ne puissent pas faire l'objet de l'accès à l'information, qu'ils soient complètement exclus de la Loi sur l'accès à l'information. Or, vous avez maintenu que ces gens-là n'avaient pratiquement pas besoin de...

    Cela m'inquiète, monsieur Elcock. Essayez de me rassurer sur le fait que lorsque vous avez des renseignements, vous ne voulez pas que d'autres organismes viennent vous dire... Essayez de faire comprendre à la population que les renseignements que vous conservez ne vont pas à l'encontre des intérêts ni des droits et libertés des individus.

º  +-(1630)  

[Traduction]

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, je pense que c'est une légère déformation de ce que j'ai dit au comité. C'est impossible à vérifier, étant donné que nous n'avons pas la transcription de mes commentaires, et je ne me souviens pas exactement de ce que j'avais dit. Mais si vous me permettez de revenir à la question, je peux confirmer que tout ce que fait le SCRS est passé en revue par le CSARS et que toutes personne qui a lieu de se plaindre des activités du SCRS peut en référer au CSARS pour qu'il fasse enquête. D'autre part, le commissaire à la vie privée a accès aux documents du SCRS et peut inspecter les dossiers du SCRS, etc.

    À l'époque, je crois que je répondais simplement à une question concernant la nécessité d'inclure dans le projet de loi C-17 une clause permettant d'assurer la transparence nécessaire. À mon avis, il n'y en a pas. Je suis certain que tout ce que nous faisons et pourrions faire en ce qui a trait au projet de loi C-17 serait plus que suffisamment surveillé.

+-

    M. David Pratt: Monsieur Elcock, revenons à vos commentaires concernant la collecte secrète de renseignements à l'étranger par le SCRS--je suppose qu'il s'agit de renseignements extérieurs et je le dis de manière un peu ironique--parce que je pense que la Commission MacDonald nous avait en quelque sorte mis en garde contre vous. En effet, dans ses recommandations, la Commission MacDonald mettait clairement en garde contre les dangers de contagion entre les deux organismes, celui qui est chargé de recueillir les renseignements touchant la sécurité intérieure et celui qui recueille des renseignements touchant l'étranger.

    Selon certaines recommandations de la Commission MacDonald, il ne serait pas bon de combiner dans un même organisme des responsabilités très différentes en matière de collecte de renseignements. La Commission avait évoqué des risques de contagion. Dans une autre partie de son rapport, la Commission MacDonald affirmait qu'il est dangereux de mettre en place dans un État démocratique un organisme chargé à la fois de la sécurité et du renseignement. Il faudrait établir des lignes de démarcation entre les deux services afin de séparer les renseignements extérieurs et les renseignements touchant la sécurité intérieure. C'est là une question qu'il faut soulever dans le cas d'un organisme chargé à la fois du renseignement touchant l'étranger et du renseignement concernant la sécurité intérieure.

    Je peux comprendre, comme vous l'avez expliqué, que l'implantation est délicate--doit-on puiser dans les ressources du SCRS pour créer un organisme du renseignement extérieur? Je pense, quant à moi, qu'il faut bien commencer quelque part et que ce n'était sans doute pas facile au début des années 80 lorsque le SCRS a été scindé de l'ancien Service de la sécurité de la GRC.

    Mais en fin de compte, il faudrait peut-être se pencher dès que possible sur la création d'un organisme chargé du renseignement extérieur permettant d'offrir à la population canadienne la meilleure protection possible contre les actes de terrorisme et de servir les intérêts canadiens de la manière la plus large possible, en recueillant des informations concernant la politique, les activités militaires, commerciales, etc., étant donné que nous sommes le seul pays du G-8 à ne pas disposer d'un organisme de renseignement extérieur. Partagez-vous ce point de vue?

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Aux fins du compte rendu, monsieur Pratt, je ne pense pas que M. Elcock a déclaré que le SCRS recueillait des renseignements extérieurs. Il a simplement dit que le SCRS recueillait des renseignements de sécurité à l'étranger.

+-

    M. David Pratt: Pourtant, les activités secrètes consistent essentiellement à recueillir des renseignements étrangers, n'est-ce pas, monsieur Elcock?

+-

    M. Ward P. Elcock: La dernière partie de la question pose problème, car tout dépend de ce qu'on entend par «renseignement extérieur». Si vous entendez par renseignement extérieur toutes les informations recueillies à l'extérieur du pays, qu'il s'agisse de renseignements sur les menaces à la sécurité du Canada ou simplement d'informations qu'il est important pour le gouvernement d'obtenir pour d'autres raisons, alors c'est le cas. Si vous pensez que les renseignements extérieurs mentionnés dans la Loi sur le SCRS ne concernent pas tous les renseignements recueillis à l'extérieur du pays, mais uniquement les renseignements qui ne sont pas liés à une menace et qui peuvent être recueillis uniquement à l'intérieur du Canada, l'affaire devient compliquée et nécessite une interprétation juridique. Toutefois, si vous optez pour la définition large, il est clair que nous recueillons des renseignements touchant l'étranger lorsque nous travaillons à l'extérieur du pays pour recueillir des informations liées à une menace.

+-

    M. David Pratt: Pensez-vous que la Commission MacDonald a eu tort de réclamer la séparation de ces deux organismes et le débat que nous devons avoir au Canada au sujet de ces deux organismes?

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, je ne vais pas commenter les questions de politique. Je pense en bout de ligne que cette question relève plutôt de vous, messieurs, et du Parlement, que de moi.

    Je me contenterai de dire qu'il est clair que la Commission MacDonald avait fait cette recommandation. Cela étant dit, je pense que la Commission a présenté son rapport il y a longtemps et que, depuis, l'eau a coulé sous les ponts. Cela ne veut pas dire que la Commission MacDonald a faire erreur, mais je pense qu'à cette époque, aucun organisme de renseignement n'était soumis à un processus d'examen. La véritable révolution dans le secteur du renseignement, consistait à l'époque à imposer aux services du renseignement un certain examen qui n'existait essentiellement pas, ni au Canada ni dans aucun autre pays. Je crois qu'il faut en tenir compte au moment de formuler une opinion dans un sens ou dans l'autre. À l'heure actuelle, tout ce que fait le SCRS est contrôlé. Que ce soit à l'intérieur du pays ou à l'extérieur, toutes nos activités font l'objet d'un examen. Cette constatation peut peut-être changer l'équation.

    Le seul commentaire que j'ajouterais est que le SCRS a vu le jour en 1984, qu'il a débuté avec 1 900 membres du Service de sécurité de la GRC. Autrement dit, il disposait au commencement d'une base constituée d'enquêteurs chevronnés. Il nous a fallu une dizaine d'années pour créer une organisation cohérente et efficace et disposant de professionnels.

+-

    Le président: Vous avez utilisé tout votre temps. Merci, monsieur Pratt.

    Monsieur Sorenson, vous disposez de trois minutes.

+-

    M. Kevin Sorenson: Beaucoup de mes questions sont peut-être excentriques, mais celle-ci va les battre toutes.

    Au départ, le SCRS disposait d'environ 2 800 employés, 2 800 analystes, agents ou membres du personnel, selon les titres que vous leur donnez. Les effectifs sont tombés à environ 1 900 personnes, après quoi, vous avez bénéficié de crédits supplémentaires lorsqu'il s'est avéré que le taux de réduction naturelle serait énorme, que nous allions perdre beaucoup d'analystes. J'aimerais savoir quels sont actuellement les effectifs? Est-ce que nous en avons 2 200? Je crois que l'objectif était de retrouver un niveau de 2 400 employés, n'est-ce pas?

º  +-(1640)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Le Service n'a en fait jamais vraiment eu 2 800 employés. Je crois que c'était quelque chose comme 2 700 et quelques. Le Service complet a commencé avec environ 1 954 personnes. Je crois que les effectifs vont sans doute augmenter jusqu'à atteindre 2 290. En fin de compte, le Service emploiera 2 390 ou 2 400 personnes, selon le moment de l'année où le décompte sera fait et selon le nombre de personnes qui partiront en retraite ou seront engagées.

    Pour ce qui est du maintien de l'effectif, je crois que certains consultants ont affirmé que nous avions un taux enviable par comparaison à leur expérience dans le secteur privé et nous souhaitons que cette tendance se maintienne. Il y a eu une pointe aux environs du 11 septembre, juste après les événements, mais je ne pense pas que nous ayons eu récemment des effectifs excessifs; le Service a commencé avec des effectifs très modestes.

+-

    M. Kevin Sorenson: C'est un peu...mais ma question est justifiée, parce que je veux savoir le rôle du SCRS.

    Cette semaine, j'étais à Toronto où l'on voyait partout, à l'aéroport, des gens portant des masques, bien évidemment à cause du problème du SRAS. Cela m'a fait penser à un film que j'ai vu il y a quelques années qui racontait une attaque terroriste biologique--je ne sais pas s'il existe une chose telle que le terrorisme viral.

    Compte tenu de la situation actuelle qui n'est pas liée au terrorisme, mais il y a quand même une guerre contre le terrorisme, la guerre en Irak et tout ce qu'on entend dire au sujet des armes de destruction massive… J'aimerais savoir tout d'abord si le SCRS intervient avec les listes et auprès des personnes qui arrivent au pays, même de façon tout à fait légitime. Je sais que l'Organisation mondiale de la santé… et il ne s'agit pas uniquement d'une question de santé pour le Canada, mais est-ce que le SCRS peut faire quelque chose pour aider à repérer, cibler et interroger les personnes avant qu'elles n'arrivent au pays où est-ce que cette tâche est réservée uniquement aux autorités sanitaires?

+-

    M. Ward P. Elcock: Je crois que Santé Canada et d'autres organismes à l'étranger sont mieux habilités que nous pour repérer les personnes susceptibles d'être atteintes par le SRAS. Il est évident que nous ciblons les groupes terroristes ainsi que les nations qui cherchent à se doter d'armes de destruction massive, qu'elles soient chimiques, biologiques ou nucléaires. À ce titre, nous nous intéressons à ces mêmes aspects pour vérifier--pas nécessairement dans ce cas--qu'il n'y a aucun élément de risque dans n'importe quel cas examiné. Nous effectuons ce type d'enquêtes, mais nous n'avons ni les compétences ni le mandat pour vérifier par exemple si une personne qui vient au Canada est en bonne santé ou non, si elle est porteuse du SRAS ou non.

+-

    Le président: Votre temps est écoulé. Merci.

    Monsieur Pratt, vous disposez de trois minutes.

+-

    M. David Pratt: Monsieur Elcock, j'ai participé à une très intéressante conférence en janvier de cette année à l'Institut international d'études stratégiques et un des orateurs invités était l'ancien sénateur Sam Nunn qui était venu parler de l'initiative concernant la menace nucléaire. Certains de ses commentaires m'ont vraiment interpellé, notamment lorsqu'il a dit qu'en octobre 2001, les hauts fonctionnaires du gouvernement américain ont reçu un avertissement de la part des services de renseignement les informant que des terroristes avaient fait l'acquisition d'une bombe nucléaire de 10 kilotonnes qu'ils prévoyaient apporter secrètement à New York pour la faire exploser. Selon des estimations fiables, elle aurait pu tuer un million de personnes. Il s'est avéré par la suite que ce rapport des services secrets n'était pas fondé et je pense que nous remercions tous Dieu que ce soit le cas.

    Êtes-vous amené à travailler sur des projets qui se terminent parfois en queue de poisson, comme on dit dans la langue de tous les jours?

+-

    M. Ward P. Elcock: La raison d'être d'un service de renseignement est justement de découvrir ce qu'on ne sait pas. Aussi, par définition, certains éléments ou certaines pistes sont faux. Évidemment, nous sommes parfois préoccupés par une foule de rumeurs folles et une pléthore de rapports qui ne mènent simplement à rien, mais nous devons néanmoins faire notre travail, car si l'une de ces pistes s'avérait bonne et que nous n'avions pas fait enquête, les résultats pourraient être catastrophiques.

    C'est un problème qu'on ne peut pas éviter dans un service de renseignement. Cependant, je pense que, dans le cas de la plupart des services de renseignement comme dans n'importe quoi, on acquiert de l'expérience à mesure que l'on pratique une activité.

    Notre service repose sur un personnel extrêmement chevronné. Ce sont des hommes et des femmes de carrière. Ce sont des personnes qui travailleront pendant une trentaine d'années dans le domaine du renseignement. Ces personnes ont acquis, si elles ont reçu une bonne formation et si elles ont fait les expériences pertinentes au cours de leurs années de service ou dans d'autres organismes de renseignement, une capacité à juger ce qui présente ou pas une menace réelle et à exercer ce jugement.

º  +-(1645)  

+-

    M. David Pratt: Est-ce que le SCRS a été amené à participer à cette enquête?

+-

    M. Ward P. Elcock: Pas que je sache. Je me souviens de cette menace en particulier, mais je ne sais pas si nous y avions participé ou non. En revanche, nous avons été saisis de cas similaires faisant état de menaces potentielles qui ne se sont jamais concrétisées. Il y a malheureusement de fausses alertes de ce type.

    J'aimerais ajouter un autre commentaire se rapportant à une question que vous avez posée un peu plus tôt. Je pense qu'il existe au moins deux ou trois services de renseignement dans le monde, ou des pays qui, au cours des dix dernières années, ont en fait décidé de mettre sur pied un service de renseignement s'intéressant à la fois aux renseignements intérieurs et extérieurs.

    Je crois que c'est le cas de la Hollande. Il y a encore un autre pays qui m'échappe, mais je sais qu'il y en a plusieurs--au moins deux en tout cas--avec qui nous sommes en relation, qui ont en fait créé un organisme dont le mandat est double. Je crois qu'ils l'ont fait en partie pour des questions de coûts et que ces organisations sont examinées de près.

+-

    Le président: Monsieur Elcock, vos prévisions budgétaires pour l'exercice qui commence aujourd'hui s'élèvent apparemment à 261,5 millions de dollars. Étant donné que nous n'entrons pas dans les détails des dépenses du SCRS, en partie à cause de la façon dont ces documents nous parviennent, pourriez-vous revenir un an en arrière pour nous dire quel était votre budget l'an dernier afin que nous ayons une idée de l'augmentation?

+-

    M. Ward P. Elcock: Je suis désolé, mais je ne peux pas répondre à cette question comme cela, à brûle-pourpoint.

+-

    Le président: Nous pouvons probablement retrouver ce document, parce que nous avons dû le recevoir l'an dernier.

º  +-(1650)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Sinon, nous pourrons vous le faire parvenir.

+-

    Le président: Très bien.

    Revenons au rapport du CSARS. Il fait allusion à une nouvelle orientation ministérielle qui a donné naissance à quatre nouvelles politiques opérationnelles au cours de l'année écoulée. Une d'entre elles concernait les activités d'enquête du Service dans le secteur de l'assistance opérationnelle à l'extérieur du Canada. La deuxième se rapportait aux opérations conjointes et à l'assistance opérationnelle à des organismes étrangers au Canada. Je suis ravi de constater une sorte d'ébauche de politique. Mais j'aimerais savoir comment le CSARS s'y prend pour faire respecter les libertés civiles des Canadiens dans les activités que mènent les agences étrangères de renseignement au Canada, même si elles opèrent en vertu d'une orientation ministérielle ou d'un protocole d'accord?

    Ces organismes peuvent appartenir à n'importe quel pays, mais leurs activités sont régies par un protocole d'accord. Le SCRS doit être au courant. Il se pourrait même que les activités soient conjointes. Comment s'assurer que ces organismes respectent, au cours de leurs activités au pays, la loi qui régit le SCRS? Les règles sont assez strictes. Comment pouvons-nous en être garantis et comment savoir si certaines activités ne seront pas confiées à d'autres enquêteurs et si les libertés individuelles ne seront pas malmenées?

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, j'ai deux ou trois choses à vous dire à ce sujet. Premièrement, les politiques ou les orientations auxquelles vous avez fait allusion constituent simplement l'amalgame en un seul document de plusieurs directives du ministre existantes. Par conséquent, le CSARS faisait seulement allusion à la réunion de plusieurs secteurs qui existaient déjà.

    Pour ce qui est des activités d'un organisme de renseignement étranger chez nous, tous les organismes étrangers de renseignement en activité ici sans notre autorisation et sous notre contrôle--et par conséquent assujettis à toutes les règles et les lois qui nous régissent--exerceraient leurs activités de manière hostile et poseraient un problème de contre-espionnage plutôt qu'un problème d'opérations conjointes.

+-

    Le président: Bien, je comprends la bonne foi; je comprends votre réponse. Mais comment être assuré que l'agent A du service B travaillant ici avec le SCRS est assujetti aux mêmes contraintes et au même contrôles que vos agents?

+-

    M. Ward P. Elcock: Ces organismes relèvent de notre contrôle s'ils ont des activités ici; sinon, cela pose un problème de contre-espionnage.

+-

    Le président: Nous le savons puisque vous nous le dites--et je vous crois.

+-

    M. Ward P. Elcock: Non, monsieur le président. Il revient au comité de décider s'il le fait ou non, mais c'est un fait que toutes nos activités et toutes nos opérations conjointes sont assujetties à l'examen du CSARS. De la même manière que le CSARS peut se pencher sur les actions d'un agent du SCRC, il peut également examiner les activités d'un organisme étranger et une opération conjointe et, en bout de ligne, nous sommes responsables de cette opération conjointe, puisque nous en exerçons le contrôle.

+-

    Le président: Bien. Par conséquent, vous me dites que toutes les activités opérationnelles conjointes font l'objet d'une certaine surveillance. Rien n'échappe au contrôle. Est-ce exact?

+-

    M. Ward P. Elcock: C'est exact.

+-

    Le président: C'est bien. Merci.

    Monsieur Pratt, pour trois minutes.

+-

    M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

    Vous avez parlé un peu plus tôt des cellules terroristes, de leur prolifération et des extrémistes. Il est beaucoup question depuis six ou huit mois de liens entre Al-Qaïda et les événements du 11 septembre et entre Al-Qaïda et le régime irakien lui-même.

    Je ne crois pas qu'il soit possible d'établir un lien direct entre Al-Qaïda et le gouvernement irakien dans le cas des événements du 11 septembre, mais pouvez-vous nous dire, monsieur Elcock, si, d'après vous, il existe un lien entre Al-Qaïda et le régime irakien ou certains éléments du régime irakien? Est-ce que vous en êtes convaincu en ce moment?

+-

    M. Ward P. Elcock: C'est une question difficile. Nous avons la preuve qu'il y a eu des contacts. Cependant, nous ne savons pas dans quelle mesure ces contacts ont été portés plus loin--comme on en a beaucoup parlé dans la presse américaine--on ne sait pas exactement si ces contacts ont donné lieu à des relations suivies.

+-

    M. David Pratt: Très bien, mais est-ce qu'on pourrait affirmer sans risque de faire erreur, d'après ce qui s'est passé dans la guerre au terrorisme en Afghanistan, qu'il y a eu probablement évacuation de nombreux éléments d'Al-Qaïda dans diverses régions du monde, soit au Pakistan, en Irak ou peut-être même en Syrie--ce ne sont que des suppositions--ou peut-être même dans les anciennes républiques de l'Union soviétique, et qu'on peut sans doute affirmer qu'Al-Qaïda est installé actuellement Irak?

+-

    M. Ward P. Elcock: Je n'irai pas jusqu'à parler d'évacuation. Il est clair qu'à la suite de l'intervention en Afghanistan, certains éléments d'Al-Qaïda se sont dispersés--comme l'a signalé la presse--et que ce fut le cas également d'autres groupes associés à Al-Qaïda. Ils sont disséminés dans le monde entier. Je pense que je l'ai déjà mentionné et c'est évidemment vrai.

º  +-(1655)  

+-

    M. David Pratt: Revenons à ce rapport des services de renseignement au sujet de New York. Je crois qu'on peut dire que ce type d'incident est le pire cauchemar pour un organisme de renseignement dans sa tâche de contrer l'utilisation d'armes de destruction massive aux mains de terroristes.

    Pour revenir à cette conférence à laquelle j'ai assisté, je me suis rendu compte qu'il y avait énormément d'armes nucléaires tactiques dont on n'avait jamais soupçonné l'existence dans l'ancienne Union soviétique, qu'il existait dans l'ancienne Union soviétique des stocks énormes d'armes biologiques et chimiques et que d'anciens scientifiques soviétiques offrent actuellement sur le marché leurs compétences dans les domaines nucléaire, biologique ou chimique. Est-ce que les organismes alliés du renseignement essaient de suivre les allées et venues de ces individus?

+-

    M. Ward P. Elcock: La réponse à cette question est tout simplement: oui. Nous avons tous un grand intérêt à repérer tous les individus qui prenaient part à ces programmes. Dans le cas des armes nucléaires, je dois souligner que je n'ai pas connaissance de renseignements crédibles attestant que certaines organisations s'étaient procuré une arme nucléaire. Bien sûr, il y a des rumeurs de temps à autre. Vous en avez cité une. Mais jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucun rapport crédible attestant qu'un groupe avait réussi à se procurer une telle arme.

    Dans le contexte du terrorisme, je pense que tous les membres du comité ont eu connaissance des rapports d'information saisis en Afghanistan et ailleurs affirmant qu'Al-Qaïda et des groupes associés avaient tenté de fabriquer d'une manière quelconque des armes chimiques ou biologiques. Tous les individus qui ont pris part à de telles activités intéressent au plus haut point les services de renseignement.

+-

    M. David Pratt: Selon vous...

+-

    Le président: Votre temps est écoulé. Je suppose que vous avez une brève question de suivi.

+-

    M. David Pratt: Oui, une dernière question de suivi.

+-

    Le président: Je vois que vos deux doigts sont croisés. Allez-y.

+-

    M. David Pratt: Nous remercions le ciel, bien entendu, que rien ne se soit produit à New York. Mais peut-on dire, monsieur Elcock, d'après votre point de vue et d'après ce que vous savez, que ce type de situation n'est ni impossible ni improbable quand on connaît les activités des divers groupes terroristes et leurs tentatives en vue d'acquérir de telles armes?

+-

    M. Ward P. Elcock: Permettez-mois de nuancer un peu. Certaines armes chimiques et biologiques sont plus difficiles à créer et à utiliser qu'on ne le croit généralement. Cela étant dit, tous les services de renseignement se préoccupent beaucoup de la possibilité que certaines organisations se dotent de la capacité de construire une arme dont le rendement, si vous me permettez l'expression, serait beaucoup plus élevé que les explosifs traditionnels. Cependant, la plupart des organisations s'en sont tenues jusqu'à présent à des formes de terrorisme plus conventionnelles. Bien entendu, l'utilisation d'armes chimiques, biologiques ou nucléaires présente d'énormes préoccupations, parce qu'elle serait de nature catastrophique, mais la probabilité de leur utilisation est relativement moins élevée que celle d'un ordinaire C-4.

+-

    M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vous en prie. Vous avez vraiment doublé votre temps, monsieur Pratt.

    J'aimerais vous parler de la menace de la criminalité transnationale. Depuis quelques années, le SCRS a consacré une partie de ses ressources à ce secteur et je peux comprendre cela. Pouvez-vous confirmer que le SCRS continue à consacrer des ressources à la lutte contre la criminalité transnationale? Pouvez-vous décrire les efforts que vous entreprenez de temps à autre pour protéger la divulgation dans le cadre de procédures judiciaires des informations que vous possédez, alors que parfois les tribunaux exigent la divulgation avant d'entamer une poursuite?

»  +-(1700)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Ce sont deux questions distinctes. La deuxième question se pose dans toutes les activités que nous entreprenons. Elle peut se poser dans un cas de contre-prolifération, lorsqu'un individu tente de faire sortir quelque chose illégalement du pays. Cela peut arriver également dans une affaire de terrorisme ou de contre-espionnage. Peu importe l'origine de l'affaire. C'est précisément pour cette raison que les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada ont été incluses dans le projet de loi C-36 pour donner au Canada un statut élargi lui permettant de trouver une solution à la protection des renseignements devant les tribunaux. C'est un problème non seulement pour nous, mais également pour les agents chargés de l'application de la loi et nous estimons que, pour eux comme pour nous, ces dispositions devraient nous permettre à long terme de mieux protéger les renseignements dans les actions en justice où les sources d'information doivent être protégées--par exemple, les sources humaines, ou autres.

    Nous menons quelques enquêtes dans le secteur de la criminalité transnationale, mais ces activités sont relativement restreintes. Pour nous, c'est toujours un domaine où nous ne sommes intervenus que dans la mesure où nous pouvions apporter quelque chose. Je crois par exemple que nous n'aurions pas grand-chose à apporter à une enquête sur la mafia au Canada ou sur les bandes de motards, mais nous connaissons mieux certains autres groupes, nous avons des renseignements sur eux et nous connaissons leurs origines et si nous pouvons être utiles à la police, nous lui fournissons les renseignements qu'elle peut utiliser dans le cadre de poursuites.

+-

    Le président: Je sais combien il est difficile de diriger un service de renseignement tout en tenant compte des questions d'intérêt public, en raison des contraintes que pose la divulgation, mais il a été question récemment de l'affaire Mohamed Mansour Jabarah--que j'appellerai tout simplement l'affaire Jabarah. Cet individu a été amené d'Oman au Canada--c'est tout au moins ce qu'en a dit le rapport--et, par la suite, le SCRS a facilité son transfert aux États-Unis.

    Je sais qu'il a dû être difficile de faire des commentaires publics, mais certaines personnes se sont inquiétées de cette façon de faire consistant à transporter une personne de l'étranger afin de la remettre aux Américains. Êtes-vous en mesure présenter un commentaire à ce sujet maintenant afin de nous donner des explications et de nous dire si le Service a bien fait son travail?

+-

    M. Ward P. Elcock: M. Jabarah est revenu au Canada de lui-même et s'est rendu de lui-même aux États-Unis.

+-

    Le président: Très bien. Voilà qui est bref et clair.

    Une question. Une question technique.

    Lorsque le Service sollicite un mandat, il doit l'obtenir de la Cour fédérale. Le Service et le CSARS, au moment de la demande de mandat, font la distinction entre un mandat urgent et un mandat normal. Pouvez-vous nous préciser les critères dont un tribunal doit tenir compte pour délivrer un mandat de façon urgente? En pareille situation, est-ce que le tribunal examine par la suite la situation plus en détail?

+-

    M. Ward P. Elcock: Nous ne faisons aucune distinction. Nous obtenons les mandats en vertu de l'article 21. Parfois, il faut moins de temps pour préparer un mandat et le traitement est plus rapide. Dans d'autres occasions, le traitement est plus ordinaire.

    Étant donné que nos mandats ont en général une durée d'un an, le traitement est parfois simple puisqu'il s'agit de le prolonger d'une année supplémentaire. Dans d'autres cas, il faut agir de façon plus urgente. Mais à notre point de vue, et du point de vue du tribunal, il s'agit du même document.

»  +-(1705)  

+-

    Le président: Très bien.

    La Cour fédérale n'a pas refusé de demandes de mandat depuis longtemps. Cela veut dire que le Service prépare bien ses demandes de mandat et qu'il est probablement devenu expert en la matière. Cependant, le Canadien moyen s'interroge au sujet de la moyenne de 1 000 mandats accordés. Est-il possible que ces statistiques d'une moyenne de 1 000 mandats signifient que dans certains cas le tribunal ne refuse pas le mandat mais demande tout simplement au Service de fournir plus de renseignements? Est-ce que l'on peut expliquer votre succès de cette manière ou est-ce tout simplement normal que le Service parvienne à obtenir des mandats sans aucun refus du tribunal depuis deux ans maintenant?

+-

    M. Ward P. Elcock: Nos demandes de mandat n'ont pas été très souvent refusées et on ne nous a pas souvent demandé de réviser une demande. Cela peut arriver dans certains cas, mais c'est relativement rare. Très rare.

+-

    Le président: Vous avez tout simplement une bonne moyenne, ou alors...

+-

    M. Ward P. Elcock: Monsieur le président, la marche à suivre pour la préparation d'un mandat au Service est très lourde. Ce sont des documents extrêmement longs qui atteignent souvent une centaine de pages. Ce sont des documents très complets qui nécessitent un long processus et l'intervention d'un grand nombre de personnes dans un processus très strict.

    Nos résultats sont assez bons, mais nous travaillons très fort pour cela.

+-

    Le président: Est-ce que vous présidez toujours personnellement le Comité d'examen des demandes de mandat?

+-

    M. Ward P. Elcock: Dans certains cas, si je suis absent, c'est le sous-directeur des Opérations qui me remplace.

+-

    Le président: Le ministère de la Justice joue-t-il toujours le rôle de l'avocat du diable dans de telles procédures?

+-

    M. Ward P. Elcock: Oui.

+-

    Le président: Voilà qui met un terme à mes questions, chers collègues. Avez-vous des questions de suivi?

    Monsieur Pratt.

+-

    M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

    M. Elcock, revenons maintenant à l'initiative concernant la menace nucléaire. Nous savons que, ces dernières années, les relations entre l'Occident et l'ancienne Union soviétique--la Russie--ont beaucoup changé au niveau de l'OTAN, puisque les Russes participent à certaines activités de l'OTAN et ont conclu divers partenariats. Est-ce qu'il y a une coopération du même ordre dans le secteur du renseignement? Je pense notamment à ces anciens scientifiques soviétiques dont on essaie de retracer les activités. Avons-nous intensifié notre collaboration avec les Russes depuis quelques années, par rapport disons au début des années 90?

+-

    M. Ward P. Elcock: Nous avons des relations très étroites et de longue date avec certains pays. Nous avons établi de nouvelles relations avec d'autres pays qui, il y a quelques années, étaient considérés ennemis ou tout au moins comme des ennemis potentiels. Il est clair qu'il faut du temps pour développer de telles relations.

    Le renseignement est basé sur la confiance. Il faut connaître les autres et travailler avec eux pendant longtemps. Il faut un assez bon degré de confiance, même si cela peut paraître bizarre de la part d'un organisme de renseignement. Mais notre travail nécessite l'établissement d'une certaine confiance entre les organisations de manière à pouvoir soit partager les informations, soit aller plus loin et se livrer à des opérations conjointes. Tout cela prend du temps et il faut longtemps avant d'atteindre le degré approprié de confiance.

+-

    M. David Pratt: Mais diriez-vous que nous collaborons plus que jamais avec les Russes dans le domaine de la criminalité transnationale, au sujet de la mafia russe et de toute la question de la prolifération des armes de destruction massive?

    J'apprends dans certains documents de cette initiative en matière de menace nucléaire que les 20 000 armes nucléaires environ que possédaient les Russes sont actuellement entreposées dans des endroits qui ne sont protégés que par une vulgaire clôture de fil de fer et un garde de sécurité mal payé. Il me semble donc qu'il serait dans notre intérêt de cultiver certaines de nos relations, pas simplement avec les Russes, mais également avec certaines autres anciennes républiques soviétiques.

    Encore une fois, ces anciennes républiques russes sont proches de l'Asie centrale et cela me paraît poser un problème très grave en matière de menace terroriste et des nombreuses menaces à la sécurité.

»  -(1710)  

+-

    M. Ward P. Elcock: Je regrette de ne pas pouvoir répondre directement à votre question, mais peut-être que cette réponse suffira.

    Pour ce qui est des menaces terroristes, je crois qu'il est plus facile de collaborer avec d'autres personnes lorsque leurs intérêts sont clairs ou plus clairs que dans certaines autres régions que vous avez mentionnées. Dans d'autres cas, certaines tensions s'opposent ou font obstacle à une véritable coopération avec de nombreux services de renseignement des divers pays du monde.

    Mais dans le cas du terrorisme et de la possibilité que certains terroristes se procurent des armes de destruction massive--nucléaires, chimiques ou biologiques--nous coopérons maintenant avec beaucoup plus de services de divers pays du monde qu'il y a quelques années. Nous échangeons des informations et nous communiquons avec eux de temps à autre.

    Moscou est une belle ville.

+-

    M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Nous voilà parvenus à la fin de ces intéressantes questions que nous avons soulevées aujourd'hui. Nous avons abordé de nombreux sujets.

    J'aimerais préciser à M. Elcock que je ne sais pas quand le sous-comité va présenter son rapport sur le budget des dépenses au comité principal, mais il est possible nous souhaitions parler des directives du ministre au préalable.

    Je demanderai à M. Rosen, notre attaché de recherche chevronné, de retrouver les renseignements concernant la réunion à laquelle j'ai fait allusion un peu plus tôt et dont vous n'avez pas pu retrouver les informations. Cela ne vous aidera sans doute pas beaucoup à savoir ce qui va arriver, mais je pense que si les membres du comité le souhaite, nous allons demander au SCRS de produire le document et s'il y a des difficultés, des membres du comité pourront les examiner avec le solliciteur général. S'il n'y aucun obstacle, nous présenterons notre rapport sur le budget des dépenses de la manière ordinaire. En cas d'obstacles, nous adopterons une approche différente.

    Vous pouvez ajouter si vous le voulez un commentaire.

+-

    M. Ward P. Elcock: J'aimerais préciser, au sujet de votre premier point, monsieur le président, que je sais que la réunion a eu lieu. À l'époque, j'étais le coordonnateur du renseignement de sécurité. Toutes les personnes à qui j'ai parlé aujourd'hui savent également que cette réunion a eu lieu. Contrairement à ce que vous pensez avoir vu à l'époque--les souvenirs sont parfois trompeurs après un certain temps, malheureusement, et cela m'arrive parfois aussi--le fait est que toutes les personnes à qui j'ai parlé reconnaissent que le Service n'a jamais donné accès aux directives du ministre.

+-

    Le président: Alors, il a fallu sans doute beaucoup de temps pour taper ces centaines et ces centaines de pages d'instructions que j'ai lues.

+-

    M. Ward P. Elcock: Il y a eu échange de longues notes d'information et nous avons fourni périodiquement des informations aux comités. Et en fait, les directives du ministre sont relativement brèves.

-

    Le président: Nous pourrons en reparler, mais j'en ai un souvenir très précis. Si le président se trompe, j'accepterai que l'on me rectifie. Allons maintenant faire nos devoirs qui seront peut-être utiles à l'évolution de cette affaire.

    N'ayant plus d'affaires à débattre, la séance est levée. La prochaine réunion du sous-comité aura lieu la semaine prochaine et je précise pour le compte rendu que le projet de motion du président a été déposé auprès du greffier.

    La séance est levée.