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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 12 février 2003




¹ 1540
V         Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V         M. Daniel Cere (directeur, Institut d'études sur le mariage, le droit et la culture)

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon (président, Gai Écoute Inc. et la Fondation Émergence Inc.)

¹ 1555

º 1600
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, REAL Women of Canada)

º 1605

º 1610
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt

º 1615
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Bill Hawke (membre, Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays (PFLAG) Ontario)
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)
V         M. Bill Hawke

º 1620
V         M. Geoff Robbins (membre, Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays (PFLAG) Ontario)

º 1625
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne)
V         M. Daniel Cere

º 1630
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon

º 1635
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Richard Marceau
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Richard Marceau

º 1640
V         M. Daniel Cere
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Daniel Cere
V         Le président
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)

º 1645
V         M. Daniel Cere

º 1650
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Daniel Cere
V         Le président
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         Le président
V         M. Derek Lee

º 1655
V         M. Laurent McCutcheon
V         M. Derek Lee
V         M. Laurent McCutcheon
V         M. Derek Lee
V         M. Laurent McCutcheon
V         M. Derek Lee
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Daniel Cere
V         M. Richard Marceau

» 1700
V         M. Daniel Cere
V         Le président
V         Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         M. Daniel Cere
V         Mme Hedy Fry
V         M. Daniel Cere

» 1705
V         Mme Hedy Fry
V         M. Daniel Cere
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)
V         M. Daniel Cere
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bill Hawke
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bill Hawke
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bill Hawke
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bill Hawke
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bill Hawke
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Bill Hawke
V         M. Kevin Sorenson
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon

» 1710
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Derek Lee
V         M. Laurent McCutcheon
V         M. Derek Lee

» 1715
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Geoff Robbins
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Daniel Cere
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt

» 1720
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Richard Marceau
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Hedy Fry

» 1725
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Hedy Fry
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Mme Hedy Fry
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon
V         Le président
V         M. Vic Toews

» 1730
V         M. Laurent McCutcheon
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         M. Vic Toews
V         M. Daniel Cere
V         M. Geoff Robbins
V         M. Bill Hawke
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Mme Sophie Joannou (membre du conseil d'administration, REAL Women of Canada)
V         Le président
V         M. Daniel Cere

» 1735
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         Mme Gwendolyn Landolt
V         Le président
V         M. Laurent McCutcheon

» 1740
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 12 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour et bienvenue.

    Je déclare ouverte la 16e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la question du mariage et de la reconnaissance des unions de conjoints de même sexe.

    Nous accueillons aujourd'hui les témoins suivants: de l'Institut d'études sur le mariage, le droit et la culture de l'Université McGill, M. Daniel Cere; de Gai Écoute inc. et de la Fondation Émergence inc., Laurent McCutcheson; de REAL Women of Canada, sa vice-présidente nationale, Gwendolyn Landolt, ainsi que Sophie Joannou, membre du conseil d'administration, et enfin, de PFLAG Ontario, Bill Hawke et Geoff Robbins.

    Avant de passer aux exposés des témoins, je signale aux membres du comité et aux témoins que le comité a tenu une discussion à huis clos. Nous sommes un peu préoccupés par la nature des discussions qui ont eu lieu jusqu'ici, dans le cadre de cet exercice. Nous ne voulons blâmer personne, ni députés, ni témoins.

    C'est une question qui suscite de vives émotions, pour les partisans de chacun des deux camps, et même pour ceux qui sont déchirés entre les deux. Je crois qu'il nous faut tous faire preuve d'une certaine pondération dans les propos que nous tenons, compte tenu du fait qu'autour de la table, chez les témoins comme chez les députés, des gens ont un autre point de vue que le vôtre. En tant que parlementaire, il me déplairait beaucoup de faire quoi que ce soit qui risque d'étouffer le débat et d'empêcher les Canadiens de s'exprimer devant le Parlement. Mais je crois aussi à la dignité des gens et à la nécessité de tenir des propos modérés.

    Je sais que des témoins ont des documents écrits à nous présenter, et je sais que certaines personnes ont tendance à vouloir les lire quand on les leur remet; il ne faut pas oublier que nous sommes tous dans cette salle, chacun ayant sa propre perspective, et que nous essayons de faire pour le mieux. Essayons de penser aux propos que nous tenons et à la façon de la faire.

    Je ne voudrais pas avoir à interrompre qui que ce soit. Je ne veux certainement pas le faire, ne serait-ce qu'à cause de l'impression que cela donne, mais je ne voudrais pas non plus que quiconque soit vexé ou... Je m'adresse vraiment à tout le monde. Je ne parle pas pour les partisans d'un camp ou de l'autre, je vous l'assure.

    Là-dessus, je suis convaincu qu'en bons citoyens du Canada, nous pouvons aller de l'avant et arriver à une conclusion. Je vous invite tous à le faire, dans le respect de chacun.

    Je vais donner la parole au premier témoin sur notre ordre du jour, l'Institut d'études sur le mariage, le droit et la culture.

    J'espère qu'on vous a aussi dit que nous essayons de limiter les exposés à 10 minutes. Nous avons quatre groupes de témoins et il sera difficile de laisser parler tout le monde. Veuillez respecter le temps qui vous est imparti. Je vous dirai où vous en êtes.

+-

    M. Daniel Cere (directeur, Institut d'études sur le mariage, le droit et la culture): Bien. Comme vous le savez, mon mémoire est assez long et je vais vous en résumer quelques éléments.

    Je crois que vos audiences montrent que nous en sommes à une nouvelle étape dans le débat public sur le mariage. Au cours des cinq dernières années, de plus en plus d'arguments ont été formulés en faveur du mariage homosexuel, que ce soit chez les intellectuels, devant les tribunaux et, maintenant, devant nos assemblées législatives. Je crois toutefois que le contexte actuel de ce début, dans tous les domaines, semble occulter bon nombre d'importantes préoccupations.

    Dans toutes les cultures, le mariage est une forme de vie unique et en évolution qui sert à relever les défis de l'attachement hétérosexuel à long terme. Nous sommes une espèce à sexualité dimorphique, et le mariage comble cette différence sexuelle. L'attachement hétérosexuel engendre la vie humaine, par la fusion des différences sexuelles. Le mariage cherche à gérer l'important cadre procréatif de la vie humaine. Il fait la promotion d'une écologie sociale qui soutient le droit des enfants de connaître et d'être liés par une relation stable à leurs parents naturels. Il favorise des lignées généalogiques complexes qui traversent l'histoire et les cultures.

    Nos tribunaux et nos assemblées législatives doivent faire preuve de prudence dans la réglementation de cette institution. Les institutions comme le mariage ne sont pas simplement des entités fonctionnelles. Il s'agit de réalités sociales primaires qui façonnent en profondeur l'identité humaine. L'important arsenal déployé soudainement en faveur du mariage homosexuel a pris les Canadiens au dépourvu, du moins certains Canadiens, et les arguments en faveur du maintien de la définition actuelle du mariage semblent souvent confus, hésitants et mal formulés. Il y a peu d'universitaires prêts à exprimer leurs critiques et préoccupations au sujet de la redéfinition du mariage, mais d'importantes préoccupations doivent être soulevées, qui se rapportent au coeur même de l'identité du mariage dans la société canadienne. Je vais en présenter quelques-unes.

    Tout d'abord, au sujet du mariage, les revendicateurs homosexuels mettent de l'avant une définition du mariage correspondant à «l'union». On présente donc d'abord la dimension unitive de l'intimité amoureuse entre deux personnes, plutôt que l'apparentement des différences sexuelles. Le tribunal ontarien adoptait récemment ce point de vue, en déclarant que «le mariage doit être accessible aux couples homosexuels qui vivent une relation durable, engagée—qui a tout du mariage si ce n'est le nom...»

    Ceux qui défendent ce point de vue affirment que les chercheurs ne trouvent pas de différence réelle dans la dynamique de l'attachement homosexuel et hétérosexuel. Mais si l'on regarde de plus près ces sources, on constate qu'une poignée d'universitaires cités à l'appui de cette thèse sont en fait des partisans de la «théorie du rapport étroit», un modèle relativement nouveau qui repose sur la dynamique commune de l'intimité humaine. Cette démarche est peaufinée pour mener aux constatations souhaitées, c'est-à-dire que l'intimité interpersonnelle se manifeste de la même façon et selon les mêmes valeurs. Il se trouve que c'est vrai pour toutes les relations, que ce soit les relations fraternelles, amicales, hétérosexuelles, filiales, homosexuelles, etc.

    En élargissant la notion d'union à ce genre d'intimité interpersonnelle générique, on évacue les particularités du mariage comme forme de vie se rapportant à une situation unique, le défi de l'attachement malgré les différences sexuelles, l'union de l'homme et de la femme.

    Cela m'amène à la deuxième grande allégation, soit le rejet de la nature procréatrice du mariage. D'après cet argument, l'existence de couples mariés infertiles interdit tout rappel de la procréativité conjugale. Voici la logique invoquée: si les hétérosexuels infertiles peuvent se marier, la procréation n'est pas un argument pertinent. Si la procréation ne peut être invoquée, le mariage homosexuel est permis.

    Les civilisations humaines ont toujours affirmé la nature procréatrice du mariage, tout en accordant le mariage à tous les hétérosexuels. Les tenants du mariage homosexuel ne demandent pas pourquoi il en est ainsi et concluent qu'il y a là une contradiction flagrante.

    Le mariage s'inscrit dans l'attachement homme-femme comme matrice génératrice de vie humaine, mais nous le savons tous, la procréativité inhérente à l'attachement hétérosexuel n'est pas automatique. Elle est puissante et imposante, mais aussi complexe et variable. Le mariage affirme publiquement la procréativité de l'attachement hétérosexuel tout en reconnaissant sa plasticité complexe, et sa variabilité au sein de l'attachement conjugal.

    Les récentes décisions des tribunaux ontarien et québécois ont délibérément rejeté la procréativité comme élément définissant le mariage. Ce faisant, elles ont en fait imposé une définition du mariage conforme à l'expérience homosexuelle essentiellement non procréatrice, et non conforme à l'expérience hétérosexuelle dont la procréativité est inhérente. Il s'ensuivra nécessairement des conséquences juridiques.

¹  +-(1545)  

    Un autre argument qu'évoquent les partisans du mariage homosexuel est celui du bien des enfants de couples homosexuels. Les défenseurs de la cause homosexuelle les plus francs admettent aussi que le cautionnement du mariage gai transformera la réalité des enfants.

    Voici ce que dit un théoricien du droit gai, William Eskridge, de l'Université Yale:

Dans notre culture juridique, le droit de la famille a toujours eu pour phare le mariage entre un homme et une femme qui ont des enfants à la suite de rapports sexuels. L'expérience gaie... dissocie la famille des stéréotypes sexuels, de la généalogie, des liens de parenté. Les familles gaies... élèvent habituellement des enfants... qui n'ont pas de liens biologiques avec au moins un de leurs parents...

    Dans toutes les cultures, l'institution du mariage favorise le rapprochement des parents naturels et de leurs enfants. Du coup, le mariage consacre le droit fondamental à l'enfant de connaître ses parents naturels, d'avoir une relation avec eux et d'être élevé par eux. C'est un droit pour tous les enfants, homosexuels ou hétérosexuels.

    Il consacre ce droit avec résolution mais aussi souplesse. Dans la Convention relative aux droits de l'enfant, les Nations unies affirment que l'enfant a le droit dès sa naissance de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Le projet de mariage homosexuel pointe vers une société qui hésite ou refuse d'affirmer l'importance du lien entre les enfants et leurs parents naturels.

    En outre, le mariage homosexuel est présenté comme un bienfait supplémentaire inoffensif pour les gais et les lesbiennes qui veulent se marier. On prétend que cela fera peu de différence pour les hétérosexuels qui représentent, bien entendu, la masse des couples de notre société.

    Mais ces allégations sont-elles fondées? Les anthropologues sonnent le tocsin: les institutions collectives telles que le mariage ne sont pas simplement des mécanismes fonctionnels destinés à satisfaire les besoins individuels. Il s'agit de réalités riches et multifonctionnelles ayant des objectifs qui répondent aux besoins complexes de valeur et d'appartenance de la collectivité humaine. Le mariage a toujours été un appareil culturel complexe permettant de rapprocher les sexes. Une riche histoire et une pléiade de symboles, de mythes et de traditions sont associées à l'union hétérosexuelle.

    La suppression de l'hétérosexualité dans la définition du mariage changera le sens interne de cette institution, indubitablement. Elle aura certainement des répercussions sur l'actualisation de soi de ceux qui sont façonnés et soutenus par cette institution. Les théoriciens gais et les théoriciennes lesbiennes qui ont réfléchi à la question l'admettent volontiers.

    Ladelle McWhorter, théoricienne lesbienne, dit précisément:

Si les personnes gaies obtiennent le droit de participer, en qualité de personnes gaies, aux collectivités et aux institutions chères aux hétérosexuels, notre présence changera suffisamment ces institutions et ces pratiques pour altérer la vision de l'hétérosexualité des hétérosexuels et, de ce fait, pour transformer inéluctablement ces derniers. [Les hétérosexuels] ont raison de croire que si les couples homosexuels sont admis au mariage, l'institution du mariage s'en trouvera transformée et, étant donné que le mariage est une des institutions qui appuie l'hétérosexualité et qui contribue à l'identité hétérosexuelle, l'hétérosexualité et les hétérosexuels s'en trouveront également transformés.

    Il est difficile de prédire les répercussions précises de ce changement. L'histoire des changements apportés au mariage, au sujet de la monogamie, de la polygamie, ou de la permanence, par la réforme des lois sur le divorce, nous permet de prédire que les conséquences seront importantes ou, comme le dit William Eskridge «déstabilisantes, d'une certaine façon».

    Cette déstabilisation, causée par la redéfinition du mariage pour permettre l'expérience homosexuelle, se fera ressentir le plus non pas par le petit nombre de couples gais et lesbiennes qui envisagent le mariage, mais par la foule de jeunes hommes et de jeunes femmes qui cherchent à créer des liens hétérosexuels stables et significatifs. Le mariage est pour eux essentiel.

    Les personnes de toute identité sexuelle ont droit à la dignité et au respect, et on peut proposer de nouvelles structures pour soutenir cette identité. C'est possible dans une société pluraliste. Le respect mutuel ne devrait pas permettre de soustraire à autrui le droit de préserver et d'appuyer l'intégrité des institutions qui lui sont propres. Or, le mariage a été essentiel à la vie, à l'appartenance et à l'attachement hétérosexuel. Cette vérité est admise par toutes les parties au débat.

    En conclusion, si nous avons vu au cours des dernières années se cristalliser la position de nombreux chercheurs en faveur du mariage homosexuel, il reste que les arguments proposés doivent paraître insuffisants pour les décideurs des systèmes judiciaire et législatif. Les principes en cause dans ce débat sont fondamentaux, quand on s'apprête à dire aux générations futures que notre société ne tient plus à soutenir une institution qui encadre la réalité complexe et imposante de l'attachement hétérosexuel, que notre société ne veut plus reconnaître publiquement une institution consacrée au lien entre les enfants et leurs parents naturels; que notre société est prête à risquer la disjonction du mariage de l'attachement hétérosexuel à long terme, de la procréativité, de l'attachement entre les enfants et leurs parents naturels et qu'elle est prête à laisser cette bonne vieille institution aller à la dérive.

¹  +-(1550)  

    Nous pouvons aller de l'avant avec ce projet, mais ce n'est pas notre génération qui devra en assumer les coûts et les risques, mais bien les générations futures.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je cède maintenant la parole à M. McCutcheon.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon (président, Gai Écoute Inc. et la Fondation Émergence Inc.): Bonjour. D'abord, merci de me permettre de m'exprimer. Je vous avoue que je me sens un peu ému de devoir témoigner aujourd'hui, surtout après avoir entendu des propos comme ceux que je viens d'entendre. Vous savez, si j'étais venu ici il y a 30 ans, à l'âge que j'ai, on m'aurait traité de criminel. C'était le cas. C'est M. Pierre Elliott Trudeau qui a décriminalisé l'homosexualité. Jusque-là, nous étions des criminels. Au cours des 30 dernières années, on a reconnu que des personnes comme moi n'étaient pas des criminels et aujourd'hui, nous nous adressons à des parlementaires. Ce que je peux vous demander, c'est de faire preuve d'ouverture, de compréhension, de savoir qu'il existe des choses qui sont différentes de soi-même.

    Je comprends que monsieur ici ait toutes ses réserves par rapport au mariage. Je comprends aussi qu'il n'a aucune sorte de connaissance, aucune notion de ce qu'est l'homosexualité. Je pense qu'il livre ses émotions. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je crois que ce qu'il dit repose surtout sur l'ignorance.

    Vous comprendrez qu'à mon âge, je ne suis pas ici pour plaider pour mon avenir; je pense que mon avenir est derrière moi. Je suis ici pour essayer de vous convaincre, pour les jeunes, pour les nouvelles générations. Je travaille auprès d'organismes qui viennent en aide aux personnes homosexuelles. Ça fait 22 ans que j'y fais du bénévolat et que j'y consacre ma vie. Je vois tous les jours des personnes en grande difficulté. Je vois des jeunes, et j'ai même ici des études qu'on peut vous montrer, qui disent que les jeunes homosexuels ont un risque de suicide de 6 à 14 fois plus élevé que les jeunes hétérosexuels. Pourquoi sont-ils dans une situation comme celle-là? Parce qu'il y a encore des gens comme monsieur, comme d'autres personnes dans la société, qui rejettent l'homosexualité, qui n'acceptent pas que les homosexuels puissent vivre pleinement.

    Accepter que l'on puisse vivre pleinement, c'est aussi s'ouvrir aux institutions, je pense. C'est permettre que les personnes homosexuelles puissent vivre comme toutes les autres personnes. Accéder au mariage ne me semble pas quelque chose qui vienne brimer ou enlever quoi que ce soit. C'est tout simplement accéder à une pleine reconnaissance, à l'égalité. Toute la question de la parentalité est un autre volet, mais la question du mariage, c'est un contrat légal.

    Vous avez en main mon mémoire. Je profite de l'occasion pour vous faire part de mes sentiments. Je pense que c'est effectivement un débat excessivement émotif. C'est le choc des idées; on l'a vu avec les personnes qui sont venues avant aujourd'hui et on en a déjà une preuve aujourd'hui. Notre société s'est transformée au cours des dernières années. Je n'aurais jamais pensé, il y a 30 ans, que je pourrais être ici aujourd'hui pour parler de mariage et d'homosexualité.

    Quand j'étais jeune, comme plusieurs de ma génération autour de la table--il y en a peut-être aussi qui sont un peu plus jeunes--, on m'a éduqué comme on vous a éduqués. On m'a dit à moi aussi, quand j'étais un petit garçon, que l'homosexualité, c'était laid, que c'était un péché. Je l'ai cru. On m'a dit que c'était terrible; je l'ai cru. On m'a dit que c'était criminel et effectivement, ça l'était. Mais heureusement, les choses changent, la société progresse, et on est arrivés à un stade où on dit qu'il faut continuer de progresser dans notre évolution sociale. Vous savez, la difficulté, c'est d'accepter qu'il y a des choses différentes de soi qui puissent exister.

    On a tous tendance à vouloir tout définir en fonction de soi. Si on est hétérosexuel, on pense que l'univers est hétérosexuel. Il y a des homosexuels qui commettent la même erreur. Je ne suis pas ici pour vous dire que l'homosexualité est supérieure à l'hétérosexualité. Je vous dis tout simplement que nous sommes là, que nous existons. Ce n'est pas parce qu'on va nous interdire l'accès au mariage que les homosexuels vont cesser d'être là. Ils vont être là. Une société qui est capable de faire une place à tous ses citoyens ne peut pas être autre chose qu'une société gagnante, une société ouverte. Pourquoi rejeter une partie de la population? Qu'est-ce que ça apporte aux gens de refuser aux personnes homosexuelles l'accès aux institutions?

    Il y a 10 p. 100 de la population qui attendent de vous, parlementaires, un message positif ou un message négatif, parce que la décision que vous aurez à prendre sera soit en faveur, soit contre. Parmi vous ici, il y en a qui ont des enfants ou des petits-enfants, et n'allez pas me dire que ça ne leur arrivera pas. Ça va arriver, car au moins une personne sur 10 est homosexuelle. Vous aurez des enfants et des petits-enfants qui seront aussi homosexuels.

¹  +-(1555)  

    Est-ce que vous voulez leur faire une place dans la société? Est-ce que vous voulez que ces jeunes-là soient heureux?

    J'avais apporté mon mémoire, mais je vais aller plus rapidement puisque j'ai déjà fait un long préambule. J'irai à la page 8 pour vous dire que la rédaction de ce mémoire est fondée sur quelques valeurs, et une des principales valeurs, à la page 8 du mémoire, c'est la privation de droits fondamentaux, que je considère être une entrave au développement des personnes. Comment voulez-vous que dans la société les jeunes puissent aspirer à l'égalité et à une pleine reconnaissance, si on leur refuse encore l'accès aux institutions? Donc, je pense que c'est une valeur fondamentale qui est mise de l'avant pour demander l'accès au mariage. Le service d'écoute que je représente reçoit au moins 20 000 appels par année de la part de personnes qui sont en difficulté et en détresse. La grande difficulté des personnes homosexuelles c'est le rejet, et j'espère que le résultat des travaux du présent comité ne sera pas encore une autre fois un rejet.

    Une autre valeur que je mets de l'avant dans ce mémoire, c'est l'évolution de la société. Bien sûr qu'il y a 30 ans, on n'aurait pas pu tenir un discours comme on tient aujourd'hui. Cela n'aurait pas passé, ce n'était pas possible. La société change et elle évolue. Je pense qu'elle est prête, en 2003, à faire de la place aux personnes homosexuelles et à redéfinir la notion du mariage de façon à ce que les personnes homosexuelles puissent vivre également, sans discrimination. Vous avez eu l'occasion, je crois, de prendre connaissance de nombreux sondages. Je pense que la majorité de la population canadienne est prête à ce qu'on revoie la définition du mariage.

    Une autre valeur qui est mise de l'avant, page 10 numéro 3, c'est un droit fondamental. Je pense qu'en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, les tribunaux commencent à nous le dire et à nous le répéter, la question de l'orientation sexuelle est incluse, d'après l'interprétation de la Cour suprême, dans l'article 15 de la Charte, même si elle n'y était pas nommée au moment de son adoption. La Charte vient maintenant protéger les droits des personnes homosexuelles. Donc, je pense que d'interdire le droit au mariage serait un non-respect de la Charte canadienne des droits et libertés.

    Un autre aspect qui me semble fondamental, c'est le rôle de l'État et des tribunaux. Je ne suis pas devin, je n'ai pas de boule de cristal, mais c'est bien sûr que dans l'ordre des choses, d'après ce qu'on peut voir dans l'évolution des dernières années, les tribunaux vont finir par reconnaître que le mariage est une institution qui devrait être ouverte à tous sans distinction. Est-ce que l'État, les parlementaires, devaient attendre la décision des tribunaux? Selon moi, vous avez, comme parlementaires, la responsabilité d'aller au devant et de légiférer de façon à permettre aux personnes homosexuelles d'accéder à l'institution du mariage.

    Une autre notion qui me semble importante, c'est que quels que soient les choix qu'on mettra de l'avant et quels que soient les statuts conjugaux qui seront proposés, on devra toujours laisser aux personnes homosexuelles ou aux personnes hétérosexuelles le choix de leur statut conjugal. On ne doit pas déterminer un statut conjugal auquel tout le monde devra se conformer. Il y a des gens qui préfèrent ne pas se marier, d'autres qui veulent vivre en union de fait. Au Québec, on a l'union civile. Je pense qu'il est important de conserver la notion de liberté de choix et de ne pas imposer de modèle à qui que ce soit .

    Le sixième point, à la page 12 du mémoire, c'est la capacité parentale des couples de même sexe. C'est la notion qui est la plus délicate, à mon avis. Ce n'est pas l'État qui va décider si les personnes homosexuelles vont faire des enfants. Ce n'est pas non plus l'État qui va décider si les lesbiennes, particulièrement, vont recourir à l'insémination artificielle. Les enfants, ils sont déjà là, ils existent et existeront, et il y en aura encore. La question est de savoir si vous voulez, comme parlementaires, faire une place à ces enfants qui sont là et aux enfants à naître, et leur assurer une protection. La question n'est pas de savoir si on interdit le mariage il n'y aura pas d'enfants. Si vous posez cette question-là, vous êtes dans l'erreur. Les enfants sont là et ils réclament des droits. Ils ont besoin de droits et vous demandent compréhension et générosité.

º  +-(1600)  

    Donc, dans ce sens-là, je propose évidemment, au nom des organisations que je représente, que l'on modifie la définition du mariage de façon à ce que les personnes de même sexe puissent accéder à l'institution du mariage. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Je cède maintenant la parole à REAL Women, pour 10 minutes.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt (vice-présidente nationale, REAL Women of Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Le mariage est une institution mondiale et historique possédant une signification inhérente aux caractéristiques universelles. Le mariage n'est pas et n'a jamais été un simple concept de droit commun. Le droit commun ne fait que traduire l'essence du mariage. Dans tout l'univers, le mariage n'est pas un simple concept social, car les concepts sociaux changent, mais la nature hétérosexuelle du mariage est la même depuis 1 000 ans d'histoire écrite et dans toute une gamme de cultures. On confère une grande valeur au mariage pour une très bonne raison, à savoir que le mariage traditionnel d'un homme et d'une femme est essentiel pour la survie de la race humaine.

    Cela se reflète dans les lois, anglaises, américaines et européennes, ainsi que dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU, les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, et la Convention européenne des droits de l'homme qui tous définissent le mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme.

    Pourquoi pendant des milliers d'années a-t-on accordé une telle valeur au mariage et pourquoi le mariage n'a-t-il pas changé? Parce que le mariage d'un homme et d'une femme dessert la société comme aucune autre relation.

    Le mariage a trois grands objets: promouvoir la coopération à long terme entre un homme et une femme; perpétuer l'humanité par la procréation, et servir de creuset pour la socialisation et l'éducation des enfants.

    Nous savons que le mariage d'un homme et d'une femme est la plus stable de toutes les relations humaines. Statistique Canada l'a indiqué en 1998. Statistique Canada a alors constaté que 63 p. 100 des unions libres de couples hétérosexuels ne durent pas plus de 10 ans, contre 14 p. 100 des mariages.

    Nous savons que 0,05 p. 100 des homosexuels vivent en union libre et qu'il y a 8 millions de couples légalement mariés au Canada. Personne n'a forcé ces hommes et ces femmes à se marier; ils l'ont fait parce que c'est ce qui est le mieux pour les hommes et les femmes. Nous savons aussi que la fidélité est plus courante au sein du mariage traditionnel et qu'elle n'existe pratiquement pas dans les relations homosexuelles. C'est un fait reconnu par la communauté homosexuelle même.

    Nous aimerions distribuer des documents provenant de la communauté homosexuelle. Dans XTRA!, son journal national, on dit que neuf minutes de sexe avec un étranger sont plus agréables que 20 ans avec quelqu'un d'autre. Autrement dit, cette culture est très différente et la fidélité conjugale n'en fait pas partie.

    Nous savons que le mariage perpétue l'humanité par la procréation. De par leur nature, les hommes et les femmes ont le potentiel de créer des enfants, de donner naissance à des enfants. Nous savons que l'union homosexuelle n'a pas ce potentiel, ne peut créer des enfants, sauf en obtenant du matériel génétique d'un homme et d'une femme ne faisant pas partie de cette union. La seule façon pour les couples homosexuels d'avoir des enfants, c'est l'adoption ou les technologies de reproduction. Parce qu'il ne peut donner naissance à des enfants, l'acte sexuel entre homosexuels diffère de l'acte sexuel entre un homme et une femme.

    Le mariage constitue aussi le creuset de la socialisation et de l'éducation des enfants. Le mariage hétérosexuel constitue le meilleur milieu où donner naissance à des enfants et les élever. Je cite encore Statistique Canada, plus précisément le rapport de 1996 sur l'étude longitudinale menée auprès de 23 000 enfants canadiens. Vous trouverez cette référence à la fin de notre mémoire. Il a alors été clairement établi—pas seulement au Canada, mais aussi à l'échelle mondiale, notamment par suite d'une étude menée en Europe dont je donne aussi la référence—que ce qui est le mieux pour les enfants, c'est d'être élevés par leur père et leur mère ensemble.

    M. le juge Gérard La Forest, dans l'arrêt Nesbit et Egan de la Cour suprême de 1995, l'a bien exprimé lorsqu'il a dit que la relation hétérosexuelle:

    ...repose fermement sur la réalité biologique et sociale qui fait que seuls les couples hétérosexuels ont la capacité de procréer, que la plupart des enfants sont le fruit de ces unions et que ce sont ceux qui entretiennent ce genre d'unions qui prennent généralement soin des enfants et qui les élèvent. Dans ce sens, le mariage est, de par sa nature, hétérosexuel.

En effet, le mariage traditionnel est la seule entité de notre société qui peut offrir les ressources nécessaires pour prendre soin des enfants quotidiennement et à long terme.

º  +-(1605)  

    La question de la capacité parentale des homosexuels a été soulevée, et j'aimerais à ce sujet dire une chose. Encore une fois, je vous renvoie à mon mémoire que vous recevrez plus tard. Vous devriez le lire, car cela se rapporte étroitement à ce que je dis sur l'éducation des enfants. Des études menées en sciences sociales reconnaissent que les enfants élevés dans une famille homoparentale... ne souffrent pas, n'en sont pas compromis. Toutefois, une bonne part de ces études témoignent du fait déplorable que, de nos jours, les chercheurs qui contredisent et critiquent la position pro-homosexuelle politiquement correcte le font à leurs dépens.

    Dans le cas de la capacité parentale des homosexuels, les études sont dénuées de toute critique substantielle. Toutes les études sur la capacité parentale des homosexuels ont été examinées et rien ne prouve que cette capacité est équivalente à celle des hétérosexuels. On a d'ailleurs établi que plusieurs études sur la capacité parentale des homosexuels sont peu fiables.

    Ainsi, comme vous le verrez au bas de la page 5, Philip Belcastro a mené une étude. Il y en a eu trois ou quatre autres. Le professeur Richard Williams, expert en psychométrie et en psychologie empirique, a aussi fait des recherches sur l'homoparentalité.

    Il a affirmé que la plupart des études qui appuient l'homoparentalité se fondent sur les normes les moins élevées de recherche scientifique et ne comportent pas des conclusions fondées sur les faits. En fait, les chercheurs ont conclu catégoriquement que tous ceux qui affirment qu'il n'y a pas de différence entre les enfants élevés par des parents homosexuels et les autres ne se fondent pas sur des études valables.

À la page 6 de mon mémoire, vous trouverez des raisons expliquant pourquoi ces études sont peu fiables: échantillons trop petits, sujets d'étude qui ne sont pas choisis au hasard, et ainsi de suite.

    Il importe de savoir que la capacité parentale des homosexuels n'est pas équivalente à celle des hétérosexuels.

    Le maintien de la définition traditionnelle du mariage se justifie au niveau international. La définition du mariage reconnue et acceptée depuis toujours doit être maintenue parce que tous les pays du monde, sauf les Pays-Bas depuis tout récemment, définissent le mariage exactement de la même façon. Même les pays qui ont accordé aux unions homosexuelles une forme de reconnaissance n'ont jamais affirmé qu'il s'agissait là de mariage. La Norvège, qui est considérée comme l'un des pays les plus progressistes, l'a probablement traduit mieux que quiconque lorsqu'elle a affirmé que le mariage est l'unité sociale fondamentale et le cadre fondamental pour l'éducation des enfants dans ce pays. Le mariage a un statut unique et aucune disposition n'a été proposée en Norvège pour que soit reconnu le mariage des homosexuels. Il y a été clairement précisé que le mariage ne s'applique qu'aux couples hétérosexuels, et non pas aux couples homosexuels.

    Tous les pays qui ont accordé aux unions homosexuelles une forme de reconnaissance civile n'ont pas conféré à ces couples le droit de se marier. Ce qui explique cela est très important: les unions homosexuelles ne sont pas l'équivalent fonctionnel du mariage, ce qui explique aussi pourquoi les couples homosexuels ne peuvent se marier à l'étranger, sauf aux Pays-Bas. Ces unions ne sont pas les mêmes. Elles sont différentes. On peut leur donner le nom qu'on veut, mais ces relations ne pourront jamais être considérées comme des mariages.

    Comment le savons-nous? Une des meilleures sources d'information, ce sont les chercheurs homosexuels mêmes. Je vous renvoie à un livre dont les auteurs sont un couple homosexuel vivant ensemble depuis 12 ans, un psychiatre et un psychologue. Leur livre s'appelle The Male Couple. Les auteurs y soulignent les grandes différences entre les unions homosexuelles et le mariage traditionnel. Les unions homosexuelles se caractérisent par l'infidélité sexuelle, leur durée limitée, des arrangements financiers particuliers, des différences quant à la compatibilité et un mode de vie particulier marqué par la consommation de drogues.

º  +-(1610)  

    Je pourrais poursuivre et énumérer ce qu'ils ont dit en détail, mais voici les différences importantes trouvées par les homosexuels. Je tiens à préciser qu'il s'agit d'une étude sur les homosexuels, réalisée par des homosexuels pour les homosexuels. Ce n'est pas un document qu'on pourrait qualifier de préjugé. Il y a donc vraiment des différences très réelles.

    On peut qualifier à juste titre les unions des personnes de même sexe comme des liaisons sexuelles consensuelles, mais une union ne constitue pas un mariage. Les défenseurs des droits des homosexuels veulent la rendre plus conviviale. Le message culturel qui passe est clair: ils ne veulent pas avoir les liens affectifs à long terme qu'offre le mariage traditionnel.

    Un mariage entre un homme et une femme est un lien à long terme...

+-

    Le président: Excusez-moi, mais...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Je vais terminer d'ici une minute.

+-

    Le président: Faites vite, alors.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Je décris le mariage comme une union à long terme, conçu pour répondre aux défis et aux luttes compliqués d'un lien affectif à long terme entre deux êtres hétérosexuels et pour répondre aux besoins des enfants dans le but de créer un pont entre les générations du passé, du présent et du futur.

    Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais soulever un point de plus. Qu'arriverait-il si ce comité décidait qu'on devrait permettre aux couples d'homosexuels et de lesbiennes d'avoir accès au mariage traditionnel? Le mariage serait changé de façon fondamentale. Cela entraînerait une perte de la fidélité sexuelle, qui est essentielle dans tout mariage; la perte de la monogamie dans un mariage, dans le sens que l'union à vie entre un homme et une femme disparaîtrait; et peut-être ce qui est la chose la plus importante, c'est la réforme fondamentale du mariage. Si vous dites que deux hommes et deux femmes peuvent se marier, eh bien, en théorie, vous ne pouvez pas dire que trois personnes, ou qu'un ? ou son frère et sa soeur, ne peuvent pas se marier. Ils sont compatibles. Ils s'aiment. Et ils ont tous les éléments que les couples homosexuels prétendent avoir. Vous n'auriez aucun moyen de mettre fin à ce genre de mariage, et cela va réformer le mariage de façon fondamentale.

    Dans l'intérêt du public, il faut élaborer des politiques...

º  +-(1615)  

+-

    Le président: Madame Landolt, je...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: ... qui vise le bien du public, et cela veut dire le maintien du mariage traditionnel. Ces politiques ne doivent pas tenir compte des intérêts privés des autres couples, des homosexuels ou des lesbiennes.

    Merci beaucoup, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Messieurs Hawke et Robbins.

+-

    M. Bill Hawke (membre, Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays (PFLAG) Ontario): Monsieur le président, honorables députés, je vous remercie de cette occasion...

    Excusez-moi?

+-

    Le président: Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Serait-il possible simplement de nous dire ce que PFLAG signifie, s'il vous plaît, avant de commencer?

[Traduction]

+-

    M. Bill Hawke: Oui, PFLAG signifie Parents, familles et amis de gais et lesbiennes. C'est un groupe de soutien.

    Merci de nous avoir invités à témoigner. Je m'appelle Bill Hawke; je suis ici avec ma femme, Gail, ainsi que Jeff Robins et sa femme, Joyce. Nous sommes membres de PFLAG Ottawa, un groupe de soutien pour les parents, les amis et les familles de lesbiennes, de gais, de bisexuels et de transgenderiste.

    Gail et moi avons deux enfants. Notre fille est hétérosexuelle et notre fils est gai. Nous avons élevé nos enfants dans une localité rurale au nord de Winnipeg, nous avons fait en sorte qu'ils aient toutes sortes de possibilités de s'épanouir en les faisant participer aux activités du YMCA-YWCA, à des activités culturelles, aux 4-H et en les mettant en contact avec le traitement juste et sans cruauté des animaux.

    Lorsque notre fils nous a dit qu'il était homosexuel, nous avons dû apprendre par nous-mêmes quels en seraient les effets sur sa vie. Nous avons constaté qu'il était toujours notre fils, tel que nous le connaissions, mais que son orientation sexuelle n'était pas celle que nous avions envisagée. Il était encore le jeune homme que nous aimions et que nous continuons à aimer. Il est resté le même.

    Quand il était plus jeune, nous craignions qu'il n'ait pas les mêmes possibilités que les autres en raison de son orientation sexuelle, et nous avons été étonnés d'apprendre que le gouvernement faisait partie de ceux qui lui imposaient des restrictions. Nos deux enfants, qui sont égaux à nos yeux, ne sont pas traités de la même façon par notre gouvernement. Bien des choses ont changé depuis que nos enfants sont devenus adultes, mais notre fils fait encore face à un obstacle de taille.

    Notre fille a vécu en union de fait pendant cinq ans et a épousé son conjoint l'an dernier. Lors d'une cérémonie privée, comme elle avait voulu qu'elle le soit, à laquelle ont assisté quelques amis et où un représentant du gouvernement a officié. Notre fils n'aura pas ce choix aux termes de la loi actuelle. Vous ne lui permettez pas de se marier. Pourquoi?

    Notre fils a aussi vécu en union de fait, pendant six ans, mais n'a pas pu choisir de se marier avec son conjoint. M. McKay aurait demandé si le monde entier s'est trompé pendant deux ou trois mille ans. La réponse est non. Jusqu'à il y a quelques centaines d'années, le mariage de deux personnes qui a évolué pour prendre la forme actuelle se faisait souvent entre deux personnes de même sexe. L'église a convaincu les gouvernements de cesser de marier les personnes de même sexe.

    Depuis la déclaration des droits, il y a égalité pour tous et les lois doivent le confirmer. Les 2 à 3 000 années passées ont été marquées par une oppression incroyable des groupes minoritaires, des personnes de couleur, des désavantagés, des groupes ethniques, etc.

    Le Canada est un chef de file dans la reconnaissance de l'égalité pour tous. Nous avons beaucoup progressé, mais tous ne sont pas encore égaux au Canada. L'égalité pour les gais et lesbiennes s'est améliorée, mais il y a encore beaucoup à faire et le droit au mariage en est une partie importante.

    Le mariage de notre fille changerait-il si son frère pouvait se marier avec son partenaire? Comment croire cela? Aucune femme ne voudrait que son frère ne soit pas traité de façon égale en droit. Notre mariage sera-t-il déprécié parce que notre fils est reconnu comme étant égal aux autres et a le droit de se marier? Nous ne le croyons pas. En fait, nous serions fiers de pouvoir célébrer avec notre fils la même cérémonie que nous avons célébrée il y a 35 ans, lorsque nous nous sommes engagés à consacrer notre vie à l'autre.

    En quoi cette exclusion est-elle juste pour mes deux enfants? Mes enfants sont égaux—pourquoi ne le seraient-ils pas? Pourquoi nos deux enfants n'ont-ils pas les mêmes droits? Les choix qui s'offrent à tous ne devraient pas se fonder sur l'orientation sexuelle. Notre fils et notre fille sont frère et soeur, égaux à tous les égards sauf en ce qui a trait à la reconnaissance de la relation qu'ils ont avec leur partenaire.

    À PFLAG, des gens qui ont appris que leur fils, leur fille, leur frère, leur soeur ou leur ami est homosexuel viennent nous voir. Ils ont du mal à composer avec cette nouvelle et à comprendre ce que cela signifie. Sont-ils en sécurité? Auront-ils droit à la reconnaissance? Seront-ils considérés comme des inférieurs?

    Il serait bon de pouvoir leur dire que, pour leur gouvernement, cela importe peu, que les homosexuels ont les mêmes droits, les mêmes choix et la même reconnaissance que les hétérosexuels, que l'orientation sexuelle n'a aucune importance.

    S'il s'agissait de race ou de couleur, nous ne tolérerions pas ce genre d'exclusion. Pourquoi est-ce différent parce qu'il s'agit d'orientation sexuelle? Notre fils n'a pas choisi d'être homosexuel. Il est ainsi. Ce n'est pas un choix qu'il a fait. Je ne connais personne qui choisirait d'être gai, lesbienne, bisexuel ou transgenderiste. C'est une voie beaucoup trop difficile, semée d'embûches quotidiennes découlant de l'exclusion. Et il est inacceptable que le gouvernement participe à cette exclusion.

º  +-(1620)  

    Refuseriez-vous à l'un de vos enfants le droit de se marier? Pourquoi le refusez-vous à mon fils? Vous pouvez attendre que les tribunaux vous indiquent la voie à suivre, ou vous pouvez faire preuve d'initiative et recommander que la loi soit modifiée dès maintenant. C'est votre devoir.

+-

    M. Geoff Robbins (membre, Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays (PFLAG) Ontario): Je m'appelle Geoff Robbins. Ma femme Joyce et moi sommes aussi des membres de PFLAG Ottawa. Joyce a trois enfants qui me considèrent comme leur père depuis au moins le 28 décembre 1985, date à laquelle la province de l'Ontario a reconnu notre relation.

    Notre fils cadet est gai, notre fille et son frère aîné sont hétérosexuels. Alors que Richard avait environ cinq ans, le meilleur ami de son père, Martin, a dit à Joyce que Richard était probablement gai. Martin est homosexuel et lorsqu'il est sorti du placard, le père de Richard l'a renié. Ils étaient à l'époque tous les deux dans l'armée et, bien sûr, Martin a été réformé.

    Un jour, Joyce a commencé à fréquenter l'église de Martin et a appris à connaître des amis homosexuels de Martin. Lorsque Richard a appris à sa mère qu'il était homosexuel en 1983, à peu près à l'époque où je les ai connus tous les deux, leur relation est restée essentiellement la même. Richard était toujours son fils et elle l'aimait comme avant.

    Je suis aussi devenu membre de cette église et j'ai compris ce que Joyce avait fait, j'ai compris que les gais et les lesbiennes avaient les mêmes souhaits, les mêmes besoins, les mêmes sentiments que les hétérosexuels. D'après Joyce, mon beau-fils homosexuel, Richard, est plus près de moi que son frère hétérosexuel en partie en raison de la crainte que Joyce et moi éprouvons de voir la société en général le rejeter et se servir des lois pour le traiter différemment.

    Lorsqu'une de nos amies de l'église, Penny, est morte dans un accident de la route en 1998, nous avons pleuré son décès et avons immédiatement et instinctivement tenté de consoler sa veuve. Je sais que certains n'aimeront pas que j'emploie ce mot, mais il n'y a pas d'autre façon de décrire cette femme. Elle a pleuré Penny comme toute femme hétérosexuelle aurait pleuré son mari, sa douleur était la même. D'ailleurs, la relation de Penny et Leona a duré plus longtemps que les deux mariages de mes fils hétérosexuels.

    Nous avons assisté à un service commémoratif la veille des funérailles—l'église était bondée pour les deux cérémonies—qui avaient été organisées afin de permettre aux amis et collègues de Penny et Leona de rendre un témoignage public à Penny après leur journée de travail au magasin ou à l'école.

    En route vers l'église pour ce service, Joyce m'a demandé ce qu'elle devrait dire à Leona. Je lui ai répondu que les paroles étaient inutiles, qu'il lui suffisait de la prendre dans ses bras. Nous avons serré Leona longuement dans nos bras. Ce n'est que plusieurs mois plus tard que nos étreintes se sont faites plus courtes et, encore aujourd'hui, nous ne parlons pas vraiment de Penny avec Leona.

    Il y a quelques semaines, Leona a pris la parole à notre église; elle nous a dit que la foi de Penny en Dieu l'aidait encore beaucoup, quatre ans après le décès de Penny. Toute la congrégation a applaudi.

    Vous, les membres du comité de la justice, débattez de la question de savoir si Penny et Leona constituaient un véritable couple, unies par un amour véritable l'une pour l'autre. Il y a des milliers de couples au pays qui réagiraient de la même façon dans des circonstances semblables, et ni nous, ni notre fille qui est mariée, ne serions offusqués à l'idée que l'on appelle ces couples des couples «mariés».

    D'ailleurs, Joyce et moi refusons de dénigrer ces relations en employant pour nous décrire des mots tels que «mari», «femme» et «marié». Nous disons habituellement que l'Ontario a choisi de reconnaître notre relation, parce que ce sont les gouvernements, fédéral et provinciaux, qui font ce choix. Nous voudrions pouvoir utiliser de nouveau ces mots très beaux.

    Penny et Leona avaient des parents. Tous les parents veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants et estiment qu'ils ne devraient pas avoir à se battre pour que le gouvernement traite leurs enfants comme tous les autres. Nous croyons être en droit de nous attendre à ce que le gouvernement traite nos deux fils de la même façon lorsqu'ils voudront s'engager à vivre le reste de leur vie avec une autre personne—que leur gouvernement ne leur accorde pas des droits spéciaux, mais tout simplement le droit à l'égalité que la Constitution est censée leur conférer.

    Merci, monsieur le président.

º  +-(1625)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons entendre M. Toews, pour sept minutes.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

    Pour reprendre ce qu'a dit un des témoins, nous sommes tous ici pour la prochaine génération. C'est bien de cela qu'il s'agit.

    J'ai remarqué qu'un des témoins avait critiqué le point de vue de M. Cere, disant que ce point de vue se fondait sur l'ignorance si j'ai bien compris l'interprétation. Nous devons examiner à mon avis certaines des observations de M. Cere.

    Monsieur Cere, vous pourriez peut-être nous en dire davantage sur vos antécédents professionnels. Contrairement à d'autres, je trouve impressionnante la recherche que vous avez expliquée dans votre document. Cette recherche se fonde sur une approche scientifique et professionnelle et j'estime que votre conduite est à l'avenant.

    Outre votre recherche dans la littérature, pourriez-vous nous en dire davantage sur vos recherches professionnelles, sur le genre de recherches que vous faites et peut-être nous expliquer aussi en quoi consiste le travail de votre établissement? Nous n'avons pas beaucoup de renseignements à ce sujet.

    Enfin, s'il vous reste une minute ou deux, pourriez-vous nous parler davantage de la similarité entre une relation homosexuelle et une relation hétérosexuelle dans le contexte du mariage. Ce n'est pas ce que vous avez dit, je le sais, mais d'autres l'ont dit par contre. D'autres témoins ont dit qu'il existe un lien très fort entre les frères et les soeurs et, bien sûr, si l'un meurt, l'autre pleure aux funérailles. Si un père meurt, son fils pleure. Ce n'est que très humain. Qu'y a-t-il de différent dans le mariage? C'est cela que nous devons déterminer.

    Peut-être pouvez-vous nous faire part de votre réflexion.

+-

    M. Daniel Cere: Pour ce qui est mes antécédents professionnels, je suis spécialisé en théorie sociale et en éthique. Dans ce domaine, mon travail a surtout porté sur les débats à l'intérieur de la communauté gaie, sur le travail de gens comme William Eskridge, Richard Moore et d'autres qui depuis plusieurs années tentent de redéfinir le mariage. En fait, c'est là surtout qu'on trouve l'essentiel de la réflexion à ce sujet.

    Il existe très peu de travaux scientifiques sérieux pour ce qui est du mariage à titre d'institution qui consacre le lien entre des gens de sexes opposés. Certains théoriciens—entre autres John Finnis, Gerard Bradley, Robert George—se sont portés à la défense... j'hésiterais à adopter la même approche qu'eux dans ce domaine, une approche qui se fonde davantage sur le droit naturel traditionnel.

    Mon travail a principalement consisté à examiner la littérature et à évaluer les arguments. Comme vous pouvez le lire dans mon mémoire, je viens à peine d'entamer le tri. Le milieu universitaire n'a pas encore fourni de réponse. Les mouvements académiques se produisent généralement par vagues. Environ 10 années de rédaction, d'études et d'énergie ont été consacrées à l'argument en faveur de la redéfinition du mariage, dans ce cas-ci, mais on n' a pas proposé beaucoup d'arguments sur le point de vue contraire.

    Notre petit institut a été créé à l'Université McGill avec des gens comme notre professeur James McGill, Katherine Young, Margaret Somerville dans le domaine de l'éthique, Christopher Gray et moi, en plus d'une poignée d'autres, dont Doug Farrell qui travaille dans les études religieuses, et des gens qui voulaient examiner la question du mariage et aller un peu plus loin. Nous avons tenu deux symposiums et un certain nombre de conférences, en plus de rédiger certains articles et ouvrages dans ce domaine.

    Vous avez parlé de la différence entre les relations hétérosexuelles et les relations homosexuelles, et comment le mariage s'inscrit dans cette discussion. Comme vous pourrez le voir dans mon mémoire, je n'utilise nulle part les mots «éthique» ou «moralité». À mon avis, ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Le sujet, c'est l'institution du mariage, le cadre culturel qui entoure ce genre de relation, ce que nous faisons et comment nous pouvons bien le redéfinir.

    L'une de mes grandes préoccupations, et j'essaie de vous l'expliquer, c'est si cela aura un effet sur le gros de la population, c'est-à-dire les hommes et les femmes qui entretiendront des relations hétérosexuelles. Au cours des 20 dernières années, l'institution du mariage s'est beaucoup déstabilisée, comme on a pu le constater dans la diminution importante du nombre de mariages. La déstabilisation du mariage n'est pas dû uniquement au taux de divorce, mais aussi au déclin du mariage en tant qu'institution. Moins de gens se marient. Cela a des répercussions.

    Les relations entre personnes de sexes opposés sont difficiles. C'est un élément très important de la culture humaine. Ces relations sont essentielles à l'écologie sociale et à la procréation des êtres humains. C'est une réalité énorme et complexe. En tant qu'institution, le mariage essaie d'organiser cela, de conserver et d'appuyer cette relation afin que des liens plus stables et à plus long terme favorisent la procréation et l'éducation de la progéniture. C'est un problème énorme, difficile et complexe.

    Le mariage est une institution réservée à cette tâche et la déstabilisation de cette institution est l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis 20, 30 ou 40 ans. Il y a des tendances négatives. Ce que je voudrais savoir, c'est si en redéfinissant encore une fois le mariage, on ne continuera pas ce processus de déstabilisation.

    Parmi les théoriciens qui défendent l'idée des mariages entre personnes de même sexe, William Eskridge est de loin le plus éminent porte-parole à l'heure actuelle dans ce débat. Mais lui aussi avoue que cela aura un certain effet déstabilisant.

    Dans ce débat, il faut examiner le revers de la médaille. Il y a des gens qui souffrent dans la communauté gaie et lesbienne, c'est vrai, mais beaucoup de gens souffrent également chez les hétérosexuels.

º  +-(1630)  

    Il ne faut donc pas seulement voir les cas particuliers. Il faut voir comment l'institution influe sur la société et sert des objectifs importants dans la complexité sociale.

+-

    Le président: M. McCutcheon souhaite également répondre.

+-

    M. Vic Toews: Non, je préférerais poser une autre question à ce témoin, car il est essentiel...

+-

    Le président: Vos sept minutes sont écoulées.

+-

    M. Vic Toews: Très bien. Je vais attendre...

+-

    Le président: D'accord.

    Monsieur McCutcheon.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: J'aimerais peut-être préciser que je ne pense pas qu'on puisse trouver, sur le plan scientifique, énormément de réponses au genre de questions qui sont posées. Il n'y a pas d'historique sur le mariage des personnes de même sexe. Vous ne pourrez pas étudier cela, ça n'existait pas. Donc, c'est nouveau.

    Je vais laisser faire, monsieur n'est pas intéressé à m'écouter. Vous pouvez passer à quelqu'un d'autre.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Marceau, sept minutes.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: C'est une très grande impolitesse, monsieur, que de ne pas écouter les réponses.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Je suis profondément insulté. Vous posez des questions et vous ne m'écoutez pas.

[Traduction]

+-

    Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]... et vous avez indiqué que vous souhaitiez répondre. Je vous ai laissé la possibilité de répondre...

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Je peux dire que je trouve inacceptable qu'un parlementaire se conduise de cette façon. Je suis ici comme simple citoyen. Je respecte, je m'exprime. Monsieur pose des questions et il n'a pas la décence d'écouter ce que j'ai à dire. Je trouve cela inacceptable.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur McCutcheon, tout cela est très émotif. Je comprends votre émotion et je comprends que les interventions qui sont faites ne sont pas...

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Ce n'est pas une question émotive, c'est une question d'éducation.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Toews est un député et il assiste régulièrement aux audiences de notre comité. Malheureusement—et cela s'applique à tous les membres du comité—nous nous laissons parfois emporter. Le but n'était pas d'insulter.

    Je demande à tout le comité de faire un effort pour...

+-

    M. Laurent McCutcheon: Je suis désolé... si je parlais mieux l'anglais, il écouterait peut-être ce que j'ai à dire. Mais je parle français, et il a déposé son écouteur sur la table. Ce n'est pas très gentil.

º  +-(1635)  

+-

    M. Vic Toews: Je souhaite répondre officiellement maintenant.

+-

    Le président: Très rapidement, Monsieur Toews, et ce sera la dernière intervention avant que nous donnions la parole à M. Marceau.

+-

    M. Vic Toews: Je discutais avec mon collègue d'une réponse du témoin précédent. Je voulais continuer. J'expliquais ce que je devais faire. Je m'adresserai à M. McCutcheon pour lui poser mes questions.

    Je lis également la transcription de nos délibérations. Je ne comprends pas pourquoi M. McCutcheon se sent insulté. Je dois consulter mon collègue à ce sujet.

    Je ne comprends pas ce qui a pu être insultant. Nous fonctionnons régulièrement de cette façon à ce comité, et le temps dont je dispose pour faire valoir mes arguments est limité.

+-

    Le président: Les deux parties ont exprimé leur opinion. Je vais maintenant donner la parole à M. Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.

    D'abord je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. Vous nous donnez vos points de vue. Malheureusement, je vais poser plusieurs questions qui pourront être courtes et j'aimerais que les réponses soient courtes, parce qu'il y a tellement de choses à dire là-dessus.

    Madame Landolt, vous avez dit à la toute fin--et j'ai été un peu surpris--, que permettre... D'abord, est-ce que vous êtes mariée?

[Traduction]

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Oui.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: D'accord. Vous avez dit tout à l'heure, à la toute fin, que permettre le mariage homosexuel serait une perte de la monogamie sexuelle. Ce sont vos mots que j'ai notés. Est-ce que vous pourriez m'expliquer en quoi permettre à deux homosexuels de se marier ferait en sorte que vous et moi, qui sommes hétérosexuels, serions plus portés à l'infidélité?

[Traduction]

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: La question n'est pas de savoir si je serais portée à être infidèle. Cela va beaucoup plus loin que cela. La question est qu'une fois qu'on permet aux homosexuels, gais et lesbiennes, de se marier, leurs relations sont différentes. Entre autres, la fidélité sexuelle ne fait pas partie de leurs relations. J'ai cité des études à ce sujet et je puis vous donner des documents rédigés par des homosexuels dans lesquels on dit la même chose.

    Quant à la durée de leurs relations, elles sont d'environ trois ans. La plupart des mariages...

    Je ne parle pas des personnes, mais plutôt du concept du mariage. Ce concept va changer lorsque les deux principes de base de la fidélité sexuelle... c'est très important non seulement pour le couple mais aussi pour les enfants. Dans le livre intitulé The Male Couple, dont j'ai parlé, on dit qu'il n'est pas possible de maintenir une relation homosexuelle avec un seul partenaire; cela n'existe à peu près pas. C'est ce qu'ils disent tous.

    Cela change tout le concept du mariage—non pas l'idée que je m'en fais, mais tout le principe du mariage, qui se fonde sur la fidélité entre un homme et une femme qui se sont engagés l'un envers l'autre pour la vie. C'est tout le concept qui est en cause. Et ce concept n'existe plus si l'on permet aux couples de même sexe de se marier.

+-

    Le président: Monsieur Marceau, je signale tout simplement à votre attention que M. McCutcheon veut de nouveau répondre.

    Vous pouvez attendre, je voulais simplement signaler ceci à Richard, afin d'éviter qu'il...

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Madame, je pense qu'on peut toujours trouver des études ici et là. Je suis homosexuel et je vis en relation avec mon conjoint, qui est assis ici derrière, depuis 30 ans. Des études, vous pouvez aller en consulter d'autres. Je ne prends pas de drogue non plus. Il y a beaucoup de personnes que je connais personnellement et j'ai beaucoup d'amis. C'est sûr qu'il peut y avoir quelqu'un qui a dit ça. Je ne nie pas que quelqu'un l'ait dit, mais je ne crois pas qu'il se soit basé sur quelque chose de scientifique.

[Traduction]

+-

    Le président: J'aimerais vous signaler que...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Si vous me permettez de répondre, monsieur McCutcheon, peu importe le temps que vous avez vécu avec votre partenaire...

+-

    Le président: Madame Landolt, silence, s'il vous plaît.

    Je signale à l'intention des témoins, de tous les témoins, qu'il faut s'adresser au président. Il faut parler des autres députés ou témoins à la troisième personne, afin d'éviter de vexer qui que ce soit. Nous aurons ainsi une discussion de niveau acceptable. Nous ne sommes pas ici pour parler de personnes ou de caractéristiques personnelles, mais de concepts.

    C'est M. Marceau qui décide pour ses sept minutes, et il veut maintenant poser une question.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Cere, dans votre mémoire, vous faites plusieurs fois allusion à des concepts tels que « sens intrinsèque », « nature fondamentale », « caractéristiques fondamentales » et « principes fondamentaux du mariage ».

    Je trouve qu'une telle base d'argumentation est un petit peu tautologique. Vous dites que c'est la base fondamentale, la nature fondamentale, la caractéristique fondamentale du mariage et que cela ne peut donc pas changer. Ça me semble un petit peu circulaire comme argument. J'aimerais que vous commentiez là-dessus, s'il vous plaît.

º  +-(1640)  

[Traduction]

+-

    M. Daniel Cere: Je crois que le mariage est en constante évolution. Toute institution vit des changements continuels. Mais les institutions comportent des éléments cruciaux qui les définissent. L'institution du Parlement comporte des éléments cruciaux que vous pouvez retrouver et qui se rapportent à des principes démocratiques, à des questions de civilité et de droit qui font partie intégrante des pratiques parlementaires.

    Le mariage n'est donc pas simplement une institution se rapportant au sens générique de l'intimité. Le mariage doit comporter d'autres éléments qui le définissent, pour en faire une institution qui a du sens, des certitudes, et pour viser certains objectifs. Historiquement et presque universellement, son objectif a été d'encadrer culturellement la difficulté de l'expérience humaine attribuable aux différences sexuelles et à toutes leurs conséquences.

    En bout de ligne, vous avez une très importante partie de notre espèce qui ressent une attraction hétérosexuelle et cette attitude est un élément important. Le rapprochement entre les sexes est une difficulté réelle.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Justement, c'est un point important que vous faites ressortir. Vous parlez de faire le pont entre les sexes opposés, mais vous êtes à McGill, au Québec, où l'évolution de la société fait en sorte que 30 p. 100 des couples vivent maintenant dans des unions libres. Donc, ce pont entre les deux sexes différents n'a plus besoin d'être le mariage. Auparavant, ça devait être le mariage, mais la société a beaucoup évolué. La plupart des chiffres, entre autres sur les jeunes, indiquent que ce pont entre les sexes opposés n'a plus besoin d'être le mariage. Voilà qui enlève à cet argument une partie de sa valeur.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Marceau.

+-

    M. Daniel Cere: Nous entrons alors dans un autre débat, sur la cohabitation et le mariage. Le problème, c'est qu'il s'agit d'un débat empirique sur l'issue de ces deux différentes formes d'attachement. D'après divers indicateurs sur la stabilité des relations, la cohabitation n'est pas la solution idéale. D'après les statistiques, la cohabitation est moins stable. Les résultats pour les conjoints et pour les enfants de ces relations permettent de déduire que ce n'est pas une relation aussi forte que le mariage.

    Comme l'a dit Maggie Gallagher, le mariage est encore défendable. Si on le compare à la cohabitation, le mariage est tout à fait défendable.

+-

    Le président: Avant de donner les sept prochaines minutes à Mme Jennings, j'aimerais expliquer une chose aux témoins. Pendant cette ronde, le député qui a la parole pour sept minutes pose des questions. Parfois, une question très intéressante est posée après 6 minutes et 50 secondes et quatre témoins veulent y répondre. Je suis alors coincé. J'ai tendance à permettre aux témoins de répondre, même au-delà des sept minutes. Je peux leur demander de répondre brièvement, mais je veux qu'ils puissent répondre à la question, s'ils estiment devoir le faire.

    Je n'ai pas retranché ce temps de celui qui vous est imparti, madame Jennings. Vous avez la parole.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Excellent, monsieur le président.

    Je vous remercie beaucoup pour vos présentations, que j'ai trouvées assez intéressantes.

    J'ai une question pour vous, monsieur Cere, et elle a trait à ce que mon collègue Marceau a soulevé, à savoir certains termes que vous avez utilisés pour décrire le mariage: «  sens intrinsèque », « caractéristiques fondamentales », etc.

    Quand on regarde la définition de la famille, on voit qu'il y a eu des changements au cours des derniers siècles. La notion traditionnelle du mariage, celle du passé, a eu un impact énorme sur nos lois, sur les cadres juridiques. Par exemple, dans le passé, dans plusieurs sociétés et cultures, les femmes n'étaient pas considérées comme étant égales aux hommes puisque, disait-on, elles n'avaient pas la même capacité de raisonnement et de décision. Parce que la notion de la famille englobait de façon intrinsèque cette notion d'incapacité et d'infériorité des femmes, cela s'est retrouvé dans les cadres juridiques du Québec, du Canada, des États-Unis et de plusieurs pays européens. Les femmes, avant de se marier, n'avaient pas la possibilité de négocier et de signer des contrats si elles avaient un père ou un frère vivant. Si elles étaient mariées, elles n'avaient pas non plus cette possibilité, parce que cela était réservé à leur mari. Tout le système juridique était construit sur cette notion intrinsèque de l'infériorité de la femme au sein de la famille.

    Donc, la notion traditionnelle de la famille était celle d'un homme et d'une femme. Je fais abstraction de ce que disent certains chercheurs sur certaines sociétés antiques où, semble-t-il, le mariage entre personnes de même sexe existait, car je ne pense pas que cela ait été prouvé. Cependant, je me dis qu'aujourd'hui, on a évolué. On ne voit plus les couples de personnes de même sexe comme étant quelque chose d'aberrant. Du moins, je ne vois pas cela comme quelque chose d'aberrant et je ne vois pas en quoi le fait de changer la définition du mariage pourrait affaiblir le mariage. Au contraire, cela le renforcerait, à mon avis. Vous dites que toutes les études scientifiques démontrent que la cohabitation n'est pas aussi stable que le mariage. Pour ma part, je suis en faveur de la stabilité du mariage. Je suis une avocate et je souhaite que le mariage des personnes de même sexe soit reconnu dans la loi. Je pense que c'est à la société de trouver des moyens pour encourager les gens, qu'ils soient de sexes opposés ou de même sexe, à faire ce choix dans leur vie.

º  +-(1645)  

[Traduction]

+-

    M. Daniel Cere: C'est un bon argument que d'affirmer comme vous que la cohabitation est une forme d'union plus faible que le mariage. Je m'en suis d'ailleurs servi lorsque j'ai comparé le mariage et les unions entre partenaires du même sexe.

    Si toutefois on se penche sur le mariage à travers l'histoire, on remarque une évolution incroyable. On peut même se demander ce que l'on entend maintenant par le mariage traditionnel. Où est-ce qu'on le place?

    Il n'empêche que cette évolution a constamment permis de peaufiner les éléments fondamentaux du mariage, que je viens de souligner, et de les modifier tout en les maintenant. Oui, le mariage a évolué, mais il y a le changement qui développe l'institution et celui qui la déstabilise.

    Je dirais que la polygamie aurait un effet déstabilisateur sur l'institution tandis que l'abandon des traditions patriarcales a un effet contraire, qu'il permet de concentrer l'institution sur l'essentiel, sur sa raison d'être, à savoir la formation de liens sexuels interpersonnels entre l'homme et la femme. C'est cela l'essentiel.

    Par exemple, lorsque grâce à la cause Loving contre Virginia, on s'est débarrassé d'interdictions interraciales, on s'est défait d'aspects extérieurs à l'objet du mariage.

    La difficulté lorsqu'on redéfinit le mariage de manière à inclure les unions homosexuelles, c'est qu'on le détourne de ce qui le rend unique, soit de favoriser de façon très précise la formation de liens affectifs entre partenaires de sexe opposé, avec tout ce qui en découle. C'est un élément important de la société humaine, de notre écologie sociale, et il mérite un coup de pouce de la part de la société. Dans un sens, c'est à cela que se résume le mariage.

    Il existe diverses sortes de relations interpersonnelles très enrichissantes dans la société humaine. Le mariage n'est pas l'étalon or, il n'est qu'une forme parmi d'autres, dans un certain sens. On célèbre d'ailleurs sans arrêt d'autres liens intimes, à part le mariage, au cinéma et dans les romans.

    Lorsque j'affirme que le mariage correspond à telle chose ou se consacre à telle autre chose, je ne cherche nullement à discréditer les relations entre partenaires de même sexe. Je plaide simplement que l'institution continue à fonctionner, poursuit son développement, ne cesse pas de se concentrer sur cet aspect complexe de la vie humaine.

    Vous savez, les hétérosexuels souffrent eux aussi, ils ont également de la difficulté à établir des liens. Le monde est dur et compliqué, et le mariage comme institution exerce moins d'attrait sur les gens qu'auparavant. Je l'observe moi-même; j'ai six enfants, et trois d'entre eux, qui sont dans la vingtaine, se dirigent dans cette voie.

    Le monde est différent de celui que j'ai connu enfant, il y a 30 ans. À mon avis, il est beaucoup plus facile pour les hétérosexuels d'y faire leur chemin, et cela tient certainement en partie à la fragilisation du mariage comme institution.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Merci. Je vais maintenant passer la parole à M. Toews.

+-

    M. Vic Toews: Monsieur Cere, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'affirmation voulant que les recherches universitaires portant sur le mariage présentent surtout le point de vue homosexuel ou gai, et qu'en retour, on n'a pas encore entendu les arguments des hétérosexuels.

    Pour ma part, en tant qu'avocat et ancien spécialiste du droit constitutionnel, cela me préoccupe beaucoup. Vous savez sans doute que dans les affaires de droit constitutionnel, on doit présenter des mémoires extrêmement étoffés, appelés des mémoires de Brandeis, ou bien des témoignages d'experts pour étayer son argumentation. Le droit constitutionnel a en effet très peu à voir avec le droit au seins strict; il s'intéresse davantage à l'aspect juridique des politiques. Vous vous trouvez donc à dire que la question n'est pas assez mûre pour faire l'objet d'un litige constitutionnel.

    Sur ce dernier point, à part votre organisme, en existe-t-il d'autres qui défendent le point de vue hétérosexuel par rapport au mariage, et dont les recherches vous paraissent solides et sérieuses?

+-

    Le président: N'oubliez pas qu'il ne vous reste que trois minutes.

+-

    M. Daniel Cere: Dans un sens, non, il n'y a pas de chercheurs comparables à William Eskridge, qui a déjà publié une demi-douzaine de livres sur la question, sans compter tous les autres qui préconisent le mariage entre partenaires de même sexe. On en apprend beaucoup lorsqu'on lit ces ouvrages, car ils sont profonds et sérieux. Ils sont le fruit de travaux très poussés.

    C'est d'ailleurs assez représentatif de ce qui se passe dans les milieux universitaires. Lorsque je travaillais à ma thèse de doctorat, dans les années 70, la tendance était au néo-marxisme. Aujourd'hui, il n'en est plus question parce qu'on a en quelque sorte réagi à cela. Je pense donc qu'il y aura tôt ou tard un forte réaction à ce genre de recherches universitaires, mais ce n'est pas pour demain. Auparavant, il faudra prendre le temps d'examiner les arguments.

    Il sera peut-être trop tard pour les législateurs, mais à l'heure actuelle, en recherches universitaires, la situation est telle qu'on entend surtout défendre et illustrer les arguments d'un seul camp.

    Dans le domaine de la sexualité, on a surtout défendu les tenants de cette position, et de surcroît, elle est riche, profonde, réfléchie et perspicace. Elle mérite donc qu'on la connaisse. Il faudrait cependant qu'elle nous incite aussi à en débattre, et nous n'en sommes pas encore là.

+-

    Le président: Monsieur Lee, pour trois minutes.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Oh, trois minutes, je vous remercie, monsieur le président.

    C'est à mon tour je suppose de m'en prendre à la logique néo-marxiste et contestataire de l'ordre établi.

+-

    Le président: M. Robinson n'aurait certainement pas voulu rater cela.

+-

    M. Derek Lee: Je tiens à féliciter tous les témoins. Ce sont les plus impressionnants que nous ayons entendus depuis longtemps. Je m'incline devant tous les efforts qu'ils ont consacrés à la question.

    Je viens de perdre 30 secondes, mais je pense sincèrement ce que je viens de dire.

    J'aimerais maintenant poser une question plutôt simple à M. McCutcheon.

    Aux yeux de ceux qui préconisent le mariage entre partenaires de même sexe, je suppose que le paradigme de l'avenir, qu'il soit juridique ou autre, n'accordera aucune importance au sexe du partenaire. Est-ce bien cela? Le sexe du partenaire est sans importance comme prérequis au mariage. Ai-je bien compris?

º  +-(1655)  

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Je pense qu'aucune personne homosexuelle ou hétérosexuelle ne peut prétendre que la sexualité est absente d'une relation de couple. Il y a de la sexualité. Mais vouloir accéder à une institution comme le mariage, c'est d'abord et avant tout vouloir une reconnaissance sociale de sa relation amoureuse et affective. Je vous ai indiqué que j'étais en couple depuis 30 ans. C'est une relation amoureuse et affective. Ce n'est pas une relation sexuelle.

[Traduction]

+-

    M. Derek Lee: Non, je vous demandais de me dire si le sexe du conjoint a une importance quelconque. Vous me répondez que c'est l'orientation sexuelle qui n'en a pas. C'est peut-être aussi le cas, mais est-ce que le sexe du partenaire et son orientation sexuelle ont la moindre importance lorsqu'il s'agit de ce qu'on entend par le mariage en bonne et due forme? Êtes-vous d'accord?

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Je ne comprends pas très bien le sens de votre question. Il est sûr que dans une relation homosexuelle, il y a deux personnes de même sexe. Je ne comprends pas le sens de la question.

[Traduction]

+-

    M. Derek Lee: Je vais me ranger à ce qui semble être votre avis et celui d'autres chercheurs, à savoir que le sexe du partenaire et son orientation sexuelle n'ont rien à voir avec la création d'une unité sociale. N'est-ce pas cela qu'on est en train de proposer pour l'avenir?

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Nous préconisons effectivement que, peu importe qu'on soit de même sexe ou de sexes différents, on puisse accéder à l'institution du mariage. C'est évidemment ce que l'on demande, et il me semble que c'est très clair.

[Traduction]

+-

    M. Derek Lee: Bien. Je vous remercie. Je crois savoir aussi que...

    Oh, monsieur le président, j'ai à peine eu l'occasion de m'exprimer.

+-

    Le président: Que voulez-vous? Nous y reviendrons.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur Cere, j'ai trouvé votre mémoire très intéressant. Dans votre argumentation, vous dites que le mariage est en changement perpétuel, qu'il y a des changements positifs et négatifs, mais sans vraiment dire sur quoi vous vous basez. Lorsque l'arrêt Loving c. Virginia est sorti, des gens pensaient à l'époque, et pensent peut-être même toujours, que c'était un changement négatif et que le fait de permettre le mariage entre une personne de race noire et une personne de race blanche affaiblissait le mariage. Lorsque vous dites que c'était positif, vous posez non pas un jugement académique, mais un jugement de valeur. Si on enlève aux personnes homosexuelles la possibilité de se marier, c'est un jugement de valeur, et non un jugement académique, que de dire que c'est positif ou négatif.

[Traduction]

+-

    M. Daniel Cere: C'est peut-être un jugement de valeur, mais à mon avis, il s'agit plutôt d'une tentative de cerner ce qui fait vivre une institution, ce qu'est son objet et à quoi elle correspond dans la société et la culture humaines. C'est pour cela qu'à mon avis, le jugement rendu dans la cause Loving contre Virginia est excellent, car il s'est débarrassé des contraintes qui nuisaient à l'institution et à la formation du lien affectif entre les conjoints de sexe opposé, en l'occurrence, en interdisant le mariage entre partenaires de races différentes. Le jugement faisant dont triompher les principes fondamentaux de l'institution. Toutefois...

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je ne veux pas être impoli, mais je vais vous interrompre parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

    Quand vous parlez des  core principles of marriage , vous dites que c'est un homme et une femme. On revient à la tautologie. Pourquoi le core principle du mariage ne pourrait-il pas être l'union de deux personnes qui s'aiment? Pourquoi est-ce que c'est nécessairement, selon vous, l'union de deux personnes de sexes différents? Cet argument est tautologique. Vous dites que les choses sont ainsi et que c'est donc la nature fondamentale du mariage. Ce n'est peut-être pas ça.

    Je me suis marié il y a 10 ans, à l'âge de 23 ans. À l'époque, mon épouse ne voulait pas d'enfants. Je voulais alors consacrer le mariage avec mon épouse parce que nous étions deux personnes qui s'aimaient. Cela n'avait aucun rapport avec les enfants. Pourquoi est-ce que ce n'est pas cela, la nature fondamentale du mariage? Pour est-ce que ce ne sont pas deux personnes qui s'aiment et qui sanctifient cet amour aux yeux de l'État et quelquefois aux yeux de la religion?

»  +-(1700)  

[Traduction]

+-

    M. Daniel Cere: À mon avis, il faudra bien à un moment donné prendre un peu de recul et voir plus loin que les choix individuels. Il est sûr que le mariage consolide le lien personnel entre l'homme et la femme, mais il est sûr aussi qu'il consolide le caractère procréateur de ce lien. C'est un aspect essentiel du mariage, tout comme c'est un aspect essentiel du lien hétérosexuel.

    Vous pouvez bien sûr redéfinir le mariage comme étant un lien amoureux, mais à mon avis, si vous faites cela, vous allez créer une catégorie tellement vaste que l'institution va perdre sa définition. Et les institutions ont besoin de définition, il faut en définir les principes de base. Les institutions comme les banques et les parlements sont fondées sur des raisons d'être. Dire qu'il s'agit simplement d'un lien amoureux, notion très vaste, c'est à mon avis détourner l'institution de sa raison d'être parce que la condition humaine elle-même est fondée sur le lien amoureux.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je tiens à remercier tous les témoins pour leurs exposés et les prie d'excuser mon retard. Je devais siéger au comité de la santé, et j'ai dû courir d'un comité à l'autre.

    Pour faire suite à ce que M. Marceau disait, vous dites que dans l'institution du mariage, les rapports sont marqués par les besoins et les difficultés que posent le lien amoureux à long terme et le lien sexuel. Pour moi, ça, c'est une relation «conjugale». Les couples de même sexe veulent que l'on reconnaisse ce lien conjugal, ils ne veulent pas entrer dans tous les relations: pères, filles, soeurs et frères. Ils veulent faire valoir que leur relation est également conjugale, donc cela s'inscrit parfaitement à mon avis dans la définition que vous donnez de l'institution du mariage.

    Deuxièmement, vous parlez de ces réalités multiples, vous dites que le mariage répond à des besoins complexes et d'identification au sein d'une communauté humaine. Je viens probablement d'entendre l'un des exemples les plus touchants de la nécessité à laquelle doit répondre exactement le mariage: donner un sens et une identité à un couple au sein d'une communauté humaine—lorsque MM. Hawke et Robbins ont expliqué pourquoi leurs enfants ont besoin d'appartenir à cette communauté de gens mariés.

    Vous avancez également que le mariage entre gens du même sexe déstabilisera cette institution déjà instable qu'est le mariage. Si l'institution qu'on appelle le mariage est déstabilisée, et que plus personne ne veut se marier, il est sûr que lorsque vous avez des gens qui ont des liens intimes et sexuels, qui veulent faire partie de la communauté humaine, qui s'avancent et qui disent: «Je veux me marier», ces personnes reconfirment en fait la force du mariage. C'est leur façon de dire que le mariage est une institution très valide, et ils veulent en faire partie. Je vous répondrai donc que le fait de permettre les mariages entre gens de même sexe stabilisera davantage le mariage.

    Enfin, ce que vous dites au sujet des institutions tient tout à fait. Vous avez dit que le Parlement est une institution démocratique, et que c'est là l'un de ses principes fondamentaux. Comme l'a dit ma collègue, Mme Jennings, le Parlement a été conçu comme institution démocratique à l'époque où les femmes n'étaient pas considérées comme des personnes, et les femmes n'avaient pas le droit de vote, ce qui excluait 52 p. 100 des êtres humains qui n'avaient aucun droit démocratique au sein de cette institution démocratique.

    J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec moi pour dire que le mariage entre gens de même sexe stabilisera le mariage étant donné qu'il reconfirmera la force du lien conjugal. De même, pourquoi croyez-vous que cela ne peut pas se faire? Vous dites que moins de gens vont se marier en conséquence; je vous réponds que l'institution du mariage s'en trouvera stabilisée.

+-

    M. Daniel Cere: Je ne crois pas que des institutions aussi essentielles que le mariage sont animées strictement par l'énergie des émotions qu'on y investit. Cela se situe dans cette difficulté qui vous attend: Quelle est la nature de cette institution, et comment doit-elle fonctionner au sein de la société canadienne prise dans son sens large?

+-

    Mme Hedy Fry: La question ne m'est pas posée à moi. Je réponds aux questions et j'aimerais que vous répondiez à ma question, monsieur Cere.

+-

    M. Daniel Cere: Vous me demandez comment cette institution sera stabilisée. Je crois qu'au cours des 40 dernières années, nous avons vu l'institution déstabilisée à maints égards.

»  +-(1705)  

+-

    Mme Hedy Fry: J'avance pour ma part que cette institution hétérosexuelle, je le souligne, pourrait être stabilisée, si on y ajoutait les relations entre gens de même sexe.

+-

    M. Daniel Cere: Oui, par l'intervention dans... Quels sont ces aspects fondamentaux? Chose certaine, la permanence est un aspect fondamental qui entre dans la stabilisation de ce lien. Le mariage essaie de créer une relation à long terme entre gens de sexe opposé.

    Même William Eskridge, dans son tout dernier livre, Equality Practice, fait valoir que nous devons repenser la loi sur le divorce parce qu'à son avis, le divorce déstabilise le mariage. Il veut que les couples de même sexe entrent dans une institution plus stable, et il avance que le divorce sans égard à la faute a fait du tort. Pourquoi? Eh bien, parce qu'il s'attaque au principe fondamental, un aspect fondamental, à savoir que le mariage doit être fondé sur la permanence, sur une relation à long terme entre personnes de sexe opposé.

    Vous vous attaquez ici à l'une des bases du mariage, les liens entre l'homme et la femme. C'est un aspect essentiel de l'existence humaine. C'est un lien difficile à maintenir, et il est difficile de lui donner une certaine permanence. Nous avons été témoins d'une déstabilisation, et je fais valoir que... eh bien, je dis ce que je dis.

+-

    Le président: Monsieur Sorenson, trois minutes.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Oui.

    Merci à tous d'être venus et d'avoir fait ces exposés.

    Monsieur Cere, ce que M. Hawke a dit entre autres, lorsqu'il parlait de son fils et de son homosexualité, c'était que cette condition faisait partie de son être génétique. Je me demande si vous ou... de préférence vous, pourriez nous dire si vous disposez de preuves scientifiques établissant qu'il existe un gène de l'homosexualité.

+-

    M. Daniel Cere: Vous ne vous adressez pas à la bonne personne. Ce n'est pas mon domaine. Je sais qu'il y a un débat sain dans la littérature homosexuelle à ce sujet, il y a les essentialistes d'un côté, avec John Boswell et compagnie, et ceux qui sont davantage du côté social et existentialiste, comme Gayle Rubin et compagnie. Chose intéressante, les opposants semblent se diviser entre les gars, qui sont plus déterministes, et les filles, qui sont plus existentialistes. Je ne sais pas si ce débat révèle quelque chose au sujet des différences entre les sexes. Mais non, je ne crois pas qu'il existe de réponse claire à cette question.

    J'ai l'intuition que la réponse est probablement du côté interactionniste, à savoir qu'il existe une certaine inclination génétique et toutes sortes de constructions sociales.

+-

    M. Kevin Sorenson: Monsieur Hawke, savez-vous s'il existe des preuves scientifiques démontrant qu'on a découvert le gène qui cause l'homosexualité? Si cela fait partie de sa composition génétique, est-ce qu'il y a des preuves qui démontrent que c'est bien le cas?

+-

    M. Bill Hawke: Je n'ai pas de texte à vous citer, mais j'ai pris connaissance d'informations qui indiquent que c'est génétique. Chose certaine, je peux faire une recherche et vous en transmettre le résultat, si vous le voulez.

+-

    M. Kevin Sorenson: Oui, j'apprécierais.

    Avez-vous déjà entendu parler de gens qui auraient délaissé l'homosexualité pour revenir à un mode de vie hétérosexuel?

+-

    M. Bill Hawke: C'est probablement davantage dans l'autre sens...

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Kevin Sorenson: Non, c'est exactement ce que je dis.

+-

    M. Bill Hawke: ... mais c'est surtout à cause des pressions sociales. Les gens essaient de nier leur orientation, et ils se marient et ils ont des enfants. Et ils se rendent comptent que ce mode de vie ne correspond pas vraiment à leur orientation sexuelle, et ils finissent par quitter leur conjoint.

+-

    M. Kevin Sorenson: C'est donc peut-être son orientation, mais peut-être pas sa composition génétique.

+-

    M. Bill Hawke: Je n'ai pas dit cela.

+-

    M. Kevin Sorenson: Mais vous avez bien dit que cela faisait partie de son être génétique.

+-

    M. Bill Hawke: C'est exact, oui.

+-

    M. Kevin Sorenson: Son orientation sexuelle n'est peut-être pas liée à sa génétique, alors?

+-

    M. Bill Hawke: Elles sont interreliées à mon avis.

+-

    M. Kevin Sorenson: D'accord, merci.

+-

    Le président: M. McCutcheon et Mme Landolt veulent répondre à cette question.

    Je vous demande d'être brefs.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: À ma connaissance, il n'y a pas de recherches qui établissent qu'il y a des facteurs génétiques. Il n'y a aucune autre recherche qui a été en mesure d'établir pourquoi il y avait des homosexuels, pas plus que pourquoi il y en a qui ont les yeux bleus ou noirs. Ce sont des situations de fait. Dans la littérature, il y en a qui ont tenté de donner des explications, qui sont très souvent plus ou moins sérieuses, mais de façon générale, il n'y a pas de réponse à la question que vous posez. Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça. Mes parents étaient hétérosexuels.

    Quant à savoir si on peut changer d'orientation sexuelle, il n'y a rien à ce sujet sur le plan scientifique. Il y a eu quelques tentatives de mise en application de techniques d'aversion. Autrement dit, on essaie de me dégoûter à un point tel que je ne sois plus capable d'avoir du désir pour un homme. Il y en a qui ont fait ces expériences. Ce sont les seules choses qui existent. L'homosexualité est une situation de fait, et il n'y a pas d'explication scientifique.

»  +-(1710)  

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Landolt.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Deux choses. Premièrement, Masters et Johnson ont constaté dans leur recherche que 69 p. 100 des couples homosexuels... qui veulent en changer, l'ont fait. Ce n'est pas irréversible.

    Par exemple, même notre député bien connu Svend Robinson a déjà été marié et heureux en ménage, d'après un article publié en 1982 dans le Saturday Night. Il est devenu homosexuel par la suite. Cela semble être un caractère acquis.

    Dans l'étude dont j'ai parlé, tirée du livre The Male Couple, un psychiatre et un psychologue travaillant auprès d'homosexuels ont constaté que les différences chez les homosexuels... c'est un caractère acquis. On dit que pour certains couples gais, «il peut s'agir de fantaisies de retour et de désir de liaison avec le père».

    En outre, les auteurs ont constaté qu'il existait une autre caractéristique chez les couples mâles, c'est qu'ils avaient formé peu de liens affectifs avec d'autres hommes lorsqu'ils étaient jeunes. Cela laisse entendre que l'attirance homosexuelle envers d'autres hommes se fonde sur des besoins psychologiques qui n'ont pas été satisfaits durant l'enfance par le père ou par d'autres influences masculines plutôt que sur des effets génétiques, comme le prétendent certains militants homosexuels.

    Je répète que cet ouvrage a été rédigé par des homosexuels pour des homosexuels, et c'est la conclusion qu'ils ont tirée.

+-

    Le président: Monsieur Lee, trois minutes.

+-

    M. Derek Lee: Merci.

    Dans le même ordre d'idées... Je ne veux pas vous mettre sur la sellette, monsieur McCutcheon, et je ne veux pas non plus en donner l'impression car ce n'est pas le cas. J'admire votre initiative d'aujourd'hui et j'ai bien écouté vos remarques.

    Pour revenir où j'en étais, si le sexe et l'orientation sexuelle n'ont plus d'importance dans l'institution du mariage, ne sape-t-on pas la définition et les objectifs de cette institution, sauf un, c'est-à-dire de reconnaître la relation?

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Si vous voulez appeler ça saper, moi, j'appellerais plutôt ça une évolution, un changement. C'est sûr qu'à ce jour, le mariage est une institution à caractère hétérosexuel. Depuis environ 30 ans, on commence à prendre un peu de place dans la société. Il y a toujours eu des homosexuels, mais on leur a toujours interdit d'exister. Depuis 30 ans qu'elles ont droit à l'existence, les personnes homosexuelles aspirent à leur plein épanouissement et demandent aux autorités d'ouvrir l'institution du mariage de façon à leur accorder un statut égalitaire.

    Je ne pense pas qu'on va saper l'institution du mariage, je pense tout simplement que le mariage va devenir une institution plus large que ce qu'elle est actuellement, et je ne crois pas que le fait de l'élargir va lui enlever quoi que ce soit. Je serais très étonné qu'un couple hétérosexuel se sente diminué. Imaginons que vous êtes hétérosexuel, que vous êtes marié, et que moi, demain matin, j'aie le droit de me marier. En êtes-vous diminué? En quoi pourriez-vous être diminué par le fait que je puisse avoir accès à la même institution que vous? Vous pourriez être fier de m'ouvrir la porte par générosité, pour permettre à l'ensemble de la société d'avoir les mêmes droits, ou bien vous pouvez tout simplement dire que c'est une institution qui, traditionnellement, a toujours été hétérosexuelle, et donc qu'elle doit l'être pour le reste de nos jours. Mais ça, c'est le frein à l'évolution. La même question se pose dans toute autre question: l'évolution signifie qu'on doit changer des choses. C'est ce que ça signifie.

[Traduction]

+-

    M. Derek Lee: Si le seul objectif qui reste au mariage est simplement de reconnaître... Je suis sûr que si je demandais aujourd'hui qu'on abolisse totalement l'institution du mariage en disant qu'elle n'a pas de but social particulier et qu'on n'en a donc pas besoin, ceux qui préconisent le mariage entre conjoints de même sexe diraient qu'il faut conserver cette institution parce qu'ils veulent être reconnus, parce qu'ils veulent être traités comme tous les autres et qu'ils veulent être perçus comme égaux.

    Je crains que ce soit l'orientation de ce débat. Ceux qui préconisent le mariage entre conjoints de même sexe ne le font que pour obtenir la reconnaissance par une institution dans leur lutte pour l'égalité, non pas pour conserver le mariage pour ce qu'il est vraiment. Et je me reporte ici au témoignage de M. Cere.

    Cela m'inquiète. Je veux être prudent, même si je sais que nous devons tous reconnaître la validité, l'importance et la nature des unions homosexuelles.

»  +-(1715)  

+-

    Le président: Monsieur McCutcheon.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Mais l'égalité présuppose l'accès aux mêmes institutions, sinon on ne peut pas parler de véritable égalité. Quand vous dites que nous recherchons l'égalité, oui, nous recherchons l'égalité, nous recherchons une application de la Charte canadienne des droits et libertés mais personnellement, je ne crois pas que ça va diminuer l'institution du mariage, qui est une institution universelle, dans tous les pays, partout. Cette institution est reconnue depuis toujours, mais elle a évidemment toujours été réservée à un homme et une femme. Cependant, il y a des sociétés qui commencent à s'ouvrir davantage, et on peut revoir cette définition du mariage. Ce qu'on essaie de faire ici aujourd'hui ensemble, c'est d'étudier la possibilité d'élargir cette institution, de l'ouvrir à d'autres personnes. C'est donc un changement de société, c'est sûr. C'est ça qu'on vous demande.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Robbins souhaite répondre à la question. Je donnerai ensuite la parole à M. Marceau.

+-

    M. Geoff Robbins: Oui, PFLAG préconise la reconnaissance de l'égalité en droit. Je ne crois pas qu'il y ait du mal à cela. On a également demandé quel était le but du mariage? Si vous posiez la même question à tous les gens dans la salle, il n'y aurait pas de consensus à ce sujet. Certains diraient que le but du mariage est la procréation. Je me suis marié à 45 ans, sans avoir l'intention d'avoir des enfants. Ma femme avait déjà fini de mettre sa famille au monde. Nous sommes heureux. La procréation n'est donc pas notre but, mais cela peut l'être pour d'autres. Très bien. Nous vivons dans un pays libre.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Rapidement, monsieur Cere, je suis désolé. Monsieur Cere, les Pays-Bas ont reconnu le mariage homosexuel, contrairement à ce que Mme Landolt disait d'ailleurs, la Belgique aussi maintenant. Savez-vous si des recherches montrent que depuis que les homosexuels ont le droit de se marier aux Pays-Bas, les hétérosexuels ont fui l'institution? Juste un oui ou un non.

[Traduction]

+-

    M. Daniel Cere: C'est une excellente question. Pour ma part, j'ai essayé d'obtenir des données à ce sujet. Pour commencer, il est vraiment trop tôt pour examiner les documents et obtenir des preuves. Il est toutefois très important de suivre la situation pendant les deux prochaines années, tant dans les Pays-Bas qu'en Belgique, qui a maintenant adopté une loi reconnaissant le mariage entre conjoints de même sexe.

    Mais il faudra un peu de temps. Un an ou deux ne suffiront pas...

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Madame Landolt, j'ai une question pour vous. Je voudrais renchérir sur ce que Mme Jennings a dit tout à l'heure. Pendant des milliers d'années, la femme mariée était la propriété de son époux, dans la conception chrétienne du mariage depuis saint Paul, qui a dit que la femme doit être soumise à l'homme, etc. Or, vous dites que parce que le mariage a été comme ça pendant des années, entre un homme et une femme, il ne devrait pas changer. Mais l'évolution de la société a fait en sorte que la femme n'est plus une mineure lorsqu'elle se marie. Entre autres, dans le Code civil du Québec, c'était écrit que la femme mariée avait les capacités d'un enfant mineur. La société a changé. Alors ma première question est la suivante: est-ce que cet exemple ne fait pas tomber l'argument selon lequel parce que le mariage a été d'une certaine façon pendant des milliers d'années, il devrait rester pareil?

    La deuxième question que je veux vous poser, c'est un peu la même que celle que je posais à M. Cere. Est-ce que donner, par exemple, la possibilité à M. McCutcheon de se marier avec son conjoint depuis 30 ans vous pousserait à divorcer parce que vous ne voulez pas partager la même institution que lui?

    Et troisième question: est-ce que vous croyez que ça ferait en sorte que de jeunes hétérosexuels qui pensent à passer leur vie ensemble ne voudraient plus se marier parce que de jeunes homosexuels ont le droit de le faire?

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Landolt.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Vous posez plusieurs questions. Tout d'abord, je vais signaler au comité que les mariages autorisés au Pays-Bas et en Belgique ne sont pas comme les mariages hétérosexuels traditionnels. Ils ne sont valables qu'à l'intérieur des frontières du pays.

    Deuxièmement, il y a eu d'autres changements au sujet des adoptions, entre autres. Ces mariages ne sont donc pas comme les mariages traditionnels. Et nous ne connaissons pas les résultats à long terme car c'est une réalité nouvelle.

    Quant à la question que vous posez au sujet du mariage, le mariage traditionnel ne permettait qu'une chose—c'est-à-dire qu'un homme et une femme s'engageaient pour la vie l'un envers l'autre, avec la possibilité de mettre au monde des enfants. Que les conjoints aient 55 ans ou 95, ils sont encore un homme et une femme. L'union sexuelle est différente de l'union homosexuelle car il est toujours possible que les conjoints aient des enfants même s'ils ont déjà fondé leur famille. C'est l'État qui a pour politique sociale de promouvoir les naissances. Cela ne peut se faire que par un homme et une femme.

    Le fait que les femmes ont été considérées comme une propriété jusqu'en 1882, sous le régime britannique ou la common law, n'a rien à voir avec le fait que le mariage a été stabilisé. On peut le constater dans les documents des Nations Unies. Cela est dû à notre histoire, dans chaque culture et dans chaque religion. Tout le reste est en surplus.

    Il est certain que les relations entre les hommes et les femmes se sont améliorées. Les hommes n'ont eu le droit de vote qu'après l'adoption d'une loi sur la réforme en Grande-Bretagne, dans les années 1870. Les choses se sont améliorées, mais le principe fondamental du mariage... Pardon, les hommes qui n'étaient pas propriétaires n'ont eu le droit de vote qu'en 1872. Il fallait être propriétaire.

    Les choses évoluent et elles s'améliorent. Elles s'améliorent vraiment. Les femmes ont le droit de voter depuis 1918. C'est excellent. Tout le monde est d'accord. Mais cela n'a rien à voir avec le principe fondamental du mariage, qui est l'union d'un homme et d'une femme. C'est un pont jeté entre les générations. Rien n'a changé cela.

    Pourquoi cela n'a-t-il pas changé? Et bien, c'est parce que ça marche. Parce qu'il absolument essentiel pour l'avenir de la société que le mariage unisse un homme et une femme et que l'État fasse la promotion du mariage dans sa politique sociale parce que les conjoints peuvent avoir des enfants. Rien n'a changé. Tout le reste est superflu.

»  +-(1720)  

+-

    Le président: Monsieur Marceau, si nous...

+-

    M. Richard Marceau: Mais elle n'a pas répondu à l'une de mes questions.

+-

    Le président: Oui, je me rappelle, il y avait une troisième question. Vous êtes sournois.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: J'ai oublié la troisième question, qu'est-ce que c'était au juste?

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: La question était: pensez-vous que le fait d'accorder aux homosexuels le droit de se marier ferait en sorte que des hétérosexuels ne voudraient plus se marier?

[Traduction]

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: À mon avis, le résultat, ce serait que le mariage serait fondamentalement différent. Le mariage serait ouvert et changé.

    Je sais que M. McCutcheon a dit qu'il serait marié depuis 30 ans, mais la fidélité sexuelle n'est pas la même chose que la cohabitation pendant 30 ans. Tous les documents nous disent que les homosexuels n'ont pas de rapports monogames. Ils ont d'autres partenaires, ce qui change la chose de façon fondamentale.

    Si vous vous mariez pour n'importe quelle raison—par exemple, nous sommes des amis, nous sommes des amants—qui n'est pas un engagement que prennent un homme et une femme de vivre ensemble pour la vie, toute l'orientation change. Si je décide de me marier et d'avoir des enfants, les sacrifices que je fais sont uniques en leur genre, ce sont des sacrifices que font un homme et une femme en ayant ces enfants. Par conséquent, si le mariage est accessible à tout le monde, et si le mariage veut tout dire, cela signifie qu'il ne veut rien dire. Le mariage est important, il est important aux yeux de l'État et il est important aux yeux du couple qui fait ces sacrifices, pour produire la prochaine génération.

    En le rendant accessible à tout le monde, le mariage deviendrait vide de sens. Il n'aurait aucun but.

+-

    Le président: Aux fins du procès-verbal, je suis certain que Mme Landolt n'avait pas l'intention de sous-entendre, quand elle a donné son avis sur la fidélité, que ses observations s'appliquaient à M. McCutcheon.

    Madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais renchérir sur ce qu'a dit Mme Landolt au sujet de la fidélité sexuelle et les rapports entre les homosexuels.

    J'ai exercé la profession de médecin pendant 23 ans avant de venir ici. En raison du quartier où se trouvait mon cabinet, j'avais un grand nombre de patients gais et lesbiennes. J'aimerais corriger ce qu'a dit Mme Landolt. En se fondant sur ma propre petite expérience, je peux lui dire que la plupart de ces couples homosexuels étaient, sur le plan sexuel, beaucoup plus fidèles que la plupart des couples hétérosexuels que j'ai vus, mais aussi que bon nombre de ces couples du même sexe vivaient ensemble depuis longtemps. Ces couples vivaient ensemble pendant 20 ans, 30 ans, 35 ans, jusqu'à leur mort.

    Je sais que l'infidélité existe dans des rapports hétérosexuels et dans les mariages. Dire que certains couples ont tendance à être plus fidèles que d'autres est faux. Je voulais simplement souligner que...

    Permettez-moi de terminer ma question, s'il vous plaît, madame Landolt.

    Vous avez laissé entendre que, étant donné que des personnes homosexuelles reviennent à des rapports hétérosexuels, cela veut dire que c'est une condition qu'on peut changer et que cela n'a rien de génétique. Je dirais par contre qu'il s'agissait de la pression exercée par la société. Dans tous les cas que j'ai connus, les gens ont voulu fuir un endroit où ils étaient victimes de discrimination, où ils étaient agressés, où ils ne faisaient pas partie de la collectivité et ils ont réprimé leur véritable nature pour pouvoir s'engager dans une relation qui, pour eux, n'était pas naturelle. C'était purement une question de discrimination. Cela ne veut pas dire que les gens ont changé parce qu'ils... C'était en raison de la pression exercée par la société que la plupart de ces gens avaient tendance à vivre un mensonge, au moins en ce qui concerne mes patients, dans bien des cas.

    On n'a pas réussi à cerner un gène en particulier, mais il y en a beaucoup qu'on n'a pas découvert pour bien des choses au sujet des êtres humains. Notre système génomique est tellement vaste que, à mon avis, cela va prendre de nombreuses générations avant de découvrir les causes génétiques de chaque chose. Mais ce n'est pas nécessairement nos gènes qui expliquent pourquoi nous sommes nés d'une certaine façon.

»  +-(1725)  

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Premièrement, vous dites que, dans votre petite pratique médicale, vous n'avez pas vu d'infidélité sexuelle. À mon avis, cela ne veut rien dire, parce que les homosexuels eux-mêmes conviennent que la fidélité sexuelle ne fait pas partie de leur culture...

    Excusez-moi, mais puis-je finir ma réponse?

    Ce qui compte, c'est que cela ne fait pas partie de leur culture, et ils le disent eux-mêmes. Ce n'est pas moi qui l'affirme. Les études le montrent et c'est ce qu'ils disent eux-mêmes.

    En ce qui a trait au gène, aucune étude n'a encore permis de prouver que l'homosexualité est génétique. C'est une caractéristique acquise. On a certainement tenté de trouver le gène de l'homosexualité, mais on ne l'a pas trouvé; c'est une caractéristique acquise.

    Certains textes contredisent ce que vous pensez. Vous ne savez pas si vos patients étaient fidèles à leurs partenaires, mais les études et les homosexuels eux-mêmes affirment que la fidélité sexuelle ne fait pas partie de leur culture.

+-

    Le président: C'est maintenant à vous, madame Fry.

+-

    Mme Hedy Fry: Madame Landolt, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'infidélité au sein des couples homosexuels qui étaient mes patients. J'ai dit que les homosexuels n'étaient pas plus enclins que les couples hétérosexuels à être infidèles. En fait, c'était plutôt le contraire. J'ai constaté que bien des couples de gais et de lesbiennes étaient plus enclins à être fidèles que les couples hétérosexuels que je connaissais.

    Je n'ai donc pas dit...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Tout ce que je peux vous répondre...

+-

    Mme Hedy Fry: Pourrais-je terminer?

+-

    Le président: Madame Landolt...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: ... c'est que la fidélité sexuelle fait partie des relations hétérosexuelles.

+-

    Le président: Silence, s'il vous plaît, madame Landolt.

    M. McCutcheon voudrait répondre. Il est maintenant 17 h 30 et il y a encore deux noms sur ma liste d'intervenants.

    Allez-y.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Très rapidement, je pense qu'il ne faudrait pas déplacer le débat sur la question de la fidélité. Je ne pense pas que les couples hétérosexuels puissent affirmer qu'ils ont le monopole de la fidélité. Il y a de l'infidélité chez les couples homosexuels, et je suis convaincu qu'il y a aussi de l'infidélité chez les couples hétérosexuels. Vouloir ramener le débat dans cette direction est une erreur. Ça n'a rien à voir. Ce n'est pas la question.

[Traduction]

+-

    Le président: À vous la parole, monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: La discussion est passionnante. Tous les témoins ont été excellents. Ils m'ont tous donné matière à réflexion.

    Cela me rappelle que nos tribunaux, la Cour suprême et d'autres cours du Canada, ont déjà déclaré, surtout dans le contexte de l'article 15 portant sur le droit à l'égalité, que l'égalité n'équivaut pas nécessairement à un traitement identique. Parfois, la véritable égalité, c'est la reconnaissance de ce qui nous différencie. Nous avons vu dans divers contextes que des différences, des distinctions en droit, sont acceptées car elles permettent de faire progresser l'égalité. Nous l'avons vu dans le contexte autochtone. Mon collègue, M. Macklin, maintiendrait probablement que les différents critères de détermination de la peine s'appliquant aux Autochtones visent à faire progresser l'égalité.

    Il y a encore une chose qui me laisse perplexe, bien qu'on en ait discuté beaucoup, soit l'objet du mariage. Tout le monde y revient, que ce soit en parlant d'intimité, de fidélité, de stabilité sociale ou de procréation.

    J'aimerais donc demander à chaque témoin de m'expliquer brièvement, en une phrase, ce qu'est pour lui ou elle l'objet du mariage, s'ils s'estiment capables de le faire.

    Peut-être pourrions-nous commencer par M. McCutcheon.

»  +-(1730)  

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Pour moi, le mariage est la reconnaissance d'une union amoureuse, affective, qu'on est capable de vivre au plein jour avec l'ensemble de la société, et non pas vivre en cachette. Dans mon cas, ce serait cela.

[Traduction]

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Le mariage sert à trois choses. C'est le meilleur milieu où élever des enfants, car nous savons que les enfants ne s'épanouissent pleinement qu'avec leur mère et leur père. Deuxièmement, c'est le fondement de la politique sociale visant à créer la vie humaine. Troisièmement, le mariage permet d'entretenir les liens entre les hommes et les femmes qui sont différents. Le mariage est l'institution qui établit les balises, qui établit les moeurs, qui donne son orientation à la société. Il a donc de nombreux objets très importants.

+-

    M. Vic Toews: Et pour vous, monsieur Cere.

+-

    M. Daniel Cere: D'emblée, je dirais que c'est une institution culturelle dynamique, en constante évolution, qui encadre l'attachement hétérosexuel et la fonction procréative de la culture humaine. C'est ce que tente de faire le mariage.

+-

    M. Geoff Robbins: Pour moi, c'est la relation la plus étroite qu'il peut y avoir entre deux êtres humains. C'est l'intimité à long terme entre deux êtres humains.

+-

    M. Bill Hawke: Le mariage, c'est consacrer sa vie à son partenaire, dans le cadre d'une cérémonie publique qui peut être ou non religieuse, selon le choix. C'est ça pour moi, le mariage.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

+-

    M. Vic Toews: Madame Joannou, vous n'avez pas...

+-

    Mme Sophie Joannou (membre du conseil d'administration, REAL Women of Canada): Le mariage, c'est l'amour, mais un amour qui comprend les enfants. Comme je suis mère, je ne peux séparer les enfants du mariage.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    M. Marceau sera le dernier intervenant, mais j'aimerais d'abord poser une question essentiellement dans le même ordre d'idées. Nous avons cinq minutes de retard, mais n'oublions pas que nous avons commencé avec dix minutes de retard.

    Monsieur Cere, dans votre exposé, vous avez dit, et vous en semblez intimement convaincu, que ça pourrait changer fondamentalement la nature du mariage. Je crois que vous avez employé le mot «sens» ou «signification» quand vous avez décrit les conséquences que pourrait avoir le mariage des couples homosexuels.

    Voici ma question: le mariage a-t-il un sens? Le mariage ne pourrait-il pas avoir différents sens? Je pense notamment à la différence entre la cérémonie civile et la cérémonie religieuse dans leur forme actuelle, et à l'union de fait dans sa forme actuelle. L'État reconnaît tous ces couples comme étant mariés, mais je suis certain que pour tous ces couples, le mariage n'a pas le même sens.

    Si nous changions le sens du mariage, est-ce que ce serait véritablement révolutionnaire?

+-

    M. Daniel Cere: Je pense que de toute évidence, la réponse est oui. Il faut comprendre que le mariage n'existe pas dans des domaines séparés à l'intérieur de la société, même si nous faisons la distinction entre le mariage civil et le mariage religieux. En effet, les changements que nous effectuons dans le domaine public auront une incidence sur tout le monde.

    Il y a eu l'évolution de la loi sur le divorce qui a eu un effet sur la permanence du mariage. Si on regarde les taux de divorce dans les églises évangéliques, et même chez les catholiques avec leur doctrine sur l'indissolubilité du mariage, ils sont tous dans la même situation. L'impact se fait sentir partout. Les institutions comme le mariage ne fonctionnent pas sur le plan individuel même si on peut se demander, à titre individuel, comment on sera affecté par certains changements.

    Les institutions comme le mariage sont d'importants faits culturels et quand le sens de ces institutions commence à évoluer, d'importantes répercussions se font sentir dans la culture en général, et ce sera sans doute le cas ici.

    Est-ce qu'on peut démontrer que l'effet sera préjudiciable? Non, puisqu'il s'agit de l'avenir... Mais on peut prévoir un effet déstabilisateur, presque tout le monde le dit

»  +-(1735)  

+-

    Le président: Monsieur Marceau.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.

    Madame Landolt, un des arguments que vous avez avancés pour soutenir l'opposition au mariage homosexuel, c'est qu'intrinsèquement, les homosexuels seraient plus portés à l'infidélité que peuvent l'être les hétérosexuels. Dans cette optique, et pour aller au bout de l'argumentation logique, parce que c'est important, quand on avance des arguments, d'aller au bout de l'argumentation, ça voudrait dire qu'une personne hétérosexuelle qui serait portée à l'infidélité n'aurait pas le droit de se marier non plus.

    Logiquement, si une personne homosexuelle n'a pas le droit de se marier parce qu'elle est homosexuelle et, donc, portée à l'infidélité, une personne hétérosexuelle qui serait portée à l'infidélité... Je m'excuse de vous le dire, mais j'en connais beaucoup, malheureusement ou heureusement, je ne sais pas; c'est leur problème, ce n'est pas le mien. Est-ce qu'on devrait aussi empêcher ces gens-là de se marier?

[Traduction]

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Ce n'est pas là la question. Il s'agit du fait que cela représente un changement fondamental du mariage, car la fidélité est la caractéristique du mariage hétérosexuel traditionnel. Le manque de fidélité est l'exception.

    Dans le cas des homosexuels, et ce n'est pas la seule raison, il y aurait un changement fondamental du concept du mariage, car la fidélité en fait partie... Or, il y a des exceptions. Nous savons tous qu'il existe des exceptions mais cela ne change rien au principe fondamental qu'il existe cette exclusivité sexuelle dans le mariage traditionnel d'un homme et d'une femme et le contraire, c'est une exception. Mais le principe général dans la culture homosexuelle serait de permettre des relations à l'extérieur. Comme ils le disent, il s'agit d'un engagement émotif mais pas sexuel.

    Ce n'est qu'un élément. Ce serait une modification fondamentale du mariage.

    De plus, lorsqu'on admet la possibilité de mariage pour les frères et soeurs et la polygamie, c'est un changement fondamental, car le fait d'invoquer la compatibilité et l'amour comme raisons principales de mariage sans qu'il s'agisse nécessairement d'un homme et d'une femme change l'institution de façon fondamentale. Le concept du mariage est complètement réformé.

    Comme je l'ai déjà dit...

+-

    Le président: Madame Landolt...

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: ... si on admet le principe...

+-

    Le président: Madame Landolt, silence, s'il vous plaît.

    Je tiens à préciser une chose. Il ne s'agit pas ici de polygamie ni d'inceste. Je pense qu'il est important de ne pas assimiler une activité admise par l'État à des pratiques qui sont considérées par l'État comme illégales. À mon avis, c'est une distinction importante.

    Je tiens à le dire publiquement.

+-

    Mme Gwendolyn Landolt: Mais, monsieur le président, une fois qu'on admet le principe d'autres possibilités que l'arrangement traditionnel entre un homme et une femme, il n'y a pas de raison logique d'exclure d'autres relations. Comme vous l'avez dit, la polygamie est illégale tout comme l'inceste. Mais le mariage est une institution qui existait historiquement bien avant la common law. Voilà le principe et vous allez y apporter un changement fondamental.

    La question est donc la suivante: est-ce que le mariage doit exister comme il l'a toujours été, pour les raisons que je vous ai déjà expliquées, ou bien allez-vous l'ouvrir à de nouvelles possibilités de relations, légales ou illégales? Car sur le plan du principe, vous ne pouvez pas permettre aux homosexuels ni aux lesbiennes d'accéder au mariage sans donner cette possibilité à toutes sortes de relations.

+-

    Le président: Monsieur McCutcheon.

[Français]

+-

    M. Laurent McCutcheon: Je me bats depuis au moins 30 ans pour essayer de faire respecter ce que je pense. Je demande qu'on respecte mon opinion. Je demande encore cela aujourd'hui. Je respecte l'opinion des opposants. Je respecte l'opinion de madame, qui n'est pas à l'aise face à l'idée qu'on puisse accéder au mariage. Par contre, je n'aime pas ses arguments. Le fait de vouloir fonder ses arguments là-dessus pour dire qu'elle préfère que les homosexuels n'aient pas accès au mariage, c'est une question de valeurs. Elle a le droit de le penser, mais vouloir fonder cela sur la question de la fidélité et de l'infidélité, je pense que c'est un débat qui ne se tient pas parce qu'on sait très bien que presque la moitié des couples hétérosexuels se séparent ou divorcent et qu'il y a de l'infidélité. C'est un argument qui n'a pas de solidité, un faux débat.

    Je veux respecter votre opinion, mais je pense que vous devez la fonder sur des valeurs sérieuses, et celle-ci, à mon sens, n'est pas valable.

»  -(1740)  

[Traduction]

-

    Le président: Je vous remercie.

    Encore une journée de travail. Je voudrais remercier les membres du groupe et du comité.

    Le comité va se réunir demain matin à 9 heures.

    La séance est levée.