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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 6 février 2003




¿ 0935
V         La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.))
V         M. Peter C. Godsoe (président et directeur général, Banque Scotia)

¿ 0940

¿ 0945

¿ 0950

¿ 0955
V         La présidente
V         M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne)
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Richard Harris
V         M. Peter C. Godsoe

À 1000
V         M. Richard Harris
V         La présidente
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Peter C. Godsoe

À 1005
V         M. Pierre Paquette
V         La présidente
V         M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.)
V         M. Peter C. Godsoe

À 1010
V         La présidente
V         M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Bryon Wilfert
V         M. Peter C. Godsoe

À 1015
V         M. Bryon Wilfert
V         M. Peter C. Godsoe
V         La présidente
V         M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)
V         La présidente
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Peter C. Godsoe

À 1020
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Scott Brison (Kings—Hants, PC)
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Peter C. Godsoe
V         La présidente
V         M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)
V         M. Peter C. Godsoe

À 1025
V         La présidente
V         M. Nick Discepola
V         La présidente
V         Mr. Nick Discepola
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Nick Discepola
V         M. Peter C. Godsoe
V         La présidente
V         M. Scott Brison
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Scott Brison

À 1030
V         M. Peter C. Godsoe
V         M. Scott Brison
V         M. Peter C. Godsoe
V         La présidente
V         Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.)

À 1035
V         M. Peter C. Godsoe
V         Mme Albina Guarnieri
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Edmund Clark (président et chef de la direction, Groupe Financier de la Banque Toronto Dominion)

À 1050

À 1055

Á 1100
V         La présidente
V         M. Richard Harris
V         M. Edmund Clark
V         M. Richard Harris

Á 1105
V         M. Edmund Clark
V         La présidente
V         M. Pierre Paquette
V         M. Edmund Clark

Á 1110
V         M. Pierre Paquette
V         M. Edmund Clark
V         La présidente
V         M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Edmund Clark

Á 1115
V         M. Roy Cullen
V         M. Edmund Clark
V         La présidente
V         M. Bryon Wilfert

Á 1120
V         M. Edmund Clark
V         M. Bryon Wilfert
V         M. Edmund Clark
V         M. Bryon Wilfert
V         La présidente
V         M. Scott Brison

Á 1125
V         M. Edmund Clark
V         La présidente
V         M. Nick Discepola

Á 1130
V         M. Edmund Clark
V         M. Nick Discepola
V         M. Edmund Clark
V         M. Nick Discepola
V         M. Edmund Clark
V         M. Nick Discepola

Á 1135
V         M. Edmund Clark
V         La présidente
V         Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.)
V         M. Edmund Clark

Á 1140
V         Mme Sophia Leung
V         M. Edmund Clark
V         La présidente
V         La présidente
V         M. Tony Comper (président du conseil et chef de la direction, BMO Groupe financier)

Á 1150

Á 1155

 1200

 1205
V         La présidente
V         M. Richard Harris
V         M. Tony Comper
V         M. Richard Harris
V         M. Tony Comper
V         M. Richard Harris

 1210
V         M. Tony Comper
V         M. Richard Harris
V         La présidente
V         M. Pierre Paquette
V         M. Tony Comper
V         M. Pierre Paquette
V         M. Tony Comper
V         M. Pierre Paquette
V         M. Tony Comper
V         M. Pierre Paquette
V         M. Tony Comper

 1215
V         M. Pierre Paquette
V         M. Tony Comper
V         Le vice-président (M. Nick Discepola)
V         M. Roy Cullen
V         M. Tony Comper
V         M. Roy Cullen

 1220
V         M. Tony Comper
V         M. Roy Cullen
V         M. Tony Comper
V         La présidente
V         Mme Albina Guarnieri

 1225
V         M. Tony Comper
V         Mme Albina Guarnieri
V         M. Tony Comper
V         Mme Albina Guarnieri
V         M. Tony Comper

 1230
V         Mme Albina Guarnieri
V         La présidente
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper

 1235
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Tony Comper
V         M. Lorne Nystrom
V         La présidente
V         M. Bryon Wilfert

 1240
V         Mr. Tony Comper
V         M. Bryon Wilfert
V         M. Tony Comper
V         M. Scott Brison

 1245
V         Mr. Tony Comper
V         M. Scott Brison
V         M. Tony Comper
V         M. Scott Brison
V         Mr. Tony Comper
V         M. Scott Brison
V         La présidente
V         M. Tony Comper
V         La présidente
V         M. Nick Discepola

 1250
V         M. Tony Comper
V         M. Nick Discepola
V         M. Tony Comper
V         M. Nick Discepola
V         La présidente
V         M. Tony Comper
V         M. Nick Discepola

 1255
V         M. Tony Comper
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 040 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 février 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0935)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bienvenue à tous.

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, étude sur les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques. Nous sommes très heureux d'accueillir M. Peter Godsoe, président et directeur général de la Banque Scotia.

    Monsieur, vous avez la parole pour livrer vos remarques liminaires.

+-

    M. Peter C. Godsoe (président et directeur général, Banque Scotia): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, mesdames et messieurs. C'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui pour collaborer à vos travaux visant à conseiller les ministres Manley et Bevilacqua et à répondre à leurs quatre questions sur les répercussions des fusions bancaires en ce qui a trait à l'opinion publique.

    Permettez-moi de commencer par une évidence. Les fusions bancaires constituent une stratégie d'affaire valide. C'est un processus d'examen formel, le groupe de travail MacKay, qui déposait son rapport en 1998, qui a mené à l'adoption, en 2001, de la Loi sur la réforme du secteur financier. Comme l'ont déclaré aussi bien le Premier ministre que le ministre Manley, ces audiences serviront à clarifier les exigences relatives au test d'impact sur l'intérêt public, qui représente la dernière des trois étapes du processus d'examen, les deux premières étant, d'abord, une analyse détaillée des questions de concurrence menée par le Bureau de la concurrence, puis une étude des questions prudentielles et des risques systémiques, etc., menée par le Bureau du surintendant des institutions financières. Nous apportons notre entier soutien au souhait du gouvernement de disposer d'un processus clair, transparent et opportun pour évaluer et protéger l'intérêt public légitime au sens large.

    Ce que nous espérons, c'est que ce processus d'examen soit sans surprise et non centré sur la popularité politique des banques, car force nous est de reconnaître que les banques et les banquiers ne sont pas aimés de tous, et il en est ainsi depuis trois siècles.

    Ce que je souhaite aborder ce matin, ce sont les quatre points soulevés dans la lettre que les ministres vous ont adressée, soit l'accessibilité, le choix, en particulier pour les petites entreprises, les perspectives de croissance à long terme et les questions relatives à la transition. Toutes ces questions sont tout à fait légitimes, aussi bien pour nos clients et les collectivités que nous servons que, bien sûr, pour nos employés et nos actionnaires. On doit les étudier avec la plus grande attention.

    Beaucoup de gens ici présents nous ont bien fait comprendre que nous devions être prêts à répondre à ces préoccupations dans toute proposition que nous pourrions décider de soumettre. J'ajouterais, en passant, qu'il n'y a pas, à mon avis, de réponse en noir ou en blanc. Jamais.

    Tout d'abord, l'accessibilité. En fait, il est question de comptes à prix abordable pour les pauvres et les démunis; les succursales en zone rurale, une question d'importance; un mode de fonctionnement pour la fermeture des succursales, avec période de préavis officiel et consultations dans les collectivités; l'accès pour les personnes handicapées et l'accès au moyen des nouvelles technologies—au GAB, en ligne et par téléphone. Toutes ces questions sont d'actualité, qu'il y ait des fusions ou non.

    Cela dit, pour toute fusion—et nous avons pris des engagements très formels qui répondent à tout cela aujourd'hui—, les engagements permettront de répondre aux préoccupations concernant ces questions—aux fins de la protection de l'intérêt public—en vendant des succursales et non en les fermant, tout en veillant à ce que les coopératives de crédit et d'autres institutions puissent les reprendre. Si la concentration du marché local est trop élevée, maintenons ouvertes des succursales en zone rurale. Assurons la permanence du service dans les secteurs urbains défavorisés en protégeant l'accès aux guichets automatiques bancaires, etc. Là aussi, nous avons bien entendu votre message. Nous savons qu'il faut répondre à cela, fusion ou non.

    Le deuxième point porte sur le choix, ce qui frôle dangereusement les théories de la concurrence, mais je m'abstiendrai d'en parler. C'est pour les grandes entreprises, parce que beaucoup d'entre elles s'y opposent, mais aussi pour les PME et pour les consommateurs.

    Parlons d'abord des grandes entreprises. Nous assistons à une baisse des liquidités dans le monde. En fait, les sociétés d'énergie font face à un resserrement du crédit aux É.-U. qui, cela va sans dire, ont un système bancaire massif. Ce n'est donc pas une question de taille ou de fusions. Les fusions ne bloqueront ni ne faciliteront l'accès aux liquidités des grandes entreprises canadiennes. En réalité, les banques canadiennes sont déjà trop petites pour intervenir comme chefs de file sur le vaste marché des prêts consortiaux, que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde. Si nous devenions trop entreprenants, les organismes de réglementation canadiens et américains ainsi que les agences de cotation nous pénaliseraient parce que notre capital est trop petit pour justifier une telle expansion.

    Parlons maintenant des préoccupations tout à fait légitimes des consommateurs et des petites et moyennes entreprises en faisant une ventilation afin d'arriver au coeur du problème du côté de l'investissement—CPG, fonds mutuels—il suffit de jeter un coup d'oeil dans un journal pour constater l'abondance du choix. Il y a un très grand nombre d'options d'investissement qui ne sont pas du tout dominées par les banques et cela ne changera pas si une fusion devait avoir lieu. De ce côté, il y a beaucoup de choix.

    Cela est vrai aussi pour le crédit aux particuliers. Depuis l'acquisition de la compagnie Household par la Hong Kong-Shanghai Banking Corporation, il y a un nouveau gros concurrent. Les caisses de crédit sont actives et font une vive concurrence à la Banque nationale et à la Hong Kong Shanghai dans les régions et, bien entendu, il y a aussi les caisses populaires au Québec

    Aujourd'hui, contrairement à la situation qui existait il y a cinq ans lorsque nous avons discuté des fusions, ce sont les courtiers et non pas les banques qui détiennent 25 % du marché des prêts hypothécaires. Et ils sont partis de rien. Il y a donc de nouvelles forces qui se font concurrence pour offrir ce produit. Il en va de même pour les cartes de crédit—la Banque MBNA, CityBank, et d'autres. Il y a beaucoup de choix.

    Les véritables questions concernent donc des produits bancaires de base, les opérations bancaires courantes, les comptes-chèques et les petites et moyennes entreprises. Il y a de nouveaux acteurs comme President's Choice Financial et ING qui se sont emparés d'importantes parts du marché des opérations bancaires courantes. ING est de loin la banque offrant des produits de base qui connaît la plus forte croissance au Canada et President's Choice fait aussi des progrès. Je pense que vous découvrirez qu'il y a encore d'autres nouveaux venus.

    Je pense que la question des petites et moyennes entreprises est de loin la plus difficile, car nous devons protéger leur accès au financement. Ce secteur est le moteur de notre économie. Vous avez déjà entendu la position de Catherine Swift et de Brien Gray pour lesquels j'ai le plus grand respect. J'essaie de les rencontrer régulièrement, trois ou quatre fois par an, pour savoir comment nous nous tirons d'affaire. Ils sont bons. Nous sommes entièrement d'accord avec leur position.

    C'est un secteur qui réinvente constamment la façon de se financer. À l'heure actuelle, 50 p. 100 de son financement provient d'autres sources que les cinq grandes banques. Ainsi, les choses ont beaucoup évolué. Encore une fois, il y a environ cinq ans, ce sont les banques qui auraient fourni 50 p. 100 du financement des PME. Alors, je vous pose la question: est-ce que nous ne faisons pas notre travail?

    Comme ses consoeurs, la Banque Scotia est totalement déterminée à soutenir les petites et moyennes entreprises. Ce n'est pas que nous soyons particulièrement philanthropes; c'est bon pour nos affaires. Les PME comptent parmi nos clients les plus loyaux. Elles nous restent fidèles si nous les servons bien, et elles sont rentables.

    Nous offrons de nouveaux produits. Nous avons une banque d'investissement, la RoyNat, qui a un portefeuille de 2 milliards de dollars dont 200 millions de dollars d'investissements en capital de risque. Nous investissons plus de 100 millions de dollars par année en capital de risque dans les petites entreprises. C'est un peu comme une publicité politique payante, mais c'est une bonne activité.

    Je sais qu'un sondage effectué l'an dernier par Catherine Swift, comme c'est son rôle, a révélé que les membres de son organisme avaient l'impression qu'il y avait un resserrement du crédit. Ce n'est pas ce que nos données indiquent. Depuis 2001, le nombre de nos clients a augmenté de 38 p. 100 et nos prêts ont également augmenté de 14 p. 100 par année, ce qui semble contredire ces résultats. Néanmoins, nous devons composer avec les perceptions et la réalité.

¿  +-(0940)  

    Au-delà de cet engagement, que nous à la Banque Scotia avons certainement pris, comme nous tous je pense, parce que c'est très bon pour les affaires, la question du financement en est une que nous pouvons gérer. En cas de recul, nous pourrions nous engager à mettre en place des programmes spéciaux en consultation avec le Bureau de la concurrence afin d'assurer un accès général—aux régions rurales, au secteur agricoles, aux petites entreprises réparties un peu partout—et afin d'appuyer de nouvelles initiatives pour financer un secteur essentiel, non seulement au Canada mais ailleurs, aussi puisqu'il s'agit d'un problème mondial. Je n'ai pas de réponse toute faite, c'est quelque chose qu'il faudra négocier.

    Je passe maintenant à quatrième question, celle des transitions et plus spécialement du traitement des employés. Je reviendrai sur la question de la concurrence internationale à la fin de mon exposé, madame la présidente.

    Les fusions ne doivent pas être synonymes de pertes d'emplois massive. Encore une fois, ce n'est pas par charité, mais parce que c'est bon pour les affaires. À la Banque Scotia, notre gestion met toujours en équilibre les intérêts de nos employés, de nos clients, de nos collectivités et aussi de nos actionnaires. C'est la seule méthode raisonnable. Cette méthode est revenue à la mode après une décennie pendant laquelle on a privilégié les intérêts des actionnaires aux États-Unis, mais nous ne nous sommes jamais éloignés de cette ligne de conduite. En plus de 170 ans d'histoire, nous n'avons jamais effectué de mises à pied massive. Nous en sommes très fiers.

    Nous savons qu'une équipe d'employés compétents et motivés est indispensable pour assurer la satisfaction de la clientèle et c'est le mot d'ordre dans notre secteur. Pourquoi les employés seraient-ils loyaux envers les clients si l'entreprise n'est pas loyale envers eux? Quatre-vingt pour cent de nos employés, d'un bout à l'autre du pays, croient que nous sommes le meilleur employeur, ce qui nous importe au plus haut point.

    Nous savons en outre que la plupart des fusions échouent. Elles ne donnent pas les résultats prévus parce qu'on ne fait pas attention à cette question. C'est ce qu'on a constaté à maintes reprises aux États-Unis et au Royaume-Uni. J'ai examiné 12 de ces fusions, et je sais que ce n'est pas une question de réduction des effectifs. Ça ne peut pas l'être.

    Si nous devions proposer une fusion avec une autre banque canadienne, nous procéderions de manière très prudente pendant trois ou quatre ans. Le regroupement de succursales exige au moins trois ans en raison, notamment, des baux. L'intégration des systèmes prend de deux à trois ans. En ce qui concerne les clients, il faut faire preuve de beaucoup de doigté au cours de la période de transition et travailler étroitement avec eux. Et, bien entendu, le personnel doit être rassuré face à l'incertitude afin qu'il y ait le moins de perturbations possibles.

    Il y aura certes des chevauchements de postes. Il est bien évident qu'il n'est pas nécessaire d'avoir deux présidents, alors l'un des deux ne le sera plus. Mais nous ne pensons pas qu'il y aurait de mises à pied dans les succursales et les centres d'appel. Nous pensons que cela se ferait essentiellement par le roulement du personnel et l'attrition, ce dont je ne suis pas fier, car je souhaiterais qu'il y en ait moins. Mais à la Banque Scotia, nous avons un roulement d'environ 3 500 personnes par année. C'est beaucoup plus de départs que n'entraînerait une rationalisation des effectifs suite à une fusion.

    À long terme, les fusions doivent viser à renforcer la compétitivité internationale et à créer des emplois, non pas à en supprimer. Il ne faut pas que ce soit une question de coûts, mais plutôt une vision pour la croissance. Sinon, je ne vois pas pourquoi nos gens l'appuieraient. Moi, je ne l'appuierais pas, et je n'essaierais même pas de les convaincre.

    De façon générale, le secteur financier canadien a déjà prouvé que cet aspect d'une fusion peut être adéquatement géré. Vous en avez déjà discuté. Vous entendrez plus tard Ed Clark qui vous parlera de la fusion TD et CT et qui vous dira si c'est une réussite ou non. Je pense que cette fusion a été bien gérée du point de vue des employés et des collectivités.

    Notre propre acquisition de Montréal Trust et du Trust National, une opération très importante pour ceux d'entre vous qui habitez en Ontario, a donné un résultat très homogène. On ne sait plus qui est un employé du Trust National et qui est employé de la Banque Scotia; aujourd'hui vous forment une équipe. Plus récemment, la fusion de Clarica et de Sun Life a soulevé les mêmes questions d'intérêt public.

    Dans le même ordre d'idées, il y a eu une vaste rationalisation des réseaux de succursales au Canada entre 1999 et 2002. Un très grand nombre de succursales, près de 1 000, ont été rationalisées—non pas parce que nous voulions nous retirer des régions rurales, mais par souci d'efficacité. La vaste majorité des succursales qui ont été fermées se trouvaient dans les centres urbains où il n'est pas nécessaire d'avoir une succursale à tous les coins de rue et où on pouvait ouvrir des succursales plus grandes. Il ne s'agissait pas de réduire le personnel, mais plutôt de rendre le système de prestation de service plus efficace.

    Cela s'est fait avec très peu de protestations de la part du public. La Banque Scotia à elle seule a fermé près de 300 succursales pendant cette période, et il y a eu très peu de pertes d'emploi.

¿  +-(0945)  

    Ce qui m'amène à la dernière question du ministre—celle de la compétitivité sur les marchés internationaux et de la raison essentielle de fusionner. Pourquoi le pays accepterait-il ce compromis entre la politique publique intérieure et la croissance internationale?

    Cette question renvoie au fondement même de la philosophie générale de notre institution. Nous sommes intimement convaincus qu'il n'y a pas lieu de fusionner pour prendre de l'expansion au Canada. Dieu sait que nous sommes perçus comme ayant une taille déjà suffisante et que nous sommes amplement capables de faire concurrence aux autres banques. On ne fusionne pas pour réduire les coûts ou effectuer des mises à pied massives. Ce serait une erreur qui irait à l'encontre du but recherché. Nous ne pouvons pas abaisser le niveau de service car nos clients s'y opposeraient.

    On ne fusionne pas pour améliorer la technologie, car nous bénéficions déjà d'économies d'échelle sur le plan technologique. Nous avons externalisé en grande partie—auprès d'IBM—nos fonctions technologiques, téléphoniques et informatiques; nous essayons de retenir des experts bancaires à l'interne et d'impartir l'exploitation. Nous avons beaucoup appris à ce sujet, et avec Symcor qui s'occupe de l'imagerie, et IBM qui gère nos principaux centres de données, nous pouvons faire concurrence à n'importe qui.

    La seule et unique raison de fusionner c'est parce qu'on a une vision de croissance pour son entreprise avec un siège social au Canada. À la Banque Scotia, nous sommes particulièrement attirés par les États-Unis, le Mexique et les Antilles bien sûr, où nous avons une position dominante, et dans une moindre mesure en Extrême-Orient, où nous avons des co-entreprises en Chine et en Inde.

    Entre parenthèses, le week-end dernier, je me suis entretenu pendant une heure environ avec le président Fox et le ministre des finances Paco Gil Diaz au Forum économique mondial de Davos. Comme le Mexique est membre à part entière de l'ALENA, la Banque Scotia est l'une des six grandes banques du Mexique—où il n'y a que six grandes banques—et elle est donc importante pour l'avenir du Mexique. D'une certaine manière, le débat que nous avons ici autour des cinq grandes banques a déjà été engagé là-bas. Ils souhaitent que nous apportions plus de capital, que nous importions notre technologie et nos idées et, oui, que nous accordions des prêts aux petites et moyennes entreprises. Je me sens tout à fait comme chez moi. En d'autres mots, les Mexicains aimeraient bien que nous fassions pour eux ce que nous faisons pour le Canada depuis 170 ans, et ils sont conscients des grandes possibilités qu'offrent les États-Unis.

    Pourrions-nous prospérer et croître sans procéder à des fusions? En un mot, oui. Mais s'il ne nous était pas permis de nous associer à une autre grande banque canadienne, je pense que nous ne pourrions pas atteindre le même niveau de croissance ni avoir le même succès si nous ne pouvions opérer sur une plus vaste échelle, ce qui nous permettrait de diversifier les risques, de profiter des possibilités et de fonctionner sur des fuseaux horaires et avec une stratégie différente.

    La question n'est pas de savoir ce qui est bon pour les banques, mais plutôt ce qui est bon pour le Canada et nous avons des décisions à prendre, notamment dans les secteurs des banques et des télécommunications où nous renonçons aux restrictions à la propriété afin d'assurer la productivité et la croissance.

    Je crois sincèrement que les banques qui ont de solides assises internationales—la Banque Scotia est une banque internationale depuis 170 ans et nous sommes physiquement présents à l'étranger depuis 110 ans—sont solides et qu'elles ont la capacité de faire face à la concurrence, de croître, de rapatrier au Canada des capitaux et des revenus et d'offrir des carrières aux plus doués. Nombre d'entre nous... J'ai passé 10 ans à l'étranger, j'ai adoré cela mais je suis revenu et c'est ça qui compte.

    Je pense que nous ne pouvons pas faire preuve d'immobilisme face aux politiques de fusion. Les banques canadiennes sont solides. Nous avons l'expérience et la détermination qu'il faut pour gagner sur les marchés internationaux. Nous devrions pouvoir évoluer et croître, et c'est bien de cela qu'il s'agit.

    Nous assistons à la consolidation du secteur financier dans le monde et particulièrement en Europe où on a éliminé les barrières. Il n'y a plus de protection en Hollande ni dans les autres petits pays. La même chose a commencé ici et je pense que c'est inévitable en Amérique du Nord. Il n'y a certainement pas de barrières au Mexique ni aux États-Unis.

    Serait-il encore possible d'imposer des restrictions à la propriété dans 5 ans ou 10 ans au Canada? Pour ma part, je pense que c'est très improbable. La mise en place de barrières artificielles pour isoler un secteur très compétitif, comme le secteur bancaire, n'a jamais donné de bons résultats, et c'est aussi de cela qu'il s'agit.

¿  +-(0950)  

    Je crois que nous avons une bonne politique publique. Nous avons adopté les lois qu'il fallait. On peut supposer que le débat est terminé. Nous essayons maintenant de déterminer s'il y a d'autres barrières ou s'il convient de tenir d'autres discussions sur la politique publique car les règles de concurrence et les examens du BSIF sont clairs.

    Les questions posées par les ministres sont claires pratiquement depuis le dépôt du rapport MacKay. Nous les connaissons. Nous savons qu'il n'y a pas de réponses parfaites. Nous aimerions savoir quels sont les risques—que ces risques soient définis—puis nous aimerions aller de l'avant.

    Merci, madame la présidente.

¿  +-(0955)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Il y a huit noms sur ma liste et chacun disposera de cinq minutes pendant le premier tour. Si vos questions sont brèves et précises, je suis sûre que les réponses le seront aussi.

    À vous, monsieur Harris.

+-

    M. Richard Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Merci, monsieur Godsoe, pour votre exposé.

    Je devrais tout de suite aborder la question des gens qui sont mal à l'aise à l'idée des fusions bancaires parce qu'ils craignent qu'elles restreignent l'accès aux services financiers, particulièrement dans les petites collectivités et les collectivités rurales. On nous a dit assez clairement hier que les centres urbains ne seraient pas touchés de la même façon.

    Nous avons reçu des représentants d'institutions financières de second rang qui nous ont dit avoir hâte qu'il y ait des fusions parce qu'ils sont prêts à profiter des possibilités. Si nous devons croire ce qu'ils nous ont dit au sujet de leur capacité à combler les vides s'il devait s'en produire, et si nous devons croire ce que vous nous expliquiez au sujet du taux d'attrition naturel et de la rationalisation naturelle des succursales, cette crainte quant à l'accès réduit aux services bancaires ne se réalisera probablement jamais.

    Pouvez-vous répondre à cela et nous rassurer?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je suis d'accord pour dire que les répercussions se feront moins sentir dans les centres urbains où l'on redoute beaucoup moins les fusions. Il est tout à fait légitime de nos jours de s'engager à garder une succursale lorsqu'il n'y en a pas d'autres. Si la banque la plus proche se trouve à cinq ou dix kilomètres, c'est une demande raisonnable pour une collectivité rurale.

    Sur le plan des affaires, je pense qu'il est préférable de vendre plutôt que de fermer. Nous avons vendu nos petites succursales entre Montréal et Hull après 100 ans d'existence, et cela pour diverses raisons. La Laurentienne pouvait assurer l'avenir de nos employés. Elle pouvait gérer ses succursales mieux que nous car elle avait un plus vaste réseau de distribution et c'est précisément de cela qu'il s'agissait.

    Les caisses de crédit et les autres petites institutions appuient maintenant les fusions, contrairement aux cinq dernières années, parce qu'elles voient maintenant les possibilités qui en découlent. Il serait très facile pour une nouvelle banque de prendre de tels engagements, surtout pour les régions rurales, et de dissiper ainsi la perception qu'il y aura une perte, et plus particulièrement une perte d'accès.

+-

    M. Richard Harris: Merci.

    Certains témoins nous ont reproché de ne pas en faire assez, que chaque proposition de fusion doit être soumise à une consultation véritablement publique. Le Bureau de la concurrence et le Bureau du surintendant des institutions financières sont hors course—à leur niveau tout est clair, et c'est écrit noir sur blanc. La question qui reste à trancher est celle de l'intérêt public.

    Je vous reposerai la question que j'ai posée à M. Glynn de HSBC. Pensez-vous que notre comité, s'il fait bien son travail, pourra présenter au ministre à la fin de nos audiences un rapport sur les critères d'intérêt public compatible avec les deux autres parties?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas qu'il y a une solution. Les problèmes sont réels. À mon avis, ils ne disparaîtront pas. En fait, je crois que si je revenais dans 10 ans les petites et les moyennes entreprises continueront à se plaindre de l'accès au crédit, et les communautés rurales continueront à se plaindre de problèmes d'accès quels que soient les moyens électroniques existants. Il n'y aura donc jamais vraiment de solution mais des compromis.

    Nous travaillons sur cette question depuis 1996 quand le ministre M. Martin a décidé de créer un groupe d'étude. Cela fait donc sept ans et les choses aujourd'hui ne sont toujours pas plus claires. Est-ce que des audiences supplémentaires les rendraient plus claires? Je ne le pense pas. À mon avis, vous produirez un rapport équilibré qui reposera sur des compromis et des concessions, c'est normal, c'est ça la politique. C'est une question en partie politique, ce qui est tout naturel car cela concerne beaucoup de Canadiens.

À  +-(1000)  

+-

    M. Richard Harris: Très bien. Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Paquette, c'est votre tour maintenant.

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, madame la présidente.

    Merci pour votre témoignage, que je trouve particulièrement honnête et très transparent. À mon sens, la première responsabilité du gouvernement fédéral, en ce qui concerne le système bancaire canadien, c'est de s'assurer que le public canadien ait confiance en son système bancaire. Mais l'idée d'une fusion des banques canadiennes et de la création d'une mégabanque canadienne qui va s'internationaliser énormément me fait craindre ce vous avez justement mentionné, la contagion des effets internationaux sur notre propre système ici, au Canada et au Québec.

    Vous-même, la Banque Scotia, avez eu certains problèmes avec l'Argentine. Imaginons que la crise en Argentine se soit répandue à travers toute l'Amérique latine et peut-être au Mexique, où vous avez aussi des intérêts importants. Est-ce qu'il y aurait un moyen de s'assurer que le gouvernement canadien et la Banque du Canada n'aient pas à assumer les risques liés aux opérations internationales d'une grande banque fusionnée? Parce que je suis loin d'être sûr que ce soit le rôle de la Banque du Canada et des contribuables canadiens, des consommateurs canadiens, d'assumer les risques qu'une entreprise privée peut prendre au niveau international. Alors comment s'assurer d'avoir un minimum d'étanchéité--je ne dis pas que ce soit totalement réalisable--entre les opérations au plan international et les opérations au plan national?

    J'ai une deuxième question, parce que je sais qu'on n'aura pas beaucoup de temps. Dans votre exposé, vous dites qu'à court terme, il pourrait y avoir des rationalisations d'emplois. Je pense d'ailleurs qu'un des objectifs de toute fusion est de rationaliser un certain nombre d'activités et que ça entraîne des pertes d'emplois, qui peuvent effectivement s'effectuer par le biais de l'attrition, comme vous l'avez mentionné. Mais vous ajoutez même qu'une fusion pourrait mener à la création d'emplois. Je veux bien être aussi optimiste que vous, mais j'aurais aimé que vous m'expliquiez un peu plus comment vous en arrivez à cette conclusion.

[Traduction]

+-

    M. Peter C. Godsoe: Merci, monsieur Paquette.

    Pour ce qui est du risque international, si je peux citer notre cas en exemple, nous avons ouvert une agence à Kingston, à la Jamaïque, avant d'en ouvrir une à Toronto. Avant d'ouvrir dans l'Est nous étions déjà à Montréal et à Québec. À cette époque, il arrivait que nos opérations dans les Caraïbes soient plus importantes que nos opérations au Canada. Ce n'est donc pas quelque chose de nouveau pour nous. Nous avons survécu aux révolutions en République dominicaine. Nous avons fait face aux problèmes argentins. Notre portefeuille est équilibré. Les responsables de la réglementation, au Canada et sur la scène internationale, évaluent les risques et les pays dans lesquels nous nous trouvons et veillent à ce que nous prenions les mesures nécessaires pour nous protéger.

    Les banques canadiennes sont parmi les mieux capitalisées du monde. La Banque Scotia aujourd'hui, en termes de ratio risque/capitaux propres est parmi les 10 premières en Amérique du Nord et probablement dans le monde. C'est donc un facteur pris en compte dans la réglementation. Nous ne sommes pas réglementés par la Banque du Canada mais par le Bureau du surintendant des institutions financières. Je suis convaincu que les économies des Canadiens ne courent pas de risque à la Banque Scotia dont la présence sur la scène internationale remonte à 1832. C'est la même chose pour nos consoeurs.

    Pour ce qui est des pertes d'emploi, je crois que s'il y a une rationalisation importante c'est de loin au niveau des systèmes d'intégration qu'elle se fera et non pas au niveau de ce qui est visible, de ce que vous voyez, les agences ou les centres d'appel. Aujourd'hui, les effectifs que vous ne voyez pas sont énormes. Nous sommes très productifs, ou tout au moins aussi productifs que n'importe qui dans le monde au niveau de tous les autres services qu'une banque peut offrir. C'est là qu'il y aura le plus de rationalisation et cela se fera principalement par érosion naturelle ou par l'utilisation accrue de la technologie.

    La croissance est avant tout une question de vision; je suis tout à fait d'accord avec vous. Si vous n'êtes pas en permanence à la recherche de nouveaux débouchés ou si vous vous cantonnez à votre petit territoire, vous finissez un jour par cesser de croître, vous n'avez plus rien à offrir pour attirer les meilleurs et les plus intelligents et les inciter à travailler pour une institution dynamique et multiculturelle comme la Banque Scotia. Lorsque nous recrutons aux États-Unis ou au Canada, c'est la vision que nous vendons aux étudiants. Actuellement, nous avons plus de candidats pour notre division internationale que nous n'en avons pour notre division des marchés de capitaux où les primes sont les plus élevées. Les gens veulent travailler pour nous parce qu'ils veulent partager notre vision.

À  +-(1005)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur  Murphy, s'il vous plaît.

+-

    M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

    Monsieur Godsoe, merci beaucoup d'être venu et de nous avoir fait un exposé aussi excellent.

    Permettez-moi de poursuivre la question de M. Harris sur l'accès sectoriel et régional qui, d'après moi, est un des aspects les plus importants de ces audiences. Il est certain, comme votre document l'indique, qu'il y a eu énormément de changements dans l'industrie bancaire au cours des quatre ou cinq dernières années et qu'il y en aura certainement encore beaucoup. Un des changements que j'ai constaté et qui me gêne c'est que certaines banques ont décidé de se retirer de certaines régions pour des raisons stratégiques et, ce qui est encore plus important, de certains secteurs dans certaines régions. Vous avez pu vous-même le constater.

    Il faut vous en rendre le mérite, la Banque de Nouvelle-Écosse semble être à contre-courant sur ce plan. Je sais que dans la province dont je suis originaire vous avez autant d'agences que tous vos concurrents confondus. Je sais que c'est le cas à Terre-Neuve et je crois que la situation est analogue en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Vous devez savoir de quoi je parle. Que je sache, vous ne vous êtes retiré d'aucun secteur. Vous semblez donc avoir pris la décision stratégique de rester dans les régions et dans tous les secteurs mais ce n'est pas le cas de toutes les banques. C'est un problème.

    Monsieur Godsoe, j'ai eu de nombreuses discussions avec des banquiers au cours des dernières années. Vous vous présentez avec une demande devant un banquier et vous lui demandez: «Ça vous va?» La réponse est oui. Ensuite vous lui demandez: «Pourquoi cela vous va-t-il?» Le banquier vous répond: «La gestion est bonne, la trésorerie est bonne et il semble qu'il y ait un plan excellent avec des engagements solides.» Vous lui demandez alors: «Est-ce que vous seriez disposé à faire un prêt?» Le banquier répond: «Oui». Puis vous lui demandez: «Est-ce que vous allez le faire?». La réponse est non. Le banquier refuse la demande en expliquant: «J'ai reçu une note de Toronto il y a six mois m'interdisant d'accorder des prêts dans ce secteur particulier».

    C'est le genre de dialogue qui se répète partout dans le Canada Atlantique d'où vous êtes. Je crois que vous comprenez les problèmes que nous avons dans cette région. C'est un problème.

    Monsieur, j'ai trois questions à vous poser. Premièrement, en tant que président de banque et que citoyen canadien, pensez-vous que l'accès sectoriel et régional devrait être une considération d'intérêt public? Deuxièmement, dans l'affirmative, pensez-vous que cela devrait faire partie des critères recommandés par ce comité au ministre des Finances? Troisièmement, et c'est probablement l'aspect le plus difficile, dans l'affirmative, avez-vous des recommandations ou des suggestions quant à la définition et à la clarification de ces questions d'accès sectoriel et régional afin que, pour être juste envers les banques, elles sachent exactement de quoi il retourne?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je pourrais commencer par une observation toute simple. Comme vous l'avez dit, je suis natif du Canada Atlantique et ma mère native de Cap-Breton, qui a 91 ans, n'hésiterait pas à me tirer dessus si nous décidions de ne plus accorder de crédit à son île bien-aimée, sans parler de Île-du-Prince-Édouard.

    J'ai regardé les chiffres m'attendant à cette question, et nos prêts ruraux, nos prêts agricoles sont en augmentation dans votre secteur du pays. Ce n'est pas une question de meilleur ou de pire, il se trouve que ce sont les chiffres actuels.

    Pour ce qui est de ces fameuses notes émanant des sièges sociaux et interdisant tout crédit, ce qui était une réalité jusqu'à la fin des années 80 et qui a durement touché les petites et moyennes entreprises, à la Banque Scotia cela n'a certainement pas été notre attitude et, d'après ce que je peux savoir de mes concurrents, pas non plus la leur.

    Aujourd'hui nous avons un système qui, pour être franc, ne dépend plus du tout de Toronto. Jusqu'à 250 000 $, on n'a pas besoin de l'aval de Toronto pour un prêt. En fait, ces prêts sont accordés sur la base d'un modèle de notation très complexe qui est appliqué uniformément d'un océan à l'autre et qui ne doit pas tenir compte de la provenance géographique de la demande.

    Est-il juste, qu'il y ait fusion ou non, que vous examiniez au nom de vos électeurs et de votre région du monde, qu'elle soit rurale ou urbaine, que vous soyez de l'ouest ou de l'est, la diversité de modalités des prêts bancaires et que vous demandiez ensuite aux banques si selon elles certains critères de crédit ne sont pas contraires au développement économique? Si les règles du jeu sont les mêmes pour toutes les banques d'un océan à l'autre, selon moi, il faut les laisser libres de prendre leurs décisions et de porter leurs propres jugements.

    Cela me semble juste. Il y a des procédures en place, y compris des réunions permanentes dans lesquelles on parle de tout sauf de fusion. Il faudrait qu'en permanence une procédure veille à ce que le système de crédit canadien permette d'accorder du crédit aux particuliers, aux petites entreprises, au secteur agricole, au secteur du tourisme, sur une base égale. C'est ainsi que notre système a été édifié, et c'est ainsi qu'il est censé fonctionner, nous devrions donc être capables d'en dénoncer les carences.

À  +-(1010)  

+-

    La présidente: C'est tout. Merci.

    Monsieur Wilfert, cinq minutes.

+-

    M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Monsieur Godsoe, merci d'être venu. J'ai trouvé vos commentaires fort intéressants.

    Ma première question: diriez-vous que votre opinion sur la question des fusions a changé depuis 1998? Dans l'affirmative, qu'est-ce qui vous y a incité?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Il est certain qu'en 1998 j'étais opposé aux fusions. J'y étais opposé assez ouvertement. Pour moi, la procédure proposée était mauvaise. Aujourd'hui, je crois qu'il y a une procédure possible.

    Lors d'une réunion en 1996, le ministre, M. Martin a accepté de constituer un groupe de travail, la commission MacKay. Il devait étudier les questions telles que les fusions, la distribution du crédit. Certains ont cru bon de prendre tous les autres de vitesse en annonçant une fusion, initiative qui a eu des retombées négatives tant politiques que publiques pour tout le monde, y compris la Banque Scotia. Nous avons tous été pénalisés, et c'est la raison pour laquelle j'ai manifesté mon opposition.

    J'ai toujours dit que les fusions étaient une stratégie valide à condition qu'il y ait une procédure. Si la procédure concluait: «pas de fusion», il n'y avait plus à discuter. C'est donc la raison de mon opposition à l'époque.

+-

    M. Bryon Wilfert: En termes de procédures, comme vous le savez, il y a des éléments qui permettent de faire une évaluation de l'impact sur l'intérêt public et nous réfléchissons aux différentes méthodes possibles.

    Personnellement, je tiens au maintien d'un système bancaire solide contrôlé et administré par des intérêts canadiens, et si j'ai le temps, je dirai quelques mots sur la question de la souveraineté financière. Entre temps, j'aimerais vous poser la question suivante.

    Aux États-Unis, la Community Reinvestment Act existe depuis 20 ans. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, aux États-Unis, il a fallu que la Toronto Dominion et la Banque de Montréal se plient à ces dispositions pour certains achats. Une question qui semble revenir sans cesse est celle des prêts—mes collègues en ont parlé—par les agences en fonction des régions dans lesquelles elles se trouvent. Étant donné que la CRA s'intéresse aux bilans des services de prêts des institutions financières, agence par agence, dans toutes les régions, que penseriez-vous d'en faire un de ces éléments d'intérêt public?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je pense que c'est une mauvaise idée même si la CRA joue un rôle utile pour les Américains. Nous avons essayé d'acheter une banque en Californie au début des années 70 et c'est moi qui pilotait le dossier. Leur système est totalement différent dans la mesure où les prix varient d'une collectivité à l'autre et non pas comme nous d'un océan à l'autre. Une hypothèque dans une petite collectivité coûte plus cher que dans un grand centre. Généralement, il y a moins de concurrence que chez nous puisqu'un peu partout on a généralement affaire à trois concurrents alors que chez nous normalement c'est cinq. Et ça, c'est dans les grandes régions.

    Quand j'habitais à Boston dans les années 60, ils avaient un gros problème de discrimination. Les banques ne voulaient tout simplement ouvrir d'agences dans les quartiers difficiles de Boston. Il y en avait une en particulier que je connaissais bien parce que c'était devenu un cas d'étude. Elle ne voulait pas prêter. Ils ont dû adopter des lois pour obliger les banques à ouvrir des agences et à offrir des services d'hypothèques.

    Cela n'a jamais été le cas au Canada. La CRA vise pratiquement en exclusivité les zones urbaines. Chez nous, le débat porte plutôt sur la suffisance ou l'insuffisance d'accès pour les petites et moyennes entreprises ou sur la suffisance ou l'insuffisance d'accès pour sauver les vieilles régions rurales, ce qui est tout à fait différent.

À  +-(1015)  

+-

    M. Bryon Wilfert: À propos de la transparence, cela poserait-il un problème à votre banque, par exemple, de fournir des détails, pas autant que ceux réclamés par la CRA, mais sur les pratiques de prêt et les autres problèmes évoqués par M. Murphy et certains de mes collègues autour de la table?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Nous avons toutes ces données. Cela dépend du genre de détail que vous souhaitez et ce que vous voulez en tirer. Nous somme capables pratiquement de vous fournir tout ce dont vous avez besoin d'un point de vue de politique publique pour déterminer si le crédit est accordé à ceux qui en ont besoin et de la bonne manière. S'il y a des lacunes et que nous pouvons les combler, nous le ferons. S'il y a des lacunes que nous ne pouvons pas combler, par exemple, un problème relevant de la politique publique comme celui du logement abordable, problème que d'après moi les banques ne peuvent résoudre, à mon avis c'est au pays de le faire.

+-

    La présidente: Nous passons maintenant à M. Nystrom, suivi de M. Discepola.

+-

    M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je suis vraiment heureux de voir M. Godsoe.

    M. Wilfert vous a posé la question que j'allais vous poser. Je me souviens du rôle de premier plan que vous avez joué pendant la campagne contre les fusions en 1998 et comment nous avons fait cause commune avec beaucoup de Canadiens d'un bout à l'autre du pays et que pendant un certain temps, votre cote de popularité en tant que PDG de banque n'avait pas été très bonne dans le circuit mondain. Il est intéressant de constater votre évolution depuis cette époque.

    Je ne crois pas tout ce que disent les médias, M. Godsoe, mais il est intéressant de noter que l'automne dernier, les médias ont fait beaucoup de publicité à une proposition de fusion, entre vous et la Banque de Montréal, qui a été sabordée et rejetée par le gouvernement. Peu de temps après, celui-ci a décidé de constituer ce comité pour clarifier la question des fusions de banques.

    Question: est-ce la raison de votre présence ici aujourd'hui?

+-

    La présidente: Monsieur Nystrom, nous sommes ici pour discuter de la question de l'intérêt public.

    Monsieur Godsoe, c'est à vous de décider si vous voulez répondre ou non.

+-

    M. Lorne Nystrom: C'est tout à fait une question d'intérêt public. C'est la raison pour laquelle je veux savoir si c'est à cause de vous.

+-

    M. Peter C. Godsoe: Non.

    Nous n'avons jamais vraiment fait de commentaire sur cette question. Même quand on est de Toronto, on ne croit jamais ce qu'on lit dans le Globe and Mail. Je devrais faire attention à ce que je dis. J'ai énormément d'estime pour l'éditeur et le rédacteur en chef du Globe and Mail, mais je crois que beaucoup de choses ont été prises hors contexte. Je crois pouvoir honnêtement dire que les seules personnes qui aient été blessées par toute cette histoire ont été les employés de la Banque Scotia, de la Banque de Montréal et divers hommes politiques. Ils ont tous perdu et je ne pense pas qu'il y ait eu un effet d'entraînement.

    Tout ce que je sais, c'est qu'il y a des discussions permanentes entre nous tout le temps, que ce soit entre compagnies d'assurances et banques ou entre banques et banques. Nous ne ferions pas notre travail si nous ne faisions pas, si nous ne dressions pas des plans d'avenir dépassant les cinq ans. Je ne pense pas qu'en l'occurrence, il y ait eu une relation de cause à effet. Il y a eu une dynamique. Une loi a été adoptée en 2001. Soyons francs. Ou bien vous retirez cette loi, ce qui met un terme au débat, ou bien vous la clarifiez et vous laissez l'industrie se restructurer à condition de respecter l'intérêt public. C'était le seul but visé par cette loi.

+-

    M. Lorne Nystrom: Je me devais de vous poser cette question car vous avez la réputation d'être franc et direct.

+-

    M. Peter C. Godsoe: Et je ne l'ai pas été?

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Lorne Nystrom: La Banque de Nouvelle-Écosse a enchaîné les succès à l'échelle internationale depuis longtemps, et si je me souviens bien, de toutes les grandes banques, vous êtes celle qui tire la plus grande proportion de ses revenus de l'étranger. Vous nous avez déjà dit qu'il n'y avait pas de raison de fusionner des banques sur le marché intérieur, pour des raisons d'ordre technique et d'efficacité, alors pourquoi ne pourriez-vous pas constituer avec les autres banques un consortium international pour pouvoir réaliser des économies d'échelle en laissant le marché intérieur tel quel?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Disons que ce serait possible. Nous avons réalisé des actions conjointes à certains endroits. Malheureusement, nous avons justement une co-entreprise actuellement au Venezuela. Nous en avons aussi une au Pérou et une en Chine. Donc, nous connaissons bien la question.

    Cela n'empêche que la raison pour laquelle nous avons suivi nos ancêtres, qui étaient partis de Nouvelle-Écosse vers Cuba et la Jamaïque, c'est la culture de la croissance. Si vous allez en Jamaïque, à la Trinité, en République dominicaine ou au Mexique, vous y trouverez des gens qui parlent une autre langue et qui sont très fiers d'être des clients de la Banque de Nouvelle-Écosse. C'est très différent d'une co-entreprise. Je crois que comme modèle de réussite, c'est beaucoup mieux. Je ne pense pas que la co-entreprise encourage une entreprise qui a son siège au Canada à se développer et à grandir, alors que c'est ce qui attire les gens vers nous, j'espère.

À  +-(1020)  

+-

    M. Lorne Nystrom: Dans ce cas, ma dernière question sera de savoir pourquoi vous n'êtes pas d'accord pour le faire pour des raisons intérieures—vous dites que nous n'avons pas besoin de banques plus grandes sur le plan intérieur alors que nous en avons besoin à l'échelle internationale. On dirait que vous êtes à la fois progressiste et conservateur.

+-

    M. Peter C. Godsoe: Bonne formule.

+-

    M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Ou «néo» et «démocrate».

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je ne vais pas m'aventurer sur ces terrains, monsieur Nystrom, je laisse cela aux autres.

    Je pense que vous avez très bien présenté la chose.

+-

    M. Lorne Nystrom: Il s'entraîne au débat pour une certaine campagne à laquelle il participe.

+-

    M. Peter C. Godsoe: Exactement. Comme il vient de la Nouvelle-Écosse, ce sera un bon orateur.

    Je pense que c'est exactement de cela que nous parlons. Nous parlons ici d'une vaste industrie intérieure extrêmement prospère, probablement la plus prospère de toute l'histoire du Canada. C'est une industrie très importante, et ce que nous nous demandons, c'est s'il faut l'enfermer derrière une muraille. Faut-il l'empêcher d'évoluer naturellement pour occuper une place plus importante face à la concurrence internationale? Cela implique des compromis. Nous essayons de voir si nous pouvons trouver des compromis qui protégeraient les Canadiens et l'intérêt public légitime tout en permettant à cette industrie de prospérer et de se développer ou, en cas d'échec, d'être remplacée par autre chose. Cela me semble légitime.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Discepola, allez-y.

+-

    M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vais essayer de formuler mes questions de façon très précise pour pouvoir toutes les poser.

    Monsieur Godsoe, je me souviens que le ministre des Finances a dit à Halifax qu'il voulait que le Canada devienne le tigre du Nord, et je crois que le défi pour notre comité est de faire correctement notre travail pour répondre à vos questions sur la durée du processus et la clarté, et faire en sorte que dans le pire des cas notre pays devienne un chaton du Nord. Mais j'aimerais éviter d'en faire un animal à rayures noires et blanches, un zèbre.

    J'aimerais me concentrer sur la question du bon déroulement dans le temps. L'une des choses qui me préoccupent le plus, c'est que si vous êtes la plus grande banque... Vous avez dit qu'on avait fait fausse route en 1998, sans doute parce qu'il y avait beaucoup d'autres problèmes à régler parallèlement aux fusions, et que nous devions nous prononcer d'urgence sur cette question immédiate, alors que maintenant il n'y a plus d'urgence et nous pouvons probablement prendre notre temps. Néanmoins, j'ai l'impression que l'histoire est en train de se répéter et c'est ce que je voudrais éviter. Je m'explique.

    Je pense que nous sommes dans l'ensemble d'accord pour dire que nous pourrions probablement accepter une fusion dans le pire des cas ou dans le meilleur des cas selon le point de vue qu'on adopte. Mais j'ai l'impression que si vous êtes la plus grande banque, vous risquez de marcher sur des oeufs car vous allez vous dire que vous êtes déjà la plus grande et que vous risquez d'entraîner une réaction négative en créant une banque encore plus grosse. Et si vous êtes la plus petite, vous vous demandez comment vous allez pouvoir aborder les autres, parce que personne ne sera intéressé à vous courtiser.

    C'est pourquoi j'ai suggéré en décembre dernier que le gouvernement nivelle les règles du jeu pour tout le monde pour que toutes les banques aient les mêmes chances de faire leurs propositions, qu'on puisse envisager toutes les propositions possibles de permutation et de fusion, et qu'on puisse ainsi choisir les deux banques qui constitueraient vraiment le meilleur choix en définitive pour les Canadiens, en laissant des chances équitables à tous. Je me demande si vous trouvez que c'est une formule équitable. J'aimerais bien avoir votre point de vue.

    Sur la question de la durée du processus, vous avez dit... Au début de notre séance, j'ai dit que je ne souhaitais pas que la politique se mêle de tout cela. Je fais un peu machine arrière car je ne vois pas comment on peut tout tirer au clair et notre comité parlementaire a peut-être un rôle à jouer. Pourriez-vous donc me dire combien de temps à votre avis il devrait s'écouler entre le jour 1 et le jour final où la proposition finit par être soit rejetée, soit approuvée, pour éviter à votre banque d'être trop longtemps exposée?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je vais commencer par la dernière question, car il est relativement facile de vous répondre que le délai de cinq mois prévu dans le projet de loi nous convient. C'est suffisant pour réaliser la procédure, tenir des audiences concernant l'impact sur l'intérêt public, laisser le Bureau de la concurrence faire son travail, etc. Nous n'avons pas de problème avec cela.

    En revanche, je serais très prudent sur la première question. Je comprends bien ce que vous dites à propos de la plus grande banque—et je ne suis pas ici pour plaider la cause de la Banque Royale, en pensant qu'elle risquerait d'avoir une action négative... Je ne crois pas. Je crois que pour nous, à la Banque de Nouvelle-Écosse, il y a trois éléments fondamentaux dans toute fusion. Premièrement, et avant tout, nous avons en commun des valeurs concernant les gens avec qui nous travaillons. Nous n'avons jamais eu de licenciement majeur et nous espérons ne pas en avoir. Depuis cet article du Globe and Mail, je me suis adressé à 4 000 de nos collaborateurs pour leur expliquer que ce sont là nos valeurs. Nous sommes là pour créer de la croissance et non pas pour licencier des gens. On peut renvoyer le président, mais pas le gérant de la succursale de Shelbourne ou d'ailleurs. Il n'en est pas question.

    Deuxièmement, les cultures doivent être compatibles. À peu près 70 p. 100 de ces fusions échouent parce que les gens ne s'entendent pas et que chacun a l'impression que l'autre veut lui prendre son emploi. Cela implique donc énormément de soins dans l'exécution.

    Troisièmement, dans le cas de la Banque de Nouvelle-Écosse, vous avez quatre banques qui ne sont pas vraiment internationales—j'exclus ici les États-Unis—et nous qui le sommes. Notre partenaire devait donc être à l'aise avec des pays comme les Caraïbes ou le Mexique et être prêt effectivement à accepter le genre d'accident que nous avons connus en Argentine. Pour nous, c'est cela qui serait essentiel, plutôt que d'avoir un gouvernement qui jugerait que telle fusion vaut mieux que telle autre.

    Je suis convaincu qu'on finira par voir des fusions entre les banques et les sociétés d'assurance, comme le prévoient les règlements. Mais je ne crois pas qu'il existe vraiment de contre-indication de politique publique à la fusion d'une banque et d'une compagnie d'assurance pour constituer une entité canadienne plus vaste face à la concurrence.

À  +-(1025)  

+-

    La présidente: Merci à tous les deux.

+-

    M. Nick Discepola: J'ai l'impression que vous n'avez pas répondu à ma question.

+-

    La présidente: Vous avez quelque chose à ajouter?

+-

    Mr. Nick Discepola: Ma question directe était la suivante: faut-il prévoir une période déterminée pendant laquelle toutes les propositions de fusion pourront être mises sur la table afin de nous permettre d'en choisir une ou deux? Ou est-ce premier arrivé premier servi?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je crois qu'il faut laisser les PDG et leur conseil d'administration faire leur travail, sinon vous allez donner l'impression à tout le monde que pendant une durée d'un an, n'importe quoi pourra arriver. Je crois que cela provoquerait une incertitude et des comportements aberrants qui ne sont pas souhaitables. À ma connaissance, d'ailleurs, cela n'a jamais été fait nulle part.

+-

    M. Nick Discepola: Il va se passer la même chose qu'en 1998, nous allons devoir nous contenter de réagir à une situation?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je pense que c'est ce qui se passera, et je crois que le processus est parfaitement clair, de même que les risques que prennent des entités qui veulent fusionner.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Brison, vous avez cinq minutes, et ensuite, Mme Guarnieri.

+-

    M. Scott Brison: Merci, madame la présidente, et merci aussi à vous, monsieur Godsoe, d'être ici.

    Vous avez dit tout à l'heure que nous avions à votre avis un processus clair. Comment se fait-il qu'avec ce processus clair nous n'ayons pas encore vu aboutir des propositions de fusion bancaire au Canada?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je pense que les diverses banques—car elles sont différentes—se sont rendu compte que l'évaluation d'impacts sur l'intérêt public présentait des risques politiques considérables. Personnellement, j'ai toujours pensé que les problèmes et les défis étaient parfaitement clairs. Je crois que l'accès et les services de prêts en milieu rural ou pour les PME sont de véritables problèmes auxquels on ne peut pas répondre avec certitude. Donc, les gens qui proposent une fusion doivent faire preuve d'imagination et trouver des solutions.

    Je crois cependant que les événements de 1998 ont laissé des marques profondes dans la perception politique des banques et que c'est ce qui incite ces dernières à être très prudentes. Je pense que ces audiences—et j'en félicite le ministre Manley—ne vont pas déboucher sur des réponses catégoriques. Mais au moins, c'est l'occasion de dire qu'il existe un processus et qu'on peut en profiter si l'on veut. Si une proposition est rejetée, ce ne sera pas sans une bonne raison.

+-

    M. Scott Brison: Le BSIF appliquant des règles de prudence, et le Bureau de la concurrence surveillant l'aspect concurrentiel, nous disposons là de ce fait même de processus d'examen très rigoureux de l'incidence sur le public. Les Canadiens, du moins de 9 à 10 millions d'entre eux, possèdent directement ou indirectement des actions bancaires. Ne devrait-il pas y avoir un processus d'examen de l'incidence sur l'intérêt public qui protège la valeur de l'actif des actionnaires et permette aux banques canadiennes de constituer celui-ci par des processus de fusion légitimes?

À  +-(1030)  

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je vous remercie pour votre aimable question. Il ne fait aucun doute que notre évaluation de l'incidence sur l'intérêt public est peu courante en occident du fait que le Bureau de la concurrence et le BSIF régissent de vastes champs d'activité.

    Cela dit, toutes les politiques sont d'ordre local. Nous, au Canada, compte tenu de ce qui c'était passé après 1998, et on peut même remonter à la fin des années 80 en ce qui concerne les frais de service, nous avons inclus cette règle. Je pense qu'elle est tout à fait acceptable, à mon sens. Je ne la trouve pas trop exigeante.

+-

    M. Scott Brison: Mais, sans vouloir vous contredire, votre exposé ne présente qu'un aspect du problème, étant donné que vous parlez de la prise en compte de la politique nationale d'intérêt public et de la dimension internationale. N'y a-t-il pas de compromis à faire entre la politique nationale d'intérêt public et l'absence de dimension internationale? Par exemple, les Canadiens sont mieux servis s'ils disposent de grandes banques internationales qui ont leurs sièges sociaux à Toronto, plutôt qu'à Zurich, à Londres ou à New York.

    J'ai parlé de la valeur de l'actif des actionnaires, mais je ne crois pas en cette idée de compromis. Je pense qu'on peut avoir de grandes banques canadiennes de calibre international possédées par des Canadiens et qui ont leur siège ici au Canada. Cela peut servir les intérêts des Canadiens.

    J'ai une question. Clarica et Sun Life ont fusionné, nous avons là un regroupement, et c'est une fusion du secteur financier sans la moindre conséquence politique, et en fait des facteurs très semblables interviennent en matière de concurrence et d'autres questions qui intéressent les Canadiens et leurs collectivités. Comment se fait-il que ces fusions se fassent sans qu'il y ait pour ainsi dire le moindre débat de nature politique? Supposons que deux banques canadiennes aient discuté de fusion cet été, que le ministre des Finances ait été au courant et ait donné tacitement son approbation, et que le premier ministre ait appris en octobre et ait refusé, en raison du moment choisi pour son départ à la retraite, pourquoi ce moment choisi par le premier ministre pour son départ à la retraite devrait-il avoir une incidence sur les fusions bancaires au Canada mais non pas sur les fusions d'autres pans du secteur des services financiers canadien?

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je ne peux pas répondre à cela, parce que je ne sais pas du tout si c'était le cas ou non. Je ne le sais vraiment pas. J'ai simplement lu la même chose que vous dans les journaux.

    Pour ce qui est de la fusion Clarica-Sun Life, ce que je pense, c'est que nous, les Canadiens, avons fixé ce plafond arbitraire de 5 milliards de dollars et dit, par exemple, la Banque de Nouvelle-Écosse peut fusionner avec la Compagnie Trust national; c'est moins de 5 milliards et c'est bon. Au-delà de cette limite, on ne peut pas fusionner. Puis nous avons instauré l'étude de l'incidence sur l'intérêt public.

    Pour répondre globalement à votre question, je tends à reconnaître qu'en principe, oui, nous avons ces critères. En toute franchise, je vous dirai que, aux États-Unis comme dans l'Union européenne, toute grande fusion aussi notable dans ces pays comporte un facteur politique. Fusionner deux banques en Scandinavie, c'est très difficile. La France procède à des fusions, pendant que se déroulent ces audiences, pour des raisons qui lui sont propres. C'est éminemment politique. Il est beaucoup question de l'accès aux succursales. On se reconnaît tout à fait quand on lit les journaux français.

    Je pense que nous nous y prenons à la canadienne. C'est simplement que cela prend du temps.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Mme Guarnieri dispose de cinq minutes.

+-

    Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci, monsieur, pour vos observations et pour avoir remis les pendules à l'heure en ce qui concerne les discussions que nous avons eues au cours des quatre dernières années à ce sujet.

    Dans votre déclaration, vous reconnaissez que les fusions sont dictées par une question de taille et non pas pour des raisons d'économies attribuables à la technologie ou à autre chose. La dernière fois que nous avons eu un grand débat sur la question, nous nous sommes vraiment empêtrés dans des discussions sur ces économies. Elles semblent difficiles à déceler, et ce fut toute une chasse au trésor. Je tiens donc à vous remercier d'avoir lancé le débat en parlant de l'importance de l'échelle à laquelle se situent les banques canadiennes.

    Vous dites dans vos observations que les banques sont déjà trop petites pour servir de chef de file bancaire sur les grands marchés consortiaux en Amérique du Nord et ailleurs. Peut-être pourriez-vous nous dire si la fusion de deux banques canadiennes permettrait de produire effectivement une banque qui soit un chef de file. Qu'est-ce que cela représenterait comme avantage pour les Canadiens, en dollars, en positions sur le marché et pour ce qui est de l'accès des clients aux services? Essentiellement, vaudrait-il la peine de créer un chef de file bancaire, comme vous le décrivez?

    Je pose rapidement ma deuxième question, car le temps file.

    Peut-on dire que les banques canadiennes perdent des débouchés internationaux parce que le gouvernement entrave leur croissance?

    J'ai regardé rapidement votre site Web et j'ai relevé un titre assez curieux ce matin, une description de vos activités aux États-Unis. Il y était question du rêve continental. J'ai entendu parler du rêve américain, et nous savons que le rêve canadien n'a pu se réaliser il y a une dizaine d'années, et j'aimerais bien que vous nous expliquiez en quoi consiste le rêve continental de la Banque de Nouvelle-Écosse.

    Nous avons entendu dire plus tôt que vous étiez présents au Mexique, que vous y aviez quelque 400 succursales. Vous auriez aussi 200 succursales aux Antilles. Il faut bien sûr qu'on dispose de banques dans les pays au climat chaud, je le sais d'autant mieux que je suis d'un pays froid, et vous avez mentionné plus tôt que vous tentiez d'acheter une banque en Californie. Vos concurrents ont des succursales ou se sont branchés à des banques aux États-Unis. Ce que j'aimerais savoir, c'est si la Banque de Nouvelle-Écosse n'a jamais acheté de banque américaine parce qu'elle supposait toujours que tôt ou tard elle fusionnerait avec une autre banque déjà présente.

    Ma question est donc bien simple; votre rêve continental dépend-il au fond d'une fusion avec une des banques déjà présentes sur le marché américain?

À  +-(1035)  

+-

    M. Peter C. Godsoe: Je répondrai d'abord à la première question, sur la taille nécessaire pour s'imposer sur les marchés consortiaux ou les marchés des capitaux à New York.

    Je pense que, tout au mieux, nous pouvons être un joueur de catégorie moyenne. Même rassemblés, nous ne faisons pas le poids. Il faut avoir une certaine taille pour diversifier ses risques. Les agences de cotation ont très clairement dit que les banques canadiennes sont de taille moyenne et ne pouvaient pas prendre de risques additionnels. Nous devons donc nous montrer prudents. Je pense que cela renforcerait les marchés des capitaux canadiens face à Goldman Saks, Morgan Stanleys et la CityBank pour servir les grosses sociétés dans notre propre pays.

    Là où je crois vraiment que la taille compte, c'est quand on doit concurrencer directement les banques américaines en matière de services bancaires aux particuliers et aux entreprises. La Banque de Montréal, avec Harris, dispose d'un legs formidable depuis 1984. La Banque Royale a acheté Centura.

    Nous, à la Banque de Nouvelle-Écosse, avons examiné 50 possibilités différentes. Il y en a deux que nous pourrions saisir, mais nous agirions avec plus d'audace et de rapidité si nous pouvions fusionner, parce que notre stratégie, la stratégie continentale, c'est que nous avons déjà une position dominante dans les Antilles, avec 7 000 employés et des revenus de près de 300 millions de dollars canadiens l'année dernière. C'est une grosse institution dans les Antilles, sans doute la plus grosse.

    Au Mexique, nous prévoyons que l'an prochain nous ferons plus d'un quart de milliard de dollars canadiens, peut-être 300 millions de dollars, avec 7 000 employés; et au Canada, comme vous le savez, nous sommes très imposants. En fin de compte, nous devons assurer une certaine présence concurrentielle aux États-Unis, parce que le Mexique, les Antilles et le Canada y sont étroitement liés.

    Hong Kong-Shanghai—c'est un concurrent redoutable—s'annonce déjà auprès de nos clients comme étant la seule véritable banque de l'ALENA. On parle aussi de CityBank, et de nous. Il n'est question d'aucune autre banque canadienne. Nous aimerions nous montrer à la hauteur de notre réputation, et prendre de l'expansion.

+-

    Mme Albina Guarnieri: Merci beaucoup.

+-

    La présidente: Je vous remercie de votre franchise et d'avoir partagé votre rêve continental avec nous. Au nom de tous les membres du comité ici présents, monsieur Godsoe, je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous voir et d'avoir répondu à nos questions.

    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes pour nous préparer pour nos prochains témoins.

À  +-(1039)  


À  +-(1045)  

+-

    La présidente: Nous reprenons notre séance de ce matin: conformément à l'article 108(2) du Règlement, étude sur les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques.

    Nous avons le plaisir d'accueillir M. Edmund Clark, du groupe financier de la Banque Toronto Dominion, dont il est président et chef de la direction.

    Bienvenue à notre comité, monsieur Clark, et je vous prie de commencer lorsque vous serez prêt.

+-

    M. Edmund Clark (président et chef de la direction, Groupe Financier de la Banque Toronto Dominion): Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité à présenter quelques points sur le processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public proposé dans le cadre du processus d'approbation des projets de fusion des grandes banques, sur lequel le ministre Manley vous a consultés.

    Avant de lire ma déclaration officielle, je voudrais prendre quelques instants pour féliciter la présidente de la manière dont elle a traité le fâcheux incident de la semaine dernière. Comme je vous l'ai déjà indiqué, les remarques de Dan Marinangeli étaient déplacées et ne reflétaient pas la politique de la banque. Nous nous excusons de tout outrage que cela a pu causer.

    Vous avez tous eu l'occasion de lire ma présentation devant le Comité des finances du Sénat le 25 novembre 2002. Ainsi, j'éviterai de prendre de votre temps en la reprenant de manière détaillée.

    Dans son renvoi au présent comité, le ministre Manley a expressément suggéré que vous vous penchiez premièrement sur l'incidence sur l'intérêt public des fusions des grandes banques en ce qui a trait aux questions liées à l'accès, au choix, au rajustement et à la transition et, deuxièmement, sur la création d'institutions canadiennes plus concurrentielles à l'échelle internationale. Comme l'indique le rapport sénatorial, le secteur s'entend pour dire que vous devriez éviter la double réglementation et restreindre le processus d'évaluation de l'intérêt public aux sphères qui ne sont pas déjà visées par d'autres organismes en vertu de la législation en vigueur.

    Les questions de l'accès, du choix, du rajustement et de la transition posées par les fusions de grandes banques sont déjà réglementées par un certain nombre d'organismes comme le Bureau de la concurrence, le Bureau du surintendant des institutions financières, l'Agence des consommateurs de produits et services financiers du Canada ou par l'entremise de la législation en vigueur, notamment les lois en matière de travail et la législation sur les droits de la personne. De plus, toutes les banques ont signé un protocole d'entente quant à la façon dont elles offriront des comptes à frais modiques.

    Comme il a été clairement énoncé devant le comité sénatorial, ces questions ne préoccupent pas seulement le gouvernement et ses divers organismes de réglementation. En tant que membres d'un secteur de services dans un marché qui se dispute vivement les clients aussi bien que les meilleurs employés, toutes les banques sont conscientes que la sensibilité aux questions d'intérêt public ne relève, au fond, que des bonnes pratiques d'affaires. L'acquisition de Canada Trust par TD est un exemple concret d'application de ce principe. J'y reviendrai dans quelques instants.

    Par ailleurs, le rapport sénatorial recommande que vous veilliez au bon ordonnancement des étapes d'examen. Faites que l'évaluation de l'intérêt public soit un dernier contrôle après les examens du Bureau de la concurrence et du BSIF.

    Je soulignerai ici, et j'y reviendrai, que pour que le processus soit productif, nous devons avoir la certitude que le gouvernement est véritablement prêt à envisager des fusions. Nous avons besoin de cette certitude avant que le processus puisse commencer.

    Selon la troisième recommandation du rapport le processus d'examen public doit être court—soyez clairs quant au calendrier des audiences, de sorte que la période d'incertitude inévitablement vécue par les employés, les clients et les actionnaires soit aussi brève que possible.

    Dans le cadre de vos délibérations sur le renvoi du ministre, je suis conscient que vous devez respecter un équilibre entre les intérêts nationaux et votre inquiétude quant aux services auxquels vos électeurs peuvent s'attendre si des fusions sont approuvées. Pouvons-nous fusionner et du même coup accroître les avantages pour la clientèle? Je crois que oui. Bien que les banques soient loin d'être parfaites, elles s'efforcent toutes d'établir un solide capital de confiance, et elles ont commercialement intérêt à se montrer attentive aux besoins de leurs clients et de leurs employés.

    À titre d'exemple, permettez-moi de revenir sur l'expérience TD/Canada Trust, car j'estime qu'elle montre bien que les fusions peuvent être axées sur la clientèle tout en protégeant les intérêts des employés et des collectivités dans lesquelles nous évoluons. En fusionnant Canada Trust et la branche des services de détail de TD, nous savions que la fusion n'aurait guère de valeur si nous ne conservions pas nos clients. La fidélité de la clientèle tient à divers éléments—comment les clients sont traités, comment les employés sont traités et comment la banque agit au sein de la collectivité. Notre planification en vue de la fusion ne portait donc pas que sur des questions d'économies; il s'agissait aussi de mettre sur pied une meilleure banque en termes de satisfaction de la clientèle et des employés ainsi que de résultats financiers améliorés.

    C'est dans cette perspective, et non en raison de lignes directrices gouvernementales ou réglementaires, que nous avons pris des engagements à l'égard de nos clients, de nos employés et des collectivités de London, notre plus grand centre d'emplois hors de Toronto. Notre principe prépondérant était de placer les clients à l'avant-plan de toutes nos décisions. Nous avons promis de les traiter avec respect et de leur faire part des changements sans délai.

À  +-(1050)  

    Quant aux employés, nous avons pris les mêmes engagements de respect de communication rapide à leur égard et avons calmé leur grande inquiétude au sujet des emplois, en garantissant une rémunération de 18 mois à tous les employés touchés par la fusion. Malheureusement, il est impossible de fusionner deux grandes entreprises sans pertes d'emplois. Nous avons étalé la période de regroupement des succursales sur trois ans afin d'assurer, dans toute la mesure possible, une transition en douceur et souplesse pour nos employés et pour nos clients.

    À London, où notre présence a une incidence importante sur l'économie locale, nous nous sommes engagés à maintenir le nombre d'emplois existants—ce que nous avons fait. Nous avons travaillé avec les députés et nous avons particulièrement pu bénéficier des conseils de Sue Barnes, présidente du présent comité. Cette approche nous a permis de fixer des objectifs appropriés et de tenir les politiciens au courant des questions qui toucheraient les électeurs.

    De plus, nous avons sollicité régulièrement l'opinion des clients et des employés pendant toute la période d'intégration pour nous assurer de bien comprendre leurs préoccupations et de procéder aux rajustements nécessaires alors que nous poursuivions notre échéancier de fusion, région par région.

    Je ne prétendrai pas que la fusion s'est déroulée parfaitement, mais l'accent mis sur nos clients, nos employés et les collectivités que nous servons nous a permis de conserver notre clientèle et de nous retrouver à la fin de l'intégration avec somme toute la même part de marché nette. Notre indice de satisfaction de la clientèle est désormais supérieur à la moyenne des indices des deux institutions avant la fusion. C'est, à mon sens, une remarquable réalisation.

    Un aspect qui préoccupe particulièrement le présent comité est le service offert par les banques aux petites entreprises. Il y a certes place à l'amélioration, mais toutes les banques ont un engagement ferme à l'égard des services bancaires aux petites entreprises. La concurrence entre les banques est féroce dans ce secteur. La petite entreprise est l'épine dorsale de l'économie du Canada. Pour la Banque TD, il s'agit d'un secteur important de croissance commerciale, et nous investissons afin de bâtir notre part de ce marché. En fait, malgré la fusion, nous avons continué à affermir notre portefeuille de petites et moyennes entreprises-clientes.

    Nous avons ouvert 143 nouveaux guichets de services aux petites entreprises dans nos succursales, offert une nouvelle formation sur les petites entreprises à nos gestionnaires, et amélioré nos services bancaires électroniques et sur le Web, de sorte que les petites entreprises-clientes peuvent maintenant réaliser leurs opérations bancaires 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nos services électroniques ont été classés au premier rang dans le cadre d'un sondage sectoriel.

    Mais c'est le marché qui décide en bout de ligne qui est le meilleur dans ce secteur, et ce n'est pas par hasard que nous avons accru notre part de marché du crédit aux petites entreprises de 100 points de base, chaque année, depuis la fusion. Nous avons aussi obtenu la meilleure cote de satisfaction globale de la clientèle parmi les cinq grandes banques.

    Nous sommes le chef de file du crédit agricole par intermédiaire, offrant des services par l'entremise de coopératives agricoles dans les régions rurales où nous n'avons pas de succursales. Nos services de gestion de fonds aux entreprises d'envergure moyenne sont aussi classés au premier rang dans une autre étude sectorielle.

    Fait intéressant, si vous passez en revue les étapes que nous avons parcourues jusqu'à la fin de la fusion, nous avons tenu compte de chacune des questions pertinentes que le ministre Manley vous a demandé de définir dans l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public.

    Bien que vous ayez raison de vous préoccuper des incidences des fusions, je ne suis pas d'avis que l'établissement de nouvelles règles constitue la solution. En fait, il vaut mieux s'en tenir à un minimum de règles. Je vous incite à faire preuve de vigilance dans l'ajout de règles particulières, car chaque cas de fusion aura toujours ses caractéristiques distinctives. Dans le cadre de la fusion de TD et de Canada Trust par exemple, je doute fort que les préoccupations propres à London auraient été prises en compte dans une évaluation réglementée de l'incidence sur l'intérêt public.

    Vous vous rendrez aussi peut-être compte pendant vos délibérations que certaines questions sont beaucoup plus complexes qu'elles ne semblent à première vue. Par exemple, un projet de fusion qui ne suppose pas la suppression de nombreuses succursales peut paraître convaincant pour minimiser les ruptures de services. Par contre, sans suppressions, aucun autre joueur ne peut entrer dans l'arène et offrir une nouvelle concurrence.

    Permettez-moi de revenir en arrière quelques instants et de récapituler où nous en sommes, à mon avis, dans le processus de clarification des ambiguïtés entourant les grandes fusions bancaires. Nous savons déjà quelles obligations nous sont imposées par le Bureau de la concurrence, le BSIF et les dispositions législatives en vigueur. La consultation sénatoriale a établi certaines règles de base pour le processus d'évaluation de l'intérêt public, et le présent comité relèvera sans doute les zones qui ne sont pas déjà couvertes par le Bureau de la concurrence, le BSIF, l'Agence des consommateurs de produits et services financiers du Canada et la législation actuelle. Nous avons ainsi un relevé précis de ce qui devrait être abordé dans une courte évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, à la fin du processus d'approbation d'une fusion. Si vous l'énoncez clairement, ce sera fort utile.

    Mais si cela était fait, un projet de fusion soumis aujourd'hui et satisfaisant à ces critères serait-il approuvé? J'en doute. Nous devons reconnaître que malgré les mesures de protection appliquées par le BSIF, le Bureau de la concurrence et l'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, nos politiciens et bien des citoyens sont toujours fondamentalement réticents face aux grandes fusions bancaires. Pourquoi en est-il ainsi?

    Retournons à la raison pour laquelle les banques veulent fusionner. La question n'est plus de fusionner afin de protéger nos franchises de services au détail. Le Canada est doté de certaines des meilleures du monde. Il ne s'agit pas non plus de plaider que nous cherchons à atteindre une envergure qui nous permet de demeurer de grands acteurs sur la scène internationale des services de gros. Le fait est que nous observons à l'échelle mondiale le regroupement du secteur des services financiers.

À  +-(1055)  

    Nous craignons que si nous ne pouvons atteindre l'envergure nécessaire pour faire des acquisitions plus importantes aux États-Unis, nous ne pourrons pas livrer de concurrence importante à l'étranger. De façon générale, il est à craindre que si les banques américaines se regroupent toutes, notre solide position concurrentielle s'en trouvera érodée.

    Mais la question fondamentale est la suivante: notre pays est-il prêt à accepter davantage de regroupements afin que nos banques puissent livrer une concurrence efficace aux États-Unis et deviennent des championnes nationales? Y a-t-il d'autres moyens de permettre aux institutions canadiennes de créer des championnes nord-américaines établies au Canada qui demanderont une réorganisation moins importante? Il s'agit d'une question de politique publique que le gouvernement doit régler.

    Si vous êtes convaincus que les avantages d'une réorganisation en surpassent les coûts, rendez le processus juste et transparent. Ne le laissez pas devenir un processus à un seul tour de piste. Il serait inacceptable de ne laisser passer qu'un seul coureur. Nous ne pouvons pas politiser la réorganisation d'un secteur aussi important.

    Mais nous devrions être clairs quant aux conséquences d'un système juste et ouvert. Dès que s'ouvrira la porte aux demandes de fusion, il y aura non pas un seul projet, mais au moins deux ou trois, et ils supposeront une réorganisation considérable. Comme nous avons bloqué le processus jusqu'ici, tout le monde se croira obligé de bouger en même temps.

    Si le gouvernement est disposé à accepter une vaste réorganisation, nous avons besoin qu'il nous dise qu'il est véritablement prêt à l'action, qu'il définisse les grands paramètres d'approbation et qu'il nous avise que les jeux sont ouverts, de sorte que nous ayons le temps d'élaborer les regroupements que veulent nos actionnaires et qui respectent ses paramètres. Cela permettra aussi au Bureau de la concurrence et au BSIF de prendre des décisions en ayant toutes les cartes en main en même temps.

    Pendant vos délibérations, permettez-moi de vous suggérer d'aborder cette question dans le contexte du secteur des services financiers dans son ensemble. Je comprends que vous puissiez ne pas considérer la possibilité d'une fusion entre une grande banque et une importante société d'assurance-vie comme une priorité de ces audiences. Cependant, la question ne s'évanouira pas d'elle-même. Il serait opportun et utile qu'au lieu de vous concentrer exclusivement sur les cinq principales banques, vous élargissiez votre champ d'intérêt pour intégrer aussi les deux plus grandes sociétés d'assurance-vie à participation multiple. En élargissant ainsi votre champ d'intérêt, vous aurez une plus grande chance de parvenir à une solution qui soit acceptable pour le gouvernement et pour vos électeurs.

    Si vous élargissez votre champ d'intérêt, je vous demande de régler la question de la vente de produits d'assurance dans les succursales bancaires et d'établir un échéancier approprié. D'un point de vue d'affaires, nous devons savoir si une fusion avec une société d'assurance-vie peut être entreprise pour créer des synergies ou si son seul potentiel est de générer le volume requis pour procéder à des acquisitions internationales. Toutefois, n'élargissez pas votre champ d'intérêt pour y intégrer les parties qui ne sont pas déjà assujetties à un examen. Les entreprises qui peuvent actuellement acheter ou vendre sans examen devraient toujours en être exemptées.

    Tant qu'à discuter de questions non résolues, nous devrions aussi reconnaître que nous n'avons pas encore réglé le problème de la propriété étrangère des banques. Nous avons une politique totalement ouverte à l'égard des concurrents étrangers dans notre marché, mais sommes-nous prêts à voir des entreprises canadiennes être achetées par des sociétés étrangères? Nous devons connaître avec précision le rôle attribué par le gouvernement aux intervenants étrangers dans l'avenir. Pourquoi laisserions-nous entrer des joueurs provenant de scènes où ils peuvent librement prendre de l'expansion et les regarder acheter des institutions canadiennes qui ont été empêchées de croître et d'atteindre une envergure comparable? À mon avis, l'ordre logique des choses imposerait de régler d'abord la question des fusions aux Canada, de permettre à nos propres institutions financières d'atteindre une envergure suffisante pour livrer concurrence à des institutions étrangères plus imposantes qui ont déjà la taille nécessaire pour livrer concurrence à l'échelle internationale, et ensuite d'ouvrir les portes aux étrangers.

Á  +-(1100)  

Il est évident qu'avec ou sans précision sur le processus d'évaluation de l'incidence sur l'intérêt public, il reste des questions sous-jacentes que le gouvernement doit trancher. Je peux comprendre que vous puissiez ne pas être prêts à régler ces problèmes dès demain. Mais pour éviter une situation où nous devrions nous tourner sans cesse vers le Ministre pour lui demander ce qu'il pense de telle ou telle idée, je vous demanderais de faire pression sur le gouvernement pour qu'il donne une date à laquelle il sera prêt. Si pour des motifs politiques ou pour des raisons de conduite des affaires publiques, il ne peut le faire maintenant, précisez-nous un délai ferme au bout duquel il le pourra. Je crois qu'il en irait du meilleur intérêt de toutes les parties prenantes—nos clients, nos employés, nos actionnaires et vos électeurs.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Clark.

    Nous allons maintenant passer aux questions.

    Monsieur Harris, vous disposez de cinq minutes.

+-

    M. Richard Harris: Merci beaucoup.

    Et merci à vous, monsieur Clark. Dites-moi, la croissance des banques canadiennes est-elle en panne? Dans l'affirmative, est-ce la raison pour laquelle vous vous tournez vers l'extérieur du pays? Les banques font des affaires à l'extérieur du Canada depuis des années. Est-ce ce qui a poussé les banques vers l'étranger? Selon vous, le potentiel d'expansion des banques au Canada est-il bloqué à cause de leur mode de fonctionnement actuel?

+-

    M. Edmund Clark: C'est une bonne question. Je dirais que non. De fait, j'en discutais avec des homologues américains la semaine dernière. Vu la vigueur de l'économie canadienne et du marché de détail, ils sont convaincus que la croissance des banques canadiennes ici est plus rapide que celle des banques américaines.

    Contrairement à ce qu'on disait en 1998, les banques canadiennes ne disent plus que faute de fusion, elles risquent de se faire lessiver. Au contraire, nos banques sont très fortes. Leur rendement est bon, elles servent bien leur clientèle et sont en pleine croissance. Ce sont des entreprises qui réussissent et qui rapportent beaucoup.

    Le malaise vient de ce que nous voyons ce qui se passe aux États-Unis. Nous savons que dans 10 an,s les Américains auront consolidé leur secteur des services financiers. La question stratégique pour les Canadiens est de savoir si les établissements canadiens vont participer à la consolidation américaine et avec quel enthousiasme.

    La consolidation ne pourra-t-elle se faire qu'en réduisant le nombre de banques ou y a-t-il d'autres moyens d'avoir accès au marché des capitaux américains pour nous permettre de prendre de l'expansion dans ce pays? Voilà la question. C'est plus nuancé que ce qu'on disait auparavant quand on affirmait que l'on allait se faire lessiver si des fusions ne se réalisaient pas. À mon avis, le système bancaire canadien ne sera pas menacé s'il n'y a pas de fusion.

+-

    M. Richard Harris: D'accord.

    J'aimerais maintenant parler des petites entreprises qui doivent emprunter moins de 250 000 $. Je crois savoir que l'ordinateur applique une formule stricte pour les demandes de ce genre. On est bien loin de l'époque où je travaillais dans le domaine et où l'on allait discuter avec quelqu'un pour obtenir un prêt.

    Depuis quelques années, il existe une sorte de carte de crédit pour petites entreprises semblable à celle qu'utilise l'administration pour ses achats. Étant donné que pour des sommes de 50 000 à 100 000 $ on utilise autres choses qu'une ligne de crédit, pensez-vous que cette carte pour petites entreprises remplacera la ligne de crédit traditionnelle? Le phénomène va-t-il prendre de l'expansion? Le chef d'une PME n'aura plus besoin d'aller voir son banquier, tout se fera par ordinateur et on appliquera une formule toute faite avec une ligne de crédit plus grande sur la carte de crédit. Ce serait comme un prêt à taux d'intérêt bas ou alléchant.

Á  +-(1105)  

+-

    M. Edmund Clark: Ce que vous venez de décrire, c'est le fait que nous mettons à la disposition de la petite entreprise les moyens que nous avons conçus pour le particulier. Nous avons ainsi radicalement réduit nos coûts, ce qui nous permet d'assurer à notre secteur des prêts aux PME une croissance vigoureuse. Nous donnons à la petite entreprise le même accès au crédit et aux services électroniques.

    Pour répondre à votre question en particulier, je pense que les banques vont amalgamer cartes de crédit et lignes de crédit en une sorte de produit universel utilisable selon ce qui vous convient. Nous servirons de mieux en mieux la petite entreprise parce que nous avons d'excellentes plates-formes de détail que nous adaptons pour répondre à ses besoins. Que vous soyez médecin, avocat ou comptable à la tête d'une petite entreprise, il y a peu de distinctions entre ces deux plates-formes. L'objectif est d'avoir des systèmes simples pour le client au détail.

[Français]

+-

    La présidente: Commencez, monsieur Paquette.

+-

    M. Pierre Paquette: Merci, madame la présidente.

    Merci, monsieur Clark, pour votre présentation. Vous évoquez dans votre document et dans votre présentation que la fusion qui s'est faite entre la Banque TD et Canada Trust n'a pas été exempte de problèmes. Vous l'avouez vous-même.

    Hier, nous avons reçu ici, lors des témoignages, un groupe extrêmement critique face aux effets de cette fusion. Vous avez un document complet pour essayer de nous démontrer que les services s'étaient détériorés et que les frais avaient augmenté suite à la fusion. J'aurais voulu savoir, de votre point de vue, quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées dans cette fusion et ce que vous feriez différemment de ce que vous avez fait pour éviter ce genre de problèmes.

[Traduction]

+-

    M. Edmund Clark: Je pourrais accaparer la totalité de vos audiences pour répondre à cette question, qui est excellente.

    Au moment de la fusion de nos centres d'opérations, le plus difficile a été de bien comprendre... Quand on fusionne deux centres d'opérations, déjà efficaces dans leur secteur d'activités, chacun a sa façon de régler les problèmes. Nous ne savions pas vraiment jusqu'à quel niveau infime de détail une façon de faire différente pouvait gripper la machine.

    Quand on fusionne deux grands ensembles, il faut accepter qu'il y a des choses qu'on ne peut pas faire au tout début. La moitié du personnel doit s'habituer à de nouveaux systèmes et de nouvelles méthodes. C'est comme si un grand nombre de vos employés apprenaient un nouvel emploi à partir de zéro. Le service qu'ils offriront aux clients ne sera donc pas aussi bon qu'il l'est d'ordinaire.

    Du point de vue pratique, donc, la principale leçon que nous avons tirée a été d'offrir plus de cours que prévu, ce qui est essentiel. Pour pouvoir disposer de personnel de relève, nous avons conservé un nombre passablement plus important d'employés lors de la fusion qu'on l'aurait cru nécessaire. Si c'était à refaire, on en garderait encore plus.

    En revanche, chaque année, nous avons arraché 100 points de base de part du marché à nos concurrents dans le secteur de la petite entreprise. Il est donc difficile d'affirmer que le service était pourri. Pourquoi alors les gens venaient-ils à nous au moment où nous étions au milieu d'une fusion alors que les autres banques ne l'étaient pas? Comme je l'ai dit aujourd'hui, le taux de satisfaction de notre clientèle est plus élevé aujourd'hui qu'il l'était au début de la fusion.

    Je ne veux pas exagérer les problèmes que nous avons eus, mais il y en a eu. Il est impossible de procéder à une fusion sans anicroche.

Á  +-(1110)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Vous mentionnez qu'il ne faudrait pas que le processus d'évaluation de projets de fusions de banques se fasse «à un seul tour de piste». Même les sénateurs qui étaient extrêmement favorables à la fusion bancaire disaient, peut-être pas dans leur rapport, mais en marge de leur rapport, que le marché canadien serait en mesure d'accepter une fusion bancaire. Ils n'envisageaient pas deux fusions importantes. Dans ce contexte, j'aurais voulu avoir davantage de vos impressions sur cette expression « à un seul tour de piste ». Est-ce que pour vous, c'est le fait que l'ensemble du processus doit prendre en compte l'ensemble des projets qui seront soumis en même temps pour décider lequel est le plus prometteur sur le plan économique ou sur le plan de l'intérêt public, ou bien est-ce le fait que le gouvernement doit envisager la possibilité qu'il puisse y avoir plus qu'une grande fusion, peut-être deux, peut-être trois? J'aimerais que vous clarifiiez l'expression que vous avez utilisée.

[Traduction]

+-

    M. Edmund Clark: Vous avez touché au coeur du problème. Il n'est pas réaliste de penser qu'on va pouvoir ouvrir le processus et ne recevoir qu'une seule proposition. Déjà, les journaux en ont mentionné deux et il y en aura sans doute au moins une autre.

    Nous avons politisé la restructuration de ce secteur. Quant à savoir si c'est une bonne ou une mauvaise chose et qui en est responsable, c'est une autre question. Mais telle est la situation.

    Le fait est que le secteur ne pense pas pouvoir se restructurer sans avoir obtenu au préalable l'approbation de l'État. Dès que l'État dira qu'«il est prêt à en discuter», vous aurez besoin d'être prêts parce que nous allons nous pointer ici et vous «soumettre nos propositions.» Aucun d'entre nous ne peut se permettre de laisser passer une proposition pour se faire dire ensuite que l'affaire est entendue. Nous nous dirons que le «moment est propice et que nous avons intérêt à tous présenter nos propositions en même temps.» Vous allez donc recevoir quantité de projets simultanément.

    Stratégiquement, vous avez deux choix. Vous pouvez ou bien dire d'accord—et c'est pourquoi je dis que vous devriez sans doute élargir l'éventail le plus grand possible, avoir autant d'intervenants que possible; cela signifiera une restructuration plus importante mais les différentes combinaisons vous plairont sans doute davantage—ou alors l'État devra dire, et ce n'est pas ce que je préconise, parce que c'est plutôt dirigiste, qu'«il a une idée de la façon dont le secteur devrait se restructurer et va fixer des paramètres généraux définissant ce qui est acceptable.»

    Mais dans la situation actuelle, si au bout des audiences le gouvernement dit qu'«il est prêt à examiner des propositions», vous allez en recevoir parce que personne dans ce secteur n'a d'autre choix.

+-

    La présidente: Merci.

    Je donne la parole à M. Cullen; vous avez cinq minutes.

+-

    M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci, monsieur Clark.

    J'aimerais poursuivre dans la même veine. Je comprends que des discussions sur les fusions prennent du temps et coûtent cher aux banques et que vous voulez une certaine clarté. Si je vous ai bien compris, outre la filière normale, ce que vous aimeriez voir au début c'est que le ministre des Finances,—parce que c'est lui qui en a le pouvoir et le mandat—dise: «oui, nous sommes prêts à envisager une certaine consolidation du secteur.» Il faudrait sans doute d'abord respecter les exigences du BSIF, du Bureau de la concurrence et le critère de l'intérêt public que fixeront notre comité et celui du Sénat.

    Vous avez raison: nous allons sans doute recevoir quantité de propositions de consolidation. Je vous pose la question: pensez-vous que la concentration du pouvoir économique soit un véritable problème ou pensez-vous que si vous respectez les exigences du Bureau de la concurrence, celle du BSIF, le critère de l'intérêt public que nous et le Comité sénatorial vont fixer, l'affaire est dans la poche? Ou est-ce que le problème de la concentration du pouvoir économique plane toujours?

+-

    M. Edmund Clark: Vous êtes mieux placé que moi pour me dire si la question plane toujours.

    Est-ce que je pense que c'est une question légitime? Oui. Je ne m'inquiète pas vraiment de la concentration du pouvoir économique. Moi, je n'ai pas le sentiment d'en avoir beaucoup, mais je ne suis peut-être pas assez sensible à la question.

    Le problème soulevé par M. Godsoe en 1998, qui disait qu'un plus petit nombre d'acteurs était sans doute préférable, était une question légitime à l'époque. C'est le juste milieu que les Canadiens doivent trouver et pas seulement dans le secteur financier; il faudra se colleter à ce problème dans tous les secteurs. Vu les contraintes sur les marchés de capitaux, si nous voulons être dans le coup, il faut accepter que nous avons pour concurrents des entreprises américaines en général plus grandes que nous qui ont accès à un marché de capitaux dix fois plus grand que le nôtre. On se dit donc que pour leur enlever un marché qu'elles convoitent aussi, il faut être aussi gros qu'elles. Mais ça signifie évidemment qu'on va aboutir avec dix fois moins de grandes entreprises qu'elles, vu nos tailles respectives.

    C'est donc le dilemme du Canada: combien de grands joueurs voulez-vous? C'est pourquoi je pense qu'élargir le plus possible l'éventail des options permettant la croissance est sans doute une bonne façon de régler le problème. Mais comme je l'ai dit dans ma déclaration, il faudra d'abord connaître les règles applicables aux compagnies d'assurance et savoir si vous êtes aussi prêts à rationaliser le secteur.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Roy Cullen: La dernière fois, il y a eu deux propositions. Le BSIF et le Bureau de la concurrence les ont examinée en même temps. Je ne me souviens pas exactement, mais le BSIF a évoqué des inquiétudes au nom de la prudence et le Bureau de la concurrence s'est élevé contre les méthodes employées.

    Cette fois-ci, les banques futées auront trouvé un associé avant d'aborder la question du critère de l'intérêt public. De fait, HSBC et les coopératives de crédit nous disent que cela pourrait améliorer la concurrence dans certains marchés régionaux parce que les nouveaux venus dans une région voudront sans doute faire du zèle.

    Mais, pour moi, s'il y a trois ou quatre propositions de fusion, n'allez-vous pas, ne serait-ce que pour des questions techniques, rencontrer les mêmes difficultés avec le BSIF et même le Bureau de la concurrence?

+-

    M. Edmund Clark: La raison pour laquelle vous allez tout recevoir en même temps, c'est que le Bureau de la concurrence a dit qu'il examinera les propositions en fonction du marché actuel. Il faut toutefois admettre que si les propositions arrivent dans un an, celui-ci tiendra compte des changements survenus entre temps.

    De notre point de vue à nous, mieux vaut présenter sa proposition tout de suite, sans attendre un an, parce qu'il dira peut-être bien: «Il y a déjà trop de concentration. On ne peut pas vous donner le feu vert, alors même que vous l'auriez obtenu si vous aviez été les premiers.»

    À cause de notre situation, nous disons que si vous ouvrez les conditions, il faut les ouvrir en entier. Je ne vois pas d'autre façon de faire.

+-

    La présidente: C'est tout.

    Monsieur Wilfert.

+-

    M. Bryon Wilfert: Merci beaucoup, madame la présidente, et merci, monsieur Clark.

    Monsieur Clark, je suis moi-même le produit de certaines fusions. J'ai commencé à faire affaire il y a une quarantaine d'années avec Canada Permanent. Je me suis retrouvé chez le Canada Trust. Je fais maintenant affaire avec la TD-Canada Trust.

    Je sais bien que la poussière n'est pas toute retombée, mais j'aimerais beaucoup, et je suis sûr que c'est également le cas du comité, prendre connaissance de tout document que vous avez sur les effets qu'a eus la fusion TD-Canada Trust. C'est la plus grande fusion qui s'est faite jusqu'à ce jour, et nous pourrions à tout le moins en mesurer l'effet sur le public. Chose certaine, tout renseignement que vous pourriez nous fournir à cet égard serait très apprécié.

    Je vous dirai d'emblée que je crois dans la nécessité d'un système bancaire solide au Canada. J'ai failli applaudir à l'une de vos remarques, mais malheureusement, vous êtes allé un peu plus loin que je ne l'aurais voulu. Il s'agit de la question de la souveraineté financière. Je crois que la règle des 20-30 est excellente, étant donné la taille de notre système bancaire et de notre population. Je ne veux pas qu'on y change quoi que ce soit, je crois que nous avons déjà discuté de cela.

    En ce qui concerne la Community Reinvestment Act—et j'ai posé la question à plusieurs personnes—je sais que vous en connaissez la teneur parce que vous avez vu comment elle avait été appliquée aux États-Unis. Il n'y a pas grand-chose que j'aime dans le système financier américain, mais j'aimerais savoir comment vous avez vécu ce processus aux États-Unis, particulièrement en ce qui concerne les problèmes relatifs aux prêts aux petites entreprises dont nous ont parlé les PME à maintes reprises.

    Enfin, pour ce qui est du processus, le ministre nous a chargés pour le moment de nous pencher sur l'intérêt public, point à la ligne. La question plus générale des banques, des sociétés d'assurance-vie, etc., est peut-être fort valide—et je crois que c'est le cas—mais je crois pour ma part que cette question dépasse notre mandat, du moins pour le moment.

    En conclusion, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut un processus clair, et une fois qu'on l'aura, il faudra qu'on s'y conforme, qu'on le veuille ou non.

    Merci.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Edmund Clark: Nous avons pris des moyens pour faire savoir au pays comment s'était déroulée la fusion avec Canada Trust. Au fur et à mesure que la fusion avançait, nous avons acheté des pages de publicité entières dans les journaux pour dire aux gens ce que nous faisions. C'est donc une initiative que nous avons prise de nous-mêmes, comme je l'ai indiqué plus tôt, pour faire tout ce que le gouvernement nous aurait demandé de faire, à mon avis, si nous avions été soumis à un examen public. Si vous songez à d'autres moyens de procéder, nous serons fort heureux de les mettre en oeuvre.

    En ce qui concerne la petite entreprise et la CRA, mon idée est faite: cette américanisation de la façon de faire affaire au Canada n'est pas une bonne chose pour les Canadiens. Je ne suis donc pas favorable à l'américanisation du processus canadien. À Canada Trust, nous possédions une banque aux États-Unis. Aujourd'hui à la TD, nous possédons Waterhouse, et cette entreprise possède une banque aux États-Unis. D'après tout ce que j'ai vu de la CRA, c'est une mesure législative qui est au bout du compte extrêmement néfaste aux personnes mêmes que l'on veut aider étant donné qu'elle produit une réaction typique, où les banques disent aux autorités: Dites-moi quelles sont les règles, je vais m'y confirmer, mais je ne ferai rien de plus. Mon expérience américaine m'a enseigné que les responsables financiers ne ressentent aucune responsabilité morale envers les collectivités qu'ils desservent parce que le gouvernement a assumé cette responsabilité morale et dit: «Je vais vous imposer des règles bureaucratiques, et si vous les respectez, vous n'avez pas à vous préoccuper de votre responsabilité morale.»

    Je n'en veux pas aux responsables politiques qui me disent que nous occupons une position privilégiée au Canada et que nous avons en conséquence des obligations envers les gens. Nous avons discuté de cela dans le cas de London. Nous nous sommes alors concertés et nous avons cherché à comprendre quels étaient les problèmes, et je crois que nous les avons réglés. Mais nous n'avions pas de loi qui nous disait que nous devions conserver des emplois. Nous n'avons pas conclu d'accord contractuel. Nous n'avons fait que notre devoir à London.

    Comme je l'ai dit, dans le domaine de la petite entreprise, nous présentons des états de service remarquables. Je suis décidé à arracher à mes concurrents leur part du marché, à faire croître notre secteur de la petite entreprise et à les dépasser tous. Je crois que c'est une meilleure façon de procéder.

+-

    M. Bryon Wilfert: Mais pour ce qui est de savoir en quoi consistent les prêts et les services, j'ai la conviction que toutes les banques pourraient nous fournir ce genre de renseignements pour apaiser certaines de ces préoccupations.

+-

    M. Edmund Clark: Pardon, à quel propos...?

+-

    M. Bryon Wilfert: C'est la question, soulevée par certains de mes collègues par le passé, du taux d'approbation de certains prêts dans certains secteurs et des effets qu'ils ont eus.

    En ce qui concerne Canada Trust, je sais que vous aviez des attentes. Certaines choses se sont passées. D'après les preuves que vous pouvez réunir en sondant vos clients—et j'en suis un—et votre personnel, je pense qu'il serait utile que vous nous disiez quels étaient vos objectifs et comment vous les avez réalisés.

    Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Brison.

+-

    M. Scott Brison: Merci, madame la présidente.

    Vous avez énuméré certains processus d'examen des effets sur le public: le BSIF, le Bureau de la concurrence, l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, les lois sur le travail et les lois sur les droits de la personne. Même s'il n'y a pas de processus politique comme tel, ce sont là des processus qui sont déjà en soi très rigoureux.

    Enfin, il y a le ministre des Finances qui a le pouvoir de décider si oui ou non une fusion va se faire. Il peut essentiellement vous dire si le gouvernement veut entendre parler d'une fusion ou s'il faut oublier tout cela jusqu'aux prochaines élections ou jusqu'à la fin de la course à la direction du parti libéral. Ce qui manque vraiment ici, ce n'est pas un processus d'examen des effets sur le public, mais la volonté politique ou le courage qu'il faut pour prendre une décision et affronter l'électorat ensuite.

    Au sein de notre comité, les libéraux vous demandent en fait de susciter une demande partout au Canada pour que nous nous retrouvions avec des manifestants sur la colline du Parlement favorables à la fusion des banques, mais cela ne se fera jamais. Les politiques demandent aux banques de créer artificiellement cette demande au Canada afin que les Canadiens viennent protester devant les bureaux des députés pour permettre à leurs banques de fusionner, mais cela ne se fera jamais. Est-ce qu'on ne serait pas mieux servis par un ministre des Finances et un gouvernement qui diraient simplement oui ou non, et vous interviendriez auprès de ce ministre des Finances et du gouvernement pour les aider à plaider leur cause auprès des gens qui les ont élus?

    À la fin des années 80, le gouvernement progressiste-conservateur a opéré une déréglementation massive, certaines décisions qui étaient controversées à l'époque se sont avérées judicieuses, qu'il s'agisse du libre-échange ou de la déréglementation des services financiers. Mais au bout du compte, le gouvernement a pris une décision, chacun est retourné à ses affaires, et les dix millions de Canadiens qui possédaient des actions dans les banques en ont beaucoup profité.

    Donc le vrai problème ne tient-il pas au fait que les dirigeants politiques n'ont pas le courage de faire leur devoir?

Á  +-(1125)  

+-

    M. Edmund Clark: Je vais essayer de ne pas me fourvoyer, car jusqu'à maintenant, nous n'avons pas été très habiles pour répondre à ces questions en des termes qui ne fassent pas les manchettes.

    Si vous me permettez de laisser de côté le commentaire politique—vous faites votre travail et je fais le mien—je vous dirais que ce que le secteur bancaire déteste le plus, c'est l'incertitude. Il a tendance à figer lorsqu'il ne sait pas comment travailler. Le secteur bancaire est ici pour dire, en termes mesurés, qu'il ne va pas s'effondrer si l'on refuse les fusions. Nous considérons que le monde dans lequel nous opérons est en phase de consolidation. Nous vous demandons d'en tenir compte. Le Canada a intérêt à disposer de quelques champions nationaux, mais si vous refusez les risques de la consolidation, tant pis. Nous voulons simplement connaître les règles du jeu.

    Nous ne voulons pas que le ministre des Finances dise oui en dernier lieu. Nous voulons qu'il le fasse dès le début. Il faut que le ministre des Finances se lève et dise si le gouvernement est prêt à accepter une fusion entre deux banques ou entre une banque et une compagnie d'assurance-vie. Nous ne voulons pas d'une procédure de cinq mois pendant laquelle le gouvernement devra se prononcer sur la question fondamentale de la pertinence d'une restructuration de notre secteur.

    La démarche actuelle a été utile, car elle a permis de faire le ménage et d'exprimer des idées, ce qui me semble très souhaitable. Nous demandons au comité de dire en quelque sorte au gouvernement: «Nous connaissons les mécanismes de la procédure, grâce à cette démarche, mais quelles sont vos intentions du point de vue de la gestion des affaires publiques?»

    Si vous ne pouvez pas nous répondre immédiatement, dites-le nous. Il faut éviter que les gens du milieu bancaire préparent des propositions de fusion, prennent l'avion pour venir les présenter à Ottawa en disant: «Puisque vous n'avez pas aimé la précédente, est-ce que celle-ci vous plaît? Est-ce que vous pouvez l'accepter?» Ça n'est pas une façon de gérer le pays.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous passons à M. Discepola.

+-

    M. Nick Discepola: Merci. Ma question s'inscrit dans le prolongement de la précédente. Je suis heureux de voir que je suis d'accord avec vous, ou que vous acceptez certains de mes arguments.

    Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que le mandat que nous a confié le ministre est trop restrictif. Quand M. Godsoe est parti, je lui ai dit: «J'espère que c'est la dernière fois que je vous vois», car je ne voudrais pas voir les banques revenir dans trois ou quatre ans en disant qu'elles veulent encore restructurer l'ensemble des services financiers ou qu'elles veulent fusionner avec d'autres institutions financières.

    J'ai étudié plusieurs fusions, mais je me heurte toujours à des gens qui disent que ce comité ne peut pas étudier un tel sujet. Peut-être faudrait-il tout d'abord demander au ministre de nous donner un nouveau mandat.

    Je suis également d'accord avec vous pour refuser le principe du premier arrivé premier servi, qui créerait une inégalité entre les banques selon leur taille. Il serait sans doute plus conforme à l'intérêt public et aux intérêts de tous les Canadiens que l'on considère toutes les formules possibles pour retenir celle que nous jugeons la meilleure.

    Je voudrais vous poser des questions très précises. Sur la question de l'examen des répercussions sur le public, vous voudriez que le délai qui suivra la décision du BSIF et du Bureau de la concurrence soit court. Je suis d'accord avec vous. Quelle devrait être sa durée?

Á  +-(1130)  

+-

    M. Edmund Clark: En toute déférence, je pense que si vous posez la question aux gens du secteur bancaire, ils préféreraient qu'il n'y ait aucun délai, mais comme il en est question dans ce débat, je pense que le délai constitue une mesure de sécurité qui permet de vérifier si l'on n'a rien oublié—par exemple, le nombre d'emplois de London—au BSIF, au Bureau de la concurrence ou à la FCAC. Il pourrait y avoir une période de révision de deux semaines pour s'assurer, avant d'accorder l'autorisation finale, que l'on n'a oublié aucune question locale à laquelle la loi fait référence.

+-

    M. Nick Discepola: Dans la même veine, si nous nous disons prêts à recevoir plusieurs propositions de fusion, quel délai pouvons-nous accorder aux banques pour qu'elles commencent à négocier, qu'elles envisagent différentes structures de coût et nous présentent une proposition saine que nous pourrons analyser?

+-

    M. Edmund Clark: Je ne sais pas si je peux vous donner un délai précis, mais compte tenu de la confusion actuelle, il va vous falloir de trois à six mois avant de pouvoir dire que vous êtes prêts, que les banques peuvent commencer à négocier et que vous étudierez leurs propositions, pourvu qu'elles soient conformes à certains paramètres.

+-

    M. Nick Discepola: Dans le cas de Canada Trust, par exemple, je me demande si c'est vraiment pertinent. En l'espèce, vous avez supposé que les activités allaient se poursuivre grâce à un réseau commun. Vous avez dit vous-même qu'en définitive, vous vous êtes retrouvé avec la même part de marché, que vos employés ont reçu une indemnité de départ de 18 mois, etc.

    Du fait des recours envisagés en cas de dessaisissement, vous n'allez pas pouvoir garder vos employés, ni vos clients, ni votre part de marché. Est-ce que cela vous contrarie?

+-

    M. Edmund Clark: Oui, et je suis coincé. Voilà encore un paramètre que le gouvernement devrait annoncer. Il est un fait que certains d'entre nous occupent une énorme part de marché et si nous procédons à une fusion avec l'un de nos homologues, nous allons devoir nous départir d'un nombre important de succursales et d'employés. Ça, c'est un type de fusion possible.

    L'avantage d'une telle fusion, c'est qu'il va falloir céder les succursales à quelqu'un, qui va se proposer de les acheter, et vous allez voir apparaître de nouveaux concurrents.

    Dans d'autres types de fusion, la nouvelle entité n'aura pas intérêt à se départir d'une part de marché et ne vendra pas de succursales. L'avantage, c'est que les employés et les clients seront moins perturbés par la fusion. L'inconvénient, c'est qu'il n'y aura pas de nouveaux concurrents. On se sera contenté d'éliminer un concurrent à la faveur de la fusion.

    Voilà des questions d'affaires publiques pour lesquelles il faut dire au gouvernement qu'il doit bien réfléchir et bien comprendre les différentes combinaisons possibles pour voir s'ils sont acceptables.

    Je n'ai pas de préférence pour une formule ou pour une autre. Compte tenu de notre situation actuelle, nous ne pouvons guère éviter les dessaisissements de succursales et d'employés qui suscitent toujours de grosses difficultés au plan émotif.

+-

    M. Nick Discepola: Je vais vous poser une question très courte.

    On a signalé hier que l'un des obstacles à l'arrivée de nouveaux venus concernait les guichets automatiques, le réseau de distribution et les frais de service, qui seraient trop élevés. Pouvez-vous envisager une politique en vertu de laquelle l'autorisation d'une fusion comporterait l'interdiction des frais de service pour l'utilisation d'un guichet automatique d'une autre banque, ce qui permettrait à de plus petits concurrents d'utiliser ce réseau de distribution, comme on l'appelle?

Á  +-(1135)  

+-

    M. Edmund Clark: Vous pourriez le faire, mais cela entraînerait des conséquences importantes que vous n'aimeriez sans doute pas.

    Depuis un certain temps déjà, les banques ont décidé essentiellement de ne pas imposer de frais supplémentaires, sachant comme cela chatouille les gens, et par conséquent, étant donné la valeur économique des guichets automatiques, elles ont cessé d'étendre leurs réseaux de guichets automatiques. C'est ce qui explique la croissance des réseaux privés indépendants, qui eux imposaient des frais et pour qui les guichets automatiques étaient donc rentables.

    Naturellement, si nous devons ni plus ni moins faire don de nos réseaux à nos concurrents—c'est ce que nous nous trouverions à faire si nous en rendions l'accès gratuit—, nous allons investir moins dans notre réseau de guichets automatiques. Ainsi, si je suis aux prises avec un secteur d'activités qui ne rapporte pas, si je perds de l'argent avec chaque guichet automatique, pourquoi irais-je y investir des sommes considérables?

    De toute évidence, le public n'en serait pas bien servi.

+-

    La présidente: Merci beaucoup à tous les deux.

    Madame Leung, pour les cinq dernières minutes.

+-

    Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Monsieur Clark, j'ai bien aimé votre exposé que j'ai trouvé très intéressant.

    À la suite de la fusion que vous avez vous-même connue, je crois savoir que vous avez dû vous livrer à une restructuration importante et que vous avez dû apporter bien des changements. Étant cliente depuis longtemps de votre banque, j'aimerais savoir quel est votre objectif pour l'avenir, comment vous entendez répondre davantage à l'intérêt public?

    Deuxièmement, je crois également savoir que vous avez évoqué la possibilité de fusions avec des compagnies d'assurance-vie. Vous vous souviendrez que notre comité n'était guère en faveur de l'idée que les banques fusionnent avec des compagnies d'assurances. Dans quel sens le public y trouverait-il un avantage d'après vous?

+-

    M. Edmund Clark: En réponse à la première question...encore là, je devrai me retenir, car c'est un sujet qui me passionne. Comme vous le savez, j'étais PDG à Canada Trust. Nous avions essayé de nous tailler une place bien à nous sur le marché et nous avions réussi à créer une expérience plus favorable pour le client. Nous continuons aujourd'hui, sous la bannière de TD Canada Trust, à appeler nos clients tous les jours, si bien que, chaque jour, je sais si oui ou non, partout où nous exerçons notre activité, les clients ont été satisfaits de nos services hier.

    Nous avons une mission très simple, à savoir que, d'ici quelques années, je voudrais avoir l'assurance que, où que ce soit au Canada, tous les consommateurs, qu'ils soient ou non au nombre de nos clients, soient d'accord pour dire que, quand on se présente dans une succursale de la TD Canada Trust, quand on communique avec elle par téléphone ou quand on a à traiter avec elle en tant que propriétaire de petite entreprise, la différence est patente. Les consommateurs pourraient en fait dire que, quand ils traitent avec nous, l'expérience est différente, car nous sommes bien plus soucieux de nos clients.

    Voilà donc le message sur lequel nous insistons à tous les échelons de notre organisation. Ma prime à moi est directement liée à la satisfaction de la clientèle. Allez demander à mes concurrents combien d'entre eux ont une prime qui est directement liée à la satisfaction de la clientèle. Tous les membres de l'organisation sont rémunérés en fonction de la satisfaction des clients.

    Nous avons un plan d'action. Le fait est que nous n'avons fait que créer une banque en fusionnant les deux entreprises, sans pour autant créer la banque meilleure que je souhaitais créer. Nous sommes toutefois bien décidés à réussir, d'ici quelques années, à créer cette banque meilleure pour que tout le monde qui s'y frottent disent que l'expérience est différente.

    Entendons-nous, je ne préconise pas nécessairement que vous autorisiez les compagnies d'assurances à acheter des banques ou vice versa. Je dis simplement deux choses.

    La première, c'est que vous ne pouvez pas éviter la question. Enfin, on ne peut pas admettre la possibilité qu'une grosse compagnie d'assurances puisse acheter une banque, alors que, moi, je ne le pourrais pas. Ce serait ridicule que deux acteurs soient protégés et qu'ils puissent acheter des banques, alors que, moi, je ne pourrais pas acheter leur compagnie et je ne pourrais pas non plus acheter une banque.

    Vous ne pouvez donc pas vous défiler devant cette question des compagnies d'assurances; ce sont des institutions financières très prospères et de taille considérable. Elles vous offrent une façon de vous sortir de l'impasse due au fait qu'on veut des institutions de taille plus grande mais qu'on ne veut pas avoir moins de banques. La réponse serait peut-être de permettre aux banques et aux compagnies d'assurances de fusionner, et d'éviter ainsi l'élimination d'une banque. Elle constitue donc une solution de rechange et, si vous cherchez d'autres moyens de permettre aux institutions financières de prendre de l'ampleur tout en gardant les cinq grandes banques, ce serait là une façon de faire.

    Pour ce qui est des services d'assurance dans les succursales, je n'ai jamais compris, à vrai dire, pourquoi les décideurs politiques se prononcent en faveur des producteurs et contre les clients, car vous avez bien plus de clients que de producteurs qui votent pour vous. Mais il en a toujours été ainsi au Canada. Vous pourriez faire baisser le coût des assurances si vous nous autorisiez à nous lancer dans ce domaine, mais vous ne voulez pas faire baisser le coût des assurances si vous voulez aider les compagnies d'assurances. C'est vous qui portez ces jugements politiques.

Á  +-(1140)  

+-

    Mme Sophia Leung: Je crois que nous sommes très préoccupés par la concurrence et l'accessibilité.

    Votre banque a-t-elle l'intention d'assurer sa croissance par des acquisitions, etc.?

+-

    M. Edmund Clark: Oui, nous aimerions bien faire cela, comme tous nos concurrents. Nous avons la Waterhouse, aux États-Unis, qui compte déjà 160 succursales là-bas. Nous avons aussi une entreprise de services financiers aux États-Unis, qui se tire très bien d'affaire. Nous aimerions explorer la possibilité d'acheter de banques régionales qui pourraient compléter les services de Waterhouse et prendre de l'expansion sur ce créneau. Nous croyons que ce serait quelque chose de bien pour les Canadiens. Nous prenons maintenant les appels pour la Waterhouse à notre centre d'appel de London, nous avons donc créé des emplois à London en étendant nos activités aux États-Unis.

    Nous voudrions tous continuer dans cette voie. Il y a toutefois un obstacle qui nous en empêche, et vous devez comprendre pourquoi cela inquiète les banques. Quand nous cherchons à acheter des intérêts aux États-Unis, si nous nous servons de nos actions, les institutions américaines qui ont des actions dans l'entreprise que nous achetons sont tenues de les vendre, si bien que les actions reviennent toutes au Canada. Nous n'avons donc pas accès aux marchés financiers aux États-Unis pour acheter ces entreprises. Si je suis en concurrence avec la Wells Fargo pour acheter la même banque régionale, la Wells Fargo, elle, peut se servir de ses actions pour acheter cette banque, mais, moi, je dois en fait racheter toutes les actions, parce qu'elles reviennent toutes sur le marché canadien.

    C'est là ce qui est au coeur de ce débat sur les fusions: comment pouvons-nous faire en sorte de prendre assez d'envergure, si tant est que cela ne pose pas trop de problèmes, ou bien d'avoir accès aux marchés financiers américains pour que nous puissions accroître notre activité aux États-Unis.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Leung.

    Merci, monsieur Clark.

    Au nom de tous mes collègues qui sont ici à la table, je tiens à vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir bien voulu venir nous rencontrer et répondre à nos questions. Soyez assuré que le Comité va travailler fort pour régler cette question.

    La séance est suspendue pour cinq minutes. Je demanderais encore une fois aux médias de quitter la salle et d'aller faire leurs entrevues à l'extérieur.

    Nous reprenons dans cinq minutes.

Á  +-(1143)  


Á  +-(1148)  

+-

    La présidente: Bonjour. Bienvenue à tous. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques.

    De BMO groupe financier, nous accueillons Tony Comper, président et directeur général. Soyez le bienvenu, monsieur. Vous êtes accompagné, si je comprends bien, de Karen Maidment, qui est vice-présidente exécutive et directrice financière, ainsi que de Tim O'Neill, vice-président exécutif et économiste en chef à la BMO. Je vous souhaite la bienvenue à tous.

    Monsieur Comper, je vous invite à prendre la parole quand vous serez prêt.

[Français]

+-

    M. Tony Comper (président du conseil et chef de la direction, BMO Groupe financier):

    Merci beaucoup, madame la présidente, de me donner l'occasion d'exprimer mon opinion sur des questions qui ont une grande importance pour ma banque, mon secteur d'activité et le Canada.

    Puisqu'il semble que je serai le dernier représentant de mon secteur d'activité à me prononcer sur la question des fusions et de l'intérêt public, du moins dans le cadre de ce comité, je m'efforcerai de faire des commentaires susceptibles de contribuer concrètement à vos délibérations.

[Traduction]

    Je tiens d'abord à assurer les membres du comité de ma conviction, sans aucune réserve, que la population de notre pays s'intéresse à la question des fusions de banques canadiennes et que tout projet de fusion doit tenir compte de son intérêt. Nous, du BMO Groupe financier, reconnaissons que, si nous devions nous engager dans un projet de fusion, nous aurions le devoir implicite de nous assurer que les répercussions de cette opération sur nos employés, nos clients et les collectivités où nous oeuvrons seraient aussi positives que possible. Étant donné la nature de nos activités, dans lesquelles la réputation est si importante, tenir compte de l'intérêt du public relève de la simple prudence.

    Je me ferai un plaisir de vous aider du mieux que je pourrai à définir clairement les exigences de l'intérêt public dans l'éventualité d'une fusion. J'ai structuré mes commentaires pour qu'ils suivent l'ordre des sujets proposés par les honorables John Manley et Maurizio Bevilacqua. Je commencerai donc par traiter de l'accès, avant de poursuivre en abordant les questions du choix, de la concurrence et de la croissance et, enfin, de la gestion de la transition.

    En matière d'accès aux services, nous croyons que les Canadiens considèrent maintenant qu'ils ont le droit—et c'est d'ailleurs une attente que nous avons nous-mêmes contribué à susciter au prix d'efforts considérables—de pouvoir accéder à des succursales à service complet offrant des produits et des services fiables et de haute qualité. Ceci semble particulièrement vrai dans les collectivités rurales. Par conséquent, nous croyons qu'il est dans l'intérêt du public que les banques qui projettent de fusionner expliquent clairement comment elles entendent continuer à répondre aux besoins des collectivités rurales auxquelles l'une ou l'autre d'entre elles offre déjà ses services. Si jamais nous étions l'une de ces banques, nous serions disposés à nous engager à conserver une présence physique dans ces collectivités pendant une période raisonnable, qui, selon nous, devrait être d'au moins trois ans. J'aimerais souligner ici qu'une banque beaucoup plus grande et plus solide serait, en toute logique, plus en mesure de conserver des succursales en région rurale. Cet argument pourrait d'ailleurs d'appliquer à tous les autres aspects de la question des fusions bancaires que j'aborderai aujourd'hui.

    En matière de choix, nous sommes tout à fait d'accord avec le principe selon lequel les particuliers et les petites entreprises devraient continuer d'avoir accès à divers fournisseurs de services financiers ainsi qu'à un bon nombre d'options de crédit. Par conséquent, nous croyons que les banques qui projettent de fusionner doivent être disposées à préciser le rôle qu'elles comptent donner au service aux particuliers et aux petites entreprises au sein des activités de la nouvelle banque, et à expliquer très clairement quelles seront les répercussions de la fusion proposée sur l'accessibilité du crédit.

    Comme les résultats financiers des banques de l'ensemble de l'Amérique du Nord l'ont illustré une fois de plus l'an dernier, les particuliers et les petites entreprises demeurent l'épine dorsale de notre secteur d'activités. La concurrence, qui est déjà féroce sur ce marché, ne pourra donc que s'intensifier. Au nom de mon entreprise, je peux vous assurer que, avec ou sans fusion, nous continuerons à respecter notre engagement à servir le marché canadien des PME, comme nous le faisons depuis fort longtemps. Plus précisément, je promets que, quoi qu'il advienne, nous continuerons à affecter à ce secteur au moins la même proportion de notre capital global que BMO Groupe financier y consacre aujourd'hui.

    À l'appui de cet engagement, permettez-moi d'attirer votre attention sur les remarquables réalisations de BMO dans le domaine des programmes de crédit destinés à venir en aide aux petites entreprises en période de ralentissement économique. En maintenant toujours la disponibilité du crédit sans égard aux fluctuations de la situation économique, nous sommes parvenus à plus que doubler notre part du marché du crédit à la PME depuis la récession du début des années 90. Alors que BMO se classe au cinquième rang des banques canadiennes sur le plan de l'actif, nous ne sommes dépassés que par la plus grande banque canadienne dans ce marché—et nous nous rapprochons lentement mais sûrement de notre objectif d'être le leader dans le domaine du crédit à la PME. Si les honorables membres du comité désirent en savoir plus sur nos initiatives destinées aux petites entreprises, je me ferai un plaisir de leur donner plus de détails.

    Pour ce qui est de la concurrence et de la croissance, permettez-moi de dire que je suis d'accord avec les Canadiens qui, en grande majorité, déclarent dans les sondages qu'ils tiennent à la présence d'un secteur des services financiers fort, en santé et, surtout, de propriété canadienne et qu'ils veulent que ce secteur conserve ces caractéristiques. Quelles que soient les autres raisons pouvant justifier leur opinion, l'une des principales est l'importance qu'ils accordent au maintien de sièges sociaux au pays, avec tous les avantages que cela comporte: les emplois directs et indirects de grande qualité, les occasions d'affaires pour les fournisseurs et les nombreuses autres retombées positives que la présence de ces sièges suppose.

    Les sondages confirment également que la plupart des Canadiens aimeraient voir les sociétés canadiennes se développer et réussir à l'étranger, et notamment, bien sûr, aux États-Unis. En outre, une étude de la Direction des études économiques de BMO indique que les relations d'affaires entre le Canada et les États-Unis—qui sont déjà les partenaires commerciaux les plus compatibles au monde—continuent à se développer et à s'approfondir. Quant à nous, nous avons la conviction, fondée sur nos propres travaux et sur de nombreuses autres études, que le succès futur d'un nombre croissant de sociétés et d'industries canadiennes proviendra non seulement du Canada, mais aussi de l'ensemble de l'espace économique nord-américain. Il est donc raisonnable de prévoir que le futur niveau de vie des Canadiens dépendra dans une grande mesure de la capacité d'entreprises de tous les secteurs de notre économie de rivaliser et de croître transnationalement, exactement comme nous le faisons.

Á  +-(1150)  

    BMO Groupe financier ambitionne de devenir une banque canado-américaine de premier plan, ayant son siège social au Canada. Notre stratégie de croissance consiste à investir dans nos activités de base au Canada—notre plus grande force et aussi la plus durable—tout en nous développant de manière importante mais sélective dans les marchés à croissance rapide des États-Unis. L'an dernier, 39 p. 100 de notre bénéfice net provenait des États-Unis, où nous nous employons énergiquement à élargir notre présence dans les secteurs des services aux particuliers et de la gestion de patrimoine. Et sur cette question, je tiens à ce qu'il n'y ait aucune ambiguïté: avec ou sans fusion, nous irons de l'avant.

    Déjà, BMO Groupe financier est au premier rang des banques canadiennes qui s'efforcent de réussir aux États-Unis. Notre actif moyen aux États-Unis, qui s'élève à plus de 75 milliards de dollars, fait de nous la plus importante institution financière canadienne dans ce pays. Ayant acquis une force considérable en tant qu'entreprise transnationale au cours des dernières années, alors même que notre secteur d'activité traversait une période fort difficile, nous nous trouvons aujourd'hui en excellente position pour poursuivre notre croissance au fur et à mesure que les conditions s'amélioreront.

    Pour nous, de BMO, une fusion représenterait un moyen d'accroître notre capital, ce qui nous permettrait de réaliser notre stratégie plus rapidement et plus efficacement. Si le gouvernement définit l'intérêt public d'une manière qui, de notre point de vue, rend une fusion viable, nous n'envisagerons que les partenariats susceptibles d'accélérer la réalisation de nos objectifs stratégiques. Nous croyons qu'une fusion soigneusement préparée et mise en oeuvre rendrait cette nouvelle banque canadienne—et l'ensemble du secteur des services financiers canadiens—encore plus compétitive sur les marchés internationaux, ce qui permettrait de conserver un plus grand nombre d'emplois de grande qualité chez nous.

    Malgré que cette perspective paraisse avantageuse à tous égards et pour tous, nous reconnaissons qu'il serait dans notre intérêt et dans celui du public d'expliquer à la population canadienne comment les plans d'expansion de la nouvelle banque influeraient sur ses investissements au Canada et de nous engager à conserver les principales activités du siège social, et les emplois de grande qualité qu'elles comportent, ici même, au Canada. Ce que je veux dire, et j'aimerais que ce soit tout à fait clair, c'est que tout projet de fusion de banques canadiennes devrait s'accompagner d'engagements formels envers la population canadienne sur les questions de l'accès aux services, du choix, de la concurrence et des plans de croissance.

    Pour ce qui est de la gestion de la transition, nous nous ferions un grand plaisir d'expliquer en détail les mesures que nous prendrions pour satisfaire les besoins et les intérêts de nos clients, de nos employés et de la collectivité en général pendant la période de transition. Il s'agit-là, à mon avis, d'une leçon que ma banque et l'ensemble de notre secteur d'activité ont déjà retenue.

    Nous apprécions grandement la relation particulière qui nous lie aux Canadiens, ainsi que le fait qu'ils s'attendent à ce que nous les traitions de façon équitable, avec franchise, confiance et respect. Nous considérons que nous leur devons des explications sur la façon dont une fusion de banques influerait sur leur vie. Nous croyons, par exemple, qu'il est dans l'intérêt du public que des banques qui projettent de fusionner expliquent clairement quelles seraient les incidences de la fusion sur leurs tarifs, leurs produits et la qualité de leurs services.

    Et si j'en juge d'après notre propre expérience, je prétends que cette question et d'autres questions importantes sont plus faciles à résoudre qu'on pourrait le croire à première vue. Comme certains des honorables membres de ce Comité le savent peut-être déjà, lorsque le Bureau de la concurrence a ordonné à la Banque Toronto-Dominion et à Canada Trust de se dessaisir d'un certain nombre de succursales lors de la fusion de ces deux sociétés, il y a trois ans, BMO en a acquis 12, la plupart dans le sud-ouest de l'Ontario. Conscient de l'importance de bien faire les choses avec nos nouveaux clients et de les impressionner favorablement dès le début, nous avons agi avec résolution et rapidité. Ainsi, au jour prévu pour la conversion des comptes, nous avons automatiquement inscrit dans les nouveaux comptes les autorisations de dépôt direct et de paiement automatique qui étaient liées aux anciens comptes sans que les clients aient à se préoccuper de quoi que ce soit. Nous avons également mis sur pied un centre d'appel spécial pour répondre aux questions et aux préoccupations de nos nouveaux clients. Et nous avons pris l'engagement de ne fermer aucune succursale, ne pas réduire les services et de ne pas modifier les heures d'ouverture des succursales ni la tarification pendant toute la période de transition.

    Comment les clients ont-ils réagi? Et bien je puis vous dire que selon notre indice de la qualité du service, les clients des succursales que nous avons acquis nous classent légèrement au-dessus de la moyenne nationale des succursales de BMO. Je ne voudrais pas minimiser les répercussions éventuelles d'une fusion sur les employés, mais j'aimerais tout de même rappeler aux honorables membres du Comité que les pratiques des banques canadiennes en matière de gestion des ressources humaines jouissent d'une réputation enviable. Par conséquent, nous de BMO, serions heureux d'expliquer comment nous nous y prendrions pour profiter de l'attrition naturelle, du recyclage professionnel et des réaffectations de personnel pour limiter les pertes d'emploi dans les cas de chevauchement et de double emploi. Nous serions aussi disposés à exposer les principes qui fonderaient le calcul des indemnités de licenciement.

    Si vous jetez un coup d'oeil sur la façon dont nous avons traité les employés des succursales que nous avons acquises de TD Canada Trust, vous constaterez que nous avons maintenu leur salaire, leurs avantages sociaux, leur ancienneté et leur régime de retraite, et que nous avons même mis sur pied des programmes d'apprentissage personnalisés pour chacun de nos nouveaux collègues.

Á  +-(1155)  

    Comment les nouveaux employés ont-ils réagi à ces mesures? Eh bien, sur les 186 anciens employés de notre concurrent qui se sont joints à nous, 180 sont restés et, selon ce que nous apprend l'incidence de la qualité du service, ils offrent un excellent service à la clientèle. Le moment me paraît opportun de souligner que si BMO envisage une fusion, quelle qu'elle soit, ce sera pour appuyer une stratégie de croissance, non pour supprimer des emplois, même s'il est probable qu'il y aurait quelques suppressions de postes à court terme, mais plutôt pour bâtir une entreprise plus forte, qui pourrait embaucher encore plus gens et offrir de meilleurs emplois. Par conséquent, nous serions disposés à faire connaître nos prévisions concernant la croissance du nombre des emplois dans la nouvelle banque.

    J'ai déjà exposé une grande partie de ce que je considère comme les obligations qu'ont les banques qui souhaitent fusionner envers leurs collectivités, pour maintenir les niveaux actuels d'accès et de choix. Ces obligations pourraient être satisfaites par la vente des succursales jugées excédentaires par le Bureau de la concurrence à des concurrents ayant un réseau canadien moins développé, et ces derniers sont passablement nombreux par les temps qui courent, comme les membres du comité ont pu s'en rendre compte. Pour ce qui est de notre propre expérience récente dans ce domaine, je peux vous dire que les retombées ont été positives pour tous, employés, clients et collectivités.

    En 2000 et 2001, nous avons vendu 84 de nos succursales à des concurrents de qualité, soit à des coopératives de crédit de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba, ainsi qu'à la Banque nationale au Québec. Le résultat, qui constitue selon moi un modèle pouvant s'appliquer aux fusions, est que les clients ont conservé leur banque et leurs relations avec les employés, tandis que ces derniers ont pu conserver leurs emplois. Pour ces collectivités, les avantages directs et indirects semblent évidents, mais n'oublions pas non plus ce qu'une vente de succursale peut représenter pour des concurrents de plus petites tailles désireux d'élargir leurs réseaux de services aux particuliers.

    Soit dit en passant, le fait que des colosses d'envergure mondiale tels que HSBC et ING figurent maintenant parmi nos concurrents de plus petite taille ne nous déconcerte pas le moins du monde. Enfin, nous voyons la concurrence d'un bon oeil, car elle assure un choix plus varié aux clients et nous incite à travailler plus dur et plus intelligemment pour les convaincre de faire affaire avec nous.

    Il est aussi intéressant de noter que, grâce en grande partie à la révolution technologique que notre secteur d'activité a contribué à susciter et qu'il continue à alimenter par ses investissements considérables dans la technologie, les consommateurs de services financiers disposent maintenant d'un choix de fournisseurs plus grand que jamais auparavant. Et j'ajouterai qu'il n'y a jamais eu non plus un plus vaste choix de produits et de services, dont la plupart sont facilement accessibles par téléphone, par ordinateur ou par guichet automatique.

    Depuis sa fondation en 1817, BMO Groupe financier a toujours su s'adapter aux changements importants qui se produisaient dans les domaines économiques et politiques et dans celui de la concurrence. Nous avons déjà réalisé pas moins de neuf groupements majeurs avec d'autres banques canadiennes ainsi que plusieurs autres au cours des dernières décennies, alors que nous avons intégré des sociétés de courtage et de fiducie à nos secteurs d'activité. Aujourd'hui, alors que la tendance au regroupement gagne en force le secteur bancaire et que les relations d'affaires à l'intérieur de l'espace économique nord-américain se développent et se complexifient, nous sommes fin un prêts pour la prochaine vague de changement.

    Notre document d'information explique de façon plus détaillée, d'un point de vue historique, national et international, comment une fusion bien planifiée et bien gérée devrait se faire et peut se faire dans l'intérêt du public. Ce document présente également un certain nombre de recommandations que BMO Groupe financier accepterait volontiers d'appliquer en cas de fusion.

    En résumé, voici ce que nous croyons que des banques désireuses de fusionner devraient faire dans l'intérêt du public. Elles devraient exposer les grandes lignes de leurs plans pour continuer à répondre aux besoins des collectivités rurales, notamment en s'engageant à y maintenir une succursale pendant une période raisonnable, qui pourrait être de trois ans. Elles devraient expliquer clairement quelles sont les répercussions de la fusion sur les tarifs, les produits et les services. Elles devraient s'engager à vendre toutes les succursales désignées comme excédentaires par le Bureau de la concurrence à des institutions financières ayant un réseau canadien moins développé, telles que des caisses d'épargne et de crédit et des banques régionales ou étrangères. Elles devraient expliquer la place qu'auront les services aux particuliers et aux petites entreprises dans les activités de la nouvelle banque ainsi que les répercussions de la fusion sur l'accès au crédit. Elles devraient expliquer comment leurs projets d'expansion internationale influeront sur leurs investissements dans leurs activités au Canada et s'engager à maintenir au pays les principales activités de leur siège social ainsi que les emplois de grande qualité qu'elles comportent. Elles devraient préciser comme elles vont s'y prendre pour tirer le meilleur parti de l'attrition, du recyclage professionnel et de la réaffectation de personnel pour limiter les pertes d'emploi dans les cas de chevauchement ou de double emploi à court terme. Elles devraient indiquer le nombre des postes qui seront supprimés à court terme et les principes en vertu desquels les employés touchés pourront bénéficier d'indemnités de licenciement. Et enfin, elles devraient fournir des prévisions sur la croissance de l'emploi que leurs transactions entraînera à long terme.

    De plus, madame la présidente, je vous demanderais de considérer avec indulgence deux propositions concernant le processus d'examen lui-même. Je recommanderais premièrement que le comité parlementaire puisse bénéficier des rapports du Bureau de la concurrence et du Bureau du surintendant des institutions financières avant d'examiner un projet de fusion. Deuxièmement, il faudrait que l'examen soit mené promptement, de manière à réduire autant que possible l'incertitude pour les employés, les clients et les actionnaires.

  +-(1200)  

    Je crois fermement que l'immense majorité des Canadiens comprennent et considèrent que les banques du Canada, bien que certainement perfectibles, sont parmi les meilleures au monde. Et qu'elles ont joué et continueront à jouer un rôle crucial dans la création d'emplois et la croissance économique. Nous attendons de ce comité qu'il prenne la prochaine mesure cruciale qui permettra aux banques canadiennes de continuer à faire face à la concurrence, ici même et à l'étranger. En formulant une définition claire de l'intérêt public, ce comité nous permettra de saisir les nouvelles occasions qui se présenteront et nous aurons la certitude que nos décisions d'affaires seront régies par des règles claires appliquées équitablement et promptement.

    Je vous remercie encore de m'avoir donné cette occasion de vous présenter mon point de vue. Je suis prêt à répondre à vos questions, merci.

  +-(1205)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Nous allons commencer par M. Harris, qui a cinq minutes.

+-

    M. Richard Harris: Merci, madame la présidente.

    M. Comper, merci de nous avoir présenté un exposé très clair. Vous avez traité bon nombre de sujets sur lesquels nous nous sommes interrogés au cours de nos audiences des derniers jours.

    Pour ma part, je suis tout à fait disposé à accepter les solutions proposées quant à la rationalisation du nombre de succursales, surtout dans les régions rurales, et au vide qu'il faudra combler par conséquent. Nous avons entendu le témoignage des coopératives de crédit et des banques de second rang, qui se sont dites en fait très intéressées par les futures fusions. Je suis donc très rassuré par les réponses que nous avons obtenues à ce sujet.

    La question des petites entreprises me préoccupe encore. Il s'agit de nouvelles entreprises familiales qui ont besoin de marges de crédit de 25 000 $ ou de 50 000 $. Pour les banques, c'est probablement de la menue monnaie, mais les petites entreprises et les marges de crédit de jusqu'à 250 000 $ sont encore un élément très important dans notre économie. Je sais que BMO a décidé de prendre des mesures dynamiques pour acquérir une part du marché des petites et des moyennes entreprises.

    Ma question est donc la suivante. Abstraction faite des mesures que vous prenez pour devenir un chef de file dans le crédit aux petites entreprises, si BMO décidait de fusionner avec une banque plus grande—je ne peux pas donner l'exemple de la Banque royale, car elle fait aussi énormément pour les petites entreprises—disons une banque qui n'a pas la même vision que vous par rapport au marché des PME. Quelle garantie aurions-nous que votre nouveau partenaire adopterait votre vision et qu'elle pourrait être réalisée?

+-

    M. Tony Comper: C'est une excellente question, monsieur Harris. Tout d'abord, la première chose que nous disons à nos employés, c'est que les fusions ne sont pas une stratégie. Elles sont tout au plus des tactiques qui peuvent accélérer l'exécution d'une stratégie—surtout grâce à l'augmentation des capitaux. Dans notre cas, cela signifie l'expansion sur le marché américain.

    Nous n'avons donc pas besoin d'une fusion pour réussir, mais cela nous aiderait à croître plus rapidement, surtout à l'extérieur du marché canadien. Mais bon nombre de fusions échouent. Dans les diverses solutions d'affaires parmi lesquelles nous pouvons choisir, y compris les fusions, l'un des facteurs importants pour accélérer cette stratégie consiste à trouver un partenaire qui partage notre conception des créneaux à occuper. C'est un élément très important, car dans la plupart des grandes fusions qui ont eu lieu, pas nécessairement au Canada mais plutôt à l'extérieur de nos frontières, certaines ont échoué par manque de vision commune et de compatibilité culturelle. C'est donc un élément important pour nous, pour toute proposition que nous pourrions présenter.

+-

    M. Richard Harris: D'accord, je comprends cela. Je savais que vous auriez une réponse, mais je souhaitais qu'elle soit confirmée aux fins de nos audiences.

+-

    M. Tony Comper: Je me permets d'ajouter que, si nous avons obtenu d'aussi bons résultats auprès des petites entreprises, c'est que nous considérons que chaque client est important. Il n'existe pas de clients sans importance. Nous avons bâti notre entreprise un client à la fois, et chacun est important.

+-

    M. Richard Harris: Je comprends.

    Vous avez dit à plusieurs reprises que vous seriez prêt à publier et à diffuser diverses solutions pour atténuer les effets d'éventuelles fusions. Dites-vous que cela devrait faire partie du train de propositions d'une fusion, une fois les directives connues? Seriez-vous prêt à nous faire part de ces solutions avant que nous produisions à l'intention du ministre notre rapport sur l'intérêt public?

  +-(1210)  

+-

    M. Tony Comper: Ce serait difficile. Ces solutions pourraient faire partie de notre évaluation des répercussions sur le public, mais ce serait bien difficile, monsieur Harris, de les présenter autrement que dans le contexte d'un cas particulier.

+-

    M. Richard Harris: Je sais que vous ne voulez pas trahir vos secrets commerciaux, mais vous dites par exemple: «exposer les grandes lignes de leurs plans pour continuer à répondre aux besoins des collectivités rurales, notamment en s'engageant à y maintenir une succursale...» Cela serait-il énoncé en toutes lettres dans une proposition de fusion, comme bon nombre des autres éléments...

    M. Tony Comper: Oui.

    M. Richard Harris: Très bien, merci beaucoup. Le temps passe vite dans notre métier, merci.

[Français]

+-

    La présidente: Monsieur Paquette, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Pierre Paquette: Merci, madame la présidente.

    D'abord, j'aimerais poser une question courte. Il s'agit d'un pari que j'ai fait. J'aimerais savoir ce que signifie le «O» dans BMO.

[Traduction]

+-

    M. Tony Comper: C'est en fait le symbole que l'on trouve aux bourses de Toronto, de Montréal et de New York.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Merci. Je crains d'avoir perdu mon pari.

    Dans votre document, vous dites:

...une banque beaucoup plus grande et plus solide serait, en toute logique, plus en mesure de conserver des succursales en région rurale.

    J'ai de sérieux doutes à ce sujet. En fait, tous les banquiers qui sont venus ici ont avoué, en toute transparence--et je les en félicite--que s'ils voulaient réaliser une fusion, c'était d'abord pour dégager des fonds afin de faire des acquisitions ailleurs.

    On se retrouve donc à jouer sur une patinoire qui est plutôt continentale ou internationale. Dans ce contexte, rien ne garantit qu'une mégabanque canadienne s'intéressera aux communautés rurales ou aux quartiers comportant des populations plus pauvres. D'autant plus que la Banque de Montréal, la Banque Nationale et d'autres banques délaissent déjà certains quartiers et certaines régions. À titre d'exemple, prenons l'est de Montréal, où on ne trouve pratiquement pas de succursales bancaires, mais où il y a des Caisses populaires.

    Bref, comment pouvez-vous déclarer qu'en toute logique, une plus grande banque serait en mesure de mieux desservir les communautés rurales? Vous voulez sans doute aussi parler de l'ensemble de la communauté.

[Traduction]

+-

    M. Tony Comper: Permettez-moi de vous donner un exemple qui m'est venu à l'esprit. Supposons que deux banques ayant chacune une succursale dans la même collectivité décident de fusionner. Les résultats des deux succursales sont bons mais les possibilités de croissance sont limitées. Chacune des deux banques, agissant séparément, pourrait décider que sa succursale n'est pas rentable et qu'il serait plus sage de la fermer en raison d'une population stable ou décroissante, etc. Or, si ces deux banques fusionnaient, il serait possible d'avoir une plus grande succursale ayant des caractéristiques économiques bien différentes. Ainsi, la fusion permettrait de conserver la succursale dans la collectivité. Tandis que, sans la fusion, deux succursales à peine rentables auraient été fermées.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Vous parlez d'engagement; or, plusieurs personnes ont souligné déjà qu'advenant la fusion de certaines banques, des engagements devraient être pris en termes d'accès aux services et à la diversité de ces derniers.

    Une disposition de la loi permet déjà au ministre des Finances de négocier avec les banques des comptes à frais modiques. Je voudrais savoir si la Banque de Montréal et la BMO ont entrepris avec le ministère des Finances des discussions concernant cette disposition de la loi qui a été adoptée en juin 2001.

[Traduction]

+-

    M. Tony Comper: Êtes-vous en train de parler du protocole d'entente que nous avons contenu de fournir avec le gouvernement...?

    M. Pierre Paquette: Oui.

    M. Tony Comper: Nous avons déjà signé cette entente qui est en vigueur.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Mais comment cela s'est-il concrétisé pour ce qui est de vos propres comptes? Quels types de comptes correspondent à cette notion de compte à des frais modiques?

[Traduction]

+-

    M. Tony Comper: Il s'agit de comptes d'exploitation de base, auxquels des particuliers ont accès. Ils comportent de faibles frais de service dont on a convenu et qui sont prélevés mensuellement, et les personnes qui en font la demande peuvent effectuer un certain nombre de transactions.

  +-(1215)  

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: Je vais poser une dernière question.

    On sait tous que, dans le cas où le gouvernement envisagerait la fusion des banques, il y aurait probablement deux ou trois projets sur la table. Comment prévoyez-vous le déroulement du processus dans un tel contexte? Est-ce qu'on devrait prendre en compte l'ensemble des projets qui sont sur la table pour ensuite choisir le meilleur au plan économique ou au point de vue de l'intérêt public?

    On pourrait aussi envisager la possibilité que deux projets soient acceptés. Cependant, même les sénateurs, qui sont très favorables aux fusions bancaires, disaient qu'une fusion était envisageable, mais qu'une deuxième était improbable. Bref, dans ces circonstances, quel processus devrait-on adopter pour choisir le meilleur ou les deux meilleurs projets de fusion?

[Traduction]

+-

    M. Tony Comper: C'est quelque peu hypothétique, et je ne crois pas qu'il y ait de chiffre exact. Mais le gouvernement a établi le processus et je crois qu'il devrait être suivi par quiconque veut faire une proposition, et qu'il devrait satisfaire aux critères de sécurité et de validité du BSIF. Est-ce que cela réduit la concurrence? C'est le travail du Bureau de la concurrence et de la Loi sur la concurrence. Cela répond-il aux critères de l'intérêt public? C'est ce que le présent comité et le Comité sénatorial cherchent à déterminer.

    Donc, tous ceux qui veulent présenter une proposition devraient être tenus de franchir ces obstacles et de satisfaire à ces critères, après quoi le gouvernement se prononcera sur son bien-fondé, après avoir reçu les conseils du présent comité, entre autres.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Nick Discepola): Je demanderais maintenant à M. Cullen de poser ses questions. Vous avez cinq minutes.

[Traduction]

+-

    M. Roy Cullen: Je vous remercie, monsieur le président; et je vous remercie, monsieur Comper.

    Je tiens tout d'abord à féliciter M. O'Neill, le nouveau président de la National Association of Business Economics, le premier Canadien et le premier non-Américain. Je crois que les Canadiens devraient être fiers de cette nomination.

    Monsieur Comper, en ce qui concerne les fusions des banques, nous avons entendu juste avant vous le témoignage de M. Clark, et selon le scénario qu'il a décrit, le gouvernement, le ministre des Finances, avec vraisemblablement l'appui du premier ministre—peu importe le modèle de gouvernance en vigueur—serait ouvert en principe à une forme quelconque de fusion, à condition qu'elle satisfasse aux critères du BSIF, du Bureau de la concurrence et de l'intérêt public définis par les différents comités et le Comité sénatorial. On pourrait concevoir qu'il soit disposé à envisager peut-être un, deux ou trois projets, ou même un nombre illimité de projets. Je n'en suis pas sûr mais disons que c'est le gouvernement qui le déciderait à ce moment-là.

    Un autre scénario serait que les banques présentent un projet qui répond à certains critères minimum qui serait énoncé par notre comité, mais qui permettrait, dans un certain sens, l'affrontement d'idées. En d'autres mots, en raison de la consolidation de leur assise au niveau national, les deux banques qui fusionnent pourraient offrir à leurs clients nationaux de meilleurs produits, de meilleurs services et peut-être un accès plus étendu, parce qu'elles devraient traiter avec une autre entreprise pour reprendre les succursales—c'est du moins une chose réglée—et ensuite pour ce qui est des prêts à la petite entreprise, la consolidation de l'assise permettrait peut-être d'offrir de nouveaux produits, de profiter de nouveaux débouchés.

    Autrement dit, je sais que quand j'étais consultant en gestion, nous avions toujours pour principe de soumissionner. Il existait certaines exigences de base. Il faut répondre à ces critères, mais pour que notre projet l'emporte, nous le présentions de façon à ce qu'il soit plus intéressant pour le client.

    Quelle est l'approche préférable: simplement établir un seuil afin que chacun sache que si vous satisfaistes à ces exigences minimales, alors selon la volonté du gouvernement d'autoriser les fusions, la proposition sera acceptable, ou mettre en concurrence des propositions pour déterminer laquelle répond le mieux à l'intérêt de la plupart des consommateurs canadiens?

+-

    M. Tony Comper: Je crois qu'il faudrait privilégier la première approche. Je ne crois pas que la décision devrait être basée sur le choix de la proposition la plus attrayante ou quelque chose du genre. Je crois que le travail du gouvernement et du présent comité est d'établir des paramètres qui permettront de préciser les attentes du gouvernement pour ce qui est de satisfaire aux critères de l'intérêt public.

    Donc, personnellement je préférerais que l'on établisse une série de règles et que si on les adopte, alors le gouvernement puisse se prononcer sur le bien-fondé des projets présentés.

+-

    M. Roy Cullen: Très bien, je vous remercie.

    Lorsque Doug Peters était ici l'autre jour, il a fait valoir qu'une fois qu'on avait procédé à une fusion, il était difficile de revenir en arrière. Donc, pour ce qui est des engagements qu'une ou deux banques pourraient prendre en ce qui concerne les fermetures, le traitement des employés, l'offre de nouveaux produits, ou quoi que ce soit, comment le gouvernement fait-il pour s'assurer que ces engagements seront concrétisés?

  +-(1220)  

+-

    M. Tony Comper: C'est un bon argument, monsieur Cullen. Je vous répondrais que je suivrais les constatations et les recommandations du groupe de travail MacKay en 1998, puisque M. MacKay et ses collègues ont énoncé assez clairement la notion de force exécutoire. Nous serions en faveur des règles énoncées par le groupe de travail MacKay.

+-

    M. Roy Cullen: Très bien.

    La banque HSBC et les caisses populaires nous ont indiqué qu'en fait la concurrence pourrait être plus grande dans certains des secteurs où, selon le Bureau de la concurrence, il faudrait se départir de certaines succursales, et vous auriez donc de nouveaux protagonistes, et cela pourrait créer une concurrence accrue. Je crois que vous avez dit que vous voyez d'un bon oeil cette concurrence.

    Vous avez fait l'acquisition de certaines succursales suite à la fusion de TD-Canada Trust...

    M. Tony Comper: C'est exact.

    M. Roy Cullen: ...et les caisses populaires ont aussi repris certaines de vos succursales.

    M. Tony Comper: C'est exact.

    M. Roy Cullen: Qu'avez-vous pensé de cette expérience? Vous en avez parlé brièvement mais vous pourriez peut-être nous donner un peu plus de détails sur la façon dont ces types de transactions ont influé sur la concurrence.

+-

    M. Tony Comper: Les circonstances étaient effectivement quelque peu différentes dans le cas des succursales dont nous nous sommes départis par rapport aux succursales dont nous avons fait l'acquisition. En ce qui concerne les succursales que nous avons reprises de TD Canada Trust, 10 sur les 12 d'entre elles se trouvaient dans le sud-ouest de l'Ontario, la plupart aux alentours de Kitchener. Pour toute une série de raisons historiques, notre présence dans ce secteur était un peu plus faible que celle de notre concurrent, par conséquent il était très intéressant pour nous de faire l'acquisition de ces 10 succursales et de leur clientèle. Cela a amélioré notre position concurrentielle.

    Comme je l'ai mentionné dans mes commentaires, nous mesurons le niveau de satisfaction de nos clients, et nos anciens concurrents qui sont désormais nos collègues font du très bon travail auprès de nos clients à cet égard. Cette expérience a par conséquent amélioré notre compétitivité à exercer une concurrence sur ce marché.

    TD et Canada Trust n'étaient pas particulièrement enchantées de devoir se départir de ces succursales, parce qu'elles étaient assez intéressantes. Comme vous le savez, c'est une région du pays très intéressante qui connaît une croissance rapide. Je crois que nos concurrents ont constaté l'impact de notre concurrence accrue dans ce secteur. C'est un marché très concurrentiel.

    En ce qui concerne les succursales dont nous nous sommes départis—et on revient ici à la question du maintien des services dans les localités—nous ne voulions pas particulièrement nous départir de ces succursales, mais il s'agissait de secteurs de notre réseau dont la croissance était relativement plus lente. Elles étaient toutefois intéressantes pour les caisses populaires et la Banque nationale du Québec qui les ont achetées, parce qu'elles n'étaient pas représentées dans ces régions.

    Donc, le résultat c'est que nous avons gardé la succursale dans la collectivité, nous avons gardé tous les employés et nous avons gardé l'accès aux services. Les caisses populaires étaient satisfaites; nous avons obtenu nos ressources et nous avons pu les déployer dans ce que nous considérons être des régions à croissance rapide. Je crois donc que cette expérience a été profitable pour tous. C'est certainement ce que nous ont indiqué les élus municipaux et provinciaux.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Nous allons maintenant passer à Mme Guarnieri.

+-

    Mme Albina Guarnieri: Merci, madame la présidente.

    J'aimerais vous remercier d'être l'un des premiers représentants des grandes banques à suggérer des conditions de fusionnement qui pourraient peut-être commencer à atténuer les préoccupations dont on nous fait part depuis des années. Jusqu'ici, on a essentiellement constaté que cela avantagerait les banques et présenterait des risques éventuels pour les entreprises et autres clients. Il est donc encourageant que, finalement, quelqu'un veuille bien discuter franchement de ces problèmes.

    Dans vos observations liminaires, vous avez fait allusion à une question dont nous ont fréquemment parlé Catherine Swift et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. En effet, lorsqu'elle a comparu devant nous, elle nous a démontré que les prêts et lignes de crédit aux PME avec des plafonds de prêts autorisés de 200 000 $ ou moins avaient plafonné depuis dix ans alors que les prêts aux grandes entreprises avaient augmenté de plus de 30 p. 100 pour le capital.

    Aujourd'hui, si je vous ai bien compris, vous avez offert une garantie que, quoi qu'il arrive, vous réserveriez au moins la même proportion du capital global aux PME que le fait aujourd'hui BMO Financial Group. Cela veut-il donc dire que sans fusionnement, les prêts aux entreprises qui ont besoin de 200 000 $ ou moins ne devraient pas bouger mais qu'avec un fusionnement, ils pourraient en fait augmenter au même rythme que les plus gros prêts?

    Corrigez-moi si je me trompe, mais c'est comme si vous offriez non pas le statu quo mais une amélioration sensible avec le temps pour les petites entreprises. Est-ce bien cela?

  +-(1225)  

+-

    M. Tony Comper: Oui. J'ajouterais toutefois une petite réserve. Je ne connais pas les données de Mme Swift. Elles ne semblent pas correspondre aux chiffres que nous avons. En fait, nous avons nettement accru notre ouverture aux PME comme l'indique notre croissance et notre part du marché.

    Je tiens à souligner que servir les PME est très rentable pour les banques. C'est très intéressant. Voici donc 15 ans maintenant que nous nous efforçons de développer ce secteur particulier. Cela va rester intéressant pour nous et si nous envisagions un fusionnement quelconque, notre éventuel partenaire devrait également considérer que c'est intéressant. Ça l'est.

    Je puis vous assurer que le gouvernement n'a pas à faire quoi que ce soit pour nous faire prêter aux PME. C'est une opération très intéressante et ça le restera. En fait, notre découvert dans les petits prêts a également augmenté chaque année au cours de la période que vous avez mentionnée.

+-

    Mme Albina Guarnieri: Merci de nous avoir précisé cela et j'espère que c'est une bonne nouvelle pour les PME.

    Vous savez qu'un des résultats possibles de ces audiences est que nous trouvions une façon par laquelle les fusionnements pourraient en fait être avantageux pour le grand public ainsi que pour les PME, la population rurale et les Autochtones. Ce que l'on a constaté jusqu'ici, et le grand public semble bien d'accord, c'est qu'il est bien préférable que le gouvernement oblige les banques ou d'autres entreprises à remédier aux problèmes sociaux ou structurels que connaît notre économie plutôt que d'accroître la bureaucratie.

    Un bon exemple est la question des hypothèques sur les réserves indiennes. Jusqu'ici, le gouvernement n'a rien fait pour permettre aux gens d'utiliser leur résidence comme garantie pour des prêts et hypothèques, si bien que cela a considérablement ralenti le développement. Je crois savoir que votre banque, par exemple, a un programme visant à remédier à ce problème particulier. Peut-être voudriez-vous nous en parler et nous dire si vous envisageriez d'élargir ce programme au cas où vous soyez autorisés à fusionner.

+-

    M. Tony Comper: Merci de cette question. C'est très intéressant parce que c'est un exemple classique de ce que j'appelle la loi des conséquences imprévues. Comme vous l'avez dit, la Loi sur les Indiens empêche de prendre une garantie hypothécaire ou additionnelle sur les maisons des réserves. Ainsi, personne n'est prêt à les financer.

    Afin de remédier à ce problème, il y a un peu plus d'une dizaine d'années, notre collègue Ron Jamieson a commencé à travailler avec les Premières nations dans tout le pays. Il nous a fallu à peu près deux ans. Ce n'était pas facile mais nous sommes parvenus à mettre au point une technique, sans garantie gouvernementale, nous permettant de prêter dans les réserves et de financer la construction de logements. Je n'entrerai pas dans tous les détails. Nous avons toutefois maintenant un tel programme dans 14 des localités où vivent les Premières nations. C'est un peu complexe comparé aux méthodes de prêt hypothécaire normales mais cela fonctionne très bien. Je crois que cela répond à un besoin légitime là où nous avons instauré ce programme.

+-

    Mme Albina Guarnieri: M. Godsoe nous a donné une idée de son rêve continental. Peut-être voudriez-vous nous dire quels sont les idées et plans futurs de votre banque.

+-

    M. Tony Comper: Nous avons beaucoup de chance en ce sens qu'un de mes prédécesseurs avait su voir venir que la croissance des banques canadiennes serait importante, surtout dans la partie continentale des États-Unis, lors des fusions. Cela nous a permis d'être déjà plus importants aux États-Unis que toutes les autres banques canadiennes, et nous continuons à nous développer.

    Cette stratégie comporte essentiellement deux volets. On ne peut pas réussir en dehors de son marché intérieur si l'on n'est pas très solide sur ce dernier. Nous continuerons donc toujours d'investir dans cette activité clé de BMO Financial Group au Canada. Toutefois, une croissance sélective mais importante aux États-Unis est ce que nous visons parce qu'il y a une telle fragmentation dans le secteur bancaire aux États-Unis que la croissance par acquisition ainsi que la croissance organique est une proposition plus attirante et que nous avons besoin des ressources en capital pour le faire.

    Pour l'avenir, nous voyons une intégration très rapide des économies canadienne et américaine. Mon collègue Tim vient de faire une recherche très intéressante sur l'intégration des économies nord-américaines.

    D'ailleurs, c'est une bonne chose pour le Canada. Vous seriez ahuris de savoir combien de sociétés canadiennes réussissent très bien aux États-Unis. En fait, l'investissement direct étranger de Canadiens aux États-Unis atteint presque le même montant que l'investissement direct étranger des États-Unis au Canada, ce qui est surprenant quand on s'attend normalement à un rapport de dix à un. Les Canadiens réussissent donc très bien.

    Si c'est le cas, nous croyons que les banques canadiennes deviendront des acteurs transnationaux, fermement établis de part et d'autre de la frontière, servant leurs clients canadiens, leurs clients américains, leurs clients canadiens qui opèrent aux États-Unis et leurs clients américains qui opèrent au Canada.

    C'est là notre vision. C'est ce à quoi aspire BMO Groupe financier. En fait, c'est déjà la situation pour nous. Nous continuerons à nous développer à un rythme plus rapide mais nous sommes désavantagés par rapport aux Américains qui ont une devise plus forte et peuvent se développer par acquisitions.

    Pardonnez-moi, madame la présidente, je m'emporte, comme vous le voyez.

    La présidente: Merci beaucoup.

  +-(1230)  

+-

    Mme Albina Guarnieri: Pourrait-on leur demander de nous communiquer les résultats de certaines de ces recherches.

+-

    La présidente: La documentation qui contient le guide d'intégration est distribuée aujourd'hui.

    J'ai encore quatre personnes à ma liste. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur Comper, nous les laisserons toutes poser leurs questions.

    M. Tony Comper: Certainement.

    La présidente: Allez-y, monsieur Nystrom.

+-

    M. Lorne Nystrom: J'ai quelques questions.

    Tout d'abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue.

+-

    M. Tony Comper: Merci.

+-

    M. Lorne Nystrom: Ma question porte sur le rôle de notre comité à l'avenir et sur la reddition de comptes en contexte démocratique.

    Le Comité des banques du Sénat a recommandé qu'il n'était peut-être pas nécessaire que le comité de la Chambre des communes examine à l'avenir une proposition précise de fusion de banques. Votre collègue, M. Nixon, de la Banque royale, partage cet avis tout comme M. Raymond de la Banque nationale. Peter Godsoe n'était pas de cet avis. Il estime qu'il serait peut-être nécessaire que le comité des finances examine l'incidence sur le public d'une future fusion.

    Quelle est votre position, faut-il ou non que le comité des finances examine une fusion possible à l'avenir? Pour moi, la reddition de comptes est extrêmement importante. Nous représentons les citoyens de tout le pays.

+-

    M. Tony Comper: Je pense que la question ne se pose pas puisque le ministre des Finances a demandé à votre comité de donner son opinion sur l'intérêt public.

    Je pense donc que c'est important et qu'ensuite c'est la responsabilité qu'il a confiée au comité. Je suis tout à fait d'accord avec cette façon de procéder. Je partage tout à fait votre opinion que le comité a un rôle à jouer au niveau de l'intérêt public.

+-

    M. Lorne Nystrom: Je suis heureux que vous partagiez notre avis et celui de M. Godsoe.

    Dans un rapport de Standard & Poor d'il y a environ un an, il était question de la fusion de banques et des nombreuses mises à pied que cela entraînerait. On dit notamment, et je cite:

Outre les craintes du gouvernement qu'il y ait concentration indue dans le secteur bancaire canadien, les mises à pied massives que cela entraînerait constitueraient un suicide politique.

    Comment persuader un gouvernement de se suicider politiquement? M. Discepola est très difficile à convaincre et donc comment le convaincre si une fusion bancaire risque d'entraîner des dizaines de milliers ou des centaines de milliers de mises à pied? Comment persuader quelque gouvernement que ce soit que les banques vont rendre des comptes sur ces mises à pied? C'est une préoccupation très réaliste du public.

+-

    M. Tony Comper: Évidemment, c'est ce que j'ai tenté de dire dans notre exposé, il faut donner des précisions au sujet de la perte d'emplois. C'est peut-être là, permettez-moi de vous le suggérer, quelque chose que le comité voudra mentionner expressément au nombre des éléments principaux de ce qui constitue l'intérêt public.

  +-(1235)  

+-

    M. Lorne Nystrom: Évidemment, votre banque s'est portée acquéreur de la Banque Harris il y a plusieurs années aux États-Unis. Dans ce même rapport de Sandard & Poor que j'ai sous les yeux, il est dit que la Banque Harris représente un secteur stable pour la Banque de Montréal mais que sa performance n'est pas très dynamique.

    Comment une fusion rendrait-elle une banque plus dynamique?

+-

    M. Tony Comper: D'abord, je rejette l'hypothèse qu'elle n'est pas dynamique.

    En 1978, la Banque Harris avait une succursale au centre-ville de Chicago. En passant, c'était la loi dans l'Illinois que chaque banque devait avoir une succursale. Voilà une loi dont les conséquences n'étaient pas prévues: maintenant il y a 145 succursales et un million de clients.

    Nous avons donc transformé cette banque de ce qui était essentiellement une succursale de gros au centre-ville en succursale de détail et de commerce dans un marché—le Chicago métropolitain; «Chicagoland» c'est ce qu'on l'appelle—qui a un PIB équivalent à 40 p. 100 de celui du Canada, je parle de la ville de Chicago. C'est donc un marché très attrayant et comme je l'ai dit, nous avons triplé la taille de cette banque surtout ces dernières années, et la croissance continue très rapidement.

    Toutefois, il n'en demeure pas moins que nous avions deux fois le capital que nous avons maintenant... En dollars US, notre capital se chiffre à environ 13 milliards de dollars, je parle de notre capitalisation. Nous faisons concurrence dans ce marché à des banques qui grossissent par des acquisitions. Leur capitalisation est considérablement plus élevée et ce en dollars US qui valent considérablement plus que le dollar canadien. Nous sommes donc désavantagés sur le plan de la concurrence si nous recherchons la croissance par acquisition plutôt que par croissance interne.

    Nous faisons des acquisitions. Nous en avons fait dix au cours des quelques dernières années, toutes aux États-Unis, mais c'est beaucoup plus coûteux pour une banque canadienne à cause de la capitalisation. Nous ne pouvons pas faire concurrence à des banques comme Bank of America ou Wachovia, ou...

+-

    M. Lorne Nystrom: Permettez-moi de poser la question différemment puisque vous avez si bien réussi dans cet exemple que vous donnez. Manifestement, vous ne partagez pas l'opinion de Standard & Poor, mais vous avez très bien réussi.

    Supposons que la fusion bancaire proposée en 1998, entre vous et la Banque royale ait eu lieu. Jusqu'à quel point la Banque Harris aurait-elle été plus dynamique aux États-Unis? La fusion des deux grandes banques se serait faite il y a quatre ans. Jusqu'à quel point cela aurait-il été préférable? Vous avez très bien réussi. C'est très dynamique. Est-ce que ce serait superdynamique ou est-ce que la banque serait beaucoup plus grosse? Pouvez-vous nous dire ce qu'il en serait?

+-

    M. Tony Comper: C'est difficile à dire précisément, mais la banque serait beaucoup plus grosse. Les actifs combinés seraient beaucoup plus importants qu'ils ne le sont aujourd'hui.

+-

    M. Lorne Nystrom: Oui, je le sais, mais avez-vous une idée du nombre supplémentaire de succursales que vous auriez ou de l'envergure de vos activités, ou du nombre de personnes supplémentaires à votre emploi ou du montant plus élevé de votre bilan pour cette nouvelle banque fusionnée? Pouvez-vous être un peu plus précis?

+-

    M. Tony Comper: C'est difficile, monsieur Nystrom. C'est pure spéculation et c'est donc difficile.

+-

    M. Lorne Nystrom: C'est vraiment l'inconnu. Je vous demande ce que vous en pensez au meilleur de votre connaissance, pas un chiffre précis.

+-

    M. Tony Comper: Permettez-moi de faire un retour en arrière. Dans l'industrie des services financiers aux États-Unis, on est en phase de consolidation aujourd'hui et alors qu'il y avait 14 000 banques il y a 10 ans, il y en a maintenant 8 000. Il y a donc une vague de consolidation.

    Si nous regardons l'histoire canadienne, c'est exactement ce qui s'est produit ici de 1890 à 1920. Nous n'avions pas 14 000 banques, mais nous en avions beaucoup plus qu'aujourd'hui. Nous avons connu une vague de consolidations. En passant, à l'époque tout comme aujourd'hui, les politiciens étaient inquiets au sujet de la fusion des banques. Ce n'était pas une solution magique.

    Le résultat toutefois, c'est que le Canada possède un des meilleurs systèmes bancaires au monde. Quoiqu'il en soit, il y avait des considérations économiques et sociales autour de ces consolidations. Le gouvernement du Canada a facilité les choses et a permis ces fusions et nous nous sommes retrouvés avec un système bancaire très solide.

    Toutefois, le temps ne s'arrête pas. Il faut continuer à grossir si on veut contribuer à la croissance économique et à la prospérité du Canada. Les fusions sont une façon de procéder.

+-

    M. Lorne Nystrom: Merci beaucoup. Et s'il y avait inquiétude, c'est que vous avez une planche à billets. Voilà pourquoi les gens sont inquiets.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Comper. Nous allons maintenant passer à M. Wilfert qui sera suivi de M. Brison et de M. Discepola.

+-

    M. Bryon Wilfert: Merci, madame la présidente. Monsieur Comper, je vous remercie de cet exposé.

    Nous voulons maintenir notre système bancaire et je pense que nous avons effectivement un système bancaire très solide au Canada, un système qui fait l'envie du monde entier par son fonctionnement.

    En même temps, j'entends dire que de nombreuses fusions ne fonctionnent pas, vous l'avez mentionné aujourd'hui, et M. Godsoe a mentionné qu'il y a échec dans jusqu'à 70 p. 100 des cas. Nous avons vu ce qui s'est passé au Japon, et gros n'est pas nécessairement mieux.

    Vous avez mentionné deux choses, d'abord l'aspect culturel lorsque deux éléments différents sont réunis, dans ces cas-ci deux banques différentes—et deuxièmement, la question d'une vision partagée.

    Je tiens à vous féliciter de votre mémoire «l'intérêt public et les fusions de grandes banques» parce que c'est probablement le texte le plus convaincant que j'aie vu jusqu'à présent parce que vous y faites six recommandations essentielles sur l'intérêt public, ce qui est très important à mon avis. Je note tout particulièrement—comme vous le mentionnez à la page 2—que «les fusions ne peuvent servir l'intérêt public que lorsqu'elles contribuent à une hausse de la croissance économique et du niveau de vie des Canadiens».

    J'ai déjà dit que de façon générale, j'accepte l'argument avancé par les banques sur l'aspect international. Ce qui me préoccupe, c'est ce qui se passe ici; je veux un secteur financier fort sous contrôle canadien et je suis frappé par votre présentation d'aujourd'hui, par ce que vous avez dit au sujet des petites entreprises et ce que M. Godsoe a dit au sujet des petites entreprises. J'ai entendu tous ceux qui disent que ce n'est pas... Lorsque Catherine Swift, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, était ici, elle a dit que ses membres étaient très préoccupés et pourtant vous et d'autres nous disez que cela n'est pas conforme à la réalité.

    Si j'accepte ce que vous m'avez dit, il reste à déterminer comment obtenir de l'information claire sur vos politiques de prêt et sur votre performance au niveau des services? J'ai posé la question, je vais la poser un peu différemment.

    Je sais qu'aux États-Unis, il y a la Community Reinvestment Act et je ne veux pas dire que c'est ce que je souhaite voir ici, mais vous avez dû vous y conformer aux États-Unis, et vous adapter à un système financier différent. Il faut que nous puissions assurer aux Canadiens, et certainement aux petites entreprises, que quoi qu'il arrive—et je prends à coeur certaines de vos suggestions ici—l'accès au financement ne disparaîtra pas pour les entreprises.

    J'aimerais que vous abordiez ces deux aspects et aussi que vous nous parliez de cette vision générale que vous avez de vous installer aux États-Unis et d'y faire de l'expansion. Quelle serait l'incidence sur vos avoirs au Canada à l'avenir?

  +-(1240)  

+-

    Mr. Tony Comper: Monsieur Wilfert, pour répondre à votre première question, le mieux que je peux faire, en ce qui concerne l'accès au crédit, c'est vous dire que depuis plus de 15 ans maintenant, nous avons constamment mis l'accent sur le segment de la petite entreprise et nous n'aurions pas doublé notre part du marché si nous n'avions pas été là pendant les bonnes années et les mauvaises, surtout lors de la crise de 1990-1991 et encore il y a quelques années lorsqu'il y a eu ralentissement et baisse.

    Nous étions constamment là et nous étions là pour nos clients des petites entreprises. Et pourquoi? Comme je l'ai dit, parce que c'est bon pour les affaires. Ce n'est pas parce que nous y sommes obligés, mais parce que c'est un secteur très attrayant. En fait, nous pensons que les détaillants et les entreprises commerciales, les petites entreprises, constituent la pierre angulaire de nos activités nationales.

    Je pense que notre performance se passe de commentaires et comme je l'ai dit, je ne me proposerais pas d'envisager, parmi tous nos choix, la fusion ou la consolidation avec une entité qui ne partagerait pas notre point de vue sur l'importance de ce secteur.

    Quant à la deuxième partie de votre question sur la croissance aux États-Unis, pouvez-vous m'aider un peu?

+-

    M. Bryon Wilfert: Cela semble être l'une des options que vous... Toutes les banques nous ont dit que ce n'est pas un problème au Canada parce que les intervenants sont relativement solides. Le problème vient de l'élément international et je le comprends facilement. Cela m'inquiète un peu et même beaucoup quand on parle d'intégration et qu'on dit qu'il faudra peut-être modifier les règles de propriété au Canada pour que...

    Le Canada est très différent des États-Unis et, parfois, il y en a qui veulent prendre le meilleur de ce qu'ils croient voir aux États-Unis sans tenir compte de tous ces facteurs. Comme les fusions ont un taux d'échec de 70 p. 100, la même occasion risque de ne pas se présenter plus tard. Ou bien nous faisons ce qu'il faut immédiatement, ou bien il y aura des conséquences catastrophiques pour le secteur financier canadien, je pense, et pour l'ensemble des Canadiens. Il suffit de voir ce qui se passe au Japon.

+-

    M. Tony Comper: En ce qui concerne les restrictions relatives à la propriété, je ne pense pas que ce soit nécessaire d'en avoir pour nous protéger de la concurrence. Je suis tout à fait en faveur de la concurrence étrangère. Le fait est, cependant, que c'est la politique publique relative à la concurrence qui a permis à l'industrie des services financiers de prendre de l'expansion au Canada et de devenir ce qu'elle est maintenant. Nous avons été très bien servis par ces politiques, mais nous n'en avons pas besoin pour être concurrentiels.

    La politique publique a joué un rôle important et nous a bien servis jusqu'ici, mais cette politique n'est pas nécessaire pour que nous soyons concurrentiels et je serais tout à fait d'accord pour égaliser les chances et permettre plus de concurrence.

    Par ailleurs, cela veut dire aussi qu'on ne doit pas créer des obstacles pour nos propres industries des services financiers en permettant à d'autres industries qui ne sont pas limitées par les mêmes règles de venir au Canada pour alimenter la concurrence. Je pense qu'il faut égaliser les chances et je pense que nous devrons favoriser cette concurrence si nous voulons continuer à prendre de l'expansion.

+-

    M. Scott Brison: Merci, madame la présidente, et merci, monsieur Comper, d'être venu témoigner devant le comité aujourd'hui. Je vois aussi un compatriote néo-écossais, Tim O'Neill. Je suis très heureux que vous soyez venu et nous sommes très fiers de vos succès et de l'honneur que vous vous êtes mérité récemment.

    Tout d'abord, je vous félicite de certains de vos programmes pour la petite entreprise. Il y a récemment eu une publicité dans le Hill Times pour annoncer des prêts aux entreprises au taux préférentiel. J'aurais bien aimé pouvoir en profiter à l'époque où j'avais une petite entreprise. Je ne serais peut-être pas admissible à ce taux aujourd'hui, je n'en suis pas certain. Ils sera en vigueur jusqu'au 31 mars? Je pense que c'est une bonne initiative.

    Il existe déjà un processus d'examen des conséquences pour les consommateurs. Il y a le Bureau du surintendant des institutions financières, le Bureau de la concurrence et les lois sur le travail. Ce sont des obstacles difficiles à surmonter. Il y a aussi un ministre des Finances qui représente un gouvernement qui doit se faire réélire tous les trois ou quatre ans. Cela constitue en soi un processus d'examen des conséquences pour le consommateur. Votre rôle consiste à aider le gouvernement à faire passer le message.

    En 1998, au moment du projet de fusion entre votre banque et la Banque Royale, vous aviez proposé au ministre de l'époque, Paul Martin, de doubler les prêts aux petites entreprises, de créer une banque distincte pour les prêts aux PME, de baisser les frais de service, de fournir des garanties d'emploi et d'assurer les services aux localités rurales. Je pense que vous faites quelque peu fausse route parce que je n'ai pas l'impression que le gouvernement actuel examine le projet en songeant à l'intérêt du public. Il me semble que vous pourriez offrir une bière gratuite à tous les clients de la banque le vendredi sans que cela fasse une grande différence. Selon moi, le gouvernement actuel s'intéresse davantage à la politique qu'à l'intérêt du public.

    Cet été, le ministre des Finances a accepté les projets de fusion en douce et, à l'automne, le Premier ministre a dit qu'il n'y aurait pas de fusion jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite. Vu l'approche politique sulfureuse digne d'une république bananière que prend le gouvernement à l'égard de votre secteur, pensez-vous vraiment qu'un projet de fusion pourrait être accepté avant les prochaines élections?

  +-(1245)  

+-

    Mr. Tony Comper: Ce que je souhaite, monsieur Brison, et c'est pour cela que je suis venu et il me semble que c'est de cela que le ministre a chargé le comité, c'est qu'on précise les règles, que l'on éclaircisse le processus pour que, outre les questions qui relèvent clairement du mandat du BSIF et du Bureau de la concurrence, soit la sûreté, la solidité et le maintien de la concurrence, on voit s'il y a d'autres problèmes à régler.

    Le critère de l'intérêt public a jusqu'ici été l'un des éléments du processus d'approbation des projets de fusion. Il y a eu beaucoup d'ambiguïté à propos de la meilleure façon de protéger l'intérêt des consommateurs. Selon moi, c'est pour cela que le ministre des Finances a demandé à votre comité de voir ce qu'il faudrait faire en plus des processus du BSIF et du Bureau de la concurrence.

+-

    M. Scott Brison: Mais il s'est passé quatre ans, et même plus que quatre ans, depuis que vous avez examiné des choses comme les prêts aux petites entreprises, les frais de service, les garanties d'emploi, les localités rurales et les services à ces localités. Quels autres critères y a-t-il en plus de ceux que vous avez déjà mentionnés à propos des fusions? Je suis un des rares membres du comité qui étaient là à l'époque et sont encore ici aujourd'hui. Je trouve lamentable que nous en soyons encore au même point quatre ans après, alors que durant cette période les autres pays ont radicalement transformé leurs pratiques en matière de services financiers, de fusions, de consolidation et tout le reste. Je crois que le Canada s'est fait distancer à cause du climat d'incertitude politique dans lequel nous visions.

    En plus des critères dont vous aviez parlé il y a quatre ans et de ceux dont vous avez déjà parlé aujourd'hui, quels autres critères pourraient être inclus dans le cadre d'un nouvel ensemble de conditions et d'un nouveau processus d'examen des conséquences?

+-

    M. Tony Comper: C'est justement ce que j'attends de voir comme résultat des travaux du comité, monsieur Brison. Je veux voir s'il y a d'autres considérations en plus des critères évidents sur lesquels nous sommes sans doute tous d'accord, comme l'accès au crédit, l'accès aux services pour les localités rurales, etc.

+-

    M. Scott Brison: Ce serait peut-être une bonne idée d'instaurer ce programme de bière gratuite.

+-

    Mr. Tony Comper: Rappelez-vous le processus. La dernière fois qu'on a proposé des fusions en 1998, le gouvernement a été très clair. Il a dit: «un instant, vous allez trop vite, vous anticipez le processus.» Le gouvernement voulait que le groupe de travail MacKay finisse son travail, que le projet de loi C-8 soit adopté et qu'un processus soit instauré pour l'approbation de fusions.

    C'est maintenant chose faite et la seule chose qui reste concerne ce que le comité du Sénat ou votre comité pourrait dire quant à la définition du critère de l'intérêt public. J'espère que nous pourrons ensuite y voir clair dans les règles du jeu et dans le code de la route.

+-

    M. Scott Brison: Mais les marchés de capitaux n'aiment pas l'incertitude. À cause de l'incertitude politique créée par le gouvernement et de l'édit du Premier ministre interdisant les fusions de banques, les actions des banques ont baissé de 3 p. 100, je pense. Comme de 9 à 10 millions de Canadiens détiennent des actions dans une banque directement ou indirectement, ne pourrait-on pas dire que ce que nous faisons maintenant est contraire à l'intérêt du public, que cette façon de poursuivre un débat sans fin n'est pas dans l'intérêt du public et que ce qui manque vraiment c'est le leadership politique, c'est-à-dire un gouvernement, un ministre des Finances et un Premier ministre qui disent simplement oui ou non? Qu'on propose des fusions bancaires ou qu'on nous fiche la paix un certain temps parce que le processus commence à être vraiment frustrant pour nous tous, y compris vous-mêmes.

+-

    La présidente: Vous avez déjà dépassé le temps qui vous était alloué, monsieur Brison.

    Monsieur Comper, voulez-vous répondre à la question?

+-

    M. Tony Comper: Je serais certainement d'accord pour dire que, plus nous agirons avec rapidité pour passer à travers toutes les étapes du processus et le définir, mieux notre intérêt et celui de tous les Canadiens sera servi.

+-

    La présidente: Merci.

    Vous avez les cinq dernières minutes, monsieur Discepola.

    Merci, monsieur Brison.

+-

    M. Nick Discepola: Merci, madame la présidente.

    Quand le Bureau de la concurrence et le BSIF sont venus témoigner devant nous, ils ont fait allusion à un processus qui, à l'époque, en 1998, si ma mémoire est bonne, prenait plus de neuf mois. La mesure proposée prévoit maintenant que le processus d'examen prenne tout au plus cinq mois. Je crois que l'industrie est généralement prête à accepter ce délai de cinq mois, et je me demande s'il est acceptable pour vous—y compris l'examen par notre comité parlementaire, que l'on semble privilégier.

    Le délai vous paraît-il acceptable? Je vous le demande dans le contexte de la réponse que vous avez faite à M. Cullen, je ne veux pas essayer de paraphraser ce que vous avez dit, alors prenez tout le temps nécessaire pour répondre.

    Vous avez semblé indiquer que vous êtes pour le principe du premier arrivé, premier sorti. Le Bureau de la concurrence et le BSIF ont également semblé indiquer qu'ils seraient tenus, de par le règlement ou la loi, d'étudier la première demande de fusion qui serait reçue avant d'entreprendre d'étudier la deuxième.

    Je me demande comment, en toute justice, nous nous astreindrions à ce principe du premier arrivé premier sorti. Seriez-vous prêts à accepter que nous étudiions une demande de fusion de la TD et de la CIBC avant la vôtre, ou devrions-nous plutôt inviter tous ceux que cela intéresse à nous faire une proposition dans un certain délai, après quoi nous pourrions procéder à une discussion et une analyse des deux?

  +-(1250)  

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    M. Tony Comper: Je suis désolé, monsieur Discepola, si je vous ai donné l'impression que j'étais pour le principe du premier arrivé, premier sorti, car je ne le suis pas. Ce que je croyais avoir dit, c'est que le processus existe et qu'il devrait pouvoir être appliqué à toutes les propositions qui seraient faites. Ainsi, je ne suis pas en faveur du principe du premier arrivé premier sorti. J'estime qu'il faudrait examiner toutes les propositions.

    Pour ce qui est du délai, le processus d'approbation des fusions prévoit un délai de cinq mois considéré comme raisonnable pour que tout le travail soit fait, et je trouve cela acceptable. Je ne voudrais certainement pas que le processus s'éternise. M. Brison a fait remarquer que les marchés des capitaux détestent l'incertitude, mais c'est le cas de tout le monde, y compris de nos employés, de nos clients et de tous ceux qui pourraient être touchés. Mais nous pourrions certainement nous accommoder du délai de cinq mois qui est prévu dans le processus d'approbation des fusions.

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    M. Nick Discepola: Techniquement parlant, vous auriez pu fusionner dès 1998. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

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    M. Tony Comper: Je crois que c'est parce que le gouvernement a dit qu'il devait faire certaines choses et définir les règles du jeu. Cela incluait le groupe de travail MacKay, projet de loi C-8, le processus d'approbation d'une fusion, l'examen des trois critères—le Bureau du surintendant des institutions financières, le Bureau de la concurrence, l'intérêt public—et enfin, le ministre des Finances a chargé ce comité-ci et le Comité sénatorial des banques de la dernière étape du processus.

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    M. Nick Discepola: L'un des principaux obstacles—et on en a parlé à n'en plus finir—est l'assurance qu'il y aura plus de capital pour les petites entreprises. Certains prétendent qu'on devrait commencer par les prêts aux petites entreprises, et vous avez entendu les témoignages de la FCEI et d'autres.

    Je me souviens qu'en 1998—comme vous, Scott, moi aussi j'étais ici—lorsque M. Barrett a comparu devant—je ne me souviens pas trop—le comité de M. Ianno ou le comité des finances, il s'est engagé à fonder une banque pour les petites entreprises. Cette initiative m'a beaucoup impressionné.

    Si ce besoin existait en 1998, pourquoi n'existe-t-il plus depuis 1998? Voilà ce qui provoque le cynisme lorsque vous dites que vous êtes en faveur d'un accroissement du capital offert aux petites entreprises.

    Accepteriez-vous non seulement de divulguer vos statistiques sur les prêts, comme vous l'avez évoqué, mais aussi d'imposer une sorte de quota...? Je n'aime pas utiliser ce terme, car je sais que cela vous froisse, mais si vous n'êtes pas forcés à consentir un plus grand nombre de prêts ou poursuivre vos pratiques de prêts actuelles... Comment être sûr que M. Barrett aurait bel et bien fondé sa banque pour petites entreprises et que le problème ne se poserait plus maintenant, et qu'il n'aurait pas vendu ses actions pour partir à Londres, en Angleterre, ou quelque chose du genre?

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    La présidente: Je crois que nous attendrons votre réponse.

    Allez-y, monsieur Comper.

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    M. Tony Comper: Merci.

    Avec tout le respect que je vous dois, la seule chose que je vous dirais, c'est que je ne suis pas en faveur d'un système de quota parce que cela sous-entend que nous n'appuierons pas les petites entreprises, sauf si nous sommes forcés à le faire. Ce que je veux dire, c'est que les petites entreprises sont une bonne chose pour nous. Inutile de nous forcer de faire affaire avec elles. Au cours des 10 dernières années, nous avons doublé notre part du marché et avons toujours appuyé les petites entreprises parce que c'était logique de le faire. Cela présente des avantages financiers pour nous.

    Si certains de nos concurrents ne partagent pas cette opinion, tant mieux, parce que cela nous laisse plus de marge. Mais à notre avis, il s'agit là de pure logique économique et nous aimons bien travailler avec les petites entreprises. Vous n'êtes pas obligés de nous contraindre à le faire, parce que nous voulons le faire.

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    M. Nick Discepola: Alors que feriez-vous pour rassurer le secteur de la petite entreprise? Nous avons entendu beaucoup de témoignages sur cette question, depuis 1993-1994 si je ne m'abuse, lorsque je siégeais au comité de l'industrie qui étudiait l'accès au capital.

    Rien n'a été résolu. On entend encore dire que les petites entreprises n'ont pas accès au capital. Certains craignent que si nous permettons le fusionnement des banques et si vous vous accaparez des marchés étrangers, par exemple, ce sont les consommateurs canadiens, soit les petites entreprises ou autres, qui paieront les frais de certaines pertes que vous réaliserez en pénétrant ces marchés étrangers.

    Vous savez très bien que ces investissements prennent longtemps avant de devenir rentables, alors vous subirez des pertes à court terme. Comment pouvez-vous nous garantir que ce ne seront pas les Canadiens qui en subiront les conséquences?

  -(1255)  

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    M. Tony Comper: Eh bien, je crois que dans notre cas, notre parcours en dit long. Même si nous connaissons une expansion aux États-Unis, nous avons toujours appuyé les petites entreprises au Canada.

    Les petites entreprises se financent de plusieurs façons. Comme vous le savez, l'une d'entre elles consiste à emprunter aux banques—ou à d'autres fournisseurs, soit dit en passant. Il existe beaucoup d'organismes prêteurs. Les petites entreprises peuvent aussi s'autofinancer; elles utilisent leurs fonds propres. Il y a environ huit ans, nous avons fondé la corporation d'investissement en capital de la Banque de Montréal, une filiale de capital-risque visant à aider les petites et très petites entreprises. À l'heure actuelle, plus de 400 millions de dollars en capital-risque sont prêtés à des petites entreprises partout au pays, et c'est l'une des façons que nous avons répondu à cette demande.

    Notre expansion aux États-Unis remonte en fait en 1818. Nous y avons des bureaux depuis 184 ans, et nous y avons eu un parcours assez impressionnant. Nos activités aux États-Unis sont très lucratives, et 39 p. 100 des revenus nets de la Banque de Montréal proviennent des États-Unis.

    En général, les Canadiens ne voient pas les banques comme des industries exportatrices, mais nous sommes pourtant un exportateur important de produits et services, et une grande partie des revenus de ces exportations reviennent ici et sont transformés en dividendes que la banque paie aux Canadiens actionnaires de la banque.

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    La présidente: Merci beaucoup. Au nom de tous les collègues ici présents, je voudrais vous remercier d'avoir préparé un exposé et d'être venu aujourd'hui pour répondre à nos questions.

    La séance est levée jusqu'à cet après-midi, lorsque nous entendrons notre dernier témoin, M. MacKay.

    Merci.