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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 27 février 2003




Á 1105
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ)
V         Le président
V         M. Nicholas Katsepontes (conseiller juridique en politiques, Congrès Hellénique Canadien)

Á 1110
V         Le président
V         M. Nicholas Katsepontes

Á 1115
V         Le président
V         M. Bill Janzen (directeur du Bureau d'Ottawa, Mennonite Central Committee Canada)

Á 1120

Á 1125

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)

Á 1140
V         M. Nicholas Katsepontes
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Nicholas Katsepontes
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Nicholas Katsepontes
V         Le président
V         M. Nicholas Katsepontes

Á 1145
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Bill Janzen
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Nicholas Katsepontes
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

Á 1150
V         M. Nicholas Katsepontes

Á 1155
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral

 1200
V         M. Nicholas Katsepontes
V         Le président

 1205
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

 1210
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         M. Bill Janzen

 1215
V         Le président
V         M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)
V         Le président

 1220
V         M. John O'Reilly
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         M. Bill Janzen
V         Le président
V         Dre Anu Bose (directrice exécutive, National Organization of Immigrant and Visible Minority Women of Canada)

 1225
V         Le président
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Dre Anu Bose

 1235
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Dr. Anu Bose
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Dre Anu Bose
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Dre Anu Bose
V         Le président

 1240
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Dre Anu Bose
V         Mme Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         Ms. Madeleine Dalphond-Guiral
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Dre Anu Bose
V         Mme Libby Davies
V         Dre Anu Bose
V         Mme Libby Davies
V         Dre Anu Bose

 1245
V         Mme Libby Davies
V         Dre Anu Bose
V         Mme Libby Davies
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         Dre Anu Bose
V         Le président

 1250
V         Dre Anu Bose
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 048 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 27 février 2003

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues.

    Nous reprenons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

    Nous entendrons trois témoins. Les deux premiers sont déjà arrivés, et la troisième devrait se joindre à nous bientôt.

    Je remercie nos témoins de s'être déplacés. Merci d'avoir livré vos points de vue au comité concernant la Loi sur l'immigration, ainsi que de votre travail acharné au profit de vos collectivités.

    Vous aurez sept minutes environ pour résumer la teneur de vos mémoires.

    Malheureusement, le mémoire du Congrès hellénique est en anglais seulement. Madeleine accepte généralement très gracieusement que les documents soient soumis quand même.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Pas aujourd'hui, malheureusement.

+-

    Le président: Je vous demande simplement de ne pas faire référence au mémoire dans votre résumé. Nous ne vous poserons pas de question directement liée. Nous le ferons traduire. Pouvez-vous nous donner un résumé des enjeux mis en lumière et de vos recommandations? Nous vous poserons ensuite des questions sur votre exposé.

    Nicholas, kalé spera.

    

+-

    M. Nicholas Katsepontes (conseiller juridique en politiques, Congrès Hellénique Canadien): Kalé spera. Merci, monsieur le président.

    Mon nom est Nicholas Katsepontes. Je représente le Congrès hellénique canadien. Notre association constitue le principal groupe de défense des intérêts sociaux, politiques et économiques des Canadiens d'origine hellénique.

    Nous nous sommes vivement intéressés à la Loi sur la citoyenneté, au projet de loi à l'étude, ainsi qu'au projet de loi C-16, mort au Feuilleton. Nous avons d'ailleurs soumis un mémoire sur le sujet au Sénat. Nous avons été ravis de constater que les suggestions et les commentaires que nous avions formulés ont été adoptés, ou pris en compte, ou qu'on a au moins soulevé et examiné nos préoccupations lors de l'examen du nouveau projet de loi.

    Notre mémoire—je suis désolé du retard. Je l'ai soumis aujourd'hui seulement mais, en temps normal, je l'aurais soumis à l'avance pour qu'il soit traduit. À l'avenir, nous nous y mettrons plus tôt. Bien que le mémoire propose un traitement technique et détaillé des enjeux, l'essence du problème est selon moi d'ordre philosophique. Il s'agit en effet d'établir ce qu'on entend par citoyenneté et comment nous allons définir ce qu'est un Canadien.

    Le projet de loi à l'étude comporte des termes comme «valeurs» ou «principes d'une société démocratique». À mon avis, nous devons prendre un certain recul pour déterminer ce que ces termes signifient pour nous. En effet, le projet de loi propose d'investir le ministre de certains pouvoirs, il propose des normes, et il propose tout compte fait un processus sans appel pour déterminer qui a droit à la citoyenneté, qui n'y a pas droit, et à qui nous pouvons la retirer.

    Je suis certain que nous sommes tous d'accord sur le fait que les criminels de guerre, les terroristes, ceux qui ont fait de fausses déclarations graves ou qui ont fraudé pour obtenir la citoyenneté canadienne ne la méritent pas. Cependant, pour notre collectivité, dont la grande majorité des membres sont des citoyens naturalisés canadiens, par choix et non du fait de leur naissance, la citoyenneté représente un bien précieux. Voilà pourquoi nous sommes inquiets qu'un document législatif donne à l'État le pouvoir de la retirer. Chacun d'entre nous chérit cette citoyenneté comme la prunelle de ses yeux. Parce qu'elle revêt une telle importance et une telle valeur aux yeux des Canadiens, il faut s'assurer que la loi rende sa révocation extrêmement difficile.

    Je le répète, des individus sont arrivés au Canada et ont obtenu leur citoyenneté alors qu'ils n'auraient pas dû. J'ai déjà nommé les catégories de personnes qui ne devraient jamais recevoir la citoyenneté.

    Cependant, le processus proposé dans le projet de loi dénote un déni flagrant de la justice naturelle et des principes fondamentaux de l'accès aux tribunaux. Certaines dispositions octroient au ministre un pouvoir discrétionnaire exagéré, à mon avis, d'introduire une instance dont le but est de priver des gens de leur citoyenneté. C'est l'un des aspects qui nous inquiètent.

    Pour en revenir à la question qui nous occupe aujourd'hui... Actuellement, nous vivons dans un climat de peur du terrorisme et nous sommes confrontés à de nouveaux problèmes concernant les réfugiés. Avant d'adopter une loi, il faut prévoir les conséquences de son application et l'analyse qu'on en fera dans 20 ans. Comme cette loi sera en vigueur pour un bon bout de temps, il faut lui donner une clairvoyance et une vision qui permettront de tenir compte des besoins qui émergeront au fil du temps.

    Il serait très fâcheux qu'un ministre ou son ministère puisse un jour utiliser la loi dans une intention contraire à celle qui était prévue. Il est risqué de donner à un ministre et à son ministère des pouvoirs dont nous ne pouvons présumer de l'utilisation dans 20 ou 15 ans d'ici.

    La seule protection contre ce risque, à mon sens, est de permettre l'accès le plus large possible aux tribunaux et aux principes de la justice procédurale. En effet, si un mécanisme permet de refuser ou de retirer un droit parmil les plus précieux, mieux vaut donner aux intéressés toutes les possibilités de se défendre contre l'État.

    Je sais que j'ai un peu dépassé le temps alloué. Je m'arrête ici. Je soumets mon mémoire à votre examen et j'attendrai vos questions avec grand plaisir. Merci de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Vos recommandations m'intéressent. Vous pouvez prendre quelques minutes encore pour nous exposer les solutions que vous proposez. Nous l'apprécierons beaucoup.

+-

    M. Nicholas Katsepontes: Mon mémoire contient quelques recommandations. Selon moi, l'un des aspects bénéfiques—la législation est très utile pour ce qui est de définir l'objet de la discussion. Le libellé contient des termes dont la définition fait l'unanimité, comme «large» ou «fausse déclaration». «Un mensonge est un mensonge...»—il y a une intention sous-jacente. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de discuter ni de leur signification, ni de leur définition.

    Par contre, des termes comme «fausse déclaration» ou «dissimulation de faits essentiels»... Je vais vous donner un exemple très précis. De nombreux membres de notre collectivité, même aujourd'hui, après avoir habité au pays pendant 30 ans, ne parlent pas très bien l'anglais. À leur arrivée, certains savaient à peine lire, même s'ils étaient passés par le système scolaire grec. Par conséquent, leur capacité à comprendre l'anglais peut être quelque peu déficiente, même après 30 ans. Ils peuvent fonctionner au quotidien, mais de là à comprendre la langue juridique ou le langage des formulaires, c'est une autre paire de manches.

    Le terme «dissimulation de faits essentiels» ne dit rien sur l'intention de la personne. Peut-être a-t-elle omis de déclarer quelque chose voilà cinq, dix ou quinze ans, quand elle a fait sa demande de citoyenneté, simplement parce qu'elle ne se doutait pas de sa pertinence ni de son importance. Or, selon la loi, on pourrait interpréter cette omission—encore une fois, aucune définition ne nous dit qui et comment—comme étant une dissimulation de faits essentiels. Pourtant, l'important est l'intention derrière le geste. Cette personne n'avait pas nécessairement l'intention de tromper, mais elle n'a tout simplement pas pensé à révéler un fait.

    Bref, j'ai des réserves au sujet de l'expression «dissimulation de faits essentiels» et sur son interprétation possible—même chose pour «faits essentiels». Peut-être est-il nécessaire de donner une définition plus élaborée de «fausse déclaration , de «fraude», de «dissimulation de faits essentiels»? Ce sont des termes utilisés dans la loi.

    La loi investit le ministre et le Cabinet d'un pouvoir que je qualifie de «surnaturel» de refuser la citoyenneté à quiconque fait preuve «d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels repose une société libre et démocratique». Sans nier une évolution certaine par rapport à la terminologie employée dans le projet de loi précédent, je me demande ce que cela signifie au juste. Nous devons nous poser la question suivante: qu'est-ce que cela signifie pour notre nation, pour vous, les législateurs, et quelle définition faut-il adopter?

    Dans notre mémoire, nous énonçons quelques-uns des éléments fondamentaux à prendre en compte lors de l'examen de cette terminologie. La liberté de religion, de réunion, de mouvement, le multiculturalisme comme moteur de la définition de l'identité canadienne, le respect et l'application des principes et des idéaux de la démocratie, ainsi que des principes et des normes les plus élevés en matière de droits de la personne et de défense de ces droits, le respect de la règle du droit et, enfin, le respect et l'application des normes internationales du droit sont autant d'éléments que vous devrez considérer.

    Selon nous, c'est l'une des façons d'envisager ces principes et ces valeurs. Paradoxalement, l'article qui les mentionne et qui en fait donc des éléments intégrants de la loi interdit le recours aux tribunaux à ceux qui voudraient justifier leur demande de citoyenneté canadienne. Si le Cabinet s'appuie sur un tel critère pour décider que quelqu'un ne mérite pas la citoyenneté canadienne, où placera-t-il la barre? Comment déterminera-t-il qu'une personne est coupable de grave mépris? Le mépris grave de quoi?

    Ces éléments lourds de conséquences doivent être circonscrits et bien compris avant d'investir quiconque d'un pouvoir de révocation. La compréhension doit s'appuyer sur une justification et sur une définition. Ce terme s'ajoute à la liste de ceux dont il faut discuter, pour arriver à les saisir et à les définir, avant de donner au Cabinet le pouvoir de refuser la citoyenneté à quiconque fait preuve à ses yeux d'un mépris grave. Peut-être cette décision appartient-elle à l'ensemble des Canadiens, pas seulement au Cabinet.

Á  +-(1115)  

    Notre dernière recommandation, qui procède d'une autre préoccupation, concerne la nouvelle formule d'administration proposée pour la Loi sur la citoyenneté. Nous mettons de côté le Bureau de la citoyenneté pour donner préséance à un processus administratif qui relèverait du Ministère. L'aspect le plus positif du Bureau de la citoyenneté était l'autonomie qui lui était reconnue et qui caractérisait son fonctionnement. Les juges de la citoyenneté étaient désignés pour un mandat donné, à l'instar de la plupart des juges, et ils avaient une certaine autonomie d'action par rapport aux directives gouvernementales du jour. Selon moi, il faut trouver le moyen de maintenir ce cadre.

    Nous craignons que des commissaires à la citoyenneté n'en viennent à agir selon le programme ou les directives d'un gouvernement, ou qu'ils soient contraints de les appliquer. Voulons-nous vraiment que l'évaluation en vue de l'octroi de la citoyenneté se déroule ainsi? Selon moi, le Bureau de la citoyenneté, ainsi que l'autonomie d'action qu'il contribue à créer et à maintenir, est essentiel pour garantir l'objectivité de l'évaluation des demandes de citoyenneté.

    C'est un héritage de l'ancienne législation, dont le fonctionnement nous laisse perplexes. Même si une législation semble en toute apparence neutre et parfaite, il faut se demander ce qu'il en sera dans dix ou quinze ans, quand le gouvernement aura changé. Beaucoup d'entre vous ne seront plus au comité, et d'autres ne seront plus tout court... D'autres personnes seront chargées d'interpréter et de faire appliquer la législation, et un autre gouvernement l'utilisera.

    Ce sont quelques-unes des principales recommandations que nous avons formulées. Encore une fois, je vous remercie du temps accordé et de votre patience.

+-

    Le président: Merci beaucoup, Nick, de vos interventions précédentes au sujet du projet de loi C-16, et surtout de participer à nos travaux sur le projet de loi C-18. Nous apprécions votre clairvoyance, le travail de qualité de la collectivité hellénique au Canada, et votre apport à notre pays.

    Bill Janzen témoignera au nom du Comité central mennonite du Canada. Bienvenue, Bill.

+-

    M. Bill Janzen (directeur du Bureau d'Ottawa, Mennonite Central Committee Canada): Merci, monsieur le président, et merci au comité de faire un examen minutieux du projet de loi afin de le rendre aussi parfait que possible à l'échelle humaine.

    Je souscris entièrement aux vues exposées par mon collègue. Cependant, je ne commencerai pas comme lui par vous annoncer que mon exposé sera d'essence philosophique. Je me situerai plutôt à l'autre bout du spectre puisque je m'intéresserai à l'application de la loi, à son administration. Nous avons relevé dans un article tellement de difficultés administratives que nous demandons qu'il soit aboli ou modifié.

    Le problème touche particulièrement les personnes nées à l'extérieur du Canada de parents canadiens. C'est le cas d'un nombre assez important de Mennonites, mais ils ne sont pas les seuls et notre organisation a prêté main forte à bien d'autres groupes. Le Canada, comme la plupart des nations, permet à des personnes nées à l'étranger de parents canadiens de demander la citoyenneté canadienne, mais pas indéfiniment. Après trois, quatre ou cinq générations nées à l'étranger, cette citoyenneté ne sera pas octroyée automatiquement.

    Voici le coeur de la question: quel mécanisme légal restreindra les moyens par lesquels des personnes nées à l'étranger auront accès à la citoyenneté? Le projet de loi C-18 comporte deux dispositions à cet égard. La première est le paragraphe 5(3, où il est stipulé tout simplement que l'admissibilité à la citoyenneté canadienne prend fin à compter de la deuxième génération, en commençant par les personnes nées après l'entrée en vigueur de la Loi en vigueur, en 1977. Ainsi, aux termes de la Loi, une personne née à l'extérieur du Canada d'un parent canadien est admissible à la citoyenneté canadienne, de même que son enfant, mais pas celui d'une troisième génération. L'enfant de la troisième génération devra tout d'abord devenir résident permanent, comme toute autre personne, d'où qu'elle vienne.

    Nous ne nous opposons pas à cette disposition, qui sera ajoutée à la Loi sur la citoyenneté canadienne. Les lois antérieures sur la citoyenneté n'ont jamais rien prescrit à cet égard, pas plus celle de 1977 que celle de 1947, ni la Loi sur la naturalisation de l'Empire britannique de 1914. Il s'agit d'une disposition nouvelle, que nous acceptons telle quelle.

    Une autre nouvelle disposition, l'article 14, porte aussi sur l'accessibilité à la citoyenneté canadienne pour les personnes nées à l'étranger. Très crûment, je dirai qu'il s'agit d'une disposition de récupération, suivant laquelle des personnes déjà titulaires d'un certificat de citoyenneté canadienne—ils sont donc citoyens canadiens—risquent de perdre cette citoyenneté à 28 ans si elles ne prennent pas certaines mesures auparavant. Nous ne perdrions pas de temps à contester l'intention de cette disposition ni sa teneur si elle était applicable. Cependant, son application soulève tellement de difficultés que nous demandons qu'elle soit révisée.

    Je m'explique. Cette disposition vise les personnes nées après l'entrée en vigueur de la Loi, soit une catégorie unique, très restreinte. La disposition aura pour résultat de priver de leur citoyenneté certaines personnes nées après l'entrée en vigueur de la Loi, en 1997, à l'âge de 28 ans.

    S'il existait un moyen sûr d'identifier ces personnes, nous ne contesterions pas. Par exemple, si une petite mention sur leur certificat de citoyenneté indiquait qu'il devenait invalide dès que le titulaire atteindrait l'âge de 28 ans, ou quelque chose du genre, nous serions plus au clair quant à la catégorie de personnes visée. Les titulaires verraient ces mots imprimés sur leur certificat. L'application serait possible. L'équité de la disposition serait très discutable, mais nous pourrions nous en accommoder. Nous ne contesterions pas une telle disposition.

Á  +-(1120)  

    Nous nous insurgeons contre la confusion qui règne à cet égard. Rien n'est mentionné sur les certificats. Les personnes susceptibles de se trouver dans la catégorie visée ont un certificat de citoyenneté canadienne en tout point semblable à celui des personnes qui ne sont pas visées par cette disposition sur la perte. Il n'existe aucun moyen de distinguer les certificats. Comment savoir alors qui est susceptible de perdre sa citoyenneté?

    Si, en 1977, les agents de citoyenneté avaient commencé à apposer une mention de ce genre sur les certificats, tout serait clair. Même si beaucoup d'entre eux doivent s'en mordre les doigts aujourd'hui, ils ne l'ont pas fait, pour diverses raisons, et nous sommes aux prises avec un problème administratif.

    Les certificats ne portent aucune mention. Les titulaires eux-mêmes peuvent difficilement savoir s'ils sont à risque de perdre leur citoyenneté. Il est tout aussi difficile pour les agents canadiens d'en être certains à moins de faire une étude très minutieuse des dossiers d'archives du Bureau de la citoyenneté. C'est le seul moyen pour un agent de citoyenneté d'établir qui est visé par la disposition sur la perte et qui ne l'est pas. Aucun fichier informatique n'indique si une personne qui porte un tel nom et qui est née un tel jour est susceptible de perdre sa citoyenneté.

    Je vais illustrer brièvement comment les choses pourraient se passer et quels seront les problèmes possibles. Supposons que vous apparteniez à la catégorie des personnes nées à l'extérieur du Canada et que vous soyez susceptible de perdre votre citoyenneté. Vous vivez à l'extérieur du Canada, aux États-Unis ou ailleurs, peu importe, et vous allez votre chemin, sans plus de question. Puis, à 28 ou 29 ans, vous décidez de revenir au Canada pour visiter vos grands-parents ou pour toute autre raison. À la frontière, vous présentez votre certificat de citoyenneté canadienne. Vous êtes certain de sa validité, et le douanier n'a aucune raison de mettre cette validité en doute. Aucun système informatique n'existe dans le domaine, et il serait à toutes fins utiles impossible de monter un fichier informatique d'identification. Vous êtes donc admis au Canada, et la vie continue. Aucune infraction apparente.

    Pourquoi laisser dans une loi une disposition qu'il est quasiment impossible d'appliquer? Ces personnes seront identifiables seulement si quelqu'un décide d'arpenter les dédales des bureaux de la citoyenneté, à Sydney, Nouvelle-Écosse, pour éplucher les dossiers.

    Deuxième exemple: Je suis certain que ces jours-ci, dans beaucoup de villes, des ambassades du Canada envoient des alertes, des avertissements et des mises en garde aux citoyens canadiens. J'ai vécu au Caire, en Égypte, pendant deux ans au milieu des années 90 et, de temps à autre, on se préoccupait du sort des étrangers. L'ambassade du Canada nous transmettait un avertissement dans lequel elle nous enjoignait à la plus grande prudence dans le choix de nos destinations, et nous recommandait de ne sortir qu'en cas d'extrême nécessité. L'ambassade avait mis au point un plan d'urgence en cas d'aggravation de la situation, etc.

    Toute ambassade du Canada tient pour acquis que les titulaires d'un certificat de citoyenneté canadienne sont des citoyens canadiens, tout comme les titulaires eux-mêmes sont convaincus d'être citoyens canadiens puisqu'ils possèdent un certificat qui le prouve. Les ambassades du Canada vont élaborer des plans d'urgence à l'intention de personnes qui auront en fait perdu leur citoyenneté canadienne à 28 ans, sans que personne le sache. Il est très difficile d'identifier ces personnes.

    Voici un troisième exemple. Supposons qu'une personne soit arrivée au Canada à un an. Puisqu'elle est née à l'étranger, elle appartient à la catégorie des personnes «susceptibles de perte», même si elle est arrivée au Canada avec ses parents alors qu'elle était âgée d'un an seulement. Cette personne a vécu dans notre pays comme toute autre personne qui en est native. Puis, à 30, 40 ou 50 ans, les choses changent. On a vérifié son dossier et on lui annonce que sa citoyenneté canadienne lui a été retirée quand elle a eu 28 ans.

Á  +-(1125)  

    Pourtant, cette personne vit au Canada depuis tout ce temps. Peut-être a-t-elle une excellente réputation. Elle entreprend d'écrire aux députés et aux ministres pour leur demander: «Quel est ce cirque? Je vis au Canada depuis que j'ai un an et on me dit que je ne suis pas citoyenne canadienne. J'ai payé des impôts, j'ai participé à telle et telle entreprise.» C'est un peu absurde.

    Je vais vous donner un autre exemple encore. Imaginez qu'une personne étant arrivée au Canada à 1 an, qui appartient à cette catégorie, décide de se rendre à l'étranger à l'âge de 21 ans—pour faire des études postsecondaires ou quelque chose du genre. Elle reste à l'extérieur du Canada pendant 5 ans, puis elle revient à 26 ans. Suivant l'article 14, il faut soumettre la demande de conservation de la citoyenneté avant 28 ans, et avoir été au pays au cours des 1 095 jours précédents, soit 3 ans.

    Donc, notre protagoniste étant revenue au Canada à 26 ans seulement, elle ne remplit pas la condition liée au délai. Pourtant, quand elle a franchi la frontière à 26 ans, son certificat était tout à fait valide. Malheureusement, elle ne pourra rien faire pour éviter de perdre sa citoyenneté canadienne à 28 ans. Elle n'a aucun recours.

    Un autre exemple... Mais vous avez peut-être assez d'exemples. Je vais procéder autrement. Je vais raconter un événement que notre organisation a tenté d'organiser parce que certaines collectivités mennonites sont visées. Imaginez que—cela pourrait se produire dans toutes les villes américaines—vous invitiez les citoyens canadiens à une réunion tenue à l'hôtel de ville. Il y en a des centaines dans presque toutes les villes américaines. Vous leur dites: «Certains d'entre vous sont susceptibles de perdre leur citoyenneté canadienne. Si vous appartenez à cette catégorie, vous devrez prendre des mesures précises pour la conserver. Si vous ne prenez pas ces mesures, vous perdrez votre citoyenneté à 28 ans.»

    Avant de convier la réunion, vous étudiez les textes de loi très attentivement, puis vous affichez l'annonce dans un hôtel de ville. Les 200 personnes qui se présentent ont toutes apporté leur certificat de citoyenneté canadienne. Vous commencez vos explications. Je vais vous donner un seul exemple des complications possibles.

    Disons que dans la salle se trouve une femme prénommée Elisabeth. Née au Canada, Elisabeth déménage aux États-Unis en 1970, où elle a rencontre Georges. Ils commencent à se fréquenter et, en 1972, ils ont un bébé. Ils l'appellent Jennifer. Selon la loi, bébé Jennifer... Avant 1977, il existait deux façons d'accéder à la citoyenneté canadienne: être né d'un père canadien à l'intérieur des liens du mariage, ou d'une mère canadienne à l'extérieur des liens du mariage. Or, Elisabeth et Georges n'étaient pas mariés, de sorte que, aux yeux de la loi, Jennifer était née à l'extérieur des liens du mariage.

    Comme toute bonne mère, Elisabeth a enregistré bébé Jennifer pour qu'elle devienne citoyenne canadienne; Jennifer possède un certificat qui le démontre. Elisabeth l'a enregistrée dans le bon temps, avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la citoyenneté de 1977. En fait, elle a enregistré son bébé peu de temps après sa naissance, donc tout va bien. Jennifer a grandi depuis—elle est née en 1974—et elle donne elle-même naissance à un petit garçon en 1995, qu'elle prénomme Jonathan. Jonathan ne risque pas de perdre sa citoyenneté quand il sera grand. Pourquoi? Parce que sa mère a été inscrite avant l'entrée en vigueur de la Loi de 1977.

    Permettez-moi de changer quelques éléments de l'histoire. Supposons qu'Elisabeth, trop occupée, n'a pas enregistré bébé Jennifer tout de suite—en fait, en 1977, après l'entrée en vigueur de la Loi, elle ne l'a pas encore enregistrée. Quand elle se décide enfin à le faire, Jennifer a cinq ans, l'âge de commencer l'école. Sa mère décide de demander son certificat de citoyenneté canadienne; tout va bien. Ainsi, Jennifer est née en 1974, mais elle obtient sa citoyenneté canadienne en 1977, 1978, ou dans ces eaux-là, puis elle donne à son tour naissance à un petit garçon, Jonathan, en 1995. Malheureusement, Jonathan est susceptible de perdre sa citoyenneté, et il la perdra dans les faits à 28 ans. Pourquoi? Parce que Jennifer a été enregistrée après l'entrée en vigueur de la Loi de 1977.

Á  +-(1130)  

    Voici maintenant une troisième variation sur le même thème. Imaginons qu'Elisabeth et Georges étaient mariés. Cela signifie que Jennifer est née à l'intérieur des liens du mariage. Selon la loi en vigueur avant 1977, bébé Jennifer n'était pas admissible à la citoyenneté canadienne, parce qu'il y avait alors deux façons seulement d'y avoir accès: être né à l'extérieur des liens du mariage d'une mère canadienne ou à l'intérieur des liens du mariage d'un père canadien. En 1977, quand le gouvernement canadien a adopté la Loi en vigueur actuellement, il a voulu redresser cette injustice en intégrant une disposition à effet rétroactif—l'alinéa (2)b)de l'article 5 de la Loi en vigueur.

    Jennifer n'aurait pu être enregistrée parce qu'elle est née à l'intérieur des liens du mariage. Depuis 1977, bébé Jennifer aurait pu obtenir la citoyenneté canadienne par un autre moyen que l'enregistrement. Elle aurait pu l'obtenir par attribution aux termes de l'alinéa 5(2)b) de la Loi en vigueur. Elle aurait pu continuer son chemin puis, en 1995, donner naissance à Jonathan, et ainsi de suite. Jonathan n'aurait pas été susceptible de perdre sa citoyenneté parce que sa mère aurait obtenu la sienne par attribution. Le fils de Jonathan non plus ne serait pas à risque.

    Revenons à l'hôtel de ville, où vous tentez d'expliquer cela à 200 personnes qui ont apporté leur certificat de citoyenneté canadienne.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Bonne chance.

+-

    M. Bill Janzen: Exactement.

    Ils vous disent: «Vous êtes fou. Ce n'est pas possible. Le Canada est un pays civilisé. Il ne peut pas adopter des lois si compliquées et si déraisonnables. Il doit y avoir une bonne raison.» Ce sont les commentaires essuyés par nos travailleurs qui ont tenté de faire appliquer les dispositions en vigueur.

    Nous aimerions... Les options sont multiples. Selon nous, l'article 14 devrait être supprimé—tout simplement—parce qu'il existe déjà le paragraphe 5(3) dans la Loi en vigueur. C'est une nouvelle disposition: elle met un frein très clair à l'admissibilité à la citoyenneté des Canadiens nés à l'étranger. Elle ne leur accorde pas un statut de citoyen pour les en priver à 28 ans. Essentiellement, elle interdit l'accès à la citoyenneté à partir de la troisième génération. L'application est beaucoup plus facile. Nous ne contestons pas le paragraphe 5(3). Selon nous, il suffit pour réaliser l'objectif de la politique publique.

    S'il est impossible de supprimer l'article 14, nous proposons deux avenues. La première consisterait à restreindre sa portée uniquement aux personnes nées après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi ou, à tout le moins, uniquement aux personnes ayant reçu leur certificat de citoyenneté après l'entrée en vigueur. Ainsi, les fonctionnaires pourront apposer la mention «Ce certificat devient invalide dès que son titulaire atteint l'âge de 28 ans». Sans éliminer tous les problèmes, cette option a au moins le mérite d'être claire. Les gens sauront quel est leur statut réel, et ils pourront s'y faire. Les autres problèmes ne sont pas si graves.

    Merci beaucoup. Nous avons relevé d'autres problèmes, mais c'est le principal. Nous serions ravis—non seulement les personnes visées seront-elles soulagées, mais le gouvernement canadien aussi, notamment les agents de citoyenneté—si ces modifications étaient apportées.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, Bill.

    Il est évident que vous avez beaucoup travaillé et réfléchi à la situation de Jennifer, d'Elizabeth et de Jonathan, et à tous les autres qui sont dans le même cas.

    Vous avez raison. Au cours de nos visites, nous avons entendu des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête au sujet de Canadiens nés à l'étranger qui sont passés au travers des mailles du filet et qui découvrent un jour qu'ils sont apatrides, ni plus ni moins. C'est un peu gênant pour le comité. Vous avez ajouté une autre dimension à notre réflexion sur le paragraphe 5(3) et l'article 14.

    Je vous remercie beaucoup. Nous aurons certainement des questions à vous poser.

+-

    M. Bill Janzen: Je suis désolé d'avoir dépassé le temps alloué.

+-

    Le président: Mais non. Je l'ai mentionné, c'est une question éminemment complexe et, si on tente de mettre des mots sur l'intention de la législation, on ajoute encore un cran à la complexité. J'espère que nous parviendrons à la rendre suffisamment simple aux yeux de tous.

+-

    M. Bill Janzen: Merci.

+-

    Le président: Lynne, vous avez des questions?

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Je ne pourrai pas assister à la deuxième série de questions. Je vais donc tenter de poser autant de questions que possible sur les aspects du projet de loi qui me troublent.

    Votre scénario était fort intéressant. Personne n'avait encore abordé l'article 14 avec autant de détail. Merci de l'avoir fait. J'imagine que vous nous avez écrit vos recommandations pour que nous puissions en tirer des motions. C'est tellement compliqué, c'est incroyable!

    Je voudrais commencer par l'accès aux tribunaux, dont vous avez parlé. Je crois savoir à quelles dispositions vous faites référence—l'article sur la révocation, notamment. Beaucoup de témoins ont demandé la suppression de ces articles. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire sur la suppression des articles 16, 17 et 18, qui portent sur la révocation, l'annulation et l'interdiction. Si la suppression s'avérait impossible, avez-vous des solutions de remplacement? Par exemple, que penseriez-vous de dispositions relatives au délai?

    J'aimerais aussi entendre vos commentaires sur les notions de résidence et d'attachement.

    Je suis très contente que vous ayez abordé la question des juges de la citoyenneté. Nous avons trop peu parlé de leur importance capitale. Vous avez très bien fait de mentionner ce point. Je vous en remercie.

    Si vous avez des commentaires, Bill, sur cet aspect aussi...

    J'aimerais vous entendre sur ces points avant de quitter.

Á  +-(1140)  

+-

    M. Nicholas Katsepontes: Je parlerai tout d'abord de la question de la résidence, parce qu'elle vient juste de m'effleurer l'esprit, en quelque sorte.

    L'une des caractéristiques de l'ère moderne vient de ce que notre société est désormais planétaire. Les gens bougent. Cependant, de nombreuses collectivités ethniques du Canada considèrent ce pays comme leur point d'ancrage.

    Mes parents ont émigré de Grèce. Je suis né et j'ai été éduqué ici, comme mes frères et soeurs. Mes parents ont encore des parents, des oncles et des tantes plus âgés qui habitent en Grèce—c'est la filière humaine. Ils doivent retourner là-bas pour régler des affaires successorales et familiales. Prenez mes parents et multipliez par 5 millions de personnes, ou par la population de toutes les différentes origines ethniques, et vous obtiendrez autant d'histoires différentes. Additionnez à ce scénario les complications et les variations possibles sur un même thème, et les difficultés qui en découlent.

    Notre collectivité a un attachement réel au Canada, cela ne fait aucun doute. Cependant, est-il possible d'être attaché au Canada sans en être résident aux yeux de la législation, qui stipule une période de 3 ans, 1 091 jours, ou peu importe?

    Je prévois, à mesure que le processus de vieillissement fera son oeuvre au sein de notre collectivité, que les gens auront besoin de plus de latitude pour voyager à l'étranger. Je ne crois pas que l'on comprenne encore très bien ce que ce besoin suppose pour les membres de notre collectivité. En quelque sorte, nos membres auront besoin de deux lieux de résidence pour pouvoir régler les affaires familiales. Les générations suivantes n'auront plus les mêmes préoccupations mais, à l'heure actuelle, les premières générations ont encore des liens familiaux dans leur patrie d'origine, qui se traduisent par des engagements et des besoins dont ils doivent s'occuper.

+-

    Mme Lynne Yelich: Pouvez-vous envisager que le lien fiscal remplace les exigences de résidence? Vous serait-il possible d'invoquer vos obligations relatives à l'impôt sur le revenu pour remplacer la condition afférente aux 1 000 jours sur 5 ans?

+-

    M. Nicholas Katsepontes: C'est déjà le cas, je crois, parce que beaucoup se plient dans les faits aux règles de l'impôt sur le revenu.

+-

    Mme Lynne Yelich: Ce n'est pas dans la Loi, cependant, ni dans le Règlement.

+-

    M. Nicholas Katsepontes: Non. La question est...

+-

    Le président: Le juge en tient compte.

+-

    M. Nicholas Katsepontes: Assurément. Comment faire le lien entre les deux lois? C'est un aspect qui mérite réflexion. Peut-être faut-il ajouter des dispositions parallèles ou un lien quelconque, mais je crois que les gens obéissent principalement à ce critère—«Je vais me conformer aux dispositions de l'impôt sur le revenu pour éviter soit d'être doublement imposé, soit d'être imposé à un endroit et pas à l'autre.» Du point de vue strictement fiscal, avant même d'envisager les aspects liés à la citoyenneté, la question est fort complexe et il faudra y réfléchir un peu plus. Nous commençons à peine à comprendre toutes les conséquences pour notre collectivité, mais c'est une question clé. Il en ressort que la notion de résidence n'est pas aussi tranchée et aussi bien définie qu'on voudrait bien l'espérer.

    Pour ce qui est de l'accès aux tribunaux, je vous parle d'un point de vue d'avocat. J'ai exercé à Halifax au début, et j'ai eu à traiter la grande partie des dossiers d'immigrants roumains arrivés par conteneurs sur les quais de Halifax. Notre système a toujours accordé beaucoup d'importance à l'accès universel aux tribunaux, même pour ceux qui étaient arrivés sous de faux semblants et qui n'avaient aucune raison valide de réclamer le statut de réfugié ou, dans le cas qui nous occupe, de citoyen.

    La législation comporte une contradiction inhérente: d'un côté, elle défend les grandes valeurs fondamentales de justice, de même que les principes de l'application régulière de la loi et de l'équité, alors que, d'un autre côté, pour ce qui a trait à la question délicate de la citoyenneté, elle interdit ou limite de façon extrêmement sévère l'accès aux tribunaux. Cette contradiction me heurte et me rend plutôt mal à l'aise.

    Historiquement, cette législation est le fruit principalement de problèmes posés par les criminels de guerre dans notre pays. Actuellement, le vieillissement de certains d'entre eux nous oblige à un traitement accéléré de certains dossiers. En effet, certains arrivent à la fin de leur vie et notre sens de la justice et de la propriété nous impose de faire aussi vite que possible.

    Depuis le 11 septembre, nous devons composer avec une autre catégorie de personnes qui représentent une menace pour la démocratie en général et pour l'ensemble de nos principes fondamentaux, et nous voulons régler leur cas.

    Ce sont les enjeux actuels. Qu'en sera-t-il dans cinq ans? Je ne sais pas. Selon moi, pour que la loi résiste à l'épreuve du temps et continue d'être un instrument adéquat malgré les problèmes changeants, qu'il s'agisse de terrorisme, de criminels de guerre nazis, ou peu importe, il est essentiel de garantir l'accès aux tribunaux. Ainsi, nous nous assurons que tous bénéficient de la procédure la plus équitable qui soit, parce que c'est le principe fondamental de notre système.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Bill, avez-vous une réponse à la question de Lynne, à laquelle Nick a déjà répondu, sur l'accès aux tribunaux, à la justice?

+-

    Mme Lynne Yelich: Ne vaudrait-il pas mieux supprimer les trois articles sur la révocation de la citoyenneté en raison de... Par exemple, une fois la citoyenneté acquise, ce devrait être définitif. Il est insensé d'octroyer la citoyenneté sur probation. On nous a répété, à presque toutes les séances, que ces articles ne devraient pas exister. Je me demande vraiment s'il ne faudrait pas les supprimer.

+-

    M. Bill Janzen: Je me réjouis que le comité se penche sur cette question. Je souscris tout à fait aux propos de mon collègue et à ses arguments sur toute la question du pouvoir discrétionnaire et de la confiance à l'égard des tribunaux, etc., de même que sur la définition de la notion de résidence.

    Je tiens à souligner que, lors de ma préparation en vue de ma comparution, il m'est apparu clair que nous pouvions demander certaines choses, mais pas n'importe quoi.

    C'est pourquoi nous avons mis l'accent sur les éléments les plus susceptibles de nous aider. Nous respectons le souhait de l'ensemble de la société canadienne de subordonner la capacité de conserver la citoyenneté au fait de résider dans le pays. Voilà pourquoi nous ne remettons pas en question le paragraphe 5(3). C'est une nouvelle façon de faire appliquer ce principe, et c'est la raison pour laquelle je ne veux pas m'opposer catégoriquement à ce concept.

    Je n'ai pas préparé autant de propositions détaillées sur la question que d'autres témoins...

+-

    Le président: Peut-être pourriez-vous nous les soumettre sous peu. Nous ne sommes pas encore prêts pour l'étude article par article.

+-

    M. Bill Janzen: Merci.

+-

    Mme Lynne Yelich: Je m'interroge sur la possibilité d'intégrer des dispositions relatives au délai, particulièrement pour ce qui est de la révocation. Serait-ce une meilleure solution au problème des criminels de guerre? Puisqu'ils sont jugés selon la prépondérance des probabilités plutôt que selon le principe du doute raisonnable, serait-ce possible?

+-

    M. Bill Janzen: Nous serions fortement en faveur, plus précisément—toute la question de la prépondérance des probabilités par rapport au doute raisonnable, et des dispositions relatives au délai. Ce sont des questions de fond.

+-

    Mme Lynne Yelich: Voilà ce que je voulais entendre.

+-

    M. Nicholas Katsepontes: Cet aspect nous préoccupe aussi. Nous ne nous opposons pas au désir de s'attaquer à des groupes précis—les criminels de guerre et les terroristes, entre autres. Cependant, la formulation trop générale des dispositions législatives fait en sorte qu'elles pourraient être étendues à d'autres groupes. C'est ce qui fait réagir des membres de notre collectivité: «Mon fils est né ici et il appartient à une catégorie de citoyens; comme je suis naturalisé, je fais partie d'une autre catégorie de citoyens».

    La mise à exécution du processus législatif créera deux niveaux de citoyens. C'est ce qui nous trouble. C'est une réalité dont il faut être conscient, qui exige la plus grande prudence.

+-

    Le président: Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Janzen, je vous remercie d'avoir encore une fois démontré à quel point il est ridicule de permettre qu'un Canadien puisse perdre sa citoyenneté en sol canadien. J'espère que vous arriverez à faire entendre raison au Ministère. Vous êtes déjà venu ici, et vous êtes beaucoup intervenu dans ce dossier. Nous l'apprécions énormément. Vous avez réussi, je crois, à faire entendre votre point de vue au comité, ce qui est loin d'être négligeable.

    Dernièrement, nous avons reçu le ministre australien de la citoyenneté et du multiculturalisme—ces derniers jours, en fait. Essentiellement, il nous a mis en garde contre la tentation de faire par en arrière ce que nous ne pouvons faire en plein jour.

    Je m'inquiète particulièrement de l'attitude cavalière avec laquelle on traite la perte de la citoyenneté. Avez-vous entendu parler des «Lost Canadians»? Il s'agit de Canadiens nés ici qui ont perdu leur citoyenneté par suite des actes de leurs parents. Leur site se trouve à l'adresse www.lostcanadian.com.

    Le Congrès hellénique, encore une fois, nous propose une réflexion extrêmement clairvoyante sur la question.

    J'ai une question pour vous deux, qui je crois résoudrait bien des difficultés... Très honnêtement, j'estime que la suppression des articles 16, 17 et 18 serait un bon débarras. En effet, ces articles dévalorisent la citoyenneté. Par exemple, l'article 17 prescrit la révocation de la citoyenneté dans le cas des terroristes, des violateurs des droits de la personne, des criminels organisés. J'espère que les sanctions prévues contre les terroristes, les criminels organisés et les violateurs des droits de la personne ne se limiteront pas à leur retirer leur citoyenneté et à les expulser du pays, parce que notre collectivité serait alors en péril. Si un terroriste se cache au Canada—par exemple, supposons qu'Osama bin Laden se trouve parmi nous—, le fait de lui retirer sa citoyenneté et de l'expulser du pays ne mettra personne en sécurité, croyez-moi. Si au contraire nous mettions M. bin Laden en prison, nous serions beaucoup plus en sécurité—Canadiens et non-Canadiens confondus.

    Ne vaudrait-il pas mieux assujettir tout le domaine de la citoyenneté à la Charte des droits, pour donner tout son sens au processus d'acquisition de la citoyenneté par choix—la naturalisation? Si au contraire on permet que des gens perdent leur citoyenneté sans avis et sans recours devant les tribunaux, nous ne faisons que dévaloriser la citoyenneté.

    Nous avons entendu ces propos lors de notre visite dans l'ouest. Les personnes visées par les dispositions sur la révocation sont si peu nombreuses que nous devrions à tout le moins prévoir une procédure équitable au titre de la Charte des droits et libertés, article 7. Nous pourrions démontrer ainsi que nous accordons tellement de valeur à la citoyenneté qu'il n'est pas question de rendre sa révocation aisée. Voilà ma question.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Nicholas Katsepontes: C'est la question à un million de dollars, qui revient essentiellement à l'opposition entre la citoyenneté envisagée comme un droit plutôt que comme un privilège. Il me semble que le projet de loi donne la préséance à la citoyenneté en tant que privilège.

    Les Canadiens doivent réfléchir sérieusement au fait que notre pays, du moins durant l'après-guerre, a accueilli énormément d'immigrants. Nous devons reconnaître ce fait. Nous avons accueilli tous ces gens à bras ouverts. Nous leur avons dit: «Nous allons faire de vous des Canadiens. Vous allez payer des impôts. Vous aurez telle et telle merveilleuse possibilité.» Il suffit de regarder le nom des personnes présentes aujourd'hui pour avoir une bonne image de notre pays et de ce qu'il est devenu.

    Voici l'essence du discours actuel: «Nous allons changer un peu les règles, revoir la définition de la citoyenneté et les règles à suivre pour la conserver.» C'est pour le moins troublant. Je m'inquiète notamment au sujet des membres plus âgés de ma collectivité qui, pour une raison ou une autre, n'ont jamais obtenu leur citoyenneté et qui voudraient maintenant la recevoir. Ils sont venus ici et ils ont rempli des formulaires de demande, sans jamais savoir ce qu'ils signifiaient et ce qu'ils y avaient inscrit. Soudain, vous aurez en face de vous des gens qui vous diront: «Je suis citoyen canadien, mais je ne me souviens pas de ce que j'ai bien pu mettre dans cette demande il y a quinze ans.» Il m'apparaît tout à fait injuste d'insinuer chez des citoyens, peu importe lesquels, la crainte de l'État concernant une chose aussi fondamentale que leur citoyenneté.

    Je le répète, la solution au problème consiste à circonscrire très précisément les catégories d'indésirables—les criminels de guerre et les autres individus du même acabit. Nous proposons une législation et des articles—les articles 16, 17 et 18—qui règlent le sort d'un groupe minuscule de notre société, sans toutefois protéger le reste de la population.

    Selon moi, il faut à tout le moins faire une analyse très étroite de ces articles et, éventuellement, préciser les définitions.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Monsieur Janzen.

+-

    M. Bill Janzen: Merci.

    Si mes souvenirs sont bons, quand la Commission Deschênes a pris en main le dossier des criminels de guerre, au milieu des années 80, le gouvernement a tenté de mettre en place un système permettant d'instruire les procès ici, aux termes des lois canadiennes. Ce système permettait d'inculper les intéressés à l'instar de tout autre criminel ayant la citoyenneté canadienne.

    Si cette procédure avait survécu, on aurait déjà trouvé réponse à certaines des difficultés soulevées. Pour reprendre votre exemple, monsieur Telegdi, si Osama bin Laden avait été au Canada, on ne se serait pas contentés de le déporter pour protéger le Canada contre le terrorisme. Il existe des moyens beaucoup plus efficaces que la Charte pour régler leur compte à ces individus en assurant la sécurité et la protection du pays.

    Je ne saurais dire au juste pourquoi les efforts déployés pour que ces criminels soient jugés par les tribunaux canadiens n'ont pas abouti. Tout ce dont je suis certain, c'est qu'un grain de sable a fait dérailler le processus et qu'on s'est rabattu sur la déportation ou sur la révocation de la citoyenneté. Il faut considérer de nouveau cette option, qui permettrait de juger ces personnes d'une façon plus efficace, plus fidèle aux principes canadiens.

+-

    M. Andrew Telegdi: Dans le contexte actuel, on ne cherche pas à prouver que quelqu'un est un criminel de guerre ou un violateur des droits de la personne: nous les mettons tous dans le même sac. Nous finissons par leur demander s'ils ont dit la vérité ou s'ils ont menti dans la réponse à une question, qui peut-être ne leur a jamais été posée, il y a 50 ans. Le système actuel fonctionne ainsi. Nous jugeons selon la prépondérance des probabilités, sans aucune espèce de forme d'appel.

    Qui sont les intimés? Un homme de 93 ans souffrant de la maladie d'Alzheimer qui, s'il était accusé de meurtre, ne subirait pas de procès parce qu'il n'en aurait pas la force? C'est complètement insensé, parce qu'il n'existe aucune preuve sur l'origine des accusations. Il n'a jamais été prouvé qu'ils sont des criminels de guerre, et je suis convaincu que nous ne trouverons jamais de preuve démontrant que tel autre est un terroriste ou un membre d'une bande criminelle organisée.

    J'espère que nous trouverons un meilleur moyen de défense contre de tels individus que l'article 17 qui, essentiellement, les prive de leur citoyenneté et les expulse à l'extérieur de nos frontières. Comme si nous disions à des voleurs de banque: «Attention! Nous allons vous confisquer votre visa de visiteur et vous expulser du pays.» Voilà ce que vous leur dites, et c'est absurde. Il faut qu'ils sachent que s'ils viennent au Canada pour voler une banque ou quoi que ce soit d'autre, nous allons les coller en tôle. Sinon, ils prendront un billet aller seulement vers le Canada, en sachant que le gouvernement paiera pour les expulser du pays, sans autre sanction. C'est ridicule, un point c'est tout.

    Tout cela crée de réels problèmes concernant la citoyenneté, et c'est pourquoi je pose cette question. Si nous nous octroyons le droit de révoquer la citoyenneté, faut-il la mettre sous la protection de l'article 7 de la Charte, au même titre que les droits de Clifford Olsen ou ceux de Paul Bernardo? Il m'apparaît incontestable qu'il faut mettre les personnes susceptibles de perdre leur citoyenneté sous la protection de l'article 7 aussi. Voilà la question.

+-

    Le président: Madeleine.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.

    Avant de faire mes commentaires, je veux revenir rapidement sur la notion de résidence. Dans la loi qui est devant nous, il y a une obligation de résidence, mais pour pouvoir bénéficier de l'assurance-santé, au Québec notamment, il y a aussi une obligation de résidence. J'imagine que quelque part, il y a des choses qui vont avec les droits et les privilèges qu'on a. C'est une chose.

    Mon commentaire est le suivant. Il est très clair que C-18 oblige le comité à relever un défi important, celui de déterminer si tous les citoyens canadiens sont égaux. Ce n'est pas simple. Est-ce qu'ils sont égaux? Deuxièmement, quand on parle de retirer la citoyenneté à quelqu'un, les seuls qui peuvent la perdre au bout du compte sont ceux qui l'ont acquise par un processus de naturalisation. Je fais exception de ceux qui l'ont perdue sans le savoir même s'ils étaient nés ici. Il est clair que le traitement n'est pas le même.

    Par ailleurs, vous avez mentionné très justement, monsieur Katsepontes, qu'il fallait définir les valeurs. Actuellement, dans ce beau et grand pays qu'est le Canada, il y a la Charte des droits et libertés. Je me demande si le fait que cette charte existe et s'applique à toute personne qui est sur le territoire canadien ne devrait pas entraîner une espèce d'application uniforme de la loi et de la justice. Ne devrait-on pas maintenir le droit d'appel pour toute personne susceptible de perdre sa citoyenneté? Ce qui nous heurte beaucoup dans le projet de loi qui est devant nous, c'est cette espèce de perte du droit d'appel, notamment aux articles 17 et 18. C'est très inquiétant. Il y a plein de témoins qui s'en inquiètent aussi. Disons qu'a priori, j'ai un peu de difficulté quand le droit d'appel est suspendu. Je ne suis pas avocate, mais je trouve que cela heurte le bon sens.

    J'espère qu'on va pouvoir apporter des amendements et j'espère que le gouvernement va retenir ces amendements, parce que tout est là. Le comité travaille très bien, mais on sait qu'en dépit du travail qu'on fait le plus sérieusement possible, il arrive que nos amendements ne soient pas acceptés par le gouvernement.

    Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que notre plus gros défi est de faire la démonstration que cette loi est juste et équitable pour tous ceux qui sont des citoyens canadiens?

  +-(1200)  

[Traduction]

+-

    M. Nicholas Katsepontes: Si j'examine cette loi avec les yeux d'un avocat, je ne suis pas certain qu'elle résisterait à une contestation fondée sur la Charte. Il faut prévoir une telle possibilité. Nous devons agir avec clairvoyance. Le comité, les législateurs et le gouvernement doivent anticiper cette possibilité et faire leur travail en conséquence. Évitons de travailler inutilement, de faire tant d'efforts pour faire adopter une loi qui finirait par être rejetée par un tribunal sous prétexte qu'elle contrevient à la Charte.

    Vous avez raison. La Charte énonce certains des principes fondamentaux adoptés et approuvés par les Canadiens. Par conséquent, ce projet de loi devrait reposer en grande partie sur ces fondements.

    Cela revient à ce que j'ai dit plus tôt: je m'inquiète de l'écart entre les principes qui semble-t-il sont chers à notre nation et le libellé de cette législation. Plus précisément, il ne faut pas interdire l'accès aux tribunaux ou le droit d'appel sous le seul prétexte que de tels droits risquent d'étirer et de rallonger indûment le processus décisionnel en matière de citoyenneté.

+-

    Le président: En toute déférence, je souligne que les avocats du ministère de la Justice ont indiqué, du moins à l'administration, que ce projet de loi ne contredisait pas la Charte. Nous allons inviter des administrateurs pour leur demander de défendre cette position, puisque la question a été soulevée. L'examen de la conformité à la Charte sera certainement un exercice des plus intéressants pour nous. Nous ferons assurément le suivi de la question fondamentale de la conformité à la Charte.

    Bill, avez-vous des commentaires sur ce que Madeleine...?

  +-(1205)  

+-

    M. Bill Janzen: Vous avez probablement remarqué que le titre de notre mémoire comporte les mots «fonctionnalité» et «équité». Nous sommes d'avis que l'équité est en jeu et qu'il est nécessaire de corriger la situation.

    L'autre élément a trait à la fonctionnalité: la loi est-elle fonctionnelle, peut-elle être mise à exécution de façon raisonnable et représente-t-elle un moyen efficace de réaliser un objectif fondé de la politique publique? Si les situations qui nous préoccupent étaient plus tranchées, nous serions moins pointilleux sur la question de l'équité. Si les gens étaient certains de leur statut, nous serions beaucoup moins inquiets. Actuellement, ils n'en sont pas certains, et cette confusion donne beaucoup plus de poids à la question de l'équité.

    S'il y avait un moyen—il existe un moyen. Si on commençait par inscrire la mention dont j'ai parlé bien en évidence sur les certificats de citoyenneté, tout serait plus clair. Les gens pourraient ainsi prendre les mesures légales auxquelles ils ont accès, à leur profit, ce qui leur est très difficile aujourd'hui à cause de toute cette confusion.

    Il faut donc envisager les deux aspects, la fonctionnalité et l'équité.

+-

    Le président: Le comité tente actuellement de s'assurer que la législation, fondée sur des principes, est conforme notamment aux critères de la fonctionnalité et de l'équité. Le comité a beaucoup d'expérience pour ce qui est d'assurer l'efficacité des règlements, ce qui répond à votre questionnement au sujet de la fonctionnalité de l'application d'une loi de qualité. L'étape suivante consistera à vérifier que les règlements reflètent les intentions de la loi et que leur application est pratique, compréhensible et équitable. Nous nous pencherons également sur ces aspects.

    Libby.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.

    Tout d'abord, je vous remercie tous les deux de votre passage ici. Vous nous avez donné des exemples très clairs des problèmes que pose ce projet de loi sur le plan humain.

    À l'instar de certains de mes collègues, je me demande sérieusement si ce projet de loi est conforme à ce que la plupart des Canadiens entendent par équité et égalité.

    Je suis particulièrement perplexe quand je constate qu'un projet de loi met des gens en situation de croire qu'ils sont des citoyens canadiens de plein droit, alors que cette citoyenneté peut leur être retirée sans qu'ils le sachent. C'est la situation à laquelle vous avez fait allusion, Bill.

    Je ne vois vraiment pas comment on pourrait justifier cela aux yeux de la Charte. Je n'arrive pas à faire cadrer ces dispositions avec la réalité. À mon sens, elles violent carrément à la Charte. Je ne suis pas avocate, mais si le projet est adopté, c'est ce qui nous attend.

    J'aimerais maintenant revenir au passage de votre mémoire—vous n'avez pas parlé de cet aspect dans vos remarques... Nous comprenons très bien les problèmes que vous soulevez par rapport à l'article 14 du projet de loi. Par ailleurs, vous évoquez aussi l'article 8. Il s'agit d'une disposition similaire, qui exige d'avoir été résident du Canada pendant une année seulement.

    Vous ajoutez ensuite que cette disposition est restée dans l'ombre. J'aimerais que vous élaboriez un peu à ce sujet. Il me semble que le principe que vous récusez existe déjà, mais que personne n'y avait porté attention jusqu'ici.

    Pour les gens avec qui vous travaillez... J'aimerais en fait savoir combien de personnes seraient touchées. Le savez-vous? Les collaborateurs du Comité central mennonite à l'étranger seraient certainement visés, mais vous semblez dire que, tant que les dispositions actuelles étaient en vigueur, cela ne vous inquiétait pas, qu'il n'y a jamais eu de problème réel.

    J'aimerais vous entendre à ce sujet, puisque le principe auquel vous vous opposez existe déjà dans la Loi en vigueur, si je ne me trompe pas.

  +-(1210)  

+-

    M. Bill Janzen: Merci. Votre question est très juste. Vous avez raison de dire que le principe sous-jacent à ce que nous contestons existe déjà dans la loi en vigueur. Cependant, l'article 8 du projet de loi est un peu différent, même s'il repose sur un principe qui est essentiellement le même que celui qui préside à l'article 14 du projet de loi.

    Selon la Loi en vigueur, et cela reste essentiellement inchangé, les gens nés après l'entrée en vigueur—soit entre 1977 et maintenant—, ou une catégorie d'entre eux, perdront leur citoyenneté à 28 ans. Nous avons travaillé avec des centaines de personnes dans cette situation, qui nous ont demandé quels étaient leurs recours. Les agents de citoyenneté à qui nous avons posé la question nous ont répondu qu'ils ne savaient pas trop comment interpréter l'article 8. Qu'il serait probablement supprimé dans une loi subséquente et qu'il ne fallait pas trop nous en faire. C'est la réponse qu'on nous sert, à quelques variantes près, depuis 20 ans. Et laissez-moi vous dire que nous l'avons posée à quelques reprises!

    Dans un sens, le problème n'était pas si aigu jusqu'à maintenant parce que, si on ajoute 28 ans après 1977, on se retrouve en 2005. Par conséquent, personne n'a encore perdu sa citoyenneté au titre de l'article 8. C'est pourquoi le problème n'a pas encore été vraiment grave.

    Notre travail des deux dernières années a consisté surtout à dire aux agents de citoyenneté: «Il faut faire quelque chose. L'article 8 figure dans la Loi en vigueur et les gens nous posent des questions à cet égard.» Nous avons donc collaboré avec des agents de citoyenneté, qui nous ont donné quelques précisions sur l'application possible de l'article 8; nous avons élaboré des directives, etc. Toutefois, nous avons aussi été aux prises avec tous les problèmes que j'ai mentionnés tout à l'heure. L'article 8 est extrêmement difficile à appliquer.

    Nous avons dit aux gens qu'ils allaient perdre leur citoyenneté s'ils ne faisaient rien avant d'avoir 28 ans, ce qui est très bientôt pour certains d'entre eux. «Ils nous demandent invariablement quelle est la catégorie visée». Nous avons tenté de donner des explications, mais c'est très difficile.

+-

    Le président: Après vous avoir entendu, il est certain que nous allons demander des explications aux administrateurs.

    Allez-y, Libby.

+-

    Mme Libby Davies: J'aimerais poursuivre sur ce point, qui soulève à mon avis une question fort intéressante. Ce problème a toujours existé, sans toutefois se manifester, à cause du décalage, en quelque sorte. Or, loin de régler le problème, la nouvelle législation l'aggrave, j'oserais même dire qu'elle le décuple.

+-

    Le président: Vous savez quoi, Libby? Vous avez tout à fait raison. Le projet de loi C-18 ne réglera pas ce problème.

+-

    Mme Libby Davies: Non, il l'aggravera.

+-

    Le président: Oui. C'est pourquoi j'affirme que si la Loi actuelle ne fonctionne pas, le projet de loi C-18 ne fait rien pour régler le problème. Il pourrait même empirer les choses.

+-

    Mme Libby Davies: C'est très curieux. Il semble que le Comité central mennonite soit l'un des seuls groupes touchés.

    J'ai l'impression que les fonctionnaires vous ont laissé entendre qu'ils savaient que le problème allait prendre de l'ampleur. Ils vous ont donné l'impression qu'il serait réglé, mais les choses ont pris une toute autre direction. Si le projet de loi est adopté, le problème sera nettement aggravé. Je reste perplexe en constatant qu'on vous a donné l'impression que l'article serait supprimé ou que le règlement serait changé.

+-

    M. Bill Janzen: Il est certain que beaucoup d'agents de citoyenneté, notamment ceux qui sont affectés au traitement des dossiers, espèrent que l'article sera supprimé. Ils seraient ainsi soulagés d'un énorme problème, d'une complexité inouïe.

    Je suis sûr maintenant que vous poserez des questions aux fonctionnaires sur la pertinence de l'article 14. Je dois par ailleurs souligner qu'on ne parle pas tant de révocation que de simple perte. La révocation de la citoyenneté, prononcée en vertu des autres articles, exige une décision émanant du gouvernement. Je vous parlais de gens qui vont tout simplement perdre leur citoyenneté.

    Il faut s'interroger sur l'objectif général de la politique publique. À mes yeux, l'objectif est d'empêcher que des familles ne vivant pas au Canada continuent d'avoir accès à la citoyenneté canadienne, génération après génération.

    L'article 8 de la Loi en vigueur offrait un moyen de trancher cette question—ce moyen est discutable, mais il proposait quand même une solution. Le projet de loi C-18 comporte le paragraphe 5(3). Le libellé est beaucoup plus tranché, il facilite l'administration et il offre un bien meilleur moyen de réaliser l'objectif de la politique publique. Ce n'est pas le cas de la Loi en vigueur. Le projet de loi C-18 proposant une solution, l'article 8 de la Loi en vigueur et l'article 14 du projet de loi deviennent beaucoup moins nécessaires. Voilà pourquoi nous estimons que le paragraphe 5(3) permet d'atteindre l'objectif de la politique publique, et qu'il est complètement inutile de conserver des dispositions dont l'application est quasi impossible.

    Il est fort probable que les fonctionnaires vous diront que l'abolition de l'article 14 ne fera que reporter la perte de la citoyenneté pour une catégorie de personnes. Qu'elles conserveront cette citoyenneté pendant quelques années de plus. Ils affirmeront que l'objectif est de contrôler plus étroitement l'admissibilité à la citoyenneté.

    Si tout était limpide, je ne m'opposerais pas à cet objectif. Malheureusement, ce n'est pas clair parce que rien n'est indiqué sur les certificats. Pourquoi mettre dans la loi une disposition qui permet au gouvernement d'avoir un contrôle un peu plus étroit sur l'accessibilité à la citoyenneté si l'application est impossible? Il en résulte des difficultés extrêmes d'application, qui font obstacle à l'objectif de la politique publique.

  +-(1215)  

+-

    Le président: Nous attendions un autre témoin, mais elle a dû se désister en raison d'une panne d'automobile. Nous allons donc entendre Anu Bose, directrice exécutive de l'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada.

    John.

+-

    M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les témoins présents aujourd'hui.

    Je suis un membre nouvellement désigné de ce comité. Je sais qu'il y a des changements, que j'essaie de comprendre. Depuis cinq ans, la collectivité mennonite est en croissance dans ma région. Les membres viennent principalement des États-Unis, mais certains viennent de Kitchener, en Ontario.

    Certains parmi eux ont seulement des enfants nés au Canada, mais d'autres ont des enfants qui sont nés au Canada et des enfants nés aux États-unis. Je connais une famille dont la fille est citoyenne américaine et le fils citoyen canadien. Ces gens me posent des questions que je vais à partir de maintenant transmettre à votre organisation. Une autre famille, dont les deux parents américains vivent au Canada, avec un enfant né aux États-Unis et un autre enfant né au Canada, m'a demandé quoi faire pour régulariser la situation. Comment faire pour obtenir leur citoyenneté canadienne? Comment leur enfant qui est citoyen américain et qui vit au Canada peut-il devenir citoyen canadien?

    Quand on m'a offert un siège au Comité de l'immigration, j'ai tout de suite sauté sur l'occasion parce que je me disais que je pourrais poser ce genre de questions. Cependant, je ne pensais pas avoir si rapidement la chance de rencontrer un témoin expert, et je suis pas tout à fait prêt.

    En passant, Joe, si jamais vous venez dans la région, ne manquez pas leur fabuleuse boulangerie. Elle se trouve dans la région de Fenelon Falls, dans le centre de l'Ontario.

    Que dois-je leur répondre? Où peut s'adresser cette famille composée de deux parents américains vivant au Canada, avec un enfant de trois ans qui est américain et un autre d'un an qui est canadien? Vers qui dois-je les orienter? Que dois-je leur dire? Comment ce projet de loi pourra-t-il les aider?

+-

    Le président: Vous posez cette question, vous qui êtes comptable et conseiller fiscal?

  +-(1220)  

+-

    M. John O'Reilly: Dans ma région, l'immigration ne représente pas un gros problème. Nous traitons deux ou trois milliers de demandes de passeport par année, mais au plus une ou deux affaires d'immigration. Comme il se trouve présentement quatre ou cinq cas sur mon bureau, je veux accélérer les choses. Je suis convaincu que vous pourrez me donner votre avis d'expert.

+-

    Le président: Nous traitons quatre ou cinq dossiers par jour à London, Montréal, Kitchener ou Vancouver.

    Allez-y, Bill.

+-

    M. Bill Janzen: Après ces paroles réconfortantes, j'espère que je pourrai répondre adéquatement à votre question. Je peux vous affirmer que si vous m'envoyez ces personnes, je ferai de mon mieux pour résoudre leur problème à leur satisfaction.

    Tout d'abord, si les parents nés aux États-Unis ont des ancêtres américains–si on remonte à trois ou quatre générations, peu importe—, ils ne sont pas visés par l'article 14. Que l'article 14 subsiste ou non, ils ne seront touchés d'aucune façon.

    L'article 14 vise les personnes d'origine canadienne. Supposons qu'une famille installée aux États-Unis ait des origines canadiennes remontant à une ou deux générations. Cette famille est touchée par l'article 14. Dans ce cas, la question serait essentielle, pertinente, et j'y répondrais.

    Ceux qui n'ont aucun ancêtre canadien arrivent au pays à titre de résidents permanents, d'immigrants admis ou de réfugiés, ou peu importe. Ce n'est pas à eux que nous faisons allusion. Nous nous intéressons aux personnes qui sont d'origine canadienne et qui sont nées à l'étranger. Si ceux dont vous me parlez appartiennent à cette catégorie, je répondrai avec plaisir aux questions.

    Comme je l'ai déjà mentionné, quand on commence à analyser dans le détail les situations familiales, pour déterminer qui est né à l'intérieur ou à l'extérieur des liens du mariage, avant ou après 1977, c'est assez complexe.

    Je suis tout à fait disposé à collaborer avec vous, monsieur O'Reilly. Si je puis vous être utile de quelque façon, ce sera avec grand plaisir.

+-

    Le président: J'offrirais bien mes services, mais vous semblez être de ceux qui adorent tracer les arbres de famille, Bill.

    Il reste à espérer que l'exemple d'Andrew, qui mettait en vedette bin Laden au Canada—nous implorons le ciel que cela ne se produise jamais. S'il avait des enfants nés à l'étranger...la situation serait vraiment tordue, n'est-ce pas, Andrew?

    Merci beaucoup, Nicholas et Bill, de votre clairvoyance et de vos recommandations.

    J'ajouterai une dernière chose. Je ne vous demande pas de répondre maintenant mais, comme vous le savez, nous faisons actuellement des consultations nationales sur la carte d'identité. Je vous invite à soumettre un document de réflexion sur la question. Vous pourrez le soumettre à notre greffier.

    Merci beaucoup.

+-

    M. Bill Janzen: Oui. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Chers collègues, en attendant Anu—elle nous fera un exposé de cinq à sept minutes au nom d'un groupe très important du Canada, pour la énième fois... J'en profite pour vous annoncer que la Chambre a approuvé notre voyage à Washington, où nous discuterons avec nos homologues des très nombreuses questions qui nous préoccupent mutuellement et auxquelles le comité s'intéresse depuis un bon bout de temps. Ces questions vont de l'immigration à la sécurité aux frontières, en passant par les passeports, la citoyenneté et la carte d'identité nationale. L'autorisation a été accordée à six membres seulement. Pour Madeleine et pour Libby, de même que pour les conservateurs, cela ne posera sûrement pas de problème. Le voyage est prévu durant la semaine du 24 mars; nous serons partis trois ou quatre jours. Je vous invite à consulter votre agenda et à vous adresser à Bill pour les préparatifs de voyage et autres dispositions.

    Une voix: Combien de jours?

    Le président: Le voyage durera au plus trois jours. Nous serons de retour... Du lundi au jeudi.

    Je passe maintenant la parole à Anu.

    Anu, le comité vous souhaite de nouveau la bienvenue.

+-

    Dre Anu Bose (directrice exécutive, National Organization of Immigrant and Visible Minority Women of Canada): Merci, monsieur le président.

  +-(1225)  

+-

    Le président: Vous nous avez déjà gratifié de précieux renseignements et de vos commentaires éclairés au sujet de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Nous tenons à vous remercier sincèrement de vos interventions antérieures sur la question de la citoyenneté. C'est la troisième fois que nous recommençons, et nous avons la ferme intention que cette fois-ci soit la bonne.

+-

    Dre Anu Bose: Merci beaucoup, monsieur Fontana.

+-

    Le président: De nouveau, bienvenue.

+-

    Dre Anu Bose: Vous êtes prêt à négocier les virages, donc.

+-

    Le président: Et à respecter les droits, oui.

+-

    Dre Anu Bose: Premièrement, veuillez accepter mes excuses. Notre voiture s'est enlisée dans la neige. Stephanie Ruta, notre avocate stagiaire, a dû quitter en raison d'un rendez-vous important avec le CAA, qui vient la dépanner.

+-

    Le président: C'est une réalité avec laquelle tout Canadien vivant au Canada doit composer.

+-

    Dre Anu Bose: Exactement.

[Français]

    L'Organisation nationale des femmes immigrantes et des femmes appartenant à une minorité visible du Canada est une organisation à but non lucratif qui est non partisane et non sectaire. Son but est d'assurer l'égalité pour les femmes immigrantes et les femmes appartenant à une minorité visible au Canada, dans une situation bilingue.

    Nous remercions les membres du comité permanent de l'occasion qu'ils nous offrent de comparaître devant eux sur le projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne.

[Traduction]

    Le comité connaît déjà l'ONFIFMVC, comme le président vient de le faire remarquer. Nous somme toujours au poste dès que les mots «citoyenneté» ou «immigration» sont prononcés.

    Nous sommes encouragés de constater que le projet de loi C-18 représente une amélioration par rapport à C-63 ou à C-16, déposé par la 36e Législature. Cependant, les membres de l'ONFIFMVC n'y ont pas vu le vent de changement annoncé par M. Coderre. Pour certains d'entre nous, il s'agit plutôt d'une rafale subarctique, dans le prolongement de la législation anti-terroriste, sur l'immigration et les réfugiés.

    Aujourd'hui, notre témoignage se limitera à un commentaire général sur le principe de l'égalité de tous les citoyens, dont vous avez abondamment parlé je crois avec mes deux prédécesseurs. Plus précisément, nous parlerons des conditions afférentes à la résidence qui sont imposées aux résidents permanents en quête du statut de citoyen, de la révocation de la citoyenneté, de son annulation et du refus d'accorder la citoyenneté par décision du Cabinet.

    Nous nous réjouissons que l'article 12 énonce de façon si limpide le principe des droits et des obligations égales pour l'ensemble des citoyens, sans égard à la façon dont cette citoyenneté a été acquise, mais nous nous interrogeons cependant sur la conformité du projet de loi à ce principe. À notre avis, le projet de loi ne respecte pas l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

    Pour illustrer notre point de vue, je m'appuierai sur le droit de transmettre la citoyenneté à ses enfants. Ainsi, un citoyen canadien de la deuxième génération qui est né à l'étranger et qui est arrivé ici quelques mois seulement après sa naissance, ne pourrait pas transmettre cette citoyenneté à ses enfants. Pis encore, ses enfants pourraient se retrouver apatrides—un statut dangereusement précaire dans la conjoncture actuelle. Pourtant, une citoyenne canadienne née ici ou qui a acquis sa citoyenneté ne subira jamais de telles entraves à sa liberté de mouvement, puisque ses enfants seront nés canadiens d'office.

    Nous sommes très préoccupés—je crois que M. Telegdi a déjà soulevé cette question—devant le spectre d'un régime de citoyenneté à deux niveaux dans ce pays. Nous souscrivons donc à la recommandation du Conseil canadien pour les réfugiés visant l'ajout d'un article stipulant qu'une personne est citoyenne canadienne si elle est née à l'étranger d'un parent qui a conservé sa citoyenneté au titre de l'article 14.

    Mes prédécesseurs ont abordé longuement la question des conditions afférentes à la résidence imposées aux résidents permanents qui demandent la citoyenneté. Nous nous inquiétons aussi de la rigidité des critères d'évaluation de la conformité à ces conditions. Tant la Loi en vigueur que le projet de loi exigent que les résidents permanents aient résidé au Canada pendant trois ans avant d'être admissibles à la citoyenneté. Le projet de loi précise la notion de «présence effective» dans la définition, et il abolit la souplesse d'interprétation du terme prévue dans la Loi en vigueur.

    Une telle prescription limitera les mouvements de toute une catégorie de personnes. Qui plus est, elle sera discriminatoire pour les femmes, qui dans cette ère de mondialisation n'ont parfois pas le choix de chercher du travail à l'étranger ou d'accompagner leur conjoint canadien dépêché en mission par une multinationale. Elle sera en outre préjudiciable aux femmes qui ont de la famille proche au Canada et qui sont acceptées dans une université étrangère ou qui trouvent un poste à l'étranger au sein d'une succursale d'une entreprise canadienne.

    Nous recommandons la suppression de l'article 14. Si ce n'est pas possible, nous recommandons, à l'instar de l'Association du Barreau canadien, une interprétation plus souple du terme «résidence» aux fins de l'admissibilité à la citoyenneté. Nous espérons que le règlement proposé fournira une solution adéquate.

    Nous sommes également très troublés de constater la présence dans la nouvelle législation de dispositions étendues sur la révocation et l'annulation de la citoyenneté. Il s'agit de sanctions très graves qu'un État peut infliger à ses citoyens, et il ne faut surtout pas les prendre à la légère.

    La révocation de la citoyenneté est traitée dans l'article 17, qui s'apparente selon nous à une disposition similaire de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Selon cette disposition, un juge de la Cour fédérale peut révoquer la citoyenneté sans être tenu de divulguer les preuves à l'intéressé. De plus, le droit d'appel et le recours en révision sont limités aux conclusions de fait et de droit dans la loi actuelle.

  +-(1235)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Anu, de cette intervention et du mémoire que vous avez soumis au nom de votre groupe. C'est extrêmement précieux. Nous sommes impatients de vous poser des questions.

    Pourquoi pas Madeleine en premier?

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.

    Madame, je tiens à vous dire que j'ai apprécié les quelques mots en français que vous nous avez adressés au début de votre exposé.

    Votre première recommandation a trait à une disposition qu'on ajouterait à l'article 14. Par contre, la deuxième recommandation suggère que l'article 14 soit supprimé. J'imagine donc que votre souhait est que l'article 14 soit supprimé et que, dans l'hypothèse où il ne pourrait l'être, vous nous suggérez d'ajouter une disposition pour clarifier un peu la portée de l'article.

    Est-ce que je vous comprends bien?

+-

    Dr. Anu Bose: Madame Dalphond-Guiral, je peux dire que je suis bilingue, mais étant donné que j'ai vécu presque toute ma vie en Angleterre, j'ai un peu de difficulté à m'exprimer en français, surtout sur ces questions un peu techniques.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je pense que vous vous sous-estimez, madame, mais parlez la langue dans laquelle vous êtes le plus à l'aise.

    Il y a un certain nombre de choses que vous nous avez suggérées qui vont très certainement être étudiées et proposées en tant qu'amendements. Donc, je ne reviendrai pas là-dessus. Par contre, je voudrais parler un peu avec vous de l'avis que vous émettez, à savoir que les articles 21, 22 et 28 soient supprimés.

    J'aimerais bien vous dire qu'on va tout faire pour qu'ils soient supprimés, mais sachant que nos désirs ne sont pas toujours réalisés, je vais vous demander si vous considéreriez que ce serait une amélioration si la loi contenait une définition précise de «un grave mépris».

+-

    Dre Anu Bose: Oui, ce serait certainement une amélioration.

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord. D'après vous, qui seraient les meilleures personnes pour définir le terme «un grave mépris»? Moi, je ne le sais pas. Si quelqu'un me fait une grimace, c'est un grave mépris, mais c'est tellement élastique. Qui aurait la crédibilité pour définir ce que cela veut dire?

+-

    Dre Anu Bose: Je vais essayer de vous répondre en anglais, madame Dalphond-Guiral.

[Traduction]

    J'imagine qu'il faut l'intégrer au règlement. Je crois aussi qu'on devrait invité votre comité, l'Association du Barreau et des groupes comme le nôtre à proposer des définitions, qui pourraient être insérées dans le règlement. La question des définitions est toujours chargée...

+-

    Le président: La balle est dans votre camp: nous attendons vos commentaires à cet égard. Ils seront les bienvenus.

  +-(1240)  

+-

    Dre Anu Bose: Soyez assurés que je vais m'adresser à nos membres et à mes jeunes loups d'avocats, et que je vous reviendrai avec leurs commentaires. Nous préparons déjà quelque chose sur la carte d'identité. Voulez-vous que nous joignions les deux documents?

+-

    Le président: Oui, ce sera parfait.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: On avait exigé que les règlements de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés soient présentés au comité. Je pense que c'était une première. On va peut-être récidiver avec C-18 et exiger que ce soit inscrit dans la loi. Dans l'hypothèse où cela ne serait pas retenu, où le gouvernement déciderait de publier les règlements sans les soumettre au comité, est-ce qu'il ne serait pas plus sage que la définition de «grave mépris» soit incluse dans la loi? Les règlements peuvent changer. La loi peut rester en place longtemps, mais les règlements peuvent changer.

    Je ne suis pas juriste, mais à mon avis, les choses importantes devraient être dans la loi. Je pense que rien n'empêche qu'on ajoute une disposition qui définirait de façon acceptable de ce que veut dire «un grave mépris».

+-

    Dre Anu Bose: Certainement, madame.

[Traduction]

    J'aimerais beaucoup qu'on nous propose une liste précise de toutes les ambiguïtés du projet de loi à l'étude. Vous avez toute notre confiance, chers parlementaires.

[Français]

+-

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Que c'est pesant!

[Traduction]

+-

    Le président: La charge est très lourde, encore plus pour les députés.

+-

    Ms. Madeleine Dalphond-Guiral: Voilà pourquoi mon travail ici me plaît tellement!

+-

    Le président: Je le sais.

    Libby.

+-

    Mme Libby Davies: Mille mercis de votre visite. Je suis aussi nouvelle au comité, et je dois faire un peu de rattrapage pour comprendre l'historique du projet de loi et la formulation la plus récente.

    J'ai quelques questions. Si j'ai bien compris, vous souhaiteriez que les articles 21, 22 et 28 soient supprimés?

+-

    Dre Anu Bose: Oui.

+-

    Mme Libby Davies: Vous êtes d'avis, par conséquent, qu'il vaut mieux ne pas définir le processus d'annulation, ni les motifs possibles? En principe, vous estimez que le projet de loi ne doit rien contenir de tel, pour éviter de créer deux catégories de citoyens?

+-

    Dre Anu Bose: Mais, madame Davies, c'est ce qui se passe.

    Certes, nous préférerions qu'on donne une définition plus précise. Nos réserves à l'égard de ce projet de loi—même si je ne suis pas avocate—sont liées en grande partie au caractère vague des définitions. À bien des endroits, la formulation est obscure. Qui plus est, outre la formulation, le projet de loi met en péril plusieurs principes fondamentaux.

+-

    Mme Libby Davies: Je m'inquiète notamment—vous en avez parlé aussi—du fait que le gouvernement fédéral a déjà approuvé des lois de très grande portée en matière de sécurité. Comme si ce n'était pas assez, la question des mesures de sécurité s'est aussi infiltrée dans la législation sur la citoyenneté.

    Je ne sais pas si vous avez examiné la question de ce point de vue, mais il me semble qu'on a déjà approuvé des lois de très grande portée, des dispositions très adéquates en matière de sécurité, de terrorisme ou de complicité à cet égard. Pourquoi rouvrir les vannes et risquer d'inonder complètement le projet de loi?

    Avez-vous eu l'occasion de faire un examen élargi au regard d'autres documents législatifs déjà approuvés, lesquels ont d'ailleurs suscité des réserves très sérieuses de la part de nombreux groupes, dont le vôtre probablement?

+-

    Dre Anu Bose: Vous posez là une question fort intéressante, madame Davies. Je suis chargée de recherche principale et je viens de recevoir une subvention de 100 000 $ de Condition féminine et de Justice Canada, pour examiner cette question et les conséquences pour les collectivités des minorités visibles et d'immigrants. Si vous me revenez dans six mois d'ici, je pourrai vous donner ce que je considère comme une réponse éclairée, pas seulement la première opinion qui me vient à l'esprit.

    Il nous semble que tous les plus récents projets de loi soient inspirés de la législation anti-terroriste. Comme si le Saint-Esprit nous hantait.

  +-(1245)  

+-

    Mme Libby Davies: Si vous faites cette recherche, probablement grâce à une subvention du fédéral...

+-

    Dre Anu Bose: Oui, en effet.

+-

    Mme Libby Davies: La question se pose donc: le gouvernement a-t-il dépassé les bornes dans ce domaine, et cela a-t-il des conséquences sur les autres sphères de la vie? Nous revoici devant un nouveau projet de loi qui nous tombe dessus comme un raz de marée.

    Je m'interroge par ailleurs—la question a été soulevée par des groupes de Vancouver—sur la place donnée à l'égalité entre les sexes dans ce projet de loi. Peut-être cela fera-t-il partie de votre examen des autres lois portant sur la sécurité ou la lutte au terrorisme.

    Avez-vous eu le temps, pour autant que ce soit possible étant donné sa relative nouveauté, d'analyser la place donnée à l'égalité entre les sexes dans ce projet de loi?

+-

    Dre Anu Bose: Oui, nous avons fait cette analyse. J'y ai fait allusion dans mes commentaires sur la citoyenneté. En fait, je n'ai jamais personnellement... Peut-être faut-il mettre cela sur le compte de ma formation britannique: nous accordons moins d'importance à l'analyse selon le sexe qu'à l'analyse de la politique publique en vue de déterminer si des groupes sont laissés pour compte, et notamment les membres des minorités visibles et les immigrants. Soyez assurée cependant que j'utiliserai cet argent, cette subvention, pour examiner l'ensemble de la législation par tous les angles possibles—dont l'analyse selon le sexe.

    Le projet de loi C-36, qui porte sur l'anti-terrorisme, vise autant les hommes que les femmes, je crois. Les hommes et les femmes en subissent également les conséquences. Les femmes ont moins de possibilités, notamment parce que leur mobilité est encore plus restreinte. Cependant, le projet de loi comporte des effets très lourds surtout pour les personnes de couleur et les immigrants. C'est l'aspect qui nous préoccupe le plus, d'autant plus que notre président est lui-même d'origine ethnique.

+-

    Le président: Oui, d'un endroit où les températures sont beaucoup plus clémentes ces temps-ci. J'ai de très bons souvenirs de l'Italie.

+-

    Dre Anu Bose: Nous serons ravis, monsieur le président, de faire parvenir à M. Dolin et à votre greffier notre plan de recherche, quand il sera prêt. Vous et M. Dolin pourrez le commenter, si vous le désirez.

+-

    Le président: Pour ce qui est des commentaires, je ne sais pas. Nous sommes intéressés par l'information, par vos points de vue.

+-

    Dre Anu Bose: Je m'engage à vous transmettre le plan.

+-

    Le président: Très bien. Andrew avait une question pour vous, je crois.

+-

    M. Andrew Telegdi: Je veux être bien sûr. Beaucoup de témoins prétendent que le projet de loi créera deux catégories de citoyens. C'est déjà le cas. La Loi date de 1977, et les minorités, les immigrants du Canada, n'ont pas toujours été bien traités. C'est ce qui a donné naissance je crois à la Charte des droits et libertés.

    Quand j'examine le projet de loi, il ne me semble pas être conforme à la Charte, qui dans un certain a fait écho à notre histoire, à ce qui est arrivé aux Acadiens, aux Chinois, aux obstacles posés aux immigrants de couleur—tout cela. Comme nous nous intéressons à une loi sur la citoyenneté, nous devrions nous assurer qu'elle reflète l'esprit de la Charte, qu'elle bénéficie de sa protection. Nous avons encore une chance de bien faire les choses.

    Êtes-vous d'accord que la Charte des droits et libertés, et plus particulièrement l'article 7, devrait servir de principe directeur au projet de loi?

+-

    Dre Anu Bose: Absolument. Il faut dépasser les notions d'égalité entre les sexes ou le point de vue des immigrants et envisager tout projet de loi sous l'angle de la Charte depuis l'avènement de la législation anti-terroriste.

    Merci à vous et à votre bureau de nous avoir invités. Vous sonnez l'alarme et nous accourons.

+-

    Le président: Nous voulions être bien certains parce que le comité s'intéresse à diverses questions. Certains de nos membres—dont certains siègent au comité—se passionnent pour tout ce qui a trait à l'immigration et à la citoyenneté. Je suis l'un d'eux.

    Le comité a fait du très bon travail au cours des trois ou quatre dernières années. Nous faisons notre possible pour faire du travail de qualité et pour l'améliorer si possible. Nous en sommes au troisième essai pour ce qui est de ce projet de loi, et nous avons par conséquent entendu beaucoup de gens partout au pays. La valeur qu'ils accordent à la citoyenneté est à mes yeux remarquable, incroyable. Cela nous place dans l'obligation de faire en sorte qu'il y ait une seule classe de citoyens.

    Anu, vous avez mentionné votre héritage anglais. Le ministre australien de la citoyenneté nous a en effet souligné que les Britanniques s'intéressaient aussi à la question de la citoyenneté. Eux aussi veulent faire en sorte qu'il y ait une classe unique de citoyens. Il existe bien des avenues pour accéder à la citoyenneté—que ce soit par la naissance ou par choix. Les Britanniques étudient présentement une disposition visant la révocation de la citoyenneté acquise à la naissance, sous réserve que la personne visée ne devienne pas apatride.

    C'est une solution quelque peu complexe pour garantir l'égalité. J'espère que nous allons trouver des moyens un peu plus novateurs. Nous sommes déterminés à créer une classe unique de citoyens. Je suis certain que nous pourrons mettre à profit toute notre ingéniosité pour y arriver.

    Merci beaucoup, Anu, encore une fois, de votre collaboration antérieure, du travail énorme dont vous nous faites bénéficier, de même que notre pays et le groupe que vous représentez. Nous attendrons avec impatience vos mémoires sur le thème de la carte d'identité nationale, ainsi que les modifications aux définitions que vous nous transmettrez.

  -(1250)  

+-

    Dre Anu Bose: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci.

    Chers collègues, lors de notre prochaine réunion, le 18 mars, nous recevrons des gros canons. Tout d'abord, nous accueillerons un juge bien connu de la Cour supérieure, le juge Salhany. Il nous expliquera brièvement la loi et certaines dispositions du projet de loi C-18. Nous entendrons aussi le Commissaire à la protection de la vie privée—du Canada cette fois. Nous avons entendu des commissaires provinciaux lors de nos voyages. Voilà pour la séance du 18 mars.

    Le 20 mars, vous le savez déjà, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration nous rendra visite pour discuter avec nous du budget des dépenses supplémentaires.

+-

    Mme Libby Davies: Quand pourrons-nous entreprendre l'étude article par article?

-

    Le président: Au courant du mois d'avril.

    Merci.

    La séance est levée.