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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 23 octobre 2003




¹ 1535
V         Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.))
V         M. Ken Bee (président, Producteurs de grains du Canada)
V         Le président
V         M. Ken Bee

¹ 1545
V         Le président
V         M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne)
V         M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne)
V         M. Gerry Ritz
V         M. Cam Dahl (directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada)
V         M. Gerry Ritz
V         M. Cam Dahl
V         M. Gerry Ritz

¹ 1550
V         M. Ken Bee
V         M. Gerry Ritz
V         M. Ken Bee
V         M. Gerry Ritz
V         M. Ken Bee
V         M. Cam Dahl
V         M. Gerry Ritz
V         M. Ken Bee
V         M. Gerry Ritz
V         M. Ken Bee
V         M. Gerry Ritz
V         M. Ken Bee
V         M. Gerry Ritz
V         M. Ken Bee
V         M. Gerry Ritz
V         Le président
V         M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ)

¹ 1555
V         M. Ken Bee
V         M. Louis Plamondon
V         M. Ken Bee
V         M. Louis Plamondon
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.)

º 1600
V         M. Ken Bee
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Ken Bee
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Cam Dahl
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Ken Bee
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Ken Bee

º 1605
V         M. Cam Dahl
V         Le président
V         M. Dick Proctor (Palliser, NPD)
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Ken Bee
V         M. Dick Proctor

º 1610
V         M. Ken Bee
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         M. Cam Dahl
V         M. Dick Proctor
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom

º 1615
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Ken Bee
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Ken Bee
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Ken Bee
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Ken Bee
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Cam Dahl
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Ken Bee
V         M. Howard Hilstrom
V         Le président

º 1620
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Ken Bee
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Ken Bee
V         M. Cam Dahl
V         Le président

º 1625
V         M. Louis Plamondon
V         M. Ken Bee
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         M. Ken Bee

º 1630
V         M. Cam Dahl
V         Le président
V         M. Jacques Laforge (premier vice-président, Producteurs laitiers du Canada)

º 1635

º 1640
V         Le président
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Jacques Laforge
V         M. Howard Hilstrom

º 1645
V         M. Richard Doyle (directeur exécutif, Producteurs laitiers du Canada)
V         M. Howard Hilstrom
V         M. Jacques Laforge
V         M. Richard Doyle

º 1650
V         Le président
V         M. Louis Plamondon
V         M. Richard Doyle
V         M. Louis Plamondon
V         M. Richard Doyle

º 1655
V         M. Louis Plamondon
V         M. Richard Doyle
V         M. Louis Plamondon
V         M. Richard Doyle
V         M. Louis Plamondon
V         M. Jacques Laforge
V         M. Louis Plamondon
V         Le président
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Richard Doyle
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Richard Doyle
V         Mme Rose-Marie Ur

» 1700
V         M. Jacques Laforge
V         Mme Rose-Marie Ur
V         M. Richard Doyle
V         Mme Rose-Marie Ur
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         M. Jacques Laforge
V         M. Dick Proctor
V         M. Jacques Laforge

» 1705
V         M. Dick Proctor
V         M. Jacques Laforge
V         M. Dick Proctor
V         M. Richard Doyle
V         M. Dick Proctor
V         M. Richard Doyle
V         M. Dick Proctor
V         M. Richard Doyle
V         Le président
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge

» 1710
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Gerry Ritz
V         M. Jacques Laforge
V         M. Richard Doyle
V         M. Gerry Ritz
V         M. Richard Doyle
V         M. Gerry Ritz

» 1715
V         M. Richard Doyle
V         M. Gerry Ritz
V         M. Richard Doyle
V         M. Gerry Ritz
V         M. Richard Doyle
V         M. Gerry Ritz
V         Le président
V         M. Louis Plamondon
V         M. Richard Doyle
V         M. Louis Plamondon
V         M. Jacques Laforge

» 1720
V         M. Louis Plamondon
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         M. Richard Doyle
V         M. Dick Proctor
V         Le président
V         M. Dick Proctor
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 049 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 23 octobre 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)): La séance est ouverte. Nous n'avons pas le quorum, mais nous pouvons aller de l'avant, car nous sommes assez nombreux.

    Nous accueillons encore une fois les Producteurs de grains du Canada. Nos deux témoins, M. Bee et M. Dahl, ont assisté, tout comme moi, à la réunion de l'OMC, à Cancun, qui portait sur le sujet à l'étude. Ils vont nous faire part de leurs vues sur la question.

    M. Bee, êtes-vous prêt? 

+-

    M. Ken Bee (président, Producteurs de grains du Canada): Oui.

+-

    Le président: Pouvez-vous nous présenter votre exposé? Nous avons une heure à vous consacrer.

+-

    M. Ken Bee: Merci.

    Monsieur le président, madame la vice-présidente, monsieur le vice-président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Au nom des Producteurs de grains du Canada, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.

    Je m'appelle Ken Bee, et je suis le président des Producteurs de grains du Canada. J'exploite une ferme dans le sud-ouest de l'Ontario, plus précisément dans la circonscription de la vice-présidente, Mme Ur. Je suis accompagné de M. Cam Dahl, directeur exécutif de l'association.

    Les Producteurs de grains du Canada représentent plus de 80 000 agriculteurs de toutes les régions du pays. Il est important de signaler que nous défendons essentiellement les intérêts des céréaliers et des producteurs d'oléagineux.

    Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que la production annuelle de nos agriculteurs dépasse les 10 milliards de dollars. Les exportations de grains et d'oléagineux comptent pour une bonne part des exportations agroalimentaires canadiennes, qui atteignent 25,9 milliards de dollars par année. La prospérité et l'innovation de l'industrie des grains et des oléagineux profitent à l'ensemble des Canadiens, qu'ils vivent dans les régions urbaines ou rurales. Les Producteurs de grains du Canada ont élaboré des politiques qui contribueront à assurer la viabilité de ce secteur important.

    Les négociations sur le commerce international constituent un enjeu de taille, sinon l'enjeu le plus important, pour les producteurs de céréales et d'oléagineux. Notre industrie continue de subir les effets de l'ingérence, dans notre marché, des subventions étrangères accordées aux industries locales et aux exportations, ainsi que des obstacles tarifaires. Ces obstacles ne font pas que limiter l'accès aux nouveaux produits de base; ils empêchent également la vente des produits agricoles transformés, ce qui prive les Canadiens d'emplois, et les familles agricoles de certains revenus.

    Cette ingérence des marchés étrangers nous coûte cher. D'après Agriculture Canada, les subventions des États-Unis et de l'Union européenne à elles seules coûtent, en pertes, environ 1,3 milliard de dollars par année aux céréaliers et producteur d'oléagineux. Les études démontrent qu'en éliminant les obstacles tarifaires, le prix du blé augmenterait de 27 $ la tonne, et celui du maïs, de 9 $ la tonne. C'est sans tenir compte de l'impact sur les prix à la ferme si les tarifs des produits transformés devaient chuter.

    Les céréaliers et les producteurs d'oléagineux ont évidemment beaucoup à gagner de la réussite des négociations commerciales sur le plan international. Ils ont également beaucoup à perdre si celles-ci échouent. Cependant, les céréaliers et les producteurs d'oléagineux ne seront pas les seuls à perdre en cas d'échec. L'économie canadienne dans son ensemble en souffrira, d'éventuels emplois ne seront jamais créés et les possibilités de développement économique seront réduites à néant. Personne au Canada, incluant les céréaliers et les producteur d'oléagineux, ne peut se permettre un tel échec. Il est dans l'intérêt des familles agricoles canadiennes qu'on parvienne à s'entendre pour libéraliser le commerce agricole.

    Les céréaliers et les producteurs d'oléagineux doivent obtenir de nos partenaires commerciaux les trois grandes concessions suivantes : l'amélioration considérable de l'accès au marché pour les grains, les oléagineux et leurs produits à valeur ajoutée; l'élimination des subventions à l'exportation; des réductions importantes du soutien interne ayant pour effet de fausser les échanges. Ces trois piliers sont essentiels et interreliés. Nous devons réaliser des progrès tangibles sur ces trois fronts.

    L'exposé ci-joint comporte sept sections. Les parties un à trois donnent un survol de l'association, décrivent sa position et expliquent pourquoi les négociations de l'OMC sont si importantes pour l'agriculture canadienne. Par exemple, environ 75 p. 100 du blé et du canola canadiens sont exportés à l'état brut ou sous forme de produits transformés.

    La partie quatre donne des exemples de cas de réussite qui montrent à quel point la libéralisation peut être utile. Les échanges de l'industrie des légumineuses avec l'Inde illustrent les avantages que présente l'élimination des obstacles tarifaires. La croissance du marché de l'orge et du malt d'orge en Chine témoigne des progrès qui peuvent être accomplis par suite de l'adhésion de ce pays à l'OMC.

    Notre exposé met l'accent sur l'état des négociations de l'OMC mais, plus précisément, sur les récentes rencontres ministérielles qui ont eu lieu à Cancun, au Mexique. Nous estimons, après en avoir fait une analyse détaillée, que l'ébauche du texte-cadre qui découle de ces rencontres est beaucoup plus solide que l'ébauche dont on disposait au début de la semaine de négociations.

    D'aucuns ont laissé entendre que les réunions de Cancun se sont soldées par un échec et que les négociations sur les questions agricoles ont donné lieu à peu de progrès. Nous ne sommes pas de cet avis. Il est important de préciser que, même si les pourparlers ont échoué, les questions agricoles ne sont pas responsables de l'impasse. Les pourparlers ont échoué parce que les parties ne sont pas parvenues à s'entendre sur les quatre autres questions dites de Singapour, en particulier celle sur les investissements.

    Les Producteurs de grains du Canada sont déçus de voir qu'aucun cadre ayant permis de tracer la voie des négociations agricoles à venir n'a été adopté à Cancun. Cependant, nous trouvons encourageants les progrès réalisés au cours de la semaine de discussions. Nous croyons en effet que l'adoption de l'ébauche du texte-cadre nous permettrait de nous rapprocher de nos objectifs.

    Les discussions entourant la libéralisation des échanges sont souvent empreintes de passion. Elles ont donné lieu à certaines méprises. Mentionnons, par exemple, le fait que le texte-cadre entraînerait la disparition des programmes canadiens de stabilisation du revenu ou de l'assurance-récolte. C'est faux. Le Canada pourrait continuer d'offrir, en vertu du texte-cadre de Cancun, ces importants programmes aux agriculteurs. De plus, l'OMC prévoit des dispositions qui permettent la mise sur pied de programmes d'assurance-récolte et de stabilisation des revenus. Enfin, lors des négociations qui se sont déroulées l'an dernier, l'OMC a présenté certaines recommandations qui auraient pour effet de consolider et d'améliorer ces clauses, par exemple, en accordant une marge de référence accrue pour l'assurance-récolte.

    L'ébauche du texte-cadre renferme des conditions qui limitent grandement la capacité des États-Unis d'accorder aux céréaliers et aux producteurs d'oléagineux un soutien spécifique ou d'étendre à d'autres secteurs des programmes qui viennent fausser les échanges.

    Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Je tiens à vous rappeler qu'en vertu du U.S. Farm Bill, 95 p. 100 de tous les paiements directs vont au secteur agricole. Il convient aussi de mentionner que le plus récent Farm Bill élargit la portée du programme de prêts compensatoires de manière à englober d'autres denrées, notamment les légumineuses.

    Les dispositions du texte feraient également en sorte qu'il serait plus difficile pour l'UE et les États-Unis de transférer les fonds affectés à un produit en particulier d'un secteur à l'autre. Le programme américain de prêts compensatoires, qui permet d'accorder un soutien important aux producteurs de blé une année et aux producteurs de maïs l'année suivante, témoigne de ce genre de fluidité dans les dépenses consacrées au programme. Si l'on parvenait à restreindre cette pratique, les céréaliers et les producteurs d'oléagineux canadiens en profiteraient grandement.

    Nous sommes heureux de voir que l'ébauche du texte-cadre renferme des dispositions qui permettraient de mieux définir les programmes d'appui qui ne faussent aucunement la production et les échanges. Je fais allusion ici aux programmes « verts ». Il s'agit là d'un gain essentiel pour le secteur des céréales et des oléagineux, puisque plusieurs des programmes définis comme étant verts par les États-Unis ou l'UE faussent clairement la production et les échanges. Ceux-ci devraient faire l'objet de sanctions de la part de l'OMC.

    Les céréaliers et les producteurs d'oléagineux ont également réalisé des gains importants au chapitre de l'accès aux marchés, comme en témoigne l'ébauche finale du texte-cadre. De façon plus précise, la clause exigeant une réduction de l'écart entre les tarifs des produits transformés le tarif des produits non-transformés a été consolidée; c'est ce qu'on appelle la « progressivité tarifaire ». Cette mesure favoriserait le développement des industries de traitement à valeur ajoutée au Canada, permettrait aux agriculteurs de toucher davantage d'argent et encouragerait la création d'emplois dans les communautés rurales.

    Malheureusement, les dispositions sur la progressivité tarifaire ne prévoient aucune réduction des tarifs différentiels dont font l'objet les produits concurrents. L'exemple le plus évident concerne les tarifs imposés au soya et à l'huile de soya, et ceux imposés au canola et à l'huile de canola. Dans bien des cas, les tarifs applicables au soya et à l'huile de soya sont moins élevés. Nous encourageons le gouvernement canadien et notre équipe de négociateurs à continuer d'exercer des pressions pour qu'on mette fin à cette discrimination, puisqu'elle touche souvent et directement les exportations canadiennes.

    Nous sommes très déçus de voir que l'ébauche du texte-cadre ne propose aucun programme dynamique dans le but d'éliminer les subventions à l'exportation. Le subventionnement des exportations compte parmi les pratiques qui faussent le plus les échanges. Elle a été éliminée de presque toutes les industries, sauf l'agriculture. Nous remarquons que l'ébauche finale du texte-cadre précise que la date pour l'élimination des subventions à l'exportation fera l'objet de négociations. Nous encourageons le gouvernement canadien à exiger que cette date négociée apparaisse au début de toute entente.

    Les Producteurs de grains du Canada sont conscients du fait qu'il faudra un certain temps avant que la libéralisation du commerce agricole ne devienne réalité. Nous savons également que, sur le plan des subventions, l'écart entre nos concurrents commerciaux et le Canada n'a cessé de croître. C'est pour cette raison que nous continuons de préconiser un programme de reconnaissance des préjudices commerciaux, programme qui protégerait les familles agricoles canadiennes contre les pratiques des concurrents qui faussent les échanges et la production. Ce programme devrait être en place d'ici à ce que nous parvenions à une entente satisfaisante à l'OMC.

    Par ailleurs, nous constatons que les agriculteurs américains ont droit au programme d'aide à l'ajustement commercial. Les États-Unis ont pris des mesures pour contrer l'effet de distorsion du commerce. Il est temps que le gouvernement du Canada intervienne lui aussi à ce chapitre. Nous continuons de lutter pour qu'on nous accorde cet élément essentiel mais absent du programme canadien de sécurité du revenu agricole.

    En résumé, nous sommes déçus que les ministres et l'OMC ne soient pas encore parvenus à s'entendre sur un cadre qui définirait l'avenir des négociations sur le plan agricole. Toutefois, nous trouvons encourageants les progrès réalisés lors de l'examen à mi-parcours qui a eu lieu à Cancun. Nous croyons que l'ébauche du texte agricole présentée à la fin de la semaine représentait clairement une amélioration par rapport au document rédigé au début de la réunion des ministres. Nous croyons que le texte-cadre, s'il est adopté, nous rapprocherait de nos objectifs, soit la libéralisation des échanges en agriculture et l'établissement de règles du jeu plus équitable pour nos agriculteurs.

    Nous ne voulons pas donner l'impression que nous sommes à l'aise avec tous les éléments que renferme l'ébauche du texte-cadre. Nous ne le sommes pas. Cependant, l'OMC a réalisé des progrès, quoique minimes, en faveur d'un marché mondial plus équitable pour les produits agricoles. Les Producteurs de grains du Canada continueront d'encourager le gouvernement à profiter constamment et de façon dynamique des progrès réalisés.

    J'aimerais, pour terminer, profiter de cette occasion pour vous remercier, monsieur le président, vous ainsi que les ministres Vanclief et Pettigrew, de même que tous les autres membres de la délégation canadienne, de l'excellent travail que vous avez accompli lors de la réunion ministérielle de l'OMC, à Cancun. Je tiens notamment à remercier la délégation canadienne, qui a veillé à ce que les organisations non gouvernementales canadiennes soient tenues au courant de l'évolution des discussions au cours de la semaine. Elle a fait preuve de transparence et d'ouverture.

    Merci. Je répondrai volontiers à vos questions.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Bee.

    Nous allons commencer par M. Ritz. Vous avez droit à sept minutes.

+-

    M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, d'être venus nous rencontrer.

    Cancun a dû être une expérience intéressante. Il y a beaucoup de choses qui se sont passées dans les coulisses.

+-

    M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Alliance canadienne): Et aussi sur la plage.

+-

    M. Gerry Ritz: Bien sûr.

    J'ai lu la mise à jour sur les négociations de l'OMC qui a été publiée il y a un ou deux jours, et il y a deux ou trois choses qui me frappent. Vous parlez de malentendus, de fausses perceptions. Vous parlez aussi du programme de stabilisation du revenu agricole, du programme d'assurance-récolte. Bien sûr, je me souviens de l'époque où nous avions l'ACRA, et ensuite le PCRA. Le ministre insistait pour dire qu'on ne pouvait se doter d'un programme de soutien agricole au Canada, car ce programme n'était pas conforme aux règles du GATT. Qu'est-ce qui a changé? Vous dites qu'on peut mettre sur pied un tel programme, tandis que le ministre, lui, laisse entendre le contraire.

+-

    M. Cam Dahl (directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada): Le CSRN, par exemple, serait jugé conforme aux règles. En fait, le PCRA et l'ACRA correspondaient à la définition des programmes verts. La question de la conformité aux règles du GATT a souvent été abordée quand on a mis sur pied le PCSRA. On nous a clairement laissé entendre que ce programme avait été conçu de manière à répondre aux exigences de l'OMC. C'est un sujet qui préoccupe les Producteurs de grains du Canada, à savoir que les programmes ne sont peut-être pas conformes aux définitions actuelles, ou même à venir. On nous a dit que ces programmes...

+-

    M. Gerry Ritz: Nous semblons être les seuls à craindre ces contestations commerciales. Aucun des programmes adoptés par les autres pays ne semble être conforme aux règles du GATT. Est-ce que la raison du plus fort est toujours la meilleure? Est-ce là que se situe le problème?

+-

    M. Cam Dahl: C'est pour cette raison, entre autres, que nous abordons brièvement, dans notre exposé, la question de la « clause de paix », et que nous invitons le gouvernement du Canada à ne pas accepter qu'elle soit prorogée. Cela permettrait au Canada et à d'autres pays de s'attaquer aux programmes américains de subventions et aux aspects du Farm Bill que les Américains qualifient de verts, mais qui ne le sont probablement pas. Voilà pourquoi, entre autres, nous préconisons l'adoption de telles mesures, une fois que la clause de paix deviendra caduque, à la fin de l'année.

+-

    M. Gerry Ritz: Le programme de prêts compensatoires aux États-Unis a été étendu de manière à couvrir davantage de denrées, et personne ne conteste ce fait.

¹  +-(1550)  

+-

    M. Ken Bee: Il faut comprendre que les États-Unis ont leur propre loi sur les droits compensateurs, qu'ils appliquent régulièrement. Ils ont constaté qu'en exerçant des pressions politiques, certains groupes de producteurs arrivent à contester des programmes dans d'autres pays. Nous n'avons pas, au Canada, de loi qui nous permet de faire la même chose.

+-

    M. Gerry Ritz: Pouvons-nous en adopter une?

+-

    M. Ken Bee: Je ne le sais pas. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il faut voir si une telle loi nous permettrait de contester avec succès certains de ces programmes. Je pense qu'une telle loi s'impose. Nous devons être en mesure de déterminer si les programmes adoptés par d'autres pays sont effectivement verts. Toutefois, c'est au gouvernement, et non aux producteurs, de le faire.

+-

    M. Gerry Ritz: Ils n'ont pas les ressources voulues pour le faire.

+-

    M. Ken Bee: Nous cherchons toujours, au Canada, à concilier les différents intérêts qui sont en jeu quand nous élaborons un programme. Oui, nous voulons nous conformer aux règles de l'OMC, mais nous voulons aussi tenir compte des règles sur les droits compensateurs qui sont en vigueur aux États-Unis.

+-

    M. Cam Dahl: J'aimerais simplement renchérir sur les raisons pour lesquelles il importe tant que le Canada y porte attention quand il conçoit ses programmes. En effet, il ne faut pas oublier notre dépendance complète à l'égard du commerce, surtout dans le secteur des grains et des oléagineux. Il faut que nous ayons accès à des débouchés à l'étranger..., et c'est là que nous connaissons notre lot de difficultés.

+-

    M. Gerry Ritz: Vous poursuivez en affirmant que les producteurs de céréales—j'ai déjà entendu cet argument—continuent de se battre pour que le commerce devienne le sixième pilier du cadre stratégique pour l'agriculture. Où en êtes-vous sur ce plan? Le ministre tente de persuader deux provinces d'y adhérer, soit l'Ontario et la Saskatchewan, après quoi le cadre stratégique aura une influence. Exercez-vous beaucoup de pressions sur ces provinces en leur affirmant que c'est là l'élément crucial, qu'il faut le mettre en place, puis signer? Comment se déroulent ces démarches?

+-

    M. Ken Bee: En tant qu'organisme national, il ne nous appartient pas de faire des démarches auprès des gouvernements provinciaux. Toutefois, en réponse à votre question, je précise qu'à ce stade-ci, nous sommes quelque peu déçus de la place faite au commerce par le gouvernement dans le cadre stratégique pour l'agriculture. Nous ne croyons pas qu'il lui accorde la place qui lui revient.

+-

    M. Gerry Ritz: Vous parlez de lutter pour obtenir un programme d'indemnisation pour préjudice commercial. Il en est question depuis des années, mais les élus n'ont jamais voulu y investir de l'argent. Y a-t-il assouplissement à cet égard, maintenant qu'on voit les agriculteurs de plus en plus affectés? L'EBS a complètement paralysé le secteur de l'élevage bovin. Or, c'était celui qui prospérait le plus.

+-

    M. Ken Bee: L'ESB est une problématique quelque peu différente. Je ne suis pas sûr qu'il soit souhaitable d'établir un lien entre les deux.

    Toutefois, dans la mesure où le commerce est concerné, nous avons tenté de faire ressortir dans notre mémoire que les États-Unis avaient effectivement reconnu la réalité de certains rajustements. Ils ont en place un programme dans le cadre duquel, quand les cours connaissent une baisse préjudiciable (de quelque 20 p. 100), les producteurs américains ont droit à une aide. Nous demandons simplement à notre gouvernement de reconnaître l'existence des rajustements commerciaux et des préjudices que cela nous cause et qui sont indépendants de notre volonté. Nous ne demandons pas une indemnisation permanente. Obtenez-nous de bonnes conditions à l'OMC, et nous n'aurons pas besoin du foutu programme!

+-

    M. Gerry Ritz: Il faut une certaine synchronisation. Dans l'OMC, il faut voir plus loin que le court terme.

+-

    M. Ken Bee: Nous en sommes conscients.

+-

    M. Gerry Ritz: Nos agriculteurs subissent des préjudices depuis des années déjà, et il est impossible de leur faire faire du rattrapage, de rendre l'accord de l'OMC rétroactif, naturellement.

+-

    M. Ken Bee: Non, je ne crois pas que nous nous y attendions.

+-

    M. Gerry Ritz: Monsieur le président, je n'ai plus de question.

+-

    Le président: Monsieur Plamondon.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): Merci, monsieur le président. Cela va vous permettre d'apprécier la qualité exceptionnelle de la traduction dont nous bénéficions ici, à Ottawa.

    Je voulais vous parler de votre position très ferme en faveur de l'abolition des subventions et de votre attitude face à la gestion de l'offre. On a l'impression parfois qu'il y a deux visions au Canada. La première préconise l'abolition des subventions et la seconde préconise la protection de la gestion de l'offre. En jouant sur les deux tableaux, le Canada se trouve dans une position inconfortable lorsqu'il y a des négociations internationales.

    J'ai entendu dire que parfois, lors de discussions privées, M. Dahl aurait prétendu que le Canada se devait de faire des concessions en ce qui concerne la gestion de l'offre, afin de faciliter l'abolition des subventions. J'ai aussi entendu dire, dans les couloirs également, que M. le président Bee était un peu fatigué des producteurs de lait et d'autres produits agricoles qui sont régis par une gestion de l'offre et qu'il voudrait que le Canada adopte une position plus flexible en ce qui a trait à la gestion de l'offre.

    Est-ce que je me trompe?

¹  +-(1555)  

[Traduction]

+-

    M. Ken Bee: Tout d'abord, nous ne faisons pas d'observation sur la gestion de l'offre. Nous représentons des producteurs de céréales et d'oléagineux. Il est plutôt évident, quand on exporte quelque 75 p. 100 de son blé et de son canola et des quantités moindres d'autres céréales et oléagineux, qu'il est impossible de survivre en ne comptant que sur le marché intérieur.

    Quant à ce que vous avez dit au sujet de ce que nous pensons ou ne pensons pas de la gestion de l'offre, je n'ai pas de commentaire à faire. C'est leur rôle de dire ce dont ils croient avoir besoin pour leur secteur. Nous savons qu'il faut que le commerce soit davantage libéralisé et plus équitable. Nous savons qu'il faut injecter une certaine discipline dans la question des subventions. Nous sommes continuellement désavantagés du fait que l'Europe et les États-Unis sont essentiellement autorisés à subventionner très directement leurs producteurs de céréales et d'oléagineux en leur versant des montants presque illimités. Il faut soumettre ce secteur à une certaine discipline.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Lors de négociations de l'OMC, il a été question d'imposer des plafonds à la capacité d'imposer des tarifs douaniers élevés en ce qui concerne la gestion de l'offre. Vous avez semblé très à l'aise face à cette position et vous auriez sans doute applaudi le ministre s'il avait agi en ce sens et avait fait en sorte que la position canadienne soit telle. Vous ne voulez pas parler de la gestion de l'offre, mais vous n'hésitiez pas à le faire alors, puisque le fait d'imposer des plafonds à la capacité d'imposer des tarifs douaniers élevés aurait sans doute facilité la conclusion d'un accord. Vous fuyez ma question concernant la gestion de l'offre.

    Pourquoi n'adoptez-vous pas une position très claire stipulant que la gestion de l'offre ne nuit en rien au commerce international et, donc, ne nuit pas à votre demande d'abolition des subventions?

[Traduction]

+-

    M. Ken Bee: Je ne crois pas que vous ayez bien compris notre position si vous dites que nous réclamons l'abolition des subventions. Ce que nous réclamons, c'est la même série de règles pour tous, une réduction des formes de soutien national qui sont sources de distorsion et l'abolition des subventions à l'exportation.

    Je répète que les plafonds préoccupent le secteur canadien des grains et des oléagineux parce que d'autres joueurs, les États-Unis et l'Union européenne surtout, peuvent verser directement à leurs producteurs de céréales et d'oléagineux des montants illimités. Le fait d'imposer un plafond quelconque aux montants d'aide versés serait avantageux pour nos producteurs de céréales et d'oléagineux.

    Ceux qui au Canada s'occupent de la gestion de l'offre sont de bons clients de nos producteurs. Je ne vais donc pas m'aventurer à faire des observations sur la gestion de l'offre.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: J'interviendrai de nouveau plus tard.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Ur.

+-

    Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président, et je vous remercie, monsieur Bee, de cet exposé.

    De plus, contrairement à certains de mes collègues, je n'ai pas eu le privilège de me rendre là-bas. Par contre, je me suis renseignée sur ce qui s'était passé. Je me réjouis de constater que vous avez observé à peu près la même chose que ce que m'ont décrit mes collègues à leur retour. Leur point de vue quant à la façon dont se sont déroulées les négociations et les réunions, non seulement dans la grande salle, mais également en coulisses, était certes différent. Il est bon d'entendre dire que tout n'était pas négatif pour tous les pays, qu'on a commencé à dégager des pistes de solution, même si cela ne se fait peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaiterions.

    La seule chose qui m'inquiète, c'est le front commun des pays en développement qui étaient présents. Ont-ils eu un impact majeur, ont-ils joué un grand rôle dans le ralentissement du processus, selon vous? Ou ont-ils adopté une approche plus positive à l'égard des nouveaux pourparlers entamés à l'OMC?

º  +-(1600)  

+-

    M. Ken Bee: L'impression que j'ai eue des pays en développement, c'est qu'ils n'étaient pas disposés à accepter que les États-Unis et l'Europe négocient derrière des portes closes un accord, puis qu'ils cherchent à l'imposer au reste du monde. Les pays en développement en ont assez; ils souhaitent que les subventions nationales sources de distorsion pratiquées tant en Europe qu'aux États-Unis baissent considérablement. Ils veulent voir réduites les subventions à l'exportation et ils souhaitent bénéficier d'un traitement privilégié pour que leurs économies puissent croître. Sans entrer dans le détail, je crois que les pays en développement affirmaient simplement qu'ils n'étaient pas disposés à accepter une reprise de 1993.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Était-ce une bonne idée, monsieur Bee?

+-

    M. Ken Bee: Je ne les blâme pas pour ce qu'ils ont fait.

    En bout de ligne, toutefois, l'objectif n'est pas de savoir si nous sommes pour le G-21, l'Europe ou les États-Unis. Il faut essayer d'en venir à un accord qui permettra de créer dans le domaine de l'agriculture une climat commercial plus équitable, plus libre et mieux discipliné. Il faut que ce soit l'objectif ultime.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Aviez-vous quelque chose à dire, monsieur Dahl?

+-

    M. Cam Dahl: Oui, j'aimerais renchérir un peu parce que j'estime le moment opportun d'en parler. Certains exposés faits par les pays en développement ont en réalité eu un impact positif sur les négociations. L'actuel cycle de négociation s'est fixé des objectifs très imposants sur le plan du développement, et je crois ces exposés ont eu un effet très positif.

    Toutefois, une des points gênants dont il va falloir commencer à parler est ce qu'on entend par « pays en développement », parce qu'actuellement, aux fins de l'OMC, un pays est considéré être en développement s'il affirme l'être. Or, il existe manifestement différents stades de développement, et il va falloir que l'OMC commence à parler de définition précise des sauvegardes et de mesures spéciales. À quel stade s'appliquent-elles? À toutes les étapes? S'appliquent-elles à tous les produits? Il va falloir aborder la question.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Vous avez ensuite affirmé, dans votre déclaration, que la subvention des exportations est une des pratiques qui faussent le plus le commerce et qu'elle a été abolie dans pratiquement tous les secteurs, sauf dans celui de l'agriculture. Pourquoi l'agriculture? Parce qu'elle est si diverse? Quelle en est la raison, selon vous?

+-

    M. Ken Bee: Je crois qu'il répugne aux États de s'asseoir à la table et de reconnaître que l'agriculture devrait être soumise aux mêmes règles que les autres secteurs. Ils ne sont tout simplement pas disposés à le faire à ce stade-ci, de sorte que les règles commerciales s'appliquant à l'agriculture accusent cinquante ans de retard par rapport aux autres.

    Il ne faut pas oublier qu'avant le cycle d'Uruguay, si j'ai bien compris, il n'y avait pratiquement pas de règles. Attribuons au cycle d'Uruguay le mérite d'avoir essayé de mettre en place un système s'appuyant sur des règles. Ce qu'il faut maintenant, c'est essayer de peaufiner ces règles et de les rendre encore meilleures.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Dans votre déclaration, vous avez dit que le producteur de céréales et d'oléagineux avait besoin de trois principaux éléments que vous avez ensuite énumérés. Je les apprécie à leur juste valeur, et je les ai souvent entendus déjà dans de nombreux témoignages que vous avez faits. Je me demandais simplement si vous pouviez nous en parler plus abondamment et nous dire comment nous pourrions faire avancer ces trois dossiers. Avez-vous des suggestions?

+-

    M. Ken Bee: Je vais faire des observations, après quoi je demanderai à Cam de prendre la relève. Vous comprenez que ce n'est pas une question facile.

    Tout d'abord, la raison pour laquelle les trois points sont mentionnés ensemble, c'est qu'ils existe un lien entre eux. On ne peut pas simplement faire avancer un ou deux dossiers et ignorer le troisième. Ils sont tous liés entre eux. Il faut arriver simultanément à réduire les subventions à l'exportation, à réduire le soutien national source de distorsion et à abolir les barrières tarifaires. Même si vous faites progresser deux des trois dossiers, si rien n'est fait dans le troisième, vous continuerez d'être désavantagé. Il faut absolument que les trois progressent simultanément, et cela fait partie des négociations. Si vous obtenez des concessions dans deux de ces dossiers mais rien dans le troisième, il faudra vous asseoir et trouver un moyen de les mettre en équilibre.

    Un des maux qui frappent le secteur des céréales et des oléagineux au Canada, c'est que notre gouvernement n'offre pas beaucoup de soutien particulier à un produit. Pourtant, c'est ainsi que l'Europe et les États-Unis brassent des affaires, et ce sont nos concurrents.

    À titre d'exemple de notre attitude bonasse sur la scène mondiale, nous avons accepté les principes du cycle d'Uruguay et avons réduit les subventions. Nous n'avons pas recours à des subventions particulières à un produit, ce qui défavorise certains d'entre nous.

    Il faut donc tenir compte des trois composantes, en équilibrer les avantages et les inconvénients à la réduction des subventions nationales, des subventions à l'exportation et des barrières tarifaires, et trouver une solution acceptable.

    Je vais maintenant laisser Cam prendre la relève.

º  +-(1605)  

+-

    M. Cam Dahl: C'est pourquoi nous affirmons que certains aspects de l'accord-cadre nous mettent légèrement mal à l'aise. Toutefois, en résumé, je dirais que si nous allions de l'avant avec ce cadre et commencions à négocier les petits espaces laissés en blanc, nous pourrions réaliser des progrès sur les trois fronts. C'est pourquoi nous estimions, à la fin du sommet de Cancun, que nous avions réalisé certains progrès. J'encourage donc notre gouvernement à utiliser ces documents comme base pour les négociations futures.

+-

    Le président: C'est maintenant au tour de M. Proctor, qui dispose de sept minutes.

+-

    M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup.

    Désolé de mon léger retard, mais j'ai bel et bien lu votre mémoire hier soir. Mes excuses.

    Il est bon de vous voir tous deux ici. Je sais que vous avez comparu de nombreuses fois devant le comité, Cam.

    Je vais simplement poursuivre dans la même veine que Rose-Marie. Elle a parlé des points a, b et c de votre mémoire, où on peut lire tout de suite après : « Ces trois piliers sont essentiels et interreliés. Nous devons assister à un progrès tangible sur tous les fronts. » La question que je vous pose, c'est qu'arrivera-t-il s'il n'y a pas de progrès tangible?

+-

    M. Cam Dahl: Pour vous répondre simplement, il faut des progrès tangibles sans quoi les difficultés éprouvées par le secteur des céréales et des oléagineux vont persister. Nous savons tous que les quelque dernières années n'ont pas été faciles pour le secteur. L'essentiel, c'est de cesser de faire de la gestion de crise. À cette fin, il est essentiel de réaliser des progrès dans ces trois domaines.

+-

    M. Dick Proctor: Quelle est la situation dans le secteur même, en termes d'agriculteurs qui renoncent et vendent leurs fermes ou d'exploitations qui prennent de l'expansion? Y a-t-il une tendance? Varie-t-elle d'une région à l'autre ou d'une province à l'autre?

+-

    M. Ken Bee: Je suis sûr que cela varie d'un bout à l'autre du pays, selon la région et le genre de cultures pratiquées, et ainsi de suite, mais il s'agit d'un processus permanent dans le cadre duquel effectivement, certains d'entre nous se retirent du commerce en raison de rendements insuffisants. Supposons que vous avez investi 1, 2 ou 3 millions de dollars dans une exploitation. Vous vous demandez ensuite quel en est le rendement. Or, il s'avère que le rendement est trop bas. Donc, effectivement, c'est un processus permanent.

    À long terme, il est absolument essentiel que nous accouchions d'un système commercial juste, qui s'appuie sur des règles. Les producteurs canadiens bénéficient d'une ressource naturelle abondante, de quelque 70 millions d'acres de terres agricoles en production. C'est là un actif énorme. Pourtant, nous sommes continuellement dans une situation délicate, pour ainsi dire, en raison de l'inéquité ou de l'injustice du système actuel. Il est absolument essentiel d'obtenir ces trois éléments et de réaliser des progrès dans les trois de manière à assurer la prospérité future de notre industrie.

+-

    M. Dick Proctor: Ken, vous avez dit, je crois, qu'il faut que nous protestions. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Cam a également affirmé que notre pays est complètement dépendant à l'égard du commerce. J'ajouterais, entre parenthèses, que nous sommes particulièrement dépendants des marchés américains, et à vrai dire, j'estime que c'est là un de nos problèmes. Il y a un tel déséquilibre dans notre commerce avec les États-Unis, non simplement en agriculture, mais aussi sur plusieurs autres fronts. La crainte de faire face aux Américains et de contester certaines de leurs pratiques nous rend nerveux, pour ne pas en dire plus. Nous hésitons et nous n'agissons pas par crainte des conséquences que cela pourrait avoir sur un pays comme le nôtre. C'est ainsi que je songe aux magazines à tirage dédoublé et à l'acier il y a quelques années, quand tout le monde a décidé de ne pas monter aux barricades.

    Le problème est énorme. J'ignore ce que vous en pensez, mais j'aimerais bien le savoir.

º  +-(1610)  

+-

    M. Ken Bee: C'est pourquoi nous avons besoin de définitions plus claires des divers programmes de soutien et des règles à suivre. Si vous ne satisfaites pas aux normes fixées dans la définition des catégories « feu vert », « feu jaune » ou « bleue »—et avec un peu de chance, la catégorie bleue disparaît—, il vous faut un système qui s'appuie sur des règles très claires selon lesquelles, si un pays ne satisfait pas à ces critères, il va en subir les conséquences. Sous le régime actuel, les conséquences sont vagues, si je puis l'exprimer ainsi.

    Le processus comme tel est extrêmement coûteux, du point de vue du producteur. Si un de nos organismes représentant les producteurs contestait le programme des États-Unis ou d'Europe, le processus serait extrêmement coûteux. C'est pourquoi j'estime que le principal effort, plutôt que d'être consacré à contester, devrait aller à l'adoption de règles équitables. Si les pays ne suivent pas les règles, servons-nous des recours prévus. Notre gouvernement devrait être disposé à poursuivre les contrevenants.

+-

    M. Dick Proctor: Je vous remercie.

    Cam, vous avez soulevé un point important au sujet d'une définition en réponse à une question de Rose-Marie. Il faut que nous définissions les pays en développement. Or, quand je lis les journaux et les rapports issus de Cancun, il me semble que l'Inde et la Chine ont en quelque sorte pris la direction des pays en développement. D'une part, est-ce juste et, d'autre part, si c'est bien le cas, à quel stade de développement les situeriez-vous, dans le domaine de l'agriculture?

+-

    M. Cam Dahl: J'ajouterais à cette liste le Brésil, et il existe indubitablement des problèmes de développement dans ces trois pays. Je ne vais pas prétendre pour un seul instant qu'il n'y en a pas. Il y en a effectivement. Mais si vous les comparez à certains d'autres pays comme...

+-

    M. Dick Proctor: Haïti, par exemple.

+-

    M. Cam Dahl: Effectivement. De toute évidence, ils en sont à des stades de développement différents, et une des réalisations éventuelles du cycle de négociation est de proposer des outils de développement très énergiques et utiles aux pays qui en ont vraiment besoin. Toutefois, pour le faire, il faut avoir une définition convenable de ce que sont ces pays.

    Ceux qui exportent beaucoup de produits agricoles ne devraient pas pouvoir mettre ces produits à l'abri au moyen de mesures de traitement spécial et privilégié, et j'estime que c'est là une exigence fondamentale.

+-

    M. Dick Proctor: Je vous remercie.

+-

    Le président: Merci, monsieur Proctor.

    Je vais maintenant céder la parole à M. Hilstrom qui, je crois, a une ou deux questions à poser.

+-

    M. Howard Hilstrom: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais commencer par vous dire à quel point vous accueillir ici est un plaisir.

    Bien sûr, je serais allé moi-même à Cancun, mais j'en ai été empêché parce que tout mon attirail de plage et mon maillot étaient à la blanchisserie. J'aurais peut-être perdu mon maillot en marchant sur la plage, cependant.

    Des voix : Oh, oh!

º  +-(1615)  

+-

    M. Howard Hilstrom: Quoi qu'il en soit, je m'intéresse à la dynamique de ce qui est survenu à ces négociations commerciales, qu'elles aient eu lieu au Mexique ou ailleurs.

    Nous savons que la gestion de l'offre des produits au Canada freine complète le commerce entre les provinces. La Commission canadienne du blé limite le commerce entre les provinces. Nous savons que des membres de votre groupe font entrer au pays chaque année, grâce à leurs exportations, des dizaines de milliards de dollars en devises étrangères, même si l'agriculteur comme tel ne fait pas beaucoup d'argent, et nous savons que la gestion de l'offre ne rapporte absolument rien.

    Voici donc la situation dans laquelle nous nous trouvons à la table des négociations : le gouvernement du Canada tente de bloquer une plus grande ouverture de ses marchés dont l'offre est gérée, mais il est ouvert à tout le reste. Je me demande, durant les négociations, si le Canada fait partie du problème ou de la solution?

    J'ai deux questions, et la première concerne la dynamique des négociations là-bas. La Fédération canadienne de l'agriculture représentait la gestion de l'offre et, je crois... Les producteurs de céréales étaient-ils représentés là-bas par un groupe de coordination?

+-

    M. Ken Bee: Les deux à la fois, Howard. Nous y étions en tant que producteurs de céréales, mais l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, dont nous sommes membres, s'y trouvait également.

+-

    M. Howard Hilstrom: Étiez-vous là simplement pour entendre les exposés des ministres et des représentants du commerce ou cherchait-on à avoir votre opinion et votre contribution?

+-

    M. Ken Bee: Les échanges se faisaient dans les deux sens. Ils nous demandaient ce que nous en pensions et, comme nous avions des rencontres avec d'autres groupes agricoles d'autres pays, ils voulaient savoir quelles idées en ressortaient et si nous avions de l'information. C'était un excellent échange d'information.

+-

    M. Howard Hilstrom: Excellent.

    Y a-t-il eu des discussions avec les fonctionnaires du commerce ou avec des ministres, sous forme de suggestions venues de votre groupe ou d'échanges au sujet de ce que le Canada pourrait faire pour faciliter les pourparlers, ou n'y a-t-il rien que puisse faire le Canada? Comprenez-vous le sens de ma question? J'aimerais savoir si le Canada peut agir comme catalyseur afin de faire progresser davantage les pourparlers ou si nous sommes obligés de seulement exposer notre position, puis d'attendre la suite des événements?

+-

    M. Ken Bee: J'ai eu l'impression que nos négociateurs déployaient des efforts très sincères en vue de faire avancer les pourparlers. Quand nous avons eu nos rencontres avec certains de mes amis américains, comme l'association des producteurs de soya entre autres, nous pouvions mettre nos négociateurs au courant de certaines idées qui se dégageaient des pourparlers et pour lesquels nous avions des points en commun. Par exemple, nous pouvions dire qu'à notre avis, les États-Unis étaient disposés à accepter telle ou telle chose. Nous le leur laissions savoir pour qu'ils sachent qu'ils pouvaient approcher leurs collègues d'autres pays avec certaines idées nouvelles.

    Nous avons eu des discussions avec des homologues de la Nouvelle-Zélande, du Brésil, du Mexique, de l'Argentine et des États-Unis. Du moins, ce sont ceux qui me viennent immédiatement à l'esprit.

+-

    M. Howard Hilstrom: Pour vous donner un exemple de ce dont je parle, est-ce que le Canada, Pierre Pettigrew, le ministre, ou d'autres ministres ou négociateurs commerciaux ont jamais indiqué qu'ils pourraient accepter de mettre fin au monopole de la Commission canadienne du blé? En a-t-on déjà discuté?

+-

    M. Ken Bee: On en a seulement discuté dans le contexte de l'accord-cadre, qui prévoirait des mesures disciplinaires, si je me rappelle bien, concernant les garanties à l'exportation, etc. Cam serait plus au courant que moi à ce sujet.

+-

    M. Howard Hilstrom: Mais les représentants canadiens se sont opposés aux discussions de cette nature, n'est-ce pas? Ont-ils dit qu'ils ne voulaient absolument pas en discuter, qu'ils refusaient de bouger?

+-

    M. Cam Dahl: Je pense que la position de négociation du Canada consiste à essayer de préserver son monopole. Il est certain que d'autres, comme l'Union européenne et les États-Unis, ne veulent plus qu'il y ait d'entreprise d'État s'occupant du commerce d'exportation.

+-

    M. Howard Hilstrom: J'imagine que c'est une question eu peu théorique, parce que vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre. Il semble seulement que le Canada ne contribue pas à faire avancer les discussions commerciales. Nous avons en quelque sorte adopté une position ferme à propos de ces produits épineux et de la Commission canadienne du blé. Nous restons plus ou moins sur notre position et, en fait, nous disons à l'UE, aux États-Unis et au monde entier de simplement nous pousser et nous orienter, de conclure un accord et que nous allons ensuite simplement le suivre. C'est ce qui m'inquiète.

    Mais je répète que vous ne pouvez peut-être pas me répondre.

+-

    M. Ken Bee: Ce n'est pas l'impression que nos négociateurs m'ont laissée. J'ai énormément de respect pour nos négociateurs et ministres qui sont allés à Cancun. Je pense qu'ils ont tout mis en oeuvre pour trouver un terrain d'entente avec d'autres pays, et je leur accorde une note parfaite pour leurs efforts.

+-

    M. Howard Hilstrom: La gestion de l'offre existe seulement au Canada. Comment le Canada peut-il adopter une position de négociation à ce sujet si cela n'existe nulle part ailleurs? N'est-ce pas un peu étrange?

+-

    Le président: Votre temps est écoulé, et je vais faire une intervention.

    Pour être honnête, je pense que M. Bee a déjà indiqué que M. Pettigrew est respecté par de nombreux pays. Il aurait joué un rôle de facilitateur, lors d'une précédente réunion.

    En toute justice pour M. Verheul, ainsi que notre ministre de l'Agriculture et d'autres, je dirais que M. Bee et bien sûr les membres de l'Alliance du commerce agro-alimentaire ont travaillé fort—comme nous—mais nous, du gouvernement, trouvons qu'il est extrêmement difficile de rencontrer nos homologues américains. Nous n'avons pas réussi à entrer en contact avec un seul Américain, sauf deux ou trois membres du Congrès rencontrés lors d'activités mondaines. Ils ne veulent simplement pas discuter avec nous.

    Je pense aussi qu'on peut dire, et je crois que M. Bee serait d'accord avec moi, qu'il n'a jamais été question que les enjeux agricoles fassent échouer la conférence. Nous n'en sommes jamais arrivés là.

    Madame Ur, il reste du temps si vous voulez.

º  +-(1620)  

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Monsieur Bee, vous avez dit qu'il nous fallait un système équitable, fondé sur des règles. Je n'ai jamais participé à ces conférences et je ne sais pas comment les choses fonctionnent. Pensez-vous qu'il serait utile, entre les réunions, d'élaborer un système de règles équitables et de l'envoyer aux divers pays participants, les quelque 100 pays? Combien y a-t-il de pays actuellement, 140 ou à peu près? Pourrions-nous établir une sorte de liste de contrôle pour vérifier s'il y a consensus? Est-ce que ce serait utile, au lieu d'aller défendre un aspect sur place, de faire ces démarches à l'avance pour qu'on ait plus de temps pour discuter d'autre chose? Est-ce que cela contribuerait à faire avancer les choses un peu plus rapidement?

+-

    M. Ken Bee: J'ai l'impression que c'est ce que les négociateurs font régulièrement. Une partie de leur travail consiste à communiquer avec les négociateurs des autres pays pour faire ce que vous dites.

    Les Producteurs de grains du Canada entretiennent des relations avec certains de nos homologues aux États-Unis, comme la National Association of Wheat Growers et l'American Soybean Association, et ils ont produit des déclarations communes sur les aspects qui rallient tout le monde et sur les principes généraux qui pourraient s'appliquer dans le cas de ces négociations commerciales. Notre association prend certaines des mesures dont vous parlez. L'Alliance canadienne du commerce agro-alimentaire a demandé et obtenu l'appui de nombreuses organisations autant au Canada qu'aux États-Unis, et elle a ensuite formulé une déclaration commerciale commune, si bien que ce que vous proposez se fait.

    Peut-on faire davantage? Je suis sûr que oui. Je suis sûr qu'on pourrait faire circuler d'autres propositions pour poursuivre les discussions, si tous les pays devaient conclure un accord et voulaient savoir ce qui pourrait constituer un terrain d'entente.

    Je pense que ce que vous dites est valable. Notre association fait ce qu'elle peut, et je suis sûr que les autres négociateurs aussi. Il serait sûrement utile, je pense, d'exercer un peu plus de pression sur eux.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Merci

    Bien sûr, il y a la taille du Canada. Nos producteurs n'ont pas leur pareil dans le monde, et je fais toujours de la publicité pour nos bons producteurs canadiens. Mais quand notre pays se présente à ces rencontres, a-t-il beaucoup d'alliés? C'est bien beau d'afficher toutes nos qualités et d'encenser ce que nous produisons ici au Canada mais, dans ces rencontres, combien nous appuient? Nous formons un petit pays par rapport aux États-Unis et à l'Union européenne, et nous avons donc besoin d'alliés pour pouvoir exprimer nos préoccupations avec un peu plus de vigueur.

+-

    M. Ken Bee: Dans nos discussions avec les représentants agricoles d'autres pays que nous avons rencontrés, nous avons trouvé que le Canada est bien respecté et que nos négociateurs le sont aussi. Je crois que nous avons des alliés, mais nous devons peut-être chercher à mieux comprendre leurs points de vue pour essayer de trouver un terrain d'entente.

+-

    M. Cam Dahl: J'aimerais apporter quelques précisions au sujet des alliés nécessaires, parce que vous soulevez une question très importante. Quand le Canada défend un point de vue seul devant les 147 autres pays, il n'a pas beaucoup de poids. Le Canada fait partie d'organisations comme le Groupe de Cairns, et je pense que notre point de vue compte davantage et que notre pouvoir de négociation est plus solide quand nous pouvons nous associer à des pays aux vues similaires pour présenter des positions communes, et c'est vraiment ce qui se passe.

+-

    Le président: Je me demande justement si l'Union européenne et les États-Unis ne mettent pas en marche le rouleau compresseur pour opposer leur puissance et leur volonté au reste du monde. C'est en partie pourquoi les membres du G-21—ou du G-22 maintenant—ont indiqué bien fermement qu'ils n'allaient plus se laisser intimider.

    Nous avons peut-être besoin de trouver des alliés. Je pense que nous en cherchons auprès d'autres pays, de certains pays en développement, parce que nous pouvons les aider et qu'ils peuvent eux aussi nous aider. Je pense que c'est peut-être ce qui fera notre force à l'avenir, même si l'Union européenne et les États-Unis restent toujours nos deux principaux partenaires commerciaux.

    Monsieur Plamondon.

º  +-(1625)  

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Mes propos vont dans le sens de ce que Rose-Marie et vous avez dit sur la perception qu'ont les autres pays de l'attitude du Canada. J'ai eu l'impression, à la lumière des commentaires des représentants des producteurs ici présents, que le Canada n'avait pas bien expliqué le fonctionnement des deux formes d'intervention pratiquées dans le pays. Ainsi, ils ont très peu expliqué le fait que la gestion de l'offre ne nuisait pas du tout au système international de commerce. Certains pays croyaient que la gestion de l'offre constituait une barrière à leurs produits, ce qui n'est pas le cas.

    Le Canada s'est trouvé isolé. Les gens que j'ai rencontrés me disaient que s'il y avait eu entente, le Canada aurait été seul et aurait dû signer l'entente sans respecter les engagements qu'il avait pris avant d'aller négocier, parce qu'il n'était pas dans le groupe des 23. Il était peu influent dans le groupe des 30, qu'il avait même abandonné. Il se trouvait isolé et a été un peu sauvé par le fait qu'il n'y a pas eu d'entente. Ces commentaires font en sorte que la façon dont agit le Canada ne m'inspire pas confiance. Le lobby est souvent fait par les producteurs et non pas par les négociateurs officiels du gouvernement.

    Avez-vous eu cette impression?

[Traduction]

+-

    M. Ken Bee: Nous collaborons avec nos négociateurs, et la délégation canadienne nous offre tous les moyens de le faire. L'Alliance canadienne du commerce agro-alimentaire a eu l'occasion d'indiquer ses besoins et ses préoccupations concernant les céréales et les oléagineux ainsi que la gestion de l'offre, et d'exprimer ses idées sur la façon d'atteindre nos objectifs. Nous avons eu la possibilité de rencontrer des groupes d'autres pays.

    Pour ce qui est de dire que nos négociateurs n'ont pas négocié, ce qui est ce que vous laissez entendre, je pense, je ne suis pas d'accord avec vous. Nos négociateurs n'ont pas ménagé leurs efforts pour trouver des terrains d'entente concernant la position commerciale du Canada, et c'est un processus qui se poursuit.

+-

    Le président: Je vais laisser M. Proctor poser la dernière question. Nous sommes en retard.

+-

    M. Dick Proctor: Merci beaucoup, monsieur le président.

    Dans votre mémoire, vous critiquez de façon particulièrement cinglante le programme américain de paiements compensatoires, et vous expliquez comment, une année, il aiderait les producteurs de blé et, une autre, les producteurs de maïs. Pouvez-vous me fournir un peu plus d'explications à ce sujet et indiquer comment ce programme empêche nos producteurs d'être concurrentiels?

+-

    M. Ken Bee: Je vais essayer de le faire, et Cam pourra lui aussi intervenir. Les paiements compensatoires équivalent, à notre avis, à un soutien par produit particulier. Il permet aux producteurs américains de recevoir de l'argent quand le prix du maïs, par exemple, descend au-dessous d'un certain niveau. Peu importe de combien il descend, leur gouvernement va combler la différence.

    Ils mettent ainsi de l'argent dans leurs poches. Ils peuvent aussi continuer de produire autant qu'ils veulent sans incidence sur le prix du marché, alors que, pour nos producteurs, le prix du marché pour les céréales et les oléagineux est fixé en grande partie par les États-Unis et l'Europe. Nous devons concurrencer un prix qui est déterminé en partie par ces subventions qui s'appliquent quand le marché indique aux producteurs qu'ils n'ont pas besoin de cultiver plus de maïs, mais devraient peut-être cultiver autre chose. Les producteurs américains cultivent en fonction du Farm Bill, et non pas en fonction du marché. À mon avis, c'est le tort que cela cause.

    Cam voudra peut-être ajouter autre chose.

º  +-(1630)  

+-

    M. Cam Dahl: Je pense que c'est exactement l'effet de cette mesure. Elle prévoit un prix plancher ou un prix garanti, peu importe si le prix mondial est inférieur. C'est ainsi, par exemple, qu'on a retrouvé sur le marché, en Ontario, du maïs qui se vendait moins cher.

+-

    Le président: Merci beaucoup, messieurs.

    Je dois dire, au nom de notre groupe, que nous avons bien représenté vos organismes. Même s'il y a eu des divergences d'opinions à l'occasion, je pense que tout le monde s'est senti écouté et a pu intervenir comme il le voulait pour défendre sa cause.

    Merci d'être venus nous rencontrer. Comme pour les pourparlers de Doha, le travail va se poursuivre et un autre chapitre va s'écrire à un autre moment donné. Merci beaucoup.

    Je vais maintenant inviter un groupe de gens fort différents à s'approcher, un groupe dont on a déjà parlé aujourd'hui. Nous allons commencer la deuxième partie de notre séance en accueillant les Producteurs laitiers du Canada, que nous connaissons déjà, et qui sont représentés par Richard Doyle, directeur exécutif, et Jacques Laforge, premier vice-président.

    C'est probablement M. Laforge qui va prendre la parole. Merci d'être venus nous rencontrer.

+-

    M. Jacques Laforge (premier vice-président, Producteurs laitiers du Canada): Bonjour, et merci de nous recevoir.

    C'est moi qui vais présenter l'exposé. La première partie sera en français et la deuxième en anglais. Après l'exposé, Richard va m'aider à répondre aux questions.

[Français]

    Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour m'entretenir avec le comité des négociations courantes de l'OMC et de ce qu'elles pourraient signifier pour nos secteurs en gestion de l'offre.

    Pour ménager votre temps, j'entre tout de suite dans ce qui semble être les grands enjeux pour la gestion de l'offre et les raisons pour lesquelles le dernier texte ministériel sur l'agriculture n'est pas acceptable et ne reflète pas les grands principes du mandat du gouvernement canadien en matière de commerce.

    Voici les objectifs des Producteurs laitiers du Canada (PLC), que nous partageons avec les autres secteurs en gestion de l'offre, pour le maintien de la gestion de l'offre. Pour ce qui est du soutien interne, nous voulons: faire reconnaître que les prix administrés de la gestion de l'offre sont des mesures sans effet de distorsion du commerce; empêcher l'engagement par produit dans la mesure globale de soutien; et maintenir le de minimis à 5 p. 100. En ce qui concerne l'accès au marché, nous ne voulons pas de réduction des tarifs hors quota et souhaitons des règles claires et nettes sur l'accès minimal.

    En ce qui a trait aux prix administrés, les règles de l'OMC sur le soutien interne visent d'abord et avant tout les contributions financières des gouvernements. Au Canada, les prix administrés dans l'industrie laitière ne consistent pas en un transfert financier gouvernemental, mais sont plutôt une habilitation permettant aux organismes producteurs d'établir des prix de marché basés sur leurs coûts de production. La catégorie orange de l'OMC, ou the amber box, comprend les prix administrés lorsque ces prix ont des effets de distorsion au commerce ou à la production.

    Vous vous rappellerez que le récent Groupe spécial de l'Organisation mondiale du commerce sur la conformité des produits laitiers a établi que les exportations à des prix inférieurs au prix intérieur seraient considérées comme subventionnées. Cela signifie que tout effet de distorsion du commerce des prix canadiens est déjà saisi par les règles de l'OMC sur les subventions à l'exportation. En gestion de l'offre, la production est réglementée. La gestion de l'offre n'a aucun effet de distorsion.

    Nous voulons donc que l'OMC reconnaisse que nos mécanismes de prix ne doivent pas être classés dans la catégorie orange. Nos mécanismes de prix devraient plutôt être dans la catégorie verte. Ils n'y sont pas admissibles actuellement parce que la catégorie verte ne comprend que les programmes de paiements directs.

    Les PLC réclament également une révision des critères de la catégorie verte, pour faire reconnaître que nos mécanismes de prix sont sans effet de distorsion.

    Je veux ouvrir une parenthèse sur l'accent que l'OMC met sur la contribution financière des gouvernements plutôt que sur le mécanisme axé sur le marché. Depuis la décision du Groupe spécial de l'OMC sur la conformité des produits laitiers, l'industrie laitière canadienne doit notifier environ 100 millions de dollars par an de subventions à l'exportation. L'OMC ne fait pas de distinction entre une contribution gouvernementale de 100 millions de dollars pour les producteurs et le fait que les producteurs acceptent une perte de revenu équivalant à 100 millions de dollars, ce qui est très important.

    Autrement dit, si demain le gouvernement fédéral décidait de verser 100 millions de dollars par an aux producteurs laitiers, nos producteurs auraient un meilleur revenu, mais aux yeux de l'OMC, les subventions seraient encore de 100 millions de dollars par an. Si l'OMC ne voit pas de différence entre ces deux scénarios, les producteurs, eux, en voient une grande.

º  +-(1635)  

[Traduction]

    Concernant l'engagement par produit dans le cadre de la mesure globale de soutien, les négociations en cours tentent de faire en sorte que les pressions pour la réforme des politiques agricoles s'exercent sur tous les pays, indépendamment de l'ampleur de leurs programmes à effet de distorsion commerciale.

    Le concept de plafonnement du soutien par produit dans une période donnée a pour effet de pénaliser les pays, comme le Canada, qui ont tenté de réduire leur MGS plus vite qu'ils ne s'étaient engagés à le faire envers l'OMC. Les pays qui se sont donné des politiques pour maximiser l'utilisation de leurs engagements de soutien interne, comme les États-Unis, profitent de cette proposition.

    Prenons l'exemple de deux pays qui ont le droit d'accorder 1 000 $ de soutien global. Le premier a dépensé 500 $ pour le secteur laitier et 500 $ pour les céréales, tandis que l'autre n'a dépensé que 100 $ pour le secteur laitier et rien pour les céréales. Si l'OMC cherche à réduire la MGS de 50 p. 100 et à plafonner la contribution par produit, les deux pays auraient, sur papier, une MGS de 500 $. Cependant, le premier pays peut soit maintenir les 500 $ pour le lait et éliminer le soutien pour les céréales, soit dépenser 250 $ pour le lait et 250 $ pour les céréales. Le deuxième pays ne pourrait pas dépasser 100 $ pour le lait et n'aurait pas la possibilité d'instituer un programme de soutien pour les céréales. Ces deux pays ne sont donc pas sur le même pied d'égalité.

    Plus près de chez nous, si cette approche avait été en vigueur, le gouvernement fédéral n'aurait pas pu venir en aide à l'industrie bovine en août dernier, pendant la crise de l'ESB, vu que l'industrie bovine ne reçoit actuellement pas de soutien MGS.

    Concernant le de minimis, il s'agit d'une exemption au calcul de la MGS dans le cas des programmes pour lesquels le soutien représente moins de 5 p. 100 de la production. Chercher à réduire le de minimis, c'est chercher des réformes de la part de tous les pays, plutôt que mettre l'accent sur les pays dont les pratiques ont le plus grand effet de distorsion du commerce. Certains pays ont un soutien orange atteignant 60 p. 100 de la valeur de leur production globale, tandis que d'autres, comme le Canada ont un soutien orange de 5 p. 100.

    Si l'OMC réduit la MGS de, disons, 50 p. 100, le premier pays pourra avoir 30 p. 100 de soutien. Il n'est pas très logique de réclamer également une réduction de 50 p. 100 des programmes qui représentent moins de 5 p. 100 de la valeur de production. Il serait plus équitable pour tous de ne chercher une réduction du de minimis qu'à partir du moment où tous les pays ont atteint un niveau de MGS de 5 p. 100 de la valeur de la production agricole. Là, on serait sur le même pied d'égalité. C'est pourquoi les Producteurs laitiers du Canada appuient la position du gouvernement canadien pour le maintien du de minimis à son niveau actuel de 5 p. 100.

    Concernant les règles claires et nettes sur l'accès maximal, pour le gestion de l'offre, la prévisibilité des importations est essentielle à l'établissement du quota de production. Nombreux sont ceux qui croient que, avec un tarif hors quota de 300 p. 100, une réduction de 15 p. 100 n'aura pas grand effet. Non seulement c'est faux, comme je l'expliquerai dans un instant, mais encore, si c'est vrai, il ne sert même à rien de le réduire. La vraie question c'est : qu'est-ce qui est véritablement offert en fait d'accès au marché.

    Si nous maintenons les tarifs hors quota à leur niveau actuel et donnons un accès au marché sans tarif applicable dans la limite du contingent, les exportateurs vers le Canada ont accès à un marché à valeur ajoutée. Une réduction du tarif hors quota entraînera une réduction de la valeur du marché canadien. Les exportateurs auraient toujours le même accès aux contingents tarifaires, mais à un marché de moindre valeur.

    Les producteurs de lait, d'oeufs et de volaille ont fait et continueront de faire la promotion de règles claires et nettes sur les engagements d'accès minimal en vertu des contingents tarifaires.

    Les Producteurs laitiers du Canada et les autres secteurs en gestion de l'offre ont soulevé la question de la capacité de maintenir les prix intérieurs au niveau actuel de tarifs hors quota. Nous avons remis à votre comité un graphique illustrant une situation réelle survenue l'été dernier. Nous savons tous que le marché international du beurre et de la poudre de lait est un marché de dumping. Pendant quelques temps l'an dernier, le prix mondial du beurre est tombé aux alentours de 1,50 $ le kilo. Ce n'est pas le prix auquel le beurre s'est effectivement vendu en Nouvelle-Zélande, mais le prix de dumping offert sur le marché mondial. Le prix canadien du beurre était de 6 $ le kilo. Donc, avec un tarif de 300 p. 100, les droits de douane de 4,50 $ le kilo arrivaient à peine à empêcher l'entrée d'une quantité inconnue d'importations, au-delà de 5 p. 100 d'accès déjà librement accordé aux importations.

    C'est pourquoi le GO-5 réclame le maintien des tarifs hors quota à leurs niveaux actuels.

º  +-(1640)  

    En terminant, ce sont là les enjeux que les Producteurs laitiers du Canada et le GO-5 estiment les plus critiques pour nos secteurs dans les négociations commerciales en cours. Le gouvernement canadien a le mandat de maintenir la gestion de l'offre. Les négociateurs du gouvernement doivent réussir à faire valoir la position du gouvernement et ont besoin de faire des progrès sur ces enjeux. Autrement, la gestion de l'offre en souffrira, tout comme les autres secteurs agricoles du Canada.

    Vous trouverez à la fin de notre déclaration un graphique qui indique le prix mondial et montre comment nous nous sommes rapprochés du prix de dumping offert sur le marché mondial. Les choses ne s'améliorent pas; le prix mondial fluctue comme jamais auparavant. Cet exemple vous montre que l'entrée d'une quantité, grande ou petite, de produits importés au-delà de ce qui est prévu aurait un effet dévastateur sur notre système.

+-

    Le président: Merci, monsieur Laforge.

    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Hilstrom; nous nous intéressons maintenant aux producteurs laitiers, et non pas à la Commission du blé.

+-

    M. Howard Hilstrom: En fait, comme je suis un producteur de l'Ouest canadien, je suis directement touché par la Commission du blé, mais ce n'est pas ce dont je veux discuter maintenant.

    Si je voulais résumer la situation en une phrase, je dirais que l'objectif de l'OMC en matière d'agriculture semble être d'accroître les échanges de produits agricoles entre les pays. Est-ce bien résumer les discussions de l'OMC sur l'agriculture, monsieur Laforge?

+-

    M. Jacques Laforge: L'objectif de départ est essentiellement d'établir des règles claires et nettes pour assurer un commerce équitable. Ensuite, nous évaluerons comment les échanges se déroulent et nous verrons ce qui se manifeste.

+-

    M. Howard Hilstrom: Si on s'inquiétait seulement de la situation actuelle, il n'y aurait pas grand-chose à discuter au sujet du commerce. Les Producteurs laitiers du Canada, d'après les objectifs qu'ils se sont fixés pour ce qui est du soutien interne et de l'accès au marché, ne semblent pas vouloir accroître le commerce de produits laitiers dans le monde. Est-ce que c'est juste? Voulez-vous accroître le commerce des produits laitiers d'une façon que j'ignore?

º  +-(1645)  

+-

    M. Richard Doyle (directeur exécutif, Producteurs laitiers du Canada): Il y a différentes façons d'accroître le commerce. En fait, certaines de nos propositions vont accroître le commerce de façon importante, d'après nous. Nous avons proposé—je parle davantage du GO-5—que le Canada continue d'offrir un accès minimum de 5 p. 100 quand il y a des contingents tarifaires clairs. Nous savons maintenant qu'au cours de la dernière série de négociations, la règle de 5 p. 100 de l'accès au marché n'était pas vraiment une règle, seulement une modalité. Les pays calculaient essentiellement ce qu'ils voulaient, et personne ne s'est entendu avec les autres parce qu'ils en avaient assez de tourner en rond depuis huit ans.

    Les États-Unis ont offert un accès aux produits laitiers de 2 p. 100. Nous en avons offert un de 4 p. 100; nous n'avons pas offert un accès de 5 p. 100, mais de 4 p. 100. Nous sommes d'avis qu'il faudrait offrir un accès clair de 5 p. 100, mais nous finirions probablement par en offrir un d'environ 6 p. 100, parce qu'il est déjà de plus de 5 p. 100 pour certains produits. On doublerait nos échanges avec les États-Unis, avec les Européens, etc. Dans le cas des céréales, par exemple, ou de certaines viandes comme le porc, l'accès serait énorme. Si la règle du 5 p. 100 s'appliquait, le commerce serait probablement plus important qu'au moment de l'Uruguay Round. C'est un élément de libéralisation des échanges.

    Nous proposons aussi, dans l'administration des contingents tarifaires, d'offrir un accès minimum au marché sans tarif, pour que ce soit prévisible et équitable pour tout le monde. Il y a encore des tarifs extrêmement élevés de 30 ou 40 p. 100 sur l'accès minimum. L'accès offert, le fameux 3 à 5 p. 100, n'est pas utilisé parce que les tarifs douaniers sont trop élevés.

    Ce sont tous des éléments de libéralisation des échanges qui font en fait partie de la position initiale du Canada, que nous appuyons sans réserve.

+-

    M. Howard Hilstrom: Cette position semble très raisonnable, d'après vos explications. Quels sont précisément les autres pays, s'il en est, qui appuient la position du Canada? Nommez-les si vous le pouvez.

+-

    M. Jacques Laforge: La question est plutôt vaste. Si l'on considère la gestion de l'offre au Canada et que l'on tente de comparer notre système à quelque chose d'équivalent, on pourrait dire qu'il n'y en a pas. Il existe certaines similarités entre le système européen de quota du lait et celui du Canada. D'autres pays présentent certaines similarités, mais aucun système ne reproduit exactement le nôtre.

    Il devient important de voir comment les règles s'appliquent. Des règles claires sont extrêmement importantes si l'on veut que les pays les appliquent uniformément et soient traités sur un pied d'égalité. Voilà à quoi je compare la situation, qui reflète essentiellement la position du Canada : le commerce international consiste essentiellement en un ensemble de pratiques d'échange de produits agricoles et ressemble aux sports. Si l'on considère que le secteur laitier est un sport, que le secteur céréalier est un sport, etc., on comprend pourquoi il nous faut des règles claires. Les règles qui s'appliqueraient à la production laitière dans une perspective internationale seraient probablement très différentes de celles qui régiraient la production céréalière, etc. Or, s'il n'y a pas de règle claire avant que l'on commence à jouer, comme au hockey, c'est habituellement le plus fort qui imposera les siennes, et c'est ce qui se produit présentement.

    Nous examinons la question à l'intérieur du Canada, dans notre propre perspective, mais la véritable façon de faire des échanges commerciaux—des échanges ouverts ou dans des marchés établis comme celui du lait dans toutes les économies développées—consiste à avoir des règles claires. Or, tout le monde tente de se cacher derrière quelque chose, et personne ne s'attaque à cette question.

+-

    M. Richard Doyle: J'aurais deux brefs commentaires, monsieur le président. D'abord, nous travaillons en très étroite collaboration avec la Fédération canadienne de l'agriculture, qui représente un plus vaste éventail de secteurs, et non seulement la gestion de l'offre. Des représentants de 36 pays ont signé une déclaration qui appuyait le concept de commercialisation ordonnée, etc.

    Notre problème, c'est que nous n'avons rien comme le Groupe de Cairns. Le Canada est membre de ce groupe, mais n'a appuyé que l'élimination des subventions à l'exportation. Nous acceptons cette mesure. Au moment où le Groupe de Cairns a signé sa déclaration sur le soutien interne ou l'accès au marché, le Canada s'est abstenu de signer parce que son approche est différente.

    Le Canada appuie de nombreux éléments de la position du Groupe de Cairns, ainsi que d'autres, que soutiennent la Norvège, la Suisse et le Japon. Quand on considère l'ensemble de la déclaration, on constate une lacune dans la façon dont les choses sont imbriquées. La raison est la suivante—et nous faisons valoir ce point ici— : la particularité de notre système n'est pas la gestion de l'offre—qui ne s'inscrit pas dans le contexte de l'OMC—mais plutôt le fait qu'il ne dépend pas du financement gouvernemental. C'est là le problème.

    Toutes ces règles au sujet de la catégorie bleue, orange, verte... concernent les fonds publics. J'ai un système qui limite ma production, ce qui correspond à la catégorie bleue, mais je ne suis pas admissible à cette catégorie. Seuls les agriculteurs qui obtiennent un financement du gouvernement sont admissibles à la catégorie verte. Je ne peux avoir un prix administré dans la catégorie verte parce que cette catégorie ne s'applique qu'à la contribution du gouvernement au secteur, et c'est un problème.

    Il va falloir commencer à examiner ces systèmes et à envisager d'élargir un peu les règles pour établir un même mécanisme, qu'il s'agisse de la catégorie verte, rouge ou orange. Cela suppose toutefois que l'on reconnaisse qu'il y a des systèmes où le gouvernement ne transfère aucun fonds. Il intervient, mais il ne transfère aucun fonds, ce qui n'entraîne peut-être pas la distorsion des échanges ou de la production et c'est ce que nous observons.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Hilstrom.

    Monsieur Plamondon.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: Merci, monsieur le président.

    Vous étiez présent à Cancún, je crois. Est-ce que vous pouvez nous confirmer que le Canada se montrait ouvert à une proposition ayant pour effet d'imposer des plafonds aux droits de douane qu'un pays peut imposer?

+-

    M. Richard Doyle: Je ne pourrais pas vous confirmer que le Canada a appuyé cela. Au contraire, je pense qu'il y a eu des discussions.

    Nous avons rencontré nos homologues les producteurs japonais. Des discussions avaient déjà eu lieu, tant avec les députés qui étaient présents qu'avec les délégués japonais et les gouvernements. La discussion a porté sur la question des maximums à imposer aux plafonds sur les tarifs. Par contre, le débat était de savoir, si le plafond était de 300 p. 100--il faut comprendre que certains tarifs sont de 1 000 p. 100--, si cela n'aurait absolument aucun impact pour le Canada. Naturellement, nous avons fait savoir que sommes en faveur du fait qu'un plafond sur les tarifs s'applique aux lignes tarifaires qui ne sont pas contingentées.

    Il y a aussi la problématique de l'OMC. Dans le cas d'un pays qui a adopté des tarifs qui constituent des mesures protectionnistes, il devait y avoir un accès minimum et ce qu'on appelle un hors quota, un niveau tarifaire plus élevé, en d'autres termes, un système à deux prix. Toutefois, les pays qui imposaient déjà des tarifs de 600 p. 100 les ont réduit de 15 p. 100. Ces tarifs sont donc un peu plus élevés que 500 p. 100, mais ces pays n'ont offert absolument aucun accès minimum.

    La position canadienne vise à rectifier cette situation. Il y a deux possibilités: soit que les pays qui maintiennent de très hauts tarifs sans accorder d'accès se convertissent à un système contingenté à deux niveaux avec un accès libre minimum, soit qu'on limite la capacité de maintenir de très hauts niveaux.

+-

    M. Louis Plamondon: Dans un document confidentiel sur la préparation à la cinquième Conférence ministérielle de l'OMC: « Projet de texte ministériel pour Cancún, Deuxième révision », daté du 13 septembre 2003, on peut lire ceci à la section « Accès aux marchés »:

2.1 La formule applicable pour la réduction tarifaire à opérer par les pays développés sera une formule composite dans laquelle chaque élément contribuera à une amélioration substantielle de l'accès aux marchés pour tous les produits. La formule sera la suivante:

    i) [...] pour cent des lignes tarifaires seront soumises à un abaissement tarifaire moyen de [...] pour cent et un minimum de [...]

    Cela vous dit-il quelque chose? Cela a-t-il été discuté là-bas? Je voudrais que vous m'en parliez.

+-

    M. Richard Doyle: Vous avez le texte de George Yeo, qui était le président. Ce texte n'est pas tellement confidentiel, soit dit en passant. Il est maintenant public.

º  +-(1655)  

+-

    M. Louis Plamondon: Ce document est-il public?

+-

    M. Richard Doyle: Il est maintenant public.

+-

    M. Louis Plamondon: Il a été confidentiel pendant un bout de temps. Il a d'ailleurs été distribué à la réunion.

+-

    M. Richard Doyle: C'est exact, le texte de M. Yeo préconisait cette approche. Il est évident que nous étions très inquiets pour le système de gestion de l'offre. Bien que certaines productions aient fait des gains, cela représente un recul pour nos systèmes de gestion.

+-

    M. Louis Plamondon: À partir de cela, votre président, M. Grégoire, dans un éditorial de la revue Le producteur de lait québécois, écrit ceci:

Les négociations devront maintenant se poursuivre à partir du dernier document discuté au Mexique. Or, ce texte ne permet pas à un pays d'échapper à la réduction des tarifs pour ses produits sensibles. Cette seule disposition menace l'avenir de la gestion de l'offre puisque nous ne pourrions plus nous protéger du dumping de produits subventionnés. Mais en plus, il propose une mesure qui nous empêcherait de continuer d'établir nos prix sur la base des coûts de production.

    J'ai une fille qui est productrice de lait à Saint-Chrysostome. Quand elle a lu cela, elle m'a appelé car elle était inquiète. Avait-elle raison ou tort?

+-

    M. Jacques Laforge: Je pense qu'elle avait raison. Je pense que vous cherchez à mieux percevoir ce qui s'est passé à Cancún du début à la fin et où on en est aujourd'hui.

    Après le mini-sommet de l'OMC de Montréal, le Canada est arrivé à Cancún probablement très confiant de pouvoir obtenir ce qu'il voulait. Au cours de la conférence, il y a eu évolution des regroupements des pays. Le Canada s'est trouvé isolé, jusqu'à un certain point, et les textes ont commencé à changer, et on en est arrivé au texte que vous connaissez aujourd'hui. Ce texte nous a inquiété et a aussi inquiété les représentants, les négociateurs et les ministres. On ne peut arrêter cette évolution comme cela. Je pense que tout le monde était inquiet. Tous sont conscients des enjeux, et nous avons hâte de voir l'évolution de notre gouvernement et de nos négociateurs. Nous surveillons cela de très près. Nous sommes inquiets parce que avec ce document, comme on le comprend, on ne pourrait conserver la gestion de l'offre.

+-

    M. Louis Plamondon: Merci, monsieur le président. Je reviendrai plus tard.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Plamondon.

    Madame Ur.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Merci encore une fois de votre exposé.

    Chaque fois que nous discutons de l'OMC, nous finissons toujours par parler de la gestion de l'offre qui, semble-t-il, est la question du jour. Au Canada, nous comprenons que la gestion de l'offre ne fausse pas les échanges, parce qu'il s'agit d'un marché intérieur. Je ne comprends absolument pas pourquoi il est si difficile de faire comprendre aux autres pays comment notre système fonctionne. Pouvez-vous m'aider à comprendre pourquoi il est si difficile pour eux de comprendre qu'il s'agit d'un marché intérieur et qu'un système de gestion de l'offre ne devrait pas soulever toute cette controverse?

+-

    M. Richard Doyle: Je vais tenter de répondre à votre question, et Jacques voudra peut-être ajouter quelque chose.

    Il s'agit d'une bonne question. Pour ma part, je crois que l'histoire est en cause.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: J'aimerais vous rappeler que je n'ai que sept minutes.

+-

    M. Richard Doyle: Je le sais et je serai très bref, mais je n'excelle pas dans ce domaine.

    Franchement, je crois que c'est l'histoire. Les gens comprennent le concept du renforcement du pouvoir des producteurs, c'est là toute la question. Toutefois, ce pouvoir provient du financement du gouvernement.

    Les Européens peuvent être très en faveur du système canadien et de ses quotas. Leur système est très semblable—ils nous ont copiés—mais il prévoit des subventions à l'exportation, des subventions à la production intérieure, etc. Lorsqu'ils négocient avec nous, ils comprennent notre système, mais ils ne veulent pas l'adopter, parce qu'il faudrait qu'ils renoncent à tous les fonds qu'ils obtiennent du gouvernement. Ils se battent pour maintenir la réforme de la PAC.

    Entre-temps, les États-Unis se battent pour maintenir le système du Farm Bill. Dans le secteur laitier, ils viennent de mettre en place un système volontaire de gestion de l'offre. Ils ont convenu du concept, mais ils ne veulent pas perdre l'argent du gouvernement.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Ne croyez-vous pas que tôt ou tard il n'y aura plus assez d'argent et qu'ils devront commencer à regarder les choses un peu différemment? J'ignore si nous pourrons survivre jusque là, mais j'entends souvent des Américains dire que l'argent ne sera pas toujours là et qu'ils doivent songer à faire certaines économies également.

»  +-(1700)  

+-

    M. Jacques Laforge: J'aimerais simplement compléter les propos de Richard. Lorsque les agriculteurs et même les fonctionnaires d'autres pays comprennent comment la gestion de l'offre fonctionne ici, combien paie le consommateur et quelle est la part du prix de détail qui revient à l'agriculteur, ils sont étonnés. Comparé à celui des pays voisins, notre système est abordable et coûte moins cher aux consommateurs. Les étrangers ne le comprennent pas. Ils disent que c'est le meilleur système, mais ils demandent s'ils peuvent atteindre ces résultats sans perdre leur revenu.

    Nous savons que le système fonctionne. Je crois que le gouvernement canadien en est convaincu et que tout le monde y tient parce qu'il est profitable pour tous.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Je suis tout à fait d'accord avec ces propos.

    Que font les PLC pour faciliter l'examen des critères de la catégorie verte et veiller à ce que les mécanismes des prix soient reconnus comme n'ayant aucun effet de distorsion du commerce? Quelle est votre position à cet égard?

+-

    M. Richard Doyle: D'abord, nous discutons de cette question depuis au moins un an et demi; nous sommes en effet préoccupés par les prix administrés par suite des travaux du Groupe spécial de l'OMC et pensons qu'il est nécessaire de clarifier les critères. Le principal point sur lequel nous avons buté dans nos discussions avec les négociateurs concerne le critère principal, c'est-à-dire qu'il faut parler d'un transfert de fonds pour faire partie d'une catégorie. On ne peut même pas concevoir qu'une subvention n'est pas nécessairement un transfert de fonds.

    Voilà le premier défi que nous devons relever. Nous travaillons actuellement avec nos avocats pour tenter d'en arriver à un texte qui indiquera exactement comment on changerait le critère dans le cadre de cet accord.

    Nous sommes satisfaits du texte de Yeo, par exemple. Il s'agit d'un cadre pour les prochaines négociations sur l'élaboration des modalités, qui dit que l'examen des critères de la catégorie verte fera l'objet de discussions et de négociations. À cet égard, nous savons qu'il sera possible pour nous de poursuivre cet objectif.

+-

    Mme Rose-Marie Ur: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Proctor.

+-

    M. Dick Proctor: Merci beaucoup.

    Monsieur Laforge, en répondant à M. Plamondon, vous avez parlé de la confiance qu'a montrée le Canada à l'issue du mini-sommet ministériel qui a eu lieu à Montréal et qui s'est poursuivi à Cancun, où nous avons malheureusement été isolés.

    Je faisais partie de la délégation envoyée au Japon en février dernier, et lorsque nous sommes arrivés à Vancouver, nous avons obtenu le rapport provisoire Harbinson. Quand je m'étais entretenu avec nos négociateurs quelques semaines auparavant, ils m'avaient semblés convaincus que Harbinson avait écouté très attentivement la position du Canada et ils s'attendaient, avec un optimisme prudent, à ce que cette position soit exposée dans le rapport provisoire. Évidemment, nous avons été déçus une fois de plus, et même accablés par le contenu de ce rapport. Le Canada a été montré du doigt de façon négative, avec quelques autres pays seulement, dans ce rapport provisoire.

    Nous voulons tous croire que nos négociateurs sont irréprochables et qu'ils font un bon travail, mais ce n'est pas toujours le cas, comme le montre l'histoire récente. Vous étiez là, alors que moi, je n'y étais pas. Pouvez-vous dissiper un peu mes craintes?

+-

    M. Jacques Laforge: Vous avez probablement la même crainte que moi, tout comme les négociateurs. Il s'agit d'une négociation. Je crois que le Canada a été trop confiant et a cru avoir influé sur le contenu de ce rapport, mais c'est ce que d'autres pays croyaient également. Lorsque le rapport final a été publié, on a vu l'influence effective de notre pays. Je crois que le Canada exerce plus d'influence qu'on pourrait s'attendre d'un pays de cette taille, et que nous jouons encore un rôle important.

+-

    M. Dick Proctor: Pourquoi alors avons-nous été isolés? C'est bien le terme que vous avez utilisé.

+-

    M. Jacques Laforge: C'est mon opinion. Si j'examine le commerce mondial aujourd'hui et la position du Canada, je suis convaincu que n'importe quel accord final, où tout le monde se met d'accord sur quelque chose, devra être très près de la position canadienne, puisqu'elle prévoit un équilibre parmi tous les produits, entre les intérêts à l'exportation et les intérêts intérieurs, etc. Si vous étudiez la nature globale de tous les pays, vous verrez que c'est ainsi qu'on en arrivera à un accord. Chacun a des préoccupations vis-à-vis certains secteurs et chacun veut une plus grande part du marché dans un autre secteur, alors je crois que tout accord se rapprochera de la position canadienne.

    Je pourrais m'inspirer de la déclaration de la FCA selon laquelle l'agriculture ne correspond essentiellement qu'à environ 6 p. 100 du commerce mondial et que le reste représente les marchés intérieurs. Vous n'allez pas bouleverser tous vos marchés intérieurs alors que l'agriculture ne représente que 6 p. 100 des exportations mondiales.

    Il existe un secteur critique pour chaque pays, et il faudra arriver à une position équilibrée. Il faut toutefois faire en sorte que nos négociateurs soient toujours vigilants, peu importe qui négocie quoi.

»  +-(1705)  

+-

    M. Dick Proctor: Évidemment.

    Je me suis entretenu avec un des journalistes qui étaient présents à Cancun—et ce souvenir fera pleurer Howard—selon lequel la gestion de l'offre allait être attaquée encore plus que la Commission canadienne du blé lors des prochaines négociations de l'OMC. Je ne vous demande pas de commenter cette question en particulier, mais croyez-vous que le défi soit grand? Rose-Marie a fait valoir que nous comprenons la situation et qu'elle semble très claire. Vous dites bien que vous n'êtes pas subventionnés, mais personne d'autre ne semble le croire. Quelle est la solution?

+-

    M. Jacques Laforge: Je ne veux pas me répéter, mais je crois que la principale solution est d'avoir des règles claires et nettes pour tester la situation, bouger et minimiser les risques. À mon avis, c'est la solution numéro un. En l'absence de règles claires et nettes, nous ne savons pas ce que nous avons. C'est un match de hockey où le plus fort impose ses règles, ce dont nous devons nous méfier.

    À l'heure actuelle, tous les pays souhaitent tellement la conclusion d'un accord que cette question pourrait se perdre, et nous devons nous assurer qu'elle reste à l'ordre du jour.

+-

    M. Dick Proctor: Permettez-moi de profiter de votre présence ici pour vous demander brièvement où en est la question des mélanges d'huile de beurre et de sucre pour les producteurs laitiers?

+-

    M. Richard Doyle: Nous avons reçu une lettre de M. Manley au sujet de l'approche que nous proposons et qui consiste à invoquer l'article 13 du Tarif des douanes pour modifier la définition de « substitut du beurre », afin d'inclure les produits qui remplacent le beurre dans la fabrication d'autres produits, comme dans le cas de la crème glacée. M. Manley nous a écrit que ce changement n'était pas possible, selon le ministère de la Justice.

    Nous n'allons pas lancer un débat sur l'aspect judiciaire de cette question. Nous avons offert un avis juridique, nous débattons de certaines opinions juridiques contradictoires et il faudrait qu'un tribunal tranche la question. Je ne crois pas que c'est ce que nous ferons, mais notre organisation n'a pas encore pris de décision finale sur les mesures qu'elle prévoit prendre.

    La seule option qui nous reste consiste alors à continuer de recommander le recours aux règles de l'OMC qui permettent d'adopter de nouveaux contingents tarifaires. Vous en payez les frais, puisque vous devez dédommager vos partenaires commerciaux en offrant un accès supplémentaire. Toutefois, nous sommes d'avis que les importations des produits en question deviendraient plus prévisibles, ce qui nous permettrait d'établir un contingent et de planifier la production, en connaissant l'importance du commerce dans ce domaine.

+-

    M. Dick Proctor: À quand remonte la lettre de M. Manley?

+-

    M. Richard Doyle: Je crois que nous l'avons reçue il y a trois ou quatre semaines.

+-

    M. Dick Proctor: C'était donc au cours du mois dernier.

+-

    M. Richard Doyle: Oui, c'était à la fin de septembre, ou à peu près.

+-

    Le président: Je donne la parole à M. Ritz pour cinq minutes.

+-

    M. Gerry Ritz: Merci, monsieur le président.

    Cette information est intéressante, messieurs.

    Monsieur Laforge, vous parlez beaucoup des règles claires et nettes. Je ne peux évidemment être en désaccord avec vous, puisqu'il s'agit d'une condition essentielle à toute négociation. Comment y arrivez-vous lorsque la politique s'en mêle?

+-

    M. Jacques Laforge: On y arrive en étant toujours là, en faisant preuve de détermination et de cohérence et en plaidant pour la cause. À titre d'exemple, la meilleure façon de désamorcer les approches américaines et européennes concernant toutes ces catégories vertes est de commencer à parler des règles claires sur l'accès au marché. Dès que les règles sont claires, vous devez donner un certain accès, et les choses prennent une nouvelle tournure. C'est ce qui fait la force du Canada.

»  +-(1710)  

+-

    M. Gerry Ritz: Je vois, à la première page de votre document, les objectifs en matière de gestion de l'offre; c'est votre liste de souhaits. Quelles sont les chances d'atteindre ces objectifs et de maintenir la gestion de l'offre?

+-

    M. Jacques Laforge: D'abord, ce n'est pas une liste de souhaits, mais bien des nécessités. Encore une fois, compte tenu de ce que je comprends de ces pourparlers commerciaux et de ce que sont les secteurs critiques de chaque pays, je maintiens que tout accord final devra être extrêmement proche de la position canadienne.

+-

    M. Gerry Ritz: L'industrie canadienne se prépare-t-elle à une réalité différente?

+-

    M. Jacques Laforge: Parlez-vous du secteur agricole?

+-

    M. Gerry Ritz: Nous parlons de la gestion de l'offre. D'autres aspects de l'agriculture ont dû être transformés en profondeur au cours des dernières années, et ce n'était souvent pas pour le mieux. Parlez-vous d'une autre réalité, où rien de tout cela ne tiendrait? Se prépare-t-on à faire face à une nouvelle réalité?

+-

    M. Jacques Laforge: Je ne voudrais pas donner l'impression que la gestion de l'offre ne change pas constamment, parce que notre système évolue toujours d'un point de vue commercial, comme du reste. En ce qui a trait aux derniers prélèvements de l'OMC et à toutes ces mesures, il a fallu s'adapter constamment.

+-

    M. Gerry Ritz: Comment en sommes-nous arrivés là? Avant 1995 et l'Uruguay Round, il n'y avait pas de problème. Comment la question de la gestion de l'offre a-t-elle été mise à l'ordre du jour?

+-

    M. Jacques Laforge: En gros, le remplacement de l'article 11 par un système de tarification était le principal élément de toute cette question. Le gouvernement canadien a renoncé à l'article 11.

+-

    M. Gerry Ritz: Alors, les dés sont jetés?

+-

    M. Jacques Laforge: Non, les dés ne sont pas jetés. Il a été remplacé par un tarif élevé, avec l'intention de maintenir la gestion de l'offre.

+-

    M. Gerry Ritz: Tout récemment, le ministre de l'Agriculture est allé de province en province pour convaincre tout le monde d'adhérer au CSA. Le Québec a signé, et Agriculture Canada attend que l'Ontario et la Saskatchewan le signent pour l'appliquer. Le Québec a signé à la condition que la gestion de l'offre soit maintenue, et le ministre a répondu qu'elle resterait inchangée, de sorte qu'elle sera maintenue. Doutez-vous de son affirmation que la gestion de l'offre ne sera pas modifiée, qui a convaincu le Québec de signer le CSA? Il y a quelque chose qui cloche. Vous dites qu'il y a un problème, et il dit que non, qu'elle restera telle qu'elle est.

+-

    M. Jacques Laforge: Je ne suis pas entièrement certain, mais je crois que la raison pour laquelle la gestion de l'offre fait partie du CSA est que nous voulions l'y faire reconnaître. Elle faisait partie de l'ensemble de la politique agricole, mais elle n'était que vaguement mentionnée et nous pensions que c'était important. L'omission est peut-être attribuable au passage du CSRN au CSA. La production laitière, parce qu'elle était régie par la gestion de l'offre, ne faisait pas partie du CSRN. Je pense que le Québec voulait que ce soit précisé.

+-

    M. Gerry Ritz: Vous avez dit que l'agriculture canadienne ne représentait que 6 p. 100 du commerce mondial.

+-

    M. Jacques Laforge: Désolé, c'est l'ensemble du commerce agricole mondial; 6 p. 100 du total des produits sont vendus à l'étranger. Le reste, 94 p. 100, relève du commerce intérieur.

+-

    M. Gerry Ritz: Ah bon; ça prêtait un peu à confusion.

    Vous avez dit la même chose à propos des Américains, qu'ils étaient prêts à céder 2 p. 100 de leur marché, et que pour le Canada, c'était 4 p. 100. Je m'interroge sur les économies d'échelle. Quand vous parlez de ces pourcentages, entre autres, je ne suis pas certain que cela donne une idée de la situation telle qu'elle est vraiment. Si vous parliez de la valeur en dollars correspondant à ces pourcentages...

+-

    M. Jacques Laforge: Les taux de 94 p. 100 et de 6 p. 100 étaient simplement là pour illustrer le fait que, même si l'on croit que le commerce international connaîtra de grands changements, avec un taux de 6 p. 100, le processus sera lent. C'est là que la position canadienne prend tout son sens. Le reste concerne l'accès au marché.

+-

    M. Gerry Ritz: Si la position canadienne est logique et que notre part n'est que de 6 p. 100...

+-

    M. Jacques Laforge: Non. Les taux de 94 p. 100 et de 6 p. 100 représentent les échanges mondiaux en agriculture, pas seulement la part canadienne.

+-

    M. Gerry Ritz: Je comprends cela, mais vous ne tenez compte du poids canadien que d'un côté et vous dites que ça fonctionne de l'autre côté. Il me semble qu'il y a quelque chose qui m'échappe dans vos chiffres.

+-

    M. Jacques Laforge: Je pense qu'il y a quelque chose qui m'échappe à moi aussi.

    Des voix : Oh, oh!

+-

    M. Richard Doyle: Pour clarifier la question des taux de 2 et de 4 p. 100, je devrais expliquer que ce que nous disons vraiment, c'est qu'il devrait y avoir des règles qui s'appliquent de la même façon à tous. Si les gens disent que nous devons offrir un accès de 5 p. 100, alors offrons 5 p. 100, mais ne laissons pas les États-Unis offrir 2 p. 100. Comme vous le dites, parce qu'ils sont plus gros, c'est exactement leur argument. Ils feront la même chose à l'égard des subventions à l'exportation. Écoutez, si j'ai seulement 10 p. 100...

+-

    M. Gerry Ritz: En ce qui concerne la valeur en dollars des 2 p. 100 comparativement à notre part de 4 p. 100, je me demandais si vous aviez ces chiffres?

+-

    M. Richard Doyle: À propos de l'accès? Les taux de 2 et de 4 p. 100 dont j'ai parlé concernent l'accès pour l'industrie laitière...

+-

    M. Gerry Ritz: Mais il y a une valeur en dollars correspondant à ces taux d'accès, n'est-ce pas?

»  +-(1715)  

+-

    M. Richard Doyle: On pourrait probablement leur attribuer une valeur en dollars, mais je n'en suis pas sûr. Vous comparez notre industrie à une autre qui est dix fois plus grande.

+-

    M. Gerry Ritz: Deux pour cent, dans une industrie dix fois plus grande, ce doit être encore plus important que 4 p. 100 de...

+-

    M. Richard Doyle: Tout à fait, mais est-ce que ça rend la chose acceptable?

+-

    M. Gerry Ritz: Non, ce n'est pas ce que je dis. Je parle des économies d'échelle et de la stabilité à long terme de notre secteur de gestion de l'offre.

+-

    M. Richard Doyle: Si je peux me permettre une explication, pour que nous comprenions tous, monsieur le président. Si nous appliquions ce raisonnement au contexte de l'OMC, par exemple, nous pourrions dire d'accord, alors que les États-Unis ne doivent éliminer que 10 p. 100 de leurs subventions à l'exportation... parce que, voyez-vous, ça représentera des milliards de dollars si le Canada ou d'autres pays éliminaient tout. Ce n'est pas ainsi que ça fonctionne. Ce sont les plus gros commerçants, et ils sont les plus protectionnistes et les plus subventionnés.

+-

    M. Gerry Ritz: Je ne peux pas dire le contraire; personne ne le peut.

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Plamondon, la parole est à vous.

[Français]

+-

    M. Louis Plamondon: J'aimerais aborder un autre sujet.

    Au Québec, les producteurs laitiers se manifestent beaucoup dernièrement, et je dirai qu'ils le font de façon parfois originale. L'aide qu'ils ont reçue du gouvernement provincial est plutôt insuffisante, étant donné qu'elle exclut les vaches de réforme. Je crois qu'au Québec, 14 000 producteurs laitiers sont touchés; ces derniers comptent énormément sur la vente des vaches de réforme, qui représente environ 70 p. 100 de leur gagne-pain. Ils sont donc inquiets.

    Hier ou avant-hier, la ministre du Québec a invité les producteurs laitiers à se joindre à elle pour demander au gouvernement fédéral une aide visant précisément les vaches de réforme. Le Québec a déjà investi 20 millions de dollars, soit 10 millions de dollars qui proviennent de La Financière et 10 millions de dollars qui proviennent de fonds nouveaux consacrés aux bovins. Étant donné que nous sommes au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire à Ottawa, est-ce que vous avez un message à transmettre au gouvernement? C'est le temps du baseball, et je vous envoie une prise.

+-

    M. Richard Doyle: Nous travaillons avec Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis plusieurs semaines justement pour traiter cette question-là. Nous voulons faire comprendre tant au ministre qu'au personnel les pertes substantielles que les producteurs vont encourir et le problème qui se posera lorsque les pâturages ne seront plus disponibles, dans quelques semaines. Or, les étables sont déjà pleines. Les images qu'on a vues à la télévision récemment, très malheureusement, pourraient devenir beaucoup plus fréquentes, et ce serait regrettable pour tout le monde, incluant l'industrie.

    Je pense que notre message a été compris. À l'heure actuelle, nous tenons des discussions pour voir ce que le fédéral pourrait faire avec les provinces d'ici une semaine, et nous sommes très optimistes. Le gouvernement fédéral doit absolument s'impliquer. Je pense qu'il a la volonté de le faire et il ne reste qu'à confirmer cela avec le Cabinet.

+-

    M. Louis Plamondon: On va donc maintenir la pression. Comptez sur nous.

+-

    M. Jacques Laforge: J'aimerais ajouter un élément, vu que je suis un fermier du Nouveau-Brunswick, c'est-à-dire très proche des frontières du Québec. Le problème de la maladie de la vache folle touche les agriculteurs de façon très large, au niveau de l'exportation des génisses aussi. C'est tout un domaine qu'on ne défriche pas trop, mais je pense que la pression qu'on sent déjà va beaucoup s'accentuer, comme l'a dit Richard.

    Je vais vous donner l'exemple de ma ferme, qui est de taille un peu supérieure à la moyenne. À l'heure actuelle, j'ai 15 vaches qui devraient aller à l'abattoir. L'année dernière à cette époque de l'année, si j'avais envoyé les 15 mêmes vaches à l'abattoir, j'aurais reçu de 11 000 $ à 12 000 $. Maintenant, on parle de 1 200 $. C'est 100 $ ou 150 $ la vache.

    Il y a aussi bien d'autres choses qu'on ne voit pas. Quand une vache tombe malade, est-ce que j'appelle le vétérinaire ou j'essaie de la sauver moi-même selon mes connaissances, au risque de la laisser mourir? Il y a beaucoup de pertes à ce niveau, que l'on ne voit pas. Dans ma région, je parle à mon vétérinaire et il me dit que les appels qu'il reçoit ont diminué énormément. Si ma vache vaut 100 $ ou 150 $, est-ce que je j'investis 60 $ pour une visite du vétérinaire et 100 $ supplémentaires pour des médicaments?

    De plus, si la vache est au début de sa lactation et que je sais qu'elle va me donner encore beaucoup de lait, la question se pose, mais si elle est déjà au milieu ou à la fin de la lactation, ma décision devient plus facile économiquement, parce qu'il n'y a pas de valeur.

    Il y a une grosse perte sur ce plan-là, qu'on ne voit même pas.

»  -(1720)  

+-

    M. Louis Plamondon: C'est un aspect que je ne connaissais pas.

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Proctor, soyez bref. J'aimerais faire une déclaration aux membres de mon comité à la fin de la séance.

+-

    M. Dick Proctor: Messieurs, en examinant votre mémoire, je ne peux pas dégager clairement votre opinion sur les réunions ministérielles à Cancún. Je pense que vous étiez ici pendant l'exposé précédent. Les Producteurs de grains ont remarqué des progrès modestes mais encourageants. Êtes-vous du même avis? Quelle est votre opinion sur ce qui s'est passé à Cancún et sur les perspectives d'avenir?

+-

    M. Richard Doyle: Je pense que pour l'industrie céréalière, des petits progrès ont été réalisés, parce que les éléments que cette industrie recherchait étaient différents de ceux que nous cherchions, bien que les deux ne s'opposent pas nécessairement. La Commission canadienne du blé était satisfaite du libellé, et les négociateurs étaient contents du nouveau cadre stratégique, parce son orientation était conforme aux souhaits du Canada.

    En ce qui concerne la gestion de l'offre, et en ce qui concerne les prix administrés et l'accès au marché dans le contexte des contingents tarifaires, nous sommes d'avis que notre situation est pire qu'au début. C'est ce que nous redoutions tant.

+-

    M. Dick Proctor: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, messieurs.

    Parce que j'étais présent à titre de participant et d'observateur, je vous encouragerais certainement, vous, le groupe GO-5, le groupe qui vous a précédés, et d'autres peut-être à trouver un moyen de collaborer dans les prochains jours. Je sais que nos objectifs sont différents, mais nous avons besoin de tous les intégrer. Je pense que nous pouvons le faire; nous disposons d'une bonne marge de manœuvre, mais nous devons trouver un moyen d'y arriver. Je vous invite donc à collaborer. Notre position serait beaucoup plus facile à définir, et cela faciliterait la tâche des ministres et des négociateurs.

    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Nous nous reverrons.

    Avant que nous partions, j'aimerais dire aux membres du comité que nous nous réunirons mardi, de 15 h 30 à 17 h 30. Puisqu'il y aura un vote à la Chambre à 17 h 30, il se pourrait que nous ayons à nous absenter brièvement pour aller voter et que nous revenions.

    Nous aimerions mettre la dernière main au rapport, si c'est possible. Nous avons réalisé d'importants progrès. Nous avons fait de grands pas en ce qui concerne la clarification de certaines questions depuis notre dernière réunion, et certaines autres recommandations qui avaient été réclamées ont été incluses. Elles ont été rédigées et elles ont été envoyées à la traduction.

    Si c'est possible, je fais appel à votre coopération la semaine prochaine, parce que nous avons une réunion intéressante à 15 h 30. Nous recevrons des représentants de l'ARLA et la commissaire à l'environnement, de sorte que la réunion sera intéressante. Préparez de bonnes questions. C'est un domaine dans lequel, une fois pour toutes, nous devons poser des questions difficiles, que nous avons déjà posées mais qui sont restées sans réponse. Nous devons obtenir ces réponses, c'est pourquoi je vous prie de bien vous préparer à la réunion.

    Oui, monsieur Proctor.

+-

    M. Dick Proctor: D'après notre caucus, mardi soir, il y aura une multitude de votes à propos des crédits. Rien ne nous dit que ce sera bref et que nous pourrons revenir.

-

    Le président: C'est possible, monsieur Proctor, et dans ce cas, nous devrons composer avec les événements de mardi soir. Nous pourrions demander des instructions au comité quand nous nous réunirons plus tôt dans la journée. Restons-en là pour l'instant, d'accord?

    Merci beaucoup; la séance est levée.