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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 25 mars 2003




» 1700
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         Le grand chef Fernand Chalifoux (président, Alliance autochtone du Québec)
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1705

» 1710
V         Le président
V         M. Patrick Brazeau (Congrès des peuples autochtones, Alliance Autochtone du Québec)
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)

» 1715
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Yvan Loubier
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Yvan Loubier
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Yvan Loubier
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Pat Martin

» 1720
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)

» 1725
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1730
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1735
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1740
V         M. Larry Bagnell
V         Le président
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Pat Martin
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1745
V         Le président
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1750
V         M. Larry Bagnell
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux
V         Le président
V         Le grand chef Fernand Chalifoux

» 1755
V         Le président
V         Mme Michèle Audette (présidente, Femmes autochtones du Québec inc.)
V         Le président
V         Mme Michèle Audette

¼ 1800
V         Le président
V         Mme Merilda St-Onge (Femmes Autochotones du Québec inc.)

¼ 1805
V         Le président
V         Mme Ellen Gabriel (À titre individuel)
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Mme Michèle Audette

¼ 1810
V         M. Yvan Loubier
V         Mme Michèle Audette
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Mme Michèle Audette

¼ 1815
V         M. Pat Martin
V         Mme Michèle Audette
V         Ellen Gabriel
V         M. Pat Martin
V         Ellen Gabriel
V         M. Pat Martin

¼ 1820
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Michèle Audette
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Mme Michèle Audette
V         Le président

¼ 1825
V         Mme Michèle Audette
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Michèle Audette
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Michèle Audette
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Mme Michèle Audette

¼ 1830
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Mme Michèle Audette

¼ 1835
V         M. Pat Martin
V         Mme Michèle Audette
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Larry Bagnell
V         Michèle Audette

¼ 1840
V         Ellen Gabriel
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Mme Michèle Audette

¼ 1845
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Ellen Gabriel

¼ 1850
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président
V         Mme Michèle Audette
V         Le président
V         Mme Michèle Audette

¼ 1855
V         Le président
V         Mme Michèle Audette
V         Le président
V         Me Carole Brosseau (avocate, Recherche et législation, Barreau du Québec)
V         Le président
V         Me Carole Brosseau

½ 1900

½ 1905
V         Me Renée Dupuis (commissaire, Commission des revendications des Indiens)
V         Me Renée Dupuis

½ 1910

½ 1915

½ 1920
V         Me Carole Brosseau

½ 1925
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Me Renée Dupuis
V         M. Yvan Loubier
V         Me Carole Brosseau

½ 1930
V         Me Renée Dupuis
V         M. Yvan Loubier
V         M. Pat Martin
V         M. Yvan Loubier
V         Me Carole Brosseau
V         M. Yvan Loubier
V         Me Carole Brosseau
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Yvan Loubier
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Me Renée Dupuis

½ 1935
V         M. Pat Martin
V         Me Renée Dupuis
V         M. Pat Martin
V         Me Renée Dupuis
V         M. Pat Martin
V         Me Renée Dupuis
V         M. Pat Martin
V         Me Renée Dupuis
V         M. Pat Martin
V         Me Carole Brosseau
V         M. Pat Martin

½ 1940
V         Me Carole Brosseau
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Me Renée Dupuis

½ 1945
V         Me Carole Brosseau
V         Me Renée Dupuis
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Me Renée Dupuis
V         Mme Nancy Karetak-Lindell
V         Le président
V         Me Carole Brosseau

½ 1950
V         Me Renée Dupuis
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 054 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 mars 2003

[Enregistrement électronique]

»  +(1700)  

[Français]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)):

    À l'ordre du jour des audiences publiques, nous avons le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Nous sommes heureux de recevoir l'Alliance autochtone du Québec, représentée par son président, le grand chef Fernand Chalifoux. Je vois que vous êtes accompagné de Patrick Brazeau. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les responsabilités de M. Brazeau? Nous serons ensemble pendant une heure. Nous vous invitons à faire votre présentation, qui sera suivie de la période de questions des membres du comité.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux (président, Alliance autochtone du Québec): Bien que j'aie bel et bien un nom francophone, monsieur le président, pendant une partie de ma vie, j'ai été élevé dans la réserve de Kitigan Zibi; c'est pourquoi je m'exprime plus facilement en anglais. Nous allons donc faire notre présentation en anglais.

+-

    Le président: Ça ne pose pas de problème. Je participe à des audiences publiques depuis bientôt quatre semaines, et pour la première fois, j'ai l'occasion de me servir de ma langue maternelle.

[Traduction]

    Je vous cède donc de nouveau la parole.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Même si nous avons remis un mémoire écrit complet au comité, j'ai parfois une façon de faire les choses qui est un peu particulière, si bien que je décide à la dernière minute de faire des changements.

    Le texte de notre mémoire tient toujours. D'ailleurs, je n'ai pas l'intention de vous le lire. Je préfère faire d'autres observations pertinentes qui traduisent le point de vue des personnes que je représente et qui vous permettront de savoir ce que nous ont apporté les séances d'information que nous avons organisées dans l'ensemble de la province du Québec.

    Je voudrais, toutefois, vous lire la page d'introduction.

    L'Alliance autochtone du Québec a toujours cherché à participer pleinement aux activités qu'a suscitées la réponse du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Corbiere relativement aux consultations de la phase un et des activités de plus grande envergure de la phase deux prévues dans le cadre de l'initiative de gouvernance des Premières nations lancée par le ministre Nault.

    Comme bon nombre d'organismes du Québec qui découlent de la Loi sur les Indiens, l'AAQ a toujours reconnu la nécessité de participer à cette initiative, et nous avons offerts à maintes reprises d'être des partenaires. Cependant, notre désir d'inclusion et notre offre de partenariat n'ont pas été bien accueillis, ni par les chefs reconnus par la Loi sur les Indiens, ni par le bureau régional du ministère.

    Il faut que les membres du comité comprennent que le ministère des Affaires indiennes et son bureau régional du Québec ont essentiellement exclu l'AAQ, qui représente plus 20 000 membres des Premières nations du Québec, les empêchant ainsi de participer efficacement au processus depuis deux ans. Nous désirons toujours y participer, et c'est pour cette raison que nous comparaissons devant le comité afin de lui présenter notre point de vue et celui des personnes que nous représentons au sujet du projet de loi C-7.

    Mais je veux qu'il soit bien clair que notre participation à ces audiences vise à protéger les intérêts de nos membres, et non pas à valider le processus de consultation organisé par le MAINC qui a constitué pour nous une expérience troublante qui démontrait le manque de respect du ministère pour les personnes qu'il consultait.

    Si l'Alliance autochtone du Québec a décidé d'y participer, c'est essentiellement pour deux raisons. D'abord, nous souhaitions améliorer le sort de nos membres qui sont Indiens inscrits vivant hors réserve en défendant leur droit de voter aux élections organisées par les bandes, d'être représentés par leur bande, d'être informés de ce qui se passe dans leur bande, et d'être mieux servis par les programmes et services de la bande. Non pas que nous soyons élus dans la province du Québec, en tant que dirigeants de l'AAQ, pour représenter les Indiens inscrits. C'est tout le contraire. Notre organisme représente en réalité un nombre très limité d'Indiens inscrits par rapport aux 18 500 d'entre eux qui vivent à l'extérieur des réserves. Mais nous sommes préoccupés par leurs difficultés, et s'il en est ainsi, c'est parce que ces personnes s'adressent à nous très souvent pour obtenir des services que nous sommes dans l'impossibilité de leur fournir.

    Il reste qu'un certain nombre d'Indiens inscrits en vertu du projet de loi C-31 ont choisi de demeurer membres de l'Alliance autochtone du Québec, afin de continuer à créer de meilleures perspectives d'avenir pour leurs enfants, qui sont exclus en raison des dispositions discriminatoires de la Loi sur les Indiens. Voilà l'une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de participer à ce processus.

    Deuxièmement, dans le cadre de ce même processus de consultation et de toutes les autres démarches auxquelles nous avons pris part au cours des 30 derniers mois, nous avons accompli ce que nous qualifions de travaux techniques. Autrement dit, nous avons fait plus que ce que prévoyait le cadre strict des consultations lancées par le ministre.

    Quand nous sommes allés parler à nos membres, nous avons donc décidé de les consulter au sujet de l'avenir, de ce qui pourrait se faire à l'avenir, et des changements qu'on pourrait éventuellement apporter à la Loi sur les Indiens, parce qu'il est clair pour tout le monde, me semble-t-il, que cette loi coloniale est désuète et à présent complètement dépassée et inadéquate pour remplir les besoins des peuples autochtones qui sont censés en être les bénéficiaires.

    Voilà donc ce que nous avons fait dans le cadre de ce même processus. Nous avons consulté nos membres. Ces derniers ont décidé de leur plein droit que la Loi sur les Indiens qui est actuellement en vigueur doit être révisée de fond en comble. À notre avis, il faut arriver à la remplacer par une loi plus appropriée sur les peuples autochtones et qui corresponde davantage à la réalité de notre siècle. Nous vivons toujours dans la soumission, celle que nous impose la Loi sur les Indiens. Nous sommes toujours soumis à des règles introduites il y a 135 ans à une époque où elles semblaient peut-être appropriées, pour certains, alors qu'à présent, elles n'ont plus aucune raison d'être, monsieur le président.

    Comme je suis un vieux de la vieille, mon expérience de tout cela remonte très loin, sans doute plus loin que quiconque se trouvant dans la salle aujourd'hui. Je me rappelle de l'époque où j'étais jeune et où je vivais dans la réserve. Après avoir quitté la réserve en 1943, je me souviens aussi que les contrôles de l'agent de la bande et des agents du ministère des Affaires indiennes ont continué, comme les autres activités, d'ailleurs. Ce n'est pas depuis si longtemps que les Indiens sont libérés de ce genre de contrôle. Le ministère continue d'exercer beaucoup de contrôle sur nous. Mais à un moment donné, il faudra que les descendants des peuples autochtones et des membres des Premières nations reprennent cette autorité.

    Je dois vous dire, toutefois, que tout ce processus nous inspire un grand sentiment de méfiance. Nous nous rendons très bien compte que pour cette série de consultations, le ministre Nault nous a néanmoins fait des ouvertures qui n'ont jamais été faites jusqu'à présent, puisqu'il a donné l'occasion aux Autochtones de la base de s'exprimer. Mais ce processus a fait l'objet d'un boycottage massif par les membres des Premières nations, et cela continue d'être le cas. Voilà le choix qu'ils ont fait dans leur bon droit. Mais quoi qu'il en soit, que la décision ait été prise par les dirigeants des Premières nations ou par les membres de la base, le fait est que tout ce processus a été boycotté. Mais comme je viens de vous le dire, ils en ont tout à fait le droit.

    Et si nous sommes méfiants, c'est parce que, comme je viens de vous l'expliquer, je me souviens très bien du passé et des consultations organisées par un comité semblable auquel nous avons participé en 1985. À l'époque, les consultations portaient sur le projet de loi C-31. Je sais que quelle qu'a pu être la position des peuples autochtones sur le projet de loi C-31 à l'époque, le résultat de tout cela, c'est que le gouvernement a tout simplement pris les mesures qu'il comptait prendre dès le départ. Pour moi, toute cette démarche était faussée et manquait totalement d'objectivité.

    Partout dans la province, les Autochtones auxquels nous parlons nous disent qu'ils sont pris par les difficultés qu'a créées le projet de loi C-31, cette demi-mesure qui devait changer la situation. En réalité, le projet de loi C-31 a été adopté pour permettre de redorer le blason du Canada sur la scène internationale. Cette loi n'a pas vraiment fait grand-chose de positif pour les Autochtones.

    Nous sommes au courant de l'affaire Twinn et de l'affaire Corbiere. En tant que dirigeant autochtone qui représente les Autochtones hors réserve, ce que j'ai remarqué le plus depuis l'adoption du projet de loi C-31 en 1985, et même avant son adoption, c'est que cette mesure législative a donné lieu à une perte immédiate d'avantages pour les Indiens de plein droit vivant à l'extérieur des réserves. Dans un premier temps, les Indiens inscrits vivant hors réserve ont cessé d'avoir droit aux logements; un programme de logements auxquels étaient admissibles les Indiens inscrits vivant hors réserve a été aboli le 31 mars 1985. Pourquoi? Parce que le gouvernement craignait que la demande de logements dans le cadre de ce programme soit trop forte, étant donné que les femmes autochtones et leurs enfants de première génération regagneraient leur statut d'Indien inscrit. Ce n'est pas un comportement moral de la part du gouvernement. Le gouvernement a des obligations fiduciaires envers les peuples autochtones. Il ne doit pas interpréter cette obligation comme correspondant au simple droit de vivre dans certaines terres. Le gouvernement doit d'abord et avant tout se dire que ses obligations découlent du fait qu'il s'agit de peuples autochtones.

»  +-(1705)  

    Nous avons également constaté chez les Indiens inscrits vivant hors réserve—et j'espère qu'ils ne m'en voudront pas de vous parler de ça, mais le fait est que cela me préoccupe beaucoup ainsi que les personnes que je représente, et beaucoup de gens sont venus nous parler de leurs graves préoccupations à cet égard. Nous avons effectivement constaté au fil des ans une réduction des prestations sanitaires non assurées. Cette réduction est très évidente dans les secteurs du logement et de l'éducation. De même, les Indiens inscrits vivant hors réserve sont traités de façon inéquitable en ce qui concerne les programmes de DRHC. Pourquoi ces derniers se seraient-ils adressés à un organisme comme l'Alliance autochtone du Québec, qui dispose de très peu de fonds, et qu'ils ne s'adressent pas au ministère des Affaires indiennes pour obtenir des crédits? Pourquoi se seraient-ils adressés à notre organisme pour obtenir des services?

    Je suis fermement convaincu que le ministère des Affaires indiennes ne prend pas ses responsabilités à l'égard des Indiens de plein droit vivant hors réserve, sans parler des Métis qui n'ont pas le statut d'Indien inscrit.

    Ce que nous espérons, c'est qu'au moins cette fois-ci, la loi adoptée par le gouvernement n'aura pas ce genre d'effet, et nous espérons également que les résultats de la consultation, que l'opinion des personnes consultées ait été favorable ou non, seront pris en considération dans le cadre de toute nouvelle mesure législative. Qui sait ce qui pourrait se produire au cours des prochaines années?

    J'espère seulement qu'il n'en résultera pas une diminution encore plus importante des avantages dont bénéficient actuellement les Indiens inscrits vivant hors réserve, car si nous avons réussi à l'AAQ à les aider un peu jusqu'à présent, je peux vous garantir que d'autres réductions de programmes et de services feront en sorte qu'ils seront en bien plus mauvaise posture encore qu'à l'heure actuelle.

    J'espère donc, monsieur le président, que le gouvernement prendra le temps de réfléchir et cessera de vouloir imposer comme condition sine qua non pour être admissibles aux programmes et services, que les Indiens vivent dans certaines petites terres dans la province du Québec. Ces réserves n'ont pas été créées par les Indiens. Elles ont été créées par le gouvernement fédéral, l'administration provinciale, et l'Église pour des raisons de commodité. Elles n'ont pas été définies par les Indiens; elles ont été définies par le gouvernement pour des raisons de commodité. Et nous espérons simplement qu'à un moment donné, les peuples autochtones retrouveront leur pouvoir décisionnel, le droit d'être maître chez eux et de déterminer eux-mêmes qui sont leurs membres.

    Merci, monsieur le président.

»  +-(1710)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Brazeau, est-ce que vous ferez une présentation?

+-

    M. Patrick Brazeau (Congrès des peuples autochtones, Alliance Autochtone du Québec):

    Non.

+-

    Le président: Nous allons donc passer à la période de questions. Le premier tour est d'une durée de sept minutes.

    Je devrais mentionner que lorsqu'on dit sept minutes, il s'agit du temps alloué pour la question et la réponse. Donc, si les politiciens parlent trop longtemps...

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux:

    On leur dit d'arrêter?

+-

    Le président: Oui, sinon les victimes sont les invités.

    Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

    Grand chef Chalifoux, monsieur Brazeau, bienvenue.

    Grand chef Chalifoux, j'ai une question à vous poser. Vous dites que vous avez été exclu du processus de consultation mais que vous avez quand même décidé d'y participer. Vous dites aussi avoir été déçu par ce qui s'est passé lors de la tentative concernant le projet de loi C-31 et par les pertes encourues par les membres des nations autochtones. Selon vous, avec le projet de loi C-7, le gouvernement fédéral fait à sa tête et ce, malgré les protestations.

    Trouvez-vous que le gouvernement fédéral est de bonne foi? Pour votre part, vous l'êtes visiblement, étant donné que vous participez aux consultations, souvent à l'encontre d'autres organisations représentant les autochtones. Vous le faites, sachant pertinemment que le gouvernement fédéral est de mauvaise foi. Pouvez-vous m'expliquer, si vous le voulez bien, les motifs de cette persistance?

    Voici ma deuxième question. Grand chef Chalifoux, les amendements au projet de loi C-7 que vous proposez sont pour l'heure rejetés du revers de la main par le gouvernement fédéral. Allez-vous maintenir la même position, qui est à tout le moins favorable à l'approche gouvernementale, ou prévoyez-vous changer d'attitude?

»  +-(1715)  

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Je vais vous répondre en français; ça ne me pose pas de problème.

+-

    M. Yvan Loubier: Très bien.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Premièrement, on a surtout été écartés de la première partie du processus de base et ce, malgré qu'on se soit engagés dans ce qu'on appelait un partenariat. Or, on s'est rendu compte que le partenariat était à sens unique. C'est pour cette raison que pour la deuxième phase, nous avons choisi de rendre la pareille et d'exclure partiellement nos partenaires de la région du Québec. Nous leur avons uniquement offert l'occasion d'assister à notre assemblée et de s'adresser à l'ensemble des dirigeants, ainsi qu'à une partie des membres de notre organisation. Pour ce qui est de la partie restante de la consultation, nous l'avons menée sans la présence du ministère des Affaires indiennes.

    On nous demande si, malgré toutes les désillusions reliées au passé, nous croyons encore à la bonne foi du gouvernement et à son intention de changer des choses. Pour résumer, disons que nous sommes un peuple qui, jusqu'à un certain point, a toujours présumé que les autres étaient de bonne foi, bien que nous ayons été très souvent déçus.

    Advenant que les amendements proposés soient rejetés du revers de la main, nous ferons ce que nous faisons depuis de nombreuses années: nous reviendrons à la charge et nous continuerons à nous battre. On a toujours été là, et bien que j'aie mentionné plus tôt que je vieillissais, je peux vous assurer qu'il y a beaucoup de jeunes derrière moi. Un exemple vivant de ce que je vous dis se trouve justement à côté de moi.

    Donc, ce n'est pas parce qu'on nous refuse des choses que nous mettrons de côté nos priorités et que nous abandonnerons la lutte. À mon avis, on commence seulement à réaliser l'ampleur des conséquences de cette perpétuation de l'exclusion générée par le projet de loi C-31. Parmi les jeunes ou les enfants en bas âge qui étaient là en 1985, nombreux sont ceux qui sont mariés et qui ont créé leurs propres familles. Ça ne diminue pas le nombre d'Indiens sans statut au Québec et ailleurs au Canada; ça l'augmente.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci. Au fait, grand chef, votre français est excellent. Vous devriez l'utiliser.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: J'ai été élevé en trois langues.

+-

    M. Yvan Loubier: Ah oui? Quelle est a troisième?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: La langue algonquine. Malheureusement, je ne l'utilise presque plus depuis mon enfance. J'ai beaucoup oublié comment la parler, mais ma compréhension est assez bonne.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci.

+-

    Le président: Vous parliez de 1943. C'est l'année où vous êtes né dans la réserve?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Je voudrais bien, monsieur le président, mais je suis né six ans plus tôt.

+-

    Le président: Ah bon.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Parce si j'étais né en 1943, j'aurais un an de plus que vous.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous avez sept minutes.

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président, et merci, monsieur Chalifoux.

    Je m'intéresse surtout au processus de consultation qui a eu lieu ici. D'abord, vous présentez certaines statistiques sur les résultats de ces consultations dans le mémoire que vous avez soumis à notre examen. Je voudrais donc vous demander de nous dire, tout d'abord, combien de personnes en tout vous avez réussi à consulter.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Pendant la phase de consultation, nous avons rejoint 1 000 personnes—c'est-à-dire entre environ 950 ou 1 000, ou peut-être plus.

+-

    M. Pat Martin: Vraiment? C'est très impressionnant. C'est déjà beaucoup plus que dans la plupart des régions du pays, d'après ce qu'on nous a dit. Je dirais que vous avez mieux réussi à rejoindre vos membres que n'importe quel autre organisme auquel nous avons parlé jusqu'à présent.

    Pour ce qui est de vos résultats, vous êtes-vous contentés d'aborder les trois points sur lesquels le gouvernement fédéral souhaitait connaître vos vues? C'est-à-dire, les élections, la responsabilisation, et les pouvoirs du gouvernement; il me semble bien que ce sont les trois points sur lesquels il vous demandait votre avis. Ou avez-vous posé d'autres questions à vos membres concernant la possibilité que le gouvernement fédéral et les Premières nations établissent de nouvelles relations?

»  +-(1720)  

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Voilà ce que nous avons fait. Nous avons passé deux heures à examiner les questions que soulève le projet de loi, et après avoir épuisé la discussion là-dessus, nous avons passé encore deux heures à discuter avec les gens. C'est à ce moment-là que la discussion s'est généralisée et que nous avons parlé notamment de la Loi sur les Indiens. Disons que c'était une discussion libre.

    D'ailleurs, je compte laisser une copie au président du document qui présente les résultats de ces consultations.

    La traduction du document en question sera disponible dans environ trois semaines, et on la fera parvenir aux membres du comité.

+-

    Le président: Si vous faites parvenir le document à la greffière, nous le ferons traduire avant cela parce que...

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: C'est d'ailleurs votre secrétariat qui se charge de la traduction.

+-

    Le président: Elle devrait donc être prête avant trois semaines, puisque...

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Parce que nous n'avons pas les moyens de payer cela.

+-

    Le président: Oui, je comprends.

+-

    M. Pat Martin: Si j'ai voulu approfondir un peu cette question des consultations, c'est parce que pour beaucoup de gens, consulter quelqu'un ne consiste pas à lui demander simplement de réagir à une série de questions toutes faites. Autrement dit, quelles qu'aient pu être les vues de vos membres, elles n'auraient aucunement influencé la forme définitive du projet de loi.

    Les consultations supposent normalement un véritable échange ou un désir de connaître l'opinion de l'autre. Par conséquent, on aurait dû vous demander: «Quelles modifications devraient être apportées à la Loi sur les Indiens à votre avis?», au lieu de: «Voilà ce que nous comptons faire. Qu'en pensez-vous?»

    Êtes-vous d'accord pour dire que vous n'avez aucunement influencé le contenu du projet de loi C-7?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Quand le projet de loi a été déposé, nous étions assez mécontents de nous rendre compte qu'on n'avait pas tenu suffisamment compte des recommandations que nous avions faites lors de la première série de consultations. À notre avis, une bonne partie des vues exprimées lors de cette première série de consultations n'a pas du tout été prise en compte.

    En même temps, nous nous disions que bon nombre des commentaires des participants aux premières consultations tenues au Québec n'ont pas été communiqués par la bonne filière. Dans le cas de notre organisme, nous avons communiqué seulement une partie de cette information, parce que nous n'étions pas…c'est pour ça que nous avons cessé de collaborer avec la personne chargée de préparer les procès-verbaux. Cette personne refusait de nous transmettre la bonne documentation et les procès-verbaux des réunions qui ont eu lieu.

    Nous avons donc communiqué notre rapport au CPA en nous fondant sur les notes prises par nos membres lors de ces réunions. C'est pour cela nous avons rompu notre partenariat cette année. Même si nous n'avions pas les crédits nécessaires pour effectuer ce travail, nous avons décidé de faire nos propres consultations d'exclure la région relevant de la responsabilité du MAINC.

    Comme vous le dites, nous avons consulté vos gens. Comme nous ne faisions l'objet d'aucune contrainte, comme cela aurait été le cas si d'autres avaient fixé les règles à l'avance ou défini le travail à accomplir à notre place, nous avons pu consacrer plus d'efforts à cette démarche.

+-

    M. Pat Martin: C'est très intéressant. Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci infiniment pour votre mémoire. J'essaie d'en lire autant que possible.

    Quelques autres témoins nous ont parlé des avantages dont bénéficient les Indiens vivant hors réserve. Nous n'avons pas pu obtenir une explication très précise de ce qu'ils souhaitaient obtenir en matière d'avantages, mais vous avez un peu expliqué tout à l'heure de quoi il pourrait s'agir.

    Peut-être pourriez-vous donc nous apporter des éclaircissements concernant le projet de loi C-31.

    Par rapport aux femmes qui ont décidé, comme vous nous le disiez il y a quelques instants, de demeurer membres de l'AAQ au lieu de réintégrer leurs réserves, savez-vous si elles ont pu, en tant que membres de l'AAQ, redevenir admissibles aux avantages auxquels elles auraient eu droit si elles avaient réintégré leurs réserves ou y ont-elles tout simplement renoncé?

»  +-(1725)  

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Eh bien, les personnes qui sont restées membres de l'AAQ nous ont obligés, à l'AGA de 1985, à apporter des changements importants à nos règlements internes et statuts parce qu'au départ, ces derniers visaient spécifiquement les Métis n'ayant pas le statut d'Indien inscrit. Cependant, à l'époque de notre AGA de 1985, beaucoup de femmes autochtones et membres de l'AAQ qui n'avaient pas le statut d'Indienne inscrite avant 1985, commençaient à reprendre leur statut d'Indienne inscrite en vertu du projet de loi C-31. De plus, elles se rendaient rapidement compte qu'elles seraient les seules à obtenir de nouveau ce statut, parce qu'elles étaient de la deuxième génération. Dans d'autres cas, les petits-enfants de ces femmes seraient exclus.

    Cela ne signifie pas pour autant qu'elles n'ont pas exercé leur droit de redevenir Indiennes inscrites. Elles l'ont fait, mais elles ont lancé tout un débat—qui a duré environ 14 heures—sur la possibilité de faire modifier les règlements internes de l'Alliance autochtone du Québec relatifs à l'adhésion, pour leur permettre de continuer d'être membres de cette dernière et de poursuivre le travail de renforcement et d'expansion de cet organisme, pour que leurs enfants ou petits-enfants aient un organisme qui les représente et les considère comme des Autochtones.

    Ce n'est pas l'adhésion à proprement parler ou la forme qu'elle pourrait prendre qui pose problème. Le problème, ce sont les conditions préalables, exigences et règlements rattachés à la Loi sur les Indiens. Le problème, c'est que la plupart des programmes et services sont assurés aux Indiens inscrits mais pas au-delà des limites des réserves. Je ne sais pas exactement combien il y a d'Indiens inscrits vivant hors réserve dans tout le Canada, mais au Québec, il y en a plus de 18 500 qui sont établis dans différentes parties de la province mais ne vivent pas dans les réserves. Et ils ont beaucoup de mal à obtenir des services dans les rares cas des services existants.

    Par exemple, dans le secteur du logement, il n'existe aucun programme au Québec qui soit destiné aux Autochtones et aux Indiens de plein droit, en dehors de ceux que nous avons mis sur pied. Nous avions établi des programmes au Québec à l'intention des Métis n'ayant pas le statut d'Indien inscrit, mais à présent les Indiens inscrits vivant hors réserve y ont également accès. En fait, 39 p. 100 des locataires de nos 2 200 unités de logement au Québec sont des Indiens inscrits. Nous n'avons même pas de logements pour les Inuits. Mais ils en ont besoin à Québec, à Montréal, et ailleurs. Nous sommes inclusifs, et non pas exclusifs.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Il est question dans votre mémoire des rapports entre votre organisme et les bandes que vous comptez parmi vos membres. Vous leur assurez certains services. Je suppose que vous n'obtenez pas d'argent des bandes qui touchent des crédits pour les personnes qui figurent sur leur liste de membres alors qu'ils vivent à l'extérieur de la réserve. J'essaie de comprendre la nature des rapports—qui sont peut-être surtout d'ordre financier—entre une bande qui touche peut-être des crédits pour tous les membres qui sont sur sa liste…alors qu'ils sont membres de votre organisme. Quelle est la nature de vos relations avec les bandes?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Nous n'avons pas de véritables relations, ni politiques ni financières. Là où il n'existe pas de programmes—par exemple, dans le secteur du logement—nous fournissons des services aux Indiens inscrits vivant hors réserve. Lorsque les bandes ou des organismes relevant des bandes ont des programmes qui s'adressent spécifiquement aux Indiens inscrits, nous les aiguillons vers ces services, mais nous n'obtenons aucune aide financière de leur part, et en fait, nous ne bénéficions même pas de soutien politique pour nos activités.

»  +-(1730)  

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

[Français]

+-

    Le président: M. Loubier, cinq minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Ça va, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    Presque personne au Canada, qu'il s'agisse d'Autochtones vivant dans la réserve ou à l'extérieur de la réserve, n'est en faveur de ce projet de loi. La grande majorité des témoins qui ont soumis des mémoires ont exprimé une très vive opposition à ce projet de loi, à un point tel que, comme vous le savez, il y a eu des manifestations importantes à Toronto, Winnipeg, Thunder Bay et Sudbury, et dans d'autres localités du Canada, par des gens qui étaient en colère. Ils n'en veulent pas parce que ce projet de loi n'aborde pas les questions qu'ils considèrent comme étant prioritaires en ce qui concerne la relation entre le fédéral et les Premières nations.

    Nous avons reçu les représentants d'un organisme du Canada atlantique qui est l'affilié du CPA dans les provinces maritimes représentant l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, et le Nouveau-Brunswick—soit le Conseil des peuples autochtones des provinces maritimes. Même si ce dernier a accepté certains fonds pour organiser les consultations, et qu'on nous avait fait croire que s'il y avait des groupes en faveur de ce projet de loi, ce dernier en ferait justement partie, les responsables du Conseil voudraient qu'on recommande que le projet de loi soit retiré, qu'on prenne un peu de recul et qu'on recommence en menant une étude plus exhaustive de la Loi sur les Indiens et en y apportant un certain nombre de modifications précises.

    Êtes-vous favorable à cette position?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Il est vrai que trois questions qui sont abordées dans ce projet de loi nécessitent une solution; mais à notre avis, cette démarche a beaucoup de défaut. Elle repose sur une approche fragmentaire et ce n'est pas le mécanisme auquel il faut recourir pour régler les problèmes qui existent actuellement. Il faut que l'action envisagée soit de plus grande envergure; c'est-à-dire qu'il faut examiner la situation dans son ensemble.

+-

    M. Pat Martin: Que devrions-nous faire à votre avis, monsieur Chalifoux? Nous recommandez-vous de mettre le projet de loi C-7 à la poubelle, comme nous l'ont conseillé bon nombre de vos collègues?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Ne vous contentez pas de mettre à la poubelle le projet de loi C-7, car les problèmes qu'il soulève découlent de sa nature fragmentaire. Je vous recommanderais de faire place nette, d'adopter une approche plus large, et d'examiner avec plus de recul la situation—surtout cette loi désuète qu'on continue d'appliquer. Elle aurait dû disparaître avec les dinosaures. Elle n'aurait jamais dû être adoptée au départ, mais le fait est qu'elle existe.

    Les peuples autochtones sont soumis à cette loi coloniale depuis 135 ans. Cela a beaucoup divisé notre peuple. Cette dernière déterminait, à la place des membres des Premières nations eux-mêmes, qui serait considéré comme un Indien de plein droit. Comment le gouvernement peut-il prétendre qu'il veut traiter avec les Premières nations de nation à nation, alors que les peuples autochtones n'ont même pas le droit de déterminer eux-mêmes qui sont leurs membres? Voilà l'un des graves problèmes que pose la Loi sur les Indiens.

+-

    M. Pat Martin: Certains ont fait valoir que ce projet de loi est tout à fait contradictoire à la notion même d'autonomie gouvernementale puisqu'il impose des codes de gouvernance aux peuples autochtones, alors qu'il est logique de penser que l'un des éléments de la gouvernance serait justement le droit de concevoir ses propres institutions de gouvernance en fonction de ses coutumes, traditions, etc.

    L'un des éléments les plus insupportables de ce projet de loi est la disposition prévoyant que si les codes ne sont pas appliqués conformément à leur décision dans un délai de deux ans, ils le seront automatiquement à 633 Premières nations du Canada.

    Est-ce que cet élément du projet de loi vous choque?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Oui, tout à fait, parce que si les Premières nations deviennent vraiment des Premières nations—c'est-à-dire si elles ont la possibilité de décider elles-mêmes qui sont leurs membres et de pouvoir inclure les gens, plutôt que de les exclure, comme le prévoit le règlement d'application de la Loi sur les Indiens, il serait logique de penser que si les Premières nations en arrivent là, elles voudront élaborer leurs propres codes, en fonction des règles qui leur semblent appropriées.

    Le projet de loi, dans sa forme actuelle… décider—car c'est ça qu'a fait le gouvernement fédéral—de s'attaquer à seulement deux ou trois problèmes, non pas pour les résoudre vraiment, mais pour imposer tel ou tel règlement qui respecte l'arrêt Corbiere, et en prévoyant que si ces règlements ne sont pas respectés, tout le monde sera considéré comme étant en violation, c'est chercher encore à rafistoler la même vieille loi qui ne marche pas. Cette loi ne devrait même pas exister au XXIe siècle.

»  +-(1735)  

+-

    M. Pat Martin: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Bagnall, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

    Et merci, monsieur Brazeau, de votre présence. Merci à vous deux.

    Il y a un élément du projet de loi—la procédure de recours—qui m'intéresse tout particulièrement, surtout à cause des appels que j'ai reçus à ce sujet. Je m'intéresse à ce que vous dites à ce sujet à la page 4 de votre mémoire, où il est question des droits de la personne.

    Je comprends très bien que vous disiez que c'est au gouvernement d'assumer la responsabilité des droits de la personne. Vous savez certainement que le projet de loi C-7 prévoit l'élimination de l'exemption, si bien que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'appliquerait désormais aux Premières nations—il s'agit de l'article 41 ou 42—et que dans certaines conditions… Je présume que vous êtes en faveur d'une telle mesure.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Oui, à condition qu'elle soit claire. Mais si je vous dis simplement que je suis d'accord, cela voudra dire que je suis d'accord avec ce projet de loi, et ce n'est pas le cas. Par contre, je suis d'accord pour dire qu'il ne faut exclure personne, qu'on soit Indien, Inuit, de race blanche, Allemand, Chinois, ou autre chose, de l'application du principe des droits de la personne le plus fondamental qui soit.

+-

    M. Larry Bagnell: Donc, vous demandez que chaque bande élabore des codes relatifs aux droits de la personne qui soient essentiellement parallèles au code canadien?

    J'essaie de comprendre ce que vous dites, c'est tout.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Oui, tout à fait. C'est exactement de ça qu'on parle.

+-

    M. Larry Bagnell: Très bien.

    En ce qui concerne l'article 11, qui porte sur la procédure régulière de recours, vous dites qu'aucun autre gouvernement ne permet à son exécutif d'exercer un pouvoir discrétionnaire à cet égard et qu'il faut accorder aux membres vivant dans les réserves et à l'extérieur des réserves de déterminer quelles seront les modalités de cette procédure de réforme.

    C'est essentiellement ça l'effet de l'article 11; donc, êtes-vous favorables à ce concept?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Nous sommes favorables au principe.

+-

    M. Larry Bagnell: Très bien.

    J'aime bien votre idée de prévoir une structure régionale à cette fin. D'autres nous ont fait cette même proposition ce matin.

    Dans les provinces maritimes, il nous a été suggéré de confier cette responsabilité à un organisme national, mais j'ai fait valoir au témoin qui nous avait fait cette proposition que cela reviendrait encore une fois à se laisser contrôler par Ottawa. Cette personne a donc suggéré qu'on prévoit une structure régionale, pour que les décisions se prennent plus près des localités concernées.

    Je présume donc que vous acceptez ce concept, car si cette responsabilité appartenait à un seul organisme qui se trouvait loin de vous, ce serait en quelque sorte tout à fait contraire aux principes même de l'autonomie gouvernementale.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Quand nous employons le terme «régional», c'est pour désigner tous les peuples autochtones se trouvant dans une même région. Autrement dit, nous parlons de gens. Notre approche n'est pas vraiment fondée sur des restrictions ou des règlements; elle est fondée sur les gens. Il faut que les gens participent, qu'ils définissent leurs besoins et qu'ils mettent en place la structure qui leur convient.

    Pour y arriver, il faudrait peut-être en arriver au point où l'ensemble des peuples autochtones se parleront un peu plus, plutôt que de passer par des ministères ou organismes gouvernementaux.

»  +-(1740)  

+-

    M. Larry Bagnell: Mon temps de parole est-il écoulé?

+-

    Le président: Il vous reste une minute.

+-

    M. Larry Bagnell: Je suis d'accord avec vous. Mais cela suppose un compromis car, d'une part, on veut préserver la souveraineté du gouvernement, et permettre aux personnes se trouvant au bas de l'échelle, les personnes les plus impuissantes—de se défendre et d'exercer leurs droits. Comme vous le dites, il faut que les membres des Premières nations en définissent eux-mêmes les modalités. Cela a l'avantage d'assurer une bonne protection des deux principes—une personne peut défendre ses droits, mais le droit de gouverner appartient toujours à la Première nation.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, il ne s'agit pas de remplacer un gardien de prison par un autre. Voilà ce à quoi nous nous opposons.

    Et voilà, malheureusement, la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Nous ne sommes toujours que les pupilles de l'État, et ce dernier continue de nous surveiller en attendant de prendre une décision sur notre avenir.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier: Ça va.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Pat Martin: Comme je n'aime jamais perdre une occasion, je vais poser une dernière série de questions.

    Nombreux sont ceux qui ont exprimé des préoccupations concernant ce qui motivent les dispositions que renferme ce projet de loi. Le ministre et le gouvernement veulent nous faire croire qu'ils sont motivés par un désir de transparence et de responsabilisation. Mais en réalité, cette initiative a été précédée d'une grande campagne de mésinformation, où il était question de la grave situation financière qui existe dans la plupart des collectivités autochtones. Voilà l'allégation faite par le gouvernement.

    Or nous avons appris grâce à nos recherches que ce n'est pas vrai. En fait, 96 p. 100 des Premières nations déposent leurs vérifications à temps et sans incident. Pour les 4 p. 100 qui restent, le stress financier qu'elles connaissent est souvent le résultat de leur financement et du fait qu'elles essaient de répondre aux besoins de la collectivité sans en avoir les ressources nécessaires. Donc, le gouvernement gagne l'appui du public en véhiculant le message selon lequel cette initiative est motivée par un désir de responsabilisation.

    Mais on craint, à juste titre, sans doute, qu'une autre motivation influence aussi tout ce projet, c'est-à-dire que le gouvernement est résolu à diminuer ou du moins à compromettre les droits ancestraux traditionnels et les droits issus des traités en cherchant à décharger ses responsabilités fiduciaires sur les bandes et les conseils de bande de par un changement de leur statut.

    Si cette crainte existe, c'est surtout en raison de l'absence d'une clause non dérogatoire. Ce projet de loi ne précise nulle part que telle n'est pas l'intention du gouvernement, et donc en l'absence d'une disposition de ce genre, il y a tout lieu de croire que c'est tout à fait ça que le gouvernement essaie de faire.

    Vous ne demandez pas dans votre mémoire l'inclusion d'une clause non dérogatoire. Est-ce qu'il en a été question lors de vos…?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Il en a été question dans le cadre de notre participation aux activités du Congrès des peuples autochtones, et c'est ce dernier qui l'a soulevé devant le comité consultatif.

+-

    M. Pat Martin: Vous parlez du JMAC?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Oui. Mais par rapport à notre opposition au mécanisme actuel, je vous signale que nos membres vivant hors réserve nous disent qu'il faut plus de responsabilisation à leur avis. Comme ils n'habitent pas dans la réserve, ils ne peuvent pas observer ce qui se fait dans la réserve ni y prendre part.

    Il faut donc qu'ils soient mieux informés. Il faut qu'ils soient inclus. S'ils ne sont pas d'accord avec ce qui se fait actuellement, c'est à cause du mécanisme qui est prévu. Beaucoup de nos membres craignent que si on a recours à ce mécanisme-là, nous ne ferons que renforcer les dispositions de cette Loi sur les Indiens désuète et à laquelle la plupart d'entre nous nous opposons. Voilà où se situe le problème.

    Bien sûr, cette loi pourrait être adoptée, qu'on soit ou non favorable. Au fil des ans—les gouvernements—que le parti au pouvoir soit libéral, conservateur, NPD, ou autre chose—ont toujours fait exactement ce qu'ils ont voulu faire. Les peuples autochtones sont méfiants face à toute démarche qui pourrait nous faire revivre le même genre de situation. Une loi du gouvernement contrôle bien des aspects de notre vie depuis des générations, et ce de façon tout à fait inadéquate.

    Vous avez dit tout à l'heure que la Loi sur les Indiens est lié aux droits ancestraux et aux droits issus de nos traités. Je vous mets donc au défi de me nommer une seule disposition de la Loi sur les Indiens qui a pour effet de protéger nos droits ancestraux et nos droits issus de traités. Il n'y en a aucune. Cette loi n'existe que pour contrôler les peuples autochtones.

    Et même si nous serions peut-être prêts à reconnaître qu'il y a lieu de resserrer certaines dispositions de cette loi, l'initiative actuelle ne fait que renforcer les règlements qu'elle prévoit sans tenir compte de l'aspect le plus fondamental de nos droits ancestraux et des droits issus de nos traités—c'est-à-dire notre droit à l'autonomie gouvernementale en tant que peuple.

»  +-(1745)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Bagnell, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Larry Bagnell: Merci.

    Dans votre mémoire, vous dites que vous n'êtes contre ni la notion d'approbation du choix de dirigeants des bandes ni les règlements que propose le gouvernement. Mais l'un des points qui a été soulevé à maintes reprises concerne le fait qu'il faudra désormais 25 p 100 moins de voix en faveur pour faire approuver ce genre de chose.

    Dans le cadre de vos discussions, avez-vous parlé de la possibilité que ce soit plus élevé? La plupart des personnes à qui nous avons parlé nous ont dit qu'il faudrait peut-être prévoir un seuil plus élevé. Celui qui est proposé les inquiète un peu.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Non, nos membres n'avaient pas de véritables préoccupations à cet égard. Ils n'en ont pas beaucoup parlé, même si c'était à eux de déterminer quelles modalités seraient les plus appropriées.

    Je devrais préciser que les consultations organisées dans les différentes collectivités ou régions de la province n'étaient pas dirigées par les leaders politiques de l'AAQ. Il s'est agi d'une démarche tout à fait indépendante. Ces consultations ont été organisées par un groupe indépendant qui appartient à une femme autochtone qui est redevenue Indienne inscrite par l'entremise du projet de loi C-31. Elle n'est pas membre de l'AAQ, mais son mari est Métis.

+-

    M. Larry Bagnell: Excellent. Vos observations au sujet de la gouvernance sont fort intéressantes. Vous soulevez un certain nombre de points très importants que nous devrons examiner en profondeur—c'est très positif.

    Il y a aussi la question de l'élection de la majorité des membres du conseil, et vous avez parlé aussi d'un conseil plus général ou auquel il conviendrait peut-être de nommer les membres. Ce matin, un témoin que nous avons reçu dans les provinces maritimes avait des inquiétudes à propos de cet article, parce qu'à son avis, il serait possible que des personnes qui ne sont pas membres de la bande ou d'une Première nation puissent finir par contrôler les conseils, etc.

    Par rapport à cet organisme de gouvernance plus étendu dans le cadre duquel les conseils, ou certaines personnes, auraient le pouvoir de nommer des gens, faudrait-il à votre avis que ces personnes soient membres d'une bande ou Indiens inscrits vivant dans la réserve ou hors réserve? Y aura-t-il des restrictions en ce qui concerne les éventuels membres de ce conseil plus étendu?

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Vous soulevez deux questions que nous abordons directement dans notre mémoire.

    L'une des questions que nous avons abordées, et qui a suscité certaines préoccupations de la part de nos membres, concerne la représentation des Indiens de plein droit au sein de la structure actuelle. C'est-à-dire que les Indiens de plein droit vivant hors réserve n'ont pas le droit à l'heure actuelle, selon les règles qu'impose la Loi sur les Indiens, de siéger à un conseil de bande. Le chef pourrait éventuellement être Chinois, si les membres le souhaitaient, mais le conseil de bande doit être formé d'Indiens inscrits qui vivent dans la réserve. Voilà donc pour la première question.

    Ensuite, là où nous abordons la question plus générale de la représentation mixte d'Indiens inscrits, de Métis et d'autres Autochtones, nous parlons d'un forum ou d'un conseil de direction qui pourrait être composé de membres de différents groupes autochtones dans une région donnée. Il s'agirait d'une sorte de conseil où l'on examinerait des questions qui concernent l'ensemble des peuples autochtones.

    Donc, dans ce cas-là, il ne serait pas nécessaire d'être Indien inscrit ou membre de la bande vivant dans la réserve. Il s'agit de deux choses bien distinctes.

»  +-(1750)  

+-

    M. Larry Bagnell: Enfin, j'étais un peu contrarié de vous entendre dire, au début de la réunion, que vous n'aviez pas été bien reçu par les responsables ministériels régionaux, surtout que vous aviez de si bonnes idées.

    Je me demandais pour quelle raison les représentants ministériels n'avaient pas voulu vous écouter.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Eh bien, parfois, c'est simplement une question de mentalité.

    Malheureusement, à l'époque de l'annonce de la décision dans l'affaire Corbiere et pendant la phase un des consultations, les directeurs régionaux estimaient que nous n'avions absolument pas le droit d'y participer. C'était aussi simple que ça. En fait, nous n'avons jamais été payés pour le travail que nous avons effectué relativement à l'affaire Corbiere, même si le bureau du ministre l'avait approuvé. La région a refusé de nous payer.

    Mais nous avons fait ce travail quand même. Donc, c'est tout simplement une question de mentalité et d'étroitesse d'esprit en ce qui concerne ceux et celles qui peuvent ou non être considérés comme Autochtones. Malheureusement, certains sont d'avis que pour être Autochtone, il faut être reconnu par une loi imposée par de non-Autochtones et être détenteur d'une carte qui vous a été remise par un non-Autochtone.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Voilà qui termine la période des questions. Nous vous invitons maintenant à faire quelques remarques de clôture. Nous avons amplement le temps de vous entendre.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Monsieur le président, j'ai l'impression qu'en répondant aux questions qui m'ont été posées par les différents participants, j'ai déjà fait mes remarques de clôture, en quelque sorte. J'ai indiqué, notamment, que j'espère que ce processus de consultation ne serait pas unilatéral en ce sens que nous ferions de notre mieux pour en assurer le succès, alors que l'autre partie ne tient pas compte de ce qu'on lui dit. Donc, quel que soit le résultat de cette démarche—et j'espère que ce sera mieux que ce qu'on nous offre maintenant—il faut éviter que les conséquences pour les peuples autochtones en soit négatives.

    Merci.

+-

    Le président: Nous vous remercions infiniment pour votre contribution, qui sera certainement très utile. Sans parler de votre âge, vous possédez une expérience des plus précieuses. Vous savez de quoi vous parlez. Et si vous nous avez convaincus d'une chose, c'est que vos convictions sont tout à fait sincères.

    Nous vous remercions infiniment de votre présence, monsieur Chalifoux.

    Je vous remercie également, monsieur Brazeau.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Monsieur le président, je vous laisse ces trois documents. Il s'agit du rapport présenté à l'AGA de l'année dernière, et de notre rapport final de cette année, expliquant le travail accompli par le cabinet de consultation Ajawajiwesi.

+-

    Le président: Nous vous en remercions.

+-

    Le grand chef Fernand Chalifoux: Je ne vais pas vous laisser une copie du projet de loi. Je pense que vous en avez déjà.

»  +-(1755)  

[Français]

+-

    Le président: J'ai le plaisir d'inviter l'Association des Femmes Autochtones du Québec inc., représentées par la présidente, Michèle Audette. Elle sera accompagnée de Merilda St-Onge, Ellen Gabriel et Monique Larivière. Nous allons passer une heure ensemble. Nous vous invitons à faire vos présentations. Ensuite, si le temps le permet, il y aura une période de questions.

    Bienvenue. Vous pourrez débuter lorsque vous serez prêtes. Merci.

+-

    Mme Michèle Audette (présidente, Femmes autochtones du Québec inc.): Avant de débuter, j'aimerais remercier les gens, hommes et femmes, qui se trouvent ici autour de la table d'être venus écouter la voix des femmes autochtones du Québec. Par contre, je dois avouer que je m'attendais à une assistance plus nombreuse. J'imagine que j'ai la qualité devant moi.

+-

    Le président: Je vais vous fournir une courte explication. Quelques membres du comité ont été rappelés à Ottawa pour un vote; j'espère qu'ils vont revenir ce soir. Ce sont des membres des deux côtés.

+-

    Mme Michèle Audette: C'est parfait. On verra si nos recommandations sont acceptées.

    Je voudrais aussi vous dire que dans la salle, nous avons des hommes et des femmes qui sont vêtus de blanc en signe de solidarité envers notre position, que vous allez entendre aujourd'hui. Merci.

    Ce soir, je suis ici pour vous parler de gouvernance et de ce que cela veut dire pour les femmes et les enfants des premières nations.

    Le projet de loi C-7 concerne la gestion financière et l'administration. C'est donc manifestement une question de gouvernance. Nous l'avons toujours dit, l'Association des Femmes Autochtones du Québec appuiera toutes les initiatives menant à l'autonomie gouvernementale pour nos nations, mais comme vous le savez, la gouvernance est bien plus qu'une question de paperasse.

    La bonne gouvernance doit également s'occuper des besoins fondamentaux comme l'alimentation, l'habitation, la protection de la famille, l'appartenance à la communauté et la vie sans racisme ni discrimination.

    Le projet de loi C-7 ne répond pas aux besoins humains fondamentaux. Tout système de gouvernance trompe ses citoyens. Que signifient une administration efficace et des livres qui balancent pour quelqu'un qui n'a pas de résidence, pour une femme qui perd sa maison et ses biens après un divorce, pour les enfants forcés de vivre loin de leur famille et de leurs proches ou pour une femme qui est coupée de sa culture et dépouillée de son identité?

    Dans sa forme actuelle, le système archaïque de la Loi sur les Indiens expose les membres les plus vulnérables de la société, c'est-à-dire les femmes et leurs enfants, à la discrimination et à de nombreuses difficultés. Comme instrument régulateur, cette loi a besoin de modifications majeures pour garantir que tous les membres des premières nations soient traités justement et équitablement, sans égard à leur sexe et à leur statut.

    Si un système de gouvernance ne répond pas à ces besoins fondamentaux, il échouera. C'est aussi simple que ça.

    Ces besoins devraient être à la base de la bonne gouvernance, mais ils ont malheureusement été oubliés. Que nous dit ce manque d'intérêt sur la position du Canada par rapport aux femmes et aux enfants autochtones? Qu'est-ce qui pourrait être plus important que les droits de la personne les plus élémentaires et la fin de la discrimination?

    Alors nous, l'Association des Femmes Autochtones du Québec, nous aimerions attirer votre attention sur six points, six aspects de ce projet de loi.

    Le premier, c'est que certains conseils de bande ont décidé de passer outre aux amendements de 1985 à la Loi sur les Indiens, en refusant aux femmes et à leurs enfants qui avaient retrouvé leur statut de retourner dans leur communauté et en leur refusant de surcroît l'accès à l'habitation, aux programmes et aux services.

    Le deuxième point, c'est que l'article 5 de la Loi sur la gouvernance des premières nations peut conduire à plus d'inéquité parce qu'il continue de permettre une discrimination dans le droit d'élection du conseil.

    Troisièmement, la Loi sur les Indiens comporte cette discrimination, et le gouvernement du Canada sait depuis 15 ans qu'elle existe et n'a rien fait pour corriger la situation.

    Quatrièmement, le Canada déroge à ses obligations nationales et internationales. La discrimination envers les enfants et les petits-enfants des femmes qui ont retrouvé leur statut selon le paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, la présomption que le père n'est pas indien si la femme ne révèle pas son identité, le partage du patrimoine inéquitable pour les conjointes en cas de divorce et l'absence de garantie de résidence dans la communauté pour les conjointes non autochtones sont des situations qui sont incompatibles avec les engagements internationaux du Canada.

    Le cinquième point est que les femmes qui ont retrouvé leur statut affrontent plusieurs difficultés quand elles veulent retourner dans leur communauté. Elles manquent de soutien pour les coûts de logement ainsi que pour l'achat de terrains, qui sont d'ailleurs insuffisants. De plus, les enfants de ces femmes peuvent êtres forcés de quitter la communauté dès l'âge de 18 ans. Ni le conjoint non autochtone d'une femme ni ses enfants à elle n'ont un droit de résidence garanti, ce qui est malheureux et inacceptable. C'est une pratique qui mine la stabilité familiale et qui défie tous les principes du respect humain. La famille devrait être protégée par l'État, et non divisée par lui.

    Enfin, la Loi sur les Indiens ne dit rien sur le partage des biens après un divorce. Historiquement, les terres et les maisons étaient enregistrées sous le nom des hommes par Affaires indiennes et du Nord Canada, ce qui mène les femmes et leurs enfants à la vulnérabilité économique et les prive de résidence. Encore une fois, ce type de discrimination est contraire à la loi internationale.

    Pour conclure, du fond de mon coeur, le Canada ne peut plus ignorer ces problèmes et doit y faire face. L'inaction est impardonnable compte tenu des années que le Canada a eues pour régler ces problèmes. Le Canada doit respecter ses obligations constitutionnelles et s'assurer que les conseils de bande respectent la Charte canadienne des droits et libertés. Ne pas le faire conduirait à cautionner la discrimination. La bonne gouvernance doit répondre aux besoins et aux désirs des citoyens concernés, et nos recommandations reflètent les besoins nécessaires et urgents des membres de nos communautés.

    Pour le bien de la démocratie, nos demandes doivent être comblées, et non pas mises sur les tablettes pour une autre quinzaine d'années. On ne peut plus accepter ces choses-là. Merci.

¼  +-(1800)  

+-

    Le président: Merci beaucoup pour votre excellente présentation. Madame Audette, est-ce que vos collègues voudraient ajouter quelque chose à votre présentation, ou préférez-vous qu'on passe immédiatement à la période de questions?

    Madame St-Onge.

+-

    Mme Merilda St-Onge (Femmes Autochotones du Québec inc.): J'aimerais juste revenir sur la question des catégories en vertu des paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens. Lorsqu'une mère célibataire a un enfant dont le père ne reconnaît pas la paternité, l'enfant est considéré comme étant un non-autochtone, ce qui fait aussi que les femmes qui ont été catégorisées en vertu du paragraphe 6(2) ne peuvent avoir de logement dans les communautés parce qu'elles ont des enfants qui ne pourront pas hériter. C'est donc une discrimination continue qui est appliquée dans nos communautés.

    Je voulais juste vous sensibiliser à ça.

¼  +-(1805)  

+-

    Le président: C'est très utile. Merci.

    Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, madame Gabriel?

[Traduction]

+-

    Mme Ellen Gabriel (À titre individuel): Je voudrais ajouter simplement que ce projet de loi présente peut-être l'occasion pour le gouvernement du Canada d'éliminer la discrimination qu'il pratique contre les femmes autochtones depuis l'adoption de la Loi sur les Indiens.

    Il y a beaucoup de raisons qui m'amèneraient, personnellement, à rejeter la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Je peux vous affirmer, en tant que femme traditionnelle et membre de la Fédération iroquoise, que de nombreux éléments de la Loi sur les Indiens ont compromis la capacité de la Confédération iroquoise d'affirmer sa souveraineté. La composition de notre Confédération n'a rien à voir avec ce que les conseils de bande que prévoit la Loi sur les Indiens et leurs membres ont imposé, ce qui a causé des dissensions parmi nos membres. À mon avis, le gouvernement du Canada est tout à fait au courant de la condamnation de la Loi sur les Indiens par la communauté internationale et des répercussions sur nos collectivités de l'imposition et de la perpétuation d'attitudes colonialistes envers les peuples autochtones du Canada. Si cette loi est adoptée, ce sera tout simplement un autre exemple de cette attitude. Il ne donnera pas satisfaction aux peuples autochtones et ne répondra pas à notre besoin d'égalité entre peuples.

    Bien que je sois d'accord avec certains éléments, je pense que ce projet de loi passe tout à fait à côté des principes qui sous-tendent les droits de la personne. Donc, l'adoption de ce projet de loi présentera simplement une autre occasion de refuser de reconnaître les droits des peuples autochtones et de leurs enfants.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Loubier, sept minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Madame Audette, madame Gabriel, madame Larivière et madame St-Onge, merci pour votre excellente présentation, et aussi pour l'excellent mémoire que vous nous avez soumis.

    Depuis le début de cette tournée et même à Ottawa, d'ailleurs, on a été témoins des doléances des femmes autochtones, et partout au Canada, d'est en ouest, on retrouve les mêmes types de problèmes de discrimination.

    À la lecture de votre mémoire, je m'aperçois que ça fait des années et des années que ça perdure. Les choses sont claires puisque à la lecture de votre mémoire, même quelqu'un qui s'y connaît peu dans ce domaine va être outré de ce qu'il va lire.

    Alors, comment expliquer que le gouvernement fédéral, malgré les nombreux rapports, les nombreuses années d'analyses et d'études, nous présente un projet de loi, le C-7, qui est tout à fait insignifiant par rapport aux problèmes réels vécus par les femmes autochtones et par les autochtones en général, plutôt que de prendre ses responsabilités? Comment peut-on expliquer qu'on maintienne autant de discrimination, autant de situations d'injustice comme celles-là, sans réagir, alors que le Canada, sur la scène mondiale, se présente comme étant un champion des droits, des libertés et de la justice?

+-

    Mme Michèle Audette: Si je peux me permettre de répondre à cela, c'est évidemment une question qui peut avoir autant de réponses qu'il y a de femmes présentes ici, à la table. Mais ce que j'ai pu remarquer, après quatre ans d'engagement au sein de Femmes Autochtones du Québec, c'est que le gouvernement fédéral a de la difficulté à pousser ces choses-là parce qu'elles ne sont pas, premièrement, des priorités dans nos communautés. Quand je parle de nos communautés, je parle de nos leaders autochtones.

    Les enjeux dans nos communautés sont importants à mes yeux et aux yeux de Femmes Autochtones du Québec aussi. On parle de revendications territoriales, d'autonomie gouvernementale, de compensation financière, etc., et pour nous, c'est important, mais on oublie la base fondamentale, qui est l'individu, sa citoyenneté, son droit et ses responsabilités.

    On remarque aussi--moi, je l'ai remarqué avec Femmes Autochtones du Québec--que le gouvernement ferme les yeux. Le gouvernement fédéral ferme les yeux sur ses responsabilités internationales, les pactes, les conventions, etc., mais en même temps, je pense qu'il respecte l'agenda qu'il s'était donné il y a longtemps avec le Livre blanc, qui consiste à faire en sorte, dans mon jargon à moi, qu'on devienne des citoyens en bonne et due forme, des Canadiens en bonne et due forme. Les recherches faites, entre autres, par le ministère des Affaires indiennes et aussi par l'Assemblée des Premières Nations démontrent que d'ici 40 ans, il n'y aura plus d'Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens. Cela implique qu'il n'y aura plus de responsabilités fiduciaire et juridique de la part du ministère des Affaires indiennes envers les premières nations. Donc, je me dis que c'est une vieille stratégie d'émancipation que de faire en sorte qu'on ne soit plus là.

    Le danger, par contre, c'est que ce soient les femmes et les enfants qui payent, d'après moi, et parmi ces enfants, il y a aussi des garçons. Ce qui me fait de la peine, c'est qu'on voit les femmes autochtones comme une gang de féministes, des femmes qui dérangent, mais mon discours, ce n'est pas ça. C'est une question de société et cela affecte nos peuples, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes.

    Je ne peux pas croire--vous l'avez bien mentionné, monsieur Loubier--que le Canada a déjà été reconnu par la communauté internationale comme étant le meilleur pays au monde, mais pour ce qui est de la question autochtone, il arrive au 63e rang. Et en matière de droits de la personne, pourquoi sont-ce les femmes qui doivent payer? Pourquoi?

    Je me dis que le gouvernement canadien a une occasion en or de réparer ces choses-là, des choses que le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a souvent pointées du doigt. La communauté internationale ainsi que d'autres comités internes ici, au Canada, ont également pointé du doigt le Canada pour la réalité des femmes autochtones. Comment se fait-il que cela se passe encore? À mon avis, vous avez là une occasion en or de faire en sorte que la situation des femmes change et qu'on parle de vraie gouvernance, non pas d'une question de paperasse, comme je l'ai dit dans mon discours.

¼  +-(1810)  

+-

    M. Yvan Loubier: Madame Audette, j'aimerais que vous nous aidiez, parce que pour ma part, ça fait à peine quelques mois que je suis responsable de ce dossier. J'étais responsable du dossier des finances auparavant, de l'agriculture, dans le milieu syndical aussi. J'ai vu Mme Parent tout à l'heure. On a fait des bons coups ensemble lors du débat sur le libre échange.

    De quelle façon peut-on stopper le rouleau compresseur d'Ottawa, à votre avis? Je l'appelle comme ça parce que, lecture après lecture, je m'aperçois que peu importent les injustices qu'on va leur jeter au visage, peu importent les explications, même en explicitant au maximum la situation que vous vivez et que les nations autochtones vivent de façon générale, le gouvernement fédéral semble avoir décidé de prendre cette trajectoire-là et même d'aller à l'encontre de résolutions de l'ONU.

    Je lisais l'autre jour au sujet du cas de la première nation Lubicon, en Alberta. C'est incroyable ce qu'on a pu leur faire depuis les 50 dernières années.

    Donnez-nous les moyens, les voies pour convaincre le gouvernement fédéral, parce que jusqu'à présent, moi, je suis décontenancé par l'attitude de fermeture incroyable, surtout de la part du ministre des Affaires indiennes. Je n'en reviens tout simplement pas.

+-

    Mme Michèle Audette: Je n'aurai pas à refaire l'histoire et à réinventer la roue. Ça fait 30 ans--sinon une vingtaine d'années pour notre association--qu'on en a des mémoires, des prises de position. Nos solutions sont là-dedans; elles y sont noir sur blanc et elles n'ont pas changé, malheureusement, parce que l'attitude du gouvernement fédéral n'a pas changé.

    Pour ce qui est de l'ensemble des premières nations, c'est important, je pense, de respecter le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Cela a été coûteux pour certains Canadiens, et pour nous, cela a été une lueur d'espoir. Ça, c'est sur des tablettes, alors que ça devrait être mis en oeuvre, mis en action. Je pense qu'il y a là beaucoup de réponses sur lesquelles le gouvernement pourrait travailler avec les premières nations, et non imposer des choses aux premières nations. Ce qui est important, c'est de travailler d'égal à égal, ce que je ne vois pas souvent, malheureusement.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Martin, vous avez sept minutes.

+-

    M. Pat Martin: Merci pour cet excellent exposé et les points très importants que vous avez soulevés. Je suis très heureux de vous entendre dire que ce projet de loi représente surtout une occasion que le gouvernement n'aura pas su saisir, puisqu'il n'arrive qu'une fois par génération que le fédéral ait la volonté politique ou le courage de rouvrir la Loi sur les Indiens. Il s'agit peut-être de l'unique occasion que nous aurons dans notre vie de réviser cette loi, et vous me dites que les questions auxquelles le gouvernement s'est attaqué ne sont pas celles que vous auriez considérées comme étant prioritaires, si on vous avait demandé votre avis.

    Commençons donc par parler du processus de consultation. Le premier témoin qu'a reçu le comité était le ministre des Affaires indiennes. Dans ses remarques liminaires, il nous a dit que ce projet de loi avait été rédigé par 10 000 membres des Premières nations, qu'il avait consultés et qui lui avaient dit ce qu'ils souhaitaient avoir. Or tous les témoins que nous avons reçus d'un bout à l'autre du pays nous ont dit que c'est parfaitement faux.

    À votre avis, avez-vous été suffisamment consultés, et si vous avez été consultés, est-ce que ce sont les questions que vous auriez voulu aborder dans le cadre du projet de loi C-7?

[Français]

+-

    Mme Michèle Audette: Je suis contente de votre question, monsieur Martin, et je vais être franche.

[Traduction]

Je vais être franche.

[Français]

    Lorsqu'on a rencontré le ministre des Affaires indiennes, c'était parce qu'on avait fait beaucoup de pressions. On voyait les communications au niveau national entre l'Assemblée des premières nations et son ministère pour modifier la loi. Juste à voir ça, les femmes au Québec était contentes: enfin on allait modifier la Loi sur les Indiens. Oui, il faut s'en défaire parce que c'est une loi désuète et archaïque, mais il faut y aller progressivement.

    Donc, on a rencontré le ministre avec un projet, un projet que FAQ, Femmes Autochtones du Québec, a à coeur, soit celui d'avoir un secrétariat des droits de la personne et du développement social qui aurait pu toucher à ces questions-là, toucher aux questions qui sont aussi mentionnées dans le projet de loi C-7. Le ministre m'a carrément dit devant témoins que si j'étais capable de lui prouver que notre organisation était une bonne organisation, tel que nous le disions, que je pourrais faire les consultations sur le projet de loi sur la gouvernance avec lui, et qu'on pourrait, à ce moment-là, parler d'argent, de beaucoup d'argent pour notre secrétariat des droits de la personne et du développement social.

    J'étais surprise de voir cette réaction. Alors, je lui ai dit que c'était parfait, qu'on allait examiner le contenu de cette consultation-là, ses grands principes, les lignes directrices, etc. Une fois qu'on a fait l'analyse, la lecture du document, il y était question seulement de transparence, de reddition de comptes, etc., mais on n'y parlait pas des choses fondamentales. Non seulement on n'y parlait pas des femmes autochtones du Québec, mais n'y parlait pas non plus de citoyenneté, de peuple, de reconnaissance; on ne parlait pas de ces choses-là.

    Donc, on a encore rencontré le ministre pour lui dire qu'on ne pouvait pas faire cette consultation-là. On ne peut pas: les chefs l'ont rejetée, les centres d'amitié l'ont rejetée. Femmes Autochtones du Québec, pour des raisons personnelles en tant que groupe, va devoir la rejeter parce qu'on ne veut pas mettre la question les femmes là-dedans. Les représentants des Affaires indiennes--c'est écrit noir sur blanc; on a les enregistrements sur ruban--nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas parler de la question des femmes, que c'était trop complexe, que ça prendrait trop de temps et que ça leur coûterait cher. Je vous le jure, c'est ce qu'ils nous ont dit. Ça nous a fait mal de se faire dire cela par les avocats des Affaires indiennes.

¼  +-(1815)  

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: C'est tout de même incroyable.

[Français]

+-

    Mme Michèle Audette: Les femmes étaient ici. Elles leur disaient qu'ils avaient maintenant une occasion en or de progresser, d'évoluer et de modifier des choses qui sont inacceptables au niveau des droits de la personne.

    Alors, c'était un petit historique de la façon dont les choses se sont passées. Finalement, on a complètement rejeté le processus de consultation parce que c'était déjà des termes pré-établis, déjà conçus, et nous, on ressemblait seulement à des petites marionnettes qui allaient ouvrir les portes aux fonctionnaires, aux chercheurs et aux animateurs dans les communautés. Je pense qu'on a assez de maturité et qu'on est assez expertes pour pouvoir faire des consultations. Alors, on a refusé.

[Traduction]

+-

    Mme Ellen Gabriel: Beaucoup de gens sont convaincus, à tort, que les conseils de bande représentent la majorité des Autochtones vivant au Canada. Ils représentent au contraire une petite minorité dans leur collectivité. La plupart des gens rejettent le système des conseils de bande.

    D'après ce que j'ai pu comprendre, le processus de consultation peut se résumer ainsi: «Voilà ce que nous avons rédigé. Je suis assis en face de vous, et donc, je vous consulte.» Voilà ce en quoi consiste les consultations pour le ministère des Affaires indiennes.

+-

    M. Pat Martin: Oui, c'est ainsi qu'il définit les consultations.

+-

    Mme Ellen Gabriel: Donc, pour le ministère, nous avons été consultées. Mais le ministère ment s'il prétend que les vues qu'il a recueillies dans le cadre de ses consultations représentent celles de tous les peuples autochtones du Canada. Il essaie de convaincre le public que, oui, les peuples autochtones ont été consultés, alors qu'il est le seul auteur de ce projet de loi, le seul et unique.

    Voilà un autre exemple de mesures législatives qui sont adoptées sans qu'on nous consulte ou qu'on nous demande notre avis; encore une fois, on nous traite comme si nous étions les pupilles de l'État.

+-

    M. Pat Martin: C'est bien dit. Merci.

    Je suppose que je suis déçu, mais non pas surpris, de voir avec quel cynisme le ministère vous a offert une petite carotte, qui a pris la forme d'une incitation financière, pour vous faire participer; il vous a dit essentiellement : « Prenez part à mon initiative, et nous parlerons de vos problèmes après ».

    Je trouve particulièrement choquant qu'on vous dise que le respect des droits fondamentaux coûte trop cher, alors que nous faisons partie de la civilisation la plus riche et la plus puissante de toute l'histoire du monde. Les droits sont désormais considérés comme une dépense, et donc, quelque chose de secondaire, dont on s'occupe quand ça nous arrange.

    Vous avez aussi parlé de la CRPA, soit la Commission royale sur les peuples autochtones. De nombreux témoins dans tout le Canada nous ont vraiment suppliés en disant: «Retirez le projet de loi C-7, reprenez le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, mis aux oubliettes depuis longtemps, et à n'importe quelle page de ce rapport, vous aurez des recommandations que vous pourrez commencer dès maintenant à mettre en oeuvre. Ce sera un bien meilleur investissement que le projet de loi C-7.»

    Permettez-moi donc de vous parler du budget. Le ministère envisage de dépenser 110 millions de dollars par an sur cinq ans pour imposer ce projet de loi à des gens qui n'en veulent pas. Pour nous, c'est une grossière sous-estimation du coût; à notre avis, cela pourrait finir par coûter 1 milliard de dollars, ou peut-être davantage.

    Êtes-vous d'accord pour dire qu'il vaudrait mieux consacrer cet argent à de vrais consultations et à des mesures qui permettront d'apporter des changements constructifs à la relation entre le gouvernement fédéral et les membres des Premières nations, au lieu de rafistoler une loi colonialiste, comme le disait le chef national?

¼  +-(1820)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci infiniment pour votre exposé.

    Je vais vous demander de clarifier certaines de vos recommandations, car nous avons reçus différents témoins ces dernières semaines, et certains d'entre eux ont les mêmes préoccupations que vous. À mon avis, votre mémoire est le premier à s'attaquer directement à bon nombre de questions que les gens ont tendance à esquiver, sans vraiment nous dire ce qu'ils veulent.

    Vos deux premières recommandations me préoccupent beaucoup, puisque vous dites que les femmes et les enfants ont accès à très peu de services et que les bandes refusent systématiquement de leur offrir les avantages et les services auxquels ils et elles ont droit. Lors d'une autre audience, je ne souviens d'avoir demandé à un groupe de femmes s'il y en avait beaucoup parmi elles qui réintégreraient leur réserve si on leur garantissait les avantages et services auxquels elles ont droit. Par contre, certaines bandes nous disent qu'elles ne reçoivent pas suffisamment de crédits même pour offrir des services à ceux qui habitent déjà dans la réserve.

    Je voudrais donc vous poser deux questions. À votre avis, y a-t-il beaucoup de femmes qui réintégreraient leur réserve si on leur garantissait l'accès aux avantages auxquels elles ont droit—et qui leur ont été accordés, à mon avis, en vertu du projet de loi C-31? Et pourriez-vous également m'expliquer un peu plus vos deux premières recommandations, concernant le financement qui est systématiquement refusé aux gens?

+-

    Mme Michèle Audette: Je préfère vous répondre en français—non pas parce que je ne vous respecte pas, mais parce que cela m'est plus facile.

[Français]

Merci beaucoup de votre compréhension.

    Lorsque la loi C-31 est entrée en vigueur en 1985, les communautés à travers le Canada ont reçu des fonds du ministère des Affaires indiennes pour réintégrer les femmes préinscrites. Les recherches qui ont été faites à l'extérieur du Québec et ce qu'on a pu savoir, avec toutes les mobilisations qu'on a pu faire au Québec, démontrent que la majorité de ces femmes-là n'ont pas réintégré leur communauté. L'argent a été alloué à d'autres fins, à des fins--et cela peut vous sembler bizarre que nous parlions ainsi--que nous pouvons comprendre, parce qu'il y a un manque de logements dans les communautés.

    Les 200 familles qui étaient sur une liste d'attente à cette époque-là--c'est peut-être encore plus long maintenant--ont donc été priorisées avec l'argent du C-31. Donc, la majorité des femmes réinscrites n'ont pas été priorisées.

    En même temps, on avait promis aux communautés du territoire pour pouvoir bâtir des maisons pour ces femmes-là, et les communautés n'ont pas eu ce territoire. La plupart des communautés, la grande majorité d'entre elles sinon toutes, n'ont pas eu le territoire promis par le gouvernement. Donc, c'est aussi un obstacle. Alors ça, c'est le premier problème du retour des femmes.

    Je crois que vous aviez aussi une question par rapport au point 2 de notre présentation, si j'ai bien compris.

[Traduction]

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Pourriez-vous m'expliquer vos deux premières recommandations?

[Français]

+-

    Mme Michèle Audette: Je me rappelle que vous aviez aussi demandé si les femmes retourneraient. Il faut dire qu'on parle maintenant de presque 18 années; on parle de 1985. Ces femmes-là ont bâti des familles, soit dans les alentours de la communauté ou beaucoup plus loin de la communauté. Je ne sais pas si elles ont le désir de retourner, mais il faut penser à celles qui ont ce désir. Elles ont ce droit-là, qu'on leur a enlevé. Alors, il faudrait trouver des solutions. C'est à vous, je pense, qu'il revient de faire des pressions avec nous pour prendre ces femmes-là en considération.

    Quant au point 2 de ma présentation, l'article 5 de loi sur la gouvernance a plusieurs paragraphes, de 1 à 5, et on l'interprète de la façon suivante: c'est la question des femmes réinscrites, mais qui n'ont pas nécessairement eu la chance de retourner dans leur communauté. Donc, on dit que c'est une disposition qui va affecter de façon disproportionnée les femmes réinscrites et leurs enfants parce qu'au départ, celles-ci ont été forcées de quitter leur réserve et elles sont souvent incapables d'obtenir un logement au sein de leur communauté parce qu'elles ont aussi été victimes de discrimination.

    Qui va s'assurer que ces femmes-là ont eu droit de vote ou droit de parole? Ça, c'est une grande préoccupation de Femmes Autochtones du Québec.

+-

    Le président: J'aimerais apporter un éclaircissement qui pourrait peut-être aider. Ce à quoi Mme Karetak-Lindell fait référence lorsqu'elle parle de l'article 2 ou du paragraphe 2, c'est à votre document que vous avez présenté avant, qui est différent de votre présentation d'aujourd'hui. Je vais lire ce qu'il dit en anglais:

[Traduction]

Que le financement des programmes soit suspendu pour les Premières nations qui défient la Loi sur les Indiens en faisant preuve de discrimination à l'égard des femmes réinscrites et de leurs enfants dans la prestation des programmes et des services.

¼  +-(1825)  

[Français]

+-

    Mme Michèle Audette: Vous parlez du point 2 de notre mémoire?

[Traduction]

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Je sais que ce que vous venez de lire est très différent de ce que nous avons reçu.

+-

    Mme Michèle Audette: Exactement.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Je regarde simplement vos recommandations.

+-

    Mme Michèle Audette: Ah, vous parlez du mémoire. Bon, très bien.

[Français]

+-

    Le président: Vous pouvez y penser; vous aurez l'occasion de dire quelques mots de clôture plus tard.

    Monsieur Loubier, cinq minutes.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Madame Audette, vous avez mentionné tout à l'heure qu'il fallait respecter le désir des femmes qui ont été exclues des réserves et respecter leur choix de revenir.

    N'y aurait-il pas aussi un autre aspect à la question? Il y a un préjudice à l'endroit de ces femmes-là qu'il faut réparer. Lorsqu'on les a exclues, cela leur a été préjudiciable pour leur avenir, pour l'avenir de leurs enfants, etc. N'y aurait-il pas lieu aussi de parler de préjudice à réparer, même pour les femmes qui ne désireraient pas retourner dans les réserves?

    Deuxièmement, lorsqu'on a rencontré le ministre et ses fonctionnaires, de même plusieurs personnes qui se sont montrées favorables au projet de loi C-7, ils ont aussi évoqué la possibilité qu'en introduisant plus d'imputabilité dans les réserves, en ayant aussi une plus grande démocratie--parait-il que les nations autochtones en manquent, si on fait l'analyse directe de ce que le ministre nous a dit--, en faisant sorte aussi qu'on gère mieux les choses--parait-il que les nations autochtones ont de la difficulté à gérer leurs finances, alors que lorsqu'on examine les faits, elles ont un meilleur bilan que le gouvernement fédéral au niveau de la dette par habitant, etc.--, on réglerait une bonne partie des cas de discrimination face aux femmes et aux enfants. Qu'est-ce que vous pensez de ces déclarations?

+-

    Mme Michèle Audette: Je vais être franche avec vous: le projet de loi C-7 ne règle en rien la discrimination et le racisme à l'égard des femmes autochtones et de leurs enfants. Même la vérificatrice générale a mis le doigt sur la cause réelle. Il y a des communautés qui gèrent très bien et il y a des communautés qui ont de la difficulté à gérer parce qu'elles ont trop de rapports à faire aux quatre grands organismes fédéraux. De plus, c'est sûr, comme c'est le cas dans toutes les sociétés, qu'il y a des gens qui s'en mettent dans les poches. Mais ça, je ne peux pas le vérifier. Je ne peux pas identifier sur la carte du Québec où on fait les choses de cette façon.

    C'est sûr que les femmes et les hommes veulent savoir où va l'argent, comme n'importe qui, mais je pense que le ministre jette de la poudre aux yeux des Canadiens et des Canadiennes s'il tente de leur faire croire qu'il prend soin des Indiens au Canada. Pour moi, je m'excuse, mais c'est de la foutaise.

    Il y a des communautés qui font de la bonne gestion. Il y a des communautés qui ne sont pas obligées d'être imputables aux membres de leur communauté, mais qui le font sous forme de rapports. Femmes Autochtones du Québec a fait une consultation il y a deux ans auprès de 14 communautés, et dans les 14 communautés, les leaders tenaient des assemblées publiques. Chaque réunion était diffusée sur les ondes de la radio communautaire et il y avait des choses sur papier. Mais c'est sûr qu'on a entendu des hommes et des femmes se plaindre de la gestion. Ça, à mes yeux, c'est clair.

    Si on veut parler de démocratie au sein de nos communautés et que le ministre dit qu'il manque de démocratie dans nos communautés, alors pourquoi n'a-t-il pas proposé des amendements qui amèneraient une réelle démocratie? Peut-être même ne faut-il pas des amendements. Peut-être faudrait-il appuyer Femmes Autochtones du Québec, qui essaie de changer la mentalité que les gens ont adoptée face à la Loi sur les indiens. Il y a eu un lavage de cerveau, après 126 ans, et on espère maintenant parler de démocratie, alors que c'était une loi suprême dans nos communautés, où c'est un ministre et son ministère qui décident pour nous.

    Je veux juste vous donner un exemple. Dans une communauté innue de la Basse-Côte-nord, ça fait seulement 10 ans que les femmes ont le droit de participer à titre d'observatrices à une réunion du conseil de bande. Dans l'histoire des femmes du Québec, si on se compare aux autres, on est pas mal loin.

    Alors, c'est à cette loi-là, à cette mentalité-là que les femmes et certains hommes ont à faire face dans les communautés. Je me dis qu'il faudrait amener des mesures concrètes, des projets, des programmes pour renverser l'effet de ce lavage de cerveau dont nos communautés ont été la cible, et parler de participation citoyenne, parler de démocratie, parler de droit de parole et parler aussi d'autonomie, de la façon dont on peut faire les choses entre nous.

    Je vous dis cela en passant, mais la loi nous empêche de faire ces choses-là. Alors, si j'ai répondu à votre question...

¼  +-(1830)  

+-

    M. Yvan Loubier: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    Vous avez soulevé de nombreux points très intéressants. Mais j'aimerais vous demander de réagir à l'avis exprimé par des femmes autochtones du Manitoba qui ont comparu devant le comité.

    Ceux qui font la promotion de ce projet de loi nous disent que puisque la Loi canadienne sur les droits de la personne ou le Code des droits de la personne s'appliqueront désormais, vous pourrez éventuellement porter plainte en vertu de ce code si vous rencontrez le genre de difficultés que vous avez décrites tout à l'heure. Mais les femmes autochtones du Manitoba nous ont dit, au moment de faire leur exposé, qu'il s'agit en réalité d'un outil grossier qui n'est pas du tout utile, puisqu'il faut des années pour faire instruire une plainte déposée en vertu du code, et il y a aussi des problèmes d'application, etc. Donc, elles n'ont pas accepté cette hypothèse. Votre réaction à cet égard m'intéresse aussi.

    Ma deuxième question concerne l'Association des femmes autochtones du Canada. Cette dernière s'oppose au projet de loi C-7 et on lui a retiré son financement; or une toute nouvelle association de femmes autochtones a été créée aussitôt après qui est favorable au projet de loi C-7 et qui a reçu 2 millions de dollars pour en faire la promotion.

    Pourriez-vous me dire si, à votre avis, le Code des droits de la personne serait un instrument approprié pour solutionner les problèmes dont vous avez parlé et réagir à cette attitude cynique qui consiste à donner des pots-de-vin aux gens pour les encourager à soutenir le projet de loi C-7?

[Français]

+-

    Mme Michèle Audette: La Charte canadienne des droits et libertés, pour Femmes Autochtones du Québec, est très, très importante. Oui, on peut en comprendre la lourdeur quand on va en cour et qu'on invoque l'article 15 sur les droits à l'égalité, mais pour nous, Femmes Autochtones du Québec, c'est vraiment important que la Charte canadienne des droits et libertés s'applique. On se dit que lorsque nos communautés auront des ententes ou des traités avec les gouvernements et qu'elles auront leur charte autochtone, il faudra s'assurer qu'il y ait une protection du droit à l'égalité, des droits fondamentaux, des droits de la personne et, évidemment, des droits acquis depuis 1985. Oui, ça peut prendre du temps, mais en ce moment, il n'existe rien pour nous, donc on a besoin de la Charte canadienne des droits et libertés.

    Au niveau de NWAC et de NAWA, je veux que ce soit clair ici que Femmes Autochtones du Québec est membre de NWAC, qu'elle n'appuie pas nécessairement les démarches de NAWA. Mais ce sont des femmes qui ont le droit de parole, qui ont le droit de se mobiliser. Ça, c'est tant mieux.

    NWAC refuse le projet de loi sur la gouvernance; il a perdu du financement. Je dois vous dire que le financement de Femmes Autochtones du Québec est aussi en danger depuis qu'on a rejeté le projet de loi sur la gouvernance: une drôle de coïncidence.

¼  +-(1835)  

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Je trouve inadmissible qu'on fasse le rapport entre ces deux choses. C'est tout à fait ridicule.

    En tout cas, merci; cette information est bien utile.

    Si je peux aborder une question plus précise, je crois savoir que la Charte des droits et libertés représente un recours possible. Il semble que presque tout le monde s'accorde à reconnaître que le fait de pouvoir déposer des plaintes en vertu du Code des droits de la personne et de la Loi canadienne sur les droits de la personne constitue l'un des éléments positifs du projet de loi C-7.

    On nous a également dit que cela ne peut remplacer l'inclusion dans le projet de loi de vraies solutions relativement aux problèmes que vous avez soulevés.

    Est-ce que vous comprenez la différence entre les deux?

[Français]

+-

    Mme Michèle Audette: Je vais peut-être détourner ma réponse pour profiter du peu de temps que j'ai. Quand j'ai rencontré le ministre, il m'a dit qu'il y avait actuellement 200 cas en cour contre lui, comme représentant des Affaires indiennes, et que c'était surtout sur le membership. Alors, avec le projet de loi C-7, il m'a dit que nous irions dorénavant en cour entre nous. Je lui ai répondu que cela ne me posait pas de problème, que si c'était une autonomie gouvernementale, on irait en cour contre nos leaders, contre nos communautés ou contre les entités dans nos communautés, mais qu'en ce moment, c'était lui le premier responsable de la Loi sur les Indiens, qu'il était le responsable fiduciaire envers les premières nations, donc que c'était contre lui que j'irais en cour, même après le projet de loi C-7, parce que c'est lui qui allait continuer de faire en sorte que la Loi sur les Indiens s'applique dans nos réserves. Je voulais détourner ma réponse de cette façon.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Voilà un autre point tout à fait pertinent.

    Est-ce qu'il me reste du temps?

+-

    Le président: Cinq secondes.

+-

    M. Pat Martin: Je vais donc simplement y renoncer; merci.

+-

    Le président: Monsieur Bagnell, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Larry Bagnell: Merci.

    Madame Gabriel, je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre excellent exposé.

    Malheureusement, il faut parfois beaucoup insister auprès des gouvernements pour obtenir ce qu'on veut. Je suis très heureux que vous continuiez à parler de vos problèmes et à insister là-dessus. Dans certains cas, le projet de loi C-7 ne propose aucune solution qui permettrait de régler votre problème. Comme vous le savez, le projet de loi C-7 n'aborde que certains éléments—assez limités—de la gouvernance, à tort ou à raison. Je vais donc me borner à examiner ces éléments-là. Mais je suis très heureux que vous ayez exprimé publiquement vos vues sur ces autres éléments.

    Madame Gabriel, j'ai trouvé intéressant que vous disiez que les conseils de bande ne représentent pas la majorité des membres des Premières nations au Canada. On peut supposer que cela ne fait que prouver qu'un projet de loi sur la gouvernance est vraiment nécessaire—peut-être pas celui-ci, mais qu'il convient au moins d'actualiser ce genre de dispositions.

    Je m'intéresse par conséquent au deuxième point que vous soulevez dans le texte de votre exposé, où vous dites que l'article 5 pourrait donner lieu à encore plus de discrimination. J'aimerais bien que vous m'expliquiez pour quelles raisons vous estimez qu'il y en aurait encore plus qu'à l'heure actuelle, à cause de l'article 5, qui permet aux Premières nations d'élaborer un autre système de gouvernance. On peut espérer qu'il sera possible de répondre à vos préoccupations en ce qui concerne la possibilité d'un système de gouvernance discriminatoire.

+-

    Mme Michèle Audette: Très bien. Comme je vous le disais tout à l'heure

[Français]

en français, c'est une disposition qui va affecter de façon disproportionnée les femmes réinscrites et leurs enfants, parce qu'au départ, elles ont été forcées de quitter la communauté et que la plupart d'entre elles ont aujourd'hui de la difficulté à obtenir un logement.

    Ce qui arrive en ce moment, c'est que les gens qui sont hors réserve ne peuvent pas voter au sein de leur communauté. L'arrêt Corbiere est supposé changer cette façon de faire, mais les communautés qui ont adopté le code coutumier au niveau des élections ne prennent pas nécessairement en considération les gens hors réserve.

    Est-ce que l'article 5 va régler cette situation-là? Comment les femmes qui ont dû quitter leur réserve de force et qui habitent à l'extérieur vont-elles faire pour participer à la vie démocratique de leur communauté? Comment vont-elles pouvoir voter, etc? Ça, c'est une de nos préoccupations. Est-ce qu'ils vont régler un vieux problème déjà existant?

¼  +-(1840)  

[Traduction]

+-

    Mme Ellen Gabriel: Je devrais peut-être vous donner une petite leçon d'histoire, si vous permettez. La nation à laquelle j'appartiens est la Nation Mohawk, qui fait partie de la Confédération iroquoise. Nous sommes l'une des plus anciennes démocraties de la planète, quelque chose qui a été compromis par la Loi sur les Indiens. Beaucoup de gens rejettent à présent l'autorité du conseil de bande, parce que nous estimons que nous sommes un peuple souverain, et que les conseils de bande ne sont qu'une création du ministère des Affaires indiennes.

    Donc, quand nous entendons notre président vous expliquer la discrimination qui est pratiquée, eh bien, il faut bien comprendre que l'Assemblée des premières nations ne représente pas la majorité des peuples autochtones pour cette raison-là et d'autres encore. La Nation micmaque a ses propres raisons, mais encore une fois, elle affirme sa souveraineté.

    La question qui se pose est celle-ci : Comment peut-on faire confiance au gouvernement du Canada, qui pratique la discrimination contre les peuples autochtones depuis si longtemps, et tenir pour acquis que ce dernier va élaborer une loi qui va nous être bénéfique? À terme, cette Loi sur la gouvernance fera simplement transformer nos territoires souverains, que nous n'avons jamais cédés, en municipalités. Comme Mme Audette vient de vous l'expliquer, dans 40 ans, plus personne ne sera considéré comme un Indien aux termes de la Loi sur les Indiens.

    Je vais vous citer un exemple d'enfants qui font l'objet de discrimination de par le projet de loi C-31. Les Indiens traditionnels détiennent leur propre certificat de naissance : ils ne s'adressent pas à la province où ils habitent pour en avoir. Donc, lorsque l'enfant de deux parents, qui sont censément Indiens de sang pur, atteint l'âge de 18 ans, il perd son statut d'Indien de plein droit et n'a plus accès aux services étant donné que ses parents ont décidé d'enregistrer sa naissance sur leur propre certificat de naissance. Voilà une autre forme de discrimination qui est pratiquée contre les enfants, du fait que le Canada refuse de nous reconnaître pour ce que nous sommes, c'est-à-dire un peuple qui fait partie d'une nation qui existe avec une autre.

    En toute sincérité, il m'est impossible d'accepter l'affirmation du ministre Nault, selon laquelle la majorité des peuples autochtones ont accepté ce processus de consultation. C'est un mensonge éhonté.

    Pour ce qui est du Code des droits de la personne, lorsque ma collectivité était aux prises avec un problème de pornographie infantile, aucune autorité n'était prête à venir nous aider--ni la GRC, ni la SQ.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Il s'est déjà écoulé six minutes. Nous avons dépassé d'une minute.

[Français]

On peut maintenant faire un tour de table de trois minutes.

    Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président. Je vais me dépêcher et parler un peu vite.

    Vous avez mentionné quelque chose de troublant tout à l'heure, madame Audette, et cela a été repris par Mme Gabriel il y a quelques instants. Vous avez dit que le but du gouvernement est différent du vôtre, qu'il veut vous assimiler et faire en sorte que vous disparaissiez dans 40 ans.

    J'aimerais que vous poussiez un peu plus vos explications sur cette assertion-là, parce que je trouve que cela a une certaine résonnance dans ma tête de Québécois francophone.

    La deuxième chose troublante que vous avez dite portait sur votre financement. Vous avez dit que depuis que vous vous opposez au projet de loi C-7 et aux autres projets de loi afférents à ce rouleau compresseur d'Ottawa, votre financement était menacé. Si vous avez des choses, des preuves à produire à cet effet, j'aimerais que vous les produisiez, parce que c'est inacceptable d'avoir une attitude comme celle-là.

    Je vais vous laisser là-dessus parce que le temps presse.

+-

    Mme Michèle Audette: Je vais essayer d'être brève. Depuis 1985, il y a des catégories d'Indiens enregistrés en vertu des paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi sur les Indiens. Je dois mentionner aussi que depuis 1985, on oblige la mère à divulguer le nom du père; sinon, on présume automatiquement que le père est un Blanc non autochtone.

    Les statistiques ont démontré que dans nos communautés, il y a beaucoup de jeunes filles mères monoparentales. Leurs enfants appartiennent à la catégorie 6(2) depuis 15 ans, depuis 1985, quand la loi est entrée en vigueur. Quinze ans plus tard, ce sont des mères monoparentales, donc, ce sont des enfants qui ne sont pas du tout reconnus, parce qu'ils appartenaient à la catégorie 6(2), n'ayant pas de père, et ces enfants sont devenus des Canadiens en bonne et due forme.

    D'après les études qui ont été faites par le ministère des Affaires indiennes, il y a énormément d'enfants appartenant à la catégorie 6(2). Il y en a des milliers et des milliers au Canada. On parle de jeunes filles mères, dans ces statistiques-là, qui n'auront pas de reconnaissance au niveau de la paternité. Déjà là, on perd beaucoup d'autochtones. De plus, elle n'ont rien à dire sur la façon dont les choses sont faites pour la transmission des statuts. C'est malheureux, mais le pouvoir de transmettre le statut est encore donné à l'homme, s'il veut bien reconnaître sa paternité. Le problème se situe vraiment au niveau des catégories en vertu des paragraphes 6(1) et 6(2).

    On se dit aussi qu'il y a une méconnaissance par rapport à cela. Nous, à l'association, on essaie de sensibiliser les jeunes dans les communautés en leur disant qu'en vertu du cadre actuel, si elles vont avec des non-autochtones, tel sera le statut de leur enfant. Les gens ne le savent pas. Si le père ne signe pas, tel sera le statut de leur enfant. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire là-dessus.

    Pour revenir à la question du financement, nous avons une entente avec Patrimoine canadien pour un financement de 113 000 $ pour une association qui doit couvrir la totalité du territoire du Québec, avec de gros, gros dossiers. Après que nous ayons refusé la gouvernance, on nous a annoncé que c'était un hasard. C'était un hasard, mais que ça a donc fait mal! On nous a annoncé que nous n'avions plus d'argent pour cette année et que nous n'en n'aurions plus pour les autres années. Nous devrons faire application sous forme de projet et voir si ça marche. Et en même temps, on avait des projets avec le ministère des Affaires indiennes, région Québec. Ce sont des «pinottes»; on parle de 50 000 $, mais on avait mobilisé notre monde pour 50 000 $, et une fois que la gouvernance a été rejetée officiellement par télécopieur, on a reçu 4 000  $.

¼  +-(1845)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Martin, vous avez trois minutes.

+-

    M. Pat Martin: Eh bien, je suis aussi déçu que M. Loubier d'apprendre cette nouvelle. Il ne devrait y avoir aucun lien entre vos vues politiques et votre accès à un financement de base stable pour les personnes que vous représentez. Pour moi, c'est le comble du cynisme d'agir ainsi, et je suis bien content que vous ayez fait cette affirmation publiquement.

    J'aimerais vous demander de commenter le thème général qui revient dans toutes les régions où nous recevons des témoins, à savoir que ce projet de loi contredit la notion même d'autonomie gouvernementale, puisqu'il prévoit d'imposer des règles de gouvernance à un peuple, alors que la notion de gouvernance laisse supposer qu'on a le droit de créer ses propres institutions, pertinentes, pratiques, et adaptées aux coutumes et aux traditions.

    Ai-je bien résumé votre vision globale de l'autonomie gouvernementale?

+-

    Mme Ellen Gabriel: Il faut se demander comment on est censé être en mesure de se gouverner si on doit être attaqué chaque fois qu'on essaie d'affirmer sa souveraineté pour contrôler l'exploitation de ses ressources, par exemple. Le gouvernement du Canada a créé tellement de règles qui sont contraires à nos intérêts et est à l'origine de tellement de ventes frauduleuses qu'une nation serait tout simplement dans l'impossibilité de parvenir à favoriser la croissance économique et le développement de la collectivité.

    Il ne peut pas y avoir d'autonomie si on dépend toujours du gouvernement du Canada pour avoir des crédits. Ce n'est pas non plus possible quand on habite des terres minuscules, alors que la population est en pleine expansion.

    À mon avis, la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne fera que corrompre davantage un système déjà corrompu. C'est le gouvernement canadien qui en profitera.

    Le système des conseils de bande est déjà entaché de corruption, et je vais vous en donner un exemple. Dans mon conseil de bande, lorsqu'on a découvert qu'il manquait 150 000 $ et qu'on a demandé aux responsables de différents services comment on pourrait faire faire une vérification pour recouvrer cet argent et forcer quelqu'un a en rendre compte, le ministère des Affaires indiennes nous a dit qu'il fallait tout simplement attendre le prochain budget. Donc, le ministère encourage ce genre de corruption.

    Comment peut-on faire confiance à quelqu'un et s'attendre à ce qu'il prenne de bonnes décisions sur l'autonomie gouvernementale alors que depuis toujours, son action ne fait que saper notre autonomie et encourager ce genre de dysfonction et de corruption au sein de la collectivité?

¼  +-(1850)  

+-

    M. Pat Martin: Merci.

+-

    Le président: Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

    Je suppose qu'on pourra utiliser mes trois minutes pour parler de votre deuxième recommandation à la page 19. Je sais que la dernière fois, nous ne parlions pas de la même chose. Donc, peut-être pourrais-je vous demander des éclaircissements à ce sujet…

[Français]

+-

    Le président: Madame Audette, lorsque vous répondrez à la question de Mme Karetak-Lindell, vous pourrez tout simplement continuer et faire vos remarques de clôture en même temps.

+-

    Mme Michèle Audette: Merci beaucoup. Cela veut dire qu'il me reste...

+-

    Le président: Vous avez suffisamment de temps; vous avez sept minutes.

+-

    Mme Michèle Audette: Au fil des années, bien avant mon arrivée et même aujourd'hui, on a eu des plaintes à l'association de la part de femmes réinscrites qui n'ont pas eu accès aux programmes et aux services auxquels elles avaient droit dans leur communauté parce qu'elles étaient régies par la loi C-31 ou que leurs enfants appartenaient à la catégorie 6(2).

    Quand on a vu ce problème, on s'est dit, nous les femmes, qu'il fallait aller couper à la source le financement de ces programmes, qui sont ceux de l'habitation, de l'éducation, de la santé ou des services sociaux. On s'est dit que si ces femmes-là faisaient l'objet de discrimination parce qu'elles avaient eu le malheur de tomber en amour avec quelqu'un d'autre qu'une personne de leur nation, c'était inacceptable et qu'on allait faire des pressions auprès du ministère des Affaires indiennes, de Santé Canada et des autres ministères qui donnent du financement aux communautés afin de leur dire d'arrêter de fermer les yeux sur la discrimination envers les femmes réinscrites, de faire quelque chose. On n'a jamais eu de réponse, donc notre patience a eu ses limites. C'est là qu'on dit dans notre mémoire qu'il faudrait peut-être couper le financement.

    Ce qu'on demande, c'est gros, mais c'est parce que c'est ce qui arrive dans nos communautés, dans certaines de nos communautés; je dois dire « certaines » de nos communautés.

    Alors, on se dit que si on peut régler ce problème à la source, qui est le financement, cela va forcer les communautés à changer de mentalité, car il faut qu'on change de mentalité, mais que cela va aussi obliger le ministère des Affaires indiennes à ouvrir ses yeux et à avouer qu'il y a de la discrimination envers ces femmes-là, donc à revoir sa façon de donner du financement dans ces communautés.

    Il y a aussi un exemple bien concret quant aux femmes autochtones. Dans le projet de loi C-7, on ne parle pas de protection en matière de violence conjugale. Les femmes vont dans des maisons d'hébergement dans les milieux autochtones. Ici, au Québec, on a été capables de voir que sur cinq maisons d'hébergement financées par le ministère des Affaires indiennes, il y en a une qui reçoit annuellement une ou deux femmes autochtones, alors qu'elle devrait couvrir l'ensemble d'un territoire de plusieurs communautés dans la même nation. Alors, si vous regardez le géographie, ce n'est pas compliqué: il y a trois grandes nations au Québec. Mais je vous dirai pas où ça se passe tout de suite.

    Alors, on dit au ministère des Affaires indiennes d'arrêter de financer une maison d'hébergement qui n'a pas de clientèle, d'aller plutôt donner du financement là où il y a un besoin réel. Le ministère nous a répondu qu'il ne pouvait pas agir de la sorte, qu'il avait une entente avec eux et que ça paraîtrait mal, qu'il ne veut pas défaire sa relation avec cette communauté. J'ai rétorqué qu'on parlait de survie, car on parle d'un taux de 80 p. 100 de violence conjugale dans nos communautés. Donc, cette maison-là devrait servir à 100 p. 100 de sa capacité. On leur a dit de trouver quelque chose. Sinon, on va finir par dénoncer la situation ouvertement.

    C'est pour ce genre de chose qu'on dit que le gouvernement doit absolument couper son financement, le mettre ailleurs. Je ne sais pas ce qu'il peut faire, mais il faut que ça change.

    Pour terminer, je tiens à vous dire que c'est sûr que vous avez entendu le point de vue de ma bouche, de mon coeur. Ça fait quatre ans que j'oeuvre au sein de Femmes Autochtones du Québec, mais comme Obélix, je suis tombé dedans quand j'étais petite, parce que ma mère en est membre fondatrice. Les femmes qui sont ici, à mes côtés, sont des piliers de Femmes Autochtones du Québec; elles sont là depuis longtemps, de même que celles qui se trouvent derrière nous.

    On a une jeunesse aujourd'hui qui veut prendre sa place, la place qui lui revient, et ce n'est pas avec un projet de loi comme le C-7 qu'on va pouvoir prendre notre place. On se dit aussi qu'on ne peut pas faire les choses toutes seules; vous devez absolument, absolument faire en sorte que ce projet de loi-là ne passe pas, mais qu'on parle de vraies choses que les femmes revendiquent, de choses fondamentales, de choses qui sont au coeur de nos préoccupations.

    Pourquoi sommes-nous traitées différemment? Je vous le demande. Partez avec ça ce soir et faites des changements, s'il vous plaît, parce que je respire comme vous, je parle comme vous. J'essaie de me placer dans votre société et j'aimerais pouvoir dire un jour qu'au lieu de survivre au sein de ma société, au sein de ma nation, je peux y vivre. Je laisse ça entre vos mains.

    Merci beaucoup.

¼  +-(1855)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Audette et vos collègues.

    J'aimerais dire quelques mots en mon propre nom. Comme la plupart des autres députés, si je suis en politique, c'est parce que je n'aime pas la façon dont vont les choses. Quand je serai complètement heureux de la façon dont les choses sont gérées, j'irai à la pêche. Vous nous avez démontré que vous non plus n'êtes pas satisfaite de la façon dont les choses fonctionnent. Je serais honoré de partager un siège à Ottawa avec une personne comme vous parce que je vois tout ce que vous pourriez apporter. Je vous laisse là-dessus. Merci.

+-

    Mme Michèle Audette: Merci.

+-

    Le président: Nous recevons maintenant, du Barreau du Québec, Me Carole Brosseau, avocate, et aussi Me Renée Dupuis.

    Bonsoir. Nous avons une heure ensemble. Nous vous invitons à faire votre présentation, qui sera suivie d'une période de questions.

+-

    Me Carole Brosseau (avocate, Recherche et législation, Barreau du Québec): Bonsoir. Je me présente, je suis Carole Brosseau. Je pense que c'est la première fois qu'on a l'honneur de venir participer aux travaux de ce comité. Le Barreau du Québec a plutôt la tradition de témoigner devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Ça me rend donc particulièrement heureuse d'être ici ce soir.

    Je suis accompagnée de Me Renée Dupuis.

+-

    Le président: Je demande aux gens dans la salle de respecter nos témoins, s'il vous plaît. Les discussions ont lieu en dehors de la salle, s'il vous plaît.

    Pardonnez-moi, madame.

+-

    Me Carole Brosseau: Ça va.

    Je suis accompagnée de Me Renée Dupuis, qui est une personne très compétente dans le domaine du droit autochtone et qui, de plus, dirige un peu la destinée du Comité sur le droit en regard des peuples autochtones du Barreau du Québec.

    Ce comité a été créé assez récemment. Il existe depuis 1992, et jusqu'à maintenant, nous avons surtout fait de la formation auprès de nos membres. Nous avons aussi ouvert la formation à d'autres personnes que nos membres.

    Par ailleurs, depuis quelques années, notre intervention se veut plus agressive, et nous voulons participer davantage à des exercices du même genre que celui qui est présenté aujourd'hui.

    A titre d'exemple, il y a quelques années, on a présenté à la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones un mémoire sur la redéfinition des relations entres les peuples autochtones, l'ensemble des citoyens et le droit. Un second mémoire a suivi, mais seulement sur la question de la justice pénale. Vous comprendrez que le Barreau du Québec a surtout une vocation de justice pénale, d'autant plus que nous représentons nos membres, soit plus de 19 000 personnes.

    Plus récemment, c'est-à-dire en février dernier, on s'est présentés devant la Commission des institutions du Québec sur l'Entente de principe d'ordre général entre les Premières Nations de Mamuitun et de Nutashkuan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.

    Le Code de déontologie des avocats leur impose l'obligation de faire preuve d'objectivité et de modération en toute circonstance. Le ministre a démontré clairement son intention d'aller de l'avant avec le projet de loi à l'étude, c'est-à-dire le projet de loi C-7. Compte tenu de ces motifs-là, même si le Barreau du Québec est très conscient aussi de certaines oppositions à ce projet de loi, on a décidé de prendre comme position de faire une évaluation juridique du projet de loi plutôt que d'examiner son opportunité, laissant à d'autres témoins la possibilité d'en discuter davantage avec vous. Notre position est donc surtout une position de bonification du projet de loi, parce que nous croyons que la consultation élargie que vous faites actuellement est dans cet objectif-là, et nous voudrions y contribuer dans la mesure de nos capacités et dans la mesure de notre rôle également.

    Si on regarde l'historique de la Loi sur les Indiens, qui est à l'origine du processus dans lequel on se trouve actuellement, on voit qu'elle date de 1876 et qu'elle s'inspire principalement de politiques élaborées au XIXe siècle. Encore aujourd'hui, la facture de la Loi sur les Indiens a un peu la même teneur.

    La Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, tout en paraphrasant les propos de Tom Siddon, qui est un ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, avait conclu que même si la Loi sur les Indiens était abrogée, aucun changement réel ne pourrait se produire sans que ne soient d'abord abandonnés les attitudes et les postulats qui ont abouti à l'adoption de lois comme la Loi sur les Indiens et celles qui l'ont précédée.

    Plus tard, l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 et surtout la Charte canadienne des droits et libertés donnèrent suite à certaines décisions. L'arrêt Corbiere et les conclusions de la Commission royale sur les peuples autochtones allaient dans le même sens. On ne pouvait donc pas faire abstraction des conclusions de l'arrêt Corbiere et des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones qui réclamaient, pour le développement social et économique des autochtones, un changement radical.

    On comprend, dans le cas du projet de loi C-7, que le législateur a opté pour l'ajout d'une autre loi sans procéder à l'abrogation. Par ailleurs, il faut que vous soyez très conscients que le projet de loi C-7 sur la gouvernance et la Loi sur les Indiens vont devoir cohabiter avec tout le corpus législatif, qui est déjà très lourd et qui contient des lois d'application générale qui sont appliquées de façon particulière pour les autochtones, mais qui régissent tous les Canadiens.

½  +-(1900)  

    On a compris que le gouvernement tente, au moyen du projet de loi C-7, d'apporter des changements substantiels à la gouvernance des bandes indiennes tout en tentant de planifier pour l'avenir.

    Comme on vous le disait plus tôt, bien qu'on soit conscients de l'opposition que peut soulever le projet de loi, on croit que le processus pourra corriger des choses. C'est pourquoi on est présents aujourd'hui.

    Par ailleurs, je voudrais insister sur un point. Le gouvernement, dont vous faites partie, doit être très conscient que cette réforme nécessitera des ressources tant financières qu'humaines pour voir à sa réalisation. Il ne faut pas oublier que ce projet de loi doit s'appliquer à plus de 600 collectivités des premières nations, ou bandes, qui sont actuellement régies par la Loi sur les Indiens. Or, bien que certaines communautés comptent plus de 2 000 membres, il y en a plusieurs qui comptent moins de 500 personnes et qui sont réparties sur un territoire très vaste. Il faudra donc des ressources, un soutien moral, un soutien financier, un soutien de formation et d'éducation et une forme de publicité, d'arrimage avec les sociétés autochtones.

    Passons maintenant aux commentaires particuliers, ce qui est l'objet de notre présentation. Je vais vraiment suivre l'ordre du projet de loi, c'est-à-dire que je commencerai par le préambule.

    Tout d'abord, il y a un préambule élaboré. Ce préambule présente certains principes qui sont, comme il le souligne, chers aux Canadiens. Il faut comprendre que la jurisprudence ainsi que la doctrine n'accordent pas nécessairement une valeur très forte au préambule. C'est-à-dire que même si le préambule peut paraître pertinent, la jurisprudence et la doctrine lui donnent une valeur beaucoup plus morale que juridique, il faut en être conscient. Le préambule va être un peu évacué. Le seul cas où on donne une valeur plus grande au préambule est peut-être quand il s'agit de matière constitutionnelle, ce qui n'est pas le cas du projet de loi C-7. Le poids du préambule pose donc problème.

    Deux définitions attirent notre attention. La première est celle du «fonds de la bande». Selon nous, ce fonds-là englobe la plupart des revenus générés par la bande tout en excluant explicitement l'argent des Indiens au sens de la Loi sur les Indiens, c'est-à-dire l'argent reçu ou tenu par la Couronne pour l'usage ou l'avantage des bandes. C'est un nouveau concept, et on croit que l'arrimage devrait être fait parce que sinon, ça rendra les choses très difficiles, d'autant plus qu'actuellement--et je pense qu'on n'est pas le premier témoin à le mentionner--, on a de la difficulté à comprendre ce qu'est véritablement l'argent des Indiens. Il faudrait donc peut-être un arrimage de ces deux définitions. N'oubliez pas que les deux lois doivent cohabiter, alors quand il y a des conflits, ça peut présenter des difficultés.

    Ensuite, voyons la définition d'«électeur». Dans la définition d'«électeur», il y a une différence entre la définition contenue dans la Loi sur les Indiens et celle sur la gouvernance des premières nations. Comme le législateur ne parle pas pour ne rien dire, on croit comprendre qu'il voulait distinguer les deux positions.

    Par ailleurs, dans ce cas aussi, il y a un problème d'arrimage, parce qu'en vertu de la Loi sur les Indiens, les électeurs peuvent prendre des décisions sur des questions comme la validité des cessions et des désignations des terres.

Or, dans la Loi sur la gouvernance, la définition d'«électeur» se limite exclusivement à l'approbation des codes. Alors nous, on s'interroge sur cette exclusion qui en est faite.

    Maintenant pour vous parler de la gouvernance et des pouvoirs du conseil, je vais céder la parole à ma collègue Me Dupuis. Merci.

½  +-(1905)  

+-

    Me Renée Dupuis (commissaire, Commission des revendications des Indiens): Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité. Je voudrais attirer votre attention sur certains éléments qui nous apparaissent particulièrement problématiques du point de vue technique en termes de gouvernance des bandes, et je vous réfère à la page 9 de notre mémoire, au point 2.3.

    Le premier élément que je voudrais aborder avec vous est le fait qu'on précise dans le projet de loi que les bandes vont devoir adopter des codes. On a vu que ça portait sur le choix des dirigeants, le gouvernement de la bande et la gestion financière, le tout à l'intérieur des cadres qui sont définis dans ce projet de loi-là. Ce que l'on constate et ce que l'on estime, comme Barreau du Québec, c'est que les règles qui sont prévues dans le projet de loi nous semblent très compliquées et vont nécessiter, à notre avis, un soutien important de la part du gouvernement pour s'assurer, en terme d'éducation d'abord des membres de la communauté, que si on veut vraiment que les gens participent à l'élaboration, à la discussion, à l'adoption de ces lois-là, il va falloir faire en sorte d'abord qu'ils en soient bien informés, qu'ils en comprennent les enjeux et qu'on mette des mécanismes et des moyens à leur disposition pour participer de façon réelle.

    Le deuxième élément sur lequel on veut attirer votre attention en termes de gouvernance des bandes, c'est sur l'alinéa 5(2)b), qui prévoit que dans le cas où une bande n'est pas visée par les procédures d'élection prévues à la Loi sur les Indiens, le code portant sur le choix des dirigeants devra être constitué notamment des règles issues de la coutume. Au paragraphe 5(3) on prévoit que ce code ne peut être constitué des règles issues de la coutume de la bande que s'il est adopté dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de l'article.

    Or, il nous apparaît que le droit coutumier d'élire ses dirigeants est un droit extrêmement important qui a été reçu dans le droit canadien. C'est un droit coutumier qui existe, qui est reconnu, et le délai de deux ans nous apparaît beaucoup trop court parce que le défaut d'adopter un code dans le délai de deux ans va amener nécessairement l'extinction de l'exercice de ce droit coutumier. Et en regard des protections constitutionnelles aux droits ancestraux qui existent maintenant dans la Constitution de 1982, ça nous pose un problème particulièrement crucial.

    En conséquence, nous croyons que ce délai devrait être prolongé pour s'assurer que les bandes qui sont toujours régies par la coutume puissent maintenir ce droit et soient conscientes qu'elles ont un délai défini pour maintenir leur droit en vigueur.

    Pour ce qui est de la prépondérance des codes par rapport à d'autres textes de loi, que ce soit des lois ou des statuts administratifs en vertu de la Loi sur les Indiens ou d'autres lois fédérales ou règlements fédéraux, on prévoit dans le projet sur la gouvernance que les textes adoptés par les conseils de bande, donc ce qu'on appelle ici des textes législatifs, seront appelés soit des lois, soit des codes. Ils vont donc toujours répondre à la définition de règlements fédéraux, au sens de la Loi d'interprétation fédérale, qui font partie de l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime d'une loi fédérale, tout en faisant abstraction du droit inhérent. Or, la jurisprudence a établi qu'en cas de conflit, les lois fédérales sont prépondérantes à l'heure actuelle sur les statuts administratifs adoptés par les bandes en vertu de la Loi sur les Indiens et que, donc, une loi fédérale a toujours préséance sur un règlement adopté en vertu d'une loi.

    Dans le projet de loi, au paragraphe 18(3), on reprend cette règle de prépondérance. C'est aussi une règle qui a été reconnue par la jurisprudence, notamment en matière de relations de travail, qui donne un exemple de ce qu'on appelle, nous, le contenu limité des pouvoirs législatifs reconnus par les lois sur la gouvernance.

    Le code portant sur la gestion financière doit comprendre les règles concernant la rémunération des membres du conseil et des employés de la bande.

    Selon le Conseil canadien des relations du travail, dans une cause qui impliquait Red Bank First Nation, les dispositions d'un tel code ne pourront contredire une autre loi adoptée par le Parlement, tel que le Code canadien du travail.

+-

½  +-(1910)  

    Me Renée Dupuis: Toujours selon cette interprétation, et si les employés d'une bande étaient syndiqués, une fois l'avis de négociation collective donné ou une fois la convention collective négociée, le conseil de bande ne pourrait modifier ni le taux des salaires ni les autres avantages sans contrevenir à des articles du Code canadien du travail, car cette loi du Parlement a préséance sur le code qui va être adopté en vertu de ce projet qui est appelé à devenir une loi.

    Donc, contrairement au gouvernement fédéral qui peut, par ses lois, passer outre les conventions collectives qu'il a négociées, les conseils de bande, eux, vont être liés par la loi adoptée par le Parlement et ce, nonobstant les dispositions qu'ils auraient inclues dans leurs codes portant sur la gestion financière.

    Le deuxième élément sur lequel nous voulons, à ce chapitre, attirer votre attention est le fait que le projet de loi ne contient que deux dispositions traitant des conflits entre les autres textes de loi et les codes adoptés en vertu du projet de loi, comme le code adopté en vertu du paragraphe 4(2) sur les membres de la bande. Il n'est pas énoncé que les codes seront prépondérants aux lois adoptées aux fins locales. Dans ce projet de loi, on parle de codes et on parle de lois adoptées à des fins locales, mais il n'y a pas de règles qui définissent la prépondérance de l'un ou de l'autre de ces instruments législatifs, même si en toute logique et d'après ce qu'on peut lire dans les articles 16 et 17, les codes seraient prépondérants. Il y a une clarification à apporter à cet égard.

    Par contre, les règlements adoptés par le gouverneur en conseil en vertu de l'article 32, et qui tiendront lieu de code pour les membres qui n'en adopteront pas dans le délai fixé, vont être prépondérants sur toutes les lois adoptées par un conseil.

    Cette approche différente et considérée plus productive par le Barreau du Québec est celle qui est adoptée dans la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake du gouvernement fédéral. Dans le cadre de cette loi, on soumet l'exercice de la compétence législative du conseil de bande sur le territoire à l'adoption d'un code foncier. On attire donc votre attention sur ce mécanisme différent qui est prévu à la loi de Kanesatake. À notre avis, il y a là un élément qui pourrait être important et qui pourrait avantageusement s'appliquer dans une situation comme celle visée ici.

    Un troisième élément sur lequel nous voulons attirer votre attention est l'article 11. Dans ce dernier, on parle d'établir une fonction ou un poste qui serait confié à une personne ou à un organisme impartial dont la fonction serait d'examiner équitablement et avec diligence la plainte provenant d'un membre de la bande ou d'une personne résidant dans la réserve.

    À première vue, cette fonction semble relever d'un pouvoir d'ombudsman. On prévoit cependant la possibilité d'ordonner des choses, ce qui dépasse déjà le pouvoir de recommandation. Nous croyons que cette disposition est intéressante et que plusieurs personnes dans les communautés autochtones risquent de l'accueillir favorablement.

    En revanche, la mise en place et l'application de cette dernière nous paraissent quelque peu illusoires dans la mesure où une fois une décision prise, aucun mécanisme ne rend celle-ci obligatoire. Si le conseil de bande ne donne pas suite à une ordonnance de la personne en question, on se retrouve en quelque sorte dans les limbes.

    On devrait prévoir dans le projet de loi une disposition qui, à l'instar du droit pénal, ferait en sorte que l'effet de la mesure et de tout ce mécanisme, en soi intéressant, n'aboutisse pas à un-non lieu et ne devienne pas un recours illusoire.

    Un autre élément que nous voudrions souligner est celui prévu à l'article 13 du projet de loi, en vertu duquel on prévoit que le conseil pourrait retenir des sommes d'argent que les membres de la bande lui devraient. Le conseil aurait ainsi le droit de déterminer seul l'ampleur de la dette des membres à son égard.

    Il nous semble que cette disposition ouvre la porte aux abus et aux privations, car les créances du conseil de bande pourraient être compensées non seulement sur le salaire, mais également par d'autres types de prestations, comme celles de l'aide sociale, par exemple. Cet aspect nous apparaît vraiment problématique.

    De plus, il nous semble que le fait que le conseil ait la possibilité de prendre ces décisions en vertu de sa seule autorité met en péril le droit fondamental à une audition impartiale. Donc, cela n'empêche pas qu'un jugement soit rendu sans qu'il y ait eu au préalable une audition, et ce, en vertu des principes de justice fondamentale protégés par la Déclaration canadienne des droits.

½  +-(1915)  

Dans ce sens-là, on pense que l'article 13 est très vulnérable à une contestation en vertu de l'article 2 de la Déclaration canadienne des droits.

    Je voudrais attirer votre attention maintenant sur quelques éléments des pouvoirs prévus au conseil. Une clarification est apportée en termes de capacité juridique. Ça, je pense que c'est important. La bande aura la même capacité juridique qu'une personne physique. On prévoit aussi que la capacité de la bande, au paragraphe 15(2), devra être exercée par son conseil. On ajoute au paragraphe 15(3) que la capacité de la bande n'a pas pour effet d'en modifier le statut et de la constituer en personne morale.

    Par ailleurs, on précise qu'on va aller modifier le paragraphe 2(3) de la Loi sur les Indiens pour le remplacer par ce qui est prévu ici, en vertu de quoi les pouvoirs conférés par la loi au conseil sont exercés en conformité du code portant sur le gouvernement de la bande ou, en l'absence d'un tel code, des règlements.

    Il nous apparaît important, si on est pour légiférer et clarifier la question de la capacité juridique du conseil, que l'on fasse le pont ou le lien entre la capacité du conseil de bande et ses pouvoirs. Est-ce que sa capacité en tant que personne physique va au-delà, par exemple, des pouvoirs législatifs qui lui sont reconnus dans cette loi? C'est un problème réel qui se pose depuis plusieurs années, et selon nous, ce serait une occasion de clarifier cette question.

    En termes de pouvoir législatif, les articles 16 et 17 du projet de loi vont modifier les articles 81, 83 et 85.1 de la Loi sur les Indiens en ce sens qu'on reprend l'essentiel de ce qui était dans ces articles-là, mais qu'on modifie l'étendue des pouvoirs en augmentant son pouvoir législatif soit à des fins locales, par exemple concernant la prévention de dommages matériels, la prestation des services par la bande ou encore la location à des fins d'habitation, soit pour les besoins de la bande concernant la protection et la conservation des ressources naturelles dans la réserve et la préservation de la culture et de la langue de la bande.

    Il est important de retenir que l'appellation «texte législatif du conseil de bande», qu'on emploie désormais dans le projet de loi, se substitue à ce que l'on appelait «règlement» ou «statut administratif» dans la Loi sur les Indiens. Par contre, les pouvoirs élargis des conseils de bande demeurent assujettis à toute disposition législative fédérale avec laquelle ils seraient incompatibles. C'est l'article 16 qui en détermine la portée. Or jusqu'ici, cette disposition, c'est-à-dire celle qui est dans la Loi sur les Indiens, a été interprétée comme ne visant que les règlements fédéraux pris en vertu de la Loi sur les Indiens ou d'un règlement fédéral découlant de cette loi pris par le gouvernement ou le ministre des Affaires indiennes, ce qui fait qu'on va donc élargir le degré de compatibilité qu'on va exiger des nouveaux textes législatifs pris par les conseils de bande.

    Dans le même ordre d'idée, on veut attirer l'attention sur le fait qu'à l'heure actuelle, dans l'article 85.1 de la Loi sur les Indiens, il y a une obligation de consulter et de consentement préalable des membres de la bande en ce qui a trait à l'adoption de règlements administratifs concernant les boissons alcoolisées, ce qui va disparaître dans le projet de loi tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle.

    Il y a un deuxième élément sur lequel on veut attirer votre attention. On utilise une expression qui nous semble un peu vague quand on parle, aux articles 16, 17 ou 18, du pouvoir de «prendre des textes législatifs». On n'emploie pas toujours clairement les termes «interdiction» ou «fins interdites». On pense, comme la jurisprudence l'a établi, que lorsque le Parlement délègue le pouvoir de réglementer une chose ou une activité, ce pouvoir-là ne comprend pas le pouvoir d'interdire ou de prohiber une autre activité ou une activité connexe.

    Donc, il nous semble important, en plus de ce qu'on trouve déjà à certains éléments des articles 16 et 17, que si on veut reconnaître le pouvoir de prohibition, comme cela a d'ailleurs été reconnu dans d'autres cas, comme dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, on prévoie à ce moment-ci de le dire clairement et d'accorder un pouvoir général d'interdire.

    Je redonne la parole à Me Brosseau.

½  +-(1920)  

+-

    Me Carole Brosseau: Si j'ai quelques minutes, j'aurais trois ou quatre points à souligner.

    D'une part, j'aimerais vous parler du statut particulier. Il s'agit en fait d'information, tel qu'on le mentionne dans le mémoire, à l'égard du statut d'agent de bande. Au Québec, depuis 2000, la nouvelle Loi sur la police prévoit que les conseils de bande et le ministre de la Sécurité publique peuvent établir des ententes particulières.

    Bien que le projet de loi précise que l'agent de bande n'aura pas les mêmes pouvoirs qu'un agent de la paix, que ce soit en matière d'inspections ou de perquisitions, entre autres, au Québec, à cause de ces ententes, le problème ne se posera pas: l'agent de bande aura les pouvoirs d'un agent de la paix. Du point de vue du citoyen, il s'agit là, à mon avis, d'une garantie supplémentaire.

    Pour ce qui est des dispositions générales, comme le mentionnait ma collègue, certains pouvoirs réglementaires du Gouverneur en conseil sont prévus aux articles 31, 32 et 33. Ce pouvoir réglementaire, contrairement aux codes, sera soumis à la Loi sur les textes règlementaires. Or, cette dernière ne prévoit pas de date de prépublication, ni même la possibilité que la Chambre connaisse la teneur de ces règlements.

    Or, comme on le sait, ces règlements vont avoir une grande importance, surtout si on ne change pas le délai de deux ans pour l'application et la mise en vigueur des codes.

    Nous suggérons, tel que l'a fait le gouvernement pour d'autres projets de loi--mentionnons, entre autres, la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés--, qu'une date de prépublication des règlements soit prévue. Compte tenu du pouvoir exceptionnel du gouverneur en conseil, on suggère que cette prépublication soit également possible. Dans ce cas, il faudrait le prévoir dans le projet de loi. Si vous vouliez aller plus loin, vous pourriez, comme comité, déposer ces projets de règlements à la Chambre, ce qui nous permettrait, pour notre part, de témoigner devant vous afin d'en analyser la teneur.

    Enfin, le dernier point que je veux soulever concerne les modifications apportées, à l'article 41, à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Essentiellement, cette disposition est une clause interprétative dans le cas «...d'une plainte contre une organisation gouvernementale autochtone». Sur cette question, le Barreau du Québec a certaines réticences et préférerait, plutôt que de créer ce nouveau concept vague, se référer à la définition que l'on connaît, et qui parle de «toute bande ou organisme sous l'autorité du conseil de bande». Cela éviterait une interprétation jurisprudentielle, ce qui permettrait que l'interprétation de cette disposition soit plus sûre.

    Enfin, en guise de conclusion, je dirai qu'il est crucial--on l'a mentionné dans l'introduction, mais il est, à mon avis, important de le répéter--de reconnaître que le gouvernement a la responsabilité de fournir les ressources adéquates qui permettront la réalisation du projet de loi. Dans le cas contraire, la survie et l'application de la loi risquent d'être sérieusement en péril, surtout en ce qui concerne les droits extinctifs. En effet, faut-il le rappeler, il existe des situations où certains droits extinctifs sont prévus si les choses ne sont pas exécutées dans les délais prescrits.

    Je vous remercie.

½  +-(1925)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. C'était une excellente présentation. Cela représentait beaucoup de travail. Vous n'avez pas commencé à y travailler hier soir; vous vous y êtes mis il y a longtemps, et c'est évident.

    Nous aurons un tour de sept minutes. Monsieur Loubier.

+-

    M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

    Maître Dupuis, maître Brosseau, merci pour ces excellentes et très éclairantes présentations. Je vais prendre le temps de relire attentivement tout le mémoire. En termes d'analyse et d'information, c'est une mine d'or. Je vous en remercie.

    Ma première remarque est aussi une question. On parle de cohabitation entre la Loi sur les Indiens et le projet de loi C-7. Or, d'après ce que je comprends et ce que vous avez relevé également, au lieu de simplifier les relations entre le gouvernement fédéral et les nations autochtones au Canada, on risque de les complexifier terriblement.

    Il est hors de question qu'avec l'adoption du projet de loi C-7 on mette de côté la Loi sur les indiens et que l'on soit donc capables de susciter des relations plus harmonieuses et plus fructueuses qu'auparavant entre le gouvernement fédéral et les nations autochtones.

    Or, est-ce que je fais erreur en affirmant que cette cohabitation entre le C-7 et l'ancienne Loi sur les Indiens risque de donner lieu à un système voué à devenir en quelque sorte explosif? Si on déplore ce qui s'est passé au cours des dernières années en termes de recours et de batailles juridiques entre le fédéral et les nations autochtones, à mon avis, on n'a rien vu encore. Êtes-vous d'accord?

+-

    Me Renée Dupuis: Ce qu'il est important de comprendre, je pense, c'est qu'on vient ajouter un texte législatif dans un ensemble législatif. Donc, il n'y a pas que le projet de loi C-7 qui va s'ajouter à la Loi sur les Indiens. Dans certains cas--restons à l'intérieur du Québec seulement--, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec va s'y ajouter, de même que la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake.

    Donc, il est exact de dire qu'on est en train de construire un ensemble législatif où il y a des choses qui se superposent. Il y en a qui sont remplacées, mais dans celles qui se superposent, d'après l'analyse que l'on en fait, il y a de nouveaux concepts qui sont créés qui ne nous semblent pas clairs et il y a des superpositions qui semblent manquer d'arrimage.

+-

    M. Yvan Loubier: Lorsque le gouvernement fédéral nous parle, par ailleurs, d'un pas vers l'autonomie gouvernementale des nations autochtones, moi, ce que j'ai compris avec les multiples prépondérances de lois fédérales et de règlements fédéraux, c'est que loin de nous amener vers l'autonomie gouvernementale, on nous éloigne de l'autonomie gouvernementale. On fait en sorte que la tutelle fédérale sur les affaires autochtones demeure et qu'elle demeure entière, avec toute la nébulosité variable due à la cohabitation.

    Est-ce que là-dessus aussi notre analyse est faussée, ou est-ce une analyse juste?

+-

    Me Carole Brosseau: En partie. Je vous dirais qu'il y a l'article 34 du projet de loi qui nous fait comprendre qu'il peut, si vous voulez, permettre au gouvernement de soustraire par décret pour une période préétablie une bande ou une collectivité de l'application de la Loi sur la gouvernance. On a compris de cette disposition-là qu'on voulait favoriser justement la conclusion d'ententes pour une autonomie gouvernementale. Cette disposition-là sert un peu d'échappatoire. Est-ce que ça va être suffisant? Je ne le sais pas. Sinon, on le verra dans l'avenir, mais on a quand même tenté, par cette disposition-là, de favoriser des ententes.

    Est-ce qu'elle va être suffisante? Ça, on ne peut pas en mesurer la... On croit comprendre que c'est quand même l'intention gouvernementale.

½  +-(1930)  

+-

    Me Renée Dupuis: J'ajouterais, si vous me le permettez, que si on se réfère à l'article 35 du projet de loi, on voit bien que l'autonomie gouvernementale a été appliquée dans différents contextes. Le premier cas d'exemption est la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, qui découle d'un accord de revendication territoriale de la même manière que l'Accord définitif Nisga'a, alors que la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte, à l'origine, n'avait rien à voir avec un contexte de revendication territoriale.

    Alors, on se rend compte que le concept d'autonomie gouvernementale est un concept très, très large qui peut se réaliser sous diverses bannières et dans différents contextes juridiques de négociation, de législation, ultimement sur le plan constitutionnel.

+-

    M. Yvan Loubier: Puisque vous êtes là--et je suis très heureux que vous y soyez--, je me pose une question depuis plusieurs semaines par rapport à un autre projet de loi qui est en quelque sorte afférent au projet de loi C-7. Il s'agit du projet de loi C-6, dont vous avez sûrement pris connaissance et qui porte sur les revendications particulières des autochtones.

    Est-ce que c'est la pratique normale, l'usage normal en droit que de fixer un montant maximum pour préjudice avant d'avoir entendu le préjudice, avant de l'avoir analysé et avant d'avoir porté un jugement sur ce préjudice? Il y a des montants de 7 ou 8 millions de dollars de prévus?

[Traduction]

S'agit-il bien de 7 millions ou de 8 millions de dollars?

+-

    M. Pat Martin: Oui, il y a un plafond.

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier: D'accord. Est-ce une pratique normale que de fixer le montant maximum pour un préjudice avant de l'avoir évalué et avant qu'un juge ait statué sur ce préjudice? Ça me brûle depuis longtemps de vous poser cette question, et j'ai l'occasion de vous la poser.

+-

    Me Carole Brosseau: Effectivement, le comité et le barreau se sont penchés sur le projet de loi C-6. On a vu cette disposition et on a décidé de ne pas se prononcer. Vous comprendrez qu'on agit à titre de représentants du barreau, et sans son aval, c'est difficile pour nous de répondre aujourd'hui à cette question de façon officielle.

+-

    M. Yvan Loubier: Est-ce qu'on peut compter sur vous, lors de l'étude du projet de loi C-6, pour vous pencher sur cette question et nous donner une réponse en temps opportun? Ça me brûle, vous n'avez pas idée.

+-

    Me Carole Brosseau: Je vous suggère d'écrire au bâtonnier et puis...

+-

    M. Yvan Loubier: Parfait. Je vous remercie.

+-

    Le président: Ça peut vous coûter un certain montant de l'heure pour obtenir une réponse parce que ce n'est pas...

+-

    M. Yvan Loubier: J'enverrai la facture au comité.

+-

    Le président: Le comité s'occupe du projet de loi C-7, mais si vous voulez des informations particulières sur le projet de loi C-6, ça peut vous coûter de l'argent.

[Traduction]

    Monsieur Martin, vous avez la parole.

+-

    M. Pat Martin: Merci, monsieur le président, et merci à vous deux pour votre excellent mémoire. J'ai pris des notes aussi rapidement que possible, parce que nous avons reçu votre texte en français seulement. Mais je vais le faire traduire à la Chambre des communes.

    J'aimerais vous interroger sur plusieurs points.

    Nous avons reçu les représentants de l'Indigenous Bar Association, un regroupement d'avocats autochtones. Cette dernière a fait une analyse du projet de loi C-7 et est d'avis que celui-ci pourrait porter atteinte aux droits ancestraux des peuples autochtones ainsi qu'aux droits issus de traités. Vous dites à la fin de votre texte que si on impose ce projet de loi, certains des codes visant l'inexécution pourraient donner lieu à l'extinction de certains droits.

    Je voudrais donc savoir si l'opinion officielle de l'Association du Barreau du Québec est que certains aspects du projet de loi C-7 pourraient porter atteinte à des droits qui sont acquis et reconnus?

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: Ce que l'on a jugé important de souligner pour les membres de ce comité, c'est la question du droit coutumier, donc du droit d'élire ses dirigeants en vertu de la coutume. On a choisi de laisser à l'écart la question de savoir si ce droit coutumier est un droit inhérent. Ce que l'on dit aujourd'hui, c'est que c'est un droit qui a été incorporé dans le droit canadien comme droit coutumier, mais on a choisi de ne pas examiner la question de savoir si l'ensemble du projet de loi, de par son adoption, constitue une mise en oeuvre d'un droit inhérent ou une atteinte à un droit inhérent de se gouverner.

½  +-(1935)  

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Je vous comprends, je pense.

    Pour ce qui est de l'obligation de consultation, selon les décisions de la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw, entre autres, l'obligation de tenir des consultations est clairement énoncée. Tout manquement à cette obligation doit être justifié, et il faut qu'il s'agisse de vastes consultations. Bon nombre de témoins nous ont dit qu'ils ne sont pas convaincus que le processus de consultation mis en place par le gouvernement correspondait à ce que quiconque pourrait considérer comme de véritables consultations.

    Avez-vous examiné le processus de consultation? À votre avis, en quoi devraient consister des consultations qui seraient considérées légitimes et rempliraient cette obligation?

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: Nous n'avons pas examiné si le mécanisme actuel de consultation publique choisi par votre comité constitue une forme adéquate de consultation, et dans quelle mesure. Nous ne sommes pas allés jusque-là.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Je ne semble pas poser les bonnes questions aujourd'hui.

    Vous avez dit qu'il n'existe pas de mécanisme permettant de faire appliquer la décision d'un arbitre, d'un protecteur du public, ou d'un tiers, et que si la partie concernée décide de ne pas se conformer à la décision, il ne peut s'adresser à personne, puisqu'il n' a pas de recours.

    Si vous deviez recommander un amendement pour combler cette lacune, quel serait-il? À votre avis, à qui la partie lésée devrait-elle pouvoir s'adresser ensuite?

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: Il y a différentes possibilités qui existent déjà. On vous renvoie à l'article 11, dans lequel on crée une fonction qui a l'air d'être unique en elle-même parce qu'il y a un pouvoir d'enquête, il y a un pouvoir d'ordonnance. Mais le problème qui se pose, c'est qu'il n'y a pas de mécanisme... Par exemple, la personne qui aurait une décision de cet organisme-là pourrait déposer devant la Cour fédérale, par exemple, et faire homologuer la décision, ce qui la rendrait exécutoire. C'est une des techniques.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Il y a tout de même l'autorité de la loi.

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: Oui, exactement. Il faudrait donc rendre cette décision-là exécutoire.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: C'est excellent.

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: Voilà une première bonne réponse.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: Oui. Vous soulevez un excellent point, et je vais certainement en parler dans d'autres contextes.

    Il y a aussi...

[Français]

+-

    Me Carole Brosseau: Si je peux me permettre d'ajouter un élément de réponse à votre dernière question, c'est que tout à l'heure, on citait l'exemple du droit criminel ou du droit pénal, en disant que s'il y a une infraction mais qu'il n'y a pas de sanction, peu importe l'infraction elle-même, il va y avoir une ouverture à une espèce de délinquance civile qui n'est pas nécessairement recherchée.

    Alors, je pense qu'en effet, il faut absolument que cette décision-là soit exécutoire.

[Traduction]

+-

    M. Pat Martin: C'est un excellent point, et même dans le contexte de la législation du travail, que je connais mieux, dans une situation où quelqu'un s'adresse à un conseil de relations de travail ou à un arbitre et que ce dernier prend une décision à laquelle la compagnie refuse de se conformer, on peut avoir recours aux tribunaux, qui peuvent s'appuyer sur les lois pour la soutenir.

    De plus, aucune sanction n'est prévue pour des cas où une bande n'aurait pas fait le nécessaire dans le délai de deux ans. Si une bande refuse de collaborer parce qu'elle ne peut pas ou ne veut pas élaborer ses propres codes, et refuse ensuite de respecter une ordonnance relative à des codes en cas d'inexécution, il me semble que le projet de loi ne prévoit aucune sanction ou répercussion de quelque ordre que ce soit. Est-ce que je me trompe?

½  +-(1940)  

[Français]

+-

    Me Carole Brosseau: Mais la sanction ultime, ça va être si le gouverneur en conseil prend les règlements et qu'il impose des codes. C'est la sanction ultime.

    Mais ce que vous dites est vrai: il n'y a pas de sanction. Mais un début de réponse, c'est que...

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

[Français]

    Merci. Les sept minutes sont terminées. Vous aurez l'occasion de faire des commentaires de clôture. Vous pourrez ajouter ce que vous voudrez.

[Traduction]

    Madame Karetak-Lindell.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

    Merci infiniment pour votre mémoire. J'ai eu le même problème que mon collègue, étant donné que votre mémoire était rédigé en français, ce qui m'a empêchée de bien comprendre toutes vos recommandations et observations au sujet du projet de loi.

    Mais j'ai pris des notes, et je m'intéresse tout particulièrement à une de vos remarques, à savoir que même si le projet de loi prévoit, à la page 11, la préséance pour ce qui est du conflit proprement dit, selon vous, le Code canadien du travail l'emporterait sur toute décision que pourrait prendre une bande.

    Pourriez-vous m'expliquer un peu plus votre propos à cet égard et peut-être me donner d'autres exemples? Je sais que vous avez parlé de salaire et la possibilité qu'une bande…je ne sais pas si cela vise une situation où les employés d'une bande seraient syndiqués; je connais mal le contexte.

    Ce que j'ai compris, c'est que même si les bandes prennent leur propre décision, si cette dernière enfreint le Code canadien du travail, c'est le Code qui l'emporterait, bien que le paragraphe 16(2) prévoie que les dispositions de toute loi fédérale l'emportent sur les dispositions incompatibles d'un texte législatif pris en vertu de l'article en question.

    Pourriez-vous donc clarifier vos propos et me dire si je les ai bien interprétés?

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: En fait, le point le plus important sur lequel on voulait attirer l'attention des membres du comité est le fait que dans le cadre de la loi actuelle--je vais essayer d'être claire--, à l'article 81, on prévoit que le conseil de bande a l'autorité--et on le définit de cette manière-là--de prendre, donc d'adopter des règlements administratifs qui doivent être compatibles avec la Loi sur les Indiens ou un règlement fédéral adopté en vertu de la Loi sur les Indiens.

    Donc, le pouvoir de législation du conseil de bande, son pouvoir d'adopter un règlement administratif, peut être exercé à condition que les règlements administratifs adoptés soient compatibles avec la Loi sur les Indiens ou un règlement adopté en vertu de cette loi, alors que si vous allez au projet de loi, là où vous étiez, au bas de la page 11, vous voyez qu'au paragraphe 16(2), on dit:

(2) Les dispositions de toute loi fédérale ou d'un règlement pris en vertu de celle-ci l'emportent sur les dispositions incompatibles d'un texte législatif pris en vertu du présent article.

    Autrement dit, on voit bien qu'il y a un élargissement et, dans ce sens-là, une obligation de compatibilité pour les textes législatifs qui vont désormais être adoptés par un conseil de bande. La contrainte est plus grande en termes de compatibilité. Dans le régime actuel, le règlement administratif doit être compatible avec la seule Loi sur les Indiens ou un règlement adopté en vertu de la Loi sur les Indiens, alors que désormais, le pouvoir législatif qui va être exercé va devoir l'être d'une manière compatible avec l'ensemble des lois fédérales et des règlements fédéraux adoptés en vertu de ces lois-là.

    Voilà l'élément sur lequel on voulait attirer votre attention. Ce n'est pas négligeable, et on voit bien que c'est une contrainte additionnelle par rapport au régime actuel.

½  +-(1945)  

+-

    Me Carole Brosseau: En fait, c'est comme si on exigeait d'avoir une analyse plus grande de la législation. On donne vraiment un pouvoir législatif aux communautés autochtones, mais on en exige davantage de leur part, d'où l'importance de leur accorder un soutien; je reviens là-dessus.

+-

    Me Renée Dupuis: Cela veut dire aussi que l'on encadre désormais d'une manière différente le pouvoir législatif qui est reconnu au conseil de bande, c'est-à-dire que le droit d'exercer un pouvoir législatif sera désormais encadré par plus de lois fédérales qu'il ne l'est dans le système actuel.

    Est-ce que ça clarifie les choses?

[Traduction]

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Jusqu'à un certain point. Mais j'essaie d'aller plus loin dans cette interprétation. Est-ce une bonne chose ou une mauvaise chose? Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous dites. Est-ce bon ou mauvais pour les bandes? Voilà ce que je ne comprends pas.

[Français]

+-

    Me Renée Dupuis: Je suppose que la réponse à une question comme celle-ci dépend de la perspective où on se situe et du parti politique auquel on appartient.

    Notre préoccupation, en tant que Barreau du Québec, c'est de vous dire ici, ce soir, qu'il faut prendre conscience du fait que si on change le système actuel, on augmente l'exigence de compatibilité du pouvoir législatif exercé par les bandes avec l'ensemble de la législation fédérale. Donc désormais, vous n'êtes plus obligés de veiller à ce que ce soit compatible uniquement avec la Loi sur les Indiens ou ses règlements, mais bien à ce que ce soit compatible avec toutes les lois fédérales et leurs règlements.

[Traduction]

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell: Je ne comprends toujours pas très bien. Nous n'arrêtons pas de dire que la Loi sur les Indiens est trop restrictive, qu'elle enfreint toutes sortes de règlements que les autres Canadiens doivent respecter, et qu'elle limite les droits des Autochtones à un point tel que leurs droits ne sont pas équivalents à ceux de tous les Canadiens. Maintenant vous me dites que leur pouvoir législatif sera l'équivalent de celui de tous les Canadiens, mais encore une fois, c'est restrictif.

    J'essaie de comprendre comment interpréter tout cela, parce que je ne suis vraiment pas sûre de bien comprendre la situation.

[Français]

+-

    Le président: Je vais vous donner l'occasion de répondre, mais je veux d'abord souligner le fait que vous avez soulevé des possibilités de problématiques dans votre profession. Or, il y a dans la salle des représentants du ministère de la Justice, certains de vos collègues. Je les ai vus prendre des notes. Si certains de vos membres se retrouvent devant la cour contre le gouvernement, ce sont eux qui auront à assurer la défense. Alors, vous aurez au moins l'occasion plus tard de leur dire que vous le leur aviez dit.

    Il nous reste 10 minutes. Je vous les donne pour que vous puissiez faire des commentaires de votre choix.

+-

    Me Carole Brosseau: D'une part, les commentaires que nous avons émis aujourd'hui étaient, comme je vous le disais, davantage des commentaires de nature juridique. Ce qu'on voulait mettre sur la table, c'était des points dont on pensait qu'il était important de les porter à l'attention du comité et de ses membres.

    Une fois qu'on vous a donné ces éléments, je pense que c'est votre rôle, et non plus le nôtre, comme barreau... Le rôle du Barreau du Québec est un rôle législatif de protection du public et de tous ses membres et de participation à l'élaboration d'un nouveau contrat social de tous les citoyens et citoyennes, y compris les Indiens. Mais au-delà de cela, nous pensons que ce rôle vous revient. Nous essayons, par cette intervention, comme on le fait dans toutes nos interventions, d'alimenter vos débats et de vous faire comprendre les difficultés que l'on a.

    Le processus législatif est un processus démocratique. On a pris la voie qui nous était offerte et on espère que vous saurez, en contrepartie, trouver les éléments et donner suite à cela afin de bonifier la loi et assurer une justice plus grande, car c'est notre objectif.

    Pour moi, ça complète un peu ce qu'on a dit. À titre indicatif, on a envoyé notre mémoire à la traduction. M. Cadorette pourra vous le confirmer; je pense que c'est à vous ou à Mme Kingston que j'ai parlé hier. Donc, vous pourrez en prendre connaissance de façon plus détaillée. On a mis un peu plus de détails sur ce projet de loi.

    Par ailleurs, si vous avez besoin d'informations additionnelles, vous pouvez nous transmettre vos requêtes. Il nous fera plaisir de répondre par écrit à vos questions.

    Merci.

½  -(1950)  

+-

    Me Renée Dupuis: J'ajouterais rapidement deux points, si vous me le permettez. Il nous apparaît au barreau que si le choix consiste à ajouter une pièce législative à l'ensemble existant à ce moment-ci, il y a un besoin de clarification de concepts qui semblent nouveaux par rapport à ce qu'on connaissait et qui ne nous semblent pas être clairs dans le projet de loi. Il y a donc un besoin de clarification de ces concepts et il y a un besoin d'arrimage, d'ajustements dans la superposition ou dans le remplacement de ces projets-là. C'est mon premier point.

    Le deuxième point, c'est un rappel de ce qu'on vous a dit un peu plus tôt concernant toute cette opération qui nous semble quand même d'une complexité non négligeable, même pour des gens pour qui ce domaine est familier. On pense que cela va nécessiter un soutien important de la part du gouvernement. Si on veut espérer une augmentation de la démocratie et de l'autonomie gouvernementale, cela va forcément nécessiter davantage de ressources que celles consacrées à l'heure actuelle. Si on veut aussi qu'il y ait une certaine légitimité dans le contexte d'une opération semblable, il va falloir qu'il y ait des ressources et des moyens, et que des forums soient créés pour faire en sorte que les populations qui seront les premières à vivre et à devoir se prononcer sur ces textes-là interviennent dans la discussion, dans l'élaboration des choix qui vont être faits, puisqu'elles auront à vivre avec les conséquences des décisions qui seront prises. Dans ce sens-là, on souhaite que le gouvernement va consacrer les efforts nécessaires.

    Merci.

-

    Le président: Je vous remercie pour vos excellentes présentations et je peux vous assurer que lors de l'étude article par article, les membres du comité poseront des questions aux représentants du ministère de la Justice, qui seront à la table. Je vous remercie beaucoup.

    Les travaux du comité sont suspendus jusqu'à 8 heures demain matin. Merci.