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TRAN Rapport du Comité

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Opinion complémentaire du Bloc Québécois

Le Bloc Québécois appuie le présent rapport mais émet cependant de sérieuses réserves :

En vertu du nouveau régime proposé, un camionneur pourrait faire cinq quarts de conduite de nuit de 14 heures, puis prendre 36 heures de congé (incluant seulement une nuit de sommeil) avant d’entreprendre un nouveau cycle de cinq nuits de conduite de 14 heures, ce qui pourrait représenter un total de 84 heures par semaine. Ceci représente une amélioration par rapport au régime actuellement en place, mais cela se doit de n’être qu’un début dans la révision à la baisse du nombre d’heures de service des camionneurs pour chaque semaine.

Aux États-Unis, le maximum d’heures travaillées est de 10 heures par jour. La législation canadienne devrait, à terme, être harmonisée avec celle de nos voisins du sud, considérant l’ampleur de l’intégration économique nord-américaine. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le resserrement des normes et de la sécurité aux États-Unis n’a pas affecté l’industrie américaine du transport routier, en grande partie parce que le transport routier a des avantages stratégiques certains. Dans un tel contexte, il convient de raffermir les règles et d’augmenter la sécurité sur les routes. La plupart des syndicats sont d’accord avec une réduction des heures de travail pour les camionneurs.

Si une large consultation était entreprise, on se rendrait vite compte de l’importance de la sécurité routière pour les Québécois et les Canadiens. Comme mentionné ci-haut, un des points fondamentaux que la législation du Canada devra considérer concerne l’harmonisation avec les États-Unis. Dans son Mémoire au Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales, l’association des Canadiennes et Canadiens pour la sécurité routière (CRASH) signalait ce qui suit :

« L’imposition de plafonds à la charge de travail des conducteurs de camion et d’autobus suppose qu’on établisse une distinction entre les objectifs commerciaux et la sécurité du public ».

« Ce qui frappe le plus dans le règlement proposé sur la charge de travail au Canada, ce sont les différences par rapport aux plafonds actuels imposés aux États-Unis et les différences notables avec le nouveau régime d’heures de service américain ».

L’Association canadienne des automobilistes en rajoute pour ce qui est de la cohérence des politiques nord-américaines dans le domaine :

« Des normes nord-américaines harmonisées basées sur les connaissances scientifiques aideraient la population à mieux comprendre la problématique liée à la fatigue des conducteurs de véhicules motorisés. La population canadienne peut ne pas comprendre pourquoi la réglementation au Canada diffère de celle des  autres signataires de l’ALÉNA et d’autres pays partout dans le monde»1.

Le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP) représente 150 000 travailleurs du secteur privé, dont 1 000 camionneurs. Il se veut critique de l’entente entre le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM) et des Teamsters et soulève des points importants visant à alimenter la réflexion sur le sujet:

« Le règlement proposé par Transports Canada et actuellement sous étude par le Comité ne fera rien pour améliorer la situation; il risque même de l'empirer. Le temps de repos de 36 heures est une proposition particulièrement désastreuse. Il est vraiment insuffisant pour permettre de récupérer après les longues heures travaillées et nuirait encore plus que maintenant à la vie de famille des camionneurs »2.

Il semble également que le processus de consultation aurait pu être davantage inclusif, afin que le point de vue des camionneurs soit pleinement pris en compte. Rick Beckwith, de la Coopérative canadienne des voituriers remorqueurs indiquait dans une lettre au Comité permanent de la Chambre des communes sur les transports et les opérations gouvernementales datée d’avril 2002 :

« Notre opposition à la prolongation des heures de conduite autorisées est solidement fondée sur l’expérience de nos membres qui travaillent, à titre indépendant, comme propriétaires et conducteurs de camions. Ils nous ont signalé que le stress et la fatigue causent déjà beaucoup d’inquiétude dans le cadre de la réglementation actuelle et que le nombre d’accidents de véhicules lourds augmentera sûrement en fonction de l’augmentation des heures de conduite ».

L’importance d’établir un niveau acceptable d’heures de conduite devra donc faire l’objet d’autres études et investigations.

Le rapport du comité est probablement trop hésitant en raison des préoccupations exprimées par l’industrie, des craintes vis-à-vis le manque éventuel d’employés et la concurrence intermodale. Cependant, il apparaît raisonnable de croire que c’est en améliorant les conditions de travail des camionneurs que l’industrie pourra attirer davantage de nouveaux travailleurs. Les inquiétudes concernant la compétitivité du transport routier devraient être rassurées par les avantages structurels qui font déjà la force du transport routier, la vitesse et la flexibilité. Cette efficacité ne doit pas cependant céder le pas à la sécurité routière et, en ce sens, le rapport devrait recommander l’harmonisation du régime des heures de service des conducteurs de véhicules industriels avec celui en place aux États-Unis, soit des semaines de 60 heures de travail maximum, à raison de 12 heures par jour. Cet arrangement conviendrait aux travailleurs et l’industrie y trouverait, à terme, son compte.

D’autres enjeux doivent être pris en compte plus directement :

-         L’application des règles devra être stricte et l’on devrait pouvoir étudier les possibilités comme la mise en œuvre progressive de dispositifs d’enregistrement électronique.

-         Partie intégrante d’un régime plus sécuritaire, la période de repos obligatoire devrait passer à 48 heures afin d’assurer que les conducteurs puissent se reposer suffisamment.

Ces mesures ne font pas partie des recommandations du comité. Elles devraient se retrouver dans ce rapport puisqu’elles constituent des éléments importants d’un régime d’heures de service des conducteurs qui soit sécuritaire, efficace et équitable.

Mario Laframboise
Député d’Argenteuil—Papineau—Mirabel
Critique du Bloc Québécois en matière de Transport


1Exposé au Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales au sujet d’une étude relative aux heures de service, aux préoccupations liées à la sécurité, à la problématique transfrontière/de passage à la frontière et de leur impact sur l’industrie canadienne du camionnage, L’Association canadienne des automobilistes (CAA), 18 avril 2002.
2Mémoire du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP) au Comité permanent de la Chambre des communes sur les transports et les opérations gouvernementales, avril 2002.