INST Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CHAPITRE 1
LE RÉGISTRE ? OBSERVATION ET EXÉCUTION
Dans l'ensemble, [ ] nous constatons que la Loi est très bien respectée. Les lobbyistes s'enregistrent. [Diane Champagne-Paul, 19:09:25]
Il existe une abondante preuve circonstancielle donnant à penser que beaucoup de lobbyistes négligent tout simplement de s'enregistrer. [Aaron Freeman, 8:15:45]
Nous croyons que la plupart des lobbyistes-conseils, des lobbyistes salariés et des lobbyistes pour le compte d'une organisation qui défendent activement les intérêts des sociétés privées sont bel et bien inscrits, conformément à la Loi. Le même constat ne s'applique cependant pas aux lobbyistes rémunérés qui représentent d'autres organismes [ ] [Jayson Myers, 7:9:10]
La relation entre lexécution et lobservation de la Loi est claire : très simplement, les mécanismes dexécution de la Loi sont conçus pour faire en sorte que les lobbyistes observent la Loi. Ces deux notions sont en quelque sorte en relation inverse : Si lon observe des problèmes sur le plan de lobservation, on a des raisons de renforcer les mécanismes dexécution. Quand le taux dobservation est bon, cest sans doute que les mécanismes dexécution conviennent.
Selon la directrice de lenregistrement des lobbyistes, étaient enregistrés le 16 mars 2001 : 785 lobbyistes-conseils, 301 lobbyistes salariés et 364 dirigeants rémunérés dorganisations sans but lucratif et de groupes de défense dintérêts, soit des lobbyistes pour le compte dune organisation. Ces taux dobservation élevés sont attribuables dans une large mesure à la facilité daccès du système :
Un point important que je tiens aussi à souligner est notre capacité d'utiliser l'Internet afin d'assurer la transparence ainsi que l'efficacité administrative. À ce jour, 98 p. 100 des enregistrements sont faits par voie électronique. Le site Strategis, qui est la vitrine d'Industrie Canada sur l'Internet, permet non seulement aux lobbyistes de s'enregistrer sans frais et directement en ligne, mais aussi de rendre le registre complètement accessible au public canadien 24 heures par jour, 7 jours par semaine, permettant ainsi à quiconque de faire des recherches et d'extraire des renseignements sur les lobbyistes. [Diane Champagne-Paul, 5:16:25]
Tout indique que le registre est une ressource très utilisée :
[ ] pour la période du 1er avril 2000 au 11 mars 2001, il y a eu 30 033 visites à notre site des lobbyistes et [ ] pendant la même période, les utilisateurs ont accédé à environ 167 496 pages, ce qui est quand même un bon nombre pour ce que l'on peut appeler un petit programme. [Diane Champagne-Paul, 5:16:25]
Ces réalisations sont encore plus impressionnantes quant on sait à quel point les ressources budgétaires sont limitées :
Le recours à l'Internet permet également d'utiliser de façon très efficace les ressources limitées que nous avons à notre disposition, car il permet à la Direction de l'enregistrement des lobbyistes d'opérer avec seulement deux personnes et un budget annuel de moins de 200 000 $. [Diane Champagne-Paul, 5:16:25]
Un des témoins entendus, Démocratie en surveillance, ne trouve pas que le registre est efficace et a dit au Comité quil existait « une abondante preuve circonstancielle donnant à penser que beaucoup de lobbyistes négligent tout simplement de s'enregistrer ». [Aaron Freeman, 8:15:45] Cependant, Démocratie en surveillance navait rien à offrir à lappui de ses assertions et le fait demeure que des « preuves circonstancielles », même nombreuses, ne peuvent pas être considérées comme probantes.
En outre, ces « preuves circonstancielles » ne permettent pas de déterminer si seulement certains types de lobbyistes omettent de senregistrer ou si cest le cas de tous les types de lobbyistes, non plus que de savoir si ce comportement tient à une méconnaissance de la Loi ou à une volonté délibérée de se soustraire à celle-ci. Évidemment, si cette remarque vise spécifiquement les lobbyistes salariés représentant les organisations non gouvernementales (ONG), elle est appuyée dans une certaine mesure par une étude réalisée par Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC). Comme la affirmé Jayson Myers :
Nous croyons que la plupart des lobbyistes-conseils, des lobbyistes salariés et des lobbyistes pour le compte d'une organisation qui défendent activement les intérêts des sociétés privées sont bel et bien inscrits, conformément à la Loi. Le même constat ne s'applique cependant pas aux lobbyistes rémunérés qui représentent d'autres organismes [ ]. [Jayson Myers, 7:09:10]
Pour appuyer ses dires, M. Myers cite les résultats dune étude réalisée par son organisation dans laquelle on a mesuré les taux dobservation de lenregistrement à loccasion des discussions auxquelles MEC a participé durant les deux années précédentes. Ces discussions concernaient lOrganisation mondiale du commerce, lélaboration des règles de divulgation de la Société pour lexpansion des exportations et le changement climatique et les négociations nationales sur la participation du Canada au protocole de Kyoto. Létude de MEC a montré que sur les 36 lobbyistes-conseils qui représentaient des associations dentreprises, 34 étaient enregistrés, les 14 lobbyistes représentant des entreprises étaient tous enregistrés et sur les 28 lobbyistes pour le compte dune organisation non gouvernementale qui participaient aux consultations, trois seulement étaient dûment enregistrés.
Le Comité na pas analysé létude de MEC et ne peut donc pas en apprécier les conclusions. Cependant, même si ces conclusions savèrent, elles ne traduisent pas nécessairement une volonté délibérée de contrevenir à la Loi. Il est probable que la plupart des lobbyistes qui ont omis de senregistrer ne connaissent pas la Loi ou linterprètent mal. Dans certains cas au moins, le problème tient peut-être à des ressources ou une expertise limitées ou même à lisolement.
Il arrive parfois que, en dehors des régions métropolitaines, les gens ne connaissent pas bien les obligations prévues par la Loi. C'est pourquoi nous donnons suite en leur téléphonant pour les informer. En général, les gens s'enregistrent ensuite. [Diane Champagne-Paul, 19:09:30]
Les témoins nétaient pas tous daccord avec lapproche retenue, où lon compte sur les membres du secteur pour signaler les violations possibles de la Loi. John Chenier, éditeur, Lobby Monitor, avance :
En ce qui concerne l'application de la Loi, je vous rappelle le témoignage de la directrice de lenregistrement des lobbyistes devant ce comité le même jour. Selon son témoignage, ceux qui choisissent de ne pas s'inscrire, mais dont les activités sont portées à sa connaissance par le biais de fonctionnaires, n'ont qu'à plaider lignorance et à lui soumettre tout simplement une inscription pour échapper aux sanctions. [John Chenier, 14:15:40]
Évidemment, on ne peut pas conclure systématiquement à une volonté de contourner la Loi dans chaque cas domission, puisquil peut sagir simplement dignorance; dans notre système de justice, les défendeurs ont droit au bénéfice du doute raisonnable. Il reste cependant que toute violation de la Loi, même involontaire, porte atteinte à lefficacité de celle-ci en labsence dun redressement. Le Comité estime néanmoins que ce nest pas en adoptant des mesures dexécution plus strictes quon remédiera au problème de lignorance au sujet des dispositions de la Loi et quon a surtout besoin à cet égard de mesures dinformation, ce qua fait valoir avec éloquence Brian Grainger, un expert-conseil qui a une longue expérience des questions déthique commerciale :
Les Américains nous ont prouvé qu'on peut recourir aux tribunaux ad nauseam sans pour autant sortir du pétrin. Nous n'avons rien gagné en allant dans cette direction. Par ailleurs, les principes qui ont été évoqués aujourd'hui la transparence, la responsabilisation sont importants. À l'instar de bien d'autres, j'estime qu'à l'heure actuelle, nous devrons dépendre du professionnalisme le terme juste est « intégrité » des gens appelés à servir [ ] je ne pense pas que nous voulions vivre dans un environnement où l'on se fonde uniquement sur l'observance de certaines règles, sans faire appel aux valeurs car à mon avis, cela entraînerait bien des difficultés. [Brian Grainger, 8:16:15]
En conclusion, sil semble que les exigences denregistrement sont dans lensemble assez bien respectées, le Comité est davis quil serait avantageux détudier plus à fond la question de lobservation de la Loi et, en conséquence :
Recommandation 1 :
Le Comité recommande que le gouvernement effectue une étude afin de déterminer les taux dobservation de la Loi et les motifs de non-observation de la Loi, le cas échéant.
Le conseiller en éthique est chargé de faire enquête sur les violations possibles du Code des lobbyistes, et en cette qualité, il fait rapport au ministre de lIndustrie (et, donc au Comité). Cest à ce titre quil a comparu devant le Comité pour parler de son rôle vis-à-vis de lexécution du Code des lobbyistes.
Le conseiller en éthique tire ses pouvoirs aux termes de la LEL dun décret pris en vertu de larticle 10.1 de la Loi. Cette disposition autorise le gouverneur en conseil à « désigner un conseiller en éthique pour lapplication de la présente Loi ». Linstrument qui confère au conseiller en éthique ses pouvoirs aux termes de la Loi est un décret (C.P. 1996-266, 26 février 1996) :
Sur recommandation du premier ministre et en vertu de larticle 10.1 de la Loi sur lenregistrement des lobbyistes, il plaît à Son Excellence le Gouverneur général en conseil de désigner par les présentes M. Howard Wilson, dOttawa en Ontario, comme conseiller en éthique.
Le conseiller en éthique est aussi habilité à faire enquête sur les violations présumées du Code des lobbyistes. Les modifications de 1995 qui avaient créé le bureau du conseiller en éthique avaient aussi donné à celui-ci le pouvoir de rédiger un code de déontologie des lobbyistes, lequel est entré en vigueur en mars 1997.
Le conseiller en éthique tient ses pouvoirs en matière de conflits dintérêts du paragraphe 5(1) du Code régissant les conflits dintérêts :
Sous la direction générale du greffier du Conseil privé, le conseiller en éthique administre le Code des lobbyistes et applique les mesures d'observation régissant les conflits d'intérêts énoncées dans la présente partie [ ]
Le conseiller en éthique a comparu devant le Comité pour parler de son rôle dans le contexte de la Loi sur lenregistrement des lobbyistes, ce qui a suscité un certain débat sur la portée de létude du Comité. Certains députés de lopposition étaient davis quil était légitime de profiter de sa comparution pour linterroger sur le premier ministre. Cependant, la majorité des membres du Comité considéraient quil comparaissait clairement au sujet de lapplication de la LEL et du Code des lobbyistes et non du Code régissant les conflits dintérêts. La question a semblé résolue lorsque le Comité et le conseiller en éthique sont convenus de consacrer la première heure daudience à des questions sur le premier ministre.
Le mandat du Comité concernant létude courante provient de la Loi sur lenregistrement des lobbyistes, mais nous navons pas considéré que nous étions tenus de nous limiter strictement aux questions liées directement à cette Loi. En fait, un grand nombre de questions ont été abordées durant les audiences, dont certaines concernaient directement la Loi, mais dautres en étaient relativement éloignées. Par exemple, la discussion est souvent revenue à la question de la période de restriction qui sapplique aux anciens titulaires de charge publique et à la question du financement des campagnes électorales. Le Comité a entendu avec beaucoup dintérêt les témoignages sur ces questions, mais il est bien conscient que les discussions navaient pas toutes un rapport direct avec son étude, ce qui montre combien il était parfois difficile den cerner les limites.
Nos discussions sur le conseiller en éthique en particulier illustrent bien ce fait. Le Comité estime que les pouvoirs denquête du conseiller en éthique et sa nomination pour les fins de lapplication de la Loi sont des sujets qui font clairement partie de son mandat, et il a dailleurs entendu des témoignages à ce sujet. Par exemple, le Comité sest demandé si le conseiller en éthique devrait participer à lexécution du Code des lobbyistes ou sil ne vaudrait pas mieux confier cette tâche à une autre personne. Par contre, le Comité admet que certains aspects des responsabilités du conseiller en éthique débordent de la portée de son étude. Par exemple, sa nomination de même que lenquête quil mène aux termes du Code régissant les conflits dintérêts intéressent certes les députés de lopposition et certains Canadiens, mais outrepassent le mandat du Comité.
Après réflexion, force est de conclure que la controverse sur la portée du mandat du Comité tient au fait que le conseiller en éthique occupe deux postes assortis de responsabilités très différentes en matière de reddition de comptes. En sa qualité denquêteur relativement à lexécution du Code des lobbyistes, il fait rapport au ministre de lIndustrie (et au Comité) sur les contraventions au Code des lobbyistes. En sa qualité de conseiller en éthique, il conseille sur les violations éventuelles du Code régissant les conflits dintérêts. La confusion est exacerbée par le fait que les deux attributions du conseiller en éthique, bien que de nature très différente, portent le même titre, à savoir celui de conseiller en éthique. Cest cependant un détail qui pourrait facilement être réglé en lui donnant (ou à une autre personne) un titre différent, par exemple celui de conseiller en matière denregistrement des lobbyistes.
Si les modifications de 1995 ont donné au conseiller en éthique le pouvoir de rédiger le Code de déontologie des lobbyistes, cela veut-il dire pour autant quil doive faire office denquêteur aux termes du Code? Il nexiste pas de raison probante de lui confier les deux fonctions, et il semble en fait quelles contribuent au malentendu sur ses rôles et responsabilités en matière de reddition de comptes.
Au moment où la Loi avait été modifiée, le Parlement estimait que les pouvoirs denquête du conseiller en éthique, du fait quils étaient très semblables à ceux dun juge dune cour fédérale, devraient être exercés par un haut fonctionnaire.
En 1995, [ ] la première tâche qui m'a été confiée consistait à élaborer un code. Mais cela devait bel et bien être un code. Je l'ai fait après une consultation poussée et cela s'inscrit maintenant dans le régime. On a toutefois estimé qu'il fallait aussi des pouvoirs d'enquête très étendus, et ces pouvoirs m'ont été confiés. [Howard Wilson, 5:17:15]
Comme cest le conseiller en éthique qui avait rédigé le Code des lobbyistes, on a trouvé logique et pratique de lui confier lenquête des violations et la préparation des rapports, davantage pour des raisons administratives que des exigences administratives, semble-t-il. On peut maintenant se demander sil était bien avisé de confier ensuite ce pouvoir au conseiller en éthique. Le lobbying est une question qui concerne tous les députés, et pas seulement le premier ministre, son Cabinet et les députés du parti au pouvoir. Ne vaudrait-il pas mieux confier lapplication du Code des lobbyistes à un haut fonctionnaire qui ferait rapport au Parlement? Cest une idée que les témoins ont été presque unanimes à appuyer. Le Comité souscrit à cette proposition. Cependant, il est important de souligner quelle nempêche en rien le premier ministre de nommer un conseiller en éthique pour conseiller son gouvernement. En fait, nimporte quel parti peut en faire autant.
Le fait de retirer au conseiller en éthique la responsabilité de voir à lexécution de la Loi aurait deux avantages : on éliminerait les malentendus causés par ses deux responsabilités différentes en matière de reddition de comptes et il aurait plus de temps à consacrer à ses fonctions relativement au Code lobbyistes régissant les conflits dintérêts. Évidemment, le système a évolué de telle manière quil y a une grande interdépendance administrative entre la Direction de lenregistrement des lobbyistes et le Bureau du conseiller en éthique, mais il nest pas évident que cet arrangement est avantageux et, comme les audiences lont montré, il peut susciter des malentendus considérables sur le rôle du conseiller en éthique dans le contexte du système de la Loi sur lenregistrement des lobbyistes. Cette ambiguïté pourrait être résolue par la création dun nouveau bureau qui serait chargé de faire enquête sur les infractions au Code des lobbyistes.
En conséquence, pour les motifs énoncés ci-dessus :
Recommandation 2 :
Le Comité recommande que la Loi soit modifiée afin dy prévoir la création dun nouveau bureau qui aurait compétence exclusive quant aux enquêtes sur les violations présumées du Code de déontologie des lobbyistes et ferait rapport au Parlement à ce sujet.
Actuellement, la Loi sapplique à toute personne qui, moyennant paiement, sengage à communiquer avec un titulaire de charge publique afin de tenter dinfluencer la prise de décisions des pouvoirs publics. Comme la expliqué le conseiller en éthique, cela entraîne des difficultés au niveau de lexécution de la Loi :
[ ] Nous pensions que le mot déterminant était « communiquer ». Si vous avez un client, si vous êtes rémunéré et si vous parlez au titulaire d'une charge publique des changements à apporter à un projet de loi ou à un règlement. Mais les procureurs du ministère de la Justice ont dit que les mots clés étaient « tenter d'influencer ». À leur avis, le critère qui s'applique [ ] est de savoir si la communication cherchait à influencer. [Howard Wilson, 5:16:30]
Cette différence dinterprétation a des effets considérables. Selon la condition, telle quelle est normalement interprétée, si une personne, moyennant rémunération, communique avec un titulaire de charge publique pour discuter dune mesure gouvernementale (par exemple de lattribution dun marché ou dun projet de loi), cette personne est tenue de senregistrer. Cétait sans doute là lintention initiale du Parlement, car cela serait conforme au Code criminel. Cependant, les termes « tenter dinfluencer » suscitent des problèmes dinterprétation. Comme la dit Irving Miller, conseiller juridique principal à la Division du droit commercial du ministère de la Justice :
En supprimant l'expression « tenter d'influencer », il serait beaucoup plus facile de recueillir les preuves nécessaires pour poursuivre l'auteur d'une infraction c'est évident car la communication est sans doute plus facile à établir. Pour prouver qu'il y a eu tentative d'influencer [ ] il faut des éléments de preuve beaucoup plus concrets, et c'est le problème. [Irving Miller, 19:09:15]
M. Miller a cependant signalé que la solution ne consistait pas à simplement supprimer les mots qui font problème :
Toutefois, si l'on laisse tomber cette expression et qu'on se concentre uniquement sur la communication, on donne alors à la disposition une portée extrêmement générale. En rédigeant cette disposition, il faudra peut-être prévoir des dispositions qui ne se trouvent pas déjà dans la Loi, car il ne faut pas que cela s'applique à toutes les communications. Une demande de renseignements sur l'évolution d'un dossier, par exemple, ne doit pas tomber dans cette catégorie, et il y a d'autres exemples. Il nous faudra donc examiner attentivement la question pour voir ce qui doit faire l'objet d'une exemption. [Irving Miller, 19:09:15]
Le conseiller en éthique a parlé dautres endroits, comme aux États-Unis, où lon utilise une formulation différente, par exemple « communiquer avec des titulaires de charge publique au sujet » dun projet de loi ou de lattribution dun marché.
M. Miller a signalé que le Ministère envisageait plusieurs solutions. On pourrait entre autres faire relever cette infraction dun système civil dinfractions réglementaires ou administratives :
[ ] ce sont des options qui ont été envisagées et qui sont toujours à l'étude [ ] Elles entraînent d'autres problèmes [ ] Si l'on décriminalisait cette infraction, on diminuerait la norme de la preuve, le fardeau de la preuve, pour passer du doute raisonnable à la prépondérance des probabilités [ ] il serait toutefois difficile d'établir la culpabilité, si on laissait l'expression « tenter d'influencer ». On ne supprimerait donc sans doute pas entièrement le problème. Cela le résoudrait peut-être en partie, mais pas entièrement. [Irving Miller, 19:09:20]
On pourrait aussi envisager des sanctions administratives, ce qui a apparemment déjà été fait dans des lois fédérales. Cependant, celle solution est aussi imparfaite :
Si l'on adopte ce genre de mécanisme, il faudra mettre en place un tribunal chargé d'entendre les appels, car en vertu de ce mécanisme, une personne à laquelle on impose une sanction administrative aura le droit d'interjeter appel si elle décide de ne pas plaider coupable. Autrement dit, elle devra en saisir un tribunal, lequel devra être établi aux termes de la Loi et ainsi de suite. Les choses deviennent donc un peu plus complexes. Au lieu de recourir aux tribunaux qui existent déjà, il faudra en plus créer un tribunal réservé exclusivement à cette fin. [Irving Miller, 19:09:20]
Il existe une troisième solution, qui consiste à utiliser la Loi sur les contraventions, une loi fédérale qui prévoit des peines de type administratif et qui est administrée au moyen de tribunaux provinciaux appelés tribunaux des contraventions. En faisant de linfraction une « contravention », on la décriminalise. La personne concernée peut plaider coupable et payer une amende, ou plaider coupable et faire des représentations, ou demander un procès. Cependant, sept ou huit provinces seulement administrent des tribunaux des contraventions. Du reste, on se demande aussi si le plafond des amendes prévues aux termes de la Loi sur les contraventions est suffisant pour encourager lobservation de la Loi.
Sur la base des témoignages dont il a été saisi, le Comité convient quil existe vraiment un problème dexécution de la Loi. Cependant, il na pas suffisamment dinformations pour faire une analyse approfondie des solutions législatives possibles. En conséquence :
Recommandation 3 :
Le Comité recommande que la Direction de lenregistrement des lobbyistes, le Bureau du conseiller en éthique et le ministère de la Justice effectuent dautres consultations en vue de déterminer quelles mesures législatives permettraient le mieux de régler les problèmes dexécution résultant de lemploi des termes « tenter dinfluencer » dans la Loi.
c) Délai de prescription de deux ans pour les poursuites par voie de procédure sommaire
Aux termes de la Loi actuelle, quiconque donne sciemment des renseignements faux ou erronés commet une infraction, laquelle peut donner lieu soit à une procédure sommaire (amende maximale de 25 000 $ et emprisonnement dau plus six mois), soit à une mise en accusation (amende maximale de 100 000 $ et emprisonnement dau plus deux ans). Le délai de prescription de deux ans ne sapplique quaux procédures sommaires. Il ny a pas de prescription dans le cas des procédures de mise en accusation. Le délai de prescription normal pour les infractions punissables par voie sommaire (par exemple dans le Code criminel) est de six mois, mais la Loi prévoit un délai de prescription beaucoup plus long, de deux ans. Le Comité est conscient de la tendance à lallongement des délais de prescription et à lalourdissement des sanctions imposées sur déclaration sommaire de culpabilité qui visent à donner plus de latitude aux procureurs. Il peut arriver que lexpiration du court délai de prescription de six mois dans le cas de la procédure sommaire place les procureurs devant une alternative : procéder par voie de mise en accusation ou renoncer à des poursuites. La procédure par mise en accusation est cependant réservée aux infractions graves du fait quelle donne à laccusé droit à un procès devant jury et à une enquête préliminaire. De plus, comme les infractions donnant lieu à une procédure par mise en accusation font lobjet de sanctions plus lourdes, il peut être plus difficile dobtenir une condamnation.
Il ny a pas de consensus sur le délai de prescription de deux ans. Certains le trouvent suffisant. Dautres estiment quil pourrait être opportun de lallonger si cela avait pour effet daméliorer lobservation et lexécution de la Loi. Dautres encore craignent quun délai de prescription de deux ans ait le temps dexpirer avant que certaines infractions ne soient décelées :
Si l'on jette un coup dil au libellé de la Loi, on constate que les poursuites «se prescrivent par deux ans à compter de la date de la prétendue perpétration » [ ] Comme vous pouvez le voir, il peut y avoir un délai considérable entre le moment où quelque chose se produit et le moment où l'on en prend connaissance. [Duff Conacher, 8:15:50]
On ne peut pas évaluer le délai de prescription dans labsolu, mais dans le contexte de lapplication pratique du système. A-t-on observé des cas où il a fallu renoncer à des poursuites parce que le délai de prescription était écoulé? Lorsquelle a témoigné, la directrice na fait état daucun cas de ce genre. Il semblerait donc que rien ne permette de conclure que le délai de prescription de deux ans ne convient pas. En théorie, cependant, la situation pourrait être différente. Que se passerait-il par exemple sil fallait plus de deux ans pour constater une violation des dispositions de la Loi? À première vue, on répond que la Couronne pourrait alors procéder par mise en accusation (si linfraction est suffisamment grave), mais quarrive-t-il sil sagit dune infraction relativement mineure pour laquelle la seule solution raisonnable consiste à procéder par procédure sommaire? Comment le directeur apprend-il quune personne a omis de senregistrer? Combien de temps faut-il pour sen rendre compte? Étant donné quun lobbyiste nest identifié comme tel que lorsquil senregistre, comment le directeur détermine-t-il si une personne faisant du lobbying est dûment enregistrée? La directrice a répondu en ces termes :
[ ] nous avons un registre qui est parfaitement du domaine public, qui est ouvert à tous les Canadiens, à tout le monde [ ] n'importe qui peut y avoir accès. Si quelqu'un pense que quelqu'un d'autre fait du lobbying sur une question quelconque, il peut consulter ce registre et voir si le lobbyiste est correctement enregistré. [Diane Champagne-Paul, 5:17:10]
La directrice a expliqué quil y avait rarement des activités de lobbying non enregistrées pour la simple raison que le lobbying est une pratique habituellement tout à fait ouverte :
Et chaque fois qu'il y a des activités de lobbying pour préconiser une position, vous pouvez être certains qu'il y en aura automatiquement pour défendre la position contraire. [Diane Champagne-Paul, 19:09:25]
Le système sen remet donc aux personnes concernées, et lobservation est facilitée par le fait que le registre peut être consulté par nimporte qui sur Internet.
En tant que directrice de lenregistrement, je reçois de temps à autre des appels de bureaucrates ou même de représentants du secteur privé qui m'interrogent sur une affaire particulière. Ils me demandent: « Est-ce que telle ou telle personne est inscrite? ». Nous faisons les recherches, et nous obtenons les faits. À partir de ces informations, je me renseigne. Je téléphone à la personne concernée. Je vérifie les faits, et j'obtiens alors deux résultats. Ou les activités en question ne doivent pas être enregistrées en vertu de la Loi, ou ces personnes n'étaient pas au courant. Dans ce cas, nous les informons. Nous leur communiquons une trousse d'information pour s'inscrire. [Diane Champagne-Paul, 19:09:25]
Étant donné que le registre est facile d'accès, s'il existe un dossier et qu'une personne sait qu'il est très d'actualité, elle peut consulter le registre et constater qu'une personne dont les activités sont connues à l'égard de ce dossier n'est pas enregistrée. Il paraîtra un article dans les journaux, ou un autre journaliste donnera suite à l'affaire, et nous recevrons alors un appel téléphonique. [Diane Champagne-Paul, 19:09:25]
Dans certains cas, nous a dit la directrice, lenquête révèle que les activités signalées ne sont pas des activités devant être enregistrées, si bien quil ny a pas infraction à la Loi.
Lorsque cela se produit, la première chose que je fais, c'est de vérifier les faits par téléphone. Tout d'abord, je dois établir si cette activité relève vraiment de l'application de la Loi. Bien souvent, les gens pensent qu'une activité constitue du lobbying alors que ce n'est pas le cas. Je donne donc suite à l'affaire. Je téléphone personnellement à la personne en question ou aux autres personnes concernées par le dossier, pour établir les faits. À partir de là, je peux déterminer si cette activité est ou non visée par la Loi. [Diane Champagne-Paul, 19:09:25]
Lorsque les activités signalées relèvent de la Loi :
Si c'est le cas, les personnes sont informées des exigences législatives relatives à l'enregistrement. Dans l'ensemble, dans les régions métropolitaines [ ] nous constatons que la Loi est très bien respectée. Les lobbyistes s'enregistrent. [Diane Champagne-Paul, 19:09:25]
Le conseiller en éthique est davis que le système denregistrement a considérablement dissipé le mystère qui entourait autrefois le système :
Il y deux ans, quand Onex a fait son offre d'achat pour Air Canada, tout le monde a voulu savoir exactement quels étaient les lobbyistes impliqués. Air Canada embauchait des lobbyistes, Canadian Airlines également de même qu'Onex et il est certain que d'autres intérêts en ont fait autant. Mon bureau a reçu exactement deux appels téléphoniques [ ] car tous ces renseignements pouvaient être obtenus sur Internet. Je crois que cela élimine le mystère. Il n'y avait aucun mystère quant au lobbyiste engagé pour défendre les intérêts de telle ou telle société. [Howard Wilson, 5 :16 :40]
Dans son mémoire au Comité, lAssociation du Barreau canadien a exprimé le point de vue suivant :
Toute violation suffisamment grave pour justifier des poursuites par voie de mise en accusation mérite quon puisse intenter des poursuites même plus de deux ans après quelle a été commise. En revanche, une infraction qui ne justifie pas un tel recours nest sans doute pas assez grave pour quon fasse enquête et quon intente des poursuites plus de deux ans après coup.
Étant donné le caractère public du registre, il semble fort probable que le directeur sera la plupart du temps mis au courant en temps voulu des violations possibles de la Loi et il ne semble pas que le délai de prescription de deux ans ait empêché la Couronne dintenter des poursuites par procédure sommaire. En conséquence et pour dautres raisons énoncées précédemment :
Recommandation 4 :
Le Comité considère comme suffisant le délai de prescription actuel de deux ans relativement aux poursuites par procédure sommaire aux termes de la Loi et ne recommande donc aucune modification de la Loi à cet égard.