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HUMA Rapport du Comité

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LE SUPPLÉMENT DE REVENU GARANTI

À LA PORTÉE DE TOUS : UN DEVOIR

 

INTRODUCTION

Depuis les deux dernières décennies, le Canada a fait appel à son régime de soutien de revenu pour les aînés afin de réduire considérablement le pourcentage de personnes du troisième âge vivant dans la pauvreté. Une des raisons du succès du gouvernement en matière d’assistance aux personnes âgées à faible revenu a été la création du Supplément de revenu garanti (SRG), une allocation supplémentaire reliée au revenu pour les bénéficiaires à faible revenu de la pension de la Sécurité de la vieillesse (pension de la SV). Le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées a pris conscience qu’un nombre considérable d’aînés sont admissibles au SRG, mais ne le reçoivent pas. C’est pourquoi nous avons décidé de faire enquête et de rédiger le présent rapport pour trouver les raisons de cet état de fait. Les questions traitées ici seront les suivantes :

·        Qui sont les aînés ayant droit au SRG?

·        Pourquoi les aînés admissibles ne remplissent-ils pas de demande de SRG ou pourquoi ne le reçoivent-ils pas?

·        Que fait le ministère du Développement des ressources humaines pour s’assurer que tous les aînés admissibles reçoivent le SRG?

·        Les mesures prises sont-elles suffisantes?       

Afin de trouver des réponses à ces questions, le Comité a tenu des audiences en octobre 2001. Il a reçu le témoignage d’un analyste des politiques qui a entrepris de mettre le public au courant de la situation, d’associations de personnes âgées qui ont eu à traiter le problème de sous-inscription au SRG, des ministères visés ainsi que du commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

ÉTAT DE LA QUESTION

 

1.  La Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti

Le ministère du Développement des ressources humaines (DRHC) administre trois programmes de soutien du revenu destinés aux aînés : la SV, le SRG et le Régime de pensions du Canada (RPC).

La SV est accordée à la plupart des Canadiennes et des Canadiens de 65 ans et plus. Le bénéficiaire doit s’y inscrire idéalement six mois avant d’atteindre 65 ans. La SV est remise intégralement aux Canadiennes et aux Canadiens qui ont vécu au pays durant au moins 40 ans après avoir atteint 18 ans; toutefois, des prestations partielles peuvent être disponibles pour les autres personnes âgées. La SV est liée aux ressources dans la mesure où les aînés admissibles à des prestations entières de la SV et qui ont un revenu annuel net supérieur à 55 309 $ (en 2001) doivent en rembourser la totalité ou une partie. La pension de la SV est récupérée en entier lorsque le revenu annuel net d’un retraité atteint 90 195 $. Environ seulement cinq pour cent des aînés reçoivent des prestations réduites de la SV et seulement deux pour cent d’entre eux n’y ont pas droit. La SV est un revenu imposable et doit être déclarée dans la déclaration de revenus. En date de juin 2001, 3 847 816 personnes recevaient la SV. Selon le Budget principal des dépenses de 2001-2002, les transferts de la SV de l’exercice courant devraient atteindre 19,5 milliards de dollars.

Le SRG fournit une prestation mensuelle additionnelle, en plus de la SV, aux retraités à faible revenu vivant au Canada. Le montant mensuel de chaque retraité est calculé sur une échelle progressive selon l’état civil et le revenu familial net. Mentionnons qu’une allocation est aussi payée aux personnes à faible revenu qui ont entre 60 ans et 64 ans. L’allocation est fournie aux conjoints ou aux conjoints de fait des retraités bénéficiaires de la SV et aux survivants pour aider à combler le manque jusqu’à ce qu’ils aient droit à la SV. Le SRG est récupéré proportionnellement au revenu familial et les paiements cessent si le revenu familial atteint un niveau maximal prédéterminé. Pour recevoir le SRG et l’allocation, les individus doivent en faire la demande chaque année et les renouvellements sont généralement effectués en remplissant une déclaration de revenus. Le SRG et l’allocation ne sont pas imposables, mais ils doivent être déclarés. En date de juin 2001, l’on comptait 852 673 prestataires du SRG. Selon le Budget principal des dépenses de 2001-2002, les transferts de SRG et d’allocations devraient atteindre respectivement 5,24 milliards de dollars et 412 millions de dollars.

2.  Un aperçu du problème

Un sondage mené à Toronto au début de 2001 par Richard Shillington, un statisticien des données sociales et analyste des politiques, a révélé que seulement 15 pour cent des aînés qui utilisaient les banques alimentaires recevaient le SRG, même si presque tous y étaient admissibles. Le sondage a aussi indiqué qu’un quart des aînés (les usagers des banques alimentaires) interrogés, dont presque la totalité était admissible, ne recevaient pas les prestations du Régime de pensions du Canada qui leur revenaient.

Un résumé analytique paru le 23 août 2001 dans le Toronto Star, s’appuyant sur ce sondage, indiquait que plus de 380 000 Canadiennes et Canadiens de 65 ans et plus sont admissibles au SRG, mais ne le reçoivent pas, ce qui représente des centaines de millions de dollars annuellement. Cette information a été recueillie dans les déclarations d’impôt des particuliers envoyées à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). David Miller, sous-commissaire, Direction générale des cotisations et recouvrements, ADRC, estime que 220 000 aînés admissibles reçoivent la SV mais non le SRG et 50 000 autres personnes sont admissibles, mais ne reçoivent ni l’une ni l’autre[1]. Le Comité soupçonne que ces chiffres se basent uniquement sur les gens qui remplissent une déclaration de revenus et par conséquent ne tiennent pas compte des personnes qui ne le font pas.

Certains analystes croient que les aînés ne s’inscrivent pas parce que souvent ils ne comprennent pas le sens des critères d’admissibilité, la teneur des déclarations d’impôt ou des brochures d’information à cause d’un analphabétisme fonctionnel, d’une barrière linguistique ou d’une vue défaillante. D’autres croient que l’explication repose en partie sur le changement de niveau de revenu des gens, leur opposition à ce genre de soutien du revenu ou simplement leur ignorance du fait de devoir soumettre une demande chaque année. Quant à ceux qui s’inscrivent en retard et qui sont considérés admissibles au SRG, la Loi sur la Sécurité de la vieillesse prévoit que ces prestations sont rétroactives sur une période maximale de 11 mois.

Bien que le résultat direct de la non-perception du SRG soit un revenu moindre, il y a aussi des résultats indirects. En effet, un grand nombre de provinces administrent des programmes, tels que des régimes de médicaments d’ordonnance, des suppléments de revenu, des subventions pour le mazout et des programmes de soutien à domicile, dont l’admissibilité repose sur l’admissibilité au SRG. Les aînés admissibles qui ne reçoivent pas le SRG pourraient également être admissibles à une variété d’autres initiatives de soutien qui pourraient améliorer de façon tangible leur qualité et niveau de vie.

CE QUE LE COMITÉ A ENTENDU

1.  Les causes du problème de sous-inscription au SRG

La principale méthode pour déterminer l’admissibilité au SRG et la façon la plus courante de réinscription est la formule de déclaration d’impôt. Toutefois, un grand nombre de personnes âgées ne la remplissent pas.  Si certaines personnes ne font pas de déclaration, c’est peut-être tout simplement parce qu’elles n’ont pas de revenu à déclarer. Mais pour ce qui est des personnes du troisième âge, des problèmes de santé physique ou mentale, de limitations physiques, d’analphabétisme ou de barrière linguistique peuvent entrer en ligne de compte. La responsabilité incombe à DRHC d’identifier ces retraités et d’entrer en contact avec eux pour les informer de leur droit, et les aider à s’inscrire. La tâche est plus difficile avec ceux qui ne font pas de déclaration d’impôt, ceux qui ne reçoivent pas la SV et ceux qui n’ont pas de domicile fixe, notamment les aînés sans abri.

Le Comité a été surpris d’apprendre que DRHC est au courant de la sous-inscription au SRG depuis au moins 1993. Des fonctionnaires de DRHC ont informé le Comité que des mesures concrètes avaient été prises pour atteindre les personnes qui ne reçoivent pas le SRG et qui pourtant sont admissibles, et que le nombre de personnes dans cette situation est inférieur à celui de 1994. Ainsi DRHC a, entre autres, produit des brochures, des fiches de renseignements et des encarts, et fait appel à un personnel itinérant pour rencontrer des groupes d’aînés et des fournisseurs de services, et faire des présentations à des conseillers financiers et à des organisations de planification financière[2].

Selon une étude de DRHC de janvier 2001, le nombre de personnes admissibles ne recevant pas le SRG a diminué entre 1994 et 1997. Toutefois, cette tendance à la baisse a pris fin en 1998, année durant laquelle le nombre de personnes admissibles ne recevant pas le SRG a augmenté considérablement[3]. Malheureusement, aucune analyse n’a été fournie pour expliquer cette augmentation. Le nombre de personnes admissibles non inscrites était supérieur en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, et parmi elles, le groupe des 70 ans à 74 ans était le plus nombreux dans toutes les régions du pays. De plus, l’étude de DRHC indiquait que les femmes étaient, toute proportion gardée, plus nombreuses que les hommes et que la valeur en dollars de l’admissibilité potentielle des femmes était également supérieure à celle des hommes[4].

Pour résoudre le problème de sous-inscription, DRHC doit intervenir auprès de deux groupes :  ceux qui remplissent une déclaration de revenus et ceux qui ne le font pas. De toute évidence, le dernier groupe est plus difficile à identifier et à atteindre.

Dans le cas des personnes âgées qui remplissent une déclaration d’impôt, le Comité a appris que DRHC avait évité d’utiliser l’information obtenue de l’ADRC de peur de contrevenir aux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui protège l’utilisation d’information sur les contribuables. Toutefois, dans son évaluation, le commissaire à la protection de la vie privée, George Radwanski, a minimisé ces préoccupations lorsqu’il a déclaré au Comité ce qui suit :

D’abord, j’ai déjà mentionné que l’article 241 de la Loi de l’impôt sur le revenu autorise spécifiquement l’ADRC à divulguer des renseignements sur les contribuables pour les fins d’administration de la Loi sur la Sécurité de la vieillesse. L’article 33 de cette Loi a une disposition réciproque. Ce n’est pas mon rôle d’interpréter la Loi de l’impôt sur le revenu ou la Loi sur la Sécurité de la vieillesse, mais je crois qu’il est fondé de dire que le Supplément de revenu garanti est simplement une composante de la SV. La Loi sur la Sécurité de la vieillesse mentionne spécifiquement le SRG. En tant que commissaire à la protection de la vie privée, je ne soutiendrais pas qu’il s’agit d’une interprétation de la loi qui abuse de quelque façon que ce soit du droit à la vie privée des citoyens du pays[5].  

Le Comité est d’accord avec l’interprétation que donne le commissaire à la Loi sur la Sécurité de la vieillesse et la Loi de l’impôt sur le revenu. Il ne croit pas que la question de confidentialité est un argument légitime pour ne pas résoudre le problème de sous-inscription au SRG. Le Comité croit plutôt qu’il s’agit simplement d’une excuse bureaucratique de DRHC pour justifier son inaction. Des fonctionnaires ont déclaré que le Ministère était au courant du problème de sous-inscription depuis au moins huit ans. Le Comité estime que pendant huit ans, le Ministère avait suffisamment de temps pour trouver une solution à un problème apparemment facile à résoudre. En outre, le Comité trouve fâcheux que la situation n’ait pas été réglée, étant donné le nombre important de Canadiennes et de Canadiens touchés.

Les motifs du  problème de sous-inscription sont variés : certaines personnes ne parlent aucune des deux langues officielles, vivent dans des régions éloignées, éprouvent des handicaps physiques ou mentaux, sont peu scolarisées ou sans abri. De plus, un sondage mené par DRHC a révélé que certains aînés, percevant le SRG comme un programme de dernier recours, ne désirent pas s’y inscrire pour des raisons religieuses ou morales[6]. D’autres ne s’inscrivent pas simplement parce qu’ils croient qu’ils ne sont pas admissibles, vu que le SRG est décrit, dans la documentation, comme étant destiné à ceux qui ont « un faible revenu ou aucun revenu ».

2.  Le processus d’inscription

Durant ses audiences, le Comité a obtenu la preuve que le processus d’inscription au SRG constitue, en soi, une barrière pour un bon nombre de personnes âgées. Bill Gleberzon, directeur exécutif associé de l’Association canadienne des cinquante ans et plus, décrit le problème ainsi :

Ce n’est pas seulement parce qu’un individu n’est pas au courant. C’est parce qu’il ne connaît pas le processus et que ce dernier est très compliqué. Dans le cadre du processus, il incombe aux gens de prendre l’initiative et beaucoup sont intimidés, et s’ils ne le sont pas, ils ne savent pas quoi faire, ni où aller. Là où je travaille, nous recevons beaucoup d’appels de gens qui désirent simplement que nous leur donnions un numéro de téléphone. Ils ne veulent pas que nous fassions les démarches à leur place, ils nous demandent qui appeler et nous leur donnons le numéro d’assistance – Il existe un numéro d’assistance SV-RPC. C’est ce genre d’information que les gens veulent obtenir lorsqu’ils entendent parler des prestations[7].        

Comme mentionné précédemment, pour recevoir le SRG, il faut être admissible à la SV et faire la preuve d’un revenu suffisamment bas[8].  Présentement, le processus d’inscription ne peut pas être évité. Puisque le SRG est lié aux ressources, chacun doit s’inscrire en demandant un formulaire à DRHC. Les prestataires du SRG doivent aussi se réinscrire annuellement, soit en remplissant une déclaration de revenus, soit en soumettant un formulaire de renouvellement.

Selon notre témoignage, le formulaire qu’il faut remplir au départ est trop long, trop complexe et non indiqué pour la population à qui le programme est destiné. « C’est une démarche qui doit être simplifiée et qui doit s’appuyer sur la prémisse que si le gouvernement s’engage à offrir ce soutien aux gens, il doit le faire de bon cœur », précise Bill Gleberzon[9].  Paul Migus, sous-ministre adjoint, PSR, DRHC, a affirmé que :

En ce qui a trait à la complexité des formulaires d’inscription, je suis d’accord avec vous. Je les ai lus. J’ai examiné certains éléments de preuve exigés et je sympathise. Je réalise que certains de ces processus ont été conçus et mis en place il y a plus de 30 ans, et je crois qu’une révision en profondeur est nécessaire[10].

Étant donné la technologie actuelle, certains de nos témoins se demandaient pourquoi DRHC exige des particuliers qu’ils s’évertuent à remplir des formulaires complexes pour recevoir le SRG. Il a été suggéré que les gens n’aient pas à s’inscrire puisque le gouvernement possède déjà suffisamment d’information pour déterminer l’admissibilité de chacun. Richard Shillington de Tristat Resources a déclaré ce qui suit au Comité :

Vous pourriez changer l’attitude mentale ancrée pour dire que, pourvu que vous remplissiez une déclaration de revenus, nous vous enverrons l’argent automatiquement… Si vous le faites automatiquement, en fonction de la déclaration, je crois que vous aurez un système meilleur que celui qui est en vigueur présentement, mais il ne sera pas complet parce que certaines personnes ne produisent pas de déclaration[11].

Le Comité constate que le gouvernement possède une grande quantité d’information sur les demandeurs potentiels de SRG. Toutefois, cette information est recueillie par différents ministères et, dans plusieurs cas, elle ne peut pas être partagée afin de préserver la vie privée des gens. Au demeurant, cette information n’est pas toujours à jour et, comme mentionné ci-dessus, ce n’est pas tout le monde qui produit une déclaration de revenus. Le Comité s’est aussi fait dire qu’un petit nombre de personnes admissibles ne veulent pas recevoir le SRG pour des raisons religieuses ou parce qu’elles n’appuient pas les programmes de transfert de revenus tels que le SRG.

Nous croyons que le processus d’inscription au SRG (et à la SV) peut, et doit être simplifié et mieux adapté pour répondre aux besoins de la population âgée ciblée. Par exemple, l’admissibilité au SRG repose sur deux éléments d’information de base – soit le revenu et l’état civil[12]. Un formulaire d’inscription détaillé n’est pas nécessaire. Par surcroît, la documentation sur le SRG et les autres programmes destinés aux aînés doit être simple et facile à lire. Étant donné la technologie disponible, le Comité croit que DRHC devrait automatiser le processus de demande, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une réinscription.


[1] Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, (DPRH), Témoignages (11:25), 23 octobre 2001.

[2] DPRH, Témoignages (11:10), 23 octobre 2001.

[3]Prévision, information et mesure des résultats – Politique des programmes et planification – PSR, janvier 2001, DRHC, p. 4.

[4] Ibid., p.3   

[5] DPRH, Témoignages (12:46), 23 octobre 2001.

[6] DPRH, Témoignages (11:30), 23 octobre 2001.

[7] DPRH, Témoignages (11:35), 18 octobre 2001.

[8] Pour la période d’octobre à décembre 2001, les prestataires de la SV dont le revenu était inférieur ou égal à : 12 648 $, pour un célibataire; 30 624 $ pour conjoint/conjoint de fait d’une personne non retraitée ou un bénéficiaire d’allocation; et 16 464 $ pour un conjoint/conjoint de fait d’un retraité, étaient admissibles.

[9] DPRH, Témoignages (11:35), 18 octobre 2001.

[10] DPRH, Témoignages (12:25), 23 octobre 2001.

[11]Ibid., (11:55).

[12] L’information sur le lieu de résidence est aussi requise pour les personnes admissibles qui ne reçoivent pas la SV.