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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 1112

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. La séance est ouverte.

Je suis heureuse d'accueillir nos témoins de ce matin. Nous entendrons d'abord des fonctionnaires de Santé Canada et ensuite un représentant de la Faculté du développement social et humain de l'Université de Victoria. Par la suite, nous accueillerons des porte-parole du Bureau du vérificateur général, dont l'un n'est pas encore ici.

Avec votre assentiment, nous procéderons de la façon suivante: nous entendrons d'abord les témoins de Santé Canada, puis de l'Université de Victoria et enfin, du Bureau du vérificateur général et si ces derniers ne sont pas arrivés à ce moment-là, nous interrogerons les porte-parole du premier groupe.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la présidente, j'aimerais clarifier une chose. Le vérificateur général comparaît-il pour parler de l'avant-projet de loi ou du fonctionnement du ministère?

[Traduction]

La présidente: Ils sont ici pour nous parler de modèles de réglementation. Sauf erreur, ils vont nous fournir un résumé des modèles qu'ils ont examinés. Est-ce exact, Rhonda?

Mme Rhonda Ferderber (directrice, Division des projets spéciaux, Direction des politiques, de la planification et des priorités, Direction générale de la politique de la santé et des communications, ministère de la Santé): Presque. Nous allons faire un exposé général sur les fonctions et les diverses formes que pourrait prendre un organisme de réglementation et ensuite, nous répondrons volontiers aux questions portant sur des modèles spécifiques, si on le souhaite.

La présidente: Très bien. Dans ce cas, commençons.

[Français]

Mme Rhonda Ferderber: Bonjour, membres du comité. Nous sommes heureux d'avoir la chance de fournir quelques détails, et peut-être aussi quelques précisions sur des propositions de cadre de réglementation touchant les techniques de reproduction.

[Traduction]

Je suis accompagné aujourd'hui par M. Glenn Rivard, que vous avez rencontré—c'est notre avocat général—et mon collègue M. Michael Bryden, qui est le principal responsable du dossier et à qui il faudra s'adresser pour obtenir des détails sur les modèles. Nous répondrons volontiers à vos questions.

Ces dernières semaines, vous avez entendu de nombreux témoins vous faire des commentaires et des suggestions quant à la forme que pourraient ou que devraient prendre un régime et un organisme de réglementation de la reproduction humaine assistée. Aujourd'hui, nous vous communiquerons des renseignements sur l'état de la réflexion du ministère concernant un projet de régime de réglementation applicable à la reproduction humaine assistée.

Chose certaine, nous sommes depuis longtemps au fait du vaste éventail d'opinions entourant la nature et le mandat d'un tel organisme. Comme dans le cas d'initiatives analogues dans les autres pays qui ont adopté une loi et des règlements dans ce domaine, il y a des opinions divergentes quant à la nécessité ou à la nature d'une instance gouvernementale chargée de surveiller ces questions.

• 1115

Il y a toujours eu un débat animé quant à savoir si nous devrions compter sur l'autoréglementation ou simplement élaborer de nouvelles normes ou pratiques au sein des professions visées ou encore laisser au secteur la responsabilité de prendre de nouvelles initiatives en matière d'agrément, par exemple.

Cependant, d'après l'expérience des autres pays, la participation du gouvernement s'est généralement avérée nécessaire pour coordonner, maintenir et assurer un cadre global en matière de reproduction humaine assistée. D'ailleurs, de nombreux intervenants ont exprimé cette opinion pendant nos discussions.

Nous avons fait passablement de travail préalable avec certaines des organisations intéressées. Par exemple, nous avons tenté de favoriser l'élaboration d'un éventuel processus d'agrément. Nos efforts ont porté sur des indicateurs de rendement potentiels pour les cliniques de fertilisation in vitro.

Des initiatives de ce genre recueillent certes leur part d'appuis, mais nous ne pouvons vraiment affirmer avoir trouvé une façon de rallier tous les intervenants. Cela signifie qu'il y aura toujours une certaine réticence, un manque de cohérence, si vous voulez, à l'égard de ce qui pourrait se faire sur une base strictement volontaire. C'est assurément ce qui nous a amenés à conclure qu'il faut créer une entité ou un organisme de réglementation national quelconque.

Lorsque la commission royale a rendu public son rapport, on a pu y lire une recommandation préconisant la création d'un organisme indépendant des institutions actuelles, mais tenu de faire rapport directement au Parlement. C'était là la nature de la recommandation figurant dans le rapport de la commission royale.

Par la suite, il y a eu une période prolongée de consultations. Encore l'hiver dernier, nous avons parcouru le pays pour nous entretenir avec un certain nombre d'intervenants et de représentants des provinces et des territoires. Nous leur avons expressément demandé de nous aider à définir et à peaufiner, si vous voulez, un cadre législatif et réglementaire exhaustif. Les opinions recueillies au cours de cet exercice donnent à penser qu'en général, les intervenants s'entendraient pour doter un organisme de réglementation des fonctions suivantes.

Parmi ces fonctions, citons une fonction stratégique qui permettrait à l'organisme de surveiller les enjeux et les percées à l'échelle nationale et internationale. Il concevrait et recommanderait les changements appropriés à la législation, à la réglementation ou même aux politiques existantes et les soumettrait au ministre.

Une autre fonction qui recueille une grande faveur est celle de l'homologation et de l'inspection. On s'attendrait à ce que le futur organisme délivre des permis aux personnes ou organisations compétentes pour fournir des traitements approuvés ou pour effectuer des recherches, et à ce qu'il en assure l'observance au moyen d'inspections. D'ailleurs, nous avons déjà parlé d'inspections auparavant.

Un autre domaine a évidemment fait l'objet de longues discussions, soit la collecte de renseignements médicaux et la nécessité d'avoir un registre public sur les donneurs ou sur les personnes issues de ces traitements. Les personnes consultées ont déclaré sans équivoque souhaiter que l'information concernant les résultats des traitements et de la recherche relatifs à la reproduction humaine assistée soit disponible.

Enfin, un organisme national comme celui-là pourrait vraisemblablement jouer un rôle dans le domaine des communications, le mot étant entendu dans son sens le plus large. Cela signifie qu'il pourrait mener des consultations auprès des divers acteurs pour résoudre certains problèmes ou préoccupations que ceux-ci pourraient avoir. Chose certaine, cet organisme pourrait fournir de l'information aux clients éventuels, les renseigner sur leurs options afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées quant à ce qu'ils veulent faire. Il pourrait être un centre d'expertise dans le domaine de la reproduction humaine assistée. Enfin, il pourrait certainement être chargé de renseigner la population canadienne sur les multiples enjeux de la procréation assistée, notamment en ce qui a trait aux percées de la recherche, etc.

• 1120

Ces cinq grandes fonctions ont fait l'objet d'un consensus intéressant. Nous sommes alors passés des fonctions à la forme, puisque la forme doit suivre la fonction. Une fois que l'on sait ce que l'on est censé faire, on peut essayer d'imaginer comment s'y prendre pour le faire. Par conséquent, dans le texte législatif proposé, on évoque la nature des pouvoirs dont il faudrait doter un tel organisme de réglementation pour qu'il puisse s'acquitter de ces fonctions.

Cependant, comme M. Manning l'a fait observer, c'est le recours à la juridiction pénale du gouvernement fédéral qui permettrait au ministre de la Santé d'appliquer une forme de surveillance fédérale dans ce secteur. Bon nombre des fonctions de nature administrative et réglementaire proposées dans l'ébauche du projet de loi s'inspirent de dispositions existantes contenues dans la récente Loi sur le tabac et dans la Loi sur les aliments et drogues et ses nombreux règlements.

Lorsque nous nous sommes attaqués à la forme que prendrait l'organisme de réglementation chargé de surveiller l'application de la loi et de la réglementation régissant la reproduction humaine assistée, nous avons fait un examen approfondi des instances et des régimes de réglementation d'autres pays, ainsi que des modèles et des exemples d'organes de réglementation existant dans le contexte canadien. Nous avons consacré un certain nombre de nos propres études à divers aspects des modèles de prestation de services, sur les meilleures pratiques de gestion et sur les recommandations concernant les cadres de réglementation. Nous avons essayé de vous fournir des documents de fond décrivant les modèles qui existent.

Les consultations que nous avons menées sur ces éléments nous ont aidés à déterminer quelles devraient être les caractéristiques fondamentales d'un tel organisme de réglementation. De toutes parts, on a vanté les mérites d'une large représentation qui ferait appel à des experts et à des représentants des disciplines concernées, ce qui favoriserait un examen et une discussion approfondis et, espérons-le, la possibilité de dégager un certain consensus à l'égard des enjeux auxquels les experts seraient confrontés.

Le régime devrait pouvoir réagir aux progrès techniques, aux enjeux ou aux préoccupations liés à la reproduction humaine assistée. Il va de soi qu'il devrait être en mesure de s'acquitter efficacement de son mandat.

On nous a énormément parlé de responsabilisation. Il faut que le régime puisse être un modèle de responsabilisation en ce qui concerne ses décisions, ses activités et ses résultats.

La transparence est un autre élément fondamental qui a été évoqué.

Le régime doit être suffisamment souple pour adapter le rôle et les fonctions qui sont les siens à des conditions ou à des besoins changeants. Nous avons été témoins de tellement de changements dans ce secteur que ce sera là une caractéristique fondamentale importante qu'il faudra intégrer au modèle qui sera retenu, quel qu'il soit.

Il faut également envisager l'efficience dont le gouvernement doit faire preuve dans le cadre de ses responsabilités et de ses opérations commerciales. En effet, il faudra allouer au régime des ressources suffisantes pour lui permettre de s'acquitter pleinement et efficacement de sa mission.

On s'est aussi passablement inquiété des rapports entre l'organisme de réglementation et le ministre. On souhaite manifestement que le ministre soit responsable de cette instance. Autrement dit, quelle que soit la structure de l'organisme de réglementation, il faudra qu'il ait un lien avec le ministre. Ce dernier pourrait envisager d'exercer un contrôle sur ses orientations stratégiques sans nécessairement avoir son mot à dire dans son fonctionnement quotidien.

Une fois toutes ces données réunies, nous nous sommes retrouvés avec un consensus généralisé parmi les intervenants externes, les groupes d'intérêt et les autres acteurs en faveur d'un organisme de réglementation externe, une régie ou un conseil doté d'une large représentation et tenu de faire rapport au ministre de la Santé.

La plupart des gens appuient l'idée d'un cadre de réglementation national pour éviter une mise en oeuvre incohérente des mesures d'application dans le pays, des variations d'une province et d'un territoire à l'autre. De façon générale, on semblait d'accord pour que les provinces et les territoires assument en totalité ou en partie les activités de réglementation, pour peu qu'elles le souhaitent, mais celles-ci devraient s'inscrire dans un cadre fédéral. Les représentants provinciaux et territoriaux avec lesquels nous nous sommes entretenus nous ont dit qu'ils n'avaient aucune objection au rôle que la mesure législative confère au gouvernement fédéral relativement aux actes prohibés.

• 1125

Cela dit, les opinions étaient partagées au sein des gouvernements provinciaux et territoriaux quant à savoir si cet organisme de réglementation devait être externe ou interne. Mais indépendamment du régime adopté, ces derniers craignent de devoir assumer des coûts supplémentaires associés à la mise en oeuvre ou à l'application de la réglementation relative à la procréation assistée.

Sous sa forme actuelle, la loi autoriserait le ministre de la Santé à créer un organisme de réglementation interne au ministère de la Santé. Voilà pourquoi nous discutons de cette question. Est-ce vraiment la voie que nous voulons suivre ou serait-il nécessaire d'apporter des changements en fonction du résultat de vos délibérations concernant un éventuel modèle de réglementation?

Certes, notre ministre a inclus parmi les options un organisme de réglementation externe, mais nous avons besoin de conseils supplémentaires. Nous espérons que le comité voudra bien nous prodiguer ces conseils, en tenant compte du fait que la création d'un organisme de réglementation fédéral externe pour régir la reproduction humaine assistée viendrait alourdir l'appareil gouvernemental. C'est une question qui relève de la prérogative du premier ministre, évidemment, de sorte que nous devons poursuivre la discussion dans ce domaine.

Comme je l'ai dit, nous avons collaboré étroitement avec un grand nombre d'intervenants externes qui, de façon générale, appuient la constitution d'un organisme de réglementation fédéral externe. Ses responsabilités devraient largement correspondre aux fonctions que j'ai identifiées, mais un organisme interne pourrait tout aussi bien assumer ces fonctions.

Le modèle mixte, basé sur la participation d'intervenants clés, a aussi suscité passablement d'intérêt. En l'occurrence, divers collèges de médecins et associations médicales joueraient un rôle, notamment en agréant, si vous voulez, les praticiens spécialisés dans la procréation assistée. Ils participeraient à l'élaboration de normes de pratiques dont certaines pourraient certes être mentionnées dans nos règlements. Les instances professionnelles d'agrément se sont volontairement proposées pour assumer des responsabilités dans ce domaine très important.

Pour ce qui est des coûts, je vous en toucherai quelques mots seulement. Évidemment, nous avons essayé d'avoir une idée des ressources qui seraient nécessaires pour créer et faire fonctionner un organisme de réglementation, selon le modèle que nous choisirons. Nous avons des estimations récentes qui établissent à sept millions de dollars environ les coûts de création et ensuite, à 7,5 millions les coûts de fonctionnement annuels.

Une partie de ces coûts assez considérables découle de l'élaboration de plans initiaux d'entreprise et de transition pour l'organisme de réglementation et le secteur dans son ensemble. Chose certaine, l'élaboration et l'application des règlements seront une tâche d'envergure, de même que la création du registre public prévu dans la mesure législative ainsi que l'affectation à l'organisme des ressources humaines et autres nécessaires. Que l'on opte pour la version externe ou interne, les coûts seront sensiblement les mêmes.

Voilà l'essentiel de ce que je voulais vous dire au sujet des fonctions et de la forme d'un éventuel organisme de réglementation et des considérations qui ont été les nôtres. Au moment opportun, je vous parlerai plus en détail des différents modèles. Nous sommes impatients de recevoir votre apport.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Michael Prince, professeur de politique sociale à l'Université de Victoria.

M. Michael Prince (professeur Landsdowne de politique sociale, Faculté du développement social et humain, Université de Victoria): Merci, madame la présidente.

Bonjour à tous. Je suis très heureux d'avoir été invité à m'adresser au Comité permanent de la santé sur la question de la reproduction humaine assistée.

Je crois savoir qu'on vous a distribué un document qui renferme les observations intégrales que je souhaite communiquer au comité. Je tiens à souligner qu'il s'agit là de mon opinion personnelle. Ce document n'a été ni commandé ni payé par qui que ce soit. C'est le fruit de ma réflexion indépendante en tant que professeur et observateur de la politique gouvernementale et de l'administration publique au Canada depuis de nombreuses années.

• 1130

Bon nombre de mes commentaires—et c'est heureux—viennent confirmer ou renforcer une partie de la réflexion de Santé Canada ainsi que les opinions d'un grand nombre d'intervenants qui ont été consultés au cours des dernières années. J'en conclus qu'un consensus est en train de se dégager au pays sur la façon de procéder et sur le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer.

Dans mon mémoire, je débute par certaines observations que je reprendrai brièvement. Premièrement, la prohibition, l'homologation et la surveillance relativement à la reproduction humaine assistée. Ce sont toutes là des questions d'orientation stratégique d'une importance cruciale et c'est ce qui m'amène à penser que le gouvernement—particulièrement le gouvernement fédéral—a un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Cela dit, il s'ensuit nécessairement qu'il faut confier au Parlement un rôle de surveillance directe et mettre fortement l'accent sur la responsabilité ministérielle envers le Parlement dans le contexte de ce rôle.

Deuxièmement, comme vous le savez très bien, de multiples valeurs sont en jeu dans ce domaine, y compris plusieurs valeurs porteuses de tensions et de compromis. D'ailleurs, j'en recense quelques-unes dans mon mémoire, à la case un. Elles sont toutes importantes. Elles sont toutes toujours présentes. Elles sont toutes incontournables. Ces valeurs et les efforts que nous déployons pour trouver un juste équilibre pour les mettre en pratique influent sur la conception d'un cadre de réglementation. Par conséquent, l'examen de l'ébauche de législation exige que nous nous penchions sur les valeurs énoncées dans la mesure et sur la nature des compromis qui y sont intégrés ou négligés.

Troisièmement, les débats sur l'orientation stratégique à l'échelle du pays mettent en cause bien plus d'aspects de la réglementation qu'on ne le réalise de prime abord. La réglementation ne se limite pas à l'ensemble des règlements énoncés dans la législation. On trouve également des règlements dans les accords intergouvernementaux, dans la législation subordonnée, dans les lignes directrices du ministère ou de l'agence ainsi que dans des normes professionnelles et des codes de pratiques. Dans ce domaine en particulier, je pense que les normes professionnelles et les codes de pratiques jouent et joueront un rôle critique dans tout cadre stratégique.

Quatrièmement, on voit rarement, en fait on ne voit pour ainsi dire jamais un organe de réglementation unique exercer un contrôle total sur l'ensemble d'un système de réglementation dans un domaine stratégique. Il faut envisager un régime de réglementation ou un système de gouvernance qui prévoie le partage des responsabilités. Je pense que c'est d'ailleurs là le message des hauts fonctionnaires de Santé Canada.

Dans mon mémoire, je recense également toute une gamme de fonctions importantes qui devraient faire partie intégrante du régime de réglementation. Ma liste est plus longue que celle de Santé Canada, mais cela importe peu. Ce n'est qu'une suggestion pour alimenter la réflexion sur la myriade d'activités qu'un organisme de réglementation et d'autres intervenants pourraient ou devraient jouer dans un secteur comme celui-là.

Encore une fois, cette liste peut être utile pour nous aider à déterminer dans quelle mesure cet avant-projet de loi fait place à l'une ou l'autre de ces fonctions. Y accorde-t-on suffisamment d'attention ou non? En a-t-on négligé certaines? Dans quelle mesure le projet de loi devrait-il se préoccuper de chacune d'elles en détail? Dans quelle mesure devrait-on confier leur élaboration aux responsables des instruments statutaires ou réglementaires désignés par un ministre ou une instance quelconque en vertu de la loi?

Permettez-moi d'aborder la question de savoir qui devrait assumer chacune de ces fonctions.

Un certain nombre d'entre elles sont déjà assumées au pays par certaines organisations gouvernementales ou non gouvernementales, sans pour autant que ce soit précisément dans le domaine de la reproduction humaine assistée. Santé Canada joue déjà un rôle, tout comme diverses organisations non gouvernementales telles que l'Association canadienne de sensibilisation à l'infertilité. Les conseils de recherche fédéraux contribuent à l'élaboration de la politique sur les principes de déontologie applicables à la recherche sur les humains. Un certain nombre d'autres organismes professionnels, d'associations médicales et de collèges sont également actifs dans ce domaine. Cela m'amène à conclure que quel que soit le régime de réglementation qui sera retenu par le gouvernement fédéral, il faudra qu'il s'inscrive dans un réseau d'organisations gouvernementales, de familles et d'organismes communautaires existants. La coordination et les liens seront critiques.

Parmi les autres raisons justifiant la spécialisation des rôles et, partant, la création de structures, citons la volonté d'accroître la participation des citoyens et la représentation des intervenants dans le processus et le désir d'éviter des conflits d'intérêts réels ou présumés. Voilà pourquoi je ne recommanderais pas un organisme de réglementation interne sous l'égide de Santé Canada. À mon avis, cela soulèverait de sérieuses inquiétudes au sujet de conflits d'intérêts réels ou présumés au sein de ce portefeuille. Dans mon mémoire, j'explique ce point un peu plus en détail.

• 1135

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour vous énoncer les grandes lignes du régime particulier que je proposerais au niveau du gouvernement du Canada. C'est là que je situe mon intervention. Je sais que les gouvernements provinciaux ont un rôle de premier plan à jouer. Je sais aussi que les collèges de médecins et les associations professionnelles seront également des acteurs importants. Mais ce matin, je m'attacherai au gouvernement du Canada.

Certaines questions concernant l'appareil gouvernemental ont déjà été évoquées. Premièrement, le ministre de la Santé et Santé Canada devraient être respectivement le ministre directeur et le ministère directeur dans le domaine de la reproduction humaine assistée. Je ne pense pas que cela soulève d'objections, de discussions ou de contestations. Deuxièmement, un organisme de réglementation externe, distinct du ministère et pourtant faisant partie du portefeuille du ministre de la Santé, devrait être créé et relever directement du ministre. Troisièmement, un comité consultatif devrait être mis sur pied et réunir une large représentation de familles, de représentants des milieux médicaux et scientifiques, des organisations de défense des femmes, entre autres, qui fasse aussi directement rapport au ministre. Dans mon mémoire, j'illustre au tableau 1 une distribution possible des principales fonctions à chacune de ces trois composantes du régime.

Permettez-moi d'évoquer les trois principales composantes, à commencer par le ministre de la Santé et Santé Canada. Aux termes de la Loi sur le ministère de la Santé nationale et du Bien-être social, un certain nombre de fonctions et de responsabilités sont déjà énumérées. À l'examen, elles s'adaptent harmonieusement au domaine de la reproduction humaine assistée. Certains pouvoirs et fonctions sont déjà assignés au ministre de la Santé pour ce qui concerne la promotion et le maintien de la santé physique et mentale et du bien-être social de la population du Canada; la protection de la population du Canada contre les risques pour la santé; la recherche sur la santé publique; la collecte, l'analyse et la diffusion de l'information; etc. Mais en ce qui a trait à la reproduction humaine assistée en particulier, les rôles du ministre énoncés dans l'avant-projet de loi pourraient englober la coordination des politiques à l'échelle du gouvernement du Canada, en sa qualité de ministre responsable; la responsabilité et la direction générale de l'organisme de réglementation; l'élaboration des politiques et des normes relatives à la reproduction humaine assistée, le pouvoir de conclure des accords d'équivalence avec tous les gouvernements provinciaux ou territoriaux qui choisiraient d'y être parties, ce qui lui accorderait conséquemment le pouvoir de substituer la législation et la réglementation fédérales à la législation provinciale ou territoriale dans ce champ de compétence; et enfin, la responsabilité d'évaluer l'efficacité des activités de l'organisme de réglementation. Je propose d'ajouter ces responsabilités dans l'avant-projet de loi.

La mesure législative elle-même devrait énoncer formellement le principe de l'équilibre des rapports entre Santé Canada et le ministre d'une part, et l'organisme de réglementation, d'autre part. La mesure pourrait préciser que le ministre de la Santé est chargé d'élaborer les politiques et les normes relatives à la sécurité et à l'efficacité des techniques de reproduction et de génétique au Canada. En outre, le ministre pourrait être spécialement chargé de l'évaluation financière et administrative de l'efficacité des activités d'inspection et de contrôle d'application de l'organisme pour s'assurer qu'elles respectent les politiques et les normes en matière de santé et de sécurité. Cependant, ni le ministre de la santé ni le ministère ne devraient prendre part au fonctionnement quotidien de l'organisme.

Deuxièmement, je recommande la création d'un nouvel organisme de réglementation. Par là, j'entends une organisation fédérale semi-indépendante basée sur une loi et dotée d'un chef de direction et d'un conseil d'administration qui feraient directement rapport au ministre de la Santé.

À la lecture de l'avant-projet de loi, j'ai constaté qu'un certain nombre de possibilités ont déjà été envisagées au chapitre des accords intergouvernementaux et des partenariats avec des organisations médicales et scientifiques professionnelles. Il va de soi que l'aménagement organisationnel de cet organisme de réglementation doit être marqué sous le sceau de la souplesse et de la capacité de réaction. Pour être en mesure de promouvoir et de conclure des arrangements souples et novateurs, cette instance doit être exempte des contrôles bureaucratiques habituellement applicables à un ministère hiérarchique. Dans mon mémoire, vous trouverez une liste des principales caractéristiques d'un organisme de réglementation tel que je le conçois.

Les observations qui vont suivre pourraient être intégrées à l'avant-projet de loi, sous la forme d'une nouvelle section, ou constituer la base d'une autre mesure. Je vais laisser au comité le soin d'y réfléchir.

• 1140

D'après la Loi sur la gestion des finances publiques, un «établissement public» se définit comme suit: un mandat; un conseil de gestion d'entreprise doté d'une plus grande autonomie qu'un ministère ordinaire; un chef de direction ou président nommé par le gouverneur en conseil pour un mandat de cinq ans, avec rang de sous-ministre, chargé de diriger les opérations quotidiennes; un conseil d'administration de taille modeste—de cinq à neuf membres tout au plus, nommés par le gouverneur en conseil après consultation avec les gouvernements des provinces et des territoires; l'obligation de faire rapport directement au ministère de la Santé; l'obligation de soumettre un rapport annuel et un plan stratégique à l'approbation du ministre au moins tous les cinq ans, les deux documents étant déposés d'office à la Chambre des communes et au Sénat; et une assiette budgétaire fondée largement, sinon exclusivement, sur les crédits parlementaires. Voilà qui m'amène à la question du financement.

L'ébauche de la législation ne fait aucunement mention de l'imposition de droits ou d'une politique de recouvrement des coûts. Il est nécessaire que cela y figure. Il faut absolument que des dispositions précisent les modalités de financement. À mon avis, l'organisme de réglementation pourrait couvrir certains coûts en imposant des droits, mais la majeure partie de son budget viendrait des crédits votés périodiquement par le Parlement.

Le troisième élément du régime que je propose vise un comité consultatif canadien sur la reproduction humaine assistée. Un comité indépendant est valable pour diverses raisons: recruter des experts, relever le profil du domaine, assurer une large représentation des intérêts publics et des diverses valeurs et appuyer la capacité des décideurs de réagir rapidement à l'évolution et aux tendances dans ce domaine caractérisé par des changements rapides et constants.

Étant donné que les technologies de procréation assistée sont un bien collectif ayant de profondes implications éthiques et sociales, le comité consultatif devrait être parrainé et financé par le gouvernement. Je ne conçois pas que ce soit une fondation sans but lucratif ou une organisation de partenariat entre le secteur public et privé. Un intérêt public trop important est en jeu. De nombreux pays où les gouvernements ont créé de telles structures pour traiter de principes éthiques et sociaux ont généralement établi un processus de réglementation distinct. Les responsables de la réglementation ne cumulent pas les fonctions de conseillers et d'éthiciens.

D'aucuns estiment sans doute que certaines instances consultatives existantes au niveau fédéral pourraient jouer ce rôle pour peu qu'on les adapte. D'après moi, même sous une forme différente, des organismes comme le Comité consultatif canadien de la biotechnologie ne sont tout simplement pas adaptés à un tel mandat. Ils ont déjà une taille imposante ainsi qu'une lourde mission et des responsabilités qui leur sont propres. Par conséquent, je suis arrivé à la conclusion qu'un nouveau comité consultatif permanent est nécessaire pour s'acquitter d'un certain nombre de fonctions: prodiguer des conseils au ministre, au gouvernement et au Parlement en ce qui concerne la santé, la sécurité ainsi que les aspects scientifiques, culturels, sociaux et éthiques de ces technologies; servir de porte-parole aux groupes qui sont traditionnellement marginalisés dans le processus décisionnel; accroître la sensibilisation et la compréhension du grand public et promouvoir la participation de tous les Canadiens aux discussions sur ces enjeux cruciaux.

Encore une fois, vous trouverez dans mon mémoire un certain nombre de caractéristiques que devrait afficher un comité consultatif national. Je préconise que la mesure législative en dicte le mandat et la nature et que le comité fasse directement rapport au ministre. En outre, tous ses rapports, ses plans de travail et ses recherches devraient être rendus publics, en langage clair dans la mesure du possible.

Ce serait un comité multinominal réunissant au minimum 12 personnes et au maximum 18. Pour ce qui est de sa composition, il compterait des représentants de multiples sphères, dont des hommes et des femmes stériles, des personnes—ou leurs porte- parole—issues de technologies de reproduction et de génétique, des profanes intéressés, des éthiciens, des chercheurs scientifiques dont des généticiens, des cliniciens médicaux, dont des infirmières, des obstétriciens ou des gynécologues, des personnes handicapées, des groupes de femmes consommatrices de ces technologies et des représentants des diverses confessions religieuses.

Ces personnes ne seront pas les champions d'une cause, mais des citoyens bien informés issus de divers segments de la société canadienne, qui apporteront un bagage professionnel, une expertise et des expériences de vie différentes et qui seront mus par le désir de servir l'intérêt public dans le respect de la loi du Parlement. Je propose que l'on inclue dans la future mesure législative un passage en ces termes au sujet du comité consultatif et de sa composition.

• 1145

Madame la présidente, permettez-moi de me résumer.

Les enjeux entourant les technologies de reproduction de génétique transcendent manifestement les simples questions de mécanique gouvernementale, mais nous vivons dans une société organisée, une société au sein de laquelle les structures institutionnelles sont importantes. Elles le sont par les valeurs ou les principes qu'elles véhiculent, par la façon dont divers types de savoir et de connaissances sont traités et gérés, par les rapports de responsabilisation qui sont forgés et par la façon dont elles influencent la perception et la confiance de la population dans le domaine de l'orientation stratégique.

À la lumière des attentes de la population du Canada, des ressources et des tendances scientifiques et médicales et des pratiques internationales, il existe déjà des modèles acceptables et réalisables dont il est possible de s'inspirer pour concevoir un régime de réglementation applicable à la reproduction humaine assistée au Canada. Pour déterminer quelles sont les activités autorisées et prohibées, on devrait se fonder sur les données les plus pointues de la science et de la médecine de même que sur un examen éthique sur l'apport opportun du grand public à la discussion.

Madame la présidente, j'ai décrit dans ses grandes lignes un régime de réglementation doté de trois grandes composantes: un rôle important pour le ministre de la santé et pour Santé Canada; un nouvel organisme de réglementation; et un nouveau comité consultatif national. Bien que l'organisme que je propose soit distinct de Santé Canada, j'estime qu'il devrait être subordonné aux exigences de la responsabilité ministérielle et de la surveillance du Parlement. Le travail effectué tant par l'organisme que par le comité consultatif que j'envisage rapprocherait le gouvernement fédéral des autorités provinciales, des associations professionnelles, des autres groupes intéressés ainsi que des familles et l'aiderait à comprendre leurs rôles et responsabilités.

Comme les membres du comité le savent bien, rien de tout cela ne figure dans l'ébauche de la législation. Une version quelconque de ces éléments doit être incluse dans la mesure ou dans un projet de loi distinct expressément conçu pour établir le régime.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci, monsieur Prince.

Je demanderais maintenant au représentant du Bureau du vérificateur général de me conseiller. Monsieur Gilmore, est-ce vous qui deviez faire l'exposé ou M. McLaughlin?

M. Alan Gilmore (directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada): Nous avions l'intention de nous diviser la tâche. Je peux me lancer et vous communiquer diverses parties de notre déclaration liminaire. Cela serait peut-être utile.

La présidente: Oui, je le pense.

M. Alan Gilmore: Tout d'abord, je vous présente mes excuses au nom de notre bureau et de Mike McLaughlin. Ce dernier a dû aller à des funérailles ce matin. Nous croyions que les exposés seraient présentés à la suite les uns des autres, de sorte qu'il prévoyait arriver à midi. Je vous présente ses regrets.

Je m'appelle Alan Gilmore et j'ai été chargé du chapitre 24 du rapport présenté par le vérificateur général au Parlement en décembre 2000. Le chapitre 24 portait sur les résultats de notre vérification des programmes de réglementation fédéraux en matière de santé et de sécurité. J'ai aussi assuré la coordination des autres chapitres pertinents, soit les chapitres 25 à 28.

Le chapitre 24 définit les principaux défis et les principales forces et faiblesses des programmes de réglementation, ainsi que les mesures qui pourraient être prises pour apporter des améliorations notables. Notre vérification traite de vastes questions sectorielles touchant ces programmes. Autrement dit, nous ne nous sommes pas intéressés de façon détaillée à un programme précis et à son fonctionnement. Nous avons plutôt tenté de déceler des tendances dans l'ensemble des programmes de réglementation fédéraux en matière de santé et de sécurité.

Pour la gouverne du comité, je signale que lorsque nous faisons des vérifications, nous nous servons de certains critères pour évaluer si les programmes visés fonctionnent de façon efficiente, économique et efficace. D'une certaine façon, ces critères établissent ce qui constitue de bons programmes.

Dans le chapitre, nous avons cerné des principes importants qui sont la pierre angulaire de bons régimes de réglementation. Il pourrait être utile que je décrive au comité les principes qui, selon nous, doivent être pris en compte pour décider d'une approche en matière de réglementation, particulièrement dans un secteur controversé et nouveau sur le plan scientifique.

Les approches de réglementation en matière de santé et de sécurité s'appuient généralement sur des modèles traditionnels de réglementation—par exemple, l'administration par Santé Canada du régime de réglementation des médicaments ou l'administration de règlements par des organismes distincts comme la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

• 1150

Le recours à des organismes gouvernementaux reflète la gravité des risques pour la santé et la sécurité, et les responsabilités du gouvernement pour protéger la santé et la sécurité de ses citoyens. Toutefois, d'autres approches pourraient être évaluées pour déterminer si elles répondent mieux à un besoin de réglementation en particulier. Nous recommandons qu'une telle évaluation soit axée sur le respect par le régime des principes clés pour l'établissement de régimes de réglementation appropriés et sur la manière dont les responsabilités seraient attribuées aux ministres et aux fonctionnaires.

Voici quelques-uns de ces principes: assurer la reddition de comptes au Parlement; définir une éthique et des valeurs claires ainsi que des codes de pratique; assurer une évaluation appropriée des risques; établir des régimes efficaces d'inspection et de mise en application; communiquer au Parlement une information complète sur le rendement au moyen d'indicateurs pertinents. Vous trouverez en annexe de notre déclaration d'ouverture une liste complète des critères auxquels nous avons recours dans nos évaluations.

Nous proposons que le comité envisage de demander aux ministères responsables—en l'occurrence, Santé Canada, et si vous abordez des questions de mécanique gouvernementale, le Bureau du Conseil privé—de lui fournir une analyse des options fondées sur ces principes comme critères. Qui relèverait de qui? Qui serait responsable de quoi? Par exemple, le comité voudra peut-être demander de l'information résumée sur une feuille sommaire pour déterminer le degré d'observance des principes que nous avons identifiés. Cela permettrait aux membres du comité de déterminer les secteurs pour lesquels il leur faudrait plus de précisions et de poser des questions sur la façon dont fonctionnerait une approche donnée par rapport à d'autres.

Compte tenu de nos travaux, nous croyons également que le comité voudrait peut-être envisager de recommander une façon qui permettrait au Parlement de scruter le mieux possible le régime de réglementation. Il faudrait, entre autres, se poser les questions suivantes: Devrait-on établir une mesure de temporarisation exigeant un examen parlementaire complet après une période de cinq ans? Quel type de rapport de rendement serait le plus utile aux parlementaires? Quel genre d'information désirez-vous obtenir, de qui voulez-vous l'obtenir et quel niveau d'assurance de l'exactitude de cette information désirez-vous avoir?

Madame la présidente, voilà qui met fin à notre déclaration d'ouverture. Je répondrai volontiers aux questions des membres du comité.

La présidente: Merci, monsieur Gilmore.

Mesdames et messieurs, nous avons entendu trois exposés. Nous allons maintenant entamer la période des questions, en commençant par M. Manning.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Je voudrais remercier les témoins de leurs exposés. Comme plusieurs d'entre vous l'ont signalé, c'est un sujet qui n'est pas vraiment abordé de façon approfondie dans l'ébauche de projet de loi, et nous devons donc déblayer le terrain.

Nous sommes nombreux, parmi les membres du comité, à avoir entendu des arguments en faveur de l'indépendance de cet organisme de réglementation, ce qui donne à penser qu'il faudrait créer un organisme externe qui ne relèverait pas du gouvernement. Je pense qu'il y a de bonnes raisons qui militent en faveur d'un tel scénario. Je suis conscient que les pires abus commis au XXe siècle dans le domaine de la génétique et des techniques de reproduction ont été commis par des gouvernements et non pas par le secteur privé. Nous devons tous y voir une mise en garde et ne pas perdre de vue que cet organisme doit être en mesure de réglementer le gouvernement et les laboratoires gouvernementaux, en plus du secteur privé.

En posant l'hypothèse que l'indépendance est une caractéristique importante, je pense que la question que beaucoup d'entre nous se posent est de savoir comment obtenir que cet organisme rende des comptes. En un sens, les deux exigences sont contradictoires. On crée un organisme qui est indépendant du ministre dans une certaine mesure, mais comment alors obtenir qu'il rende compte de ses décisions, en particulier au Parlement?

Nous avons eu l'expérience de ce que l'on appelle des organismes de réglementation quasi-judiciaires. Quand on pose des questions au ministre à leur sujet, il répond: «Un instant, vous avez créé un organisme que vous vouliez indépendant, autonome. Ne venez pas ensuite me demander pourquoi il a fait ceci ou cela.» Je me demande donc si vous pourriez nous aider en cataloguant l'éventail des outils que l'on peut utiliser pour obliger un organisme de réglementation indépendant à rendre des comptes au Parlement et à la population du Canada.

• 1155

M. Alan Gilmore: Les deux modèles qui existent et qui sont le plus souvent utilisés s'inscrivent dans le domaine de la santé et de la sécurité. Il y a la Commission canadienne de sûreté nucléaire, qui est essentiellement ce que l'on décrit ici. C'est un organisme distinct. Il est habilité à prendre des règlements, quoique les règlements doivent ensuite être approuvés par le Parlement et soient assujettis à l'examen conjoint des comités de la Chambre et du Sénat. Il est doté d'un conseil d'administration et d'un comité consultatif, il fait ses propres évaluations du risque, il s'occupe lui-même de faire respecter ses règlements et de faire des inspections, et il est censé faire rapport au Parlement.

Les mécanismes que vous utiliseriez en tant qu'instance parlementaire dépendent du genre d'information que vous voulez obtenir... Mais peut-être que j'anticipe.

La responsabilité des ministres à l'égard des entités publiques ou distinctes fait l'objet d'un débat depuis un certain temps. Vous voudrez peut-être envisager de préciser dans la loi la responsabilité du ministre compétent, qu'il s'agisse du ministre de la Santé ou d'une responsabilité partagée avec un autre ministre. Précisez quelles seront les responsabilités de ce ministre.

Sur le plan de la démarche parlementaire, comme d'autres l'ont dit tout à l'heure, les outils disponibles sont de préciser les échéances pour la présentation de rapports, la nature des rapports que vous voulez, et les assurances que vous voulez avoir quant à l'exactitude du rapport. Par exemple, pour l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le vérificateur général est tenu de donner son opinion sur les rapports de rendement présentés par cette agence. Nous ne sommes pas tenus de procéder ainsi pour la plupart des entités.

Vous pourriez envisager de pouvoir convoquer... vous pourriez établir un régime dans lequel, tous les trois ou cinq ans, un examen serait fait automatiquement. Le Parlement et l'entité connaîtraient les échéances, qui seraient précisées dans la loi, pour l'obtention des renseignements voulus et la présentation des rapports. Vous demanderiez le rapport de rendement ou le plan stratégique et les assurances relativement à ces plans avant la réunion du comité.

M. Preston Manning: Vous n'avez peut-être pas besoin de répondre à cela tout de suite; le ministère pourrait probablement nous faire parvenir une note de deux pages avec une liste. Mais nous connaissons tous les mécanismes standards pour obliger les gens à rendre des comptes, comme l'identité de l'autorité qui nomme les membres de l'entité, la présentation de rapports au Parlement, ou l'intervention du vérificateur général. Ce sont des mécanismes standard. Mais je me demande si l'on ne pourrait pas envisager quelque chose d'extraordinaire, parce que cet organisme de réglementation traite d'un domaine extraordinairement sensible. Ce qui est en jeu, c'est la vie humaine et sa transmission à la prochaine génération. Existe-t-il des instruments spéciaux? J'ai remarqué que dans le cas de l'organisme de réglementation britannique, les codes de pratique doivent être approuvés par le ministre. Si je comprends bien, le Parlement britannique doit adopter une résolution pour officialiser ces règlements et peut y opposer son veto.

Peut-être que nous ne voulons pas nous lancer là-dedans tout de suite, mais je pense que ce serait utile que nous ayons une liste de toutes les manières possibles d'obliger un organisme indépendant à rendre des comptes à la population canadienne, et pas seulement les méthodes standard, mais peut-être aussi des mesures extraordinaires, compte tenu de la nature extraordinaire de l'organisme en question.

M. Alan Gilmore: Je précise que le comité mixte de la Chambre et du Sénat, après avoir examiné des règlements, pourrait recommander d'y apporter des modifications.

Vous demandez s'il est possible de prendre des mesures extraordinaires. Cela pourrait se faire. Si vous invitez les gens de Santé Canada à examiner la question, ceux-ci pourraient aussi étudier les mesures existantes et voir comment elles pourraient être utilisées. Le Parlement possède un certain nombre d'outils qui ne sont peut-être pas utilisés autant qu'ils pourraient l'être.

C'est mon seul commentaire. Je pourrais en dire plus, si l'on m'y invite.

M. Preston Manning: Vous avez énuméré dans vos exposés un certain nombre de caractéristiques que devrait avoir cet organisme de réglementation: l'indépendance, la responsabilité, la transparence, la compétence technique, et la liste se poursuit, mais il me semble que l'une des caractéristiques particulières qui doit être le propre de cet organisme, c'est l'intégrité et l'autorité morale. Il va prendre des décisions sur des questions qui, aux yeux du public, mettront en cause le bien et le mal, parce qu'il faudra fouiller toutes ces questions d'ordre moral. Je pense donc qu'il faut y accorder une attention spéciale. Comment investir un organisme de réglementation de l'intégrité et de l'autorité morale? C'est une question vraiment épineuse.

• 1200

Je me demande si vous avez des suggestions à faire sur ce que l'on pourrait prévoir dans la loi habilitante pour conférer à l'organisme une telle autorité. Comment inscrire dans la loi une dimension morale et religieuse? Nous n'oublions pas qu'un tribunal de la Colombie-Britannique, dans une affaire de pornographie il y a deux ou trois ans, a rejeté des arguments contre la pornographie fondés sur la foi religieuse en citant l'ancien juge en chef de la Cour suprême qui avait dit que le Canada est une société laïque. Ce groupe a présenté des arguments techniques au tribunal, mais sa position n'était pas solide. Pouvez-vous nous dire s'il existe des moyens de rédiger la loi de manière à conférer à l'organisme de réglementation une intégrité et une autorité morale et éthique et de garantir qu'il fera droit aux arguments fondés sur des considérations éthiques et morales?

M. Michael Prince: Des professeurs voudront peut-être s'aventurer à répondre à cette question, mais les fonctionnaires pourraient être un peu réticents à le faire.

M. Preston Manning: C'est une question professorale.

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Prince: J'ai ma titularisation, et je peux donc...

Des voix: Oh, oh!

M. Michael Prince: Comme vous le savez probablement, la législation de l'État de Victoria, en Australie, traite des critères de représentation. La loi britannique est un peu plus vague là-dessus, mais il y a moyen d'y parvenir, selon le degré de confort du gouvernement et du Parlement quant à savoir jusqu'où l'on est prêt à aller dans la rédaction d'une disposition de la loi. Il existe déjà des dispositions de ce genre dans d'autres lois fédérales créant d'autres entités, notamment l'Agence spatiale, l'Agence d'inspection des aliments et d'autres encore, lois qui comportent des clauses de représentation plus ou moins longues. Ces dispositions ne sont pas exhaustives; elles n'imposent pas d'obligations, mais offrent plutôt des suggestions visant à servir de guide au ministre et au gouverneur en conseil quant aux attentes relatives à la nature des groupes représentatifs, mais sans en limiter la portée. Il y aura peut-être au Parlement un débat très sain quant à l'opportunité d'inclure les confessions religieuses dans de tels groupes. Je trouve que cet aspect de la question doit être discuté ouvertement.

Je suis d'avis qu'un conseil consultatif national serait un élément important pour prendre en compte les considérations éthiques, juridiques et spirituelles. Et je conçois un conseil de réglementation qui serait un conseil d'administration restreint, bien que cela ne signifie pas que l'un des cinq à neuf administrateurs membres du conseil ne puisse pas être en même temps un éminent scientifique ou éthicien ou quoi que ce soit, en plus de ceux qui posséderaient les compétences financières et administratives nécessaires pour diriger cette organisation.

M. Preston Manning: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous préférez le modèle du conseil consultatif? L'autre modèle est de créer un organisme de réglementation chargé de présider à une sorte d'arène réglementaire dans laquelle tous les intérêts, éthiques, techniques, scientifiques, rivalisent et font valoir leur point de vue, par opposition à un conseil consultatif où l'on s'efforce d'obtenir une représentation équilibrée. Je crois comprendre que vous favorisez le modèle du conseil consultatif par opposition à la création d'une tribune ouverte de réglementation.

M. Michael Prince: À mes yeux, ce ne sont pas des choix mutuellement exclusifs. Je ne mettrais pas tous mes oeufs dans le même panier, parce que ce sont par ailleurs des modèles assez répandus au XXe siècle. Je pense que c'est un domaine des affaires publiques qui exige impérativement une plus grande transparence et ouverture de façon continue. À mes yeux, ce ne serait pas seulement lorsqu'une demande est présentée et déclenche l'intervention des groupes qui défendent chacun leur position; ce serait plutôt un processus continu.

J'estime que la commission royale en est arrivée à cette conclusion après de nombreuses années d'étude et a recommandé que l'organisme relève du Parlement, ce à quoi je ne m'oppose pas. Je propose qu'il relève du ministre, mais ce pourrait être une autre façon de donner suite à votre désir de donner davantage de pouvoirs au Parlement dans le régime de reddition des comptes.

À mes yeux, la communication et la sensibilisation du public ont une place permanente dans ce dossier. Cet organe peut s'en charger, tandis qu'un organisme de réglementation pourrait se mettre dans le pétrin. Il pourrait y avoir perception de conflits d'intérêts. Les agences d'inspection des aliments se butent à ce problème. À partir de quand l'information commence-t-elle à être perçue comme de la promotion? À partir du moment où l'on a l'impression que l'on fait la promotion de méthodes de biotechnologie ou d'aliments modifiés génétiquement, donnant aux Canadiens l'impression que l'organisme fait de la promotion au lieu de se contenter de faire régner l'ordre dans le secteur?

• 1205

Donc, en confiant tout le dossier à l'organisme de réglementation, vous risquez de créer des conflits d'intérêts réels ou imaginaires, pour cette raison ou à cause du travail de sensibilisation du public.

Je répète qu'il faut faire des choix, mais je vous indique dans quelle direction je penche.

La présidente: Monsieur Lunney.

M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Chose certaine, on nous a présenté ici aujourd'hui des modèles intéressants, à commencer par Santé Canada qui nous a parlé d'un modèle interne, à l'intérieur du ministère, après quoi il a été question d'un modèle externe et ensuite de ce programme en trois volets dont le professeur Prince nous a entretenus, commençant par le ministre et ses responsabilités, l'organisme de réglementation séparé, et le comité consultatif séparé.

En plus des questions que M. Manning a déjà posées, on a soulevé tout à l'heure la question des coûts, peu importe que le modèle soit interne ou externe. Vous avez mentionné qu'il en coûterait environ sept millions de dollars pour créer l'organisme et ensuite environ 7,5 millions de dollars pour le faire fonctionner.

Monsieur Prince, vous avez laissé entendre qu'en plus d'un organisme de réglementation et d'un comité consultatif, il faudrait que le tout soit également financé par les contribuables sous la forme d'un organisme beaucoup plus imposant composé de 12 à 18 personnes. Combien coûterait à votre avis une deuxième organisation et qu'en penserait le contribuable?

M. Michael Prince: Je ne perds pas de vue le fait que nous sommes ici en présence d'un représentant du Bureau du vérificateur général, qui a probablement des réflexions et des éléments de réponse là-dessus.

À mes yeux, ce ne serait pas un conseil très coûteux. J'envisage plutôt un conseil qui se réunirait deux ou trois fois par année seulement. Il ne nécessiterait pas une lourde bureaucratie. Il suffirait d'un petit secrétariat pour l'appuyer.

Par ailleurs, je ne rejette pas la possibilité, une fois que le régime sera établi et que nous aurons acquis une certaine expérience, de réexaminer les arrangements financiers. Certaines provinces pourraient s'inscrire au régime en concluant des ententes d'équivalence. Il devrait y avoir un régime de contrepartie avec les collèges de médecins et les sociétés professionnelles et scientifiques. S'ils veulent jouer un rôle majeur et avoir voix au chapitre dans l'élaboration des politiques, peut-être doivent-ils contribuer au financement du processus. Cela devrait faire l'objet de discussions.

Dans dix ans, les arrangements de financement pourraient être très différents du modèle auquel je songe comme point de départ. Il faudrait peut-être prévoir un libellé de portée générale dans le projet de loi pour permettre une telle évolution du régime. Ou bien, s'il y avait un examen après cinq ans, comme le propose le Dr Gilmore, cela pourrait faire partie de la discussion à ce moment-là. Où en sommes-nous maintenant? Comment pouvons-nous financer le régime? Qui joue effectivement un rôle? Quels sont les véritables intérêts, la capacité et la participation des collèges de médecine et des organisations professionnelles et scientifiques dans notre pays, que ce soit pour l'accréditation ou dans d'autres domaines?

La présidente: Mme Ferderber voudrait intervenir sur cette question.

Mme Rhonda Ferderber: Merci.

J'ai été particulièrement frappée, monsieur Prince, par la similitude et la complémentarité de bon nombre de vos observations. En réponse à la question, je voudrais donc préciser que notre calcul d'environ 7,5 millions de dollars pour le budget annuel de fonctionnement tenait compte de la possibilité qu'un conseil consultatif soit ajouté au régime. Quant aux chiffres absolus, nos calculs sont quelque peu différents. Nous en sommes arrivés à une somme un peu plus importante. Mais nous avons envisagé l'option de créer un comité consultatif, vu les mérites d'un tel arrangement, et nous en avons certainement tenu compte dans notre calcul qui nous a permis d'en arriver à la somme de 7,5 millions de dollars.

M. James Lunney: Avez-vous, dans vos calculs, pris en considération l'apport financier de l'industrie, qui permettrait l'autonomie financière fondée sur les droits et les permis, du moins en partie, ou bien votre budget était-il entièrement financé à même les deniers publics?

Mme Rhonda Ferderber: Le financement est essentiellement assuré par les deniers publics, bien qu'il y ait des discussions sur toute la question du recouvrement des coûts. Mais au point où nous en sommes dans l'établissement des coûts, et pour obtenir une meilleure idée des coûts réels, nous nous sommes limités à ce que le gouvernement fédéral pourrait avoir à offrir.

M. James Lunney: Compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent maintenant sur tous les gouvernements, personne ne semble disposé à payer plus d'impôts. Nous subissons assurément de lourdes contraintes, mais le public tient vraiment à ce que l'argent de ses impôts soit consacré à des services qu'il utilise, et je crois donc que nous devrons envisager de faire en sorte que ces organismes soient financièrement autonomes dans toute la mesure du possible.

• 1210

Dans un autre ordre d'idées, M. Gilmore a fait une suggestion que nous n'avions pas entendue auparavant au comité ou qui ne nous était peut-être pas venue à l'esprit, à savoir comment nous pourrions faire l'examen d'un régime de réglementation. Il a évoqué certaines possibilités, notamment une clause de temporarisation exigeant un examen parlementaire approfondi après une période de cinq ans.

Une autre suggestion était d'étudier certains aspects controversés du projet de loi à l'étude, en particulier ce qui touche la recherche sur les embryons. L'utilisation de cellules souches adultes donne lieu à des percées spectaculaires. Certaines réalisations n'étaient même pas imaginables il y a six mois ou un an, comme les travaux de la Dre Freda Miller avec des cellules épidermiques, etc. Des cellules dont on pensait qu'elles n'étaient pas tellement souples semblent maintenant extraordinairement prometteuses et peut-être avez-vous présenté un moyen pour le comité de se pencher sur la question. Peut-être devrions-nous envisager une clause de temporarisation interdisant certains types de recherche, afin d'injecter de l'argent dans les domaines qui semblent les plus prometteurs en termes de recherche sur les cellules souches adultes. Je pense que vous avez soulevé une question intéressante.

Pourriez-vous préciser quelle était votre intention quand vous avez évoqué la possibilité d'une clause de temporarisation? Ou bien était-ce un commentaire de portée générale?

M. Alan Gilmore: J'aurais plusieurs observations à faire.

Pour revenir à ce qu'on a dit tout à l'heure au sujet de l'éthique et des valeurs et de la façon de les intégrer dans des organisations, nous avons rédigé un chapitre sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique en mai 2000. On y décrit les procédures et les politiques que l'on peut mettre en place dans une organisation pour garantir le respect des valeurs et de l'éthique. Pour un organisme de réglementation de cette nature, nous pourrions en fait envisager d'inscrire un code d'éthique dans la loi elle- même, de même qu'une exigence relative à un code de pratique qui serait exigé par la loi et qui serait approuvé par un comité parlementaire. Nous avons fait tout un chapitre là-dessus. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je voulais attirer votre attention sur ce point.

Pour ce qui est des coûts estimatifs, les activités de base de ces organisations consistent à faire des règlements, des consultations, des inspections et des évaluations du risque. Si vous ignorez combien d'argent est consacré à ces activités, vous ne pouvez pas savoir si les montants calculés correspondent à la réalité. Il y a des compromis. Si vous voulez avoir l'assurance que tout va bien, il faudra prévoir un certain niveau d'expertise et d'argent pour faire la surveillance et les évaluations du risque. Il faudra le même montant pour faire les inspections. Dans notre chapitre, nous avons signalé à maintes et maintes reprises que lorsque l'évaluation du risque n'est pas solide, les régimes d'inspection et d'exécution ne sont pas adéquats.

Ce qui se rapproche le plus de ce dont vous parlez ici, ce sont les règlements sur le sperme que Santé Canada administre déjà. Quand nous avons fait une vérification là-dessus dans le rapport de décembre 2000, nous avons constaté d'importants problèmes qui étaient passés inaperçus pendant pas mal de temps. C'est vrai que Santé Canada avait remédié à la situation avec le temps, mais il y avait de graves problèmes. C'est donc un domaine assez analogue pour vous donner une idée des anicroches qui peuvent surgir.

Pour ce qui est d'un examen imposé par une clause dans la loi, si vous deviez exiger dans la loi l'élaboration d'un plan de réglementation, c'est-à-dire quels règlements doivent être pris et quelle en sera l'incidence, si vous deviez exiger que les évaluations du risque soient déposées, si vous deviez exiger qu'un régime d'exécution et de surveillance soit déposé en même temps qu'une évaluation permettant d'établir si le tout fonctionne bien ou non, vous pourriez au moins obtenir l'information qui vous permettrait de partir du bon pied. Si vous voulez ajouter des clauses de temporarisation, d'une manière, cela vous permettrait au moins de disposer des éléments d'information dont vous auriez besoin pour l'examen en profondeur après cinq ans.

[Français]

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Thibeault, c'est à vous.

Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci, madame la présidente.

Bonjour, mesdames et messieurs. M. Lunney a déjà posé la question que je voulais vous soumettre. J'aimerais malgré tout approfondir le sujet.

M. Lunney a mentionné le mot «industrie» parce que, probablement comme moi, il a entendu beaucoup de témoins nous parler de l'industrie.

• 1215

Cette industrie, de toute évidence, compte faire des profits. En fait, c'est une industrie des plus lucratives, selon eux. C'est du moins ce qu'ils espèrent. Cette industrie offrira des services, à toutes fins utiles, à une portion infime de la population, celle qui aura les moyens de se payer ces nouvelles techniques dans un avenir rapproché.

Je me demande donc s'il ne serait pas pertinent de demander à cette industrie de défrayer, au moins en très grande partie, les coûts qui sont rattachés à une telle agence.

Madame Ferderber, vous dites qu'il semble qu'il y ait eu des consultations avec les provinces. Selon vous, les provinces sont d'accord sur tout cela, en autant que cela ne leur coûte rien. Cela m'amène à vous demander si vous avez l'impression que certaines provinces seraient intéressées à avoir leur propre agence de réglementation.

Mme Rhonda Ferderber: Il n'y a que trois provinces qui ont une industrie importante. La Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec sont les provinces qui sont impliquées de façon importante. Les autres s'y intéressent et ont quelques cliniques, mais pas beaucoup. La majorité des cliniques et des activités sont concentrées dans ces trois provinces.

Au cours de nos consultations et discussions avec les provinces, celles-ci ont indiqué être prêtes à considérer la possibilité d'ententes, mais elles n'avaient pas encore vu les propositions législatives. Nous attendons toujours leurs réactions aux propositions législatives. À l'heure actuelle, aucune province n'a manifesté d'intérêt direct.

[Traduction]

Nous ne sommes certainement pas en mesure de dire avec certitude que les provinces aimeraient mettre sur pied leur propre régime. Toutefois, il est certain qu'elles sont intéressées à participer à l'élaboration des règlements et je pense qu'une fois qu'elles auront une idée claire du domaine visé par la réglementation en question, cela les aidera aussi à comprendre quel rôle elles veulent jouer et estiment devoir jouer, compte tenu de l'idée qu'elles se font de leurs compétences. De plus, nous aurons tous une meilleure idée du coût de la mise en oeuvre et de l'application continue. Il est certain que nous en sommes donc encore à l'étape des discussions avec les provinces et les territoires.

Mme Yolande Thibeault: Merci beaucoup.

La présidente: Merci, madame Thibeault.

[Français]

Monsieur Ménard, vous avez la parole.

M. Réal Ménard: Merci, madame la présidente.

Vous savez que le projet de loi a quatre objectifs: autoriser certaines activités, en prohiber d'autres, tenir un registre national sur les donneurs et donner de l'information à la population canadienne.

Notre recherchiste a fait une recension. Son document est très intéressant. Il présente différents types d'organismes de réglementation. Je pense qu'il y a deux modèles que nous pourrions peut-être considérer et d'autres qu'il faut exclure.

Ainsi, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés est un organisme qui a des pouvoirs quasi judiciaires et qui a le mandat de surveiller le prix de médicaments en faisant des comparaisons internationales.

Récemment, le Comité de l'environnement s'est penché sur l'ARLA, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Si ma mémoire est bonne, la principale recommandation du rapport était qu'il y ait un organisme autonome distinct de Santé Canada, même si l'ARLA relève en définitive de Santé Canada.

• 1220

Compte tenu des quatre objectifs du projet de loi, la majorité des panélistes est-elle d'avis qu'il faudrait un organisme totalement distinct de Santé Canada? Et pourquoi distinct de Santé Canada? Parce qu'on pourrait avoir une situation de conflit d'intérêts. Le ministère, qui doit appliquer une loi qui établit quels actes sont prohibés ou non, ne peut pas être celui qui va faire le travail d'inspection.

Il s'agit de ma principale préoccupation. Ce seul argument devrait, selon moi, nous convaincre, nous, parlementaires, de ne pas faire l'erreur de l'ARLA, par exemple. Beaucoup de gens du milieu de l'environnement remettent aujourd'hui en question le fait que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire est à ce point intégrée à Santé Canada, car elle n'a pas alors cette capacité de contrôle ou de critique au plan des biopesticides.

Partagez-vous ce point de vue? Je m'adresse particulièrement au Bureau du vérificateur général, mais aussi au professeur d'université. Devrions-nous avoir un organisme totalement indépendant?

[Traduction]

M. Alan Gilmore: Vous nous demandez de déborder quelque peu de notre rôle. Je ne suis pas sûr d'être tout à fait à l'aise avec cela, parce que nous ne sommes pas un organisme d'élaboration de politiques.

Je vais tenter de répondre à la question que vous posez en voyant quelles études nous avons fait pour le chapitre 24. Prenez par exemple l'Office national de l'énergie, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ou encore le régime applicable aux produits biologiques. Ce régime relève de Santé Canada, l'Office national de l'énergie est une entité de la fonction publique, et la Commission canadienne de sûreté nucléaire est un établissement public.

Dans nos vérifications, nous avons constaté les mêmes tendances dans ces diverses entités. Nous étions préoccupés par les évaluations du risque, l'efficacité des mesures d'exécution, les codes d'éthique, et les compromis entre l'intérêt public et le service à l'industrie. Si l'on adopte une forme quelconque de recouvrement des coûts, la politique gouvernementale en matière de recouvrement des coûts exige, en partie, que l'on fournisse un service. Nous avions des préoccupations quant aux conflits d'intérêts qui peuvent en découler.

[Français]

M. Réal Ménard: Dans votre dernier rapport, vous avez été très critique face au recouvrement des coûts. Cela a un lien avec la question de Mme Thibeault. Il n'apparaît pas, au plan de l'intérêt public, que la question du recouvrement des coûts soit toujours quelque chose de positif.

[Traduction]

M. Alan Gilmore: Cela dépend évidemment de la façon dont c'est appliqué et des sauvegardes que l'on établit pour l'encadrer. C'est peut-être opportun dans certains domaines. Il incombe au comité de décider s'il y a lieu de permettre le recouvrement des coûts dans le domaine de la reproduction assistée, compte tenu des répercussions qui y sont associées. C'est vraiment une décision qui relève des affaires publiques, mais nous vous avons présenté tous les avantages et les inconvénients de cette option. Il y a clairement des avantages et il y a clairement aussi des inconvénients, et c'est à vous, au comité de décider si les avantages l'emportent sur les inconvénients. Ce que j'essaie d'établir, c'est que, quel que soit le mode organisationnel ou la méthode que vous choisissez, quand nous faisons une vérification des divers modes de prestation, que ce soit un ministère, une agence distincte ou une entité intégrée à la fonction publique, nous constatons toujours la présence des mêmes problèmes.

La structure elle-même ne constitue pas une panacée. Cela peut faire une différence, bien sûr, mais ce n'est pas une garantie absolue. Vous devez intégrer à la structure les mécanismes de reddition de comptes voulus, faute de quoi la nature de la structure que vous décidez de mettre en place importera peu.

Si vous prenez une entité comme la Commission canadienne de sûreté nucléaire, elle a tous les pouvoirs... dans la forme que vous envisagez de créer ou dont vous discutez, elle possède bon nombre des mêmes caractéristiques. Quand nous avons fait la vérification de cet organisme, nous avons constaté les mêmes problèmes que nous avons trouvés quand nous avons fait la vérification du régime établi par Santé Canada pour les produits biologiques, et bon nombre des mêmes caractéristiques dont nous avions constaté la présence dans notre vérification de l'Office national de l'énergie, qui est un modèle légèrement différent.

Je crains que si vous accordez trop d'attention à la structure, au détriment de ce que l'on pourrait appeler la plomberie, c'est-à-dire ce que l'entité en question peut faire et ne peut pas faire, vous pourriez avoir un faux sentiment de sécurité. J'exhorte le comité à examiner le fonctionnement détaillé de l'organisation et à se demander comment vous pourrez avoir l'assurance que cela fonctionnera, au lieu de vous attacher exclusivement à la forme.

• 1225

M. Michael Prince: J'aimerais répondre aux observations de M. Ménard et de Mme Thibeault.

Pour ce qui est du recouvrement des coûts, la loi britannique fixe à 70 p. 100 l'objectif de recouvrement des coûts. L'instance qui existe au Royaume-Uni est subordonnée à un ordre spécifique du trésorier de Sa majesté du gouvernement britannique. Franchement, je ne pense pas que nous devrions aller jusque-là.

Pour prendre un exemple canadien, l'Agence canadienne d'inspection des aliments est financée dans une proportion de 80 p. 100 par le gouvernement, les 20 p. 100 restants provenant de l'industrie. Deux facteurs sont en jeu. Premièrement, l'industrie ne souhaite pas apporter une contribution plus élevée car cela nuit au flux des échanges commerciaux avec les producteurs américains de viande, de volaille, etc. Deuxièmement, cela soulève la question de la nature de l'intérêt public, en ce sens qu'il doit y avoir un équilibre entre l'intérêt public et privé. Dans ce domaine, il convient de déterminer dans quelle mesure les technologies de reproduction, la fertilisation in vitro et autres représentent un avantage personnel pour la personne en cause ou la famille, qui devrait par conséquent en assumer les frais, et dans quelle mesure c'est un bien public. Jusqu'à quel point sommes-nous prêts à assumer collectivement ces risques, comme nous le faisons dans tant d'autres domaines de la politique sociale au Canada?

La grande question à laquelle votre comité et le gouvernement doivent répondre est de savoir si cela sera considéré comme un service assuré au titre de la Loi canadienne sur la santé. Je ne pense pas que l'on voudra aborder cette question étant donné qu'on considérera qu'elle risque d'engendrer des coûts considérables.

Vous avez évoqué également l'indépendance d'un tel organisme. Dans mon mémoire, j'ai suggéré certains freins et contrepoids. Je ne voudrais pas voir une agence interne de Santé Canada au sein de laquelle le ministère et le ministre établiraient les règles, les appliqueraient et s'autoévalueraient pour en déterminer l'observance. Nous voulons des institutions différentes. Ça, c'est sur le plan interne, mais nous avons aussi le vérificateur général et le Parlement. C'est la raison pour laquelle nous avons constitué des établissements publics. Même si la solution ne se trouve pas dans la structure, il n'en reste pas moins qu'elle est importante. C'est mon opinion. J'estime qu'il devrait y avoir une distinction claire entre les responsabilités du ministre et l'agence. Il faut qu'il y ait un certain espace entre l'agence et la bureaucratie ministérielle.

Au lieu de parler de clause crépusculaire, je préférerais que l'on parle de clause aurorale. Il faut que la lumière illumine ces lois. En toute franchise, je pense que les Canadiens seraient alarmés à l'idée qu'une mesure pourrait en théorie s'autodétruire en l'espace de cinq ans dans ce domaine. Trop de familles compteraient sur des traitements et des interventions au cours de la quatrième année d'application pour qu'il soit possible d'envisager sa disparition après cinq ans. C'est un peu ridicule. Il nous faut plutôt des dispositions éclairantes comme des examens autorisés, mais ne parlons pas de «clause crépusculaire». Je ne pense pas que cela soit approprié, particulièrement dans un domaine faisant appel à des décisions profondément personnelles et morales.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous savez que la loi actuelle prévoit une révision quinquennale de la loi. Il s'agit d'une des dispositions du projet de loi.

Une chose me fait peur, et je termine là-dessus, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: C'est votre dernière question.

M. Réal Ménard: La dernière, oui.

[Français]

On constate, dans le cas de l'ARLA et des biopesticides, que lorsqu'on a comme objectif clair de se concentrer sur le recouvrement des coûts, la question de la rentabilité prime sur la question du bien public. Cela me fait peur.

Le but premier des technologies de reproduction est d'aider les personnes qui ont des problèmes d'infertilité et non pas de remplir les coffres du gouvernement.

C'était mon commentaire, madame le présidente, et je termine ainsi mon intervention.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Ménard.

C'est la première journée où il est question de recouvrement des coûts. Je sais que c'est un principe applicable à tous les conseils de gestion, mais jusqu'ici, nous avions réussi à éviter le sujet, et il nous faudra peut-être obtenir une exemption du Conseil du Trésor.

Je ne peux en croire mes oreilles. Pour moi, cela représente un vestige de l'ancien régime. L'idée même que l'on doive percevoir de l'argent auprès des citoyens dans un domaine aussi intrinsèque à leur sentiment d'épanouissement personnel que la procréation me semble extrêmement inconvenante. Mais excusez-moi de ce commentaire de nature éditoriale.

Monsieur Dromisky.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup.

Je suis très optimiste quant au modèle que nous appuierons à long terme. De tous les modèles de réglementation que les gouvernements ont créés dans le passé et qui existent à l'heure actuelle, je pense que le modèle qui sera retenu dans ce domaine sera sans doute l'un des plus importants, voire le plus important sur le plan de la structure de réglementation que nous créerons pour l'avenir des Canadiens. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Cela dit, j'ai quand même une préoccupation.

• 1230

Vous avez parlé de clause éclairante, et je conçois le bien-fondé des observations de M. Gilmore en matière d'intégrité, entre autres. Mais je pense toujours aux enregistrements des conversations du président Nixon qui comportaient des blancs, des périodes où il n'y avait aucune information, simplement du silence. Pour ce qui est des organismes de réglementation, je pense que tous leurs rapports sont suspects. En effet, ces organismes ont le choix de fournir l'information ou de la camoufler. Autrement dit, ils ne sont pas à la confesse, ils ne nous disent pas tout.

J'aimerais obtenir certaines opinions en ce qui concerne toute la question de la transparence. Où convient-il d'imposer des contrôles; de quelle nature devraient-ils être? Quel genre de directives faut-il donner? Veuillez nous faire part d'observations générales concernant la transparence pour que nous ne nous retrouvions pas dans la même situation qu'avec de nombreux autres rapports émanant d'organismes de réglementation. La transparence, tout est là. Quelle dose de transparence est la bonne? Quelqu'un veut répondre?

M. Alan Gilmore: Pour ce qui est des mécanismes devant assurer la transparence et vos inquiétudes concernant ce qui figure et ne figure pas dans les rapports, diverses politiques gouvernementales exigent que certaines choses soient incluses dans les rapports. Il n'y a pas de vide à cet égard. Dans ce domaine, la question est de savoir quels renseignements le comité ou le Parlement souhaite obtenir.

Vous pourriez exiger divers renseignements. Vous pourriez demander des propositions concernant les indicateurs de rendement les plus appropriés dans ce domaine. Vous pourriez demander des rapports continus sur les activités et vous pourriez exiger qu'on en vérifie l'exactitude et l'intégralité.

Il existe des mécanismes pour aller chercher l'information, des mécanismes pour identifier l'information que vous voulez. Cela peut faire partie des renseignements que le comité pourrait demander à Santé Canada ou à d'autres experts dans ce domaine. Quels seraient les indicateurs de rendement? Quels seraient les indicateurs d'efficacité? Quel serait le niveau de fiabilité des inspections?

Par exemple, avec un nombre x de personnes agréées, quel niveau d'inspection est approprié? À quelle fréquence devrait-on procéder à des inspections, et qui s'en chargera? Qui va établir les normes? Voilà les critères qui régissent les organismes de réglementation. Lorsque toute cette information est réunie, vous pouvez alors avoir l'assurance que les choses fonctionnent comme prévu, mais cela signifie qu'il vous faut spécifier ce que vous voulez. Autrement, vous allez obtenir ce qu'on vous donnera.

M. Stan Dromisky: C'est exact.

Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?

M. Michael Prince: M. Gilmore a fait tout à l'heure une observation très juste. On pourrait préciser en détail dans la mesure législative le type de rapports, de renseignements et d'indicateurs souhaité. Les ouvrages de droit du gouvernement fédéral renferment déjà des exemples qui précisent dans certains cas plus en détail que dans d'autres ce qui doit faire l'objet d'un rapport. Il faut savoir jusqu'où l'on veut fouiller, tout en respectant la nature de l'information en appliquant des principes comme l'anonymat des candidats, la confidentialité et le respect de la vie privée. Cela dit, vous pourriez exiger des rapports sur les lignes directrices, les codes et les modèles de processus décisionnels applicables aux cas spécifiques. De cette façon, vous pourriez obtenir certaines garanties relativement au système faisant partie du processus de décision.

Vous pourriez aussi faire ce que font certains bureaux d'ombudsman provinciaux, c'est-à-dire inclure des vignettes, des résumés ou encore des cas ou des décisions authentiques camouflés pour communiquer aux Canadiens la dimension humaine et concrète des activités de l'organisme. De cette façon, les rapports ne seront pas rédigés dans un jargon technique ou scientifique qui désarçonne ou intimide les Canadiens. Cela servira à nous rappeler qu'il est question de gens qui souhaitent avoir des enfants, qui souhaitent avoir une famille, qui souhaitent avoir un avenir.

• 1235

La présidente: Madame Picard, voulez-vous poser une question? Non?

Madame Sgro.

M. James Lunney: Mme Ferderber voulait faire un commentaire.

La présidente: D'accord.

Mme Rhonda Ferderber: En réponse à la dernière question, madame la présidente.

Je pensais à la transparence. Lorsqu'il en est question dans le cadre de nos discussions, nous évoquons la nécessité d'exiger des rapports et ce qu'ils devraient contenir. Mais ce n'est pas tout, nous voulons aussi savoir comment cet organisme fonctionne et comment cela pourrait être immédiatement visible, peut-être grâce à la participation au comité consultatif de personnes venant de différentes disciplines, etc. Elles sont en mesure d'apporter leurs propres perspectives, qui pourront faire l'objet de discussions, et de retirer ce qu'elles voudront de tels échanges.

Pour nous, la transparence prend aussi la forme d'une fonction de communication qui permettrait le partage plus large qu'à l'heure actuelle de renseignements pertinents à ce secteur. Le principe de la transparence est aussi concrétisé par des indicateurs de performance peut-être moins tangibles, mais qui constituent tout de même une source d'information accessible, une source qui permet de répondre aux questions et de communiquer de l'information.

La présidente: Monsieur McLaughlin, je vous souhaite la bienvenue.

M. Michael J. McLaughlin (sous-vérificateur général, Division des services intégrés, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, madame la présidente.

J'estime que nous aurions manqué à nos devoirs en ne signalant pas la possibilité que toutes ces activités fassent l'objet d'une vérification. Pour ce qui est du rôle que peuvent jouer les vérificateurs, il existe à l'heure actuelle trois modèles.

Premièrement, la vérification traditionnelle de l'optimisation des ressources, que vous examinez aujourd'hui également.

Deuxièmement, à l'égard des nouvelles agences qui ont été créées—l'ACIA, l'agence du revenu et l'agence des parcs—nous sommes chargés d'évaluer leurs rapports de rendement. De cette façon, nous pouvons vous rassurer dans une certaine mesure quant à l'exhaustivité du rapport ainsi que la validité des méthodes sous-jacentes. Le comité pourrait envisager ce type d'activité.

Troisièmement, dans le domaine des sociétés de la Couronne, si un organisme se trouve très éloigné du Parlement, il existe un régime en vertu duquel nous pouvons procéder tous les cinq ans à un examen spécial des systèmes et des procédures. De cette façon, nous pouvons nous assurer que la société de la Couronne est dirigée avec un souci d'économie et d'efficience et qu'elle s'acquitte efficacement de son mandat.

On peut donc avoir recours à différents modèles de vérification pour accroître la transparence. Chose certaine, nous pouvons—et je crois que nous devrions—jouer un tel rôle auprès d'un organisme de réglementation de ce genre.

La présidente: Merci, monsieur McLaughlin.

Je vais maintenant passer à quelqu'un d'autre, si cela ne vous gêne pas. Cinq réponses pour une question, c'est un peu beaucoup.

Madame Sgro.

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Avant de l'oublier, monsieur Gilmore, j'aimerais bien que vous nous fournissiez un exemplaire de votre rapport sur le code d'éthique et les questions morales...

M. Alan Gilmore: Bien sûr.

Mme Judy Sgro: ...car je pense que cela nous aiderait à relever certains des défis avec lesquels nous sommes aux prises dans le contexte de cette mesure législative.

Madame la présidente, j'ignore comment nous décidons quels seront nos témoins, mais après avoir accueilli des scientifiques, des mères et des jeunes qui sont le produit de multiples découvertes scientifiques, voilà que nous sommes rattrapés par la réalité et que nous parlons de recouvrement de coûts. J'ai cru que j'étais de retour au comité des finances.

J'ai toujours parlé de recouvrement de coûts, mais je trouve absolument aberrant d'évoquer ce point lorsque nous traitons de questions à forte charge émotive. Je ne minimise pas l'importance du recouvrement des coûts, mais comparativement à ce que nous avons appris dans ce dossier, ce n'est pas prioritaire. Ce qui importe le plus, c'est d'assurer la protection des Canadiens et de faire ce qu'il convient de faire.

Vous avez ajouté une autre dimension que je suis très réticente à aborder maintenant, franchement, parce que nous en sommes encore à l'étape de débrouiller toutes les complexités législatives du dossier, ce qui est déjà bien assez difficile.

Il y a aussi, entre autres, le problème de la capacité d'appliquer la mesure que nous adopterons. Je préfère de beaucoup subordonner les questions d'application au Code criminel—j'en suis encore là—de préférence à un régime réglementaire qui me laisse perplexe. Je n'ai pas l'impression qu'un tel régime sera suffisamment solide ou qu'il garantira que certains actes seront prohibés et surveillés.

• 1240

En matière de régime de réglementation, existe-t-il un modèle en particulier qui, tout en répondant à ce vocable, aurait un certain mordant? Cela revient-il à une question de ressources financières et au nombre de personnes que nous pouvons affecter à l'application des règles?

Mme Rhonda Ferderber: Nous sommes très sensibles au fait que peu importe le régime proposé, il faudra qu'il soit musclé. C'est certainement ce que souhaitent les intervenants du milieu et leur clientèle. Les Canadiens veulent un régime qui leur offre les garanties nécessaires que les traitements offerts seront sûrs et que certaines informations dont nous avons évoqué la nature pourront être disponibles. De nombreux modèles externes ou indépendants, selon la terminologie que vous voulez employer, pourraient avoir du mordant, c'est sûr.

Puisque cette instance devra assurer l'application d'une mesure législative, il faudra qu'elle soit dotée de la capacité, de la structure, de la forme et des fonctions nécessaires pour pouvoir s'acquitter convenablement de sa mission. Peut-être pourrais-je demander à mon collègue Michael de vous parler d'un ou deux modèles musclés pour vous rassurer.

M. Michael Bryden (conseiller principal de la planification, Division des projets spéciaux, Direction des politiques, de la planification et des priorités, Direction générale de la politique de la santé et des communications, ministère de la Santé): Pour ce qui est des modèles disponibles, un éventail de modèles ont été mentionnés dans les exposés de ce matin, ainsi que dans les documents qui ont été fournis au comité.

La présidente: Je me demande si une description orale des modèles est aussi efficace que si vous nous fournissiez sur papier des organigrammes de ces différents modèles. M. Prince nous en a fourni un très simple dans une case. Nous entendons un flot de paroles. Si vous essayez d'être concis, ça va, mais je pense que nous assimilerions mieux tout cela si nous avions en face de nous un organigramme qui illustre qui fait quoi.

M. Michael Bryden: Nous préférons deux modèles. Nous avons fourni au comité un document accompagné d'annexes qui constitue un survol d'un modèle proposé et qui va essentiellement dans le même sens que l'organisme proposé par M. Prince, c'est-à-dire un établissement public. En l'occurrence, une multitude d'instances seraient parties prenantes au processus, avec à sa tête, le ministre qui serait l'ultime responsable. Un conseil d'administration comptant de 15 à 20 membres pourrait assurer une large représentation. Un secrétariat ou un organisme de réglementation pourrait effectivement assumer les fonctions assignées à cette instance. Voilà pour le modèle particulier de l'établissement public.

Un autre modèle possible qui serait musclé, comme Rhonda l'a mentionné, serait une agence de réglementation distincte, qui prend parfois la forme d'une direction au sein d'un ministère. Encore une fois, il s'agit là d'un autre modèle où le ministre est directement comptable des activités de l'agence. Là encore, l'agence fonctionne en tant qu'entité distincte du ministère, mais elle a essentiellement le même statut, si vous voulez. Comme M. Prince l'a mentionné, le conseil ou comité consultatif pourrait appuyer le régime et prodiguer des conseils au ministre et/ou à l'agence.

Dans notre perspective, ces modèles ont tous deux du mordant. Il s'agit essentiellement d'un établissement public et possiblement d'un organisme distinct constitué en vertu d'une loi.

La présidente: Merci.

Cela vous satisfait, madame Sgro?

Mme Judy Sgro: Oui.

Monsieur Castonguay.

[Français]

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Madame la présidente, c'était en ce sens.

• 1245

Il est important de savoir quelle relation il y aura entre les deux organismes. Le comité consultatif national, si j'ai bien compris, sera composé de personnes provenant de différentes disciplines, que ce soit des éthiciens ou des femmes qui sont souvent seules et qui sont très impliquées dans ces dossiers.

L'agence de réglementation, si je comprends bien, sera composée surtout de chercheurs. Comment peut-on être assuré que le comité consultatif aura vraiment une influence? Peut-on s'assurer de cela? Si cela n'est pas fait, je crois qu'il s'agira d'un exercice pratiquement futile. Y a-t-il vraiment moyen de s'assurer que ces modèles...

[Traduction]

M. Michael Prince: C'est une excellente question que je n'ai pas abordée en profondeur dans ce bref mémoire. Votre question suscite chez moi davantage d'inquiétudes que celle de M. Manning au sujet de la responsabilisation. Je pense qu'un certain nombre de mécanismes existent, mais qu'on pourrait en ajouter d'autres. À mon avis, c'est de la plus haute importance.

Si l'idée d'un comité consultatif national vous sourit, je pense qu'à ce moment-là, le comité devra réfléchir davantage à cette question. Si vous voulez, j'accompagnerai votre réflexion. Je ferai de mon mieux, mais je pense que s'il y avait d'autres... Nous savons tous que les commissions royales, les comités consultatifs ou les groupes de travail présentent tous des rapports. Or, ces rapports ne donnent pas grand-chose. Ils demeurent souvent lettre morte.

Voilà pourquoi il doit être fait mention de l'obligation de faire rapport dans la mesure législative. Encore une fois, je n'ai pas de préférence quant à savoir si ce comité devrait ou non faire rapport directement au Parlement. C'est ce qu'avait recommandé la commission royale pour l'organisme de réglementation. Je ne pense pas que ce soit approprié pour l'organisme de réglementation, mais ce l'est pour le comité consultatif national.

Il y a aussi l'option d'un double rapport. Cela peut compliquer les choses dans l'esprit de certaines personnes, mais aussi garantir... Mais vous avez raison. Il faut qu'il y ait des liens plus solides. Le fait que les rapports et les activités seraient rendus publics correspond au pouvoir d'un vérificateur, d'un ombudsman ou d'un enquêteur. C'est le pouvoir de la publicité. Cela accorderait à l'organisme une légitimité incroyable sur le plan de la représentation.

J'imagine que des experts y siégeraient, et non seulement des profanes. Ils seraient appelés à porter de nombreux chapeaux. On pourrait avoir une femme qui est aussi éthicienne, ou autre. Les participants apporteraient de multiples perspectives.

Mais vous avez soulevé une question fondamentale que j'invite instamment le comité à examiner. Je ne peux vous donner de réponse immédiatement, mais j'estime qu'il vaut la peine de s'y attarder et d'apporter des précisions à cet égard dans la loi. Ainsi, nous ne serions pas ultérieurement à la merci d'un bureaucrate ou d'un ministre, cela dit en toute déférence.

[Français]

M. Jeannot Castonguay: Il est évident que M. Prince va réfléchir à cela. J'ai beaucoup apprécié votre présentation. Si vous avez d'autres idées à exprimer sur ce sujet, les membres du comité seront heureux de les entendre.

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Avec votre permission, collègues, je voudrais contester le modèle particulier qu'a choisi M. Prince.

Je vois sans doute ces comités consultatifs d'un autre oeil que vous. Vous avez certes siégé à l'un d'eux et vous savez pertinemment que souvent, leurs rapports sont mis au rancart plutôt que d'être mis en oeuvre.

M. Michael Prince: Oui.

La présidente: Je vous invite à vous mettre dans la peau du ministre pendant un instant. Si, comme le propose votre mémoire, tout l'argent consacré à ce domaine est puisé dans l'assiette fiscale, il appartient alors au ministre d'obtenir les fonds à la suite de négociations avec le Cabinet et le ministre des Finances. Le ministre doit obtenir l'argent. Ensuite, il peut l'acheminer vers l'organisme que vous décrivez. Ce dernier doit prendre des décisions quant à la façon de dépenser cet argent. Quelle partie de ces fonds sera consacrée à l'élaboration des politiques, par rapport à l'inspection et au contrôle d'application, par exemple?

Dans les limites du budget qui lui est accordé, cet organisme prendra les meilleures décisions possibles. Dans l'intervalle, la situation n'est peut-être pas aussi idéale que le souhaiterait le comité consultatif. Le comité consultatif rédige alors des rapports qui reprochent à l'organisme de ne pas répondre à ses souhaits. L'organisme réplique que ce n'est pas de sa faute puisque le ministre ne lui a pas donné suffisamment d'argent. Vous vous retrouvez immédiatement avec un système dont le public entend parler par une multitude d'articles dans les journaux où l'on rapporte que le comité consultatif est insatisfait de l'organisme de réglementation qui, à son tour, blâme le ministre.

Parallèlement, le comité consultatif multinominal représente des intérêts variés. Nous savons, d'après nos audiences, que les scientifiques sont ceux qui utilisent le plus souvent le terme «souplesse». Chaque fois qu'une avenue s'ouvre dans le monde scientifique, ils veulent pouvoir l'explorer le plus rapidement possible. Si les choses ne vont pas assez vite à leur goût... Supposons que l'organisme de réglementation décide qu'il ne peut se permettre de délivrer des permis, de faire des inspections et d'appliquer les règles à l'égard d'une nouvelle activité. Par conséquent, pour des raisons financières, il retarde les choses. Les scientifiques sont furieux et encore une fois, c'est le ministre qui est cloué au pilori.

• 1250

Cela nous intéresse tous car au bout du compte, ce sont les politiciens qui sont mis sur la sellette chaque fois que quelque chose va mal, peu importe quel parti est au pouvoir. Pour les députés de l'opposition, cela peut être amusant, tant que c'est le ministre et le gouvernement en poste qui sont en cause, mais si jamais ils ont l'occasion de prendre les rênes du pouvoir, cela pourrait devenir un cauchemar.

D'une façon ou d'une autre, nous devons adopter une mesure qui soit équitable envers tous les intervenants, mais je trouve qu'un comité consultatif est un cauchemar absolu. Nous en avons fait l'expérience avec le secrétaire d'État à la Situation de la femme. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait un conseil consultatif. Ce conseil avait un personnel plus imposant que celui du ministre et faisait des recherches et rédigeait des rapports critiques sur le ministre et le gouvernement.

Voilà ma perception des comités consultatifs. Ce ne sont que des fauteurs de troubles. Pourquoi voterais-je en faveur du financement d'un groupe dont le principal rôle est de s'en prendre à moi?

Peut-être voudriez-vous répondre.

M. Michael Prince: Je suis heureux que vous ayez posé une question neutre.

La présidente: Non, je vous ai dit le fond de ma pensée, ce qui vous ouvre la porte pour me dire le fond de votre pensée.

M. Michael Prince: C'est bien.

Je pense que vous avez raison. Nous sommes dans le monde concret de la politique relative à la réglementation. Peu importe l'instance retenue, peu importe que mon modèle vous plaise ou non, c'est le gouvernement qui sera dans l'eau chaude, c'est un ministre qui sera dans l'eau chaude, comme cela s'est passé dans le dossier de la sécurité alimentaire.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments compte 4 000 employés. Elle dispose de pouvoirs de juridiction pénale incroyables. Mais s'il y a une véritable crise au sujet du raisin, des framboises, ou d'un autre produit à la frontière, y aura-t-il des questions à la Chambre? Oui. Le ministre sera-t-il mis sur la sellette? Oui. Et peut-être qu'il devrait en être ainsi malgré cette lourde bureaucratie. J'envisage un organisme modeste, mais il est inévitable qu'il s'inscrira dans le monde réel de la politique.

Vous avez raison. Je pense qu'on pourrait contourner en partie le problème en ayant des crédits et des postes distincts pour ce qui est des subsides versés directement au comité. Mais comme cela ne sera pas suffisant pour amadouer le Conseil du Trésor, il faut identifier le comité distinctement et ne pas simplement l'associer à l'organisme de réglementation aux fins des crédits budgétaires. Il faut donc l'inscrire comme un poste spécifique dans le budget fédéral tous les ans. Vous pourriez même faire preuve d'une grande audace—ce qui affolera complètement les gens du Conseil du Trésor—et suggérer fortement un budget de base. Cela ne s'est jamais vu, je sais.

Je suis bien conscient que la commission royale elle-même a éclaté sous la pression des enjeux. Même chose pour le conseil consultatif de la situation de la femme dans les années 80. Les précédents ne manquent pas. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut baisser les bras. La population est peu sensibilisée dans ce domaine.

Les intérêts fragmentés et divergents ne vont pas disparaître. En fait, ils risquent plutôt de gagner en vigueur. À mon avis, c'est un domaine qui ne devrait pas être dominé par la science et la technologie. En dernière analyse, il relève d'une politique sociale, d'une politique de la santé. C'est un problème familial qui fait appel aux valeurs et à la morale. C'est ce qui va se passer si...

La présidente: Je suis d'accord. Cependant, pourquoi l'organisme qui doit prendre les décisions et s'en accommoder, même si au bout du compte le ministre se fait tirer dessus à boulets rouges... Comme vous l'avez dit, c'est inévitablement ce qui se produit. Mais si l'on avait un organe tenu de prendre ces décisions dans le respect des diverses voix à la table—des groupes confessionnels, pour la perspective éthique, jusqu'aux scientifiques, sans pour autant que la science domine—il me semble que ce serait préférable au fait d'avoir un groupe de l'extérieur qui le prend constamment pour cible parce qu'il n'est pas parfait. Je ne vois vraiment pas l'utilité ou la valeur de ce comité consultatif.

S'il est bien financé, l'organisme de réglementation pourra être à l'écoute de la population, et ce, avec l'aide du comité parlementaire. Le comité peut être sensible à la réaction de la population face à cet organisme. Avec notre budget, nous pouvons nous déplacer quelque peu—même si nous n'avons pas encore réussi à le faire. Vous n'avez tout simplement pas réussi à me convaincre qu'il est important d'avoir un comité consultatif.

• 1255

M. Michael Prince: Un dernier commentaire. Vous pourriez constituer un organisme de réglementation doté d'un conseil d'administration d'une vingtaine de personnes. Cependant, dans ce cas de figure, je crains qu'il y ait des conflits d'intérêts, particulièrement au chapitre des candidatures individuelles pour les traitements, les services, l'homologation, ou encore la révocation du permis d'une clinique particulière. Vous aurez ouvert la porte à de trop nombreux intérêts. Il faut que cette fonction quasi judiciaire ou arbitrale puisse s'exercer dans l'impartialité et l'indépendance. Ce n'est pas à cette tribune que vous voulez qu'une vingtaine de personnes se prennent aux cheveux au sujet des valeurs, de l'éthique et de l'orientation stratégique liées aux technologies de reproduction et de génétique. Vous voulez que leurs voix...

La présidente: Mais comment pouvez-vous envisager de financer un groupe qui ne reflète pas ces opinions contradictoires? Ce qui se produit habituellement, dans un groupe comme celui-là, c'est que deux membres viennent d'un secteur en particulier. Ils expriment leur opinion au sujet d'un projet. Ce n'est pas réalisable, les autres membres votent contre. Voilà ce qui se passe vraiment au sein d'un conseil d'administration. Le conseil de gestion d'un hôpital fonctionne à peu près de la même manière. Presque tous les conseils auxquels j'ai siégé accueillent tous ces intérêts à la table. Par conséquent, à mon avis, la gouvernance qui en découle est plutôt satisfaisante.

Je ne veux pas qu'un groupe de technocrates dirigent cette agence, en faisant semblant de ne pas avoir d'opinion. Toutes les personnes dans la salle aujourd'hui ont des opinions à ce sujet. Elles n'en ont peut-être pas au sujet de l'inspection des aliments, au sujet de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Mais lorsqu'il est question de la vie, de la naissance et de la mort... L'éducation est un autre sujet analogue. Toutes les personnes dans la salle ont une opinion au sujet de l'éducation car nous en avons tous fait l'expérience.

M. Michael Prince: J'ai moi aussi siégé aux conseils d'administration de certains hôpitaux, mais nous n'avions pas de pouvoir de juridiction pénale. Nous ne pouvions nous appuyer sur le Code criminel du Canada. Je voudrais que cette mesure législative soit musclée. Elle ne manque pas de mordant et l'on souhaite que les responsables de son application soient impartiaux, indépendants et aptes à prendre les meilleures décisions possibles. Or, cela n'est pas réalisable si une vingtaine de personnes siègent au conseil d'administration du comité.

La présidente: Ces personnes élaborent l'orientation stratégique, cependant. Ne serait-ce pas au personnel de la mettre en oeuvre?

M. Michael Prince: Pour moi, c'est le ministre qui doit élaborer la politique et le cadre d'orientation stratégique national. Le comité consultatif et l'organisme de réglementation apportent une contribution, mais le décideur est le ministre comptable devant le Parlement. L'organisme de réglementation est davantage l'instrument de l'application des règles et des normes établies par le ministre et le Parlement et enchâssées dans la législation. Encore une fois, ce modèle vise à éviter les conflits d'intérêts et la confusion des rôles.

À mes yeux, cet organisme est là pour appliquer les règles d'homologation, pour mettre en oeuvre la fonction d'inspection et peut-être pour conclure des accords d'agrément avec les collèges des médecins et les autres associations qui assument déjà ces responsabilités. Pourquoi faire double emploi? L'organisme pourrait élaborer un code de pratique qui servirait de guide aux cliniques, mais ce code serait influencé à la fois par le cadre national et par l'apport du comité consultatif.

Pour moi, cette instance a une assise très étroite axée sur l'application et l'administration des fonctions d'homologation, d'inspection et d'observation des lois qui ont été énoncées par le ministre et par le Parlement. Mais je suis heureux que nous ayons eu ce débat car il est bon de s'exprimer sur ces choix valables et difficiles.

La présidente: Je tiens à remercier M. Gilmore d'avoir déclaré que la structure où évoluera cette mini-bureaucratie qui fera ce travail pour nous importe peu. À mes yeux, le plus important, c'est que les principes soient énoncés clairement dans la législation et dans la réglementation. Je ne pense pas que le problème soit de savoir où l'instance logera, si elle devrait être indépendante ou non ou encore relever ou non de Santé Canada. La question est de savoir dans quelle mesure le Parlement saura donner des instructions claires à l'instance, quelle qu'elle soit, qui assumera cette responsabilité. Pour reprendre les propos de M. Gilmore, quels mécanismes pouvons-nous créer pour obtenir des résultats mesurables qui seront mesurés par quelqu'un sur une base régulière?

Quoi qu'il en soit, je vous remercie tous. Il est 13 heures.

Je remercie les fonctionnaires du ministère qui viennent nous voir régulièrement et qui font preuve de beaucoup de patience et de charme. Merci, monsieur Prince, et merci à vous, monsieur McLaughlin et monsieur Gilmore. Vous avez été très utiles, et nous vous rappellerons sans doute.

La séance est levée.

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