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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


Témoignages du comité

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 31 janvier 2002






¿ 0910
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.))
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne)
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. Gerald Helleiner (professeur, Faculté d'économie, Université de Toronto)

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0930
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. Roy Culpeper (président, Institut Nord-Sud)

¿ 0935

¿ 0940

¿ 0945
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V          M. Reid Morden (président, KPMG Corporate Intelligence Inc.; KPMG Canada)

¿ 0950

¿ 0955

À 1000
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.)
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Aileen Carroll
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V          M. Reid Morden
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V          Mme Myriam Gervais (chercheure principale, Centre d'études sur les régions en développement de l'Université McGill)

À 1010
V         La présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mr. Rocheleau
V          Mme Myriam Gervais

À 1015
V         La présidente (Mme Jean Augustine)
V          M. Gerald Helleiner
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. Roy Culpeper

À 1020
V         M. Rocheleau
V         M. Gerald Helleiner
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)

À 1025
V         M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.)
V         M. Reid Morden
V         M. John Harvard
V         M. Reid Morden
V         M. John Harvard
V          M. Reid Morden
V         M. John Harvard
V         M. Reid Morden

À 1030
V         M. John Harvard
V         M. Reid Morden
V         M. John Harvard
V         M. Gerald Helleiner
V         M. John Harvard
V         M. Gerald Helleiner
V         M. John Harvard
V          M. Reid Morden
V         M. John Harvard

À 1035
V         M. Reid Morden
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Le greffier du comité
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)

À 1040
V         Mme Francine Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. John Harvard
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.)
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Marlene Jennings
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jeanne Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. Bonin

À 1045
V         La vice-présidente, (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Bonin
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Raymond Bonin
V         Mme Francine Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Aileen Carroll

À 1050
V         Mme Lalonde
V         Mme Aileen Carroll
V         Mme Lalonde
V         Mme Aileen Carroll
V         
V         M. Reid Morden

À 1055
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Aileen Carroll
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Gerald Helleiner

Á 1100

Á 1105
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         Une voix
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Marlene Jennings
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. Roy Culpeper

Á 1110
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Roy Culpeper
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Myriam Gervais
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Myriam Gervais

Á 1115
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Francine Lalonde
V         Mme Myriam Gervais

Á 1120
V         M. Roy Culpeper
V         Mme Myriam Gervais
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. Roy Culpeper
V         Mme Lalonde
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         Mme Aileen Carroll
V         M. Gerald Helleiner

Á 1125
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)
V         M. John Harvard
V         M. Roy Culpeper
V         M. John Harvard
V         M. Roy Culpeper
V         M. John Harvard
V         M. Roy Culpeper
V         M. John Harvard
V         M. Cardin
V         M. Roy Culpeper
V         M. John Harvard
V         Roy Culpeper
V         M. John Harvard
V         La vice-présidente (Mme Jean Augustine)






CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 054 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

Témoignages du comité

Le jeudi 31 janvier 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.)): Bonjour et bienvenue à nos témoins. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude du programme du Sommet du G-8 de 2002.

    C'est la première fois que nous entendons des témoins qui représentent des organismes externes, en l'occurrence de l'université de Toronto, M. Gerald Helleiner, professeur émérite, faculté d'économie, de l'Institut Nord-Sud, M. Roy Culpeper, son président; M. Reid Morden, le président du KPMG du Corporate Intelligence Inc. et Mme Myriam Gervais, qui représente le Centre d'études sur les régions en développement de l'Université McGill.

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Madame la présidente, avant d'entendre les témoins, je voudrais simplement signaler que je m'oppose au fait que nous n'avons pas reçu, de la part du président du comité, qui est maintenant le ministre compétent, une lettre nous autorisant à agir en son nom pour convoquer cette réunion. Ce n'est pas là le genre de précédent qui nous fait plaisir. N'y voyez là aucune attaque personnelle. Nous avons d'ailleurs le même problème avec un ou deux autres comités, et cela pour la même raison. Il s'agit ici d'une question de procédure que nous voulons faire valoir. Je voulais le signaler pour mémoire. Je sais que nous sommes suffisamment nombreux pour entendre les témoins, mais nous ne pouvons en revanche pas prendre de décision et je voulais sans attendre signaler cette objection.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous remercie, monsieur Duncan et je prends bonne note de votre objection.

    Je suis la vice-présidente légitime du comité et j'agis au nom du président, en l'occurrence du président sortant. J'ai pris acte de votre objection, mais nous allons néanmoins procéder à l'audition des témoins puisque nous avons le quorum voulu. Par ailleurs, si la question se pose plus tard, nous drons avoir le quorum voulu pour nous en saisir.

    Nous allons donc entendre les témoins et je demande votre indulgence. Nous allons commencer par M. Helleiner, professeur émérite à la faculté d'économie.

+-

    M. Gerald Helleiner (professeur, Faculté d'économie, Université de Toronto): Je vous remercie, madame la présidente.

    Je commencerai par quelques mots au sujet du rôle que le Canada pourrait jouer dans le cadre de la future réunion du G-8. Il ne fait aucun doute que la lutte contre le terrorisme et une coopération plus marquée de la part du G-8 en matière de sécurité, une coopération rigoureusement définie, seront au coeur des discussions et que ce sont les États-Unis qui domineront le débat par leur voix et par leur influence.

    Tout en ayant sans conteste un intérêt et un rôle à jouer à cet égard, c'est-à-dire la sécurité, il est peu vraisemblable que le Canada puisse ou veuille exercer une influence marquée sur les décisions éventuelles des dirigeants du G-8 dans ce sens. Par ailleurs, pour ce qui est des autres points à l'ordre du jour, non seulement les différences entre les différents membres du G-8 sont-elles déjà fort évidentes, mais on ne constate de la part des États-Unis aucune manifestation d'un leadership constructif.

    Ces autres points à l'ordre du jour comprennent tout d'abord les réponses qu'il nous convient de donner aux problèmes de développement du continent africain, et en particulier la proposition d'un nouveau partenariat économique pour le développement de l'Afrique, le NPEDA, et en second lieu la nécessité d'une gouvernance économique planétaire plus efficace à l'appui des objectifs de développement universellement adoptés dans le cadre du sommet du millénaire des Nations Unies.

    Dans ces deux derniers cas, les gouvernements du Royaume-Uni et de plusieurs pays d'Europe non membres du G-8, en particulier les Pays-Bas et les pays scandinaves, ont tout récemment avancé des réponses et des propositions plus positives que ne l'ont fait les États-Unis ou le Canada qui configurent à renâcler.

    En ajoutant sa voix, ses propositions concrètes et ses propres politiques à celles des autres pays, le gouvernement canadien peut et devrait avoir une influence notable sur les politiques du G-8 susceptibles de promouvoir le développement planétaire, de favoriser un avenir meilleur pour l'Afrique en particulier, des réponses plus multilatérales aux problèmes planétaires et des approches davantage holistiques à l'endroit des problèmes de sécurité mondiale.

    Outre cet impératif moral toujours d'actualité qu'est la formulation d'une réponse efficace à la pauvreté à l'échelle planétaire, il est important de reconnaître que notre sécurité d'ensemble ne saurait être le seul produit d'une activité à caractère policier et militaire. Notre sécurité est également influencée de façon non négligeable par la pauvreté et le désespoir qui règnent dans ces pays. Ce sont là des éléments qui favorisent la propagation à l'échelle planétaire des maladies infectieuses, la dégradation de l'environnement, le fanatisme religieux, et le terrorisme.

    Les propositions africaines en vue de la création d'un NPADA sont à mon sens porteuses de nouveaux espoirs d'une réduction de la pauvreté plus efficace qu'une simple action axée sur le développement en Afrique.

    Quels sont les éléments fondamentaux d'une réponse efficace aux besoins de l'Afrique et de ses propositions en vue d'un nouveau partenariat? Je vais développer huit volets de réponse.

    Pour commencer, il faut que la communauté internationale reconnaisse, non seulement en paroles mais également dans ce qui se fait sur le terrain même en Afrique, que les projets et les programmes de développement doivent être pilotés par des Africains et appartenir aux Africains au lieu d'être mus, comme c'est trop fréquemment le cas, par des institutions et des bailleurs d'aide étrangers. Il faut mettre tout en oeuvre pour favoriser la prise en charge locale des efforts de développement, ce qu'il est possible de faire de différentes façons: en aidant ces pays, lorsqu'ils en font la demande, à améliorer leur comptabilité publique, leur gestion financière et leur système de vérification de manière à donner aux partenaires financiers l'assurance que leurs fonds sont bien utilisés, en offrant, dans les pays qui ont déjà de bons systèmes de gestion financière, un meilleur soutien budgétaire général ou sectoriel à l'intention des programmes de développement dirigés localement, programmes dans le cadre desquels les bailleurs de fonds collaborent à la planification au lieu d'être une simple source de projets indépendants et non coordonnés, en coordonnant et en harmonisant mieux les procédures suivies par les bailleurs d'aide afin de réduire les coûts transactionnels exorbitants et inexcusables qui accablent les administrations africaines déjà sollicitées à l'excès, et en mettant beaucoup plus l'accent sur l'édification et l'utilisation des capacités indigènes et de celles des Africains eux-mêmes dans la diaspora internationale au lieu de continuer à recourir à des compétences techniques étrangères très coûteuses.

    Le deuxième élément que je voudrais faire valoir est qu'une aide extérieure de ce genre sera beaucoup plus rentable lorsque les marchés publics ne seront plus liés, que ce soit de façon officielle ou officieuse, à telle ou telle source.

    Mon troisième argument est que cette assistance rendra également la planification plus efficace s'il est possible de la rendre plus stable et plus prévisible, et si elle peut rapidement être augmentée en cas de crise économique imprévue, comme, tout récemment, la baisse de moitié du cours du café.

¿  +-(0915)  

    En quatrième lieu, il est absolument indispensable à mon sens de faire procéder en toute indépendance à un contrôle et à une évaluation des résultats obtenus, pas uniquement par les gouvernements africains—car ceux-ci font déjà régulièrement l'objet d'un contrôle approfondi de la part des bailleurs d'aide et des institutions financières internationales—mais également des résultats accomplis par les bailleurs d'aide étrangers.

    Dans la plupart des cas, l'échec apparent des premières interventions d'assistance avait été attribuable aux carences et aux lacunes des mécanismes d'exécution ainsi qu'à l'incapacité ou à la répugnance, de la part des bailleurs d'aide à un véritable transfert de propriété aux gens de l'endroit. Ces éléments peuvent et doivent faire l'objet d'évaluations et de rapports. Ce contrôle, cette évaluation ou ces rapports doivent être l'oeuvre de personnes tout à fait indépendantes; qui plus est, il faut les faire au niveau de chaque pays, et non pas de façon générale pour toutes les activités d'un bailleur d'aide dans le monde entier. Ceci soit dit en passant, des systèmes indépendants de contrôle et d'évaluation de ce genre destinés à mesurer les résultats obtenus par les bailleurs d'aide ainsi que par le gouvernement bénéficiaire, sont déjà à l'essai en Tanzanie.

    La création de systèmes de contrôle et d'évaluation des résultats qui soient à la fois efficaces, équilibrés et indépendants est cela même qui permet d'accorder foi à ce que disent les bailleurs d'aide lorsqu'ils parlent de nouveaux partenariats, d'assistance coordonnée ainsi que de délégations au niveau local. Le NPEDA préconise expressément ce genre de relations plus équilibrées dans l'exécution des projets d'assistance.

    Un cinquième élément est outre l'assistance accordée à certains pays d'Afrique, la communauté des bailleurs d'aide devrait accroître et améliorer l'appui qu'elle accorde à d'importantes activités notoirement sous-financées, mais dont les dividendes en matière de développement sont extrêmement élevés dès lors que les dépenses sont consenties par l'entremise d'institutions dont le succès ne dépend pas autant des résultats obtenus par les gouvernements africains pris individuellement. Cela, il est possible de l'accomplir en passant par des organismes comme le GCRAI pour la recherche agricole, le CRCI, Médecins sans frontières, et ainsi de suite.

    Ces activités produisent d'excellents dividendes qui transcendent les frontières nationales. Il y a par exemple les travaux de recherche sur les maladies tropicales qui, souvent, ne laissent guère entrevoir de possibilité de bénéfices pour les compagnies pharmaceutiques en raison de l'état de pauvreté des éventuels bénéficiaires. Il y a déjà, dans ce domaine, des efforts de taille et des propositions importantes dont la moindre n'est pas celle de Médecins sans frontières qui propose de nouvelles activités de recherches pharmaceutiques pour le traitement des maladies encore négligées.

    Une seconde activité à forte probabilité de dividendes est la recherche sur l'amélioration de la productivité agricole des petites parcelles dans des conditions typiquement africaines pour ce qui est du sol, de l'eau et du climat. Les dépenses consacrées à la recherche ont considérablement diminuées dans ce domaine et on a d'ailleurs du mal à comprendre pourquoi. Une troisième activité consisterait à améliorer la santé et l'éducation des enfants africains—et surtout des filles—qui vivent dans la pauvreté par le truchement entre autres de l'UNICEF; une quatrième serait l'édification des capacités professionnelles, techniques et institutionnelles à long terme dans toutes les sphères—administration, société civile et secteur privé—et en particulier un soutien aux activités de la fondation africaine qui travaille dans ce sens.

    Mon sixième argument: il faut admettre que ce qui est indispensable, ce n'est pas simplement une forme d'aide améliorée ou l'amélioration des relations au niveau de l'exécution des projets d'aide, même si ces éléments, je l'ai déjà dit, sont importants; il est également nécessaire d'accroître de façon significative les ressources. Les flux d'aide publique au développement destinés à l'Afrique ont diminué d'environ 40 p. 100 dans les années 90. Il a souvent été utile, certes d'alléger la dette, mais souvent, cette aide a eu un impact négligeable sur les flux nets réels, étant donné que la dette publique qui a ainsi été radiée était déjà, en tout état de cause, le plus souvent en souffrance. Le reliquat de la dette des pays pauvres très endettés, les PPTE, devrait être radié beaucoup plus rapidement et de façon beaucoup plus complète aussi. C'est simplement un principe de bonne comptabilité. Par contre, ces nouvelles radiations de dette publique ne régleront en rien le problème des ressources dont les flux réels doivent être considérablement augmentés.

    Les estimations circonstanciées des moyens qui seraient nécessaires pour commencer à atteindre les objectifs convenus en matière de développement à l'échelle planétaire, et pas uniquement en Afrique—portent à croire qu'il faudrait doubler les courants d'aide actuels, soit une augmentation d'environ 50 milliards de dollars par an. Le chancelier de l'Échiquier a lancé un appel à l'organisation d'une campagne destinée à mobiliser des ressources supplémentaires précisément à hauteur de ce montant.

¿  +-(0920)  

    Les Nations Unies ont estimé que pour pouvoir atteindre les objectifs de croissance de 6 p. 100 prévus pour l'Afrique—en fait, NPEDA réclame plutôt 7 p. 100—à supposer que tous les pays d'Afrique sont admissibles à un soutien à 100 p. 100, ce qui de toute évidence ne sera pas le cas, il faudrait environ 10 milliards de dollars par an.

    Permettez-moi d'essayer de mettre ce genre de chiffres en contexte. Si tous les pays de l'OCDE donnaient suite à leur promesse de consacrer 0,7 p. 100 de leur PIB à l'aide au développement, comme le font depuis longtemps les pays scandinaves ainsi que les Pays-Bas, les courants d'aide augmenteraient immédiatement de 100 milliards de dollars.

    Bien sûr, les États-Unis n'ont jamais accepté cet objectif et, tout récemment encore—la semaine dernière—ils se sont opposés à ce que ce chiffre fasse partie du projet de texte destiné à la conférence des Nations Unies sur les finances qui va bientôt avoir lieu au Mexique. Les chiffres des États-Unis en matière d'aide au développement sont les pires de tous les pays du G-8, les pires mêmes de tous les pays de l'OCDE.

    Par ailleurs, les nouvelles propositions du président Bush qui entend augmenter les dépenses consacrées à l'armée et à la sécurité, ajoutées à ce qui a déjà été prévu pour la guerre, ont produit en un an une augmentation de 85 milliards de dollars au profit des forces armées et de la sécurité, rien qu'aux États-Unis.

    Les fonctionnaires canadiens qui prétendent qu'une augmentation notable de l'aide publique au développement n'est tout simplement pas à l'ordre du jour veulent dire en fait que cette augmentation est impossible dans la conjoncture politique actuelle aux États-Unis. Il est bizarre de laisser entendre que cette aide ne serait pas utilisée à bon escient.

    Il n'y a aucun lieu de laisser la politique américaine régir le comportement du reste de la communauté mondiale en matière de développement, pas plus que dans les nombreux autres dossiers dans lesquels les États-Unis préfèrent faire cavalier seuls—mines terrestres, réchauffement planétaire, tribunaux pénaux internationaux, convention sur les droits de l'enfant et ainsi de suite.

    Mon septième argument est le suivant. On a déjà fondé beaucoup d'espoir, notamment dans le cadre de la proposition de NPEDA, sur la possibilité d'élargir les perspectives en matière de commerce et d'investissement en Afrique. Il est certain que les pays africains profiteraient beaucoup d'une amélioration de l'accès au marché pour leurs produits et d'une meilleure prévisibilité; il en irait de même pour les augmentations stables des courants d'investissement privé, en particulier sous forme de prise de participation.

    Par contre, il est illusoire de penser que le fait d'abaisser les obstacles au commerce et à l'investissement sera en soi suffisant pour améliorer beaucoup le sort des pays les plus pauvres. Ces pays les plus pauvres ont plutôt besoin d'investissements—et ces investissements devront principalement provenir des gouvernements étant donné que le secteur privé ne suit pas—dans l'infrastructure, les compétences et les autres éléments du tableau de l'offre afin de leur permettre précisément de saisir les possibilités d'élargissement du marché lorsque ces possibilités se concrétiseront.

    Si les pays les plus pauvres veulent mieux réussir dans le monde planétaire du commerce et de l'investissement, il faut qu'ils réunissent immédiatement d'autres conditions préalables avec l'aide du reste du monde:

    ... D'abord, la liberté de mettre en place des instruments de politique à l'appui des objectifs humanitaires, ainsi que de l'édification des capacités correspondantes pour assurer un développement à plus long terme et cela sans pénalité, peu importe ce que l'OMC ou d'autres instances pourraient avoir imposé en fait de systèmes harmonisés de règles commerciales, par exemple subventions à l'exportation, mesures d'investissement ou propriété intellectuelle. Cela veut dire que les pays les plus pauvres doivent bénéficier d'un traitement différent, spécial et bien réel.

    ...En second lieu, une aide de haute qualité alignée sur la demande doit être offerte à ces pays au moment même où ils cherchent à négocier des accords équitables, pour leur permettre de les mettre à exécution lorsqu'ils existeront, de défendre les droits qu'ils auront négociés pour eux et d'édifier leurs propres capacités en matière juridique et politique afin de pouvoir prendre eux-mêmes ces intérêts en main. Des initiatives non gouvernementales de ce genre sont déjà en cours d'exécution, et elles méritent un soutien immédiat et généreux à la fois.

    Ces pays ont également besoin de codes de conduite efficace et applicable qui soient conçus dans le pays même afin de régir le comportement des investisseurs étrangers qui opèrent dans les pays dont les moyens d'exécution sont limités, en matière d'environnement et des droits de la personne—en particulier, et qui leur soient propres.

    Enfin, huitièmement: à mesure que les systèmes de régie économique planétaires sont améliorés et réformés, il faudra insister tout particulièrement pour que les voix des plus pauvres soient effectivement entendues et pour que leurs intérêts soient protégés. Il est possible de prendre des mesures immédiates, même si certains les jugeront peut-être à peine plus que symboliques, pour reconnaître cette nécessité, mais également pour répondre implicitement au NPEDA.

    D'abord, il y aurait l'ajout d'un siège réservé à l'Afrique aux conseils exécutifs du FMI et de la Banque mondiale. À l'heure actuelle, la charge de travail des directeurs exécutifs africains, dont chacun est responsable de plus de 20 pays, dont la plupart bénéficient de programmes à la fois du FMI et de la Banque mondiale, est, pour être bien franc avec vous, totalement impensable.

    En second lieu, il y aurait l'ajout d'un représentant des PPTE au Groupe des 20 placé sous la présidence du Canada.

    En troisième lieu, il faudrait s'engager sans ambiguïté à mettre au point des objectifs au niveau des règles et des pratiques, par opposition à une simple rhétorique, au niveau de l'OMC et des arrangements de gouvernance qui les reflètent au sein de cette organisation.

    Quatrièmement, il faudrait favoriser la poursuite, voire l'élargissement du rôle des Nations Unies dans le domaine du financement au développement après la prochaine conférence qui aura lieu au Mexique sur ce thème. Les Nations Unies ont un rôle à jouer au niveau de la recherche, de l'établissement de normes et d'objectifs, de l'implantation d'un forum de discussion plus libre et plus démocratique que ne le font actuellement les institutions de Bretton Woods, ainsi qu'au niveau d'un appui direct aux secteurs sociaux et aux produits publics à vocation planétaire du genre de ceux que les Nations Unies ont toujours fournis.

    En conclusion, madame la présidente, je pense que les Canadiens s'enorgueilliraient beaucoup d'avoir un gouvernement qui ferait front commun avec d'autres gouvernements pour faire en sorte que le G-8 et le monde entier se lancent sur la voie d'une série de réponses constructives aux enjeux du développement en Afrique et ailleurs. Si certains membres du G-8 ne se rallient pas sérieusement au nouveau partenariat qui vient d'être proposé dans le domaine du développement, le NPEDA, ou à d'autres propositions du même genre, qu'au moins le Canada se joigne à ceux qui, au G-8 ou sans le G-8, abandonneront et nous laisseront abandonner, dans ce cas, si les autres membres du G-8 n'embarquent pas, cette recherche d'un plan d'action étiqueté G-8 mais qui sera inéluctablement édulcoré.

    Je vous remercie.

¿  +-(0930)  

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup. Je présume que vos propos auront soulevé des questions chez les membres du comité.

    Nous passons maintenant à notre deuxième témoin, le président de l'Institut Nord-Sud, Roy Culpeper.

[Français]

+-

    M. Roy Culpeper (président, Institut Nord-Sud): Merci, madame la présidente. Je veux vous remercier de cette invitation. J'aurais voulu remercier M. Graham à titre de président de ce comité, car c'était son idée, je crois, de m'inviter au comité, mais comme nous le savons tous, il est le nouveau ministre des Affaires étrangères et je l'en félicite sincèrement. Je crois que c'est une juste récompense non seulement pour sa présidence du comité, mais aussi pour le bon travail que le comité lui-même a accompli au cours des dernières années.

[Traduction]

    Madame la présidente, j'aimerais parler du renforcement de la croissance économique mondiale, l'un des trois points à l'ordre du jour de Kananaskis, et une question capitale, à mon avis.

    Les dirigeants des pays du G-8 sont préoccupés à juste titre par la nécessité de surmonter la récession actuelle qui fait suite à l'essor le plus long jamais enregistré, celui des années 90. Cette vague de prospérité a galvanisé l'économie mondiale pendant une bonne part de la décennie, mais de graves lacunes sont apparues dans la nature et la portée de la mondialisation. Au Mexique et en Asie, des crises financières majeures ont plongé des millions de personnes dans la pauvreté, causant des remous et de l'incertitude un peu partout dans le monde. Les crises que traversent actuellement l'Argentine et la Turquie donnent à penser que l'instabilité financière donnent à penser que l'instabilité financière continuera de survenir périodiquement, puisque nous ne disposons pas des outils nécessaires pour la contrer ou y faire face équitablement lorsqu'elle se présente.

    De façon plus générale, je dirais que la croissance économique mondiale, qui a été encouragée au cours des années 90, a produit à la fois des gagnants et des perdants, aussi bien parmi les pays qu'à l'intérieur de ceux-ci. Cette situation, à son tour, a augmenté l'insécurité humaine dans de grandes régions du monde, surtout en Afrique, ainsi que de l'instabilité dans les pays qui négligent ou refusent de redistribuer à l'interne les avantages de la croissance.

    Certains signes semblent indiquer que la récession sera de courte durée et que la croissance pourrait revenir dès cette année, aux États-Unis du moins. Même alors, les motifs d'inquiétude demeurent quant au progrès et à la stabilité de l'économie mondiale et quant aux choix fondamentaux que les dirigeants des pays du G-8 seront disposés à envisager, chez eux et à l'étranger.

    D'ailleurs, nous ne devrions pas considérer les années 90 comme un âge d'or de la croissance et de la prospérité, que nous pouvons faire renaître si nous faisons ce qu'il faut. J'aimerais vous soumettre brièvement sept arguments à ce sujet. Mais si je pouvais en ajouter un huitième, j'appuierais fortement les propos de Gerry Helleiner au sujet de la nécessité de relier les programmes en matière de sécurité et ceux qui se rapportent au développement et à la sécurité humaine, ainsi que le besoin de créer pour le Canada une politique étrangère indépendante, dans chacun de ces domaines.

    Premièrement, malgré l'image qu'ils donnent en tant que première économie du monde, les États-Unis sont en fait le pays le plus gros débiteur, avec une dette nette de 2 200 milliards de dollars, et leur endettement à l'égard du reste du monde grandit de plus en plus. Leur déficit courant s'établit à 4,5 p. 100 du PIB et il augmente.

    Malgré la mobilité croissante des flux financiers entre pays, il existe une incertitude considérable chez les investisseurs quant aux facteurs économiques fondamentaux des divers pays. Aussi, l'économie des États-Unis est-elle devenue une sorte e refuge mondial, où les investisseurs pensent pouvoir mettre leur argent à l'abri, ce qui toutefois contribue à créer une relation précaire et insoutenable entre les États-Unis et le reste du monde.

    Plus précisément, et c'est là mon deuxième argument, les influx massifs aux États-Unis ont majoré la valeur externe du dollar américain bien au-delà de sa valeur réelle en termes de pouvoir d'achat national. Pour presque tous les pays du monde, pas seulement pour le Canada, sans que ce soit de leur faute, cela se traduit par un déclin de la devise nationale face au dollar américain, jusqu'à des niveaux considérablement inférieurs à leur parité de pouvoir d'achat.

    Ainsi, compte tenu de ce qu'il peut acheter, le dollar canadien devrait en fait valoir plus de 80c. américains, et non pas 61, 62 ou 63c., son taux actuel. S'il est vrai qu'un billet vert artificiellement surévalué et un huard faible représentent un avantage pour les exportateurs canadiens, ils sont une calamité pour les exportateurs américains et pour les fournisseurs du marché intérieur de ce pays qui se font concurrence sur le plan des importations. Il s'ensuit des tensions commerciales bilatérales entre nos pays et une attitude protectionniste des États-Unis qui se traduit habituellement par des droits antidumping, à l'égard de tous les pays.

    La baisse de la valeur du dollar américain par rapport aux autres devises est inévitable, mais une réduction trop rapide pourrait déstabiliser gravement l'économie mondiale, notamment si elle entraînait un retrait rapide des investissements étrangers aux États-Unis et un effondrement des marchés d'exportation. Les ministres des Finances et les banques centrales des pays du G-7 devront procéder à une coordination macroéconomique très prudente pour faire en sorte que l'ajustement se fasse de façon ordonnée et appropriée.

¿  +-(0935)  

    Mon troisième argument concerne l'incertitude que suscitent les régimes monétaires du monde. Nous venons d'assister à l'effondrement de la caisse d'émission de l'Argentine, qui fixait le taux du change entre le peso et le dollar à la parité. Pas plus tard qu'il y a un an, de tels régimes d'arrimage ferme, de même que la flexibilité totale des taux de change, étaient vantés par le Fonds monétaire international comme les seuls qui puissent faciliter la stabilité et éviter les problèmes de devises. L'Argentine et l'Asie ont montré que l'arrimage ferme ne fonctionnait pas. Et la flexibilité totale ne donne pas de bons résultats non plus, puisqu'elle a entraîné la valeur des devises autres que le dollar américain, très au-dessous de leurs niveaux réels. Au Canada, des voix de plus en plus nombreuses réclament maintenant l'arrimage le plus ferme possible, à savoir l'adoption pure et simple du dollar américain. Aucune décision ne serait plus mal avisée.

    Heureusement, les recherches indiquent que l'arrimage tout comme le flottement doivent être évités—et qu'il faut opter plutôt pour un flottement dirigé. Le Canada, adepte de longue date du flottement dirigé, devrait réitérer ce message auprès du FMI, de ses partenaires du G-7 et des pays qui ne font pas partie du G-7.

    Ceci m'amène à mon quatrième argument. La leçon que nous apprend la dernière décennie, avec ses crises financières à répétition, c'est que la mobilité des capitaux internationaux n'a pas que du bon. Certes, des capitaux étrangers très mobiles apportent avec eux la promesse d'économies, d'investissements et de croissance supplémentaires, mais aussi la menace d'une fuite soudaine de capitaux et, du même coup, d'une perte de revenus et d'emplois.

    Le problème découle en partie de l'habilité croissante des ingénieurs financiers qui arrivent à tromper certaines personnes pendant un certain temps mais qui, comme nous le montre l'effondrement d'Enron, ne pourront pas s'en tirer indéfiniment. D'autre part, sur la scène internationale, les investisseurs sont en mesure de déplacer leurs capitaux instantanément et impunément d'un pays à l'autre, cautionnés si nécessaire par le Fonds monétaire international, par les pays du G-7 et, au bout du compte, par la volonté des pays en développement d'imposer à leurs populations des sacrifices énormes pour empêcher les investisseurs étrangers de s'en aller ou encore pour les inciter à revenir.

    Ce qui fait défaut ici, c'est un partage des responsabilités en matière de prévention et de gestion des crises. Après quatre années de discussions visant à engager le secteur privé dans la prévention des crises financières et le partage des coûts de leur résolution, en nombre dernier enfin, le FMI a lancé une proposition concernant un mécanisme international de prévention des faillites, afin d'aplanir les différends entre les débiteurs et leurs créanciers internationaux. Toutefois, ce projet se bute à de sérieux obstacles, et sa mise en oeuvre pourrait demander deux ans environ. C'est donc dire qu'il arrivera trop tard pour profiter à l'Argentine ou à la Turquie.

    Le ministre des Finances, Paul Martin, prône depuis longtemps les accords dits de statu quo qui apporteraient un secours immédiat aux pays en crise et pourraient compléter les ententes à plus long terme entre les débiteurs et les créanciers. Aussi le Canada devrait-il continuer de réclamer des ententes de statu quo, par l'entremise du G-7 aussi bien que du G-20, dont M. Martin assure la présidence.

    Mon cinquième argument, qui se rattache au précédent, est que non seulement les capitaux internationaux sont volatiles et entraînent l'instabilité internationale, mais ils ne vont pas là où ils sont le plus nécessaires—dans les pays en développement les plus pauvres. De fait, ils tendent à s'acheminer massivement là où ils sont le moins nécessaires, aux États-Unis. Le FMI, la Banque mondiale et le G-7 disent aux pays en développement les plus pauvres que, s'ils adoptent des politiques commerciales et financières plus libérales et réalisent d'autres réformes économiques, ils seront récompensés par un apport d'investissements étrangers privés. Mais en réalité, les investisseurs étrangers privés, s'ils pensent seulement aux pays en développement, cherchent surtout des occasions intéressantes et ne s'intéressent guère aux politiques économiques.

    Par exemple, la Chine est pour eux une destination privilégiée, non pas qu'elle ait une économie particulièrement libéralisée, mais parce qu'elle offre d'immenses débouchés et une main-d'oeuvre à bon marché. De même, des pays comme le Nigéria et l'Angola attirent des compagnies pétrolières en dépit de leurs piètres politiques et de leurs conflits civils latents ou en cours. Donc, le Canada devrait cesser d'insister auprès des pays en développement pour qu'ils libéralisent leurs économies en leur disant qu'ils obtiendront ainsi de gros investissements étrangers privés, car ce n'est pas le cas.

    Il ne faut pas s'attendre des investisseurs privés qu'ils fournissent du capital à long terme aux pays les plus pauvres. C'est précisément pour cela que l'aide extérieure existe. C'est mon sixième argument. On s'est posé beaucoup de questions au cours de la dernière décennie au sujet de l'efficacité de l'aide extérieure. Ironiquement, tandis qu'un consensus s'établissait sur la meilleure façon d'utiliser cette aide pour réduire la pauvreté, les bailleurs d'aide réduisaient leurs contributions au lieu de les accroître, comme le disait M. Helleiner.

¿  +-(0940)  

    Et tandis que les bailleurs d'aide s'empressaient de réclamer des réformes économiques de la part des pays bénéficiaires—ils se montraient réticents à réformer leurs propres orientations et méthodes, comme l'aide liée et la piètre coordination, qui elles aussi nuisent à l'efficacité de l'aide.

    L'augmentation du budget d'aide de décembre dernier était tout à fait insuffisante et doit être assortie dans les budgets à venir d'augmentations considérables des programmes d'aide canadiens, à mon avis. Ces augmentations doivent viser les objectifs de développement du millénaire auxquels se sont engagés le premier ministre Chrétien et le gouvernement, l'an dernier, au sommet du millénaire. Le principal objectif était de réduire de moitié la pauvreté mondiale, d'ici 2015.

    Mon septième argument est essentiel, puisqu'il concerne l'effet des réformes économiques demandées aux pays en développement par le FMI, la Banque mondiale et le G-7, et devant porter sur la libéralisation du commerce et sur les politiques financières et nationales. Des recherches récentes montrent que ce genre de politiques entraînent des inégalités de plus en plus grandes sur le plan des revenus et de la richesse, des inégalités qui empêchent la croissance économique. Ce sont là des constatations importantes, car elles contredisent les idées reçues voulant que les inégalités croissantes soient une composante inévitable, voire souhaitable, du processus de croissance qui doit améliorer le sort de tous les citoyens.

    Cela suppose que les politiques de libéralisation doivent être mises en oeuvre avec une grande prudence et assorties de politiques de croissance économique, de réduction de la pauvreté et de redistribution en faveur des pauvres. Ces politiques de redistribution en faveur des pauvres sont non seulement équitables, mais nécessaires car elles soutiennent la productivité et la croissance.

    Il existe également un lien entre la mondialisation, l'inégalité croissante et l'insécurité, d'une part, et l'instabilité politique, d'autre part. Comment s'étonner alors que les politiques économiques produisent des gagnants et des perdants et que certains perdants aient recours à la violence ou aux migrations illégales lorsque les autres options semblent vouées à l'échec?

    Aujourd'hui, les politiques économiques en place dans le monde vont à l'encontre de la redistribution et de la croissance, en favorisant l'allégement des administrations publiques et la privatisation. J'ajouterais que les politiques macroéconomiques, financières en particulier, penchent singulièrement en faveur de la déflation, puisque les excédents budgétaires sont applaudis par le marché comme le signe d'une gestion prudente. Toutefois, comme peut vous le dire n'importe quel étudiant en économie, un excédent signifie que le gouvernement retire du pouvoir d'achat à l'économie. De plus, les taux d'intérêt bas ne stimulent pas nécessairement l'économie, si les investisseurs et les consommateurs n'ont pas envie d'emprunter.

    Les politiques en place aujourd'hui rappellent étrangement la crise des années 30, alors que les taux d'intérêt étaient également très bas et que l'on attendait des gouvernements qu'ils équilibrent leurs budgets, avant l'arrivée sur scène de John Maynard Keynes. Mais la crise précédente, celle qui a eu lieu il y a un siècle et qui a duré plus de deux décennies, de 1876 à 1896, donne plus à réfléchir. À cette époque, la mondialisation des échanges et des investissements, ainsi que les politiques économiques libérales, étaient encore plus prononcées qu'aujourd'hui. Il importe de nous rappeler ces précédents historiques, ne serait-ce que pour éviter de les répéter.

    Pour résumer, les politiques économiques actuelles, fondées sur des marchés et des flux de capitaux libéralisés et sur des politiques macroéconomiques déflationnistes, ont entraîné de graves distorsions dans l'économie mondiale, lesquelles se traduisent par des crises financières à répétition, d'énormes déséquilibres courants et des taux de change lourdement désalignés. Il faut que les dirigeants du G-8, de même que leurs collègues du reste du monde, reviennent à la case départ s'ils souhaitent déclencher une croissance équitable et un développement durable. Hélas, ils ne semblent guère vouloir, ni pouvoir remettre en cause le système et les institutions actuelles.

     La Conférence internationale sur le financement pour le développement de l'ONU, qui se tiendra à Monterrey au Mexique en mars, offrira une occasion de discuter de ces questions dans le cadre d'un forum mondial, avant le Sommet du G-8, comme nous le rappelait M. Helleiner. Malheureusement, à ce jour, il a été trop peu été question au Canada de cette conférence internationale qui pourrait être cruciale, puisqu'elle portera sur les effets pour les pays en développement du commerce international, de l'aide, des investissements privés, de la mobilisation de ressources économiques nationales, des sources nouvelles et novatrices de financement et de la réforme systémique.

¿  +-(0945)  

    À mon avis, le Canada devrait considérer cette rencontre à Monterrey non seulement comme un moyen d'éclairer les discussions du G-8, que notre pays accueille cette année, mais surtout de provoquer un changement en profondeur de l'actuel système économique mondial.

    Je vous remercie.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, monsieur Culpeper.

    Nous passons maintenant à notre témoin suivant, M. Reid Morden, de KPMG.

+-

     M. Reid Morden (président, KPMG Corporate Intelligence Inc.; KPMG Canada): Merci, madame la présidente.

    Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner ce matin pour parler du terrorisme qui est inscrit à l'ordre du jour du prochain sommet, devant avoir lieu à Kananaskis.

    Il est peut-être difficile de comprendre en quoi mes fonctions au sein de KPMG me poussent à témoigner devant votre comité ce matin, et je me dois donc de préciser mes antécédents: lorsque j'étais directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, je me suis occupé directement de la stratégie canadienne de lutte contre le terrorisme. J'ai également été témoin des initiatives internationales, relatives au terrorisme, en ma qualité de sous-ministre des Affaires étrangères. Au cours de ce mandat, j'ai eu l'honneur d'être le représentant personnel de trois premiers ministres différents, et j'ai assisté à des sommets du G-7 à divers titres.

    Les observations faites par M. Fowler devant votre comité mardi, du moins d'après le texte qui a été distribué, étaient assez générales, relativement à la question du terrorisme. Toutefois, je suis sûr que ce sujet est au coeur des préoccupations de ceux qui s'occupent des préparatifs du sommet, au cours des mois précédant sa tenue pour que les membres du G-8 et leurs ministres puissent faire progresser ce dossier.

    Il est évident que la population canadienne et la communauté internationale en général, surtout au lendemain du 11 septembre, s'attendent à ce que ce sommet tenu au Canada débouche sur des résultats concrets. Les gens auront du mal à comprendre, à mon avis, que de simples recommandations de portée générale soient formulées à la fin du sommet.

    Selon son texte, M. Fowler vous a dit que le premier ministre lui avait demandé de préparer un «sommet de fond et non de forme». Uniquement dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, il est tout à fait possible de concrétiser cette directive.

    À bon nombre des sommets du G-7, on a discuté du terrorisme à l'occasion, en suggérant des mesures pour répondre aux moyens auxquels ont eu recours les groupes terroristes pour mener à bien leurs activités. Cela remonte au sommet de Bonn en 1978. Les participants ont discuté alors du détournement survenu à Venise en 1980, et ont recommandé l'adoption de conventions contre la prise d'otages, ainsi que les crimes contre les personnes protégées au niveau international.

    Le sommet d'Ottawa—ou plus exactement de Montebello—tenu en 1981 avait porté pour la première fois l'Afghanistan à l'ordre du jour, et les membres du G-7 ont alors dénoncé le gouvernement afghan parce qu'il abritait des pirates de l'air.

    En 1996, le G-8 a établi un plan d'action comportant environ 25 mesures, que les divers gouvernements s'efforcent de mettre en oeuvre depuis. En 1997, à Denver, les participants ont rappelé la convention de l'ONU sur les bombardements terroristes et, paradoxalement et tragiquement, compte tenu des événements récents, ont également encouragé l'adoption de normes internationales relatives à la détection d'explosifs pour assurer la sécurité des aéroports. Ils ont également demandé instamment que d'ici à l'an 2000, tous les États aient ratifié les conventions internationales sur la lutte contre le terrorisme, ce qui ne s'est de toute évidence pas produit jusqu'ici. À Birmingham et à Okinawa en 2000, les membres du sommet ont réitéré cette demande au sujet des conventions.

    J'aimerais pendant quelques instants examiner avec vous ces instruments juridiques internationaux. Je pars du principe que le Canada est un État de droit: le Canada et les Canadiens respectent la primauté du droit et nous sommes pour la création d'un organisme de droit international chargé de régir le comportement des membres de la communauté internationale et de ceux sur lesquels ils ont compétence.

    S'agissant des conventions régionales, il existe à l'heure actuelle 19 textes sur le papier dont la plupart sont déjà en vigueur. Aux Nations Unies, il y a 12 conventions portant sur des sujets qui vont du financement du terrorisme à la protection contre les détournements d'avion et la sécurité de la navigation maritime. Sur ces 12, le Canada en a ratifié 10. Je signale que l'ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies a déclaré récemment que notre pays va ratifier sous peu les autres conventions relatives aux bombardements terroristes et au financement du terrorisme.

    En outre, le comité spécial créé par l'assemblée générale des Nations Unies a repris récemment ses travaux à New York, en examinant une ébauche de traité global sur la lutte contre le terrorisme. D'après mes renseignements, sur les 27 articles que compte ce traité, 24 font déjà l'objet d'un accord de principe. Le débat va désormais porter sur les quelques articles restants qui sont de toute évidence les plus délicats, et notamment la définition juridique du terrorisme proprement dit. Pour résoudre cette seule question, il faudra qu'un certain nombre de pays fassent vraiment preuve de volonté politique.

    Parallèlement, le comité sur la lutte contre le terrorisme établi par le Conseil de sécurité des Nations Unies, aux termes de sa résolution 1373, laquelle a été adoptée au lendemain des attaques du 11 septembre, termine actuellement la première phase de son étude.

¿  +-(0950)  

    Le comité a demandé aux 189 États membres de lui faire savoir dans quelle mesure ils se conforment aux dispositions de cette résolution. En vertu de celle-ci, les États membres doivent entreprendre une série de mesures pour lutter contre le terrorisme. La prochaine étape de ce travail important consistera à évaluer les réponses qui arrivent et à répondre ensuite aux États, en leur disant si, de l'avis du comité, ils respectent ou non les dispositions de la résolution et pour voir comment il peut les aider, si ce n'est pas le cas.

    En toute justice, on peut dire que le G-8 est l'instigateur de la plupart, sinon de toutes les conventions relatives à la lutte contre le terrorisme, lesquelles sont au nombre de 12. Ces textes constituent actuellement la pierre angulaire de l'initiative internationale de lutte contre le terrorisme. J'ai signalé plus haut la déclaration de M. Heinbecker selon laquelle le Canada a ratifié 10 des 12 conventions, ce que n'ont pas fait tous les autres membres du G-8. De même, bon nombre de membres du G-8 ou en fait, certains membres appartenant à l'Union européenne, n'en ont pas ratifié autant. Il faudrait que le Canada fasse clairement preuve de leadership auprès du reste de la communauté internationale de façon à inciter tous les membres du G-8, y compris les États membres de l'Union européenne, à ratifier les 12 conventions avant le sommet de Kananaskis. Cette initiative sera à la fois hautement symbolique et, surtout, donnerait plus de poids à ces importants textes de droit international.

    Parallèlement, il faudrait inciter les membres du G-8 à inciter d'autres pays non membres du groupe à ratifier ces conventions. Fait intéressant à noter, à une seule exception près, les premières conventions—qui portent essentiellement sur les détournements d'avion et la violence dans les aéroports, ce qui constituait vers la fin des années 1960 et le début des années 70 le mode d'intervention préféré des terroristes—n'ont pas été ratifiées par la grande majorité des États existants ou, en l'occurrence, par plus de 100 pays. Si l'on considère les statistiques, seulement de 40 à 60 États ont ratifié ces instruments.

    Il va sans dire pour que ces textes de loi internationaux puissent pleinement s'appliquer et avoir une incidence, ils doivent avoir l'appui d'une majorité des institutions internationales. Comme l'a signalé le secrétaire général des Nations Unies, les États ne pourront mener avec succès leurs initiatives d'antiterrorisme que lorsque la lutte mondiale contre le terrorisme sera considérée comme utile et justifiée par leurs populations respectives.

    J'ai parlé il y a quelques instants des travaux du Comité du conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme, en indiquant que la prochaine étape consisterait pour lui à vérifier auprès des États qui ne se sont pas encore conformés à la résolution 1373, comment on peut les aider à atteindre cet objectif. Lorsqu'on parle d'accroître les moyens d'un État de lutter contre le terrorisme, l'expression à la mode aujourd'hui est «renforcement des capacités». Notre pays et d'autres membres du G-8 peuvent aider les autres États à créer cette capacité. Il faudra pour cela engager des fonds, mais il s'agit là d' une dépense des plus rentables si l'on tient compte de l'effet positif que cela aura sur la sécurité globale. Voilà un autre domaine où le Canada, en tant qu'organisateur de ce sommet, pourrait et devrait prendre l'initiative.

    S'agissant de mesures concrètes, nous devrions envisager de mettre fin au financement du terrorisme. On a pris de nombreuses mesures, surtout depuis le 11 septembre, pour geler les avoirs des groupes terroristes. Les initiatives prises par les gouvernements, dont le nôtre, devraient être mises en exergue au sommet et les participants devraient énoncer d'autres mesures pour tenir compte du travail qui se fait dans le cadre du G-8 depuis déjà un certain temps.

    Pour le terrorisme comme pour tout crime organisé, ce n'est pas une mauvaise idée que de suivre la piste de l'argent. La similitude de cette piste, pour les deux catégories d'activités illégales, est remarquable. En fait, les liens existants entre le terrorisme, le crime organisé traditionnel, les drogues, le blanchiment d'argent et le trafic des petites armes ne sont plus un secret pour personne. C'est pourquoi j'attire l'attention du comité sur une importante initiative entreprise par l'American Bar Association relativement à la cybercriminalité, l'un des secteurs d'activité criminelle et terroriste qui connaît la plus forte expansion. En élaborant cette initiative, l'association a collaboré étroitement, pendant quelques années, avec divers organismes du G-8, pour compléter le travail des gouvernements.

¿  +-(0955)  

    Le projet de l'association vise à faire profiter les pays en développement du travail réalisé par le G-8 et d'autres pays industrialisés, dans le but de promouvoir l'adoption de lois sur la cybercriminalité, la collaboration avec les forces de l'ordre nationales et internationales et les fournisseurs de service Internet, et en troisième lieu, la collaboration au sujet de questions de partage de compétences. Ce projet a une envergure vraiment multidimensionnelle. Il contribuera à favoriser l'adoption de cadres juridiques dans le monde entier. Il aidera les pays industrialisés à faire enquête sur les cybercrimes. Il permettra d'empêcher ce genre d'activités criminelles. Il contribuera à promouvoir une collaboration entre les secteurs public et privé dans les pays en développement. Enfin, et ce n'est pas le moindre objectif, en redonnant confiance aux investisseurs, il contribuera à favoriser l'investissement étranger direct et des projets de technologie de pointe dans les pays en développement. Une autre mesure concrète et pratique que pourrait prendre le Sommet consisterait à reconnaître et appuyer cette initiative, laquelle doit être finalisée cet été.

    Enfin, madame la présidente, j'aimerais, à l'instar des témoins qui m'ont précédé, rappeler la litanie des problèmes qui favorisent le terrorisme: la pauvreté, l'intolérance, les conflits régionaux, la violation des droits humains, la détérioration environnementale, le manque d'accès à la justice et à l'égalité de protection aux termes de la loi, ainsi que l'absence de développement durable.

    Kofi Annan a déclaré qu'il est impérieux de ne faire aucun compromis entre la prise de mesures efficaces contre le terrorisme et la protection des droits de la personne. En toute franchise, madame la présidente, à long terme, les droits de la personne au même titre que la démocratie et la justice sociale sont les meilleurs moyens de prévention contre le terrorisme. Le terrorisme est une arme à laquelle ont recours des personnes marginalisées et découragées, et c'est souvent le produit du désespoir. Si l'on donne aux êtres humains un véritable espoir de pouvoir mener une vie honnête et respectable grâce à des moyens pacifiques, les terroristes seront beaucoup plus difficiles à recruter.

    Pendant des décennies, lors de divers sommets, conférences et réunions de conseil, les dirigeants et les politiques du monde entier ont discuté du clivage qui existe entre les peuples. Sur le plan économique, culturel, politique, il y a des écarts qui semblaient impossibles à combler, mais nous n'avons jamais cesser d'essayer de le faire. À mon avis, si nous avons tiré une leçon de cette guerre contre le terrorisme, c'est bien qu'une politique étrangère couronnée de succès ne peut plus se fonder uniquement sur des alliances stratégiques avec des pays qui depuis toujours partagent les mêmes idées. En fait, la plus grande force des nations vient de leur capacité de se fixer des objectifs communs qu'elles essaient d'atteindre ensemble, en s'appuyant sur la détermination et la puissance de la communauté internationale.

    On estimait l'an dernier que des gens comme Bill Gates, Warren Buffett et Paul Allen valaient dans les 121 milliards de dollars. Les avoirs de ces trois hommes sont équivalents à la production des 48 pays les plus pauvres du monde. Ce qui saute aux yeux dans ces conditions, c'est que toutes les nations ont la responsabilité de poursuivre des objectifs plus ambitieux que le blanchiment d'argent et la contrebande d'armes. La pauvreté, la maladie, l'utilisation à bon escient des ressources naturelles sont peut-être des questions qui ne changent pas grand-chose à la vie de ces trois hommes, mais pour plus de 70 p. 100 de la population mondiale, c'est beaucoup plus que des sujets de discussion de la part de groupe d'experts, c'est la réalité de tous les jours.

    Personne ne prend à la légère le fait que...

À  +-(1000)  

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Veillez m'excuser un instant.

    Madame Lalonde veut intervenir.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je veux simplement vous dire que je dois me rendre à la Chambre. Je sais qu'en vertu de nos règles, ça pourrait entraîner la suspension des débats, mais je ne veux pas ça. Je reviendrai. Je regrette de ne pouvoir entendre Mme Gervais, mais je dois aller à la Chambre, et revenir. Je pense que vous pouvez continuer.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous demanderais de revenir le plus vite possible.

+-

    Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je profite de cette interruption pour demander si je suis la seule à ne pas avoir sous les yeux les observations de M. Morden, parce que je suis arrivée en retard, après deux autres réunions. Son texte a-t-il été distribué oui ou non? J'aimerais vraiment en obtenir un exemplaire—j'écris aussi vite que possible. Je sais que nous aurons la transcription, mais son texte est-il disponible?

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Il n'a pas été distribué, je regrette.

+-

    Mme Aileen Carroll: Très bien.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Poursuivez, monsieur Morden. Je vous prie d'excuser cette interruption.

+-

     M. Reid Morden: Je suis presque à la fin.

    La déclaration sur le terrorisme faite le 19 septembre par les dirigeants du G-8 reflète un sentiment d'appartenance à la communauté mondiale et fait clairement comprendre que, je cite: «Une attaque contre un de ses membres est une attaque contre tous». Les auteurs des attentats du 11 septembre ont lancé une offensive contre des innocents et aussi contre les valeurs et les intérêts primordiaux de la communauté internationale. Les dirigeants du G-8 ont alors déclaré que nous ne laisserions pas ceux qui cherchent à semer la haine et la terreur diviser les peuples et les cultures du monde. Ce sont là de très bon sentiments mais les dirigeants mondiaux devraient également s'y tenir et les traduire en gestes concrets.

    Les dirigeants du monde doivent certainement se pencher sur le problème du terrorisme, mais je crois qu'ils doivent chercher à en éliminer les causes plutôt que les symptômes, car ces problèmes vont toucher tout le monde, des trois hommes les plus riches au monde jusqu'aux citoyens des 48 pays les plus pauvres à moins que la mondialisation ne devienne plus viable et plus équitable.

    Merci, madame la présidente.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, monsieur Morden. Encore une fois, je me réjouis que vous nous fassiez bénéficier de vos antécédents et de votre expérience dans ce domaine.

    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Myriam Gervais du Centre d'études sur les régions en développement de l'Université McGill.

    Madame Gervais.

[Français]

+-

     Mme Myriam Gervais (chercheure principale, Centre d'études sur les régions en développement de l'Université McGill): Madame la présidente, distingués membres du comité, les années 90 ont été marquées, pour plusieurs membres du G-8, du syndrome de la fatigue de l'aide à l'égard des pays africains. L'aide octroyée par les pays industrialisés à l'Afrique, par rapport à leur aide totale nette, a décliné de manière constante entre 1991 et 1999.

    Or, en dépit de ce désintérêt, les pays donateurs n'ont pu ignorer les conséquences humaines engendrées par les conflits intraétatiques dans ce continent. Sous la pression de leur opinion publique, les pays donateurs ont consacré des ressources importantes en aide d'urgence pour faire face aux besoins immédiats des réfugiés et des populations affectées. Paradoxalement, cette aide humanitaire s'est avérée très coûteuse et a exercé une forte pression sur les enveloppes réservées aux programmes de développement. Pour le seul cas du Rwanda, le Canada a versé près de 75 millions de dollars en assistance humanitaire entre 1994 et 1998.

    Il est donc dans l'intérêt du Canada et des autres membres du G-8 de réduire les sources majeures de crises, aussi bien politiques qu'économiques, qui menacent la sécurité des populations en Afrique en appuyant de façon significative des réformes et des actions pouvant garantir de manière durable l'éradication de la pauvreté et la sécurité humaine en Afrique pour tous les individus. Cela exige donc un engagement ferme et à long terme de la part des pays membres du G-8.

    Les programmes de développement sont trop souvent victimes, dans nos pays, d'un manque de continuité en raison de compressions budgétaires. L'efficacité de nos interventions en matière d'aide repose en grande partie sur la possibilité de planifier et de poursuivre nos interventions sur une plus longue période de temps.

    La nouvelle initiative africaine, proposée par des dirigeants africains, vient rappeler que se confiner à des actions de court terme ne permet pas d'initier et de consolider des changements porteurs d'un développement durable.

    Éradiquer la pauvreté et contribuer au développement humain en Afrique sont des objectifs qui font déjà l'objet d'un large consensus au sein de la communauté internationale et pour la plupart des pays membres du G-8. Le défi réside davantage dans leur mise en application. Avant que je vous suggère ce qu'il est possible de faire pour les concrétiser, permettez-moi de rappeler deux points importants.

    Premièrement, si tous les organismes bilatéraux et multilatéraux souscrivent au principe de lutter contre la pauvreté dans le cadre de leurs propres programmes de développement, leur aide devrait, en toute logique, s'adresser en priorité aux besoins des pays les plus pauvres, mais cela est loin de correspondre à la réalité. Pour plusieurs membres du G-8, les critères géopolitiques prévalent, dans bien des cas, sur l'impératif de la lutte contre la pauvreté. Par conséquent, il ne faut pas sous-estimer les différences d'attitude vis-à-vis des questions du développement au sein des membres du G-8. De plus, si le Canada a tendance à favoriser l'option du multilatéralisme, des membres du G-8 comme la France et les États-Unis optent toujours en premier lieu pour la voie bilatérale.

    Deuxièmement, la création de nouvelles structures pour établir ou consolider un nouveau partenariat avec l'Afrique n'est pas, a priori, la première mesure à envisager. En effet, des mécanismes de concertation et de coordination entre bailleurs existent déjà.

    Un de ces mécanismes, le Partenariat stratégique pour l'Afrique, regroupe des activités de cofinancement entre la Banque mondiale, les pays donateurs et le PNUD, et constitue l'un des mécanismes les plus importants de coordination de l'ensemble des donateurs pour le continent africain.

    De plus, des actions concertées entre donateurs, notamment dans le cadre d'approches sectorielles, sont déjà une pratique courante. En matière de décentralisation au Burkina, par exemple, le Canada agit de concert avec les Pays-Bas, la Suisse et le Danemark. Une des carences majeures auxquelles pourraient remédier les membres du G-8 serait surtout la lenteur des processus d'approbation et de mise en place des projets.

    Un engagement ferme de la part des décideurs politiques des pays membres du G-8 devrait donc se traduire par: premièrement, la recherche d'un consensus au sein de leurs parlements et de leurs sociétés en faveur d'efforts importants et constants sur le long terme à consentir à l'égard des pays d'Afrique; deuxièmement, l'adoption de mécanismes d'accélération des décaissements de l'aide; troisièmement, la promotion de politiques cohérentes en matière de réduction de la pauvreté.

    Compte tenu de la situation actuelle en Afrique, il est important de chercher à en arriver à des convergences de vue entre les membres du G-8 sur des thématiques prioritaires visant à réduire les sources majeures des crises, tant politiques qu'économiques, et à garantir de manière durable la sécurité humaine.

    L'état actuel des conditions locales en Afrique indique que la recherche d'un impact significatif sur la pauvreté et sur l'insécurité exige d'abord d'établir de nouveaux rapports entre l'État et les populations, des rapports basés sur l'intérêt collectif et sur la redistribution équitable des ressources. Des structures et des mécanismes devraient être mis en place pour que les populations africaines, dans leurs sociétés, puissent participer à l'établissement des politiques de leurs pays, comme on le fait ici, au Canada, et puissent participer à la gestion des actions de développement.

À  +-(1010)  

    Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les populations des pays africains aspirent à gérer et à prendre des décisions qui les affectent, par exemple lorsqu'il s'agit des infrastructures sociales comme les écoles, l'adduction d'eau et les centres de santé. Et cela est aussi vrai pour les interventions visant à implanter des activités génératrices de revenus pour les populations les plus pauvres.

    Par conséquent, la décentralisation des pouvoirs au sein des sociétés africaines et l'émergence d'associations et de regroupements de producteurs et de productrices sont des processus clés pour assurer une plus grande implication des populations dans la résolution des problèmes qui les concernent directement.

    Concrètement, les donateurs devraient donc: en matière de bonne gouvernance, fournir un appui financier au processus de décentralisation en cours dans bon nombre de pays africains, et fournir un appui financier au renforcement du mouvement associatif démocratique, ce qui aurait aussi l'avantage de renforcer l'habilitation des femmes via les associations; en matière d'allocation des ressources, reconnaître l'existence des acteurs non étatiques et leur compétence comme canal d'acheminent des ressources financières et, grâce à des projets, appuyer les activités génératrices de revenus initiées par les associations et les collectivités.

    En guise de conclusion, madame la présidente, je dirai que l'atteinte du développement durable en Afrique passe par la réduction des iniquités socioéconomiques et la garantie d'un environnement sécuritaire pour tous les individus. Pour atteindre ces objectifs, l'instauration d'un véritable partenariat avec les pays africains, incluant non seulement les institutions mais aussi la participation de leurs citoyens, est une condition essentielle.

    En effet, l'expérience du passé nous a démontré que le financement d'infrastructures et le renforcement des administrations publiques ne suffisent pas. Un dialogue plus poussé doit s'établir avec tous les acteurs, y compris avec les populations rurales, qui constituent la majorité des populations de ces pays, pour que l'aide soit dirigée en priorité vers la satisfaction des besoins de l'ensemble des populations.

    Je vous remercie.

[Traduction]

+-

    La présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup.

    Nous allons maintenant commencer à questionner les témoins. Monsieur Rocheleau est-il prêt?

[Français]

    Monsieur Rocheleau, allez-y.

+-

    M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, madame la présidente. Veuillez excuser mon retard. Je viens ici remplacer Mme Lalonde d'urgence.

    J'ai vécu une expérience en Côte d'Ivoire, dont deux des principaux produits sont le café et le cacao. Il se vivait là un phénomène dramatique pour l'économie du pays, c'est-à-dire la déstabilisation des prix. Si ma mémoire est bonne, le coût de production était plus élevé que le prix qui était offert pour le produit de base.

    Pensez-vous que la communauté internationale dispose de moyens pour faire en sorte qu'un minimum soit accordé et que les gens puissent produire en toute sérénité, sachant qu'ils seront payés de façon décente?

+-

     Mme Myriam Gervais: Au plan mondial, il m'est difficile de répondre à votre question parce qu'il s'agit de questions économiques, de la régularité des prix ou de la reconnaissance des prix des matières premières. Je peux cependant ajouter, et mes collègues pourront compléter sur ce point parce qu'ils sont plus experts que moi, qu'au niveau interne, en Côte d'Ivoire, on remarquait que les producteurs de café, qui sont les paysans, recevaient un prix largement inférieur au prix du produit exporté. En d'autres termes, la ponction qui était prise par l'État était extrêmement forte. Les taxes à l'exportation généraient une grande partie des revenus, mais ces revenus n'étaient à peu près pas transférés au niveau du producteur. Donc, il y avait une iniquité à l'intérieur du pays dans la filière café.

    J'aimerais que mes collègues puissent vous répondre à cette question au niveau mondial.

À  +-(1015)  

[Traduction]

+-

    La présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Helleiner.

+-

     M. Gerald Helleiner: Merci, madame la présidente.

    Le principal moyen dont nous disposons actuellement au niveau international pour remédier à des problèmes comme ceux du prix du café en Côte-d'Ivoire se trouve auprès du Fonds monétaire international. Le FMI dispose, depuis de nombreuses années, de ce que l'on appelle le mécanisme de financement compensatoire auquel sont associés des dispositifs supplémentaires pour faire face aux autres urgences. Son principal objectif est de stabiliser la situation précisément dans ce genre de circonstance. Au cours des deux dernières années, les cours du café sont tombés de moitié, ceux du coton, du tiers et même chose pour le cacao. Les pays producteurs de pétrole, comme le Nigéria, ont vu également les cours s'effondrer.

    La difficulté que le mécanisme de financement compensatoire du FMI présente pour les pays pauvres d'Afrique est que le taux d'intérêt imposé est le taux normal du marché. Pour tous les autres prêts que le FMI et la Banque mondiale accordent à ces pays pauvres, le taux d'intérêt est fortement subventionné. Il ne l'est pas pour ce mécanisme de financement compensatoire si bien qu'il n'est pratiquement d'aucune utilité pour les pays les plus pauvres qui en ont justement le plus besoin; il n'y ont pas recours.

    Il n'y a aucune raison de ne pas subventionner également les taux du mécanisme de financement compensatoire. Si le FMI refuse de le faire pour une raison ou pour une autre—surtout à cause de sa structure—les bailleurs de fonds bilatéraux pourraient le faire individuellement ou collectivement.

    La communauté européenne a eu, pendant des années, un mécanisme précisément conçu pour compenser une baisse inattendue des cours, le dispositif Stabex. Il s'est révélé imparfait à l'usage, mais cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de meilleure solution. Si personne d'autre ne le fait, les bailleurs de fonds bilatéraux pourraient échelonner leurs propres versements de façon à réduire au moins les répercussions les plus terribles, surtout sur les recettes publiques et du même coup les écoles, les dispensaires et l'entretien des routes. Ils pourraient échelonner leurs versements de façon à compenser l'instabilité des cours des denrées.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Culpeper.

[Français]

+-

    M. Roy Culpeper: Je voudrais simplement ajouter que la dépendance des États africains en matière de produits de base ne suffit pas au plan à long terme. Alors, je suis absolument d'accord avec Gerald Helleiner en ce qui concerne l'insuffisance des programmes d'aide tels que Stabex, Compensatory Financing Facility, etc. À long terme, je crois qu'il est plus important d'identifier les occasions d'investissements pour diversifier ces économies dans les secteurs manufacturiers et autres afin d'éviter leur dépendance en matière de produits de base.

À  +-(1020)  

+-

    M. Yves Rocheleau: Prenons un exemple concret. Supposons qu'il y ait une intervention de la compagnie Nestlé, qui n'est pas le dernier intervenant dans le domaine du cacao ou peut-être du café et qui fait des affaires avec un ou plusieurs pays. Qu'est-ce qui empêche Nestlé de jouer le jeu d'opposer un pays à un autre ou même d'opposer plusieurs pays les uns aux autres pour faire tomber les prix à leur plus bas niveau? Quel est le rôle véritable des instances internationales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international dans la protection des petits pays producteurs contre des compagnies aussi gigantesques que Nestlé? Et on pourrait probablement en nommer d'autres.

[Traduction]

+-

    M. Gerald Helleiner: Comme vous le savez certainement, cela fait longtemps qu'on cherche à soutenir le prix des matières premières dans ce genre de circonstances. Les producteurs ont notamment cherché à négocier collectivement avec les grandes sociétés étrangères qui sont sur le marché mondial et, lorsqu'ils le font, les pays occidentaux les accusent généralement d'être des cartels. Ils préfèrent toutefois se qualifier d'associations de producteurs et ils cherchent à faire précisément ce dont vous parlez.

    Il est difficile de maintenir la discipline dans les rangs des producteurs pour qu'ils limitent l'offre. Comme cela n'a pas très bien marché, on a cherché, surtout dans les années 70, à conclure des ententes internationales entre consommateurs et producteurs. Aux termes de ces ententes, nous, les pays acheteurs où se trouve Nestlé, convenons avec les producteurs de nous partager moitié-moitié le droit de vote pour décider du maintien des cours du cacao dans une fourchette et à des conditions convenues d'avance dans le but de stabiliser les prix.

    Cette formule a été largement expérimentée pour le cacao, le café, le sucre, l'étain, le cuivre. Dans l'ensemble, cela n'a pas donné de très bons résultats. On ne s'est pas entendu sur le niveau auquel les prix devaient être stabilisés, surtout sur le prix plancher. Il y a eu des désaccords quant à la largeur de la fourchette. On ne s'est pas entendu sur la mesure dans laquelle les producteurs devaient pouvoir limiter l'offre lorsque les prix tombaient trop bas. Quant aux désaccords continus qui découlent des désaccords entre Nestlé et d'autres pays consommateurs et ceux qui vendent les matières premières à Nestlé, on peut dire que l'on est généralement assez sceptique quant aux chances de succès d'un accord international sur les denrées entre producteurs et consommateurs.

    Pour cette raison, la communauté internationale s'est repliée vers des mécanismes comme ceux dont j'ai parlé. Ils cherchent simplement à stabiliser les recettes totales afin que, si le prix du cacao est trop bas ou si une catastrophe naturelle détruit la récolte, vous avez droit à une aide. Je crois que c'est la direction dans laquelle il faudrait orienter la politique au lieu d'essayer de ressusciter les accords internationaux sur les denrées entre producteurs et consommateurs, qui ont été très décevants jusqu'ici.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup.

    Monsieur Rocheleau, votre tour est terminé. Nous passons maintenant à M. Harvard.

À  +-(1025)  

+-

    M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je commencerai par dire, monsieur Morden, que j'ai particulièrement apprécié vos derniers propos concernant la pauvreté, le désespoir, l'intolérance et le mépris des droits de la personne dans certains des pays les plus pauvres du monde.

    Je n'ai pas entendu votre déclaration liminaire, monsieur Helleiner, mais j'ai lu votre texte et à la première page vous dites que:

    «Il est important de reconnaître que notre sécurité globale ne peut pas être assurée uniquement par des activités policières et militaires. La pauvreté et le désespoir qui règnent à l'étranger ont également une forte influence sur notre sécurité».

    La question que je vous pose et peut-être aussi à M. Morden, concerne le terrorisme dont nous avons été témoins le 11 septembre. Était-il causé en partie—, pas justifié, mais causé en partie—par le désespoir et la pauvreté?

+-

    M. Reid Morden: Voulez-vous commencer?

+-

    M. John Harvard: Est-ce une question difficile? Je sais qu'elle peut être délicate, mais est-ce...

+-

    M. Reid Morden: Je ne pense pas que ce soit extrêmement difficile.

+-

    M. John Harvard: Pouvez-vous répondre par oui ou par non?

+-

     M. Reid Morden: Probablement pas par oui ou par non, mais par la réponse canadienne traditionnelle, — oui, en partie.

    D'après les différents groupes qui, au cours des années, ont poursuivi divers objectifs politiques et ont eu recours à des méthodes terroristes pour parvenir à leurs fins, je crois qu'on peut tirer un certain nombre de conclusions: à cause de la pauvreté, du désespoir et de diverses autres choses, ces gens-là trouvaient que la vie ne valaient pas la peine d'être vécue dans la situation où ils se trouvaient eux-mêmes, leur pays et leur peuple et c'est le désespoir qui les a fait se tourner vers le terrorisme parce qu'ils ne pouvaient pas atteindre leur but par des moyens non violents.

    Cela ne justifie absolument pas leurs actes, mais la réponse est certainement oui, en partie.

+-

    M. John Harvard: Si nous retenons cette réponse, la réponse canadienne, peut-on dire que ceux qui ont commis ces actes terribles à New York et à Washington ne sont pas seulement des terroristes et des criminels?

+-

    M. Reid Morden: Ils le sont. C'est l'autre aspect du problème. Ce sont des terroristes et des criminels pour l'avoir fait.

À  +-(1030)  

+-

    M. John Harvard: Purement et simplement.

+-

    M. Reid Morden: Purement et simplement? Que cela se produise en Irlande, chez les Kurdes ou au Punjab ou encore en Irlande, ceux qui tuent des innocents sont des criminels.

+-

    M. John Harvard: J'apprécie ces réponses, car c'est un sujet dont il est difficile de parler, peut-être à cause de la façon dont je l'ai présenté, car si nous laissons entendre que ces actes sont suscités par l'intolérance, la pauvreté et le désespoir, nous craignons beaucoup qu'on nous accuse d'indulgence envers les criminels.

    Les commentateurs de droite ont souvent dit depuis le 11 septembre que des facteurs comme la pauvreté et le désespoir ne conduisaient pas au terrorisme étant donné que la pauvreté et le désespoir règnent autant dans certains pays qu'en Afghanistan, par exemple, mais qu'ils ne servent pas de refuge aux terroristes. Ils affirment donc que l'intolérance, la pauvreté, l'absence de droits et le reste n'ont rien à voir avec ces actes terribles.

    Qu'en pensez-vous, professeur? Qu'avez-vous à répondre aux commentateurs de droite?

+-

    M. Gerald Helleiner: Je suis d'accord avec Reid Morden pour ce qui est de la réponse typiquement canadienne et pour dire que c'est un des facteurs.

    Vous avez donné un excellent exemple en mentionnant les critiques de la droite à l'égard de l'indulgence envers les criminels, car le même genre d'arguments s'appliquent au trafic de la drogue, à la criminalité alors que les activités policières n'arriveront jamais à éliminer entièrement la criminalité. Vous aurez beau augmenter le nombre de policiers sur nos routes, vous n'empêcherez pas les gens de faire des excès de vitesse. Notre société doit voir s'il est plus avantageux de remédier à ces problèmes en augmentant ces dépenses pour la police et pour l'armée plutôt qu'en les augmentant pour s'attaquer aux causes profondes.

+-

    M. John Harvard: Si je peux formuler ma question ainsi, quelle leçon avons-nous tirée du 11 septembre?

    Nous avons assisté à une vaste riposte militaire, surtout de la part des États-Unis, mais le Canada a également fait sa part. Je crois que le président Bush a proposé d'accroître de 48 milliards de dollars le budget de la défense.

    Que pouvons-nous donc en conclure si ce n'est que ces événements nous ont amenés à renforcer notre sécurité et ont entraîné une riposte militaire écrasante? Qu'avons-nous appris d'autre? Y a-t-il quelque chose de positif, le monde est-il plus sensible aux problèmes dont vous parlez, le désespoir, la pauvreté et le reste?

+-

    M. Gerald Helleiner: Personnellement, je crois que la communauté internationale en est plus consciente, mais que cela ne se reflète pas encore dans la politique des États-Unis. Les Américains et les médias sont encore tellement obnubilés par ces événements horribles que, contrairement à la plupart des autres pays, ils ne reconnaissent pas la nécessité d'une action multilatérale de plus grande envergure qui ne sera pas nécessairement placée sous leur direction et leur contrôle, et la nécessité de porter davantage attention à ces problèmes sous-jacents.

    Bien entendu, il y a aux États-Unis des gens qui défendent ce point de vue, mais ils sont vivement critiqués. Il y a des professeurs d'université qui tiennent le même genre de discours que moi et qui ont été inscrits sur une liste établie par un groupe dont j'ai oublié le nom, mais qui est présidé par Mme Cheney. Son but est de dénoncer tous ceux qui désapprouvent l'effort de guerre actuel. C'est ce qu'on a pu lire dans le dernier bulletin de l'Association canadienne des professeurs d'université qui s'en est vivement alarmée. Mon nom va sans doute figurer sur la liste après ce que je vous ai dit ce matin et je trouve cela déplorable.

    Mais je pense que dans le reste du monde et au Canada on comprend beaucoup mieux la situation. Au Royaume-Uni en tout cas, même si Tony Blair se promène beaucoup, il fait aussi des discours qui laissent entendre que son gouvernement comprend parfaitement les problèmes sociaux et économiques sous-jacents qui peuvent engendrer des situations qui n'ont pas nécessairement motivé les 19 terroristes et ceux qui les soutenaient, mais qui le feront à l'avenir. Selon un récent article du Financial Times, de Londres, nous ne pouvons pas continuer à nous promener en limousine dans les quartiers pauvres de la planète sans nous attendre à recevoir de temps en temps des pierres dans nos vitres.

+-

    M. John Harvard: Je trouve curieux que la droite insiste sur le conformisme politique dans ce contexte particulier alors qu'elle prétend souvent le détester. Si vous ne suivez pas son diktat, vous risquez de voir votre nom sur la liste, comme vous l'avez dit.

+-

     M. Reid Morden: Je pourrais peut-être attirer l'attention des membres du comité qui désirent approfondir la question, sur un excellent article qui porte sur un grand nombre des sujets que vous venez d'aborder et qui examine de très près les facteurs qui ont conduit au 11 septembre, écrit par Bernard Lewis, professeur émérite spécialisé dans les études sur le Moyen-Orient à Princeton, qui a paru dans le The New Yorker du 19 novembre. Cet article mérite certainement de retenir l'attention. C'est un article long et plutôt dense, mais il vaut la peine de le lire pour bien comprendre ces questions.

+-

    M. John Harvard: Monsieur Morden, vous avez parlé du cybercrime.

    M. Reid Morden: Oui.

    M. John Harvard: Est-il centralisé dans une région du monde ou est-il répandu un peu partout?

À  +-(1035)  

+-

    M. Reid Morden: Le problème, c'est que le droit n'en traite pas beaucoup à l'heure actuelle et que nous commençons seulement à chercher une solution. Permettez-moi de vous donner un exemple concret sur lequel KPMG a travaillé. Comme d'habitude, les noms ont été changés pour protéger les personnes innocentes.

    Un criminel canadien s'est introduit dans le site Web d'une société établie au Canada par l'intermédiaire d'un fournisseur de service Internet d'Ukraine. La société propriétaire du site Web était canadienne, mais le serveur où était stockée l'information se trouvait dans une île des Antilles. Il a téléchargé des renseignements exclusifs qui constituaient le principal avoir de l'entreprise. Il a ensuite stocké ces renseignements sur un serveur situé au Texas. Il s'agit maintenant d'établir qui est ce criminel, où il se trouve, où le crime a eu lieu, qui est mandaté pour enquêter,et où le procès devra se dérouler.

    Voilà le genre de questions qu'il faut maintenant résoudre et elles sont extrêmement complexes. À l'heure actuelle, ce ne sont pas seulement des membres du crime organisé, mais des terroristes qui trouvent des moyens de se financer et de financer leurs opérations. Il va donc falloir commencer par élargir le droit international et voilà pourquoi je me suis attardé sur ce sujet quelques minutes ce matin. Il va falloir rallier la communauté internationale, y compris les pays en développement, en leur faisant comprendre que tout le monde a intérêt à avoir une législation pour résoudre ce genre de problème.

    M. John Harvard: Merci.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci.

    Je demande l'indulgence des témoins car nous avons une question parlementaire à régler.

    Nous avons reçu un ordre de la Chambre et c'est une question que je voudrais régler. Je vais maintenant demander au greffier de nous lire cet ordre de la Chambre du 28 janvier.

+-

    Le greffier du comité: Il est ordonné, conformément à l'article 39(5)... [Difficultés techniques—La rédaction].

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vais commencer au début: l'article 39(5) du Règlement exige que dans les cinq jours suivant ce renvoi, le président du comité convoque une réunion pour examiner le fait que le ministère n'a pas répondu. Telle est la question qui nous est maintenant soumise.

    Nous ne pouvons pas nous prononcer sur le fond de la question, mais nous pouvons demander les explications voulues quant aux raisons pour lesquelles le ministère n'a pas répondu dans le délai imparti.

    Comme la secrétaire parlementaire est ici, sa réponse pourrait suffire, ou le comité pourrait décider de ce qu'il compte faire.

    Marlene Jennings, voudriez-vous répondre au nom du ministère?

À  +-(1040)  

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Comme nous n'avons pas été informés de cela, je pense que pour les autres membres de l'opposition qui ne savaient pas que nous serions saisis de cela ce matin, il serait juste que nous reportions cette question à la prochaine séance régulière.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Voudriez-vous que nous le fassions lors d'une autre séance?

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Oui, c'est ça.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Pourrions-nous entendre cette explication et ensuite décider si nous voulons ou non pousser les choses plus loin? Je pense qu'à ce moment-ci, nous voudrions sans doute entendre la secrétaire parlementaire.

+-

    M. John Harvard: Je voudrais vous dire, madame la présidente, qu'à mon avis lorsque Francine entendra la réponse de la secrétaire parlementaire, elle comprendra pourquoi nous pouvons nous saisir de cela tout de suite.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): D'accord.

    Nous allons écouter ce que Marlene a à dire.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce--Lachine, Lib.): Madame la présidente, merci beaucoup de me fournir l'occasion d'expliquer ce qui est arrivé.

    C'est exact que la réponse du gouvernement n'a pas été déposée en Chambre à temps. La date limite était le lundi 28 janvier. La ministre a signé la réponse du gouvernement cette semaine. Celle-ci sera déposée en Chambre aujourd'hui même par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement en Chambre. On sait tous qu'il y a eu un remaniement ministériel. Dès que la nouvelle ministre a été nommée, elle a dû se rendre à Tokyo pour participer à des réunions portant sur la reconstruction de l'Afghanistan. Elle est rentrée seulement le lundi 28. Elle regrette beaucoup de ne pas avoir eu le temps, en raison du remaniement, de déposer sa réponse, mais cela va se faire aujourd'hui même.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vous remercie.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings: Au nom du ministère et de la ministre, je demande si le comité est satisfait de la réponse. Si oui, j'imagine que cela va clore la question.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vais donc poser la question. Y a-t-il...

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Madame la vice-présidente, je viens de revenir. Vous savez qu'il s'est passé des événements à la Chambre; vous en avez entendu parler. Il fallait que je parte, mais à mon souvenir, je n'ai pas eu cet avis-là dans la convocation d'hier.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jeanne Augustine): Je pense que dorénavant, nous ferons en sorte que, lorsque ce genre d'ordre de renvoi nous est communiqué, il figure au Feuilleton. À ce moment-ci, nous essayons de trouver une solution à cette question qui a surgi, et je pense que notre comité est le premier qui se soit trouvé dans ce cas depuis le changement qui a été apporté aux ordres de renvoi. Nous allons donc faire en sorte que tout nouvel ordre de renvoi donné au comité figure au Feuilleton.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci, madame la présidente. J'accepte alors.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Fort bien.

    Pouvons-nous donc poursuivre?

+-

    M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Madame la présidente, j'aurais une observation à faire, étant donné que je préside le Comité des affaires autochtones et des ressources naturelles, et que nous aurons nous-mêmes deux questions dans ce sens à régler à 11 heures ce matin.

    À mon sens, la nouvelle procédure est un outrage fait aux membres du comité, en ce sens qu'on nous impose de convoquer une réunion dans les cinq jours. Cette semaine-ci, cela ne pose pas problème et nous sommes donc en mesure de nous y conformer, mais il arrivera que nous devions tout abandonner pour la simple raison qu'il y a une règle qui dit que le ministère n'a pas répondu à une question de sorte que les 16 députés membres du comité doivent laisser tout tomber dans les cinq jours. Pour moi, c'est une politique qui est vraiment déplorable. Je comprendrais qu'on nous donne 10 jours ou plus, mais nous imposer de tout abandonner en cinq jours, c'est en demander énormément aux membres du comité—ainsi qu'aux témoins d'ailleurs.

À  +-(1045)  

[Français]

+-

    La vice-présidente, (Mme Jean Augustine): Madame Lalonde.

[Traduction]

+-

    Mme Francine Lalonde: Je voudrais dire à M. Bonin que...

[Français]

    Je vais le dire en français, surtout à lui.

    Les députés ordinaires ont tellement peu de poigne sur une question comme celle-là, où les ministères ont amplement le temps de répondre... En fait, cette règle ne vise pas à être utilisée mais elle vise à faire que les ministères répondent à temps. Et dans ce sens-là, vous devriez être tout à fait d'accord là-dessus.

+-

    M. Raymond Bonin: Madame Lalonde, vous avez mal compris. Je n'ai pas d'objection quant à la politique, c'est le cinq jours...

+-

    Mme Francine Lalonde: Mais, c'est ça.

+-

    M. Raymond Bonin: Il est très difficile de demander aux députés de tout arrêter. En tout cas, j'ai fait connaître mon point...

+-

    Mme Francine Lalonde: Mais que le ministère réponde et il n'y aura pas de cinq jours.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je vais mettre la question aux voix. Vous avez entendu l'explication et je vais donc laisser le comité trancher. Cela vous va?

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Et l'Afrique, ça ne vous intéresse pas?

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Nous allons donc maintenant reprendre la séance de questions et réponses et c'est Mme Carroll qui est la suivante sur ma liste.

+-

    Mme Aileen Carroll: Merci, madame la présidente.

    On a déjà dit tellement de choses et je sais que j'ai très peu de temps. Il est impossible de parler de tout ou même de poser toutes les questions que j'aimerais poser. Je tiens à vous remercier tous de vos exposés approfondis.

    M. Harvard a soulevé une question par laquelle j'aurais sans doute commencé, mais j'aimerais cependant bien dire officiellement que j'hésiterais à qualifier de courageux les propos que vous avez tenus tous les deux car ce serait admettre une dynamique que je me refuse d'admettre. Je veux dire qu'après le 11 septembre, une espèce de rectitude politique s'est imposée aux esprits. Elle commence à s'estomper un peu. Nous allons y contribuer en parlant tout haut, et je suis heureuse que nous l'ayons fait ce matin.

    J'ai eu l'occasion d'aller au Conseil de l'Europe, à Strasbourg, dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre. J'ai pu y constater l'écart remarquable entre l'état d'esprit dans lequel nous nous sommes enfermés aussitôt après le 11 septembre et la liberté de pensée des membres européens de 44 pays qui disaient exactement ce que vous venez de nous dire, monsieur Morden, dans leur débat d'urgence, tout en manifestant leur sentiment d'horreur face à ce qui s'était passé et en condamnant ces actes.

    Je pense que vous avez très bien présenté les choses, monsieur. Je ne sais pas si l'on peut qualifier de canadien le fait d'affirmer qu'on ne peut pas porter de jugement sur ces 19 personnes, sur des gens qui venaient apparemment de milieu aisé et privilégié mais qui pratiquent une religion déformée au point de justifier de tels actes qui sont parfaitement inacceptables.

    Mais là encore, monsieur Morden, je pense que vous avez utilisé très judicieusement le terme de «recrue». Il sera peut-être plus difficile de recruter des soldats, des fanatiques de ce genre, lorsqu'on se sera attaqué au problème de l'aliénation et de la pauvreté.

    Je voulais simplement dire que j'étais heureuse que vous nous ayez signalé cela, et je suis tout à fait d'accord avec vous en tant que membre de ce comité. J'espère que nous n'allons pas voir le «Cheneyism remplacer le McCarthysim», et ce que vous avez mentionné est assez inquiétant. On est peut-être en train de dresser ces listes effectivement.

    Je voulais simplement faire ces quelques remarques et passer rapidement à la suite car je sens que la présidente va m'interrompre.

    J'aimerais en savoir plus sur les activités de l'ABA face à la cybercriminalité, monsieur Morden. C'est un phénomène réel. J'ai une longue expérience de l'ABC et j'ai pu constater que c'était de là que partaient les innovations nécessaires qui déclenchaient les interventions des gouvernements et autres.

    Enfin, j'aimerais signaler que M. Robert Fowler est venu nous parler d'aide. Je crois que vous-même et tous les autres avez signalé le recul du niveau d'aide et des mécanismes permettant de déterminer l'efficacité de cette aide, et c'est une excellente remarque.

    M. Fowler a déclaré, et j'ai dit que je n'étais pas d'accord avec lui, que le gouvernement avait réduit son aide au fil des années par manque d'intérêt ou parce que ce n'était plus une priorité pour la population. Je ne crois pas que ce soit la véritable raison. Je crois simplement que les gouvernements se souciaient plus de mettre de l'ordre dans leurs finances et de réduire leur déficit que d'exprimer les priorités des Canadiens ou de l'électorat. Je pense que c'est une distinction très importante et j'ai signalé à M. Fowler que le ministre Pettigrew avait dit exactement le contraire lorsqu'il avait rendu compte de la conférence ministérielle de Doha; ces déclarations ministérielles sont l'expression des souhaits des Canadiens en matière de développement et c'est seulement quand les gouvernements y réagissent qu'ils obtiennent l'appui politique nécessaire pour mener les actions que vous recommandez. Je vous respecte beaucoup, monsieur Fowler, mais nous avons là une divergence de point de vue.

    Monsieur Morden, je vais profiter de votre expérience passée pour vous poser une question un peu hors sujet. En tant qu'ancien directeur du SCRS—même si ce n'est pas à ce titre que vous êtes venu nous rencontrer aujourd'hui—pensez-vous que le Canada devrait se doter d'un service distinct de renseignements à l'étranger? Pensez-vous que nous devrions suivre le modèle des États-Unis, de la Grande-Bretagne et même de la Russie en faisant la distinction entre le renseignement intérieur et le renseignement étranger et en ne donnant pas la totalité...

    Des voix: Oh oh!

À  +-(1050)  

[Français]

    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]

    Mme Aileen Carroll: Oui, mais c'est quelquefois nécessaire.

+-

    Mme Francine Lalonde: On n'aura pas de réponse.

+-

    Mme Aileen Carroll: Oui, mais il n'y a pas beaucoup de députés de l'opposition ici. C'est une journée pour le gouvernement.

+-

    Mme Francine Lalonde: Tous les jours sont pour le gouvernement.

+-

    Mme Aileen Carroll: Non, ce n'est pas ça. Souviens-toi de... [Note de la rédaction: inaudible].

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Morden.

+-

    M. Reid Morden: Je n'avais d'ailleurs aucune envie de venir à ce titre. En arrivant ici, je me disais que c'était vraiment agréable de ne pas aller témoigner au comité du solliciteur général où il y a beaucoup trop de discussion souvent acrimonieuse sur ces sujets.

    Je dois dire que mon point de vue sur la question a évolué au fil des ans. Naguère, j'étais très favorable à la création d'un service distinct de renseignement à l'étranger. Mais je ne sais pas, peut-être que je me suis ramolli ou que j'ai réfléchi un peu plus à la question, mais maintenant je ne suis plus de cet avis, je n'en vois pas la nécessité.

    La Loi sur le SCRS est rédigée très habilement et en vertu de l'article 16, l'agence peut, à la demande du ministre des Affaires étrangères ou du ministre de la Défense, recueillir des renseignements à l'étranger.

    J'aurais peine à croire que ces ministères ou les ministres eux-mêmes ne sont pas capables de façonner leurs questions au SCRS de manière à permettre à ce service d'aller mener des activités à l'étranger si c'est nécessaire pour la sécurité du Canada.

    Par ailleurs, je pense que nous avons le pouvoir de faire tout ce que nous devons faire, et ensuite les services de renseignement à l'étranger sont des entreprises extrêmement coûteuses. Dans les jours qui ont suivi les attentats, il y a eu un énorme tapage dans les médias et tout un débat public sur cette question, un débat extrêmement passionné évidemment en raison de l'horreur de ces événements, et je suis sûr que c'est une des options que le comité présidé par M. Manley a envisagée à ce moment-là.

    Mais je crois qu'en fin de compte, ce que les législateurs et les gouvernements doivent se demander, c'est s'ils peuvent prendre une telle initiative sous le coup de l'émotion et sur une simple impulsion momentanée, et s'ils ont vraiment toute l'armature voulue pour soutenir un tel organisme et ses activités—car ce n'est pas le genre de choses dont vous allez entendre parler chez vous tous les jours—et s'ils sont prêts à continuer à verser plusieurs centaines de millions de dollars par an à un organisme supplémentaire.

    Pour ces deux raisons, je suis profondément convaincu que nous n'en avons pas besoin et que nous pouvons faire tout ce que nous voulons faire au moyen de la Loi sur le SCRS.

À  +-(1055)  

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine) Merci.

+-

    Mme Aileen Carroll: [Note de la rédaction: Inaudible]...pour ne pas me faire critiquer par la présidence parce que j'ai utilisé tout mon temps.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je pense que c'était une réponse très complète à votre question et qu'elle nous permettra de faire l'économie de plusieurs sous-questions qui auraient pu être posées sur ce sujet.

    Nous passons maintenant à Mme Jennings. Oh, nous revenons à Mme Lalonde? Très bien.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings: Oui, parce qu'elle a manqué son tour.

+-

    Mme Francine Lalonde: Il me semble que ça ne serait pas injuste, madame la présidente.

    Voici quelques points rapides.

    Monsieur Culpeper, ce n'est pas Bill Graham qui a proposé cette étude; c'est moi. Mais je dois dire qu'il a été d'emblée intéressé et que le comité, dans son ensemble, était d'accord sur cette étude, même si l'opposition au complet n'est pas là aujourd'hui pour le confirmer.

    Monsieur Morden, je ne parlerai pas de sécurité, mais je dois vous dire que j'ai beaucoup apprécié la fin de vos propos à savoir qu'il fallait en effet lutter contre les inégalités et pour la justice sociale et que ceci était l'une des bonnes façons de travailler à la sécurité sans dire pour autant que c'était l'unique façon de lutter. Je vous remercie beaucoup.

    Madame Gervais, je ne vous ai pas entendue. Je vais donc poser mes premières questions à M. Helleiner.

    Vous nous avez présenté une politique globale extrêmement intéressante. Je suis très contente qu'elle soit comme les autres. Elle regroupe l'ensemble des éléments. Je suis très contente aussi que vous nous l'ayez présentée par écrit et qu'elle fasse partie de ce que nous avons dans nos papiers. Cependant, je vous demanderais de nous indiquer, à nous qui allons faire des recommandations qui, nous l'espérons, ne resteront pas sur une tablette, mais qui seront reprises par ceux qui préparent le G-8, ce sur quoi vous insisteriez. Quelles seraient vos priorités pour que cette réunion du G-8 ne soit pas un nouvel espoir déçu pour les Africains qui cherchent une collaboration avec les pays développés?

[Traduction]

+-

    M. Gerald Helleiner: Si vous me demandez de classer par priorité ce que j'ai présenté, je dirais simplement deux choses, car en fait je voudrais tout avoir.

    Premièrement, alliez-vous avec ce que je considère comme les gouvernements nordiques les plus progressistes pour attaquer ces problèmes, et ne vous en remettez pas au leadership ou à la pleine coopération des État-Unis qui selon toute probabilité ne vous seront guère utiles à cet égard. Autrement dit, dans ce contexte, travailler consciemment avec les Britanniques et le G-8, et à une échelle plus générale, collaborer plus délibérément avec les Hollandais et les Scandinaves, même s'il y a récemment eu des élections au Danemark, ce qui a quelque peu modifié la situation. Ce sont des pays qui ont suivi les orientations dont je parlais. Ce sont eux qui ont été les moteurs des innovations dans les formules d'aide dont j'ai parlé pour la Tanzanie, malgré l'opposition des États-Unis, du Japon et de la France entre autres, et même parfois de l'Allemagne. Je pense qu'il faut chercher des alliés pour ce combat, et ne pas attendre que tout le monde ait embarqué pour démarrer. Il faut simplement se choisir des alliés et aller de l'avant. C'est la première chose que je dirais. C'est une question de tactique.

    Pour ce qui est des priorités, je considère personnellement, et je pense que mes collègues ne me suivront pas sur cette voie, que ce qui a manqué dans tous les plans d'action antérieurs, dans toutes les coalitions mondiales pour l'Afrique, dans les programmes spéciaux des Nations Unies pour l'Afrique—les dernières décennies sont une litanie de programmes annoncés par la communauté internationale qui ont échoué—c'est une évaluation indépendante des résultats des participants du nord, notamment de ce qu'ils font au niveau des pays. Il ne rendent de comptes à personne. Il y a évidemment un certain examen effectué par les pairs à l'OCDE, c'est-à-dire que les pays bailleurs de fonds s'évaluent mutuellement, mais ils se contentent simplement de se renvoyer l'ascenseur. Il ne s'agit nullement d'un exercice indépendant et ce n'est pas suffisant.

    Ce que demandent notamment les participants du NEPAD, c'est un nouveau rapport en matière d'aide, un rapport plus équilibré, même si nous savons tous très bien que c'est celui qui paie le musicien qui choisit la musique, comme on dit en anglais. Je ne sais pas s'il existe un équivalent en français de ce proverbe. Si nous sommes convaincus, comme c'est notre cas à nous, que ce sont les bénéficiaires qui doivent diriger les programmes de développement, et que ces programmes ne fonctionnent pas autrement—je pense qu'on en a la preuve au niveau des projets, au niveau des pays, à tous les niveaux—alors nous devons trouver un rapport mieux équilibré entre ceux qui offrent et ceux qui reçoivent les ressources financières. Je crois qu'il y a des possibilités et qu'il y a des moyens de démontrer aux vérificateurs généraux et aux parlementaires qu'on ne gaspille pas l'argent. On fait déjà des expériences en ce sens et il faut les intensifier.

Á  +-(1100)  

    Je placerai l'évaluation des activités, l'évaluation indépendante de tout le monde au même niveau que l'accroissement des ressources. Si nous continuons à offrir de l'aide sans coordination et aux conditions imposées par les bailleurs de fonds, comme c'est le cas la plupart du temps, cette aide ne sera pas aussi efficace qu'elle pourrait l'être. Je ne parle pas de choses mineures. Je dis qu'il serait tout aussi important de rectifier les modalités de cette aide que de doubler ces montants. Ce sont deux choses que je recommande, mais j'ai bien peur que nous ne réussissions pas à obtenir un doublement des montants consacrés à l'aide. Il sera probablement plus facile de mettre sur pied des rapports plus équilibrés, plus appropriés et plus efficaces.

    S'il fallait établir des priorités, compte tenu des contraintes politiques et des résultats qu'on obtiendrait probablement autrement, ma première suggestion serait d'améliorer les rapports en matière d'aide et les systèmes d'évaluation.

Á  +-(1105)  

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup.

    Madame Lalonde, votre temps de parole est expiré.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Je n'ai pas eu mes 10 minutes.

[Traduction]

+-

    Une voix: Je vous ai retenu trop longtemps.

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Madame Jennings, c'est à vous.

    Je crois que le vote est prévu pour 11 h 15.

    Une voix: Non, ça doit être 11 h 30.

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): 11 h 30? C'est une cloche de 30 minutes? Ah bon.

    Mme Francine Lalonde: Il y a un vote?

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Oui.

    Une voix: C'est l'opposition qui fait de l'obstruction.

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Nous n'allons pas nous engager sur ce terrain.

    Madame Jennings.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup, madame la présidente. Merci beaucoup de vos présentations.

    J'aimerais adresser mes questions à Mme Gervais et à M. Culpeper, car elles concernent la question de l'aide internationale au développement, aide qui doit être stratégique et efficace. Vous savez certainement que l'ACDI a commencé tout un processus de consultation dans tout le Canada pour voir comment l'aide au développement international qui provient du Canada peut être vraiment efficace. Qu'est-ce qu'on doit faire?

    Dans le contexte du NEPAD, le continent africain est composé de 54 pays. Certains pays sont relativement riches au niveau des ressources naturelles, relativement bien gouvernés et relativement stables, tandis que d'autres pays sont extrêmement pauvres, mal gouvernés, mal gérés et tout.

    Nous avons une enveloppe budgétaire fixe. Dans le budget de 2001, au mois de décembre, on a eu une annonce de un milliard de dollars, dont 500 millions sont affectés au fonds de l'Afrique et dont le reste constitue des augmentations à l'enveloppe de l'ACDI au cours des trois prochaines années, si je ne me trompe pas. Dans le budget de février 2000, il y avait eu une augmentation de 435 ou 434 millions de dollars sur trois ans, mais on ne sait toujours pas si ce sont des augmentations durables ou des augmentations ponctuelles.

    Dans ce contexte, comment le gouvernement canadien, via son outil qu'est l'ACDI, peut-il appuyer ce NEPAD d'une façon très efficace? Il y en a qui disent qu'on devrait limiter l'aide à certains pays africains qui sont très bien gérés et où les résultats positifs sont beaucoup mieux garantis, où on a plus de chances que les objectifs soient atteints, au lieu de saupoudrer mincement l'aide un peu partout.

    Étant donné votre expertise à vous deux, j'aimerais que vous me donniez vos idées là-dessus. C'est ma première question.

    Ma deuxième a trait au point que vous avez soulevé, monsieur Helleiner, concernant la réduction de la dette, à savoir que les pays les plus endettés ne remboursent même pas leur dette. Même si on efface leur dette, cela n'a aucun impact. Donc, que suggérez-vous, toujours dans le contexte du NEPAD? Quelle position le Canada devrait-il prendre face à cette question? Le Canada est l'un des pays qui ont agi le plus rapidement sur la question de la réduction de la dette des pays les plus pauvres. Je pense qu'on a encore beaucoup à faire, mais si vous dites qu'en réalité cela n'a pas d'impact, je vais retourner voir les gens de mon comté, qui ont été très actifs lors de la campagne Jubilé 2000, pour leur dire que c'est bien beau, mais qu'il faut regarder autre chose.

    Ce sont mes deux questions.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Culpeper.

+-

    M. Roy Culpeper: Je vais répondre sur deux plans.

    Premièrement, je trouve assez inquiétant ce principe du tri que l'on semble faire de plus en plus à propos de l'Afrique en disant qu'on pourra peut-être sauver une demi-douzaine de pays et qu'il faudra laisser les autres en attente. Je trouve que c'est un raisonnement très inquiétant qui semble faire son chemin même au Canada, et même dans certaines des remarques que Bob Fowler a formulées.

    Deuxièmement, je pense néanmoins que le programme d'aide du Canada pourrait être concentré de façon plus utile, non pas sur les gagnants par opposition aux perdants, mais sur les pays où l'intervention stratégique de l'ACDI et des autres politiques étrangères du Canada peuvent se manifester de façon plus cohérente. Notre institut et de nombreux autres critiques de la politique d'aide du gouvernement disent systématiquement qu'il serait souhaitable de recentrer notre programme d'aide sur 20 pays par opposition à 100.

    Mais pour en revenir au premier point , si nous devions choisir six pays en Afrique, cela voudrait dire qu'on abandonne l'essentiel de ce continent. Le véritable défi non seulement pour l'ACDI mais pour tous les organismes bailleurs d'aide, c'est d'aider les pays qui ont ces très graves problèmes de gouvernance à se redresser. Je dois dire qu'à ma connaissance, à peu près aucun de ces pays d'Afrique n'en est exempt.

    Je crois qu'il faut que les bailleurs de fonds et les partenaires externes apportent à ces pays le genre d'aide dont parlait M. Helleiner, pour leur donner la capacité de se gouverner plus efficacement. Parfois, cela peut impliquer la mise en place de fonctions assez obscures, pas simplement des juges et des personnes comme cela—qui sont évidemment importants—mais aussi des vérificateurs, des comptables, des responsables de la tenue des dossiers. Même dans notre continent, nous pouvons constater les graves défaillances de nos vérificateurs. Il y a un besoin criant de vérificateurs de qualité dans le monde entier.

Á  +-(1110)  

+-

    Mme Marlene Jennings: KPMG, avec Anderson.

+-

    M. Roy Culpeper: Sans parler de KPMG. Je n'en dirai pas plus.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings: Madame Gervais.

+-

    Mme Myriam Gervais: Je pense qu'il ne s'agit pas de poser le problème au niveau du choix entre les pays stables et les pays où il y a de l'insécurité. C'est un faux problème et c'est même très dangereux, car cela va orienter notre programme d'une manière qui va trancher avec le passé. On doit poursuivre la justice sociale et la lutte contre la pauvreté dans le cadre des orientations fondamentales de notre programme.

    Il ne faut pas oublier que parmi ces pays où il y a de l'insécurité, il y en a des pauvres, et ils sont nombreux. Justement, l'un des problèmes du développement en Afrique est de contribuer à résoudre les sources d'insécurité profonde, qui sont bien souvent de nature politique, mais aussi économique. Donc, il ne faut pas poser le problème de cette manière: le fait de sélectionner les pays stables va nous garantir des résultats. Je pense que c'est une erreur.

+-

    Mme Marlene Jennings: Permettez-moi de vous interrompre.

    Vous savez que c'est justement comme cela que la problématique est posée, comme M. Culpeper l'a mentionné, même au niveau de l'ambassadeur Fowler, le sherpa. Ce débat est en cours actuellement.

+-

    Mme Myriam Gervais: Je répliquerai à cela que notre orientation était basée sur la réduction de la pauvreté. Donc, il s'agissait de se pencher sur les besoins des pays pauvres. Prenons le cas d'un pays comme le Rwanda, qui est un pays où il y a encore de l'insécurité, mais où nous avons relancé le programme de développement il y a trois ans. Il y a beaucoup de progrès qui est en train de se faire au sein du Rwanda. Les populations sont en train de se reprendre en charge. Elles ont dépassé le stade de la survie. Si on n'aide pas ces pays à résoudre leur problème d'insécurité profonde tout en les aidant à se développer, on va payer en termes d'aide d'urgence. C'est l'un des problèmes qu'on oublie toujours. On répond, au niveau conjoncturel, à des besoins pressants qui deviennent plus coûteux que nos programmes de développement. C'est pour ça que je dis que cette approche est dangereuse. Elle est même inefficace.

    Dans les années 1990, dans le cas du Rwanda et dans tous les cas de conflits intraétatiques en Afrique, quand on a choisi de couper l'aide à ces pays parce qu'ils étaient des pays où il y avait de l'insécurité, on a payé une facture de toute façon. Cette aide est à très court terme et elle est très inefficace. Alors, en termes d'efficacité, il faut garder les pays qui sont instables et plutôt diriger l'aide au niveau des associations ou des regroupements, par des canaux autres que l'État si on a l'impression que l'aide n'arrivera pas aux populations.

    Deuxièmement, pour augmenter l'efficacité de l'aide, il faut aussi cesser de penser à des actions de court terme de un an, deux ans ou trois ans en matière de consolidation de la paix ou même de projets. Si on veut augmenter l'efficacité, il faut plutôt penser à des projets qui sont planifiés sur cinq ou sept ans.

Á  +-(1115)  

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Madame Lalonde, la parole est à vous.

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci, madame la présidente.

    Tous, je crois, vous avez utilisé des arguments différents pour souligner la nécessité absolue de l'aide. Vous avez dit clairement que le commerce n'était pas suffisant, et j'étais heureuse de l'entendre. Les investissements privés ne se font pas en Afrique même si les pays, comme vous l'avez dit, libéralisent. Il faut faire très attention de ne pas accroître davantage les écarts. Je retiens ça. L'aide est donc indispensable.

    Enfin, ce sont des arguments que mes collègues et moi utiliserons pour exiger que le Canada prenne exemple sur les pays nordiques et sur la Hollande qui cherchent sérieusement à atteindre le 0,7 parce que présentement, on ne se dirige pas du tout dans cette direction-là, mais pas du tout. Je vous remercie de nous donner ça. On en a besoin parce que l'argument que l'on entend très souvent, c'est que le commerce va tout régler. Merci beaucoup pour ça.

    Je voudrais ajouter un autre élément. Nous savons qu'il y a des entreprises, même canadiennes, et d'autres qui prospèrent dans l'insécurité, qui profitent des guerres, qui les alimentent. J'ai préparé un projet de loi privé qui n'a pas encore été choisi qui viendrait modifier la Loi sur les mesures économiques spéciales de sorte que le Canada aurait un instrument pour faire pression sur les entreprises qui se livrent à des pratiques qui n'ont pas de sens. On a vu de ces entreprises au Soudan, mais on sait qu'il y en a aussi en Angola, au Liberia qui entretiennent l'insécurité, donc qui vont à rebrousse poils—je ne sais pas s'il y a une expression anglaise pour ça—du cercle vertueux qu'on veut créer.

    Finalement, il faut faire de la politique pour que... Les citoyens de mon comté, même si j'ai un comté qui n'est pas riche, comprennent que l'aide internationale, ce n'est pas de la charité. C'est une contribution nécessaire à un équilibre social et économique et cela va nous revenir, non pas sous forme d'aide liée, mais autrement. Ce n'est pas ça que l'on cherche.

    Madame Gervais pourrait peut-être réagir à cela.

+-

    Mme Myriam Gervais: Je voudrais plutôt laisser la parole à M. Culpeper.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Roy Culpeper: Allez-y.

+-

    Mme Myriam Gervais: Cela revient à la question qui a été posée précédemment. Chercher de l'aide efficace, c'est bien, mais si l'on pense que le développement en Afrique va passer par le secteur privé, par le commerce et que forcément, avec une croissance, il y aura des effets bénéfiques qui vont faire en sorte que les populations vont voir leurs revenus augmenter et donc leur niveau de santé et d'éducation s'améliorer... Les 40 dernières années nous ont déjà démontré que le financement des infrastructures et l'aide au renforcement des capacités administratives des États n'ont pas marché en Afrique. On a aussi constaté, au cours des années 1980-1990, que ça ne suffisait pas même pour les pays stables de l'Afrique.

    Un des enjeux que l'on oublie toujours, c'est de permettre aux populations de ces pays de s'exprimer, de faire des choix et d'être les artisans de leur développement. Ces gens-là sont porteurs de leur propre développement. On ne doit pas se substituer à eux, leur verser de l'aide, planifier des projets et leur dire que leurs problèmes vont se résoudre s'ils passent à la libéralisation de l'économie et s'ils adoptent un modèle économique ou de développement semblable au nôtre. On doit plutôt examiner avec eux les différentes possibilités et appuyer ces différentes sociétés dans les choix qu'elles feront comme sociétés.

    Un premier point de départ, c'est de permettre à ces populations, en appuyant le processus de décentralisation qui est en cours dans ces pays, de participer à l'élaboration de leurs propres politiques, de leur permettre de faire leurs propres choix et de décider de leurs priorités quant à l'utilisation soit des ressources mêmes de l'État, soit de l'aide fournie par les donateurs.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Très brièvement.

[Français]

+-

    M. Roy Culpeper: Je voudrais ajouter quelques pensées. À mon avis, la question de la conduite du secteur privé en Afrique ou dans le monde en voie de développement en est une de cohérence dans notre politique étrangère. Ce qui nous manque, c'est une politique cohérente. Nous n'avons pas une politique de développement, une politique des affaires étrangères. Nous avons beaucoup de politiques: une politique des affaires étrangères, une politique de l'ACDI, une politique de la défense, etc.

    Il y a un an, en décembre 2000, le Royaume-Uni a lancé un white paper  sur le développement global:

[Traduction]

    faire profiter les pauvres de la mondialisation.

[Français]

    C'est ce qui nous manque ici, au Canada: l'intégration de la conduite du secteur privé. En fait, j'ai soulevé la question de la cohérence pour un projet de recherche que nous faisons à l'Institut Nord-Sud au Mali.

    J'ai soulevé la question de la cohérence avec le président de l'ACDI, M. Good, et il m'a dit:

[Traduction]

    «Nous n'avons pas la compétence nécessaire pour régir ce genre de problème».

[Français]

    Alors, votre propre pièce est peut-être nécessaire, mais c'est plus important, à mon avis, que M. Graham ou Mme Whelan, ou les deux ensemble, élaborent une politique qui fasse l'intégration de tous ces éléments.

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Vous avez dix minutes. D'accord? Dans ce cas, nous allons passer à Mme Carroll.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je vais poser une question sans introduction. Je serai très brève.

    Monsieur Helleiner, quand vous dites que le fait de détacher, si je puis dire, l'aide du cordon ombilical politique et économique des bailleurs de fonds est une priorité, vous pensez que nous progressons?

    Au cours des années 60—et je le reconnais bien à regret—à une époque où j'étais en congé d'études de ce qui était à l'époque le Bureau d'aide extérieure, j'ai essayé d'exprimer, dans ce que je présentais comme un conflit au sein de l'administration du programme d'aide du Canada, une partie du message que formulait à l'époque Keith Spicer en bon Samaritain. C'était il y a au moins 1 000 ans.

    Avons-nous progressé depuis? En y réfléchissant, je rêvais en couleurs. Est-ce que nous rêvons toujours en couleurs?

+-

    M. Gerald Helleiner: J'espère que nous sommes tous les deux des irréductibles. Je n'ai pas vu beaucoup avancer la réduction des intérêts politiques, économiques et stratégiques, en tout cas pas dans le programme d'aide des États-Unis, ni non plus dans le nôtre, je pense. En revanche, je suis convaincu d'avoir constaté cela dans les programmes des Scandinaves, des Hollandais et les programmes britanniques d'après-Clare Short. De ce côté-là, il y a vraiment de l'espoir.

    J'aimerais profiter de cette occasion pour rectifier ce qui, je l'espère, n'a pas été un malentendu, quand j'ai dit que l'annulation de la dette n'avait aucun effet. Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. Je voulais dire que l'annulation de la dette ne crée pas un afflux suffisant de ressources et qu'elle n'aurait donc pas de répercussions importantes sur ce plan. Mais j'ai été de ceux qui ont fait campagne pour l'annulation de la dette, et j'estime qu'il faut l'annuler pour toutes sortes de raisons. Le problème, c'est que cela ne suffit pas à générer les ressources nécessaires.

Á  -(1125)  

+-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Monsieur Harvard.

+-

    M. John Harvard: Je vais essayer d'être bref.

    Monsieur Culpeper, vous avez dit dans votre introduction qu'on obligeait souvent les pays en développement à accepter des politiques économiques draconiennes pour pouvoir bénéficier d'une forme d'aide quelconque du FMI et/ou de la Banque mondiale. Dans l'ensemble, et dans certains pays au moins, est-ce que ces politiques sont plus néfastes qu'utiles? Dans l'affirmative, ces pays bénéficiaires n'auraient-ils pas intérêt à dire tout simplement au FMI ou à la Banque mondiale d'aller se faire voir avec leur aide?

+-

    M. Roy Culpeper: En fait, c'est effectivement ce qu'ont fait certains pays, notamment l'Afrique du Sud. Par ailleurs, le FMI comme la Banque mondiale, ont plus ou moins avoué que leurs programmes d'ajustement structurel des années 80 et 90 n'avaient pas fonctionné. Nous parlons maintenant de quelque chose de différent, ou qui pourrait être différent, avec cette idée d'appropriation dont parlait Gerald Helleiner, mais les avis sont partagés sur ce que cela veut dire réellement.

    Actuellement, nous avons un système en vertu duquel ont dit aux pays d'élaborer leur cadre de politique économique en consultant les ONG et, la société civile etc., et de soumettre cela sous forme de stratégie de réduction de la pauvreté aux institutions de Bretton Woods à Washington en tant qu'expression de la volonté des politiciens et des citoyens du pays. Le problème que je constate, et je ne suis pas le seul, c'est que les pays qui font tout cet exercice de présentation d'une stratégie de réduction de la pauvreté savent parfaitement ce que leurs interlocuteurs à Washington veulent les entendre dire.

    Par conséquent, même si nous n'avons plus l'ancien système qui consistait à imposer un ajustement structurel aux pays, nous en avons maintenant un nouveau dans lequel on dit implicitement aux pays en quoi consistent les bonnes politiques économiques et quelles sont les conditions pour obtenir le feu vert de Washington. Il y a donc toute une controverse là-dessus actuellement. D'un côté, je pense qu'il faut se réjouir du fait que l'on reconnaît le principe de l'appropriation des décisions par les pays, mais je constate qu'en profondeur, la doctrine et le dogme n'ont pas disparu.

+-

    M. John Harvard: Encore une petite question. Je soutiens personnellement qu'en raison de ce qui s'est passé le 11 septembre, il faut accentuer notre aide au développement et non la réduire. J'ai peur qu'à court terme au moins, on s'oriente dans la direction inverse à cause de l'obsession de la sécurité. Êtes-vous d'accord?

+-

    M. Roy Culpeper: Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, mais je reconnais aussi qu'en dehors des États-Unis, beaucoup de personnes sont en faveur de l'idée que...

+-

    M. John Harvard: Mais ce sont surtout les Américains qui mènent le bal, n'est-ce-pas?

+-

    M. Roy Culpeper: Mais je pense que ce que demande Gerry, c'est justement pourquoi ils devraient être les meneurs?

+-

    M. John Harvard: Je sais, mais c'est quand même la réalité.

+-

    Mme Aileen Carroll: Il dit simplement «devraient», et non pas «sont».

+-

    M. Roy Culpeper: Ils ne le «sont» que parce que nous voulons bien.

+-

    M. John Harvard: Nous qui? Vous voulez dire tout le monde à l'exception des Américains?

+-

    Roy Culpeper: Nous, c'est-à-dire les Canadiens, les Anglais et tous les autres membres du G-7. Je pense qu'on peut inclure les Français et les Allemands dans cette catégorie.

+-

    M. John Harvard: Merci.

-

    La vice-présidente (Mme Jean Augustine): Je remercie nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui et de nous avoir laissé régler quelques affaires internes pendant leur comparution. Merci pour vos témoignages. J'espère que nous pourrons encore faire appel à vos ressources et à vos compétences alors que nos travaux se poursuivent sur cette question. Merci beaucoup.

    Nous avons un vote à la Chambre. La séance est levée.