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FAIT Rapport du Comité

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INTRODUCTION

            En général, dans l’esprit des Canadiens, lorsqu’il est question de relations extérieures en matière de commerce et d’investissement, l’Union européenne passe bien après notre premier partenaire commercial, les États-Unis. Comment s’en étonner, quand on songe à la proximité de notre voisin du sud, à l’importance considérable qu’ont revêtue l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et, avant lui, l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, ainsi qu’aux forces du marché qui se sont ajoutées à ces ententes pour amener l’écrasante majorité des échanges commerciaux et des flots d’investissement entre notre pays et l’étranger à se concentrer sur les États-Unis?

            En 2000, pas moins de 87 % de nos exportations étaient destinées aux États-Unis, tandis que seulement 5 % de celles-ci étaient expédiées dans l’UE. En vérité, nos relations économiques avec les pays autres ¾  si importantes qu’elles puissent être pour ces pays eux-mêmes ¾  pâlissent devant l’énormité de nos liens avec les États-Unis.

            Le Canada est confronté à une dichotomie inconfortable. D’un côté, nos entreprises jugent plus facile de mener leurs activités au sein de l’ALENA et préfèrent souvent orienter leurs efforts sur l’Amérique du Nord, plutôt que sur l’Europe. Comme l’ont déclaré quelques témoins, il est parfaitement naturel que les priorités économiques du Canada demeurent axées sur son principal partenaire commercial. Selon Robert Keyes (premier vice-président, Affaires internationales, Chambre de commerce du Canada), ce sont les entreprises du secteur privé qui prennent les décisions d’affaires. Et si elles décident de traiter en Amérique du Nord et pas ailleurs, elles n’ont pas à s’en excuser. Ces témoins semblaient souscrire au fait que le gouvernement fédéral place les États-Unis en tête de sa liste de priorités commerciales.

            D’un autre côté, le Canada est devenu fort dépendant à l’égard de son voisin du sud en ce qui concerne le commerce et l’investissement, et le récent fléchissement survenu aux États-Unis montre qu’il n’est pas sans danger de continuer à compter autant sur un seul partenaire commercial pour sa prospérité. Cette position dominante du marché américain est une raison suffisante pour que le Canada diversifie ses exportations. Dans ce contexte, l’Europe pourrait s’avérer utile pour faire contrepoids aux États-Unis.

            Que l’Europe, et plus précisément l’Union européenne (UE), ait souvent été négligée dans le débat sur le commerce et l’investissement, cela est très compréhensible. En effet, depuis un certain temps, le Canada consacre beaucoup d’énergie à l’établissement d’une Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) et, en dépit de la récente crise financière, l’Asie est toujours considérée largement comme la « nouvelle

            frontière », qui devrait à nouveau connaître une croissance économique impressionnante.

            Toutefois, les relations économiques Canada-UE ne peuvent pas être considérées seulement à la lumière de notre dépendance actuelle de 87 % à l’égard du marché américain. L’importance déclinante du marché européen et la place croissante du marché américain s’inscrivent dans une tendance à long terme. Depuis les années 1940, la place de l’Europe (et du Royaume-Uni en particulier), comme marché d’exportation, diminue.

            Cette constatation a amené les gouvernements canadiens, à diverses époques, à tenter de diversifier les exportations afin de réduire la dépendance à l’égard des États-Unis. La « troisième option » de M. Trudeau dans les années 1970 en est l’exemple le plus célèbre, mais l’origine de cette politique remonte à l’insistance du Canada en faveur de l’Article 2 de la charte de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui demandait la création d’une communauté de l’Atlantique Nord. Cela n’a jamais été fait et, au lieu de cela, l’OTAN s’est transformée en une organisation militaire.

            L’intégration économique régionale croissante n’est pas un phénomène exclusivement canadien. Selon les statistiques de l’OMC, une part croissante des échanges se fait désormais à l’intérieur des régions. En 1999, 48,1 % des exportations américaines de marchandises n’ont pas dépassé les limites des Amériques. De même, en Asie, 46,6 % des exportations intéressaient la région même; et 71,3 % du commerce de l’UE s’est fait entre ses membres. Sile Canada attache moins d’attention au reste du monde, il en va de même des autres régions, y compris l’UE. Les États s’intéressent moins à leurs partenaires de l’extérieur qu’à leur propre région. Il n’est donc pas surprenant que le Canada et les États-Unis aient tous deux perdu des parts de marché dans l’UE, tandis que les échanges à l’intérieur de celle-ci ont augmenté.

            C’est à nos risques et périls que nous négligeons le potentiel considérable de l’Europe. Selon les termes de William Clarke (sous-ministre adjoint, Affaires internationales et délégué commercial en chef, MAECI), ce continent est un « marché énorme et très avancé » dont la performance économique récente reste positive et dont l’avenir paraît prometteur, étant donné l’intégration économique actuellement en cours. Elle représente un marché essentiel pour le Canada, même si le commerce bilatéral et les relations d’investissement sont éclipsés par le lien économique avec les États-Unis.

              Non seulement l’UE offre aux sociétés canadiennes l’accès à 376 millions de personnes, mais elle représente la deuxième économie du monde, avec un PIB de 8 900 milliards de dollars américains, ce qui représente 20 % de la production mondiale (les États-Unis, avec 10 000 milliards de dollars américains sont la première économie du monde). De plus, avec des exportations équivalant à quelque 1 200 milliards de dollars américains et des importations se situant à 1 300 milliards de dollars américains, l’UE est la plus grosse entité commerçante du monde. Ce sont là des chiffres impressionnants.

            Il ne faut pas négliger non plus la question de l’élargissement de l’UE. On s’attend en effet que, d’ici à 2010, l’Union européenne passe des 15 membres qui la composent actuellement à près de 30 . Douze États (la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovénie, l’Estonie, Chypre, la Lettonie, la Lituanie, la République slovaque, Malte, la Bulgarie et la Roumanie) s’efforcent actuellement de réunir les critères économiques et sociaux d’adhésion, en espérant y arriver avant 2004. Le rythme des négociations varie selon la facilité avec laquelle chaque pays intègre l’« acquis communautaire » (l’ensemble du droit de l’UE) dans ses propres lois et pratiques nationales. Gérer cet élargissement — qui entraînera un accroissement de 33 % du territoire, une augmentation de 30 % de la population totale (la portant à 500 millions) et une augmentation de 100 % de la population rurale de l’UE — s’avérera certainement le défi le plus difficile auquel l’UE aura à faire face au cours de la prochaine décennie. Les implications d’un élargissement pour la politique agricole européenne sont en soi énormes.

            Comme nous l’avons dit plus haut, l’euro est désormais la devise officielle de 12 des 15 États membres de l’UE, ceux qui ont adhéré à l’Union économique et monétaire (UEM). En 2002, les billets et les pièces libellés en euros commenceront à circuler. D’après des renseignements fournis au Sous-comité par le MAECI, l’UEM ne devrait pas avoir d’effets directs notables à court terme sur le Canada en matière de commerce et d’investissement. La question de savoir si, à la longue, l’économie canadienne en tirera profit (grâce à une amélioration du marché européen pour le Canada) ou si elle en souffrira (à cause d’une concurrence accrue de l’UE avec le Canada face aux marchés européens et autres) demeure sans réponse.

            En considérant les passionnantes perspectives économiques de l’Europe, il ne faut toutefois pas oublier que la région pose également toute une série de défis pour les entreprises canadiennes. À bien des égards, l’UE demeure un ensemble d’États souverains, dont chacun possède ses lois et règlements propres. Comme l’a souligné David Paterson (agent des relations gouvernementales, Alliance canadienne de technologie de pointe) devant le Sous-comité, l’UE est un ensemble de 15 marchés « unifiés sous un même régime commercial, mais chacun [ayant] sa propre langue, ses coutumes et ses pratiques commerciales. Chacun doit être traité individuellement ». Cette réalité suppose souvent des difficultés pour les sociétés étrangères qui espèrent pénétrer facilement et entièrement l’ensemble de l’UE.

            Outre cette difficulté apparente associée à la pénétration des marchés européens, l‘UE maintient dans certains secteurs de l’économie des pratiques réglementaires qui restreignent les marchés et, en ce qui concerne l’agriculture, le versement de coûteuses subventions. Les obstacles au commerce ont, au fil des ans, gêné de nombreuses exportations de ressources naturelles du Canada et la récente multiplication des règlements sanitaires et phytosanitaires pose des problèmes aux exportateurs canadiens. Au chapitre de l’agriculture, le budget de l’UE est affecté dans une proportion d’environ 50 % à la Politique agricole commune (PAC), qui assure aux agriculteurs de fortes subventions, sources de distorsions. La PAC continue de préoccuper le Canada et elle reste l’un des enjeux majeurs des prochaines négociations multilatérales sur la libéralisation des échanges.

            Reconnaissant les interrelations qui existent entre les débouchés économiques offerts par l’Europe, d’une part, et les défis que celle-ci représente, d’autre part, le Sous-comité a voulu examiner les relations économiques du Canada avec la région européenne. Il a tenu deux séries d’audiences à Ottawa, au cours de la 36e et de la 37e législature respectivement, et il a effectué une mission d’étude très fructueuse en Europe (Paris, Berlin, Genève, Bruxelles) au printemps 2001.

            Après mûre réflexion, il conclut dans le présent rapport à la nécessité d’insister davantage sur les liens commerciaux entre le Canada et l’Europe et d’accorder une position plus élevée à l’Europe dans l’échelle des priorités commerciales du Canada. S’il est vrai que les données laissent supposer que l’Europe est de très loin notre deuxième partenaire en matière de commerce et d’investissement, les fonctionnaires de notre mission auprès de l’UE, à Bruxelles, nous ont appris que l’Europe se classait seulement au quatrième rang des priorités mondiales du Canada. Il faut déployer un effort concerté pour augmenter nos échanges avec les pays européens et pour faire face avec plus d’efficacité aux obstacles commerciaux et aux différends qui continuent de gêner nos relations. Si, dans le passé, on a peut-être eu tendance à tenir l’Europe pour acquise, ce serait une grave erreur d’en rester là, étant donné la richesse de ce marché et les occasions qu’il offre aux entreprises canadiennes. Les Canadiens ne doivent pas rester passifs face à l’actuelle relation transatlantique. Le Sous-comité recommande donc :

Recommandation 1 :

Que le gouvernement du Canada accorde une importance sensiblement plus grande à l’Europe sur sa liste des régions prioritaires en matière de commerce et d’investissement, et qu’il lance dans les meilleurs délais une initiative concertée et efficace pour augmenter ses échanges commerciaux et d’investissement avec les pays de l’Europe et pour atténuer les obstacles et les irritants qui gênent les échanges bilatéraux.

            Le présent rapport, fondé largement sur les témoignages entendus par le Sous-comité, se divise en deux parties. La première expose l’état actuel des liens économiques transatlantiques, en insistant sur le commerce et l’investissement. On y verra que, si les échanges dans les deux sens sont en augmentation en chiffres absolus, la véritable réussite des relations bilatérales se situe au niveau des investissements.

            Quant à la deuxième partie du rapport du Sous-comité, elle porte sur les principaux enjeux de l’intensification des échanges entre le Canada et l’Europe en matière de commerce et d’investissement. Ce sont :

Ø L’amélioration de l’image de marque du Canada en Europe, qui n’a pas toujours été optimale,
    et de l’image de marque de l’Europe au Canada;

Ø L’amélioration de l’efficacité des activités de promotion du gouvernement fédéral en matière
    de commerce et d’investissement;

Ø La conclusion d’ententes de libre-échange avec l’UE et avec l’Association européenne
    de libre-échange (AELE);

Ø L’avancement de la libéralisation multilatérale du commerce dans le cadre de l’Organisation
     mondiale du commerce (OMC);

Ø Le renforcement des liens transatlantiques officiels, qui, depuis longtemps, sont
    assez faibles;

Ø L’abaissement des barrières commerciales européennes, qui continuent à entraver la
    relation bilatérale;

Ø L’examen des effets de l’élargissement de l’UE pour le Canada.