ENVI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de l'environnement et du développement durable
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 23 mai 2002
¿ | 0910 |
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.) |
Le président |
Mme Karen Redman |
Le président |
¿ | 0915 |
M. Don Sullivan (directeur exécutif, Manitoba's Future Forest Alliance) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Don Sullivan |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Normand de la Chevrotiere (président, Inverhuron & District Ratepayers Association) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président |
Me Rodney Northey (avocat, Protection environnementale du Canada) |
Le président |
Mme Penny Richardson (présidente, Coalition of Concerned Citizens) |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)) |
M. Andrew Dumyn (membre, Coalition of Concerned Citizens) |
¿ | 0955 |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
Mme Michelle Campbell (coordonnatrice, Programme de soutien aux citoyens, Protection environnementale du Canada) |
À | 1000 |
À | 1005 |
À | 1010 |
À | 1015 |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne) |
À | 1020 |
Mme Penny Richardson |
M. Roy Bailey |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Don Sullivan |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD) |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
À | 1025 |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
M. Normand de la Chevrotiere |
M. Joe Comartin |
M. Normand de la Chevrotiere |
Me Rodney Northey |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
Me Rodney Northey |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
M. Normand de la Chevrotiere |
À | 1030 |
M. Joe Comartin |
M. Normand de la Chevrotiere |
M. Joe Comartin |
M. Normand de la Chevrotiere |
M. Joe Comartin |
M. Don Sullivan |
M. Joe Comartin |
M. Don Sullivan |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
Me Rodney Northey |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Joe Comartin |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
Mme Karen Redman |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Julian Reed (Halton, Lib.) |
À | 1035 |
Mme Penny Richardson |
M. Julian Reed |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Normand de la Chevrotiere |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Normand de la Chevrotiere |
À | 1040 |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
Mme Karen Redman |
M. Normand de la Chevrotiere |
Mme Penny Richardson |
M. Don Sullivan |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
Me Rodney Northey |
À | 1045 |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.) |
Me Rodney Northey |
À | 1050 |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne) |
M. Normand de la Chevrotiere |
M. Gary Lunn |
À | 1055 |
M. Normand de la Chevrotiere |
M. Gary Lunn |
Me Rodney Northey |
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan) |
CANADA
Comité permanent de l'environnement et du développement durable |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 23 mai 2002
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour. Ce matin, nous commencerons par entendre plusieurs témoignages intéressants et convaincants. Mais avant, j'aimerais faire une courte observation de nature générale sur la semaine prochaine.
Mercredi prochain, nous verrons le ministre de l'Environnement, et avant, puis après lui, mardi et jeudi, le volume 12 du rapport de la vérificatrice générale, sur la Défense nationale, et jeudi, la Commission de coopération environnementale, de Montréal.
Je voudrais ensuite inviter le ministre des Pêches à discuter des priorités et politiques sur l'analyse de l'environnement de son ministère; la décision du ministre des Pêches par rapport à la rivière Tay, qui soulève nombre de questions, en est l'une des raisons. Quand le greffier sera en mesure de remettre la lettre que le ministre m'a écrite à ce sujet, vous comprendrez probablement pourquoi; je ne monopoliserai donc pas davantage le temps précieux que nous avons.
Ensuite, nous profiterons bien sûr du fait que nous siégons en juin, et peut-être en juillet et août, pour examiner le projet de loi et commencer son étude. On me dit que les membres du comité travaillent à un certain nombre de modifications. Un de nos collègues qui n'est pas membre du comité, M. St-Julien, nous a également fait parvenir une modification. Il y a ensuite cet imposant exposé de l'ACEE, ce qui représente un nombre assez important de modifications possibles. Il y a aussi l'étude effectuée par Kristen Douglas et Tim Williams, que vous avez en main et dont chaque disposition comprend possiblement une modification.
Je peux vous assurer que nous remuerons ciel et terre pour rendre ce projet de loi plus important et significatif; ainsi, nous participons à un bon exercice pour donner tout son sens à ce projet de loi–dans les prescriptions de la loi, bien entendu.
Enfin—et surtout, bien sûr—nous attendons les modifications que l'Agence a déjà définies en termes généraux lors de son exposé devant le comité, il y a un mois.
Au nom de notre comité, j'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins. Je devrai sortir à 9 h 50 pour présenter ou recommander un document à la Chambre des communes. Je demanderais donc à un collègue de me remplacer; avec un peu de chance le vice-président sera ici, sinon, un autre membre le fera.
Plusieurs témoins sont prêts, mais je sais que Mme Redman aimerait intervenir. Allez-y, je vous en prie.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous suis reconnaissante de nous indiquer le temps dont dispose ce comité, mais je ne suis pas trop certaine du moment où nous passerons à l'étude article par article. Y avez-vous déjà attiré leur attention, ou est-ce que le comité devra en discuter pour établir un calendrier précis, lors d'une autre réunion, bien sûr, pour ne pas retenir les témoins?
Le président: Nous pourrions en aborder le début, au moins, quand nous commencerons l'examen. Je crois que nous le commencerons en juin, mais nous ne pouvons certainement pas prévoir quand nous aurons terminé; à l'automne, je présume, compte tenu de la quantité appréciable de modifications présentées jusqu'à maintenant, et celles que les membres de ce comité doivent encore présenter.
J'imagine donc que nous ne commencerons pas la semaine prochaine, mais plutôt début juin, quand le travail sera terminé, compilé, traduit et relativement en ordre. Ça représente une tâche énorme pour le greffier, et nous commencerons dès que nous le pourrons.
Mme Karen Redman: J'aimerais simplement souligner que cet examen a commencé il y a bientôt un an. Je ne souhaite en aucun cas désapprouver quoi que ce soit ou nier l'importance de cette loi, car elle est manifestement très importante aux yeux de ce gouvernement et des Canadiens, mais les membres du comité peuvent souvent comprendre et effectuer plus promptement des activités productives lorsque les délais sont plus serrés. Étirer le processus tout l'été et cet automne n'est peut-être pas la meilleure chose à faire pour le comité et le projet de loi. Je propose que nous établissions des délais plus serrés, et c'est avec plaisir que j'en discuterais bientôt.
Le président: Merci. Nous en tiendrons compte. Le projet de loi C-5 et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement nous ont appris que les échéanciers sont choses très théoriques et abstraites par ici; je ne sais donc pas si nous pouvons vraiment y faire quelque chose.
Sans plus attendre, commençons avec M. Don Sullivan, de la Manitoba's Future Forest Alliance. Bienvenue! La parole est à vous. Si vous pouviez limiter votre enthousiasme à dix minutes, ce serait très apprécié; nous pourrions ainsi avoir une période de questions une fois tous les exposés terminés.
Bienvenue, monsieur Sullivan.
¿ (0915)
M. Don Sullivan (directeur exécutif, Manitoba's Future Forest Alliance): Bonjour, et merci monsieur le président.
C'est la première fois que je participe à un comité parlementaire, alors soyez compréhensifs.
J'aimerais remettre quelques cartes aux membres du comité pour que vous ayiez un certain contexte visuel. Je crois avoir envoyé mon exposé; j'essaierai donc de limiter mon enthousiasme à dix minutes et je lirai le texte préparé. Je serai ensuite très heureux de répondre à toute question par rapport à mon exposé.
Je suis ici au nom de la Manitoba's Future Forest Alliance, une coalition de nombreux organismes représentant, pour la plupart, des gens du Manitoba. J'y suis bénévole. En réalité, je suis coordonnateur du Boreal Forest Network, la section nord-américaine du Taiga Rescue Network. Le travail que j'ai fait pour la Manitoba's Future Forest Alliance était strictement bénévole.
Je me suis donné beaucoup de mal pour rédiger cet exposé, car dès que je pense à mon expérience avec la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, je ne peux vraiment me contenir.
La Manitoba's Future Forest Alliance est une coalition de citoyens et d'organismes de protection de l'environnement. L'Alliance a une longue expérience de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, la LCEE, du fait que le gouvernement actuel a refusé de l'appliquer à trois grands projets forestiers couvrant plus de 150 000 kilomètres carrés aux limites du Manitoba et de la Saskatchewan. J'espère que tout le monde a la carte en main; elle donne une idée de l'étendue, de la taille et de la nature des trois projets auxquels je fais allusion dans mon exposé.
Malgré les demandes répétées de l'Alliance auprès du ministre pour qu'il déclenche un examen en vertu de l'article 46 de la LCEE et une poursuite ultérieure, la seule évaluation invoquée a été une analyse du cycle de vie d'un seul pont de 20 pieds sur 70. Notre mémoire ne vise pas à revenir sur l'affaire, mais concerne les réformes proposées à l'article 46 et le rôle de coordination du fédéral; nous voulons expliquer pourquoi ces réformes ne corrigent pas les problèmes fondamentaux.
Je vais maintenant donner un certain contexte législatif à tout cela. À l'heure actuelle, l'article 46 de la LCEE exige une commission d'examen pour un projet qui peut avoir des effets négatifs graves sur l'environnement dans une autre province. L'article 47 formule la même exigence pour un projet qui peut causer des effets semblables dans un autre pays. Durant les six années d'existence de la LCEE, le ministre n'a jamais invoqué ces articles.
Le nœud du problème est la définition du terme «projet» dans ces articles. Défini à l'article 2, il est interprété de façon très étroite par le gouvernement fédéral, de sorte qu'il ne veut pas dire ce que projette de faire un promoteur ni ce qui exige une autorisation en vertu des règlements fédéraux et provinciaux. À la place, «projet» s'entend seulement de travaux ou d'activités qui exigent l'approbation fédérale.
Quant à la coordination fédérale-provinciale, la LCEE la prévoit actuellement à l'article 12, mais ne l'exige pas.
¿ (0920)
Je voudrais vous communiquer quelques faits et vous mettre un peu en situation par rapport à cette question. En 1989, le gouvernement manitobain a accordé à Repap Manitoba un permis d'exploitation forestière sur un territoire de 125 000 kilomètres carrés (plus que le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard réunis). Comme convenu, le permis a été émis avec la garantie que Repap construirait ou agrandirait deux usines de pâtes et papiers, récolterait plus de 3 millions de mètres cubes de bois par année et construirait plus de 1 000 kilomètres de nouvelles routes permanentes ou d'hiver pour accéder aux territoires de coupe. La province a considéré la construction d'une usine, l'expansion d'une autre et l'exploitation forestière comme trois projets distincts.
En 1990, le ministère fédéral des Pêches et des Océans a examiné l'ensemble du projet et créé une Commission d'examen en vertu du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, mécanisme prédécesseur de la LCEE. L'examen a été suspendu pendant qu'on clarifiait les questions constitutionnelles soulevées par le litige Oldman River.
En 1992, un mois après que le jugement Oldman eut confirmé la constitutionnalité de l'évaluation environnementale fédérale, le promoteur Repap a retiré son projet.
En 1994, le gouvernement manitobain accordait à un nouveau promoteur, Louisiana-Pacific, l'accès à 260 000 kilomètres carrés chevauchant les 125 000 kilomètres carrés originaux, sous réserve d'un engagement à construire une nouvelle usine et à récolter au moins 900 000 mètres cubes de bois par an.
En 1995, le Manitoba a modifié l'accord de 1989 et accordé à Repap un permis pour exploiter 108 000 kilomètres carrés de forêt contre la construction d'une nouvelle usine, l'expansion d'une autre et la coupe de 2,4 millions de mètres cubes de bois par an. Le plan d'aménagement déposé par Repap prévoit 1 400 kilomètres de nouvelles routes toute saison ou d'hiver, avec plus de 35 ponts enjambant des rivières. Le gouvernement fédéral a été immédiatement informé de la totalité du projet et il a pris des mesures précises pour évaluer les ponts sur les cours d'eau et la possibilité d'invoquer la Loi sur la protection des eaux navigables et donc la LCEE également. Il a conclu qu'au moins 20 ponts exigeaient une approbation fédérale. Néanmoins, il a refusé d'appliquer la LCEE à tous les ponts et aux modifications proposées à l'usine. Il a choisi plutôt d'attendre que le promoteur demande une autorisation, même s'il avait invoqué en 1990 le Décret sur les lignes directrices sans demande du promoteur.
Plus tard en 1995, le gouvernement de la Saskatchewan a proposé à Saskfor l'exploitation forestière d'un territoire de 250 000 kilomètres carrés adjacent aux domaines de Repap et de LP Manitoba.
Comptant sur l'application de la LCEE, l'Alliance a écrit trois lettres demandant sans succès une commission d'examen fédéral en vertu du nouvel article 46 pour les projets de Repap, LP et Saskfor.
En 1997, Repap a fait la première demande d'autorisation en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables. Le MPO l'a accordé à la suite d'un examen préalable qui a exclu la route qui précède et prolonge le pont, tous les autres franchissements et les autres routes, la coupe forestière, la nouvelle usine et l'usine agrandie qui dépendent des nouvelles routes et des ponts pour s'approvisionner en bois, et l'effet des routes et de la coupe sur le poisson et les oiseaux migrateurs.
En 1997, Tolko Manitoba a acheté Repap. Les audiences publiques sur le projet Tolko ont donné lieu à une participation négligeable du fédéral dans le domaine des pêches et à aucune participation de sa part au sujet des oiseaux migrateurs.
Je veux simplement vous fournir certains faits relativement à cette question. Le fédéral a la responsabilité exclusive de plusieurs questions d'environnement qui ne sont pas du ressort des provinces, comme le poisson et les oiseaux migrateurs. Deux événements ont marqué le projet Repap: en 1992, le MPO a commandé et reçu une étude qui établit qu'environ 60 000 kilomètres carrés de terres concédées à Repap contiennent de l'habitat ichtyologique de qualité supérieure qui serait gravement menacé par l'exploitation forestière et la construction routière. Quelque 30 000 kilomètres carrés supplémentaires de ce territoire sont de valeur inconnue parce que trop difficiles d'accès.
En 1995 et 1997, le ministre fédéral de l'Environnement a déclaré que les projets d'exploitation forestière de LP et de Repap visaient des territoires d'importance nationale et internationale pour les oiseaux migrateurs et leur biodiversité et jugeait ne pas connaître l'effet de la coupe sur cet habitat, mais considérait qu'ils pouvaient avoir des conséquences continentales.
¿ (0925)
Aucune de ces questions n'a fait l'objet d'un examen au titre en vertu de la LCEE dans le cas des projets Repap, LP ou Saskfor.
Il faut prendre note que le gouvernement fédéral était le premier signataire de la Convention sur la diversité biologique, qui fut ensuite ratifiée en 1992. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale a aussi publié un guide d'évaluation des impacts sur la biodiversité. Pourtant, on n'a pas abordé les impacts de la biodiversité, même dans le cas d'une évaluation restreinte à un pont et aux effets physiques d'autres ponts.
Cela fait suite à l'affaire judiciaire à laquelle j'ai participé. Après le projet Repap…
Le président: Monsieur Sullivan, tout cela est très intéressant, mais je vous prie de résumer votre intervention et de conclure, s'il vous plaît.
M. Don Sullivan: Je suis sur le point de résumer et de conclure.
Après que le Repap eût reçu les permis de la Loi sur la protection des eaux navigables, l'alliance a traîné le gouvernement fédéral devant les tribunaux pour une déclaration que, pour les fins de la LCEE, le projet comprenait des fabriques, des routes et de l'exploitation forestière et que le projet nécessitait l'examen des effets cumulatifs, comprenant les projets Repap, LP et Saskfor, pour une superficie totale de plus de 15 million d'hectares. Le tribunal a maintenu le choix du gouvernement qui consistait à limiter le projet à un simple pont et de limiter les effets cumulatifs aux effets de la navigation afférents au pont et aux autres ponts. Le tribunal a également condamné l'alliance et son président aux frais judiciaires. Tolko a ensuite fait parvenir une facture de débours de 25 000 $ et une insistance que cela soit déposé au tribunal ou dans un compte en fiducie jusqu'à l'audition de l'affaire en appel.
Le gouvernement fédéral a ensuite indiqué qu'il ne réclamerait pas les frais judiciaires. L'appel de cette affaire s'est conclu lorsque la Cour d'appel fédérale a confirmé le raisonnement du juge de première instance, qui concluait que le projet soumis à l'évaluation du gouvernement ne comprenait pas la fabrique, les routes et l'exploitation forestière, mais seulement le pont de 20 pieds par 70 sur Sewap Creek, pour lequel le promoteur sollicitait l'approbation de la Loi sur la protection des eaux navigables pour des fins d'exploitation forestière. L'alliance a plus tard payé à Tolko des frais de 25 000 $.
Pendant les années qui ont précédé la demande d'approbation du pont soumise par le promoteur en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, l'alliance a tenté de déclencher des révisions par des commissions d'évaluation fédérales conformément à l'article 45 de la LCEE à cause des effets transfrontaliers de l'exploitation forestière visée par les projets Repap-Tolke et LP. Chacune de ces demandes a été rejetée. Ainsi, le ministre n'a jamais étudié les effets interprovinciaux et internationaux de l'agrandissement des fabriques dont les effluents sont rejetés dans les eaux interprovinciales et de l'exploitation forestière qui détruit d'importants habitats d'oiseaux et des millions d'hectares d'habitat de poissons.
Les réformes proposées à l'article 46 corrigent certains problèmes, mais ne règlent pas la question fondamentale à savoir la définition d'un projet aux fins d'évaluation environnementale. En s'abstenant de régler cette question d'une manière satisfaisante, le ministre n'atteint pas son double objectif d'obtenir une procédure empreinte de certitude et de prévisibilité.
Tel que le gouvernement l'interprète actuellement, il y a contradiction fondamentale entre d'une part, les articles 5 et 15, sur les projets exigeant une évaluation et la portée du projet et, d'autre part, les articles 46, 47 et 48, sur les effets environnementaux sur les terres d'intérêt fédéral. En vertu des articles 5 et 15, le gouvernement traite un projet d'une manière très étroite: c'est le cycle de vie d'un simple ouvrage. Si une route traverse un cours d'eau et requiert l'approbation fédérale, le projet fédéral, c'est le pont, pas la route. Le gouvernement fédéral interprète aussi l'article 16 sur le devoir d'étudier le projet en combinaison avec d'autres projets de façon telle que la route ne constitue même pas un projet distinct pour l'examen des effets cumulatifs.
Cependant, en vertu de l'article 46, le projet dans son ensemble est considéré comme l'objet qui pourrait avoir des effets transfrontaliers. C'est le projet tout entier qui est étudié, sans aucune division, pour l'approbation du gouvernement fédéral. En fait, d'après le libellé actuel de la LCEE, un projet visé à l'article 46 ne peut faire intervenir une approbation du gouvernement fédéral ou cet article devient inapplicable. Ainsi, un projet visé à l'article 46 devrait être constitué de l'ensemble du projet de foresterie proposé par les promoteurs, y compris les ponts, les routes, les fabriques et les récoltes, comme le projet de 11 M d'hectares proposé par le Repap en 1995. L'article 46 reprend l'expression «projet» que le gouvernement fédéral considère être seulement un pont, conformément aux paragraphes 5 et 15, sans tenir compte des nouvelles routes, des autres ponts, de l'exploitation forestière ou des fabriques.
La loi doit être réformée pour corriger cette contradiction en ce qui concerne la signification de «projet». L'alliance recommande qu'un paragraphe soit ajouté à l'article 46 comme suit:…
Le président: Veuillez terminer votre paragraphe et conclure, s'il vous plaît, monsieur Sullivan.
M. Don Sullivan: L'alliance recommande également une réforme du rôle du coordonnateur fédéral pour qu'il ait l'autorité d'assurer le déclenchement opportun de la LCEE et l'engagement des autorités fédérales. Le projet Tolko a été soumis à un examen provincial de plusieurs années comprenant des audiences, avec peu de participation du gouvernement fédéral, voire aucune. Cela ne doit plus se produire. Le gouvernement fédéral a le pouvoir et le devoir d'intervenir immédiatement dans les examens requis par de la réglementation pour des dossiers d'importance, comme ces projets forestiers qui touchent les intérêts fédéraux.
La LCEE devrait être amendée pour s'assurer que ses objectifs de coordination et de consultation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont atteints et qu'ils ne soient pas laissés à la discrétion du gouvernement. L'alliance recommande que l'alinéa 12.2e) proposé soit modifié et en voici le libellé proposé.
¿ (0930)
En conclusion, l'objet et les buts de la LCEE ont une grande portée et devraient assurer que les projets ne provoquent pas d'effets néfastes importants sur l'environnement. Les rédacteurs de la loi n'avaient pas l'intention que ce projet soit fragmenté à un point tel que des effets puissent être ignorés. En d'autres mots, si les faits ci-haut mentionnés avaient été présentés au premier comité qui a étudié la loi, puis s'il avait été mentionné que la LCEE pouvait être interprétée de façon à n'effectuer qu'une analyse de la durée de vie d'un pont de 20 pieds par 70 pieds, il est presque certain que des amendements auraient été apportés pour éviter qu'une telle situation ne se produise.
Le projet de loi C-19 ne contient pas les amendements nécessaires pour empêcher une autre fragmentation de projet au point de lui enlever toute signification. L'alliance demande au comité d'agir maintenant pour assurer l'atteinte véritable des objets et des buts de la LCEE.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Sullivan. Il s'agit d'un véritable document historique et vous méritez toute notre admiration pour avoir établi la chronologie des événements pour nous. Vous avez apporté une importante contribution aux travaux de ce comité.
Nous accueillons maintenant notre deuxième invité, M. Normand de la Chevrotière.
À vous la parole, monsieur.
M. Normand de la Chevrotiere (président, Inverhuron & District Ratepayers Association): Je représente aujourd'hui un groupe communautaire bénévole comptant environ 300 familles qui habitent un hameau appelé Inverhuron, en Ontario. Il est situé sur les rives du lac Huron, dans le voisinage immédiat du complexe nucléaire de Bruce.
J'aimerais préciser le fait que nous ne nous opposons pas à l'énergie nucléaire et qu'il ne s'agit pas d'un problème «pas dans ma cour». Permettez-moi cependant de prendre quelques minutes pour vous expliquer le problème qu'il y a actuellement dans notre cour.
Le complexe nucléaire de Bruce est la plus grande installation de ce genre au monde. Il comprend neuf réacteurs nucléaires et une installation de production d'eau lourde, qui a déjà émis du soufre d'hydrogène. Il dispose des seules installations de production au Canada qui incinère des déchets radioactifs, et celles-ci ont émis par le passé des niveaux de dioxines et de furanes qui dépassent les limites nationales des centaines de fois. On y trouve deux sites d'entreposage de déchets radioactifs qui accueillent non seulement la production de Bruce, mais aussi celle de Pickering et de Darlington, qui sont des installations d'Ontario Power Generation dont on sait qu'il s'en échappe des contaminants radioactifs dans l'eau souterraine.
Nous sommes inquiets à propos des aliments produits dans la région. Par exemple, on a détecté dans une pomme 900 fois le rayonnement ionisant naturel, dans un poisson, plus de 25 fois et dans l'eau potable, jusqu'à 50 fois .
On constate une augmentation troublante du taux de cancer de la prostate et du cancer colorectal. Il y a une augmentation de 40 p. 100 des décès attribuables à la leucémie aux alentours de Bruce et de Pickering, et on recense deux cas de progeria dans un rayon de 25 kilomètres de la centrale de Bruce. La progeria est la maladie du vieillissement précoce chez l'enfant. Ce sont des statistiques, mais lorsque l'on voit un jeune de six ans ayant l'air d'avoir soixante ans et qui meurt avant l'âge de neuf ans, ça brise le coeur.
Nous avons déjà plusieurs problèmes avec cette installation, et désormais, nous avons une nouvelle installation d'entreposage de déchets hautement radioactifs pour les grappes de combustible épuisé. Il s'agit du produit résiduel le plus toxique et le plus mortel de tous les déchets industriels. Une grappe de combustible épuisé fait environ 50 cm et son diamètre s'apparente à celui d'une bûche. Alors, c'est juste un peu plus gros qu'une bûche. C'est tellement toxique qu'une personne se trouvant à moins d'un mètre de la grappe recevrait une dose mortelle de radiations en quelques secondes et passerait de vie à trépas en moins d'une heure. Cette installation accueillerait jusqu'à 750 000 grappes de combustible en plus de celles qui s'y trouvent déjà, et il ne s'agit que de la moitié des quantités prévues pour le site de Bruce, à savoir quelque 40 000 tonnes de déchets hautement radioactifs. Cela constituerait, à ce jour, la plus importante installation d'entreposage de déchets hautement radioactifs au monde.
Ainsi, lorsque nous avons eu la possibilité de participer aux audiences en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, nous nous sommes dit: «Voilà l'occasion en or. S'il y a un sujet qui mérite d'être examiné par une commission, c'est bien celui-là. Mais nous ne devons pas faire dans la complaisance. Il nous faut participer au processus.» Nous avons dépensé des milliers et des milliers de dollars de nos propres ressources financières parce que nous n'avions pas droit à un financement d'intervenant. Nous avons engagé des experts qui ont relevé plusieurs erreurs et incertitudes apparentes.
Nous n'étions pas les seuls à être inquiets. C'était également le cas du député local, M. Ovide Jackson, du représentant local de la santé publique, de la Fédération canadienne de l'agriculture, des Chippewas de Nawash et de la première nation Saugeen. La population appuyait fortement la demande que nous avons formulée et que nous considérons très raisonnable, à savoir une évaluation indépendante faite par un expert. Nous ne l'avons pas obtenue. Nous n'en revenions pas. Il appert que la préoccupation du public comme déclencheur d'une commission d'évaluation ne soit qu'un voeu pieux.
Puis, nous n'avons aucun autre recours que de porter l'affaire devant les tribunaux. Ça n'est pourtant pas amusant pour nous de traîner le gouvernement fédéral devant les tribunaux. Nous sommes plutôt du genre à nous demander si tout ceci est vraiment nécessaire. Nous avons alors déposé une demande auprès de la chambre de première instance de la Cour fédérale pour obtenir une révision judiciaire de la décision ministérielle à propos de l'examen par une commission. Au cours des interrogatoires préalables, à notre grand étonnement, nous avons découvert l'existence de correspondance de la part de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, notre autorité de réglementation, et Ontario Hydro.
¿ (0935)
Ontario Hydro a modifié le concept de façon appréciable au milieu de la période prévue pour les commentaires de la population sans lui en faire part. La Commission canadienne de sûreté nucléaire l'a admis volontiers. Elle a écrit des lettres à au moins quatre ministères du gouvernement pour les informer que trois modifications importantes au concept nécessitaient une étude et que ces renseignements devaient être connus du public, d'où le besoin d'une nouvelle période réservée aux commentaires du public. Même l'expert-conseil d'Ontario Hydro a déclaré que des changements importants au rapport de sécurité et au rapport d'évaluation environnementale était requis de la part d'Hydro.
Ontario Hydro a répondu par la suite, essentiellement pour dire qu'elle était à court de temps et ne pouvait plus se permettre d'attendre en raison de processus de réglementation. Elle a promis de répondre aux préoccupations du public dans un délai d'un mois. Il ne l'a pas fait. La Commission canadienne de sûreté nucléaire est revenue sur sa position, elle a recommandé l'approbation du projet, et l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a accepté. En deux mois seulement, le ministre l'a approuvé. Le projet a été exécuté.
Nous n'avons découvert ces documents que parce que nous avons traîné le gouvernement fédéral devant les tribunaux—pas tellement un processus transparent. Puisque nous avions un argument irréfutable à présenter, nous pensions, à ce-moment-là, qu'il s'agirait d'un fait accompli. Nous ne pouvions pas être plus clairs; pourtant, la Section de première instance a rejeté notre demande et exigé que nous versions des sommes à l'Ontario Hydro et au gouvernement fédéral.
Nous avons interjeté appel devant la Cour fédérale d'appel: non, une autre fois. Nous avons demandé l'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada et non seulement notre demande a été rejetée, mais nous avons dû, une fois de plus, assumer les frais de participation au processus de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, en plus de payer les honoraires de nos avocats et verser 100,000 dollars à l'Ontario Hydro et au gouvernement fédéral, parce que nous étions préoccupés de la santé de nos enfants.
Je ne peux pas vous dire tout le stress que cela a causé, jusqu'à en miner la collectivité. Personnellement, j'ai été durement frappé et les relations entre ma femme et moi ont sévèrement été ébranlées. Quant aux conséquences sur mon travail et ma carrière, je n'ose même pas l'admettre tant je suis embarrassé. Mon employeur est sous la curieuse impression que je devrais passer plus de temps à travailler pour l'entreprise au lieu de déployer cet effort volontaire.
Mais lorsque nos enfants nous demanderont: «Que diable s'est-il passé là-bas?» Nous pourrons les regarder droit dans les yeux, garder la tête haute et leur répondre: «Nous avons fait tout ce qui était humainement possible. Nous avons épuisé toutes les avenues relativement à la réglementation et aux recours juridiques. Nous ne vous avons pas laissés tomber; c'est le système et le gouvernement qui vous ont laissés choir.»
Nous en sommes maintenant tellement déçus que nous nous demandons même s'il existe un gouvernement. Pourquoi avons-nous un organisme de réglementation? Et même, pourquoi avons-nous une Loi canadienne sur l'évaluation environnementale? Si le plus grand site d'entreposage de déchets nucléaires, recevant les produits industriels les plus toxiques et les plus dangereux, ne mérite pas d'être examiné par une commission d'examen, alors dites-moi ce qu'il faudra?
Je suis ici, implorant ce comité, suppliant ce comité de bien vouloir apporter des modifications à la loi afin qu'aucun groupe de citoyens n'ait à passer par les épreuves que nous avons dû subir. Des projets de cette portée et ampleur devraient faire l'objet d'une étude obligatoire par une commission d'examen. Toute information pertinente doit être garantie et connue du public, et je demande à ce comité d'agir en ce sens.
Merci pour votre temps et votre attention.
¿ (0940)
Le président: Merci, monsieur de la Chevrotière, pour cette présentation émouvante. Nous allons de toute évidence prendre au sérieux votre expérience et votre demande. J'ai pris connaissance des modifications et des suppressions que vous proposez dans votre mémoire. Nous les étudierons certainement avec soin.
J'appelle maintenant la Protection environnementale du Canada.
Me Rodney Northey (avocat, Protection environnementale du Canada): J'ai demandé aux représentants de la Coalition of Concerned Citizens s'ils voulaient intervenir immédiatement après.
Le président: Ce serait bien.
Mme Penny Richardson (présidente, Coalition of Concerned Citizens): Mon nom est Penny Richardson et je représente la Coalition of Concerned Citizens à Caledon. Cette coalition est constituée d'environ 3 000 partisans en ce moment. Je vous remercie d'entendre notre présentation. Je vais d'abord vous présenter la première partie et mon collègue, M. Andrew Dumyn présentera la deuxième partie.
La coalition a été établie en 1997 dans le but de répondre à la proposition de James Dick Construction Limited qui voulait aménager et exploiter la carrière Rockford dans la partie ouest de la ville de Caledon, dans le cours supérieur de la rivière Credit, une importante rivière pour la pêche en eaux froides. Le taux d'extraction prévu de la carrière sur une période de trente ans est de 2,5 million de tonnes d'agrégats par année avec, pour ainsi dire, tout les agrégats de valeur sous la nappe phréatique.
Depuis 1999, le MPO a reconnu que si la LCEE était évoquée, la carrière se classerait dans la catégorie visée par l'étude approfondie, conformément à la liste des règlements sur l'étude approfondie.
Les études de JDCL démontrent également que l'aménagement et l'exploitation de la carrière causerait une détérioration, destruction ou perturbation de l'habitat du poisson sur trois côtés de la carrière.
Pour une période qui a duré environ quatre années, la coalition de la ville de Caledon et autres autorités responsables locales de réglementation ont passé un temps considérable et consacré d'importantes ressources pour tenter d'obtenir et d'examiner les renseignements relatifs à la carrière. Dès 1998, par exemple, la Credit Valley Conservation Authority a soulevé des préoccupations détaillées à propos des effets sur la pêche, le poisson et son habitat et la nécessité d'obtenir des renseignements additionnels. Le MPO a été avisé de ces préoccupations de façon officielle en mai 1998. Il n'est pas intervenu, même si l'autorité responsable ne possédait pas les pouvoirs de la MPO qui aurait pu obliger JDCL à fournir l'information, selon un délai raisonnable et opportun.
Après dix huit mois, la coalition l'aiguillonnant sans cesse, et n'ayant pas obtenu de réponse de la part de JDCL, l'autorité responsable a référé le projet au MPO. À son tour, en octobre 1999, le MPO a informé JDCL de son intérêt pour le projet et il a demandé des renseignements.
À la suite d'une réunion avec le personnel du cabinet du ministre et avec le directeur général de Gestion habitat en février 2000, le conseiller juridique de la coalition a été avisé que la carrière pourrait faire l'objet d'une étude approfondie aux termes de la LCEE. Il est clair que le MPO en avait conclu que la carrière risquait d'occasionner une DDP de l'habitat. Toutefois, après l'avoir informé de cette constatation, la direction du MPO est revenu sur sa position. Nous avions la lettre en mains. Nous comprenons que cela a été accompli en raison des garanties énoncées par JDCL à savoir qu'il effectuerait d'importantes révisions au concept et en ce qui concerne l'exploitation de la carrière, dans le but d'éviter une DDP de l'habitat.
Le MPO a demandé aux parties en cause, y compris la coalition, de soumettre leurs observations relativement au matériel versé au dossier à ce jour par JDCL. Dans un même temps, nous avons compris qu'il avait choisi de ne pas consulter Environnement Canada, l'organisme fédéral principal ayant l'expertise en terme des ressources hydroliques et hydrogéologiques.
Au cours de cette même période, JDCL a commencé à joindre au dossier les demandes effectuées aux termes des processus de réglementation provincial et municipal en vue d'entamer une audience officieuse devant la Commission des affaires municipales de l'Ontario. Très tôt au cours de l'audience, JDCL a informé la commission que sa demande d'approbation du site avait été présentée plusieurs années passées. Plus particulièrement, en octobre 2000, l'avocat de JDCL a attesté devant la commission que les demandes pour Rockford avaient dûment été remplies et qu'un ensemble exhaustif concernant la proposition, y compris les rapports techniques et les études, avait été déposé à la ville de Caledon au mois de mars 1998 ou avant, bien qu'il n'y ait eu aucune modification au concept du site ni à la carrière.
Même si la coalition a informé officiellement le MPO de la position de JDCL devant la commission, le MPO n'a pas agi au regard de sa conclusion en mars 2000, à l'effet que le concept existant et les mesures atténuantes occasionneraient une DDP de l'habitat.
Une étude approfondie aux termes de la LCEE ne vise pas à anéantir un projet; au contraire, elle a pour objectif d'assurer qu'une juste évaluation soit accomplie en temps opportun avant que ne soient prises d'irrévocables décisions. Cette évaluation doit comprendre l'examen des solutions de rechange nécessaires à la réalisation du projet de carrière et les effets sur l'environnement, les mesures d'atténuation et les effets cumulatifs associés au projet. Ces éléments, inclus au rapport d'évaluation, qui ne sont pas considérés par le processus de réglementation provinciale et municipale, apporteraient une portée et une rigueur en matière de sujets tel la pêche.
La LCEE exige une évaluation environnementale dès que les circonstances le permettent, au stade même de la planification du projet et avant qu'une autorité fédérale, par exemple, le MPO n'entreprenne une action désignée pour approuver la réalisation du projet en tout ou en partie.
¿ (0945)
Les règlements de la LCEE indiquent au paragraphe 35(2) les autorisations et au paragraphe 37(2) les ordonnances concernant le déclenchement d'une évaluation environnementale. D'autre part, le règlement DORS/97-181, le «Règlement sur la coordination», impose un certain nombre d'exigences concernant les déclencheurs aux termes de la LCEE. Cette réglementation est entrée en vigueur au mois d'avril 1997. Conformément à l'article 3 du Règlement de coordination, dès que le MPO reçoit la description d'un projet, il doit, au cours des trente jours suivants—pas deux ans après—dès la réception de l'information déterminer si: 1) le MPO aura probablement besoin d'une évaluation environnementale concernant le projet; 2) le MPO n'aura probablement pas besoin d'une évaluation environnementale concernant le projet ou 3) le MPO exigera des renseignements additionnels en vue de déterminer l'une ou l'autre de ces deux options.
Cette approche pour déclencher la LCEE est sensée, puisque la LCEE impose des prescriptions en vue d'examiner les mesures d'atténuation après le déclenchement de l'évaluation. Cette approche va de pair avec la Loi sur la pêche et la politique de 1986 du MPO sur l'habitat des poissons, puisque la Loi sur la pêche accorde une autorité au MPO lui permettant d'obtenir une autorisation pour tout projet ou travail qui pourrait causer une DDP de l'habitat, avec une clause lui accordant le pouvoir d'ajouter des conditions en vue d'éviter ou d'atténuer la DDD de l'habitat. La politique permet de déclencher l'évaluation qui sera effectuée par le MPO pour tout projet pouvant occasionner une DDP de l'habitat sans égard aux mesures d'atténuation et prévoit une clause permettant d'effectuer une évaluation en vue de déterminer si les mesures d'atténuation fonctionneront.
Toutefois, en dépit de cela, le MPO a adopté une pratique interne pour ignorer complètement une loi ou renverser un règlement ou une politique. Dans le cadre de cette pratique, le MPO n'aura nullement besoin d'avoir recours à une autorisation ou de déclencher une évaluation environnementale jusqu'à ce que l'un des événements suivants se produisent: 1) il a reçu des renseignements complets relativement aux mesures pour prévenir ou pour atténuer les effets sur l'habitat des poissons; 2) il a déterminé que la prévention et les mesures d'atténuation ne fonctionneraient pas et 3) il a déterminé que la compensation pour la perte de l'habitat des poissons est appropriée.
La Loi sur la pêche fait référence aux mesures d'atténuation et ne fournit aucune référence à la compensation. En vertu de la LCEE, la compensation touche un aspect de l'atténuation et le règlement de la coordination ne fait aucune référence à ces deux considérations.
En plus de cette approche controversée à l'égard des exigences juridiques, nous déclarons que cette pratique du MPO est duplicative et non efficiente. Il est insensé, selon nous, d'évaluer les options aux mesures d'atténuation à l'interne, dans le but de déterminer si ces mesures fonctionneront ou pas, et par la suite déclencher un processus pour évaluer les options.
Un autre effet évident concernant le manquement du ministère à déclencher une évaluation environnementale et une étude approfondie pour une période de quatre ans, selon le processus de réglementation, réside dans le fait que le MPO applique un processus «derrière les portes closes». Je ne peux vous dire combien de milliers de dollars nous avons dû dépenser, dans le but d'obtenir les renseignements, en vertu de la Loi sur la liberté d'information, pour connaître tout ce que nous savons à présent. C'est absolument incroyable, selon moi.
La commission d'examen permet une plus grande participation du public et des exigences de transparence. Comme il a été mentionné un peu plus tôt, JDCL a déjà commencé à obtenir une autorité responsable provinciale concernant la carrière. La LCEE établit des clauses explicites pour des évaluations de projet mixtes, réalisées par des experts-conseils provenant de l'organisme provincial de réglementation. Il s'agit d'une approche dominante pour les projets importants dans plusieurs provinces, par exemple en Alberta et en Colombie-britannique. Toutefois, à la suite de l'approche du MPO, il est concevable que la carrière pourrait faire l'objet d'une étude approfondie uniquement après que le processus de la réglementation provinciale soit accomplie.
Ceci ressemblerait à une approche prise par le MPO au Red Hill Creek Expressway. Loin de rencontrer les objectifs fédéraux en matière de coordination et d'harmonisation avec les autorités provinciales, le MPO semble poursuivre une politique qui fonctionne de façon isolée des autres compétences.
Pour résumer ma partie, la LCEE stipule que l'on doit déclencher une évaluation dès que les circonstances le permettent, au stade de la planification du projet. Le règlement de la coordination exige le déclenchement d'une évaluation dans les 40 jours ou moins, en fonction de la description d'un projet qui ne comporte pas des mesures d'atténuation. La liste pour les études approfondies établit les projets qui pourraient être susceptibles de causer des effets adverses sur l'environnement—y compris les carrières de pierres qui ont une capacité de production d'un million de tonnes ou plus par année—et qui exige une étude approfondie. Cependant le MPO utilise une pratique interne, sans délai précis, extra-judiciaire et derrière les portes closes, qui ne permet pas de déclencher une évaluation, même à l'égard les projets importants jusqu'à ce qu'il en ait conclu que la prévention et les mesures d'atténuation ne pourraient pas fonctionner.
¿ (0950)
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): Merci beaucoup.
Monsieur Dumyn.
M. Andrew Dumyn (membre, Coalition of Concerned Citizens): Madame la présidente et membres du comité, je désire simplement conclure.
Le but de la participation de la coalition devant le comité permanent est le suivant. Compte tenu de votre mandat, la coalition désire tout d'abord commenter le rôle et les fonctions du coordonnateur fédéral proposé pour l'évaluation environnementale; deuxièmement, les amendements proposés aux fins de la LCEE à l'égard de la coopération et de la coordination; et troisièmement, les amendements proposés pour le registre public.
De notre point de vue, les amendements visant à nommer un coordonnateur ne vont pas assez loin en matière de coopération et de coordination. En lisant ces amendements, on constate qu'il n'y a aucun rôle pour le coordonnateur, avant le déclenchement de la LCEE. Nous estimons qu'il est fondamental que la LCEE soit déclenchée par le coordonnateur, ou qu'elle soit déclenchée automatiquement pour des projets pouvant exiger une décision fédérale, surtout si une étude approfondie est effectuée.
Depuis maintenant presque quatre ans, nous constatons que le MPO met tout en oeuvre afin d'éviter de déclencher la LCEE pour ce projet. Il existe nombre d'études, de tous les côtés, démontrant la complexité de ce projet par rapport à son emplacement et aux ressources de l'eau et des pêches. Ces documents découlent de trois occasions distinctes que le MPO a fourni à James Dick Construction afin de déclarer que les mesures d'atténuation des effets seront efficaces et qu'il n'est pas nécessaire d'impliquer la Loi sur les pêches ni la LCEE.
De notre point de vue, les mesures d'atténuation sont une raison clé pour engendrer une évaluation environnementale, et non pas une raison d'éviter une telle évaluation.
Deuxièmement, nous estimons qu'il faut faire davantage afin d'exiger la coordination avec les autorités de réglementation provinciales. Nous ne comprenons pas qu'il existe plusieurs exemples d'audiences fédérales-provinciales en Alberta, alors qu'une telle exigence n'existe pas en Ontario à l'égard d'audiences impliquant soit la Commission des affaires municipales de l'Ontario, soit le Tribunal de révision environnementale.
Encore une fois, nous recommandons fortement que la LCEE soit modifiée de façon à engendrer automatiquement, à tout le moins, une participation fédérale à toute audience de réglementation provinciale pour un projet pouvant déclencher la LCEE, à moins et jusqu'à ce qu'il soit clair qu'il n'y aura pas de participation fédérale.
Nous estimons également que la LCEE doit comporter des exigences plus solides à l'égard d'une commission fédérale-provinciale, dans le cadre de toute audience provinciale pour un projet exigeant une étude fédérale approfondie.
Troisièmement, quoique la coalition appuie la nomination d'un coordonnateur fédéral de l'évaluation environnementale, les fonctions de ce coordonnateur—telles qu'elles sont stipulées dans l'article 12,2 proposé—ne vont pas assez loin afin d'assurer que de l'information spécialisée soit effectivement obtenue et utilisée dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. De notre point de vue, il ne suffit pas de simplement «coordonner» le rôle des autorités fédérales. Le coordonnateur doit également s'assurer que les spécialistes au sein des ministères fournissent leurs compétences, et possèdent le pouvoir juridique pour le faire, sans être dirigés par ceux ne possédant pas de compétences.
Notre expérience suggère que les directeurs imposent des résultats fédéraux, même en ce qui a trait à des questions techniques compliquées. À ce sujet, nous suggérons, comme dans le cas des exigences reliées aux membres d'une commission fédérale, que la LCEE stipule que personne ne peut être nommé coordonnateur fédéral sans posséder «les compétences ou les connaissances pertinentes à l'égard des effets anticipés du projet sur l'environnement».
Quatrièmement, dans des circonstances telles que le projet de carrière, alors que les autorités fédérales envisagent de déclencher la LCEE, il est clair que tous les documents pertinents devraient être inscrits au registre. Le public ne devrait pas avoir à faire appel à la Loi sur l'accès à l'information afin d'obtenir de l'information sur ce que les autorités fédérales examinent et sur ce qu'elles proposent de faire. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, la coalition a reçu seulement l'information que le MPO a choisi de divulguer, et cette information est généralement désuète depuis au moins trois mois.
De plus, nous remarquons que même en vertu de l'article 55 proposé, si la LCEE est déclenchée, le MPO n'est pas tenu d'inscrire au registre tous les documents pertinents, tels que les dossiers scientifiques et techniques.
Nous proposons que le paragraphe 55(3) proposé soit modifié afin d'accorder à l'agence le pouvoir d'ordonner aux autorités responsables, au cas par cas, d'inclure des documents spécifiques au registre, en plus des documents prévus au paragraphe 55(2) proposé.
¿ (0955)
En conclusion, la coalition a consacré beaucoup de temps et de ressources afin d'amener le MPO à accomplir ce qu'il proposait de faire en février 2000, c'est-à-dire engendrer une étude approfondie sur un projet de base dont on s'attend qu'il aura des effets sur l'eau et les pêches 50 ans après la fin de l'extraction. Ceci soulève des questions évidentes sur la mise en place des mesures d'atténuation une fois que tous les profits ont été réalisés.
Le processus fédéral de réglementation, tel qu'il est interprété et appliqué, n'est pas intégré, préventif, responsable, pertinent, transparent, ni adéquatement consultatif. Dans le but de surmonter ces lacunes pour de futurs projets, la loi C-19 doit être modifiée afin de tenir compte des recommandations susmentionnées. Autrement, les autorités responsables telles que le MPO continueront d'éviter d'utiliser la LCEE afin de capter et d'évaluer adéquatement les projets, ce qui risque d'entraîner des effets néfastes importants sur l'environnement.
Merci.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Dumyn et madame Richardson.
Maintenant, nous allons entendre Mme Campbell et M. Northey de la Protection Environnementale du Canada.
Mme Michelle Campbell (coordonnatrice, Programme de soutien aux citoyens, Protection environnementale du Canada): Merci beaucoup. Je suis la coordonnatrice du Programme de soutien aux citoyens au sein de la Protection environnementale du Canada, autrefois connue sous le nom de Canadian Environmental Defence Fund. Je crois que certains d'entre vous sont plus familiers avec cette dernière appellation.
Je désire remercier le comité de me fournir l'occasion de parler des modifications proposées pour la LCEE. Vous avez déjà entendu les exposés d'autres organismes de droit environnemental à travers le Canada, tels que le Environmental Law Centre et le Sierra Legal Defence Fund. La Protection Environnementale du Canada appuie les revendications soumises par Sierra Legal, mais nous sommes ici aujourd'hui afin d'aborder des questions plus vastes en matière de participation publique et d'accès à l'information dans le cadre d'une évaluation environnementale. Je ferai quelques commentaires seulement, pour ensuite céder la parole à mon collègue, Rod Northey, qui vous entretiendra au sujet des aspects plus techniques de la réforme proposée.
La Protection Environnementale du Canada est différente des autres organismes de droit environnemental que vous avez entendus, en ce sens que nous ne nous occupons pas de poursuites judiciaires entreprises par des groupes de citoyens. Nous mettons plutôt des ressources à la disposition des citoyens afin qu'ils puissent continuer à travailler en faveur de la protection de l'environnement en prenant part à la prise de décisions environnementales, à des dossiers juridiques environnementaux et à la réforme de politiques.
Nous sommes un organisme visant le renforcement de la capacité. Nous aidons les citoyens et groupes de citoyens à trouver des avocats et des spécialistes en mesure de les aider. Nous aidons à recueillir des fonds pour eux de sorte qu'ils puissent avoir accès au système juridique, et nous offrons notre aide en matière de communications et de sensibilisation du public. Depuis 1985, nous avons aidé des centaines de citoyens et de groupes de citoyens, et plusieurs douzaines de ces dossiers ont porté ou portent présentement sur l'évaluation environnementale fédérale.
Je suis ici aujourd'hui afin de vous dire, au nom de tous les Canadiens qui ne peuvent pas être présents, que les Canadiens ne sont pas bien servis par la LCEE. Vous avez entendu l'exposé de quatre de nos clients qui ont connu des expériences désastreuses avec la LCEE. Trois d'entre eux viennent tout juste de vous présenter leur exposé, et John Lavoie a présenté le sien il y a quelques semaines au sujet de la destruction des plus grandes chutes d'eau dans une aire sauvage en Ontario.
Pour chacun de ces cas, nous connaissons au moins dix autres exemples à travers le pays illustrant la façon dont la LCEE a laissé tomber les Canadiens. Je le sais parce que ces Canadiens de partout à travers le pays sollicitent régulièrement mon aide, et j'aimerais vraiment être en mesure de leur dire que la LCEE peut les aider. Je voudrais pouvoir leur dire qu'il s'agit d'un bon outil pour eux, permettant d'assurer la participation du public dans la prise de décisions environnementales, mais dans l'état actuel des choses, cela m'est difficile de le faire. Il est de plus en plus évident que la LCEE n'est pas un bon outil pour favoriser la participation des citoyens, malgré notre perception de son but principal.
La Protection environnementale du Canada fondait de grands espoirs à l'égard de la LCEE. Nous pensions qu'elle serait plus efficace que l'ancien système des Lignes directrices PEEE, et nous estimons toujours qu'elle a été conçue afin d'en faire davantage pour favoriser la participation des citoyens; mais dans l'état actuel des choses, elle ne fonctionne pas. Si elle était plus efficace que l'ancien processus, la coupe à blanc de 11 millions d'hectares de forêts boréales aurait-elle été approuvée sans rien de plus que l'évaluation environnementale d'un pont? La plus grande décharge de déchets nucléaires au monde aurait-elle été évaluée sans un examen de comité? La destruction des plus grandes chutes d'eau dans une aire sauvage de l'Ontario aurait-elle été approuvée avant même que les citoyens ne puissent obtenir de l'information au sujet de l'évaluation environnementale? Nous nous attendions à ce que cette nouvelle loi fédérale en fasse davantage afin de protéger l'environnement et d'accroître la participation du public, mais la dure réalité veut qu'elle n'ait pas diminué la prise de décisions arbitraire et discrétionnaire, et qu'elle n'ait pas augmenté la responsabilité du gouvernement.
En l'absence d'une LCEE efficace, il est très difficile pour moi d'aider les citoyens à prendre part au processus. Toutefois, ce que la LCEE est présentement en train d'accomplir très efficacement est de forcer les citoyens à recourir aux tribunaux afin d'exiger le droit de parole. Les quatre groupes de citoyens que nous aidons et que vous avez déjà entendus ont dû engager d'énormes dépenses pour un contrôle judiciaire, comme ils vous l'ont expliqué, parce que la LCEE ne fonctionne pas. Certains groupes ont été condamnés par les tribunaux à payer les dépens des parties adverses, pour avoir présenté leur cas dans l'intérêt public. Les tribunaux ne doivent pas remplacer une loi efficace en matière d'évaluation environnementale. Nous estimons que la LCEE peut faire davantage, et nous désirons suggérer des façons de la corriger afin d'assurer une participation concrète du public et l'accès à l'information.
J'aimerais maintenant présenter mon collègue, Rod Northey, qui vous expliquera les aspects plus techniques de notre démarche. Rod Northey est un associé du cabinet juridique Birchall Northey et possède une vaste expérience en matière d'évaluation environnementale. En fait, il a écrit ce livre, que certains d'entre vous connaissez peut-être, et qui représente une annotation de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Il a écrit ce livre en 1994. Il a des rapports de longue date avec la défense environnementale. Il est l'ancien président de l'organisme et il a défendu plusieurs de nos dossiers d'évaluation environnementale au niveau fédéral.
Rod.
À (1000)
Me Rodney Northey: Merci Michelle, j'ai également déjà entendu certaines des autres histoires du jour.
Je suis ravi de m'adresser à ce comité, car en toute honnêteté, j'ai abordé la question de l'évaluation environnementale devant presque tous les forums et les tribunaux publics, au cours de discussions avec des bureaucrates, des groupes d'actionnaires multipartites et autres entités, cependant je n'ai pas eu souvent l'occasion de m'exprimer devant le Parlement. Je suis donc particulièrement heureux d'être ici aujourd'hui pour aborder un sujet digne d'intérêt pour cette assemblée, à savoir: la nature du rapport entre l'évaluation environnementale et la démocratie. Je m'apprête à frapper fort car je souhaite que vous considériez l'évaluation environnementale comme le canari dans la mine.
Les propos que vous entendez aujourd'hui sont censés vous frapper et servir d'incroyable avertissement sur l'abandon de la cause démocratique par les citoyens de ce pays en matière de questions environnementales. Non seulement ils ne servent pas la cause démocratique mais ils sont forcés d'abandonner d'autres tribunes non-démocratiques et se voient offrir des récompenses qui les dissuadent de toute autre participation. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler, à vous qui siégez désormais au plus haut rang de la démocratie canadienne, de ce que ce comité et la démocratie canadienne devraient considérer comme des problèmes d'évaluation environnementale. J'aborderai trois points principaux.
Le premier est que la législation dépendant de la Loi sur l'évaluation environnementale canadienne (LEEC) est le résultat de 20 ans d'absence d'examen parlementaire sur cette question. Cela a commencé avec une politique du Cabinet au début des années 70, puis a débouché sur un décret du Cabinet au début des années 80 et ce n'est qu'en 1992 que le Parlement s'est officiellement engagé et a pris position sur l'évaluation environnementale. Cependant, nous voilà au terme d'une révision quinquennale, et une fois de plus, le Parlement est la dernière entité à prendre position sur ce que devrait être la révision quinquennale de la LEEC.
Nous avons traité avec les bureaucrates, le public et toutes les personnes concernée par la question depuis quelques années. Et nous voici enfin devant le Parlement, mais nos propos du jour ne sont que le résultat d'un fait accompli. La révision est terminée, vous n'avez donc pas à vous inquiéter. Il n'est plus question de démocratie ici, tout est joué d'avance et soyez assurés que tout fonctionne à merveille.
Il existe un test démocratique qui peut s'appliquer ici et ce test est de savoir si cette législation assume ses responsabilités devant l'opinion publique, devant qui elle n'est pas responsable en principe. Je ne parle pas des ministres qui, selon moi, sont responsables. Je parle des bureaucrates. Je veux dire que cette législation est un désastre au regard de la responsabilité, qu'elle concerne la mesure de la responsabilité environnementale, de la science, de la planification, de l'accès ou de l'engagement public.
Les mots que j'emploie sont très forts et permettez-moi à présent de les justifier. Lorsqu'un individu commence à s'interroger sur la responsabilité d'une institution publique et sur le bien public d'une législation, le minimum qu'il puisse escompter est un peu de clarté. Je rappelle à ce comité qu'en 1969, les États-Unis ont devancé le monde en adoptant une loi sur l'évaluation environnementale appelée la NEPA, National Environmental Policy Act. La partie relative à l'évaluation environnementale faisait deux pages. Cette loi et cette provision sont considérées comme tellement claires qu'en dépit de nombreuses erreurs (dont plusieurs portant préjudice à l'environnement), la NEPA est restée quasiment inchangée depuis 1969.
C'est parce que l'on considère que la NEPA apporte une vision claire en deux pages que nous demandons ce qui pourrait être fait pour l'améliorer. Je la compare à ce que vous avez devant vous, à savoir une loi de plusieurs dizaines de pages, nécessitant la mise en oeuvre de réglementations comportant des dizaines de pages supplémentaires. À la fin de la journée, un individu sort du tribunal et les tribunaux ont estimé qu'il n'existait aucune certitude sur son cas, si ce n'est la grande part de latitude laissée à tous ces aspects.
Le terme de «latitude» présente un grand intérêt pour un projet de loi. Le recours à la loi ne s'impose pas en matière de latitude. Nous avons assisté à 20 ans de latitude avant la LEEC. Si elle nous mène à la latitude, alors passons outre cette loi, débarrassons-nous de tout ce processus et retournons tout simplement à une politique de Cabinet. La loi est mise en place et la démocratie s'appuie sur elle car la loi est censée nous fournir des repères fixes et non de la latitude.
À (1005)
La question est de savoir quels repères nous offre la LEEC. Eh bien, ils ne sont que très peu nombreux. Si vous regardez à la page 13 de ce dossier sur la défense environnementale canadienne, vous trouverez une liste d'extraits d'affaires judiciaires, ayant trait avec ce que l'on pourrait appeler les principales dispositions de la LEEC. Ces extraits nous montrent que là où l'on demande aux tribunaux de trouver des droits compensateurs, ils ne voient que latitude.
Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais je tiens à mentionner une alternative aux tribunaux, car elle semble avoir été ignorée au cours de ces cinq dernières années d'exercice en particulier.
En 1974, la politique d'évaluation environnementale du Cabinet gouvernemental a abouti à une sorte de «commission d'évaluation», qui je le souligne, a fait du Canada un chef de file international en matière d'évaluation environnementale. Aucun autre pays n'avait la vision ou la clairvoyance nécessaire pour réussir à accomplir ce que la Canada a entrepris.
Quelle est la définition de cette commission d'évaluation? Elle présentait un projet devant un groupe d'experts indépendants, alors impliqué dans un processus public, visant à l'examen des conséquences d'un tel projet. Environ 50 commissions d'évaluation eurent lieu avant l'adoption de la LEEC.
En terme de responsabilité, vous avez entendu, si vous avez écouté le discours du Premier Ministre, que certains estiment à environ 30 000 le nombre des projets évalués sous la LEEC. Cela fait désormais sept ans, je ne connais donc pas exactement le nombre auquel cela équivaudrait.
En matière de mesure de la responsabilité, nous pourrions nous demander ce qu'il adviendrait si 1 p. 100 de ces projets parvenait devant une commission d'évaluation. Cela ferait 300 commissions d'évaluation. Combien de commissions d'évaluation ont-elles vu le jour? Je ne répondrai pas à cette question. Je dirai juste que nous sommes loin des 300. Un dixième d'un pourcent: est-ce la mesure de la responsabilité d'une législation ? Cela ferait 30 commissions d'évaluation. Nous ne les avons pas vues. Seules 10 commissions d'évaluation ont eu lieu sous la LEEC.
Je vais être encore plus précis. La LEEC débouche sur des commissions d'évaluation à la suite de deux processus: le premier est une analyse «filtrée» et le second une «étude complète». Cette étude est réservée aux projets les plus conséquents et vous en avez entendu parler aujourd'hui. Mais parlons de cette analyse filtrée. Elle s'applique à plus de 99 p. 100 des projets soumis à la LEEC. Par conséquent, plus de 30 000 projets sont passés par cette analyse filtrée. Combien sont arrivés devant une commission d'évaluation? La réponse est renversante: un seul. Pour 30 000 projets, il ressort donc que le besoin d'analyses expertes indépendantes est nul.
Vous ferez l'expérience, mais à la lecture de la loi, le doute subsiste. La commission d'évaluation est censée être convoquée si les effets d'un projet sont incertains. Après 30 000 analyses filtrées, nous n'aurions rien de significatif? Aucun facteur d'incertitude?
Je me suis particulièrement attaché à la bureaucratie sur ce point, car il arrive parfois, selon moi, que des ministres aient demandé une action et que des bureaucrates l'aient refusée. Prenons ce cas par exemple—Caledon, mars 2000. En mars 2000, le bureau du ministre a ordonné par écrit l'application de la LEEC. Cette lettre est restée dans les mains des bureaucrates au lieu d'être acheminée vers le défenseur de cette action. La lettre n'est jamais sortie du bureau. Deux ans plus tard, rien n'a été fait pour ce projet. Les bureaucrates l'ont rejeté et continuent de le faire.
À (1010)
Un second exemple auquel vous n'avez pas accès aujourd'hui, qui n'est probablement pas encore soumis à l'appréciation de ce comité, et qui concerne la mine de diamants de Diavik, un projet dans les Territoires du Nord-Ouest soumis à une étude complète. Ce projet comptait un grand nombre interne de défenseurs et de détracteurs avant de parvenir à une décision ministérielle. Mais laissez-moi juste vous préciser que nous avons fini par découvrir que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) voulait que ce projet soit présenté devant une commission depuis le début. Cela a été refusé. Connaissons-nous la source de ce refus? Je n'en suis pas certain mais les indices semblent désigner l'Agence canadienne de l'évaluation environnementale, qui a déclaré qu'une telle commission d'évaluation était inutile. Je vous laisse le soin de confirmer cette supposition.
Voici donc deux exemples intéressants de ministres essayant de réaliser des projets et de bureaucrates les en empêchant.
Les commissions s'occupent désormais de la planification et de la science. Si vous retournez voir les deux pages de la NEPA, vous comprendrez ce qui arrive aux É.U.: la science et la planification sont au coeur de la NEPA. Que dit la législation? Je ne possède pas de vérificateur orthographique pour faire le test aujourd'hui-même, mais je pense que le mot «science» est totalement absent de la LEEC. Il me semble que le mot «planification» est également totalement absent de la LEEC, sauf dans le préambule.
Que se passe-t-il donc exactement après cette orientation et ces analyses filtrées? Qu'en est-il? On accède à la question de la responsabilité des commissions en matière de planification et de science. Si vous consultez l'historique des commissions de ces 20 dernières années, vous verrez que les experts indépendants ont beaucoup à dire sur la planification. Ils mettent sur la table des alternatives repoussées par les gouvernements et les défenseurs des projets. Il arrive souvent que les ministres acceptent les recommandations d'une commission allant à l'encontre des souhaits des défenseurs et des bureaucrates. Comment cela peut-il se produire sans la tenue d'une commission d'évaluation? C'est tout bonnement impossible. Une commission d'évaluation est nécessaire à une telle analyse indépendante.
Il en va de même pour la science. Si 30 000 évaluations estiment qu'une conséquence n'est pas significative, la commission d'évaluation sera le seul endroit où l'on accèdera à une mesure de l'indépendance de cette définition et de ce qu'est une conséquence significative.
Je vous ai distribué certains extraits des affaires judiciaires, mais permettez-moi de vous dire que si vous pensez que l'examen judiciaire est un substitut possible à la commission d'évaluation, soyez conscients que les tribunaux vous répondront qu'ils n'évaluent pas la science. Ils ne préjugeront pas d'un but scientifique dans un examen judiciaire. Si le gouvernement veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ce n'est pas le tribunal qui le contredira. Il décidera «d'observer la loi». Si le gouvernement décide de régler le problème des déchets nucléaires en les expédiant sur la lune, plutôt que de les laisser à Inverhuron, il en sera ainsi. Les commissions peuvent seconder les décisions gouvernementales. Sur 60 litiges, seules 10 commissions ont eu lieu. Qu'en est-il?
Pour conclure Madame la Présidente, je dirais que ce comité doit retourner à des valeurs fondamentales. Ce processus d'évaluation a débuté avec une commission d'évaluation et il faut s'en souvenir. Le rapport ministériel affirme que la commission d'évaluation est la compétence centrale de cette législation, déjà utilisée à dix reprises. Il serait tout aussi utile de dire que la lutte contre le terrorisme est la compétence centrale de la législation pour l'utilisation faite de ce processus de commission d'évaluation.
J'en conclus en vous demandant d'examiner la définition de la responsabilité. Les tribunaux n'ont pas de compte à rendre, contrairement aux commissions. Agissez! J'insiste encore sur ces deux points pour finir—il est inutile que le processus de la commission d'évaluation dure deux ans. Amendez cette loi. Les commissions d'évaluation pourraient se tenir sur un mois ou deux, ou sur une toute autre durée, à votre guise.
La prochaine fois que cette question sera examinée, espérons que 300 commissions d'évaluation, et non dix, auront eu lieu avant que ce comité ne siège.
Je vous remercie.
À (1015)
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Nortney.
Merci beaucoup, madame Campbell.
Le nom de M. Bailey figure à la liste, M. Comartin, M. Herron et, ensuite, nous prendrons des noms de l'autre côté.
M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.
J'ai le souffle coupé d'avoir entendu tout cela. Imaginez, moi, le souffle coupé; toute une surprise, non?
Merci beaucoup.
Je suis vraiment surpris par tout cela. Bien que n'ayant fait partie de ce comité que depuis peu de temps, je crois avoir vu les extrêmes dans bien des circonstances de la vie. Il suffit de se rappeler l'époque de la TVA, la Tennesse Valley Authority, et le CCC, qui a construit le barrage un peu au sud de la région que j'habite, à l'époque où l'on exécutait dans ce pays des projets qui ne l'auraient été aujourd'hui qu'après être passés par tous les canaux réglementaires.
L'interprétation que je fais de ce que vous dites est qu'on néglige complètement la législation et les projets sont entrepris quand même. C'est ce que je comprends, et vous m'avez fait clairement remarquer qu'effectivement quelque chose avait été contourné, ou complètement oublié, lorsque M. Nortley a mentionné le nombre de cas où vous avez eu recours à l'apport réel d'un processus démocratique authentique, lequel est, à mes yeux, fondamental dans la loi mais non utilisé.
Je me suis beaucoup intéressé au fait que vous ayez trouvé que les bureaucrates s'appuyaient sur une position pour contourner l'objectif prévu de la loi. J'espère que ce comité, sans avoir à pointer du doigt qui que ce soit, prendra le temps d'examiner ce que vous nous avez dit aujourd'hui. C'est si grave qu'il nous faudrait une réunion distincte avec chacun d'entre vous.
Madame la Présidente, je voudrais conclure par le point suivant, à l'intention de M. Sullivan.
Je n'ai pas entendu la totalité de votre rapport, Don, mais je voudrais vous faire remarquer que des changements arrivent et qu'ils sont dûs à la nature. Par exemple, j'ai vécu pendant 12 ans au centre d'une voie migratoire. J'ai entendu toutes sortes d'objections au barrage Gardener, au lac Diefenbaker, etc. Mais maintenant, à cause de la sécheresse dans la région, la voie migratoire a changé significativement. Je ne sais pas qui a dit aux oies de modifier leur parcours, mais elles l'ont fait, elles se posent là où elles peuvent et se nourrissent la nuit. Beaucoup de choses environnementales ne sont pas causées nécessairement par des actes humains.
Et enfin, est-ce que votre organisme obtient un financement fédéral à ce titre?
À (1020)
Mme Penny Richardson: Non. Aucun.
M. Roy Bailey: Merci beaucoup, madame la présidente. Cela répond à ma grande question.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): N'importe lequel des témoins peut répondre à cette question, monsieur Sullivan.
M. Don Sullivan: J'aimerais répondre à la question de M. Bailey.
Je ne remets pas en question le fait qu'au fil du temps les choses changent. La nature est faite ainsi; elle évolue constamment. En revanche, je pense qu'en qualité de citoyen, je nourris une attente raisonnable à l'effet que le processus doit être empreint d'une certaine transparence et que je sois sûr que le gouvernement fédéral fait ce qu'il doit faire, quelles que soient les circonstances.
En ce qui me concerne, le cauchemar s'est avéré terrible, stressant et financièrement déraisonnable et ce, à partir d'une attente à mon avis raisonnable, celle du droit que nous avons nous les citoyens de s'attendre à ce que le gouvernement fédéral fasse ce qu'il est tenu de faire.
Cela va au coeur même de la démocratie. Il ne s'agit pas de savoir s'il y a des oiseaux qui volent, je veux savoir quel en est l'impact. Je suis en droit, à titre de citoyen du Canada, de m'attendre raisonnablement à obtenir une information de façon sincère et opportune et de connaître non seulement les impacts environnementaux mais également sociaux et économiques de quelque chose. C'est un droit que confère la démocratie et je trouve que c'est un échec total dans le sens de la loi.
C'est pour cette raison que j'essaie de contenir mon enthousiasme; mais ce n'est certainement pas de l'enthousiasme, c'est de l'hostilité pure et simple. Je suis un homme en colère. Je suis quelqu'un qui a beaucoup souffert parce que je m'attendais raisonnablement à ce qu'un processus soit respecté. Je trouve la chose incroyable et j'ai du mal à exprimer avec des mots la colère que je ressens à l'endroit de l'incapacité de mon gouvernement de faire ce qu'il est supposé faire.
J'aime mon pays, j'aime la démocratie et j'aimerais bien voir les deux en bonne santé.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Sullivan.
Il reste cinq minutes pour toutes les questions et réponses.
Monsieur Comartin.
M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, madame la présidente.
Avant que je ne vous pose de questions, la présidence--je ne suis pas sûr que vous ayez été là à ce moment--avant d'entreprendre les témoignages de ce matin, a indiqué que le ministre de l'Environnement viendrait ici la semaine prochaine et a également dit que... je pense qu'il a dit...
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Comartin, est-ce une question adressée aux témoins ou bien s'agit-il d'une question de procédure?
M. Joe Comartin: C'est une question de procédure.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Nous consacrerons cinq minutes à la procédure.
M. Joe Comartin: Je n'ai pas été clair. Il nous a laissés sous l'impression que le ministre des Pêches et des Océans venait--et compte tenu de ce que nous avons entendu ce matin, il est évident que le ministre devrait venir--toutefois, la chose ne semble pas assurée.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Parlez-vous du ministre de l'Environnement ou de celui des Pêches et des Océans?
À (1025)
M. Joe Comartin: Non, le ministre des Pêches et des Océans. Il a confirmé que le ministre de l'Environnement serait ici mercredi prochain. Il a poursuivi en disant que le ministre des Pêches et des Océans viendrait. Mais je dois vous dire que j'ai eu l'impression que la venue du ministre n'était pas assurée. Donc ma position sera, et M. Herron m'appuie à cet égard, celle de dire que le ministre doit absolument comparaître avant que nos n'entreprenions l'examen clause par clause.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui monsieur Comartin, selon ce que nous ont dit les témoins, particulièrement ce matin, et les questions que nous devrons aborder, il semble effectivement très important que le ministre des Pêches et Océans comparaisse devant ce comité.
Personnellement, j'ai envoyé plusieurs demandes à ce bureau et j'ai quelques questions à poser au ministre concernant le projet de loi que ce comité doit étudier. Je dirais qu'il est très urgent que le ministre des Pêches et Océans comparaisse devant le comité. Celui-ci ne peut, bien sûr, qu'inviter le ministre en question. C'est à lui de décider compte tenu de son horaire. Mais je passerai certainement le mot à la présidence.
M. Joe Comartin: Ce que je tente d'établir ici c'est que tant que le ministre n'aura pas comparu, nous ne devrions pas passer à l'examen clause par clause, et je voudrais poursuivre la chose, madame la présidente.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Comartin, selon ce que j'ai compris, il y a eu un débat approfondi sur cette question, avant l'audition des témoins. Je proposerais d'écouter les témoins qui viennent de loin et qui sont ici ce matin .
S'il plaît au comité--je ne sais pas si la salle est disponible après 11 heures, mais peut-être que le greffier pourrait se renseigner--on peut se réunir à 11 heures.
Je tiens à ce que l'on ait l'occasion de questionner les témoins. Nous avons entendu des témoignages incroyablement touchants et importants ce matin. J'insiste pour qu'on continue les auditions. Je crois que la question de l'examen clause par clause relève des affaires du comité. Je crois que nous devons en discuter; j'en conviens parfaitement.
Monsieur Herron.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): J'ai besoin de 15 secondes seulement.
Je crois que ce sur lequel M. Comartin veut insister c'est le fait que l'évaluation environnementale comprend une forte composante sur les pêcheries. Je crois que le comité doit faire preuve de prudence et de responsabilité en cherchant à obtenir les commentaires du ministre et des responsables du MPO avant de poursuivre, parce qu'en réalité nous ne possédons pas tous les outils. C'est là notre position également.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Herron, je vous remercie d'avoir exprimé votre position. À titre de vice-présidente, je suis présidente par intérim en ce moment. J'en conviens parfaitement, mais commençons déjà par questionner les témoins, s'il vous plaît.
M. Joe Comartin: Madame la présidente, je voulais seulement vous informer de la chose.
Ce sur lequel je tente d'insister, et j'essaie de le dire aux témoins, c'est que nous avons tous été touchés par vos déclarations et témoignages. Ma déclaration vise à vous assurer que, non seulement ces deux ministres devraient comparaître pour répondre--très franchement--aux accusations que vous avez portées, mais qu'également, un représentant de la Commission de l'énergie atomique devrait venir.
Je suis particulièrement vexé du fait que j'ai parcouru avec eux le projet de loi sur l'élimination des déchets nucléaires et qu'ils ne m'ont rien dit durant toute la durée de l'audition sur ce qu'ils avaient l'intention de faire à Bruce. Nous n'avions pas ces témoignages; en réalité, ce qui a été incorporé à la législation était tout à fait différent, à l'exception du fait que le Sénat l'a adoptée.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Comartin, je suis désolée de voir que vous vous en prenez à moi, je suis pourtant du même avis que vous. Je suis très inquiète, et peut-être que vous voudriez voir Énergie atomique du Canada répondre à quelques-unes de ces questions. Personnellement, à titre de présidente, je me dois d'être neutre, mais n'empêche que dans ma neutralité, je suis scandalisée, pour mémoire.
Monsieur Comartin, vous avez cinq minutes de question. Vous avez déjà épuisé quatre secondes de vos cinq minutes.
M. Joe Comartin: Merci.
Monsieur de la Chevrotière, les barres usées ont-elles commencé à être apportées? Votre témoignage n'a pas été clair là-dessus.
M. Normand de la Chevrotiere: On s'attend à ce que les installations soient fonctionnelles à l'automne. Ils sont en train de les construire en ce moment, ils ont presque terminé. Il leur faudra obtenir une licence de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour débuter les opérations.
M. Joe Comartin: Savez-vous si la licence a été accordée?
M. Normand de la Chevrotiere: Non, elle ne l'a pas été. La demande sera présentée très bientôt pour que l'opération puisse démarrer à l'automne.
Me Rodney Northey: Pour l'information du Comité, cette licence ne déclenche pas d'évaluation environnementale canadienne.
M. Joe Comartin: Et rien d'autre non plus n'en déclenche, de toute évidence.
Nous avons entendu tout ce témoignage alors que l'élimination des déchets nucléaires était en voie d'adoption, rien de tout cela n'a été dit. Tout ce dont il s'agissait c'est qu'ils allaient être enfouis dans le Bouclier. C'est ce que prévoit actuellement la législation, Madame la Présidente. Je ne peux tout simplement pas croire que la Commission n'a pas divulgué le fait qu'ils étaient en voie de le faire.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je viens de parler au greffier et nous allons demander la comparution de témoins d'EACL devant le Comité pour discuter de cette question.
Me Rodney Northey: Madame la Présidente, ce ne serait pas l'EACL. Il s'agirait de la nouvelle Commission de sécurité nucléaire qui remplace la CCSN.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
M. Joe Comartin: Je voudrais poursuivre la question des frais. Ont-ils été payés?
M. Normand de la Chevrotiere: Nous avons dû assumer une caution pour frais de 10 000 $ au niveau de l'appel. Nous avons perdu et, en toute conscience, nous avons dû débloquer ces fonds. Nous n'avons pas payé le reste des dépens adjugés à Hydro Ontario, et nous n'avons pas non plus payé ceux du gouvernement. Comme vous pouvez le constater, nous avons les mains et poings liés. Les dépens adjugés à Ontario Hydro continuent d'augmenter au taux d'intérêt maximal permis de 7 p. 100.
À (1030)
M. Joe Comartin: Les dépens ont-ils été adjugés contre les particuliers ou l'association?
M. Normand de la Chevrotiere: Contre l'association.
M. Roy Bailey: Collectivement.
M. Normand de la Chevrotiere: C'est exact. Il y a fort à parier que nous soyons contraints à la faillite.
M. Joe Comartin: Est-ce qu'Ontario Hydro ou le gouvernement fédéral a pris des mesures pour s'assurer que les dépens sont bel et bien adjugés?
M. Normand de la Chevrotiere: Deux jours après que la Cour suprême a refusé la demande, Ontario Hydro nous a demandé de lui remettre son argent avec les intérêts. Par la suite, le gouvernement fédéral a également réclamé son argent. Nous nous sommes renseignés pour savoir si nous pouvions rencontrer des représentants du gouvernement et d'Ontario Hydro. Cette société nous a indiqué qu'elle ne faisait affaire qu'avec les avocats; pour ce qui est du fédéral, nous attendons toujours une réponse.
M. Joe Comartin: Monsieur Sullivan, je crois comprendre que votre groupe a assumé les dépens qui ont été adjugés contre vous.
M. Don Sullivan: En effet. Le gouvernement fédéral ne nous a pas demandé sa part des dépens. En raison de la nature de la poursuite judiciaire, Tolko a vigoureusement réclamé son argent et l'a obtenu.
M. Joe Comartin: Il s'agissait d'une somme de 25 000 $.
M. Don Sullivan: Tout à fait. Personnellement, cela m'a occasionné passablement de soucis. Évidemment, cette somme de 25 000 $ aurait pu être mieux utilisée ailleurs, plus particulièrement pour réduire la dette découlant des frais d'avocat astronomiques que je devrai assumer moi-même si quelqu'un décide d'y donner suite.
M. Joe Comartin: Madame la Présidente, est-ce que j'ai encore du temps?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Il vous reste une minute.
M. Joe Comartin: Monsieur Northey, on nous dit que nous respectons le cadre des amendements et que, essentiellement, nous ne pouvons faire davantage, sauf peut-être démontrer une certaine créativité. Franchement, je crois que les amendements que vous proposez nous feraient sortir largement de ce cadre. Avez-vous des commentaires à ce sujet d'un point de vue technique ou juridique?
Me Rodney Northey: Je n'ai aucun commentaire technique précis à présenter au Parlement, mais j'ai deux réponses à communiquer.
J'estime que les amendements, et j'ai examiné ceux qui vous ont été soumis, respectent le cadre du projet de loi qui est actuellement à l'étude par le présent comité, et ce justement parce qu'ils abordent les problèmes qu'ils sont censés régler. Ils s'appliquent précisément aux dispositions qui sont déjà proposées aux fins d'inclusion. Je crois donc que la modification de ces dispositions est conforme à ce que peut accomplir le comité.
Mais pour en revenir à mon thème principal, je crois qu'il existe des problèmes plus importants. Je dirais simplement que le ministre a établi trois points de référence qui lui permettent de mesurer la qualité des réformes, et ces dernières ont toutes trait à l'atteinte de ces points de référence. Il serait absurde de croire que le ministre peut énoncer ces trois objectifs, se présenter devant le comité et affirmer qu'ils ont été atteints sans que le comité ne soit en mesure de proposer de meilleures façons d'y arriver.
Pour résumer, si l'examen quinquennal est tellement limité sur le plan technique de la même façon que les tribunaux ont décidé de réduire à néant la valeur des évaluations environnementales, je suggérerais que le comité produise un rapport distinct sans tenir compte des paramètres de l'examen quinquennal et qu'il indique précisément ce qui doit, selon lui, être abordé en vue d'atteindre l'objectif de l'évaluation environnementale.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Voilà certainement une possibilité intéressante pour le comité.
Je vous remercie, monsieur Northey.
Je constate que M. Herron n'est pas parmi nous.
M. Joe Comartin: Je m'excuse, madame la présidente, mais je devais vous mentionner qu'il assiste à l'assermentation de ses nouveaux députés. Mais il sera de retour.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'y compte bien, car son nom figure sur la liste.
M. Reed et M. Tonks attendent leur tour. Est-ce que quelqu'un d'autre de ce groupe voulait parler? Allez-y, madame Redman.
Mme Karen Redman: Désolée, j'ai passé mon tour depuis longtemps, mais ça ne me dérange aucunement d'attendre une autre occasion.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): D'accord.
Monsieur Reed.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je n'ai pas l'intention d'entrer dans une controverse avec M. Northey en guise d'accueil, mais je tiens à vous rassurer au sujet de la raison qui nous a incités à vous inviter et à vous recevoir à titre de témoins de sorte que nous puissions en arriver à une loi viable et que nous soyons en mesure d'y apporter les modifications requises. Ce n'est certes pas un processus facile, mais cet examen quinquennal a été mis sur pied expressément afin que nous puissions prendre du recul et déterminer ce qui fonctionne ou non une fois le projet de loi adopté, du moins je l'espère. Il ne s'agit pas d'un fait accompli résultant d'un effort d'imagination; c'est pourquoi nous ne devrions pas l'aborder sous cet angle.
Cela m'inquiète grandement de constater que la demande d'un ministre semble avoir été renversée. Lorsque le ministre en question sera parmi nous, vous pouvez être convaincus que nous ne manquerons pas de lui en glisser un mot.
Avant de l'oublier, je tiens à saluer plus particulièrement ma voisine Penny. Je m'excuse d'avoir pris tant de temps.
Je suis très préoccupé par toutes ces questions, étant donné qu'elles démontrent, d'une certaine façon, que le pouvoir du ministre est renversé, si nous nous fions à ce que vous vous entendez tous pour dire.
En outre, je dois dire—car je ne pose pas de questions à proprement parler—que le fait d'entreposer des déchets nucléaires hautement radioactifs à la surface de la terre n'est pas très brillant, et vous pouvez me citer. Nous venons d'adopter un projet de loi en cette Chambre visant à établir une façon d'utiliser des technologies de pointe pour l'entreposage de ces déchets. M. Comartin y a fait allusion tout à l'heure, et je suis entièrement d'accord avec lui à ce sujet.
Quant à la carrière, Madame la Présidente, je dois mentionner, pour le compte rendu, qu'elle entraînera la dégradation accrue du bassin hydrographique de la rivière Credit. J'habite au bord de cette rivière qui traverse ma propriété sur un mille.
À (1035)
Mme Penny Richardson: L'eau ne sera pas aussi froide si la carrière se trouve au beau milieu du bassin, Julian.
M. Julian Reed: C'est juste, mais il se peut également que le débit ne soit pas aussi important. Je n'ai pas toutes les réponses à ces questions, mais nous allons faire l'impossible pour vous les transmettre.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.
Y a-t-il d'autres témoins qui désireraient... Monsieur de la Chevrotiere.
M. Normand de la Chevrotiere: Oui. Puis-je répondre brièvement aux commentaires de M. Reed?
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Allez-y.
M. Normand de la Chevrotiere: J'aimerais simplement mentionner--et je suis certain que j'ai suffisamment insisté sur la taille de l'installation ainsi que sur les dangers potentiels qu'elle représente-- que je suis absolument stupéfait de constater que le projet de l'installation, après être passé par trois niveaux de réglementation et les trois plus hauts tribunaux n'a jamais fait l'objet d'une étude sur place. Je n'en reviens tout simplement pas.
Le deuxième commentaire que j'aimerais faire rejoint celui de M. Reed. Je suis actuaire de profession. Mon travail consiste donc à déterminer et à évaluer les risques, ainsi qu'à établir des prix pour les assurances. Je peux vous dire sans hésiter que l'installation de Bruce présente des risques élevés. Et même si, je l'espère, les risques d'accident ou d'attentat terroriste sont plutôt faibles, vous pouvez être sûrs que ce serait toute une catastrophe si une chose du genre survenait. L'installation est située au bord du lac Huron et du bassin des Grands Lacs, près duquel habitent 36 millions de personnes. Quelle perspective apocalyptique...
À (1040)
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, madame la présidente.
Je tiens à vous remercier tous pour vos interventions enflammées et, comme l'a dit M. Sullivan, enthousiastes. Vos points de vue sont très pertinents.
Je ne peux cependant m'empêcher de réagir aux commentaires de M. Northey. Un examen approfondi du CCAE a été effectué à la grandeur du pays, et le présent comité se penche actuellement sur les résultats dans le cadre du projet de loi C-19. Bien que vos opinions soient enflammées et convaincantes, nous avons écouté de nombreuses autres personnes partout au Canada, et il incombe au présent comité d'étudier ces interventions et de formuler des recommandations sur les questions qui nous ont été soumises.
L'une des nombreuses recommandations visant à renforcer le CCAE dans le cadre du projet de loi C-19 concerne la participation du public à l'évaluation environnementale. J'aimerais d'abord m'adresser ici à M. de la Chevrotiere, mais tous ceux qui désirent réagir sont libres de le faire. Le projet de loi propose d'étendre le financement des activités des participants aux études exhaustives en vue de favoriser la participation du public. En réalité, une bonne partie des 51 millions de dollars qui, sur cinq ans, sont réservés à la mise en oeuvre de ce projet de loi vise précisément à favoriser la participation du public. Je me demande si, d'après vous, cette mesure ne vous aurait pas aidé par le passé ou si ce ne pourrait pas être le cas ultérieurement.
M. Normand de la Chevrotiere: Tout cela est bien beau, mais nous sommes réalistes. L'électricité est une bonne chose, car nous ne voulons pas retourner au Moyen Âge, mais nous savons malheureusement que le processus a été retardé encore et encore. Les choses doivent avancer. Tout ce que nous demandons, c'est une évaluation indépendante par des spécialistes qui nous permettra de dormir sur nos deux oreilles.
Le problème avec le processus actuel, du moins d'après nous, c'est qu'il est très inéquitable. Nous remettons à des groupes de citoyens ordinaires une tonne de documents très techniques en leur demandant gentiment de nous donner leurs commentaires trente jours plus tard, et ce sans aucun fonds d'intervention.
D'après ce que je comprends, un comité d'examen permettrait d'offrir un fonds d'intervention, ce qui serait tout à fait merveilleux.
Mme Penny Richardson: J'aimerais ajouter que la coalition a probablement dépensé près de 500 000 $ au cours des six dernières années en frais de consultants et d'avocats. Nous avons un groupe d'environ 30 à 40 femmes qui tiennent des campagnes de financement, et ces activités constituent leur principale occupation année après année en vue de protéger le bassin hydrographique et de protéger les ressources halieutiques en eau froide.
J'étais toute jeune lorsque j'ai commencé ce travail, et je travaille à temps plein. Pour moi, venir à Ottawa—c'est mon troisième voyage, car nous avons déposé notre projet devant le Sénat—représente vraiment un travail gratuit. Mais je persiste à croire que ce n'est pas à nous d'agir de la sorte. J'estime que le processus aurait dû depuis longtemps être assumé par d'autres personnes. Nous faisons ce que le ministère des Pêches et des Océans et l'ACEE devraient déjà faire depuis quatre ans.
M. Don Sullivan: Pour donner suite à ce qui vient d'être dit, je suis ravi d'apprendre qu'il y aura un fonds d'intervention. Cette mesure pourrait aider des gens ultérieurement. En ce qui me concerne, avec cinquante cents, je peux me payer un café.
Essentiellement, même si le fonds d'intervention est nécessaire à la participation des gens, vous avez raison: il faut 30 jours pour examiner, dans mon cas, trois plans d'aménagement forestier distincts... Et chacun compte de 10 à 15 volumes très techniques. De plus, le fait de devoir affronter une pléiade de spécialistes tous engagés par les promoteurs semble tout à fait injuste et intimidant. Vous devez aussi vous trouver des spécialistes, ainsi que l'argent requis pour les payer. Cependant, en bout de ligne, si le financement des activités des participants est assuré, il faut qu'il y ait un enjeu. Si vous ne tenez pas de comités d'examen, il n'y a pas lieu d'aller de l'avant, n'est-ce pas?
Si vous avez écouté Rod, il y a eu une dizaine de comités d'examen depuis les débuts de l'ACEE et plus de 30 000 projets. C'est très bien. Maintenant, donnez-moi une bonne raison d'intervenir. C'est là que réside le problème. Si je ne peux faire intervenir le gouvernement fédéral au niveau de la plus importante entente en matière de licence d'aménagement forestier au monde et que je ne peux obtenir de ce gouvernement un engagement ferme quant au respect de ses responsabilités juridiques—examen des questions de compétence fédérale—le fonds d'intervention n'est plus vraiment utile.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Northey, je vous en prie, soyez bref.
Me Rodney Northey: Je crois qu'il est important de faire le lien entre la question de la réforme de l'aide financière accordée aux participants et celle de l'examen par une commission. Comme la plupart d'entre vous le savez probablement déjà, au moment d'entreprendre une étude approfondie, on peut demander au ministre de l'Environnement de décider si cette étude sera suivie d'un examen par une commission. En ce moment, les participants ne sont admissibles à une aide financière que pour l'examen par une commission.
Ce que signifie cette réforme, c'est que le Ministre devra décider, dès le départ et sans informations précises, si tel ou tel projet fera l'objet d'une étude approfondie ou d'un examen par une commission. Je suis certain que Mme Redman connaît bien le genre de décision que devrait prendre le Ministre mais, selon moi, cela semble vouloir dire que si seulement un examen public fait suite à un examen préalable, neuf sont le résultat d'une étude approfondie. Si un promoteur ou un ministre, si on en juge par les projets antérieurs, a la possibilité de choisir entre une étude approfondie et l'examen par une commission, je suis prêt à parier qu'il y aura davantage d'études approfondies et très peu d'examens par une commission.
J'invite donc les membres du comité à se poser la question suivante: la réforme favorisera-t-elle l'accès à l'examen par une commission ou y nuira-t-elle? Je suis très enclin à pencher pour la dernière éventualité.
À (1045)
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Northey.
C'est à vous, monsieur Tonks.
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, madame la présidente.
Ma question allait dans le même sens. Je tiens tout d'abord à renforcer les propos de M. Reed concernant les points très importants que vous avez fait valoir ici, en disant que nous prenons la question très au sérieux. Je tenais à le dire dès le départ.
J'aimerais revenir à la question de l'examen par une commission. Je ne connais pas très bien la façon de procéder du fédéral. En Ontario, il y a une commission d'examen permanente à laquelle le ministre de l'Environnement peut faire appel. Cette commission est chargée d'examiner les données scientifiques et la meilleure information disponible en ce qui a trait à l'évaluation environnementale dans la province.
Nous avons parlé de l'harmonisation des lois provinciales et fédérales touchant à l'environnement. Je pose ma question à titre d'information. Vous avez dit que l'élément déclencheur—très vague—d'une étude approfondie repose sur l'incertitude des effets d'un projet. Advenant l'harmonisation des processus provincial et fédéral d'évaluation environnementale, pourriez-vous nous indiquer les éléments déclencheurs qui, à votre avis, seraient satisfaisants et favoriseraient la responsabilisation requise au cours du processus?
Me Rodney Northey: Certainement. Permettez-moi d'abord d'apporter certaines précisions. Je viens également de l'Ontario et je connais bien le processus provincial.
Il importe de noter que la province n'a aucune obligation légale de pourvoir en experts l'organe permanent dont parle M. Tonks, le Tribunal de l'environnement qui remplace la Commission des évaluations environnementales. En fait, l'exigence réglementaire relative à son indépendance a été abolie en 1996 par le gouvernement actuel. Donc, contrairement aux organes fédéraux, celui de l'Ontario n'est pas aussi solide du point de vue de deux des principales exigences relatives à la composition d'une commission d'examen.
Mais vous avez raison, et je suis d'accord pour dire qu'au cours des ans cet organe permanent de l'Ontario a tenu—surtout au cours des années 80—de nombreuses audiences dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. Je crois, cependant, que le nombre d'audiences a rapidement diminué depuis 1995. À ma connaissance, il n'y a eu depuis qu'une audience relative au projet de site d'enfouissement de Kirkland Lake. À mon avis, il ne semble pas que le gouvernement ontarien favorise la responsabilisation; c'est plutôt le contraire.
Quant à la façon d'harmoniser les processus, c'est une question plutôt bizarre, étant donné que ni l'un ni l'autre n'aboutit à la tenue d'audiences. Je pense qu'il vaudrait mieux se demander pourquoi la Commission des affaires municipales de l'Ontario, qui tient un nombre incroyable d'audiences en Ontario, n'a pas amorcé des pourparlers avec le gouvernement fédéral en vue de l'harmonisation de ses procédures.
De nombreuses commissions en Alberta tiennent des audiences conjointes. Pourquoi la Commission des affaires municipales de l'Ontario n'est-elle pas appelée à participer à l'examen de dizaines, de centaines, voire de milliers de projets? Je crois qu'elle pourrait prendre part à l'examen de dizaines de projets. C'est la suggestion que je fais pour faire avancer le processus d'harmonisation.
Vous avez dit que vous aimeriez connaître le nombre de projets à évaluer et savoir de quelle façon on pourrait s'y prendre. Il s'agit là d'un point intéressant. On pourrait penser que la liste des études approfondies en fournit une bonne indication. Mais, comme l'a signalé M. de la Chevrotiere, la liste elle-même comporte certaines particularités. Je tiens à vous rappeler que la liste des projets pouvant avoir des effets importants n'est pas complète et ne l'a jamais été. On pourrait croire que le nombre de projets faisant l'objet d'une étude approfondie constitue un bon point de départ, mais je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'une solution satisfaisante. On ne tient pas compte ainsi des 30 000 évaluations ne faisant l'objet que d'un examen préalable. Je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse maintenant.
J'aimerais soulever un dernier point. À mon avis, l'utilité de cette loi réside dans la capacité de définir ce qu'est un effet important. La NEPA établit un critère semblable. L'importance des effets est définie dans l'un de ses règlements. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale hésite à fournir une telle définition. Sur les 30 000 évaluations effectuées jusqu'à maintenant, il n'y en a qu'une à ma connaissance qui était susceptible d'avoir un effet important.
Comment peut-on harmoniser les processus si les notions essentielles ne sont même pas définies? Je dirais que l'imposante machine bureaucratique derrière tout cela ne veut pas qu'on trouve des effets importants, car il faudrait à ce moment-là financer la commission d'examen. Comment peut-on dans ce cas établir des mécanismes indépendants en vue de déterminer l'importance des effets?
À (1050)
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.
Il ne nous reste que cinq minutes, après quoi le comité doit quitter la salle. Monsieur Lunn, vous avez cinq minutes.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais d'abord remercier tous les témoins d'être venus ici. Vos témoignages étaient émouvants et très intéressants. Ce n'est pas toujours le cas. Par moments, les propos tenus devant ce comité sont plutôt monotones et de nature technique.
J'aimerais parler de la commission d'examen. Votre témoignage, monsieur de la Chevrotiere—je vous demande pardon si j'ai mal prononcé votre nom—était émouvant. J'ai été troublé par l'expérience que vous avez eu à vivre. Il est plutôt horrifiant de constater que de telles circonstances n'aient pas entraîné automatiquement la tenue d'audiences par une commission d'examen.
Pour revenir aux propos de M. Northey, il a clairement indiqué que le problème dans le cas des commissions d'examen a trait à la bureaucratie, qui peut paralyser tout le processus. On peut le constater dans de nombreux ministères, et pas seulement dans une situation de ce genre. J'en ai été témoin quand j'ai eu affaire à des ministres. Nous travaillons à trouver des solutions, le dossier progresse bien et les résultats sont très prometteurs. Puis, les bureaucrates s'en mêlent, et c'est comme si on avait lancé une bombe atomique: le processus se disloque et on se retrouve à la case départ.
Je tenais donc à vous demander, monsieur de la Chevrotiere—je vous demande pardon encore une fois si je prononce mal votre nom—si vous pouvez nous indiquer où exactement le processus fait défaut. Le problème réside-t-il à l'échelon ministériel? Apparemment, vous faisiez affaire uniquement avec des bureaucrates. À quel moment avez-vous constaté l'effritement du système avant d'être obligé de vous présenter devant les tribunaux?
M. Normand de la Chevrotiere: Selon moi, le moment où tout s'est effondré... Voici une série de lettres échangées par la Commission de contrôle de l’énergie atomique et Ontario Hydro auxquelles nous n'avons pu avoir accès qu'en poursuivant le gouvernement fédéral.
M. Gary Lunn: Elles ont été obtenues à la suite d'une enquête préalable.
À (1055)
M. Normand de la Chevrotiere: C'est vrai et c'est scandaleux qu'il ait fallu procéder de la sorte.
Au départ, il semblait que la Commission de contrôle de l’énergie atomique voulait bien faire, car il s’agissait de changements importants. Ses responsables disaient que la conception était tout à fait différente, qu'il s'agissait d'un projet assez dangereux et qu'il était de leur devoir d'étudier la question pour le bien du public, de l'informer des changements et de lui permettre de donner de nouveau son avis sur le dossier. On avait l'impression qu'ils voulaient bien faire. Puis, la société Ontario Hydro est revenue sur ce qui avait été dit, affirmant qu'elle ne pouvait plus se permettre d'attendre plus longtemps en raison des processus réglementaires. C'était elle pourtant qui était à l'origine du projet.
Pour nous convaincre, on nous a dit que les préoccupations du public seraient prises en compte dans un document auquel le public et la Commission de contrôle de l'énergie atomique pourrait avoir accès d'ici un mois. Le mois a passé. Le document sur les préoccupations du public a été envoyé à la commission, à condition qu'elle ne le rende pas public avant la fin du processus. À mon avis, c'est à ce moment-là que tout s'est effondré et je me demande bien pourquoi.
M. Gary Lunn: Comment faire disparaître la notion de «pouvoir discrétionnaire»? Par quels moyens peut-on en arriver à adopter des modifications raisonnables de sorte que certains projets fassent automatiquement l'objet d'un examen public? Bien sûr, il ne s'agit pas de faire examiner 30 000 projets par une commission, mais il doit y avoir un processus qui permette de soumettre automatiquement des projets à une commission si le public le désire vraiment.
Avez-vous des commentaires à faire—monsieur Northey peut-être—sur les dispositions que devrait prévoir la loi pour permettre à la population de demander un examen public, sans qu'il soit nécessaire d'y soumettre tous les cas? Une telle façon de procéder serait certainement vouée à l'échec ou elle ne permettrait pas, à tout le moins, d'obtenir d'aussi bons résultats.
Me Rodney Northey: Je pense que l'étude approfondie constitue un excellent point de départ. On pourrait se demander à tout le moins pourquoi une commission d'examen ne se penche pas sur tous les aspects d'une étude approfondie. Quoi qu'il en soit, la question des examens préalables demeure. Que doit-on en faire et de quelle façon pourraient-ils aboutir à un examen public?
À mon avis, ce qui importe, c'est de déterminer si des politiques, des lignes directrices ou des lois fédérales s'appliquent à un projet donné et si elles sont respectées. Ce que M. Sullivan a mis en évidence, c'est que, même si un ministre déclare qu'un habitat est important pour la communauté internationale, les bureaucrates peuvent s'arranger pour ne pas en tenir compte.
L'un des points importants, c'est de trouver un moyen de s'assurer que tous les effets sont évalués par rapport aux normes. Je ne pense pas qu'on exige en ce moment que les évaluations soient effectuées en fonction des normes. Je crois que le comité devrait exiger qu'une évaluation tienne compte des normes applicables et qu'elle détermine l'importance des effets par rapport à ces normes. Il s'agirait d'un bon point de départ.
La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup. J'aimerais remercier tous les témoins présents ce matin.
J'aimerais conclure en citant un extrait du mémoire de M. Northey:
Bref, le principal échec de la LCEE est que presque tous les volets du processus d'évaluation ont été interprétés de façon à accorder un pouvoir discrétionnaire et non pour imposer des obligations. Là où il y a pouvoir discrétionnaire, il n'existe aucune norme minimum. En outre, si le pouvoir discrétionnaire est le fondement de la Loi, la Loi est inutile. |
Merci. La séance est levée.