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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 avril 2001

• 0903

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)): Je vois que nous avons le quorum, alors je déclare la séance ouverte.

Aujourd'hui, je voudrais souhaiter la bienvenue à M. David M. Green, qui est président du musée Redpath de McGill, et aussi le président du CSEMDC. Marco Festa-Bianchet, qui en est le coprésident vient du département de biologie de l'Université de Sherbrooke. Je vous souhaite la bienvenue.

Lorsque nous aurons entendu nos deux témoins du CSEMDC, nous entendrons M. Scudder, qui est un biologiste de l'Université de la Colombie-Britannique.

Conformément à la tradition du comité, nous vous demandons de limiter la durée de vos observations à 10 minutes. Nous entendrons d'abord les témoins du CSEMDC, puis nous ferons une tournée de questions. Ils parleront l'un à la suite de l'autre? D'accord, je m'excuse. Ce sera donc 10 minutes pour le CSEMDC, 10 minutes à M. Scudder, puis nous passerons aux questions. Je vous remercie.

Monsieur Green, voulez-vous commencer?

M. David M. Green (président, Musée Redpath, Université McGill; Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)): D'accord.

Je suis heureux d'être de retour ici. Nous y étions l'automne dernier, et nous voilà de nouveau devant vous pour parler d'une nouvelle version du projet de loi.

• 0905

Dans la délibération que vous avez eue, j'ai remarqué avec grand plaisir les louanges qui ont plu sur le COSEPAC, pour le travail qu'il fait. De bien belles choses ont été dites à notre sujet, et je l'apprécie beaucoup.

Mes observations seront très brèves aujourd'hui, parce que nous avons déjà dit beaucoup de choses l'automne dernier, et que je ne ferai que les répéter.

J'aimerais parler d'une lettre que j'ai reçue du ministre l'hiver dernier, qui m'expliquait certains des changements qui ont été apportés au projet de loi C-5 par rapport à son prédécesseur, le C-33, en réponse aux observations et aux recommandations que nous avions formulées l'automne dernier. Ces changements, y compris la modification des définitions d'individus «et d'espèces préoccupantes», en plus d'autres éléments et du fait qu'une liste révisée du COSEPAC sera publiée, sont relativement mineurs comparativement à tout ce que nous avons dit. Alors j'aimerais très brièvement réitérer une bonne partie des recommandations que nous avions faites dans notre mémoire, afin de les faire inscrire à nouveau au compte rendu.

Au nombre des choses que nous avions à souligner, nous avions recommandé que la catégorie «non en péril» constitue aussi une classification des espèces en péril, devrait être traitée comme telle et certains mérites devraient y être attribués. Ce n'est pas quelque chose de distinct. C'est une désignation dont nous avons parlé et à laquelle nous avons réfléchi, et nous avons conclu qu'une espèce n'est pas «non en péril». Elle n'est pas tout simplement ailleurs.

Nous vous avons aussi parlé de l'exigence de tenir compte de tout traité ou ententes territoriales applicable. Je dis ceci avec mesure. Beaucoup de choses ont été dites sur le maintien du COSEPAC hors des questions politiques de l'importance du fait que cette liste scientifique soit tenue à l'écart des préoccupations d'ordre politique. Il y a deux façons de faire, je tiens à le souligner, pour faire en sorte que l'établissement de la liste devienne politique, dont l'une a très souvent été décrite. Si le processus de l'établissement de la liste est mis entre les mains des politiciens, le travail des politiciens est d'écouter des gens, de tenir compte de leurs préoccupations, qu'elles soient d'ordre social ou économique. Ce n'est pas le but visé, ce qu'on veut introduire dans une liste, lorsqu'on tient seulement à examiner ce qui est la réalité de la situation d'une plante ou d'une espèce animale. Nous l'avons entendu à maintes reprises, les gens ne veulent pas que cette liste soit ainsi politisée.

Il y a une autre manière de politiser le processus, et c'est de faire des scientifiques du Comité des politiciens de les obliger à tenir compte de ces préoccupations aussi—les préoccupations politiques, sociales et économiques. Nous ne voulons pas de cela non plus. Les membres du comité, pour garder leur impartialité, ne doivent pas non plus être transformés en politiciens.

Nous ne pouvons donc pas tenir compte des revendications territoriales, bien que nous sachions qu'elles existent et que nous reconnaissions leur importance. Nous ne pouvons pas tenir compte des frontières au sein du Canada, des compétences territoriales ou des préoccupations sociales, économiques ou culturelles. Si nous voulons connaître la situation biologique réelle d'une espèce, nous ne devons examiner les renseignements scientifiques pertinents sur le plan biologique qui permettent de déterminer une situation.

Ce qui arrive une fois que la vérité est connue est l'affaire d'autres personnes. Le COSEPAC ne s'occupe pas de rétablissement. Il ne formule pas de stratégies de rétablissement. Il ne s'engage pas dans les mesures qui sont prises par la suite. Le COSEPAC vous dira la vérité, et la vérité est formulée d'une manière qui n'est absolument pas politique.

C'était l'une de nos recommandations. Cet article du projet de loi C-5 a été modifié pour dire que toutes dispositions d'application de traités et des ententes de revendications territoriales... Je ne sais pas si ça règle le problème, mais au moins il y a eu un changement.

Nous voulions mettre au clair qui allait siéger au comité et qui seraient les membres suppléants, parce qu'ils doivent être accrédités. Toute personne qui dotée du droit de vote au comité devrait être approuvée, avoir les titres de compétence appropriés et être en mesure de participer aux travaux.

• 0910

Il est dit dans le mandat du COSEPAC que des services de secrétariat et de soutien approprié lui seront attribués. Dans le projet de loi, on lit que le ministre «peut» fournir ces services. Nous avons entendu beaucoup de choses sur les «fera» par opposition à «peut» et «doit». Il y a un autre «peut» qui n'est pas dans l'esprit de ce qui a déjà été approuvé par le CCSAC, avec le terme «fera». Nous avons besoin du soutien. Nous avons des fonctions prévues par la loi, qui sont décrites dans ce projet de loi. Nous devons être en mesure de nous acquitter de ces fonctions et nous avons donc besoin d'un secrétariat, lequel doit être sous notre direction fonctionnelle.

L'élément controversé se rapporte à la liste. Je souligne et répète que les membres du COSEPAC eux-mêmes ne s'entendent pas pleinement sur ce qu'il faut faire avec la liste, ce qui est assez intéressant, mais toujours conscients de la nature apolitique du COSEPAC, ils veulent absolument éviter d'être le point de mire du public et de devoir prendre des décisions politiques. Près de la moitié de nos membres sont d'avis que nous ne devrions rien dire sur ce qu'il advient de la liste et comment elle est traduite en loi, et c'est tout à fait correct. Aussi, bon nombre de nos membres sont des fonctionnaires, employés des gouvernements et, à ce titre, ils sont contraints de ne rien dire sur ces questions.

D'un autre côté, un nombre légèrement plus élevé de nos membres, juste quelques-uns de plus, trouvaient que nous devrions dire quelque chose et ce quelque chose a été appelé «inscription par défaut»; nous l'avons décrit de façon assez explicite dans notre mémoire de l'automne dernier. Je pense que cela a maintenant été appuyé par le groupe de travail sur les espèces en péril et aussi, je crois, par d'autres personnes. Nous avons suggéré et décrit en détail par écrit la façon dont la liste devrait être traduite en loi par le gouvernement, sauf qu'il y a une exemption possible selon laquelle le gouverneur en conseil peut supprimer des espèces de la liste parce qu'il doit se préoccuper de certains aspects politiques—c'est son travail. Donc, une espèce peut être supprimée de la liste, mais vous devez pouvoir expliquer pourquoi.

On nous demande et on nous contraint de justifier la nécessité d'inscrire une espèce sur la liste. Je pense qu'il incombe au gouvernement de dire pourquoi une espèce ne devrait pas y être. Autrement dit, tout le monde devrait faire son travail et pouvoir se justifier. C'est ce qu'appuie une faible majorité de nos membres, ceux qui étaient d'avis que nous devrions dire quelque chose.

Enfin, et ceci découle de notre rencontre de la dernière fois, nous trouvions que ce devrait être fait dans les 60 jours. Nous nous étions aussi mis d'accord la dernière fois pour dire que la liste imprimée à la fin du projet de loi devrait entrer en vigueur au moment de sa proclamation. Je pense que c'est ce que nous voulions dire.

Maintenant que je vous ai rappelé ce que nous avons dit auparavant, sur les changements qui ne sont pas si évidents entre le projet de loi qui précédait et celui-ci, je voudrais encore une fois plaider pour le COSEPAC, dont je suis extrêmement fier d'être le président—un merveilleux groupe de gens, très dévoués—et répéter que nous sommes un comité scrupuleusement apolitique et que nous comptons le rester. Nous aimerions pouvoir le rester, afin de pouvoir de notre mieux vous renseigner, ainsi que tous les Canadiens.

Ceci dit, j'arrête là. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie, monsieur Green.

Monsieur Festa-Bianchet, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Marco Festa-Bianchet (coprésident, Département de biologie, Université de Sherbrooke, Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)): Pas pour l'instant.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Scudder.

M. Geoffrey Scudder (témoignage à titre personnel): Madame la présidente, messieurs et mesdames du comité, je vous remercie de me donner cette occasion de présenter des observations sur le projet de loi C-5.

J'ai rencontré officiellement pour la dernière fois le comité le 21 janvier 1997, pour présenter un mémoire sur le projet de loi C-65. Vous verrez que mes observations seront assez semblables à celles que j'ai faites auparavant, bien que je sois encore plus inquiet maintenant parce que, selon moi, le projet de loi C-5 est considérablement plus faible que son prédécesseur, le projet de loi C-65, à plusieurs égards.

• 0915

Je suis ici à titre personnel, alors je devrais peut-être vous expliquer un peu qui je suis. Je suis zoologiste. J'ai dirigé pendant 15 ans le département de zoologie de l'Université de la Colombie-Britannique. Plus récemment, j'ai aussi dirigé le Centre for Biodiversity Research de l'Université de la Colombie- Britannique. J'ai pris ma retraite en 1999, mais je suis encore actif dans le domaine de la recherche et de l'information du public.

Mes domaines particuliers d'expertise et d'intérêt sont la biodiversité, la biologie de conservation, la biosystématique, la biogéographie et l'évolution. Je suis entomologiste et expert mondial dans le domaine des insectes de semence. J'ai été président de la Société canadienne de zoologie, de la Société entomologique du Canada, et de la division du Pacifique de l'American Association for the Advancement of Sciences; j'ai aussi été vice-président de l'Association scientifique du Pacifique et de la Society for the Study of Evolution.

Je siège en outre au comité consultatif qui conseille le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, l'Agence spatiale canadienne, le Nature Trust of British Columbia et le Ministry of Environment, Lands and Parks de la Colombie-Britannique. Je suis fellow de la Société royale du Canada et de l'American Association for the Advancement of Science.

J'ai publié 260 articles scientifiques et édité plusieurs livres.

Je regrette de n'avoir pas pu faire traduire mon mémoire pour le comité. Je l'ai terminé à minuit hier soir. J'espère que lorsqu'il sera traduit, les quelques coquilles qui s'y trouvent seront corrigées.

J'aimerais maintenant demander à la présidente de bien vouloir faire circuler une copie d'un document que j'ai présenté à la réunion annuelle de la Société canadienne des biologistes de l'environnement il y a quelques temps. Il s'intitule «Saving Endangered Species: Legislative and Practical Problems». Il est sur le point d'être publié. J'espère que vous aurez le temps de le lire à un moment donné et, si vous le faites, vous verrez que mes observations, aujourd'hui, sont du même ordre que celles que j'ai faites à la communauté scientifique.

Je connais bien les projets de loi qui ont été présentés par le gouvernement au fil des ans, les projets de loi d'initiative parlementaire, les trois projets de loi de Charles Caccia et le projet de loi émanant du regretté Bob Wenman. En fait, j'ai aidé Bob Wenman a rédigé ses premières ébauches de son projet de loi.

J'ai lu les lois sur les espèces en péril qui existent aux États-Unis, en Australie et dans les provinces, et je les ai comparées au projet de loi C-5. À ce que j'ai compris, vous avez aussi entendu le témoignage de Stuart Elgie, l'avocat général du Sierra Legal Defence Fund. Il était membre du groupe de travail fédéral sur les espèces en péril. Vous verrez, si vous lisez mon mémoire, que je suis tout à fait d'accord avec pratiquement tout ce qu'il a dit, tous les principaux arguments qu'il a probablement présentés.

Le Canada a ratifié la Convention sur la diversité biologique et est maintenant légalement lié par ces dispositions. L'une de celles-ci, l'alinéa 8d), stipule que les parties contractantes doivent, dans la mesure où c'est possible et pertinent, promouvoir la protection des écosystèmes, des habitats naturels et le maintien de populations viables d'espèces dans un environnement naturel. Dans le préambule du projet de loi C-5, le gouvernement du Canada s'engage à préserver la biodiversité.

On y lit aussi que les habitats des espèces en péril sont essentiels à leur préservation. Les espèces existent dans des habitats qui font partie de communautés et d'écosystèmes. Ces espèces font partie de chaînes alimentaires et de réseaux trophiques et sont des éléments essentiels de la pyramide écologique. J'ai remis à la présidente un diagramme d'une pyramide écologique au cas où il y en aient qui se demandent ce que signifie réellement cette expression et ce qu'elle représente.

Il n'est pas possible de sauver des espèces sans préserver et sauvegarder le réseau trophique, la chaîne alimentaire et la pyramide écologique. Il n'est pas possible de sauver une espèce sans l'habitat dans la communauté, dans un écosystème. La plupart des espèces en péril de nos jours sont en péril à cause de la perte de leur habitat. Pour protéger et sauver les espèces, il est impératif de protéger et de sauver leur habitat.

Le fait qu'une espèce est rare ne signifie pas nécessairement qu'elle soit en péril ou en danger. Toutes les communautés et les écosystèmes ont des espèces rares, si la communauté est surtout naturelle et n'a pas été trop perturbée. Le péril survient lorsque la structure fondamentale de cette communauté est perturbée et que l'existence et l'habitat de la communauté est en danger. Si les espèces rares sont en péril, bien d'autres espèces le sont aussi.

Les espèces en péril ou en voie de disparition, d'après moi, ne devraient pas être examinées ni traitées isolément, hors contexte. Elles ne peuvent pas et ne devraient pas être examinées indépendamment de la communauté. Les liens écologiques sont essentiels, et les associations avec l'habitat sont obligatoires.

• 0920

Je voulais exposer au comité quatre autres faits écologiques relatifs à la biodiversité qui exigent, à mon avis, une loi rigoureuse au Canada.

Le premier est que nos recherches sur la répartition des espèces en péril au Canada indiquent qu'il y a plusieurs zones que l'on pourrait appeler les points menaçants des espèces en péril dans le pays. Le sud de la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique est l'un d'elles. Pour la plupart, ce sont aussi des zones de focalisation de la diversité des espèces. Cela veut dire qu'une loi efficace visant à sauver les espèces en péril permettra aussi de sauver bien d'autres espèces en raison de cette coïncidence relative à la richesse des espèces.

Bon nombre des espèces en péril au Canada sont aux limites de leur aire. Des recherches menées récemment indiquent qu'un certain nombre des espèces en péril se trouvent aujourd'hui en Amérique du Nord à la limite de leur aire. Elles ont, en fait, rapidement disparu en son centre. Ces recherches indiquent aussi que pour freiner l'extinction de ces espèces rares et en péril, il leur faut aller au nord. Autrement dit, le Canada, et particulièrement le nord-ouest du pays, deviendra de plus en plus important avec le temps tandis que s'éteindront des espèces. Cela signifie que le Canada a un rôle important à jouer à l'échelle continentale.

Les écosystèmes tropicaux ont de nombreuses espèces et probablement, aussi, une redondance considérable. N'importe quelle espèce peut disparaître n'importe quand, sans que cela pose beaucoup de problèmes. Cependant, les écosystèmes du Canada sont dans la région tempérée et les écosystèmes tempérés ont généralement moins d'espèces. Donc, si on perd l'une d'elles, les répercussions de cette perte sur l'écosystème seront beaucoup plus dévastatrices. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre l'une de ces composantes essentielles des écosystèmes où vivent trop peu d'espèces. Ce fait a été démontré par les travaux de M. David Schindler sur l'acidification des lacs du Canada.

J'en arrive à ce que je considère comme les besoins du projet de loi. Je pense que, pour ces raisons et d'autres encore, le Canada a besoin de mesures législatives très rigoureuses. Il nous faut préserver et protéger l'ensemble de la biodiversité du Canada, y compris les espèces rares, dans l'intérêt de la santé, de la prospérité et de la richesse futures de ses citoyens.

Bien que la Loi constitutionnelle de 1867 accorde au gouvernement fédéral le pouvoir d'intervenir relativement aux préoccupations nationales, il a choisi de ne pas considérer les espèces en péril comme une préoccupation nationale. Les espèces en péril sont maintenant considérées comme une responsabilité commune. Il y a eu, bien sûr, comme vous le savez, un accord des ministres fédéral, territoriaux et provinciaux sur les espèces sauvages, l'Accord national pour la protection des espèces en péril. Cet accord a établi un mécanisme de coopération, les engageant à émettre des lois et des programmes complémentaires pour assurer la protection des espèces en péril et leurs habitats.

Pour que ceux-ci puissent valoir quelque chose et que le filet de sécurité soit efficace, le gouvernement fédéral doit établir des mesures législatives rigoureuses et efficaces. Autrement, le projet de loi C-5 ne comblera pas les besoins. À mon avis, il n'y répond pas à cet égard pour l'instant.

Je pense qu'il lui manque plusieurs choses. Les deux principaux domaines déficients sont la liste initiale des espèces en péril et la protection de l'habitat. Je dirais aussi qu'il confond deux problèmes distincts, soit la protection des espèces en péril et le rétablissement des espèces en péril.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, a fait un excellent travail en dressant la liste des espèces en péril. Il jouit d'une réputation solide dans la communauté scientifique et à l'échelle mondiale. Je suis heureux de voir que ce comité aura désormais un statut officiel. Cependant, le fait que la liste dressée scientifiquement ne devienne pas la liste légale pose un problème d'envergure. D'après le projet de loi tel qu'il est maintenant, la décision finale quant à l'intégration sur cette liste d'une espèce à risque sera une décision politique et non pas scientifique, et c'est pour moi l'un des grands défauts du projet de loi C-5.

Une espèce est en péril ou elle ne l'est pas. Quoi qu'en disent tous les politiciens, elle est en danger de disparition ou elle ne l'est pas. À mon avis, la loi devrait automatiquement intégrer la liste établie par le COSEPAC, mais si elle doit permettre au Cabinet ou à quiconque d'exclure certaines espèces, ses motifs doivent être consignés dans le registre public.

Dans la majorité des provinces où des politiciens participent à l'établissement de la liste, où celle-ci relève du Cabinet, la plupart des espèces désignées par le COSEPAC n'ont pas été intégrée à la liste—la majorité d'entre elles n'ont pas été reconnues légalement. Le Nouveau-Brunswick a la meilleure de toutes, puisqu'elle reconnaît 70 p. 100 des espèces de la liste établie par le COSEPAC. La Nouvelle-Écosse les intégrera toutes à sa loi.

• 0925

Tel que le projet de loi C-5 est formulé actuellement, les espèces désignées par le COSEPAC qui ne sont pas reconnues politiquement n'auront en fait aucune protection, quelle qu'elle soit. Elles seront exclues de toute mesure de protection, et rien n'empêchera quiconque de les tuer ni de détruire leur habitat. Aucun plan de rétablissement ou de financement n'est prévu pour leur sauvegarde; absolument rien. C'est, à mon avis, moralement indéfendable.

Toutes les espèces désignées scientifiquement devraient, selon moi, faire l'objet d'interdictions immédiates et automatiques prévues au paragraphe 32(1) du projet de loi, qui stipule ce qui suit:

    Il est interdit de tuer un individu d'une espèce sauvage inscrite comme une espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre.

Rien de moins n'est acceptable si l'espèce est en péril.

Pour conclure, à ce sujet, je ne suis pas très satisfait de la définition du mot «espèce» que donne le projet de loi C-5. Actuellement, il définit une espèce «sauvage» comme une «espèce, sous-espèce ou population biologiquement distincte d'animaux, de végétaux ou d'autres organismes d'origine sauvage». L'expression «population biologiquement distincte» est vague. Elle n'a aucun sens pour moi, biologiste. Je pense qu'elle devrait être modifiée.

À mon avis, la définition «espèce, sous-espèce ou population géographique ou biogéographiquement distincte» aurait beaucoup plus de sens du point de vue scientifique.

Si vous permettez, je vais brièvement passer au terme «résidence» que contient le projet de loi. Dans les interdictions générales, au paragraphe (3), on lit:

    Il est interdit d'endommager ou de détruire la résidence d'un ou de plusieurs individus soit d'une espèce sauvage inscrite comme espèce en voie de disparition ou menacée

La section des définitions du projet de loi définit le terme «résidence» comme suit:

    Gîte spécifique—terrier, nid ou autre aire, lieu ou structure semblable—occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant tout ou une partie de leur vie, notamment pour la reproduction, l'élevage ou l'hibernation.

Tout ça pour éviter et contourner le terme «habitat». C'est, du point de vue biologique, inacceptable. Cela ne veut strictement rien dire pour un biologiste et un scientifique.

Le terme «résidence» n'a aucun sens pour de nombreux vertébrés qui ont une aire d'hivernage, une aire d'été ou un site de reproduction. Il ne s'applique pas non plus aux plantes. Qu'est-ce qui est la résidence d'une plante? Ce terme ne veut rien dire relativement à la plupart des invertébrés.

Prenons l'exemple d'un papillon. Il dépose ses oeufs à un endroit. Les larves se nourrissent des plantes. Lorsqu'elles ont défolié une plante, elles vont à une autre plante. Elles se forment ensuite en chrysalide et s'établissent ailleurs. L'adulte sort ensuite, et a besoin de chercher du nectar ailleurs. Où est sa résidence? La résidence est un terme inutile dans ce contexte, alors il ne peut pas s'appliquer à ces contextes.

Si l'on utilisait les termes «habitat» ou «habitat critique», ça aurait plein de sens. Les interdictions devraient porter sur l'endommagement ou la destruction de «l'habitat critique» qui devrait être défini dans le projet de loi comme l'habitat nécessaire à la survie de l'individu.

Il devrait être facile de trouver ce que c'est, parce que les rapports d'étape que remet le COSEPAC traitent de l'habitat critique. Nulle part, dans le projet de loi, la protection de l'habitat n'est-elle déclarée obligatoire. Nulle part elle n'est exigée. Le texte ne prévoit pas de période intérimaire de protection de l'habitat entre l'établissement de la liste et la formulation d'un plan de rétablissement, qui, dans le cas des espèces en péril, peut prendre deux ans. Vous pourriez mettre une espèce sur la liste, détruire tout son habitat et tout de même adhérer à la loi. Cela n'a aucun sens. Ce n'est pas acceptable selon moi.

Le contenu du projet de loi C-5, à mon avis, devrait rendre obligatoire, et non pas facultative, la conservation et la préservation de l'habitat. Le projet de loi C-65 était beaucoup mieux à cet égard. Il disait que l'habitat devait être protégé; dans ce projet de loi-ci, il peut être protégé.

Le projet de loi devrait aussi dire qu'au sujet du filet de sécurité, ceci sera invoqué, et non pas que ce pourrait être invoqué.

Il est très bizarre qu'un bon nombre des provinces aient, en fait, une norme plus élevée que le gouvernement fédéral à cet égard. Par exemple, les lois sur la protection des espèces en péril du Manitoba, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario et la Loi sur la conservation de la faune de l'île-du-Prince-Édouard prévoient des dispositions relatives à la protection obligatoire de l'habitat.

C'est aussi prévu dans l'Endangered Species Act des États-Unis et dans la Loi écologique du Mexique. La protection de l'habitat est même prévue dans la Loi sur les pêches du gouvernement fédéral, dans les règles sur l'utilisation du terrain, les règlements sur les réserves d'espèces sauvages et ceux qui portent sur les oiseaux migrateurs. Pourquoi pas dans le projet de loi C-5? Cela n'a aucun sens.

Jusqu'il y a à peine quelques jours, j'aurais dit—et je pense d'ailleurs que c'est dans le document que je vais demander de faire circuler... J'aurais dit que la partie du projet de loi C-5 qui traite du rétablissement est satisfaisante. Cependant, des événements récents ont jeté le doute sur mes premières impressions. Je parle de la dissolution récente des équipes de rétablissement du canard arlequin, du pluvier siffleur et de la sterne rosée par le directeur de la région Atlantique du Service canadien de la faune. Là encore, je demanderais à la présidente de bien vouloir à un moment donné distribuer une lettre de M. George Finney, datée du 22 février 2001, et une autre de M. Montevecchi, du 20 mars 2001—j'ai fait une coquille en inscrivant «1002»; je m'en excuse, et j'apprécierais que ce soit corrigé. Jusqu'au 22 février de cette année, M. Montevecchi était président de l'équipe de rétablissement du canard arlequin.

• 0930

M. Finney, directeur de la région de l'Atlantique, déclare dans sa lettre que le personnel du Service canadien de la faune doit diriger toutes les équipes de rétablissement en raison de la nature des mesures de reddition des comptes qui doivent être créées en vertu de la nouvelle LEP. Il dit qu'il ne serait pas prudent ou nécessairement juste d'imposer des responsabilités légales à d'autres participants de l'équipe. Il a unilatéralement décidé de démanteler les comités et, à mon avis, unilatéralement décrété que le Service canadien de la faune devrait diriger tous les comités. Ceci pourrait avoir de graves conséquences. Ce n'est ni souhaitable, ni acceptable aux yeux de la communauté non scientifique.

Si l'une des conséquences du projet de loi C-5 est que toutes les équipes de rétablissement doivent être dirigées par le Service canadien de la faune, le projet de loi devrait le dire clairement. Ce serait alors vigoureusement contesté.

Dresser un plan de rétablissement s'avère toujours une tâche difficile qui nécessite la participation de tous les meilleurs cerveaux. Si cette façon de procéder contribue à mettre à l'écart la majorité des scientifiques, le plan échouera. Si c'est là la nouvelle approche du programme RESCAPE, ce dernier est voué à l'échec. Le projet de loi C-5 doit être amendé s'il risque d'engendrer de telles répercussions. J'espère que le comité se penchera sérieusement sur les conséquences de ce genre de changement.

Les scientifiques reconnaissent qu'il n'est pas toujours possible de rétablir une espèce en péril. Dans certaines circonstances, c'est impossible et improbable. Ils le savent. D'autres facteurs et des répercussions d'ordre social et économique peuvent influencer la décision de mettre en «uvre un plan de rétablissement. À mon avis, c'est là qu'intervient l'apport politique. C'est là que les politiciens doivent décider si—pour diverses raisons, qui peuvent être scientifiques ou non—le programme de rétablissement est irréalisable. D'ailleurs, un article du projet de loi précise clairement que les motifs de cette conclusion doivent être indiqués.

Le dernier point que je vais faire valoir concerne le paragraphe 41(3), qui se lit comme suit:

    Pour l'élaboration du programme de rétablissement, le ministre compétent peut, s'il l'estime indiqué, traiter de plusieurs espèces simultanément ou de tout un écosystème.

Selon moi, il est toujours indiqué de le faire. Il est insensé d'élaborer un programme pour une seule espèce. Il faudrait toujours englober plusieurs espèces ou tout un écosystème. Je crois qu'il faut renforcer le projet de loi en précisant qu'il est impératif de procéder de la sorte. Il est insensé du point de vue biologique de faire autrement.

En terminant, je crois que le Canada est tenu, en vertu de la Convention sur la biodiversité, de protéger toutes les espèces en péril sur son territoire. Il doit fournir un cadre de protection des espèces en péril et, en fait, de l'ensemble des espèces. La protection des habitats est essentielle.

Il peut sembler difficile de mettre en place en ce moment une loi sur les espèces en péril qui soit musclée, respectée et solide sur le plan scientifique. Cependant, je crois qu'une telle mesure législative est nécessaire afin qu'elle serve de norme aux provinces. Le coût actuel peut paraître élevé, mais le coût futur sera énorme. La protection a un prix élevé. Le rétablissement et la restauration sont coûteux et se soldent rarement par une réussite.

J'espère que le comité saisira l'occasion pour renforcer considérablement les dispositions du projet de loi C-5. La protection des espèces en péril constitue une grande priorité aux yeux de la population canadienne, et j'espère qu'il en est de même pour le gouvernement. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie beaucoup, monsieur Scudder.

Je tiens à signaler au comité que le greffier m'a informée que la lettre de M. Montevecchi est en cours de traduction et que nous en aurons une copie sous peu. Nous veillerons à ce que les autres documents que vous nous avez donnés soient également traduits.

Oui?

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Ces documents comprennent-ils les notes d'allocution de M. Scudder?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.

Mme Aileen Carroll: Merci.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Mills.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Je vous remercie, madame la présidente.

Je vous remercie, messieurs, d'avoir bien voulu comparaître.

• 0935

Je vais vous poser plusieurs questions auxquelles vous pourrez ensuite répondre.

Premièrement, certains prétendent que quelques-unes des espèces qui figurent sur la liste du COSEPAC se trouvent dans la portion nord de leur aire de répartition. Autrement dit, un grand nombre d'entre elles se trouvent de l'autre côté de la frontière. Le Canada en compte donc très peu. Je voudrais savoir ce qu'il en est de cette situation.

Deuxièmement, la perspective de confier à des politiciens le soin de déterminer quelles espèces figureront sur la liste n'est pas sans nous inquiéter, principalement parce qu'ils font l'objet de lobbying et que leurs décisions peuvent dépendre de considérations géographiques, de l'affiliation de la circonscription, etc. Certains ont évoqué le fait que les biologistes et les universitaires ne sont pas non plus à l'abri de pressions. Autrement dit, s'ils veulent obtenir une subvention de recherche, il est bien vu qu'ils fassent ceci ou cela à l'égard d'une espèce. Pourriez-vous aborder l'aspect politique du domaine scientifique?

Troisièmement, comment a-t-on choisi les ONG qui siègent au COSEPAC et quel est le processus selon lequel d'autres ONG seront sélectionnées? Quelle est ou quelle serait la façon de procéder? Ou s'agit-il d'un groupe choisi?

Monsieur Scudder, vous avez signalé que le centre des aires de répartition est en train de disparaître et que souvent les limites de ces aires sont les seuls endroits où des espèces se trouvent. De toute évidence, si nous retrouvons au Canada beaucoup d'espèces aux abords de la frontière, c'est dire que les lois américaines en matière de protection des espèces en péril ne sont pas très efficaces, si le centre est réellement en train de disparaître.

Enfin, je me demande si les membres du COSEPAC pourraient commenter un point que j'ai soulevé à maintes reprises en comité au sujet de la collaboration des Premières nations relativement à la protection des espèces inscrites sur la liste, à leur préservation et à leur rétablissement. J'aimerais aussi connaître leurs préoccupations à l'égard des espèces qui traversent la frontière et des mesures que nous pourrions prendre sur le plan politique et scientifique à ce sujet.

Je vous remercie.

M. David Green: Je vais répondre en premier. Je tiens à dire que je suis ici en tant que représentant du COSEPAC, et non en tant que particulier; je n'aborderai donc que des sujets qui touchent le COSEPAC. Nous pourrons par la suite discuter d'autres questions si vous le désirez.

Je répondrai en premier à la troisième question au sujet des ONG, car c'est la plus facile. À l'heure actuelle, aucune ONG ne siège au COSEPAC. Nous avons changé la structure du COSEPAC, et trois sièges sont occupés par des personnes de diverses régions du Canada. L'année dernière, nous avons lancer une campagne pour trouver des personnes intéressées à siéger au COSEPAC. Nous avons fait parvenir une invitation à un certain nombre d'organismes au sein desquels nous pensions en trouver. Le COSEPAC compte maintenant trois membres qui siègent en tant que particuliers et non en tant que représentants d'ONG. Aucune ONG ne siège donc au comité.

Les trois ONG qui siégeaient au COSEPAC étaient membres depuis le tout début. Elles ont servi le COSEPAC admirablement bien, et nous avons apprécié les représentants qu'elles y ont envoyés. Mais les conditions ont changé depuis.

Pour ce qui est de la première question, il est vrai qu'un grand nombre d'espèces au Canada se trouvent dans la portion nord de leur aire de répartition. Il est tout aussi vrai que beaucoup d'espèces qui se trouvent au Canada vivent aussi un peu au-delà de la frontière américaine et se retrouvent ainsi inscrites sur la liste établie par les États-Unis.

En fait, le mandat du COSEPAC est de décrire l'état des espèces au Canada. Essentiellement, nous nous limitons au territoire canadien. C'est ce qu'on nous a demandé de faire, brosser un tableau de la situation au Canada.

• 0940

En ce qui concerne la planification du rétablissement, il est bien qu'il existe un bassin de personnes-ressources à l'extérieur du Canada. Nous avons la responsabilité de veiller sur nos propres espèces. Il existe une catégorie d'espèces disparu au Canada. Certaines espèces peuvent avoir disparues de notre territoire. Elles vivent ailleurs, mais plus dans notre pays. Le présent projet de loi concerne les espèces en péril au Canada. Le COSEPAC se penche sur l'état de la vie sauvage au Canada. C'est là-dessus que nous devons faire rapport.

S'il est possible que, de l'autre côté de la frontière, des personnes puissent contribuer au rétablissement naturel d'espèces canadiennes, nous en tenons compte dans notre évaluation. Je crois que les Canadiens doivent savoir qu'on nous a demandé d'évaluer la situation au pays, et que c'est ce que nous faisons.

M. Bob Mills: C'est scandaleux.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Mills, votre temps de parole est écoulé.

Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci, madame la présidente.

Vous avez dit tout à l'heure que vous ne souhaiteriez pas que des scientifiques se transforment en politiciens. Moi, contrairement à M. Mills, je ne souhaite pas, non plus, que des politiciens se transforment en scientifiques.

Les questions que je vais poser dans un premier temps au COSEPAC porteront plutôt sur l'indépendance scientifique du COSEPAC et aussi sur la composition et le processus de nomination du COSEPAC.

On lit, au paragraphe 27(1) du projet de loi:

    27.(1) Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par règlement, établir la Liste des espèces en péril et la modifier soit par l'inscription d'une espèce sauvage, soit par la reclassification ou la radiation d'une espèce sauvage inscrite.

D'une part, j'aimerais connaître, dans votre évaluation, le degré d'indépendance scientifique du COSEPAC par rapport à un tel article. D'autre part, au paragraphe 16(1) du projet de loi, qui porte sur la composition du COSEPAC, on indique que:

    16.(1) Le COSEPAC se compose de membres nommés par le ministre après consultation du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril et des experts que le ministre estime compétents.

Je voudrais savoir si cet article peut ou pourrait permettre, dans une certaine mesure et à un certain moment donné, de faire en sorte que le COSEPAC ne soit pas composé d'experts scientifiques compétents et possédant toute l'expertise scientifique nécessaire pour, justement, mener à la protection des espèces menacées.

[Traduction]

M. David Green: Pour répondre à ces questions très importantes,

[Français]

je m'excuse, mais je vais parler en anglais. Je suis plus à l'aise en anglais.

[Traduction]

Tous les membres du COSEPAC s'efforcent de demeurer scrupuleusement apolitiques. Je vais vous lire un paragraphe de la dernière version du guide des procédures de notre organisme, qui constitue une description de notre entité. Il n'a pas encore été approuvé, mais il s'agit d'un important paragraphe que nous tenons à conserver. Les membres du COSEPAC ne représentent pas l'agence, le groupe ni la région d'où ils proviennent. Ils sont nommés en fonction de leurs compétences et ils feront de leur mieux pour fournir des conseils et des recommandations d'ordre scientifique indépendants et objectifs au sujet de la mission du COSEPAC. Ainsi, dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, ni le COSEPAC ni ses membres ne tiendront compte de facteurs sociaux, politiques, économiques ou personnels.

C'est un paragraphe que le COSEPAC a mis dans son propre guide. Nous y souscrivons et nous y croyons très fermement.

À la fin du guide, il y a aussi une liste des compétences minimales qu'un membre du COSEPAC doit posséder afin de pouvoir siéger au comité.

[Français]

M. Bernard Bigras: Je comprends ce que vous me dites. Ça, ce sont des politiques internes. Moi, je vous parle du projet de loi tel qu'il est rédigé. Ne serait-il pas exemplaire de voir justement les éléments que vous venez d'énoncer inscrits dans le projet de loi pour nous assurer d'une plus grande indépendance?

M. David Green: Oui, je comprends.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous prie d'être bref, monsieur Green.

M. David Green: Brièvement, les membres sont nommés par l'instance dont ils proviennent, et leur nomination est systématiquement approuvée par le ministre.

Les candidatures des membres indépendants sont d'abord examinées et ensuite étudiées par le COSEPAC, qui recommande quelles candidatures retenir. Les recommandations sont ensuite soumises plus haut afin d'être approuvées.

• 0945

Les présidents des groupes spécialisés sont choisis par des comités composés de membres du COSEPAC et de groupes spécialisés. Nous faisons ensuite des recommandations qui sont présentées à l'échelon supérieur. À l'heure actuelle, les choix ne nous sont donc pas imposés d'en haut.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie. Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Monsieur Green, j'ai quelques questions à vous poser d'ordre monétaire. Un budget a-t-il été proposé ou envisagé pour le travail que vous ferez en vertu de la loi?

M. David Green: Oui, il y a un budget. Pour les détails, je devrai m'adresser à la direction de notre secrétariat.

M. Joe Comartin: Pourriez-vous fournir ces détails au comité, non pas maintenant, mais par courrier?

M. David Green: Je verrai ce que je peux faire.

M. Joe Comartin: J'ai lu dans votre mémoire de l'automne passé que vous vous apprêtiez à mettre sur pied un sous-comité du savoir collectif et traditionnel autochtone. Je crois que je connais la réponse, mais malgré l'impartialité du COSEPAC, cette initiative touche à la politique, que ce soit l'orthodoxie politique ou autre, car vous faites place aux collectivités autochtones de façon officielle.

Premièrement, le comité a-t-il été établi et, deuxièmement, pensez-vous qu'il s'agit en fait d'une initiative de nature politique de la part du COSEPAC?

M. David Green: Nous sommes en train de mettre le comité sur pied. Il n'est pas encore établi et ne sera pas représenté lors de notre réunion la semaine prochaine, mais nous espérons qu'il sera formé à l'automne. Peu importe l'origine de ce comité, nous savons parfaitement qu'une telle initiative a un aspect politique, mais néanmoins, nous savons qu'une mine d'information réside non pas dans les publications scientifiques ni même dans la littérature grise, mais dans la tradition orale, auprès des membres des collectivités.

Nous rédigeons nos rapports à partir d'un grand nombre de renseignements non publiés, d'observations formulées par des naturalistes passionnés et de nos propres observations. Si cette initiative constitue une bonne façon d'accéder à cette masse d'information, c'est donc un bon projet.

Tant que le comité se limite à nous fournir des renseignements, et c'est là son mandat, il fera partie du COSEPAC, et le COSEPAC ne se mêle pas de politique. Si l'un de nos membres formule des commentaires de nature politique, nous en faisons abstraction.

M. Joe Comartin: Comment le comité est-il formé, c'est-à-dire comment les membres sont-ils choisis?

M. David Green: Nous sommes en train d'en discuter; je ne peux donc pas vous en parler maintenant.

M. Joe Comartin: Ai-je encore du temps?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très peu, environ une minute et demie.

M. Joe Comartin: On nous a dit, je crois que c'étaient des porte-parole du ministère, que la liste est en train d'être examinée. Premièrement, est-ce exact, et deuxièmement, où cet examen en est-il rendu?

M. David Green: L'examen avance très bien.

M. Joe Comartin: Monsieur Green, je souhaite des chiffres précis. Combien en avez-vous examiné et confirmé?

M. David Green: J'ai quelques chiffres et je crois qu'il s'agit des mêmes que vous avez déjà vus: nous avons réévalué quelque 155 espèces, y compris des espèces éteintes et disparues du pays, des espèces en voie de disparition et des espèces menacées. Nous n'en sommes pas encore arrivés aux espèces préoccupantes que nous allons commencer à examiner cette année. Nous avons traité en premier lieu des cas les plus urgents et dans leur grande majorité, ils sont passés par le processus de réévaluation et ont conservé la même désignation.

Nous y sommes arrivés grâce à l'établissement d'un ensemble de critères plus rigoureusement défendables et dont il est plus facile d'assurer la cohérence. Indépendamment du projet de loi, nous allions le faire de toute façon; c'est quelque chose qu'il fallait faire. Compte tenu de cette nouvelle façon de faire, on aurait eu une liste d'espèces établie selon les nouveaux critères et une autre, établie selon les anciens critères; la liste aurait donc été incohérente.

• 0950

Il fallait donc faire marche arrière. Avec l'arrivée de cette mesure législative, il fallait procéder plus rapidement, ce qui explique que dernièrement, nous nous sommes réunis deux fois par an. Nous allons de nouveau nous rencontrer cet automne, en partie parce que cela nous a apporté beaucoup plus de travail, puisqu'il faut revenir en arrière et faire ces réévaluations. Nous allons les effectuer et la liste sera cohérente, selon ces nouveaux critères.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Green.

Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Merci, madame la présidente.

Monsieur Green, veuillez m'excuser de mon retard, mais j'ai lu vos recommandations et je suis donc au courant. Si je comprends bien l'un de vos points clés, c'est que si l'actuelle liste du COSEPAC ne devient pas la liste de départ, vous recommandez alors que tout changement apporté à la liste soit rendu public, n'est-ce pas?

M. David Green: Les changements apportés à la liste devraient être rendus publics, effectivement. Nous apportons constamment des changements à la liste et ce, au rythme de deux fois par an, dernièrement. Dans deux semaines, lorsque nous nous réunirons à Osoyoos, la liste que vous avez au dos du projet de loi sera dépassée, pas de beaucoup, mais des changements y auront déjà été apportés. Il faut prendre note de tout cela et tout doit être rendu public.

Mme Aileen Carroll: Pensez-vous que cette recommandation va permettre de compenser l'impact négatif, selon moi—c'est ainsi que je le comprends—des inscriptions politiques?

Pensez-vous que lorsque des espèces sont retirées ou non ajoutées et que cela fait l'objet d'un débat public, que d'une certaine façon cela compensera—comme je l'ai dit—le fait que nous n'allons pas avoir de liste scientifique?

M. David Green: À mon avis, c'est la moindre des choses. Tout le monde devrait montrer son travail. Ce processus est censé être—et cela l'a été dit à de nombreuses reprises—ouvert et transparent.

On nous a demandé de justifier tout ce que nous avons fait, et nous allons le faire, nous le faisons. Cela devrait être rendu public, en raison de l'ouverture et de la transparence du processus. Nous montrons notre travail, montrez le vôtre.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Scudder, bien des questions ont été posées au président du COSEPAC, mais si vous souhaitez intervenir, n'hésitez pas.

M. Geoffrey Scudder: Oui. Je dirais que la plupart de ces changements sont mineurs. Il est très rare qu'une espèce soit retirée et il est très rare qu'une espèce soit déplacée; en effet, elles sont souvent surclassées pour tomber dans la catégorie d'espèces plus menacées. En conséquence, le seul changement auquel on peut s'attendre, c'est que, au fur et à mesure que le comité pourra examiner de plus en plus d'espèces—et j'ai ici un gros arriéré d'espèces qui n'ont pas encore été examinées, ainsi que plus de rapports de situation—il en ajoutera de plus en plus.

Aucune espèce, autant que je m'en souvienne, n'a été retirée. Dans le cadre de la réévaluation en vertu des nouveaux critères UICN, aucune n'a été déclassée. Une espèce a été surclassée. La liste est donc très solide et penser que ces changements vont l'affaiblir de quelque façon que ce soit ne tient pas. Elle va être au contraire plus solide et plus impressionnante en ce qui concerne les espèces en voie de disparition.

Elle ne peut pas être plus solide.

Mme Aileen Carroll: Très bien. Je disais que ce processus allait peut-être annuler ce qui me paraît être un processus négatif, c'est-à-dire que ce projet de loi va adopter des listes politiques plutôt que des listes scientifiques. Votre réponse me satisfait, à savoir que cela n'aura pas un tel effet.

Ai-je une autre minute ou dois-je attendre une deuxième ronde?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Une minute.

Mme Aileen Carroll: J'ai une observation rapide à faire et, si vous n'avez pas le temps de me répondre, vous pourrez y réfléchir jusqu'à ce que mon tour revienne.

J'ai participé hier à une séance d'information technique sur la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. L'examen quinquennal a eu lieu et ceux qui en étaient chargés nous ont dit que beaucoup des points forts et des modifications qui ont été apportées sont le fruit de discussions entre des groupes fort différents. En d'autres termes, de multiples intervenants ont participé. Les représentants de l'environnement et de l'industrie se sont réunis pour participer au processus et non seulement ont-ils fait leurs recommandations mais aussi, alors que le projet de loi n'était toujours pas dévoilé, ont-ils pu une fois de plus augmenter et produire une bonne mesure législative dont tout le monde est fort satisfait.

D'après ce que nous avons entendu à ce comité, des recommandations au sujet de listes scientifiques et de l'habitat obligatoire ont été faites par un groupe similaire représentant des exploitants de ranch, des mineurs et des groupes environnementaux; or, la mesure législative qui a été rédigée ne répond pas à ces exigences. Il me semble tout à fait intéressant que nous ayons un processus dont les données sont fixées et en fait, beaucoup ont manifesté leur déception, or, le résultat obtenu n'est pas le même. Étant donné que la présidence me talonne, vous voudrez peut-être me parler de nouveau à ce sujet lorsque mon tour reviendra.

• 0955

M. Geoffrey Scudder: J'aimerais répondre. Il y en a eu deux. Le groupe de travail fédéral a présenté des recommandations assez solides dans ce sens. Depuis, l'industrie, les pâtes et papiers et les autres, se sont réunis avec les ONG, les scientifiques, etc. Ils ont présenté exactement les mêmes recommandations, lesquelles ne figurent pas dans le projet de loi.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'ai deux questions à poser. La première s'adresse probablement à M. Scudder. Quels que soient, selon vous, les points forts et les points faibles du projet de loi que vous avez soulignés, pensez-vous que les espèces aquatiques et les espèces terrestres y soient traitées de la même façon? La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que je vis à proximité du lac Ontario dont j'ai pu observer la détérioration à un point tel qu'il n'est même pas recommandé d'en manger régulièrement le poisson. Je crains que les technologies reliées à l'urbanisation autour du lac Ontario n'exacerbent le problème. Cette loi pourrait-elle, d'après vous, faciliter les choses à cet égard?

M. Geoffrey Scudder: Je ne sais pas si ce projet de loi pourrait le permettre, mais il est certain que le fait de ne pas envisager d'exigences en matière d'habitat permet d'éviter de se pencher sur tous ces problèmes. Si les exigences en matière d'habitat étaient incluses, c'est-à-dire s'il fallait préserver l'habitat, il faudrait alors s'inquiéter de l'état de ces systèmes aquatiques qui vont éventuellement en souffrir, vu que l'habitat aquatique est détruit plus rapidement que n'importe quel autre. Dans le South Okanagan, par exemple, 95 p. 100 de l'habitat a disparu sans compter que sa qualité se dégrade—il ne s'agit vraiment plus d'habitat vierge. Par conséquent, laisser de côté l'habitat et de ne pas en exiger la protection fait qu'il est inutile de s'en inquiéter et effectivement, la situation des espèces aquatiques est très difficile. En fait, les poissons et les espèces aquatiques représentent le plus haut pourcentage d'espèces en voie de disparition dans notre pays.

M. Julian Reed: Merci. J'ai juste une autre question, madame la présidente, qui pourrait s'adresser à n'importe quel témoin. Le dilemme se complique, l'espèce humaine fait-elle partie de la nature?

M. Geoffrey Scudder: Étant donné la domination par l'homme de chaque écosystème de la terre, l'espèce humaine fait partie de la nature. Les hommes sont là, ils font partie de l'écosystème. Le problème, c'est que leur effet est trop marqué.

M. David Green: Pas un seul endroit n'a échappé à l'impact humain. Pas un seul endroit de notre terre n'est dans son état originel.

M. Marco Festa-Bianchet: Il n'y a probablement aucun homme qui soit à l'abri de l'impact de ses propres activités. Nous ne nous contentons pas de faire des dégâts, nous en subissons beaucoup également.

M. Julian Reed: Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup, monsieur Reed.

Madame Scherrer.

[Français]

Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Certains propos du Dr Scudder m'ont un peu perturbée. Je vais revenir à l'idée première ou à l'objectif premier de la liste, de l'identification de la liste. J'ai toujours eu l'impression qu'il était nécessaire d'établir une liste scientifique afin d'identifier les espèces en péril et ce, avec l'objectif premier d'assurer leur survie, de vraiment voir quelles sont les interventions possibles pour assurer leur survie et non pas pour établir une liste nécrologique afin d'identifier les espèces qui sont en péril et celles qui sont maintenant éteintes. Je croyais que c'était pour s'assurer de mettre en place des mesures absolument nécessaires à leur survie.

Quelque part dans son énoncé, le Dr Scudder semble dire que des biologistes sont en mesure de dire actuellement, sans l'ombre d'un doute, qu'il y a des espèces qui ne pourront jamais être récupérées. Est-ce qu'on fait une intervention particulière pour ces espèces-là? Est-ce que, finalement, on met une note à côté, trois X, pour signifier que ça ne donne rien d'intervenir? Est-ce qu'on se dit qu'on doit effectivement intervenir, sachant très bien qu'il n'y a rien à faire?

• 1000

Cela m'inquiète un peu qu'on établisse une liste sur laquelle il y a des espèces qui, finalement, mourront pour des raisons naturelles ou parce qu'elles sont rendues trop loin. Est-ce qu'on fait quelque chose avec ces espèces-là, ou est-ce qu'on met en place tout un processus qui ne donnera absolument rien en bout de ligne? Est-ce qu'on ne ferait pas mieux de mettre une barre dessus, comme s'il s'agissait d'une chronique nécrologique, et de passer à autre chose?

[Traduction]

M. Geoffrey Scudder: Si je peux vous donner un exemple, le moqueur des armoises dans le sud de la Colombie-Britannique est une des espèces qui figure sur la liste des espèces en péril. Seulement deux spécimens du moqueur des armoises ont été vus au Canada il y a quatre ans. Il est possible de l'inscrire sur la liste. Ce qui se passe, c'est que ces oiseaux se reproduisent aux États-Unis; les mâles de la deuxième génération migrent souvent si bien que la deuxième génération se retrouve au Canada. Il arrive que ces oiseaux ne s'en sortent pas très bien aux États-Unis et que par conséquent, la deuxième génération ne va pas se reproduire au Canada. On n'a pas revu de moqueur des armoises depuis quatre ans, si bien qu'on peut se demander comment le Canada, grâce à un programme de rétablissement, va produire une population d'au moins 500 de ces oiseaux dans cet habitat. Il n'y a rien que l'on puisse faire. Il faut attendre que la population se reforme naturellement. Je fais partie du comité de renouvellement de South Okanagan et nous essayons de faire en sorte que l'habitat existe si bien que ces oiseaux disposeront d'un habitat si jamais ils se reproduisaient naturellement compte tenu de la dynamique de la population ou du changement climatique.

Vous pouvez investir tout l'argent que vous voulez, mais la plupart des opérations de transplantation qui ont été faites n'ont pas donné de résultats. Citons le cas de la chouette des terriers, qui a été transplantée de Washington—cela n'a pas réussi. La chouette n'a pas survécu, car une maladie quelconque en a causé la disparition en premier lieu. Par conséquent, vous pouvez injecter tout l'argent que vous voulez dans les programmes de rétablissement, mais vous n'allez pas créer d'espèces. Dans le cas de certaines, vous n'allez pas pouvoir instaurer un programme de rétablissement garanti. Scientifiquement, en l'état actuel des choses, vous dépendez de l'espèce.

Ce que je dis, c'est que scientifiquement, il y a une limite à ce que l'on peut faire en matière de rétablissement. Si, naturellement, l'espèce disparaît partout pour des raisons génétiques, d'homogénéité ou autre chose du genre, vous ne pouvez introduire de nouvelles variantes génétiques et l'espèce va disparaître dans tous les cas. Vous pouvez faire ces études pour déterminer les problèmes génétiques, mais il existe plusieurs situations scientifiques potentielles où le rétablissement est impossible. Nous ne sommes pas exacts—les scientifiques le savent. La politique n'est pas intervenue. Les membres d'une bonne équipe de rétablissement, malgré tous les points forts de la science, vont pouvoir dire que scientifiquement il n'est pas possible de prendre cette voie. Ce que je dis, c'est que nous le reconnaissons tous.

Les espèces disparaissent naturellement; c'est le cas d'environ une ou deux chaque année à l'échelle de la planète. Nous n'avions pas prévu que d'aussi nombreuses meurent naturellement, mais cela peut arriver. Les espèces ne sont pas éternelles; elles durent de cinq à dix millions d'années au maximum. Nous ne savons pas où nous en sommes sur cette trajectoire. Seule une équipe de rétablissement le saurait, mais les scientifiques reconnaissent qu'ils ne peuvent pas sauver toutes les espèces.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: Est-ce que vous allez les lister alors de la même façon?

[Traduction]

M. David Green: Lorsque nous établissons la liste, nous prenons en compte tous les facteurs qui touchent la situation de l'espèce. Dans certains cas, nous savons que ce qui touche l'espèce ne provient pas d'elle-même—les gens en font la chasse, en détruisent les nids, etc.—mais plutôt qu'il s'agit de facteurs externes. Si vous voulez des plans de rétablissement pour une telle espèce, vous ne faites rien en fait au niveau de l'espèce elle- même. Il s'agit uniquement de l'habitat ou d'autre chose. Peu importe ce que vous faites des moqueurs des armoises. Vous pouvez les accoupler en captivité autant que vous voulez, cela ne changera rien. Il faut leur prévoir un endroit lorsqu'ils arriveront au Canada. Par conséquent, pour le rétablissement des moqueurs des armoises, vous n'avez pas à vous occuper d'eux en tant que tels. Il y a de nombreux autres cas comme celui-ci.

[Français]

Mme Hélène Scherrer: Mais lorsqu'il s'agit d'espèces qui, de toute façon, vont mourir pour des raisons carrément génétiques, est-ce que vous les listez de la même façon?

Je comprends très bien que lorsqu'il y a une intervention à faire au niveau d'un habitat naturel, il faut lister ces espèces-là. Je pense qu'il faut le faire parce qu'il y a une intervention à faire. Mais lorsqu'on est capable de déterminer que l'espèce va mourir de toute façon pour des raisons génétiques, ou lorsqu'on sait que, quelle que soit l'intervention au niveau de l'habitat et au niveau de l'espèce, elle va mourir, est-ce que vous la listez de la même façon?

• 1005

[Traduction]

M. David Green: Nous avons établi ces diverses catégories—d'espèces en péril. Donc, nous pouvons y inscrire des espèces. Nous n'indiquons aucun détail. Nous les cochons simplement dans une case.

Mais quand nous les inscrivons dans ces catégories, nous considérons tout ce qu'il leur arrive. L'espèce est-elle en déclin? L'était-elle auparavant? Est-ce son habitat qui est en déclin? Est-ce le nombre des animaux qui sont en déclin? Ce déclin s'explique-t-il par des raisons génétiques? Ces espèces perdent-elles leur capacité d'adaptation? Nous considérons divers facteurs. Si nous voyons que l'espèce répond à ces critères—c'est-à-dire qu'elle est en voie de disparition dans notre pays—pour quelque raison que ce soit, nous le déclarons.

Mais nous nous arrêtons là. C'est là que se termine la tâche du COSEPAC. Comme dirait Geoff, on s'adresserait alors à une équipe de scientifiques pour planifier un programme de rétablissement. Qu'est-ce qui est faisable? Qu'est-ce qui est réalisable? En se fondant sur cette information, que peut-on faire?

Parfois, on peut procéder par intervention directe sur l'espèce elle-même. Parfois il faut s'occuper de l'habitat. Parfois il faut simplement traiter avec les gens. C'est ce qui se produit par la suite: une fois qu'on sait ce dont il s'agit. Mais nous tenons compte de tous ces facteurs et nous vous disons que si les circonstances actuelles se perpétuent, l'espèce disparaîtra.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Green.

Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Pour revenir à ce que disait M. Mills, si l'on est en présence d'une espèce qui est sur le point de disparaître ou qui est menacée et qu'elle se trouve au Canada, mais aussi partout à l'extérieur du Canada, traitera-t-on cette espèce différemment d'une autre en voie d'extinction au Canada et que le Canada soit le seul endroit au monde où cette espèce existe encore?

M. David Green: Nous en tiendrions probablement compte au fur et à mesure. On ne peut pas tout faire. On ne peut pas établir une liste de toutes les espèces tout d'un coup. Cela prend du temps.

Il faudra probablement établir diverses priorités compte tenu de notre aptitude à nous en occuper. Nous aimerions nous occuper des espèces endémiques et les inscrire en premier sur la liste. Mais cela ne veut pas dire qu'au bout du compte elles ont une valeur supérieure ou inférieure, à nos yeux, à d'autres espèces de l'autre côté de la frontière.

Je ferais remarquer qu'il y a deux façons d'envisager la question. On nous a demandé pourquoi nous n'avions pas accordé un rang supérieur aux ours grizzli par exemple au Canada. Les ours grizzli sont vraiment en danger aux États-Unis et au Canada nous ne les avons pas fait figurer sur la liste comme étant une espèce en voie de disparition. On nous a demandé aux États-Unis pourquoi nous ne les avions pas inscrit comme espèce en voie de disparition. Eh bien c'est parce qu'ils ne sont pas en voie de disparition au Canada, c'est un fait. Donc ils ont été inscrits sous cette rubrique aux États-Unis parce que dans ce pays ils sont certainement en voie de disparition.

On nous a chargés et on nous a priés de nous occuper de la situation au Canada. Les Américains ne vont pas se mêler de protéger nos espèces sauvages, pas plus d'ailleurs que les Russes. C'est notre responsabilité.

M. Gar Knutson: Peut-être devrions-nous le faire.

M. David Green: En ce qui nous concerne, vous devez savoir ce qui se passe au Canada.

M. Gar Knutson: Je pensais avoir posé une question assez simple, mais ce n'est apparemment pas le cas.

M. Scudder a soulevé une objection à propos de toute la question de la protection de la résidence par rapport à celle de l'habitat. Il a fait valoir, en sa qualité de scientifique, qu'il était en quelque sorte ridicule de vouloir protéger la résidence sans protéger l'habitat—ce n'est pas exactement les mots qu'il a employés mais il trouvait peut-être cela trompeur. Me diriez-vous ce que vous en pensez.

M. David Green: Eh bien je pourrais dire que je suis ici simplement pour parler du COSEPAC.

M. Gar Knutson: Puis-je invoquer le Règlement à ce sujet?

M. David Green: Considérez-vous ma réponse comme une dérobade? Je le regrette.

M. Gar Knutson: Je voudrais invoquer le Règlement.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.

M. Gar Knutson: Cette remarque s'adresse à la présidence et au témoin. Lorsqu'un témoin comparaît devant un comité parlementaire, il bénéficie de la protection d'immunité pour toute conséquence négative qui pourrait découler de son témoignage.

À ma connaissance il n'y a aucune loi ou disposition qui donne à un témoin le droit de dire «je ne vais pas répondre à votre question». Donc la présidente voudra peut-être consulter son greffier et son attaché de recherche ou conseiller et peut-être enjoindre le témoin de répondre à la question.

M. David Green: Je dirai...

M. Gar Knutson: Vous n'avez pas encore la parole, monsieur.

M. David Green: Je m'excuse.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Un instant, monsieur Green.

M. Gar Knutson: Ou nous faisons notre travail ou nous ne le faisons pas.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Eh bien, essentiellement, dans nos délibérations nous comptons énormément sur la bonne volonté des participants.

M. David Green: D'accord.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Cela étant dit, après avoir consulté le président, comme c'est un comité parlementaire, on est tenu de répondre aux questions. Si le témoin ne le fait pas, nous pouvons certes le signaler à la Chambre. Cependant, je ne voudrais pas en arriver là sur cette question en particulier.

• 1010

Il y a eu des témoins qui, en comparaissant devant le comité, ont formulé d'autres sortes d'exigences...

M. David Green: Je ne voudrais pas...

M. Joe Comartin: Madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.

M. Joe Comartin: Ce n'est pas juste. Si nous allons placer le témoin dans cette situation délicate, madame la présidente, il a certes droit à son opinion et à être conseillé avant d'être obligé de fournir une réponse.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Comartin, veuillez m'accorder deux secondes. J'ai dit que les délibérations de notre comité sont fondées en grande partie sur la bonne volonté des participants. Après consultation avec le président, j'ai dit que les témoins sont tenus de répondre aux questions. S'ils refusent, le comité a le droit d'en saisir la Chambre. Ce que j'étais sur le point de dire c'est que des témoins qui comparaissent devant notre comité, parfois pour une raison quelconque refusent de répondre à une question. Ce n'est pas ainsi que traditionnellement le comité a procédé.

J'interprétais simplement le rappel au Règlement qu'avait soulevé M. Knutson. J'imagine que nous sommes tous ici présents parce que nous nous intéressons aux espèces en voie de disparition dans notre pays et que nous faisons tous preuve de bonne volonté. J'imagine que M. Green est parmi nous pour les mêmes raisons.

Si vous avez de la difficulté à répondre à la question, vous pouvez le dire. J'interprète simplement les règles de procédure, comme l'a demandé M. Knutson.

Merci.

M. David Green: Si vous me le permettez—et je ne veux pas en faire toute une histoire—j'ai cru que je comparaissais en réalité pour représenter le COSEPAC et seulement pour discuter de ces sujets d'intérêt. Je n'ai pas l'intention d'éluder une question ou quoi que ce soit. Je vous sais gré d'avoir précisé les choses—en me disant ce que je peux faire, ce qui me convient très bien.

Au COSEPAC nous traitons de l'habitat. Nous ne parlons pas de résidence. Nous examinons l'habitat essentiel et c'est ce que nous définissons. Nous n'employons pas le mot résidence du tout parce que nous ne savons pas ce qu'il veut dire.

M. Gar Knutson: Parce qu'il est ridicule d'employer le terme?

M. David Green: Je n'ai pas employé l'adjectif ridicule. J'ai simplement dit que nous ne savions pas le sens de ce mot. Lorsqu'on l'applique à une espèce de poisson pélagique ou à un papillon, on ne saurait parler de résidence.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Donc, monsieur Green, si je comprends bien ce que vous dites, je vous présente des excuses. Votre mémoire ne faisait pas état de ce problème d'après moi. Mais il conviendrait que vous fassiez état du fait que, selon le COSEPAC, la définition de résidence n'est pas appropriée sous l'angle biologique. Est-ce exact?

M. David Green: Non. Je ne réponds pas à la question, c'est tout.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Mais vous avez répondu à la question en disant que ce n'était pas un terme que vous employez parce qu'il n'était pas utile.

M. David Green: Ce n'est pas un terme que nous employons.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Donc, si je vous comprends bien...

M. David Green: Oui.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): ...étant donné que nous nous efforçons d'obtenir des témoignages sur une mesure législative très importante, vous recommandez au comité que nous suivions les recommandations de M. Scudder, à savoir que le terme résidence n'est pas acceptable et que nous devrions employer le terme habitat. Et nous parlons de la protection des espèces et de l'interdiction de les détruire.

M. David Green: Oui.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): On devrait préférer l'habitat ou l'habitat essentiel à la résidence. Est-ce exact?

M. David Green: Oui.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Festa-Bianchet.

M. Marco Festa-Bianchet: Je voudrais simplement ajouter une chose. Le problème tient peut-être en partie à l'expression d'une opinion qui représente le point de vue du COSEPAC et l'expression d'opinions personnelles. J'estime que si nous exprimons une opinion personnelle en tant que scientifique dans le domaine de la recherche et de l'écologie, il est évident que la protection de l'habitat est essentielle à toute forme de rétablissement de l'espèce.

Bien des gens critiques la méthode de protection de l'écosystème par la protection des espèces. Il faut comprendre que nous pouvons, dans une certaine mesure, définir une espèce légalement. Il est beaucoup plus difficile de définir un habitat. Et à mon avis, nous identifions des espèces sans préciser la race mais dans presque tous les cas le problème est une perte d'habitat. Donc, on ne saurait protéger les espèces sans protéger leur habitat.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Festa- Bianchet, n'êtes-vous pas d'avis que les dispositions du projet de loi devraient être renforcées pour préciser que la protection de l'habitat devrait être obligatoire et non discrétionnaire?

M. Marco Festa-Bianchet: Tout à fait. Je ferais aussi remarquer que la résidence d'un animal dans le jargon scientifique ne me dit absolument rien. Je sais de quoi il s'agit pour une marmotte, mais pas pour un canard.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci beaucoup.

Monsieur Reed, sauf erreur, vous invoquez le Règlement.

M. Julian Reed: Madame la présidente, est-il toujours question du rappel au Règlement?

• 1015

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je crois que le rappel au Règlement a été réglé, à moins que quelqu'un ne veuille en discuter.

M. Julian Reed: D'accord. Continuons.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Vouliez-vous continuer à en parler?

M. Julian Reed: Madame la présidente, je tiens encore à préciser que les témoins ont le droit de répondre de la façon qu'ils souhaitent. Pour le bon déroulement des délibérations du comité, il ne convient pas de critiquer la façon dont les témoins répondent aux questions.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, monsieur Reed, merci beaucoup. Je crois que c'est ce que je m'efforçais de faire comprendre et que d'autres députés ont fait valoir également.

Monsieur Knutson, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Gar Knutson: Je suis sûr qu'il ne me reste plus de temps.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Nous avons arrêté la pendule.

Merci beaucoup.

Madame Redman, avez-vous des questions à poser?

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai une seule question à poser que j'adresse à M. Scudder, mais j'invite les autres témoins à offrir des observations s'ils le désirent.

Il a beaucoup été question de savoir s'il fallait que certaines dispositions soient obligatoires ou discrétionnaires. Je me rends compte que vous employez ces mots de façon précise dans tout le projet de loi. Pourriez-vous nous donner votre avis sur le fait que le projet de loi repose essentiellement sur la bonne volonté des Canadiens, des associations et des ONG qui participent volontairement?

Le fait qu'il existe encore au Canada à l'heure actuelle des espèces en péril témoigne du fait que les grands éleveurs, les propriétaires fonciers, des associations comme Canards Illimités et toutes sortes de gens ont, de leur propre chef, pris des mesures qui facilitent le rétablissement et la protection des espèces en péril.

M. Geoffrey Scudder: La bonne volonté est nécessaire, j'en conviens. Je dirais que la bonne volonté dont les groupes que vous avez signalés ont fait preuve, contribue bien davantage à la survie des espèces que les mesures prises par le gouvernement. Prenez par exemple le cas de Canards Illimités—cette organisation a fait un travail énorme. Pourquoi? Parce qu'elle a préservé l'habitat.

À mon avis, il y a énormément de bonté qui se manifeste et qui bien souvent passer inaperçue. Le programme de bonne intendance de l'environnement, dans lequel le gouvernement fédéral investit des fonds, est en réalité exécuté par d'autres, et il donne d'excellents résultats. Les grands éleveurs sont de la partie. En fait, on obtient de meilleurs résultats avec la bonne intendance de l'environnement dans l'Okanagan Sud qu'avec la protection de l'habitat de la façon régulière sur les terres domaniales.

Même les Premières nations prêtent main-forte. Elles attribuent une valeur prioritaire aux espèces en voie de disparition. Elles sont propriétaires de la majorité des terres qui ne sont pas exagérément perturbées et ont accordé une haute priorité... Les membres des Premières nations n'aiment guère procéder de la façon qu'exige le gouvernement, mais des particuliers se trouvent sur les lieux constamment. Ils ont une bonne connaissance des espèces en voie d'extinction sur leurs terres et c'est essentiel à la survie de ces espèces. Beaucoup d'efforts sont déployés dans cette autre collectivité, et rien dans ce projet de loi ne va nous venir en aide ou y mettre un terme.

Mme Karen Redman: Donc, relativement aux exigences obligatoires—il y a en réalité deux aspects à la mesure législative: d'une part la carotte et d'autre part le bâton. Nous pouvons faire notre profit de l'expérience d'autres pays. Nous avons reçu des représentants d'autres pays à notre comité. Ce que nous aimerions éviter en particulier, c'est le syndrome de l'élimination clandestine des espèces ainsi que la vente des terres par les propriétaires fonciers avec la garantie qu'aucune espèce en voie de disparition ne s'y trouve.

M. Geoffrey Scudder: Certaines personnes, il faut l'avouer, ont cette attitude. Mais dans la majorité des cas, elles savent ce qu'il en est et dans l'Okanagan Sud, nous publions un atlas repérant l'habitat, ainsi les propriétaires fonciers ont une idée de ce qui se passe sur leurs terres. Nous pouvons leur fournir des données sur les espèces qui s'y trouvent. En fait, les exigences de zonage les obligent à ne pas perturber ces espèces—c'est-à-dire à ne pas déménager leurs bâtiments, à ne pas détruire la fosse des serpents à sonnettes. On constate que presque la totalité des gens sont prêts à le faire.

En fait, lors d'un sondage public, environ la moitié de la population était même disposée à renoncer à 30, 40 ou 50 p. 100 de ses terres pour sauvegarder les espèces en voie d'extinction. Ces gens-là ne veulent pas se ruiner pour autant. On pourrait créer un certain nombre de stimulants fiscaux, plus nombreux que ceux qui existent à l'heure actuelle, pour leur venir en aide.

La difficulté, c'est qu'on a beau encourager les gens à prendre des mesures, mais lorsque le gouvernement lui n'a l'obligation de faire quoi que ce soit, il est difficile de le faire honteusement s'acquitter de la minime obligation restante.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Scudder.

• 1020

Pour développer ce que disait Mme Redman, il importe je crois de songer aux excellentes initiatives qu'on a prises pour préserver les espèces en voie d'extinction dans notre pays. Par exemple, un certain nombre d'équipes de rétablissement ont agi, organisées avec des gens de l'endroit et des scientifiques indépendants—comme vous l'avez signalé dans votre mémoire, monsieur Scudder. Mais comme vous l'avez également fait remarquer, il est déconcertant de voir que des équipes de rétablissement de certaines populations avicoles dans l'est du Canada viennent tout d'un coup d'être démantelées.

M. Montevecchi a présidé l'équipe de rétablissement du canard arlequin depuis 1991. Mais comme vous l'avez signalé dans vos documents, le Service canadien de la faune a décidé unilatéralement et sans consultation de démanteler son équipe de rétablissement.

J'ai reçu personnellement des lettres de M. Montevecchi et j'allais soulever cette question si vous ne l'aviez pas fait. Il a fait valoir que le gouvernement et le ministre de l'Environnement devraient avoir accès à des conseils scientifiques indépendants. Lorsqu'on n'a pas réussi à protéger des espèces et qu'elles sont en voie de disparition, l'importance de ces équipes de rétablissement est cruciale.

Donc, on a assisté à cette décision unilatérale de dissoudre les équipes de rétablissement et de nommer un membre du Service canadien de la faune comme président de l'équipe de rétablissement. Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus et insister sur les raisons pour lesquelles cela vous inquiète sérieusement?

M. Geoffrey Scudder: Premièrement, ce qui m'inquiète surtout, c'est cette décision unilatérale. Deuxièmement, c'est de supposer que tous les meilleurs experts appartiennent au Service canadien de la faune. Mais ce n'est peut-être pas la bonne solution.

Selon moi, il faut conclure de la lettre qu'étant donné que cette activité est désormais prévue par la loi, c'est le Service canadien de la faune qui doit s'occuper de tout. Il peut fort bien arriver, selon moi, que la meilleure équipe de rétablissement ne compte personne du Service canadien de la faune.

Par exemple, il pourrait y avoir une équipe de rétablissement des papillons. Plusieurs espèces de papillons figurent sur la liste, mais, à ma connaissance, le Service canadien de la faune ne compte aucun expert des papillons. On peut en dire autant des lichens. Quand on pose un geste, il faut penser aux conséquences.

À mon avis, cette façon de traiter les intervenants autres que du secteur public pourrait les pousser à tout laisser tomber. En réalité, il ne ferait sans doute pas ça parce que ce sont des gens vraiment engagés. Il faut l'être pour faire ce travail. Tous donnent bénévolement de leur temps. Il n'y a pas de rémunération pour ce travail. Dans bien des cas, il n'y a même pas remboursement des dépenses. Je fais partie d'une équipe de rétablissement de l'écosystème dans l'Okanagan Sud et ma participation à toutes les réunions est à mes frais. Je paie moi-même pour tous les billets d'avion, toutes les chambres d'hôtel. Je n'ai jamais touché un sou.

Il faut donc la participation de tous, parce que le rétablissement n'est pas une chose facile. On trouve difficilement les compétences nécessaires et il faut prendre bien soin de n'aliéner personne et de pouvoir compter sur la meilleure science—qu'elle vienne du secteur privé ou d'ailleurs, et il arrive qu'elle vienne d'ailleurs.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Ce qui est vraiment déplorable avec la disparition de trois de ces équipes, c'est qu'elles s'occupaient d'espèces migratoires et qu'elles comptaient des observateurs américains. Maintenant toute l'équipe a été démantelée.

Selon moi, ce n'est pas une façon de procéder propre à encourager la bonne volonté—non seulement auprès des scientifiques qui se portent bénévoles, mais aussi auprès de nos voisins américains. Je dirais que c'est là l'une des situations qui nous oblige de passer de mesures discrétionnaires à des mesures obligatoires. Plutôt que de compter sur la bonne volonté, nous devons maintenant désigner les espèces à protéger obligatoirement.

Comme il me reste environ une minute, j'aimerais...

M. Bob Mills: Je surveille l'horloge, et ça fait cinq minutes.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Je cède la parole à M. Mills, mais il me restait bel et bien une minute. Je veux faire preuve de bonne volonté et de collaboration au sein du comité; je devrai attendre pour vous en reparler tout à l'heure.

Allez-y, monsieur Comartin.

M. Joe Comartin: Je veux poursuivre dans la même vaine. Je n'ai pas bien compris qui exactement a pris la décision de démanteler ces comités. C'est ma première question. Je sais que vous en avez parlé dans votre allocution liminaire, mais je n'ai pas saisi. Qui a pris cette décision, et pourquoi? Sur quoi s'est-on fondé pour prendre cette décision?

• 1025

M. Geoffrey Scudder: Cette planification est l'oeuvre du directeur de la région de l'Atlantique du Service canadien de la faune. J'ignore si la décision a été unilatérale de sa part. Je ne sais pas au juste si elle vient de l'administration centrale, mais il faut en déduire que la LEP y est pour quelque chose. Elle a des répercussions sur le plan de l'application de la loi. Ces mesures sont contraignantes pour nous seulement, parce que vous, vous ne vous occupez que de l'application. Vous dites que c'est vous l'organisme gouvernemental, que c'est vous qui êtes chargé de l'application et donc que vous devez tout mener. Voilà ce qui ressort de la lettre.

Tout cela est tombé du ciel. À ma connaissance, ce ne s'est vu nulle part ailleurs au Canada. Si d'autres mesures semblables ont été prises, le milieu scientifique n'a pas été mis au courant. Mon comité n'a pas été démantelé. Donc seules ces trois équipes ont été touchées par ces mesures. J'ignore si d'autres équipes de la région de l'Atlantique ont pu éviter le démantèlement, mais, chose certaine, les trois équipes en question ont écopé et le milieu scientifique en a été fortement ébranlé. Qu'une telle chose puisse se produire les a complètement bouleversés.

J'aimerais ajouter que les Américains faisaient partie de l'équipe de rétablissement et n'étaient pas simplement des observateurs. Comme ce dossier déborde les frontières, ils étaient vraiment des parties prenantes. C'était le cas pour les trois groupes.

M. Joe Comartin: Selon vous, y a-t-il quelque chose dans la mesure législative qui puisse justifier cette sorte d'interprétation de la loi?

M. Geoffrey Scudder: Non, c'est quelque chose qui est tombé du ciel.

M. Joe Comartin: Monsieur Green, je vois que vous hochez la tête. Y a-t-il selon vous quelque chose dans la mesure législative qui puisse expliquer cette décision?

M. David Green: Non.

M. Joe Comartin: Madame la présidente, je fais donc un rappel au Règlement, car il me semble qu'il incombe à notre comité de sommer le ministère de justifier sa décision. C'est presque du mépris pour notre comité si le ministère décide ou préjuge de l'issue de cette mesure législative. Je trouve carrément inconvenant qu'une telle chose ait pu se produire pendant que nous étions encore en train d'examiner cette mesure législative.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Que proposeriez-vous par le biais de votre rappel au Règlement?

M. Joe Comartin: Que le président du comité écrive au ministre—parce que, selon moi, une telle décision provient des échelons supérieurs—pour demander une explication et pour exprimer notre désapprobation dans les circonstances.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous rappelle, monsieur Comartin, que le ministre viendra témoigner à notre comité, et on pourra donc lui en parler directement à ce moment-là. Si les membres du comité tiennent à ce qu'il y ait d'autres interventions, je suis à votre disposition. Par ailleurs, comme je n'occupe pas en permanence le poste de président du comité, il conviendrait peut-être que vous en discutiez lorsque...

M. Joe Comartin: Quand M. Caccia sera-t-il de retour?

Une voix: Lundi prochain.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je m'en réjouis, je pourrai occuper le poste de président. Y aura-t-il constamment des rappels au Règlement pendant tous nos travaux cette semaine?

Étant suppléante, je demande votre indulgence; je compte beaucoup sur l'aide du greffier.

M. Joe Comartin: Quand M. Caccia sera-t-il de retour?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): M. Caccia sera de retour lundi prochain.

Que plaît-il au comité de faire?

Monsieur Knutson, je vous en prie.

M. Gar Knutson: Selon moi, nous serions fondés de demander au chef du Service canadien de la faune s'il prévoit que le COSEPAC se comportera de façon différente de ce que nous avons toujours vu si cette mesure législative est adoptée. On en a déjà parlé, mais c'est ce que je pense. Je...

M. Geoffrey Scudder: Si vous me permettez, toute cette question n'a rien à voir avec le COSEPAC; elle ne relève pas du COSEPAC. Il s'agit du rétablissement.

M. Gar Knutson: D'accord.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Madame Carroll, vous avez la parole.

Mme Aileen Carroll: Je m'en remets encore au greffier et à M. Knutson pour la marche à suivre, mais ne pourrions-nous pas adopter une motion demandant que le président du comité écrive au ministre de l'Environnement pour lui demander de nous expliquer pourquoi une telle mesure a été prise? Bien sûr, il pourra nous en dire plus long lorsqu'il comparaîtra, mais entre-temps, il pourra se préparer.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Toute motion exige un préavis de 24 heures, sauf s'il y a consentement unanime. Y a-t-il consentement unanime pour une motion?

M. Gar Knutson: Non, mettons-la en délibéré pendant 24 heures.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Très bien. Nous en reparlerons demain, plutôt que d'empiéter sur le temps des témoins. Je vous remercie.

Monsieur Comartin, vos trois minutes sont écoulées.

M. Joe Comartin: Un rappel au Règlement ne devrait pas...

Je ne vais pas m'en prendre encore une fois à la présidence. Nous vous avons déjà donné assez de fil à retordre.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Mills, vous avez la parole.

M. Bob Mills: Monsieur Scudder, je me réjouis de vous entendre dire que 99,9 p. 100 des propriétaires fonciers sont prêts à collaborer. L'important message que j'entends depuis quelques semaines est: «Dites-nous ce qu'il en est et nous serons ravis de collaborer.» Et aussi: «Pourquoi faut-il une loi pour nous indiquer quoi faire, parce que nous le savons déjà et nous le faisons?»

De plus, vous avez bien sûr mentionné Canards Illimités et d'autres groupes et interventions de cette nature. Ils sont bien connus, en tout cas dans l'ouest du Canada, et ils font un travail formidable.

• 1030

Je reviens à mes questions et j'aimerais que l'on réponde à chacune. Vous dites que vous ne pouvez pas vous occuper des espèces au-delà des frontières—les espèces qui franchissent la frontière—mais elles sont nombreuses au sud de la frontière.

Tout cela me rappelle un peu l'évaluation environnementale à laquelle j'ai participé hier, où j'ai appris que l'on construit des centrales dans l'État de Washington parce que la Californie ne veut pas de pollution. On les construit à la frontière et la pollution sera poussée vers le Canada. Les lignes de transmission passeront par le Canada parce que l'État de Washington interdit l'aménagement de lignes de transmission au-dessus de terrains habités. On s'en fiche si ces installations jonchent la rue principale d'Abbotsford où il y a des gens partout, parce que, après tout, tout cela concerne les États-Unis et nous ne nous soucions guère de ce qui se passe là-bas. C'est à peu près aussi stupide que de dire qu'il y a beaucoup d'espèces de l'autre côté de la frontière. Pourriez-vous nous expliquer tout cela, s'il vous plaît?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Mills, pourrions-nous prendre le temps de respirer un peu? Rassemblons nos esprits. Jusqu'ici, les échanges ont été fort agréables et j'ose espérer qu'ils se poursuivront d'une façon très respectueuse.

M. Bob Mills: Je suis très respectueux.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Mills, je sais que c'est ce que vous voulez faire, donc évitons les mots qui commencent par un «s».

M. Geoffrey Scudder: Je peux répondre en disant que la loi ne s'applique qu'au Canada. Étant des scientifiques, nous ne fixons pas de limites à son champ d'application.

Du point de vue scientifique, un grand nombre des espèces au Canada sont aux confins de leur aire spécifique, mais elles constituent les populations les plus importantes pour chaque espèce dans son ensemble. Le fait que des individus bifurquent jusqu'aux États-Unis n'a rien à voir avec les mesures adoptées là-bas mais s'explique plutôt par la nature du comportement de l'espèce lié à son adaptabilité.

En résumé, si l'on prend l'aire spécifique d'une espèce, l'habitat critique, celui où l'espèce doit faire constamment preuve d'adaptabilité, est aux confins. Au centre, l'habitat est doux. Les individus qui aboutissent aux confins sont toujours ceux qui sont les plus adaptables. Dans des conditions critiques, ce sont eux qui survivent. Voilà pourquoi les populations qui se retrouvent chez nous sont les plus importantes.

M. Bob Mills: Ma question de tout à l'heure s'adressait à M. Green. Il a affirmé que le COSEPAC ne tiendrait pas compte...

M. David Green: Non, ne poussez pas trop loin votre interprétation de ce que j'ai dit.

Quand nous procédons à une désignation, nous ne tenons compte que des populations au Canada. Cependant, pour évaluer ces populations, nous devons examiner tout ce qui se passe chez elles—et j'ai bien dit que nous vérifions s'il y a du renfort qui peut venir de l'autre côté de la frontière. Nous vérifions bien sûr s'il y a des polluants ou des braconniers qui franchissent la frontière, ou si les espèces vont là-bas, s'il y a de meilleurs pâturages de l'autre côté de la frontière. Nous tenons compte de tout ce qui peut influencer ces animaux et ces plantes, puis nous établissons la situation des espèces qu'il y a ici.

Nous examinons l'ensemble des choses qui les influencent, mais nous n'évaluons que la situation des espèces qui se trouvent ici au pays et non pas celle des espèces qu'il y a sur toute la planète. Ce sont donc là les facteurs qui interviennent.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): M. Mills a une petite question claire et pointue et je suis persuadée que le comité acceptera de lui donner une autre minute.

M. Bob Mills: Disons que l'espèce A est nombreuse aux États- Unis et que des individus sont parvenus jusqu'au Canada. Ils sont très peu nombreux au Canada. Va-t-on les inscrire à la liste du COSEPAC?

M. David Green: Si ces populations viennent ici et qu'elles y apparaissent constamment et facilement à partir de l'autre côté de la frontière... Si elles ne viennent ici que parce qu'elles migrent une fois par année, sans être vraiment établies au Canada, elles ne seraient sans doute pas inscrites sur la liste.

Si elles sont établies ici, si elles constituent un peuplement à part de cette espèce à l'intérieur de notre pays, si elles ne communiquent pas avec leurs congénères de l'autre côté de la frontière, si des individus ne franchissent pas souvent la frontière dans les deux sens et qu'elles n'y apparaissent pas, s'il y a une population qui fait cavalier seul aux confins de l'aire spécifique de cette espèce, celle-ci figurerait sur la liste.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Selon vous, ce serait donc là la raison de tenir compte des particularités biogéographiques.

M. David Green: Oui.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie infiniment.

M. Geoffrey Scudder: Si vous me permettez, j'aimerais ajouter que chaque fois que l'on évalue une espèce, on lui attribue un rang par rapport à l'ensemble de la planète, par rapport au pays et ainsi de suite. Il y a un système de catégorisation multiple qui est bien connu de tous.

En deuxième lieu, bon nombre des espèces qui sont en péril au Canada sont également en péril aux États-Unis. Si elles sont communes là-bas et rares ici, on n'a pas à s'en étonner. La chevêche des terriers est en péril au Canada. C'est le cas également aux États-Unis.

• 1035

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je vous remercie infiniment, monsieur Scudder.

Monsieur Bigras, allez-y.

[Français]

M. Bernard Bigras: Merci, madame la présidente.

Ma question portera sur l'établissement de la liste par le COSEPAC. On sait qu'au Québec, pour l'identification et la désignation des espèces, il y a un comité consultatif formé de scientifiques, puisque le Québec a une loi depuis 1989. Naturellement, le Québec a aussi des représentants au COSEPAC, qui fonctionnent en collégialité avec votre comité.

Je veux savoir de quelle façon on établit la liste en se basant sur les recommandations. Par exemple, une recommandation d'une province équivaut-elle à une recommandation d'un expert scientifique membre du comité? De quelle façon les décisions se prennent-elles, et quel est le poids relatif accordé à chacun des membres? Je ne sais pas si vous me comprenez. Par exemple, quel poids une province a-t-elle comparativement à un expert scientifique membre du COSEPAC?

M. Marco Festa-Bianchet: Tout le monde a le même poids. La décision du COSEPAC est basée sur les rapports et tout le monde voit ces rapports-là. Tout le monde est censé les lire avant la rencontre. Donc, il y a 28 personnes qui ont droit de vote au COSEPAC et le vote de chacune vaut exactement la même chose que ceux des autres.

M. Bernard Bigras: Donc, vous me dites qu'une province a le même poids qu'un expert scientifique et qu'un expert scientifique individuel équivaut à une province.

M. Marco Festa-Bianchet: Oui, mais n'oubliez pas que la personne qui vient du Québec, par exemple, n'est pas là pour représenter le Québec. Elle est là pour apporter sa contribution et son expertise en tant que scientifique. Il n'y a pas de représentants. Il est très important de préciser la façon dont le COSEPAC fonctionne. Il n'y a pas quelqu'un qui est là pour protéger les droits de telle province ou de telle organisation non gouvernementale. Tout le monde est là pour apporter son expertise.

M. Bernard Bigras: Donc, vous me dites que les provinces ne siègent pas au COSEPAC.

M. Marco Festa-Bianchet: Il y a quelqu'un de chaque province, mais le job du représentant de la province de Saskatchewan, par exemple, n'est pas de dire qu'il ne veut pas telle chose parce que la Saskatchewan n'est pas d'accord. Ce représentant doit apporter au comité la connaissance qui vient de la Saskatchewan.

M. Bernard Bigras: Le représentant d'une province au COSEPAC a-t-il un mandat et représente-t-il sa province lorsqu'il siège au COSEPAC? C'est ce que je veux savoir. Vous me dites que le représentant du Québec apporte son expertise scientifique.

M. David Green: Il y a un siège pour une personne du Québec, et non pour un représentant du Québec.

M. Bernard Bigras: Très bien.

Voici une dernière petite question. Je pense que je n'exagère pas, car la présidence a été très large dans ses commentaires. Est-ce que le représentant du Québec est nommé par le gouvernement du Québec?

M. Marco Festa-Bianchet: Oui.

M. Bernard Bigras: Son poids équivaut-il à celui d'un membre au sein de ce comité de 28 membres?

M. Marco Festa-Bianchet: Oui.

M. Bernard Bigras: Excellent.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci.

Madame Carroll.

[Traduction]

Mme Aileen Carroll: Je vous remercie.

Monsieur Scudder, des témoins qui ont comparu ici ont décrit la loi aux États-Unis comme étant quelque chose d'affreux—quelque chose que nous ne voulons pas imiter au Canada. Est-ce ce que vous pensez vous aussi?

Deuxièmement, à votre avis, quels sont les points forts de la loi américaine? Y en a-t-il que nous devrions imiter? Inversement, y a-t-il des points faibles que nous devrions éviter?

M. Geoffrey Scudder: Le point fort, à mon avis, c'est que la protection de l'habitat est une obligation aux termes de la loi. D'autre part, je pense que notre méthode d'inscription est supérieure à la leur. Dans leur cas, la méthode est influencée par la politique, tandis que chez nous, ce sont bien davantage les scientifiques qui mènent dans ce domaine.

Je pense que le problème tient à leur façon d'administrer sans ménagement, que nous ne voudrions pas imiter, ni subir.

Mme Aileen Carroll: Que faut-il faire pour l'éviter?

• 1040

M. Geoffrey Scudder: Selon moi, il y a une participation beaucoup plus grande de la part des citoyens, par exemple dans notre programme de rétablissement. Nous parvenons à faire participer tout le monde—les intervenants et tous les autres intéressés—tandis que là-bas, ils ont beaucoup plus tendance à pratiquer la main de fer et à imposer des règles venant d'en haut. Le gouvernement fédéral a beaucoup plus de pouvoir dans ces domaines au niveau des États que c'est le cas chez nous. Par exemple, dans le cas de la chouette tachetée, on a établi un règlement fédéral qui l'emporte sur tout le reste. Au Canada, il y aurait beaucoup plus de discussions et de participation de la part des intervenants, et c'est une meilleure méthode. Cependant, un principe sous-jacent là-bas, c'est qu'on ne peut sauver une espèce si celle-ci n'a pas d'habitat, et c'est là leur point fort.

Mme Aileen Carroll: C'est leur point fort. Si je comprends bien, notre propension à tenir de grandes discussions avec les intervenants, à les rassembler et à combiner tout ce travail aux efforts de bénévoles, ce qui est une façon plus typiquement canadienne de procéder, est une chose que ce projet de loi devrait encourager.

M. Geoffrey Scudder: Oui, c'est ce qu'il faut faire et c'est très bien. Je vous rappelle cependant qu'il n'y a aucune disposition dans ce projet de loi qui précise que la protection de l'habitat est absolument essentielle—qu'elle est obligatoire. C'est ce qu'il nous faut, et je crois que nous aurions à ce moment-là un projet de loi très efficace—pourvu bien sûr que nous réussissions à inscrire l'espèce à la liste.

Mme Aileen Carroll: Je vous remercie beaucoup. Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, madame Carroll.

Monsieur Knutson, vous avez la parole.

M. Gar Knutson: Monsieur Green, j'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Mills. Disons par exemple qu'il y a une population de grizzlis—et j'ignore si c'est bien le cas—dans le nord du Montana et que les Américains veulent la protéger. Ils les inscrivent à leur liste et ils procèdent à toutes les démarches qu'exige la loi, mais certains de ces grizzlis aboutissent parfois dans le sud de l'Alberta et, comme l'espèce est nombreuse en Alberta, nous n'avons pas de loi interdisant d'abattre ces grizzlis venus par hasard du nord du Montana... Selon vous, est-ce vraisemblable?

M. David Green: Eh bien, c'est clairement un cas où un plan de rétablissement pour la population des États-Unis doit être établi avec la collaboration des Canadiens. Les Américains sont préoccupés par cette situation. Il s'agit d'une population transfrontière. Non, ça n'a pas de sens que cette population d'ours puisse venir ici se faire abattre.

M. Gar Knutson: Faisons-nous cela?

M. Marco Festa-Bianchet: Dans le sud de l'Alberta notamment, il existe une saison de chasse au grizzli.

M. Gar Knutson: Donc, nous prendrions...

M. David Green: C'est là un cas où un plan de rétablissement pour les populations américaines doit être établi... Comme, par nature, la bête se déplace sur de grandes distances, il faut en tenir compte et, à la grande manière canadienne de faire les choses, en discuter—rassembler autour de la table des gens des deux côtés de la frontière pour déterminer quoi faire avec ces ours. Je crois que c'est une question distincte de celle du statut des grizzlis au Canada en général, qui ne sont pas en péril.

Si par nos gestes nous mettons en danger ces ours aux États- Unis, c'est quelque chose qui doit être réglé par nous et les États-Unis.

M. Gar Knutson: J'en déduis donc que notre loi fédérale ne comporte aucun mécanisme de protection des ours. La seule façon de régler le problème consisterait peut-être pour l'État du Montana à s'adresser à la province de l'Alberta pour lui demander de supprimer sa saison de chasse au grizzli.

M. David Green: Mais je dois dire que la liste du COSEPAC vaut pour le pays dans son ensemble. Rien n'empêche l'Alberta de déclarer sa population de grizzlis dans le sud en danger, ou la Colombie-Britannique de le faire également pour le sud-est, et de prendre des moyens pour y remédier.

La somme de toutes les espèces—idéalement—inscrites dans les listes provinciales serait plus grande que dans la liste nationale, parce que les mêmes phénomènes se produisent entre les provinces. Des espèces peuvent être communes dans une province, et rares dans une autre. Il se peut que la province où cette espèce est rare l'inscrive sur sa liste provinciale et mette en place des plans de rétablissement alors qu'au pays dans son ensemble, l'espèce n'est peut-être pas en péril.

Je me suis occupé notamment de la rainette faux-criquet de l'Ouest—je m'occupe des grenouilles. Le Québec a mis en place un plan de rétablissement parce qu'elles éprouvaient des problèmes. Elles sont cependant encore communes en Ontario. Au niveau du COSEPAC, elles ne seront probablement pas considérées comme étant en péril, malgré les préoccupations du Québec qui a instauré des plans de rétablissement.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Comartin, s'il vous plaît.

M. Joe Comartin: J'aimerais revenir à la question de la réévaluation de la liste. Avez-vous un délai à respecter?

• 1045

M. David Green: Nous aimerions la terminer au cours de l'année qui vient. Je crois que nous sommes en voie de terminer le travail sur les espèces en voie de disparition et menacées dont nous avons étudié la grande majorité une nouvelle fois. Il y aura peut-être certains cas difficiles pour lesquels beaucoup de nouvelles informations ont été rendues disponibles dernièrement. Cela pourrait prendre un certain temps. Il se pourrait qu'on doive écrire de nouveaux rapports pour certaines espèces. Mais je crois que nous aurons terminé le travail pour la plupart des espèces préoccupantes au cours de l'année.

M. Joe Comartin: Si j'ai bien compris votre exposé, il n'existe aucune raison pour que la loi n'inclue pas la liste dans l'annexe—quelle que soit l'étape où elle en est à ce moment-là. À votre avis, nous pouvons aller de l'avant.

M. David Green: Il n'existe aucune raison de ne pas le faire.

M. Joe Comartin: Même si vous n'avez pas fini la réévaluation?

M. David Green: Nous constaterons probablement que le statut restera le même ou... Je pense que dans l'ensemble, le COSEPAC a été pas mal conservateur par rapport aux années passées et nous avons constaté que plus d'espèces ont été rajoutées sur la liste que supprimées au cours de ce processus. Donc, au bas mot, il s'agira d'une liste plutôt conservatrice—probablement—comparativement à ce que nous finirons par avoir.

M. Joe Comartin: Me reste-t-il du temps?

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui.

M. Joe Comartin: Monsieur Scudder, vous avez parlé de l'importance de—je m'excuse de ne pas avoir suivi, mais j'aimerais que vous m'en disiez davantage—la perte d'une espèce, de son impact global sur le reste. Pourriez-vous nous en dire plus? Je n'ai pas compris votre raisonnement.

M. Geoffrey Scudder: Oui. Cela vient en partie du grand nombre d'espèces. Dans une collectivité qui comporte beaucoup d'espèces, il s'en trouvera probablement plusieurs qui font toutes la même chose au même moment. Dans ce cas-là, vous pouvez en retirer une sans causer de dommages. Mais si votre écosystème comporte peu d'espèces, ce qui est typique des systèmes tempérés du Nord, vous en aurez probablement une ou deux, plutôt que douze ailleurs. L'impact sera plus grand si vous en retirez une d'un écosystème pauvre en espèces. Donc, comparativement aux espèces sous les tropiques, si vous en retirez une ici, cela aura vraiment de très grandes répercussions.

M. Joe Comartin: Comme?

M. Geoffrey Scudder: Eh bien, par exemple, dans les lacs acides, M. Schindler a pu démontrer que l'acide avait éliminé tout un niveau trophique dans les lacs expérimentaux, et tout le système s'est effondré en éliminant simplement une partie essentielle de la chaîne alimentaire, car seules une ou deux espèces y faisaient ce travail.

M. David Green: J'ajouterais que nous nous préoccupons souvent du niveau supérieur de ces chaînes alimentaires—les grands prédateurs qui règnent tranquillement et ont, à nos yeux, des impacts manifestes, immédiats, sur les environnements. Mais—notamment dans ces lacs—ce qui s'est passé, c'est que les prédateurs de niveau trophique supérieur, les poissons du niveau supérieur, n'ont pas été retirés. Ils n'éprouvaient pas de problèmes. Ce qui s'est passé, c'est que la base du réseau trophique a été retirée. Cela ne peut être supporté. Si vous retirez la pierre angulaire de l'édifice, il s'écroulera.

M. Geoffrey Scudder: Oui. C'est la base de mon exposé sur la pyramide écologique, pour essayer d'expliquer cette notion.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Scudder.

Merci, monsieur Green.

Cette pyramide écologique sera traduite. Je ne crois pas qu'ils auront trop de mal à traduire la géométrie du triangle. C'est la même chose en français et en anglais. Cependant, la traduction des mots figurant dans le triangle nous sera remise et nous sera très utile.

M. Mills a une courte question.

M. Bob Mills: Je suis encore préoccupé par la possibilité que la politique permette, dans le cadre scientifique, d'obtenir des fonds d'aide gratuite. Vous avez soulevé une question intéressante au sujet des ours. M. Stephen Herrero est un spécialiste des ours de réputation mondiale. Je le connais depuis de nombreuses années et j'ai assisté à bon nombre de ses conférences. Monsieur Green, vous avez laissé entendre que les grizzlis sont en voie de disparition. En Colombie-Britannique, notamment, le gouvernement ne serait pas d'accord avec vous. En Alberta, je pense que nous reconnaissons la nécessité de vraiment limiter nos prises, et je crois qu'on le fait. Je me demande si M. Herrero siège au COSEPAC—je ne sais pas s'il y siège ou non—et je me demande pourquoi, si vous entendez parler des ours comme vous venez de le faire, il n'y siégerait pas comme spécialiste du sujet.

M. Marco Festa-Bianchet: Le COSEPAC comporte des sous-comités taxonomiques. Il y en a un qui s'intéresse aux mammifères. Je suis responsable du sous-comité qui s'occupe des mammifères terrestres. On est actuellement en train de m'écrire un rapport sur le grizzli notamment. Quand je choisis l'auteur d'un rapport, je cherche, si possible, quelqu'un qui n'a pas trop défriché le domaine sur un animal particulier. Je cherche quelqu'un qui a des connaissances sur cet animal, mais si je le peux, j'évite de recruter quelqu'un dont le gagne-pain, le prestige ou la carrière scientifique dépendent de cet animal, précisément pour éviter les genres de conflits d'intérêts dont vous avez parlé.

• 1050

Pour rédiger son rapport, l'auteur, qui est maintenant engagé à contrat par le COSEPAC, contactera évidemment les gens qui font de la recherche sur les grizzlis. Steve Herrero a été consulté au cours de la rédaction du rapport sur les grizzlis, de même que plusieurs de ses étudiants et associés. Mais je ne demanderais pas nécessairement à quelqu'un comme lui de rédiger le rapport.

M. Bob Mills: Il vous est donc remis, monsieur Green. Quand vous dites que nous devrions mettre la pression sur... si ces—était-ce le Montana—je crois que Gar est parti—grizzlis sont en péril, vous avez plus ou moins laissé entendre qu'ils ne devraient pas être abattus en Alberta. Je ne sais pas s'ils le sont ou non en Alberta. Est-ce ce que vous avez dit?

M. David Green: S'il n'en tenait qu'à moi, aucun grizzli ne serait abattu où que ce soit. C'est une question de gestion et de rétablissement. Il ne s'agit pas d'attribuer un statut à ces ours à ce moment-ci, ce qui est ce que vous venez juste de nous demander.

Le statut de l'ours au Canada est ce qu'il est. Ce que vous faites à son sujet est une question distincte. Les gens forment une équipe de rétablissement. S'il y a des ours quelque part ailleurs, dans une autre juridiction qui pose des problèmes, un plan ou une équipe de rétablissement est mis en place. Si l'animal traverse la frontière, il devrait y avoir une consultation transfrontière. C'est une partie de la solution à ce problème particulier.

Mais en ce qui concerne le statut de cet animal au Canada, il est ce qu'il est.

M. Geoffrey Scudder: Pourrais-je intervenir? En Colombie-Britannique, les grizzlis ne figurent sur aucune liste, mais certaines populations d'entre eux sont en voie de disparition. La province reconnaît ce problème et ne permet pas de les chasser.

De la même façon, pour ce qui est de ces grizzlis du Montana, des efforts indépendants sont déployés dans le cadre du programme appelé Y2Y pour essayer de conserver un corridor pour permettre le mouvement entre Yellowstone et le Yukon pour les grizzlis. Donc, des efforts indépendants sont déployés pour essayer de régler certains des problèmes relatifs au comportement des grizzlis, qui se sont toujours comportés de cette façon, sans s'occuper de la frontière.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Monsieur Green.

M. David Green: Je dirai pour finir que le COSEPAC essaie de résumer les critères des espèces dont il s'occupe de façon aussi précise que possible. Dans les cas où une approche générale—toute cette espèce au Canada est ceci ou cela—n'est pas applicable, car elle ne décrit pas l'espèce suffisamment en détail, s'il existe une partie de l'éventail qui est isolée, distincte et d'un statut différent, nous la considérerions également comme unité désignable, et nous lui attribuerions une désignation pour tenir compte de ce statut également.

Donc, quelquefois, nous aurons une espèce qui aura un statut différent dans diverses parties du pays afin de rendre compte de l'état de cette espèce de façon plus exacte.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, monsieur Green.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, madame la présidente.

Monsieur Scudder, vous avez soulevé une très bonne question, et je n'ai pas vu la pyramide, mais j'ai bien hâte de la voir. Il existe de toute évidence des phénomènes et des habitats, et toutes les espèces évoluent, argument qu'on nous répète encore et encore, et vous l'avez également évoqué aujourd'hui. L'un des points forts de ce projet de loi, du point de vue du gouvernement, est le fait que nous croyons qu'il sera applicable sur le terrain.

J'aimerais savoir quels critères vous utiliseriez pour mesurer la réussite de ce projet de loi. Un examen quinquennal y est prévu de même qu'une table ronde au bout de 18 mois. À votre avis, étant donné que les choses vont continuer d'évoluer et que certaines espèces vont s'éteindre pour certaines raisons, et les effets pourraient même se faire sentir hors des frontières canadiennes, quels critères utiliseriez-vous pour déterminer si ce projet de loi donne réellement des résultats?

M. Geoffrey Scudder: En général, si une espèce était supprimée de la liste, c'est-à-dire que les plans de rétablissement ont réussi, voilà le genre de critère que nous utiliserions pour en évaluer les résultats. Mais cinq ans n'est pas le bon échéancier.

• 1055

Je crois que le projet de loi, avec le temps, permettra... la liste va s'allonger. Il y a un gros arriéré. Je ne sais pas combien d'espèces n'ont pas encore été évaluées parce qu'on ne dispose pas de données à leur sujet. Il n'existe pas de savoir-faire. Il n'existe pas de délai.

Mais je crois que quiconque pense que nous allons rétablir ces espèces ou les supprimer de la liste en cinq ans a perdu l'esprit. Je ne sais pas quels critères le gouvernement ou le Service canadien de la faune envisage d'utiliser pour procéder à l'évaluation dans cinq ans.

Je crois que ce sera largement du côté juridique qu'on évaluera les résultats. Ce ne sera pas du côté biologique. Il s'agira d'une évaluation juridique concernant les problèmes que nous avons éprouvés; cela dépendra du nombre de poursuites judiciaires. Ce ne sera pas la biologie qui permettra de supprimer des espèces de la liste. Mais ce sera le critère que les scientifiques utiliseront pour déterminer si nous faisons les choses vraiment efficacement.

Mme Karen Redman: Monsieur Green, aimeriez-vous formuler un commentaire?

M. David Green: Le COSEPAC réévalue chaque espèce qui figure sur sa liste. Nous retournons en arrière et mettons à jour un rapport tous les dix ans, en moyenne. Nous demanderons parfois qu'un rapport soit rédigé au bout de cinq ans ou même avant si nous constatons qu'une espèce semble évoluer un peut trop rapidement.

Viendra un jour où le COSEPAC fera principalement des rapports de mise à jour. J'espère que ce jour viendra. Cela voudra dire que nous aurons fait du beau travail d'évaluation.

Pour certains des groupes, comme les mammifères, les amphibiens et les oiseaux, nous en sommes pratiquement au point de faire des mises à jour, parce que nous en sommes rendus à ces espèces qu'il nous faut étudier. Pour les poissons, les invertébrés, et bien des plantes, il y a des centaines et des centaines d'espèces que nous n'avons pas encore étudiées.

Mme Karen Redman: Merci.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Merci, madame Redman.

La présidence a quelques questions à poser, mais avant de le faire—il se peut que nous commencions à perdre des gens parce qu'il est près de 11 heures—M. Mills vient juste de formuler une requête. Heureusement, je ne vais pas présider la séance demain. C'est M. Mills, en qualité de vice-président de l'opposition, qui présidera, et c'est donc en cette qualité qu'il présente une demande.

M. Bob Mills: La seule question que j'ai, c'est que la réunion avec le Prince Charles est prévue pour 15 heures demain après-midi. Malheureusement, nous n'allons pas nous réunir sur la Colline; ce sera au musée. Il sera très difficile de commencer la séance à 15 h 30 bien entendu—aucun d'entre nous ne pourra être présent.

Je demanderais donc, si c'est possible, de convoquer nos témoins de demain une heure plus tard. J'aurais besoin du consentement unanime pour le faire, d'après ce que je comprends. C'est là la question.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Acceptez-vous de retarder la séance à 16 h 30? Splendide. Merci beaucoup.

Merci, monsieur Mills.

Nous communiquerons avec les témoins pour nous assurer que cela ne pose pas de problème avec leurs horaires particuliers.

Je voulais signaler que M. Scudder a souligné quelque chose qui est très important, non seulement à propos de la loi, mais à propos de la protection et du rétablissement des espèces en voie de disparition. Il existe en fait deux processus distincts.

Parfois, j'entends des gens parler comme si les décisions socio-économiques, qui font partie du processus de rétablissement, étaient en quelque sorte mélangées avec la décision d'inscrire une espèce sur la liste, qui est purement un processus scientifique. Je crois, comme l'a si bien montré M. Green, qu'il importe que les scientifiques prennent les décisions scientifiques et que les hommes politiques prennent les décisions socio-économiques. Je pense donc que c'est nettement un point très important.

J'aimerais également demander à M. Scudder de nous dire pourquoi, dans son mémoire, il a dit que le texte de loi ne permettait pas à la liste établie scientifiquement de devenir la liste légale. Vous avez dit qu'à votre avis c'est inacceptable.

M. Green et vous ne semblez pas être du même avis. M. Green craint que les scientifiques ne fassent l'objet de lobbying intensif. Pourquoi pensez-vous que les scientifiques, d'après ce que vous avez avancé, ne seraient pas sujets à des pressions? Ne craignez-vous pas que cela se produise?

• 1100

M. Geoffrey Scudder: Non. J'avais un second point en tête. Je crois que la liste établie scientifiquement devrait devenir la liste légale. Mais le projet de loi prévoit que le gouvernement peut rayer une espèce de la liste s'il donne une raison. Il peut donner une raison politique, faire valoir qu'il doit consulter les Premières nations ou quoi que ce soit d'autre. Mais nous devons obtenir d'emblée la raison, qui ne serait pas de nature scientifique, pour laquelle une espèce est rayée de la liste.

Je ne crois pas qu'il existe une grande différence entre mon opinion et celle de M. Green. À mon avis, si, dès le départ, une espèce est supprimée de la liste pour des raisons politiques, elle se retrouve sans protection. Ainsi, même s'il s'agit d'une espèce aussi rare qu'une poule qui aurait des dents, quiconque peut faire ce qui lui plaît en ce qui concerne cette espèce et son habitat. C'est inacceptable.

Il doit donc y avoir de très bonnes raisons pour supprimer une espèce de la liste, et il faut les faire connaître. S'il s'agit d'une raison politique, qu'on nous le dise. S'il s'agit d'une raison socio-économique ou s'il existe un problème juridique lié à certains accords ou traités conclus avec les Premières nations des Territoires du Nord-Ouest, c'est valable. Nous ne nous attendons pas à ce que le comité soit au courant. Il faut cependant que les raisons soient exposées. Nous ne voulons pas que la partie se joue sans que tout soit transparent et sans savoir exactement ce qu'il en est. Une espèce est rare et en péril, ou elle ne l'est pas.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Estimez-vous que les scientifiques feraient l'objet de lobbying intensif?

M. Geoffrey Scudder: C'est déjà le cas. Si ces changements pouvaient être apportés ultérieurement par les politiciens... J'ai simplement parlé d'une période limitée. Je crois que M. Green a proposé 60 jours. La longueur de la période importe peu, tant que nous savons à quoi nous en tenir.

Il existe toujours des préoccupations régionales, mais le COSEPAC est formé d'un groupe de scientifiques chargé de prendre une décision d'ordre scientifique. Il est très respecté et jouit d'une excellente réputation. Nous ne voulons pas porter atteinte à cela. Nous ne pensons pas que ma proposition vexerait les scientifiques. En fait, tous les scientifiques avec lesquels je me suis entretenu l'ont bien accueillie.

La liste ne doit pas être définitive. Mais elle doit être dressée même si la loi n'est pas encore en application. La loi peut entrer en vigueur maintenant sans que les espèces soient protégées, car la liste n'est pas encore légale. Il faut néanmoins qu'elle soit établie. Cela sera toujours ça de pris. Ensuite, on doit laisser aux politiciens le soin de supprimer des espèces de la liste. Il se peut que 60 jours soient insuffisants. Je ne sais pas. La tâche est peut-être trop lourde. Je crois que nous devons à l'écosystème dont nous dépendons d'établir la meilleure liste possible.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Nous devons séparer les décisions scientifiques des décisions politiques. Je crois que c'est très important.

M. Geoffrey Scudder: Oui.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): J'ai une question pour M. Green. Dans votre mémoire—en fait, je ne sais pas si cela figure effectivement dans votre mémoire—vous expliquez que les membres potentiels du COSEPAC doivent posséder les compétences appropriées. Quelles sont ces compétences et qui décide si les compétences d'une personne conviennent au COSEPAC?

M. David Green: À la fin de notre petit guide se trouve une liste des compétences. Le guide est maintenant assez volumineux. Nous recherchons des personnes dont les diplômes d'études supérieures ou les publications témoignent de leurs connaissances et de leurs compétences. Pour ce qui est des membres du Comité du savoir autochtone, nous n'exigerons pas nécessairement qu'ils détiennent des diplômes d'études supérieures, mais qu'ils soient reconnus comme des experts dans leur domaine. Le COSEPAC examine les candidatures pour déterminer si ces exigences minimales sont respectées.

Ce que nous voulons réellement—et c'est ce que nous avons fait l'an dernier dans le cas des trois membres indépendants—c'est trouver les meilleures personnes possibles qui possèdent les plus vastes connaissances et compétences concernant les espèces vivant au Canada.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Qu'en est-il du présent projet de loi? Garantira-t-il que les membres du COSEPAC auront les compétences appropriées?

M. David Green: Cela n'est pas précisé dans le projet de loi. Ce l'est dans nos procédures, mais pas dans le projet de loi.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Le projet de loi précédent, le C-65, a été amendé à l'issue de l'étude en comité. Je ne l'ai pas en main, mais je crois qu'il y était indiqué que la Société royale du Canada ferait des recommandations. Monsieur Scudder, monsieur Green, monsieur Festa-Bianchet, croyez-vous qu'il conviendrait de modifier le projet de loi pour s'assurer que les membres possèdent les compétences appropriées?

• 1105

M. David Green: Je crois que nous pouvons envisager de consulter des groupes comme la Société royale en matière de recrutement. La Société royale se compose d'excellents scientifiques et de personnes très éminentes, mais voulons-nous confier la composition du COSEPAC à un groupe ou à un organisme en particulier? Je crois qu'il conviendrait de consulter la Société royale.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): C'est ce que j'ai dit, à savoir que la Société royale s'en tiendrait à des recommandations.

Monsieur Scudder, quelle est votre opinion?

M. Geoffrey Scudder: Je suis d'accord. Je crois que c'est fondamental. Dans le document qu'il nous a présenté, Stewart Elgie recommandait que le comité se compose notamment de scientifiques, et il suggérait quels devraient être leurs domaines de compétences. Le projet de loi ne précise rien à cet égard. Ces scientifiques devraient être des personnes respectées. Je crois qu'il a été proposé qu'une liste établie par un certain groupe—et chaque société a la possibilité d'effectuer des nominations—soit examinée par une entité indépendante comme la Société royale afin de déterminer si les candidats répondent aux exigences. Je crois que Stewart Elgie avait également proposé que la majorité des membres du comité ne devraient pas provenir du gouvernement. Je ne sais pas si le projet de loi précédent faisait état de ces recommandations, ce serait à vérifier. Certes, le présent projet de loi ne contient pas les détails que comportait le projet de loi C-65 et il ne contient pas non plus les suggestions qui avaient émané du Comité de l'environnement.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Qu'en est-il de ce qui est arrivé dans le cas des équipes de rétablissement?

M. Geoffrey Scudder: C'est une autre question.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Je sais que c'est une autre question, mais la composition des équipes de rétablissement a été modifiée sans discussion ni consultation, et la raison de ce changement n'est pas claire. C'est un fait. C'est quelque chose qui s'est produit. Même si le processus relatif aux équipes de rétablissement est distinct du processus selon lequel le COSEPAC détermine les espèces en péril et en dresse la liste, je crois que cette situation nous amène à nous demander ce qui pourrait arriver s'il n'existe aucune mesure de protection dans la loi.

M. Geoffrey Scudder: Les membres du comité sont nommés par le ministre ou le Cabinet, mais nous craignons que les nominations ne deviennent politiques. Nous voulons seulement veiller à ce que les nominations au COSEPAC ne soient pas politiques et que la politique ne soit pas trop présente. Il faut que le processus soit transparent et que les membres soient respectés au sein du milieu scientifique. Qui vous dira si la personne est respectée? La Société royale peut très bien assumer cette tâche, car elle n'évolue pas dans un domaine en particulier. Il ne faudrait pas par contre la consulter au sujet de la liste.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Non.

M. Geoffrey Scudder: Il faut simplement la consulter aux fins de vérification des candidatures. Le comité y gagne donc de la crédibilité, ce qui est bon pour le gouvernement.

M. David Green: Je vois du même angle les nominations effectuées par le ministre. Le ministre n'est pas nécessairement celui qui choisit—j'espère que le ministre n'est pas celui qui choisit—mais cela donne un caractère légitime aux membres du comité et à l'autorité qu'ils ont en vertu de cette nomination et leur donne le droit de siéger au comité. Cela devrait valoir non seulement pour les membres, mais aussi pour leurs remplaçants. Quiconque a droit de voter au sein du comité doit détenir l'autorité de le faire et les compétences nécessaires. Nous sommes très conscients de cela. C'est pourquoi nous avons fait en sorte d'établir une liste de compétences minimales et que nous n'acceptons pas les personnes qui ne possèdent pas ces compétences.

M. Marco Festa-Bianchet: Je ne puis qu'être d'accord. Jusqu'à maintenant, le COSEPAC a veillé à son propre processus de recrutement. Nous avons notre propre liste de compétences. Nous serions extrêmement ennuyés qu'on tente de nous dicter qui peut être membre, car toute la question de l'indépendance et de la crédibilité du comité serait soulevée. Si le projet de loi venait modifier l'actuel processus de recrutement indépendant du COSEPAC et les critères qu'il a établis, de toute évidence, cela nous ennuierait grandement.

Comme M. Green le disait, en ce qui concerne les nominations effectuées par le ministre, nous craignons non seulement l'ingérence politique, mais aussi les poursuites. C'est pourquoi nous aimerions bénéficier d'une forme de protection, car certaines de nos décisions risquent tôt ou tard de restreindre la capacité de certaines personnes à réaliser des gains monétaires ou quoi que ce soit d'autre. Nous avons déjà été confrontés à des situations lors desquelles nous nous sommes interrogés à propos de notre position juridique.

La vice-présidente (Mme Karen Kraft Sloan): Oui, et j'ai pris note de la recommandation que vous avez formulée.

Je crois qu'il est important du point de vue de la crédibilité du gouvernement de veiller à ce que les scientifiques et ceux qui ne sont pas des scientifiques selon la définition habituelle, mais qui sont en fait des scientifiques dans leur propre collectivité, soient indépendants et crédibles et qu'ils possèdent les compétences appropriées. Cela devrait être clair.

• 1110

Je remercie beaucoup les témoins et les membres du comité pour leur patience.

S'il n'y a pas d'autres questions, nous ajournerons cette séance plutôt dynamique et animée du comité.

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