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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 19 :


LE SECTEUR DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET DES COMMUNICATIONS

Contribution à l'économie et structure

Le secteur des technologies de l'information et des communications (TIC) regroupe les sous-secteurs suivants : la fabrication52, les services de logiciel et les services informatiques, la câblodistribution, les services de télécommunications, le commerce de gros connexe et, enfin, le crédit-bail et la location de machines de bureau. Ce secteur réunit 26 000 entreprises, dont 1 300 dans la fabrication. Ces entreprises ont généré des recettes globales de 100 milliards de dollars en 1997, ce qui représente 5,9 % du PIB, et ont employé 481 000 personnes. En 1998, le secteur a exporté pour 29 milliards de dollars en tout et a dépensé 3,8 milliards de dollars en R-D, soit 43 % de l'ensemble des dépenses engagées à ce titre par le secteur privé canadien.

Le présent chapitre porte essentiellement sur les sous-secteurs que sont la fabrication et les services de logiciel et les services informatiques, les deux branches chargées d'élaborer la technologie et les applications et qui constituent les fournisseurs de TIC53.

En 1999, les fournisseurs de TIC ont participé au PIB canadien à hauteur de 22,9 milliards de dollars (en dollars constants de 1992). Depuis 1989, ce secteur a progressé 5 fois plus vite que l'économie canadienne, puisqu'il a affiché un taux de croissance de 9,8 % contre 2,1 % pour l'économie dans son ensemble. De tous les nouveaux emplois créés, en termes nets, entre 1989 et 1997, 12 % sont imputables au secteur fournisseur de TIC, les compartiments des services de logiciel et des services informatiques enregistrant l'essor le plus rapide.

Quelques grandes entreprises dominent le secteur et font face à la concurrence que leur livrent un nombre important de PME à vocation périphérique ou spécialisée. En effet, il n'existe que huit sociétés de TIC canadiennes dont le chiffre de vente dépasse le milliard de dollars. Nortel Networks est en tête de liste, avec des recettes de 32 milliards de dollars en 1999. Vient ensuite Celestica, dont le chiffre de vente s'élevait à 7 milliards de dollars en 1999, devant les 6 autres entreprises, dont les ventes ont été inférieures à 2 milliards de dollars. Un certain nombre de multinationales occupent une place importante au Canada, à savoir IBM, Ericsson, EDS Systemhouse, Newbridge-Alcatel et DMR Consulting. D'autres, comme Lucent et Cisco, ont établi des centres de R-D au Canada.

Le Canada est de calibre mondial dans le domaine des télécommunications et des réseaux (grâce à Nortel Networks, Mitel et Newbridge-Alcatel), des télécommunications optiques (avec JDS Uniphase et Nortel Networks) et dans des créneaux comme l'élaboration de logiciels (avec Corel, Cognos, Entrust et ExtendMedia), la conception de semi-conducteurs (PMC Sierra, Mosaid et ATI), les technologies sans fil (RIM et Sierra Wireless) et la fabrication d'articles électroniques (Celestica).

Comme nous l'avons déjà dit, le secteur des TIC assume 43 % de toute la R-D effectuée au Canada par le secteur privé. Cinq des 10 entreprises menant le plus de R-D en font partie : Nortel Networks, à elle seule, compte pour plus de 1,8 milliard de dollars54, soit 20 %, de toute la R-D effectuée en 1998 par le secteur privé canadien; Pratt & Whitney se classe en seconde position, avec 400 millions de dollars.

La main-d'œuvre qu'emploie ce secteur se caractérise par son haut niveau d'instruction, puisque 46 % des personnes travaillant dans les services de logiciel et les services informatiques et 30 % de celles oeuvrant dans le secteur de la fabrication d'articles liée aux TIC détiennent un diplôme universitaire, alors que la moyenne nationale se situe à 19 %. Dans ce secteur, les salaires sont supérieurs de 40 à 52 % à la norme nationale.

Ce secteur est, d'autre part, fortement axé sur l'exportation. Bien que nous ne disposions d'aucune donnée sur les produits logiciels, nous savons que, de tous les produits manufacturés, 77 % des biens produits au Canada dans ce secteur sont destinés à l'exportation. Conformément à la tendance générale de nos échanges commerciaux, les États-Unis constituent notre principal marché, absorbant 82 % de nos exportations dans ce secteur; 7,2 % des articles sont exportés vers l'Union européenne et 6,4 %, vers l'Asie-Pacifique. Le Canada accuse toutefois un déficit commercial considérable (et croissant) au titre de ces échanges, qui est attribuable essentiellement à l'importance de ces importations de composantes électroniques.

Productivité et compétitivité

Le secteur des TIC est au cœur de la révolution de l'information issue de l'émergence d'Internet et représente l'assise du programme de mise sur pied d'une économie axée sur le savoir et d'une nation branchée qu'a lancé le gouvernement. Il joue un rôle fondamental au sein de l'économie, tous les secteurs faisant appel à ces technologies. Il constitue la pierre angulaire de la croissance économique du Canada, est un des principaux créateurs d'emplois de grande qualité, assume un rôle de chef de file dans le domaine de l'innovation et de la R-D, s'accompagne d'une infrastructure saine et d'un contexte technologique solide et donne naissance à des grappes d'industries importantes au pays. Comme l'a expliqué un témoin :

Ces derniers temps, M. Greenspan se trouve dans la position enviable de devoir expliquer la plus longue croissance économique de l'histoire des États-Unis. Il a dit : C'est la technologie de l'information qui définit cette période particulière. C'est parce que l'innovation informatique est à la source de la productivité et de la croissance économique. Sa plus importante contribution est de réduire le nombre d'heures de travail requises pour générer le produit national. Il a ensuite expliqué comment s'est effectuée cette réduction : avant la présente révolution en matière de disponibilité de l'information : la plupart des prises de décisions commerciales du XXe siècle étaient entravées par une vaste incertitude. La poussée soudaine quant à la disponibilité d'information pertinente a permis aux gestionnaires d'enrayer une importante partie des stocks de sécurité et de l'excédent de personnel. [Gaylen Duncan, 26:16:20]

Bon nombre des entreprises oeuvrant dans le domaine des TIC sont extrêmement concurrentielles. Des sociétés comme JDS Uniphase, PMC Sierra, Rogers, RIM, BCE Emergis et Celestica comptent aujourd'hui parmi les 20 entreprises les plus prisées au Canada (pour ce qui est de la capitalisation boursière), aux côtés de Nortel Networks et de BCE Inc.

Il est malheureux de constater que la productivité du segment fabrication de ce secteur accuse du retard par rapport aux États-Unis et que le Canada est en train de perdre du terrain sur les marchés d'exportation mondiaux. Depuis 1996, nos exportations ont progressé à un taux annuel de 8,4 % et nos importations, à un taux de 11,5 %. Notre part globale sur les marchés d'exportation mondiaux relatifs aux TIC a donc légèrement décliné.

Dans ce secteur, les États-Unis ont sans conteste pris les devants, car ils constituent le plus important marché au monde pour ces technologies et le plus grand fournisseur mondial de produits et d'applications dans ce secteur. Ce sont des compagnies américaines qui occupent la première place sur l'échiquier mondial dans ce secteur (avec Microsoft, IBM, Cisco, Lucent et Intel). De nombreuses sociétés étrangères ont leur centre de prise de décisions stratégiques aux États-Unis (Alcatel, Marconi, Ericsson et Siemens, Sony et Matsushita). Les entreprises américaines donnent le ton à cet égard et servent de modèle au reste du monde.

Grâce aux liens uniques qui le lient aux États-Unis, le Canada a accès au marché américain et peut conclure des partenariats avec des entreprises occupant la première place. Par contre, il entre en concurrence directe avec ses voisins du Sud pour ce qui est des ressources rares dans les domaines fondamentaux que sont l'investissement et le capital, les travailleurs du savoir et les entrepreneurs.

Perspectives et enjeux stratégiques

La révolution de l'information est en train de modifier le visage, la structure et l'orientation du secteur des TIC. Elle a transformé radicalement les activités des entreprises.

Nous sommes d'avis que le commerce électronique sur Internet change de manière fondamentale les règles de l'activité des fournisseurs de biens et de services et des clients de ces biens et services. Du point de vue de notre entreprise, le commerce électronique nous offre la possibilité de transformer du tout au tout les rapports que nous avons avec nos clients existants. Nous pouvons leur offrir un service économique et très personnalisé 24 heures sur 24, et leur assurer l'accès à l'information en temps réel et les outils dont ils ont besoin pour effectuer leurs opérations. Cette combinaison de services que nous pouvons leur offrir grâce essentiellement au commerce électronique réduit nos frais de distribution de 50 à 80 % et nous permettra de personnaliser encore davantage les services que nous offrons à nos clients. Il s'agit là d'un virage fondamental pour une entreprise très traditionnelle comme la nôtre. Bell se servira du commerce électronique pour mettre ses produits et services en marché plus rapidement, tout en les présentant à ses clients de façon plus intégrée. Dans la mesure où elles réussissent à exploiter la faculté d'intuition du Web dans leurs activités de commerce électronique, toutes les entreprises, nouvelles ou existantes, peuvent offrir à leurs clients uniquement les services dont ils ont besoin. [Bill Garbarino, Bell Canada Limitée, 26:16:30]

Les délais de commercialisation et l'avantage qu'obtient celui qui innove sont des éléments clés. Les sociétés sont évaluées davantage selon les talents et les idées qu'elles possèdent que sur leur actif physique. Ce secteur est mû par l'énorme marché que représente l'économie Internet. Les dépenses en infrastructure nécessaire à l'utilisation d'Internet devraient croître de 42 % par an entre 1999 et 2003, pour atteindre 1,5 million de millions de dollars US55.

Les secteurs traditionnels -- télécommunications et technologies de base, informatique, logiciels et produits électroniques de consommation -- sont en pleine mutation, en raison des partenariats, des acquisitions et des restructurations qui s'opèrent dans le but d'améliorer la compétitivité à l'heure d'Internet. Nortel Networks en est un exemple éloquent, puisque cette entreprise a commencé comme fournisseur de matériel de télécommunications avant de devenir une entreprise offrant des solutions Internet. De nouvelles sociétés novatrices font leur apparition, réorientent le secteur et menacent les sociétés traditionnelles. Cisco, par exemple, fondée en 1984, est devenue un chef de file en matière de technologie et sur le marché pour ce qui est des produits d'infrastructure Internet, menaçant des sociétés bien établies comme Lucent et Nortel Networks, vieilles de 100 ans, voire plus.

Les technologies traditionnelles se sont recentrées sur Internet, et des technologies de la prochaine génération font leur apparition, sous la pression de la demande d'applications et d'infrastructure Internet. Des sociétés de TIC fusionnent avec d'autres appartenant à des secteurs différents de manière à allier les forces de chacune. La fusion entre AOL et Time Warner et entre Mannesman et Vodaphone Airtouch sont deux des exemples les plus notoires à cet égard.

Le secteur des TIC doit relever les enjeux stratégiques suivants 1) les efforts en matière de R-D et de technologie se concentrent dans quelques firmes et technologies clés; 2) il y a pénurie de main d'œuvre hautement qualifiée, ce qui nuit à la capacité du Canada d'effectuer de la R-D et d'attirer des investissements; et 3) il y a un manque très net de financement initial au Canada (investissement providentiel et investissement en capital de risque). L'action du gouvernement se fera néanmoins essentiellement sentir en aval, sur les services. Le CRTC a beaucoup fait pour déréglementer le marché et ouvrir la voie à la concurrence :

Dans l'ensemble, ces structures se sont traduites par l'ouverture à la concurrence des marchés internes et internationaux de l'interurbain, du marché des téléphones payants et des marchés de la téléphonie locale; par des solutions de rechange au câble, par exemple l'attribution de licences à des services de distribution par satellite de radiodiffusion directe et à des systèmes de distribution multipoint; par l'absence d'une réglementation d'Internet, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, mais l'ouverture des infrastructures aux fournisseurs de services Internet, en vertu de la Loi sur les télécommunications; par une révision des politiques sur la télévision et la radio; par l'établissement d'un objectif de service de base pour tous les abonnés au téléphone, et plus récemment, par des critères régissant l'attribution de licences de services numériques de télévision payante et spécialisée. [David Colville, 26:15:20]

Même si le rôle de l'État évolue, le secteur concerné et la population exigent une poursuite de la réglementation :

Nous savons que nous devons continuer à établir des partenariats avec l'industrie et le gouvernement pour faire en sorte que la croissance du commerce électronique se fasse selon des principes commerciaux cohérents et conformément à une réglementation publique équilibrée destinée à protéger la vie privée, la sécurité et l'intégrité des Canadiens. [Bill Garbarino, 26:16:30]

Le Comité adhère à ce point de vue et reprend les recommandations formulées lors de la table ronde sur le commerce électronique en recommandant :

33. Que le gouvernement du Canada donne le ton dans ses politiques de réglementation en veillant au respect de la vie privée et à la sécurité des canadiens tout en favorisant la libre concurrence entre les produits et les techniques d'information et de communication.

Et

34. Que le gouvernement du Canada : 1) établisse la marque du Canada dans le commerce électronique au niveau national et au niveau international; 2) accélère la transformation de ce secteur au Canada; 3) favorise la création et l'essor d'entreprises de commerce électronique; 4) élargisse le bassin de personnes qualifiées dans le domaine du commerce électronique; 5) accorde une priorité élevée à l'établissement de services publics en ligne; 6) consolide le leadership du Canada au niveau mondial sur le plan de l'élaboration des politiques relatives à Internet.

Comme nous l'avons mentionné au chapitre 6, le Comité s'est penché sur les questions de réglementation du secteur, parce qu'il estime que le marché ne peut décider seul des régions et des localités qui recevront ces nouveaux services importants pour ce qui est de l'amélioration de la productivité. La viabilité commerciale n'est qu'un critère parmi d'autres, car il faut également tenir compte du principe de l'équité. C'est pour cela que le Comité félicite le CRTC de sa récente décision concernant le service dans les zones de desserte à coût élevé, qui permettra d'intensifier la compétitivité des petites entreprises canadiennes dans les régions éloignées, surtout que les services de base comprennent désormais l'accès à Internet. L'organe de réglementation étant en mesure de revoir et d'influencer les stratégies des fournisseurs de services et d'infrastructure (pour ce qui est des secteurs desservis et des prix), le Canada sera moins susceptible de se retrouver avec des collectivités nanties et des collectivités démunies. Comme un témoin l'a expliqué au Comité :

Aujourd'hui, le secteur des télécommunications est en soi l'une des industries dont la croissance est la plus forte au Canada. De plus, les télécommunications sont un des outils qui contribuent à rendre presque toutes nos entreprises plus efficaces. De l'ensemble de cette industrie, le marché des télécommunications sans fil est l'un des secteurs les plus concurrentiels. L'arrivée de nouveaux joueurs a stimulé l'innovation et la concurrence dans les prix sur le marché. Qui aurait cru, lors de l'apparition des téléphones cellulaires, que vous pourriez un jour avoir accès à Internet, au courriel, aux nouvelles en ligne, au monde des affaires, à la météo, aux sports et aux services financiers, tout cela à partir d'un téléphone cellulaire? Ici au Canada, nous pouvons être fiers. Nous détenons le taux de pénétration le plus élevé par un service téléphonique, soit de près de 99 % pour une population d'environ 30 millions d'habitants. C'est un des taux les plus élevés au monde. [David Colville, 26:15:20]

Le gouvernement encourage également l'interconnexion au niveau des télécommunications et d'Internet par la voie de son Programme d'accès communautaire. C'est dans cet esprit que le Comité recommande :

35. Que le gouvernement du Canada stimule les investissements dans l'infrastructure des télécommunications publique et privée, en particulier dans les collectivités et régions éloignées.


52 Produits électroniques de consommation, matériel de communication, matériel informatique, composantes électroniques, fils et câbles et instrumentation.

53 Les entreprises œuvrant dans la câblodistribution, les services de télécommunications, le commerce de gros connexe et les machines de bureau (location et crédit-bail) sont dans des situations différentes. Ces derniers sont aussi moins axés sur l'exportation que ne le sont les entreprises fournissant technologie et applications.

54 En 1998, Nortel a dépensé en tout 3,6 milliards de dollars en R-D, dont 1,8 au Canada.

55 Rapport de Nortel Networks Research et IDC, janvier 2000.