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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 novembre 1999

• 1320

[Traduction]

Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): La séance est ouverte.

Les premiers témoins sont les représentants de l'Union des pêcheurs des Maritimes: Mike Belliveau, secrétaire exécutif, Frank McLaughlin, président, et Ron Cormier, vice-président. Nous sommes légèrement en retard mais je vous laisserai tout votre temps.

Qui commence, Mike ou Frank?

M. Frank McLaughlin (président, Union des pêcheurs des Maritimes): Merci, monsieur le président. Je vous présente M. Ron Cormier, qui se trouve à ma droite, et Mike, qui est à ma gauche. Étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, je demanderais à Mike de commencer.

M. Michael Belliveau (secrétaire exécutif, Union des pêcheurs des Maritimes): Le mémoire est assez long et il est en anglais. Nous n'avons pas eu l'occasion de le faire traduire. Je crois que notre section locale de la Miramichi témoignera demain et son exposé sera en français. Par conséquent, vous aurez un exposé dans les deux langues.

Plusieurs d'entre vous connaissent l'Union des pêcheurs des Maritimes mais il est utile de vous rappeler que nous représentons environ 2 000 pêcheurs authentiques des Maritimes, qui sont des propriétaires exploitants. On nous assimile souvent aux pêcheurs acadiens parce que la plupart de nos membres sont établis dans l'est du Nouveau-Brunswick, dans les collectivités acadiennes. On a parfois tendance à oublier que nous avons trois sections locales importantes en Nouvelle-Écosse et plusieurs membres à l'Île-du-Prince-Édouard.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que nous nous trouvons dans une situation unique par rapport à la population autochtone côtière. J'ai fait une vérification et nos sections locales se trouvent aux mêmes endroits que les bandes autochtones. La seule exception que je connaisse est Malpeque. Il s'agit de bandes autochtones côtières établies dans la région de la baie des Chaleurs, de la baie Miramichi, de l'estuaire de Richibucto et du détroit de Northumberland. En Nouvelle-Écosse, nous avons une section locale dans la région de Pictou. Nous en avons une autre à Baie Sydney. La Baie Sydney est en fait la seule voie d'accès aux nombreux Autochtones qui vivent dans la région du lac Bras-d'Or.

Nous avons d'autres sections locales dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, surtout dans la baie Ste-Marie et dans la partie supérieure de la région de la baie de Fundy.

Nos pêcheurs sont associés depuis longtemps d'une façon ou d'une autre avec les Autochtones, mais cette association a revêtu un aspect particulier depuis le jugement Sparrow de 1990. Je sais que vous avez beaucoup entendu parler de pêche de subsistance et de la façon dont elle est pratiquée sur la côte est. Il en est question dans notre mémoire. Je ne sais pas si nous pourrons beaucoup en discuter mais je voudrais faire deux ou trois commentaires à ce sujet.

Je voudrais signaler notamment que dernièrement, l'Église brûlée est devenue célèbre pour les problèmes qu'il y a eu cet automne, mais... Je ne sais plus exactement en quelle année, mais je pense que c'était en 1993, les représentants du MPO ont négocié une entente spéciale portant sur la pêche de subsistance avec les habitants de la réserve de l'Église brûlée. Cette année-là, 750 000 livres de homard ont été pêchées à des fins de subsistance alors que la réserve ne compte que 1 000 membres. C'est beaucoup de homard en une année à des seules fins alimentaires, sociales et rituelles.

C'est ce qui a engendré des tensions. La situation a notamment été très tendue dans la région de Richibucto où les bandes de Big Cove et d'Indian Island ont décidé d'exercer leur droit de pêche de subsistance en juin et en juillet. Juillet est la période de fermeture dans le détroit de Northumberland. L'ouverture de la pêche est en août. Par conséquent, les membres de ces réserves pêchaient avant l'ouverture de la saison de la pêche commerciale. À plusieurs reprises, les tensions ont été telles que nous craignions une confrontation violente. Au fil des ans, nous avons trouvé des solutions applicables. Ces solutions aux problèmes engendrés par le jugement Sparrow n'ont probablement jamais été entièrement satisfaisantes, mais elles étaient raisonnables.

• 1325

Nous signalons notamment dans notre mémoire qu'aucune solution officielle, voire légale, n'a été apportée aux divers problèmes engendrés par le jugement Sparrow. Nos pêcheurs ne pouvaient tolérer, à juste titre, une situation dans laquelle un droit de pêche de subsistance créait, du jour au lendemain, une zone floue du fait qu'aucune réglementation de la pêche autochtone du homard n'avait été prévue et que, dans certains cas, les droits des Autochtones servaient de paravent à des réseaux de braconniers très organisés dont faisaient partie des blancs, bien entendu. Cette situation ne s'est pas produite uniquement dans cette région, c'est-à-dire dans la région de Richibucto et de l'Église brûlée. Elle s'est produite également en Nouvelle-Écosse et je sais que plusieurs de nos membres de la région de Yarmouth-Meteghan vous en ont parlé.

Je saute des passages du mémoire. Je voudrais insister sur un des points... Nous estimons que les hauts fonctionnaires d'Ottawa ne comprennent pas très bien ce qui se passe dans le secteur de la pêche du homard. Une telle affirmation peut paraître étonnante mais j'en suis fermement convaincu. On dirait qu'ils... Il est difficile de généraliser mais je pense qu'ils s'en tiennent à un modèle calqué sur celui qu'ils utilisent dans la gestion de la pêche du poisson de fond, qui est axée sur des quotas et sur une évaluation annuelle des stocks. Ils ont été traumatisés par l'effondrement des stocks de morue et l'on se demande s'ils comprennent en quoi consiste la pêche du homard, qui est une espèce très sédentaire et très localisée.

Le homard est présent dans toute la zone côtière des Maritimes mais il se déplace rarement de plus de... À notre connaissance, il s'éloigne rarement de plus de 25 kilomètres de son habitat; c'est d'ailleurs ce qu'indiquent les études par marquage qui ont été effectuées. On a relevé quelques cas d'exception comme dans le golfe du Maine apparemment. Cependant, d'une façon générale, on ne possède pas de données permettant d'affirmer que les homards de la baie de Miramichi n'y seront plus le printemps prochain, à moins que quelqu'un ne les capture cet automne. C'est un facteur fondamental dont les médias et même plusieurs hauts fonctionnaires d'Ottawa semblent avoir omis de tenir compte.

Au cours des 25 ou 30 dernières années, le secteur de la pêche du homard s'est petit à petit constitué un système de gestion qui lui est propre et il est assujetti à de nombreuses restrictions. La pêche est réglementée non seulement par les saisons mais aussi par une limitation du nombre de casiers, par des tailles légales minimales, par l'interdiction de conserver des femelles oeuvées et par diverses autres règles. Il y a 41 zones de pêche du homard.

Nous pensons que le MPO, consciemment ou non, a conclu une sorte de pacte avec les pêcheurs côtiers. La plupart des pêcheurs s'entendent sur la façon de gérer la pêche du homard et le processus réglementaire en tient compte. Pourtant, face aux difficultés que nous avons connues cet automne, on dirait que cet aspect du pacte ne tient plus.

Je voudrais signaler deux ou trois autres faits concernant la pêche du homard que vous connaissez probablement déjà: dans les Maritimes, on compte environ 8 000 entreprises de pêche du homard qui représentent quelque 25 000 pêcheurs. Si l'on se base sur le nombre de pêcheurs et sur la valeur des prises débarquées, on se rend compte que c'est le principal type de pêche à l'échelle nationale. Personne ne sait exactement quel est le pourcentage de homards adultes capturés annuellement mais, d'après les estimations, il pourrait atteindre les 70 p. 100. Par conséquent, c'est une pêche qui est exploitée à fond; c'est une évidence. Nous en reparlerons toutefois lorsque nous énoncerons divers principes qu'il serait bon de mettre en pratique si l'on veut en arriver à une entente.

• 1330

Durant les années qui ont suivi le jugement Sparrow, M. Brian Tobin, qui était alors ministre des Pêches, a chargé le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques de définir la notion de conservation. Voici tout le résultat final de ses efforts—et je ne sais pas si cette définition a été utile:

    Tous les prélèvements effectués sur une ressource sont importants et doivent être suivis de près. Par conséquent, le Conseil estime que toutes les pêches devraient être assujetties aux mêmes principes de conservation.

Par conséquent, toutes les pêches du homard sont visées.

En ce qui concerne le jugement Marshall du 17 novembre, le rejet des demandes concernant la tenue de nouvelles audiences n'a en fait apporté aucun élément nouveau. Je suppose que le seul point sur lequel nous n'avions pas encore obtenu d'éclaircissements était l'exploitation forestière. La Cour a dit de façon très explicite que les éclaircissements portaient uniquement sur ce secteur. Ceux qui ont eu la patience et le temps d'examiner le jugement du 17 septembre ou qui ont consulté des conseillers juridiques sérieux étaient déjà informés sur les autres points. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait peu de temps après que ce jugement a été rendu.

Dans le présent mémoire, nous signalons—et je pense que nous en sommes pour la plupart convaincus—que la Cour suprême indique clairement que le gouvernement possède les pouvoirs nécessaires pour accommoder les droits issus de traités d'une manière harmonieuse. Le gouvernement sait qu'il possède ces pouvoirs, et il le savait déjà le 17 septembre. Nous avions l'impression que plusieurs hauts fonctionnaires fédéraux agissaient comme les scolastiques de l'époque médiévale qui s'interrogeaient et palabraient sans fin sur des petites questions philosophiques et théologiques pourtant assez évidentes. Nous ne sommes pas parvenus à faire passer ces messages auprès des personnes qui avaient été choisies ou engagées—l'un ou l'autre—pour essayer de régler cette situation délicate.

Nous n'hésitons pas à affirmer que ceux qui ont pris les décisions à Ottawa ignoraient tout de la pêche du homard et de l'affaire Sparrow ou que, par esprit machiavélique, ils n'ont pas hésité à exploiter la confrontation entre les Autochtones et les pêcheurs commerciaux pour atteindre des objectifs politiques plus ambitieux, jugeant que c'était là un petit prix à payer. Vous pourriez peut-être nous aider en nous révélant ces objectifs politiques, parce que ça nous échappe. Nous voudrions le savoir car l'UPM n'est pas disposée à endosser la responsabilité des incidents qui ont éclaté dans la Miramichi et de ceux qui sont survenus une quinzaine de jours plus tard, le fameux dimanche matin où des casiers ont été endommagés.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, il ne faut pas oublier qu'il y a 193 pêcheurs commerciaux de homard dans la baie de Miramichi, si l'on y inclut ceux qui pêchent dans la région de Tabusintac, de Neguac, dans la zone côtière d'Escuminac et les quelques pêcheurs de Pointe-Sapin. La baie est une zone maritime très limitée qui est située à l'embouchure de la Miramichi.

• 1335

Ce qui s'est produit après le 17 septembre, c'est que la Bande indienne de l'Église brûlée a interprété le jugement à sa façon. Les membres de cette bande crurent d'emblée qu'il leur accordait le droit de pêcher quand, où et comme ils voulaient et c'est pourquoi les tensions se sont accrues.

Nous estimons que le nombre de casiers mis à l'eau s'élevait à 6 000 dès la deuxième semaine, soit l'équivalent des casiers posés par 20 exploitations commerciales pendant la saison de pêche. Les autres pêcheurs qui viendront témoigner en parleront certainement, que ce soit demain ou plus tard. Quoi qu'il en soit, dans cette zone, le homard est généralement pêché au printemps; il mue l'été puis, en automne, il se nourrit et se prépare à hiberner.

Il paraît que lorsqu'on a affaire à l'équivalent de 20 exploitations commerciales, plutôt que 200, les prises quotidiennes s'élèvent à une dizaine ou une vingtaine de livres de homard par casier. Pendant la saison de pêche, la plupart des pêcheurs sont heureux d'en capturer une livre ou deux par jour. S'ils capturaient une telle quantité pendant toute la saison, ils feraient une assez bonne pêche. Par conséquent, la réaction des pêcheurs n'est pas due à une crise d'hystérie ni à des craintes non fondées. Ces casiers étaient mis à l'eau sous leur nez et ils savaient pertinemment que c'étaient les homards qu'ils s'attendaient à pêcher le printemps suivant, pour gagner leur vie, qui étaient capturés.

Le ministère des Pêches et des Océans n'a manifestement fait aucune tentative pour séparer les parties, pour conclure une entente de gestion harmonieuse ou pour désamorcer une situation explosive. La situation s'est envenimée pendant deux ou trois semaines et quelles en sont actuellement les conséquences? Les collectivités se sont dressées les unes contre les autres. On s'observe avec animosité dans les deux camps. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la situation ne s'est pas améliorée. C'est la confrontation. Plusieurs familles sont déchirées et personne n'arrivera à nous convaincre de l'absence de responsabilité du gouvernement fédéral qui a paralysé complètement son ministère des Pêches et des Océans et a laissé la situation se détériorer sans intervenir. C'est inexcusable.

Le président: Je ne veux pas...

M. Michael Belliveau: Je ne sais pas combien de temps j'ai parlé, mais je ferais mieux de...

Le président: Vous parlez depuis pas mal de temps.

M. Michael Belliveau: Bien. Je suis désolé. Permettez-moi de...

Le président: Nous vous laisserons encore un peu de temps—nous l'avons déjà fait pour deux ou trois autres témoins ce matin—mais je voudrais que vous nous parliez si possible directement des solutions que vous avez à proposer. Je sais que vous vouliez en parler.

M. Michael Belliveau: Oui. J'espère avoir donné un aperçu général du problème.

• 1430

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. J.W. Bud Bird (président, Miramichi Salmon Association Inc.): ...Le modèle du MWMC nécessite encore quelques améliorations; il nécessite en outre une adhésion accrue des gouvernements fédéral et provinciaux au régime de gestion communautaire.

Depuis plusieurs années, nous essayons de faire négocier et signer par chaque palier de gouvernement un protocole d'entente officiel avec le MWMC qui énoncerait clairement les responsabilités des diverses parties en matière de gestion et déterminerait les ressources financières nécessaires pour s'acquitter de ces responsabilités.

Par exemple, en ce qui concerne la mise en valeur des stocks de la rivière, le gouvernement fédéral a mis fin arbitrairement à ses responsabilités dans ce domaine, il y a plus de deux ans, en annonçant la fermeture de l'élevage situé sur la Miramichi, à South Esk, que le MPO exploiterait depuis près de 125 ans. Depuis lors, l'exploitation de cet élevage et la responsabilité en matière de mise en valeur des stocks de saumon de la rivière ont été assumées par le comité de gestion du bassin hydrographique, grâce aux investissements de la Miramichi Salmon Association et à une mise de fonds personnelle du directeur, le biologiste Mark Hambrook.

Cet élevage a été sauvé grâce à des interventions bénévoles et principalement grâce à des fonds privés, mais sa situation financière demeure précaire. Elle a besoin d'urgence de l'aide durable des secteurs public et privé pour rester en activité et maintenir son programme de mise en valeur du saumon.

Il est par ailleurs nécessaire de rationaliser et d'améliorer les services de protection dans tout le bassin hydrographique où la présence des patrouilles et des services de surveillance des deux paliers de gouvernement est quasi inexistante en raison des compressions budgétaires des dernières années. Étant donné l'excédent budgétaire fédéral actuel, la conservation de nos ressources naturelles pourrait désormais redevenir une priorité.

La recherche de solutions à ces problèmes et à d'autres qui concernent cette rivière en particulier—dans lesquelles on pourrait certainement inclure l'accord négocié de partage de la récolte de saumon sauvage de l'Atlantique—passe par un système officiel de gestion du bassin hydrographique, pour lequel nous sommes d'ailleurs prêts. Cependant, une ferme volonté d'engagement est nécessaire à la mise en oeuvre d'un tel système de gestion; par conséquent, il est urgent qu'Ottawa et Fredericton entament des négociations sérieuses en vue de la signature d'un accord à ce sujet.

Si l'on arrive à mettre en oeuvre un système efficace de gestion communautaire du bassin hydrographique sur la rivière Miramichi, je suis sûr qu'il deviendra un modèle en matière gestion des stocks de saumon sauvage de l'Atlantique et des ressources correspondantes dans pratiquement toutes les autres régions et qu'il donnera aux Autochtones et aux non-Autochtones, surtout après la décision Marshall, l'occasion de concilier leurs intérêts et de partager la ressource en saumon de façon raisonnable et rationnelle.

Monsieur le président, le message le plus important que j'aie à vous transmettre aujourd'hui est qu'il ne reste toutefois plus beaucoup de saumons sauvages de l'Atlantique à partager.

Je voudrais que vous jetiez un coup d'oeil sur le graphique qui se trouve à la fin de mon mémoire, à l'annexe A. C'est un graphique préparé chaque année par le Conseil international pour l'exploration de la mer. Il indique le nombre estimatif de grands saumons de deux ans en mer qui remontent dans les rivières d'Amérique du Nord.

En 1974, soit il y a 25 ans, le nombre de saumons était estimé à 800 000. Cette année, on estime qu'il n'est que de 80 000. Il s'agit d'une baisse de 90 p. 100. Il est difficile de concevoir ce que ces chiffres représentent et il est par conséquent utile de s'y arrêter un instant: ça représente une diminution de 90 p. 100 en 25 ans d'une de nos ressources naturelles les plus précieuses.

Quelles conclusions faut-il en tirer au sujet de nos prétendues aptitudes de gestion actuelles, de nos connaissances dans le domaine de la haute technologie ou de notre souci de conservation? De toute évidence, on ne peut faire qu'un triste constat d'échec et pourtant, les discussions actuelles ne portent pas sur la recherche d'une solution pour sauver cette ressource mais sur son partage.

Tout compte fait, cet état d'urgence sera peut-être le point de départ d'un processus de cogestion des stocks de saumon sauvage de l'Atlantique axé sur la conservation, par les Autochtones et les non-Autochtones, dont le but sera de sauver cette précieuse ressource de l'extinction. Du fait même qu'il nous reste très peu de saumons à partager, on adoptera peut-être une approche sensée, axée sur le dialogue, la consultation et la connaissance, qui nous incitera à adopter un mode efficace de partage et de gestion de nos ressources. Il est à espérer qu'au cours de ce processus, nous arriverons à maintenir les stocks de base de saumon sauvage de l'Atlantique sur une rivière comme la Miramichi et à reconstituer ces stocks pour qu'ils atteignent les niveaux qui faisaient la renommée internationale de cette rivière.

Monsieur le président, plusieurs questions précises me sont venues à l'esprit alors que je réfléchissais à cette occasion que j'ai eue de témoigner aujourd'hui. L'une d'entre elles concerne les cours et leurs jugements. Ne pourraient-elles pas donner des lignes directrices plus précises pour faciliter la mise en application de jugements tels que la décision Marshall? Les décisions de la Cour suprême ne devraient pas être un prétexte à des actes de violence comme ceux qui ont été commis sur les lieux de pêche au homard. Diverses réactions d'hostilité se sont déjà manifestées malgré les éclaircissements que la Cour a donnés le 17 novembre; ils semblent être insuffisants et arriver trop tard.

• 1435

Je me pose également la question suivante: lorsque les jugements se prêtent mal à une interprétation rigoureuse, les pouvoirs publics ne devraient-ils pas légiférer sans tarder, ou du moins analyser les diverses interprétations dans le cadre d'un processus judiciaire? Par exemple le ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick a déclaré de façon catégorique que la décision Marshall ne concerne pas les ressources forestières; son homologue fédéral n'est toutefois pas d'accord avec lui. Il faudrait s'entendre sans tarder sur ces divers points, dans l'intérêt de toutes les personnes concernées.

J'aurais également une troisième question à poser: la décision Marshall concerne-t-elle uniquement les Autochtones vivant dans les collectivités traditionnelles ou les droits qu'elle leur accorde concernent-ils également les Autochtones qui vivent en dehors des réserves, dans un cadre de vie moderne, ou encore les autres Canadiens qui peuvent démontrer qu'ils sont d'ascendance autochtone? La réponse à cette question jouera un rôle décisif quant à la possibilité d'instaurer une structure de responsabilités et de pouvoirs claire et applicable en matière de gestion des ressources parce que, comme je l'ai déjà signalé, le partage de la récolte devrait nécessairement s'inscrire dans une structure légale.

Enfin, le seuil économique d'un mode de vie moderne est-il établi en fonction de critères collectifs ou individuels et en fonction de toutes les sources de revenus? Alors que la décision Sparrow indique que les Autochtones ont le droit de pêcher à des fins alimentaires et rituelles, la décision Marshall va plus loin et parle de «subsistance convenable». À mon avis, peu de Canadiens s'opposent à ce que l'on adopte un tel critère de subsistance pour les Autochtones et nos ressources naturelles peuvent de toute évidence contribuer largement à leur assurer ce niveau de subsistance. Cependant, comment pourra-t-on évaluer, suivre et contrôler cette contribution globale? Les offices de commercialisation autochtones deviendront-ils par exemple l'équivalent des «maisons de troc» ou postes de traite gouvernementaux prescrits dans le traité de 1760? Il est souhaitable que nos ressources naturelles ne soient pas les seules à être mises à contribution pour assurer un niveau de subsistance minimum convenable aux Autochtones.

D'autres débouchés et sources de revenu pourront et peuvent déjà aider les Autochtones à atteindre cet objectif économique. Quelques-uns l'ont atteint mais pas la plupart. Il est certainement possible d'avoir recours à des solutions innovatrices, outre la récolte des ressources naturelles, pour assurer la sécurité de revenu aux Autochtones ou leur donner un filet de sécurité économique, comme dans la société non autochtone. Nous devrions nous efforcer d'alléger les pressions d'ordre économique que semble exercer la décision Marshall sur nos ressources halieutiques et fauniques.

Monsieur le président, les éclaircissements donnés par la Cour suprême le 17 novembre encouragent le gouvernement à prendre des dispositions réglementaires. En plus des quatre questions que j'ai posées, il y en a des dizaines d'autres qui se posent en ce qui concerne divers secteurs où une réglementation s'avère nécessaire, notamment le marquage de la récolte autochtone, la commercialisation des ressources, les seuils économiques correspondant à un niveau de vie convenable, l'équivalence au niveau de l'emploi en remplacement de la récolte, et surtout les pratiques de conservation. Dans ces secteurs et dans d'autres, les ministres et tous les intervenants, autochtones et non autochtones, seront constamment appelés à faire preuve d'une grande sagesse et à exercer leur faculté de jugement du fait que la mise en application de la décision Marshall deviendra un nouveau jalon de l'évolution du mode de vie canadien.

Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'apprécie beaucoup que vous m'ayez permis de vous présenter un mémoire et de le lire rapidement. Merci.

Le président: Merci, monsieur Bird.

Il ne nous reste qu'environ 10 minutes pour les questions.

Monsieur Cummins.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Je vous félicite, monsieur Bird. Je trouve que vous avez exposé de façon très claire la plupart des problèmes auxquels nous sommes confrontés depuis quelques semaines, voire depuis deux ou trois mois.

Vous signalez qu'il ne reste plus beaucoup de saumons sauvages de l'Atlantique à partager, ce qui est exact. Vous avez également signalé dans votre mémoire que la décision Gladstone confirme que d'autres personnes que les Autochtones ont acquis le droit de pêche. Cette décision reconnaît, bien entendu, que les Autochtones ont un droit inhérent à la pêche, en précisant toutefois que d'autres personnes ont aussi acquis divers droits et qu'il fallait par conséquent concilier tous ces droits. Le 17 novembre, dans la décision Marshall, la Cour a confirmé que les droits des titulaires de permis et intervenants actuels devaient être conciliés avec les droits conférés par les traités aux Autochtones.

• 1440

Ce que vous n'avez pas précisé, et dont on n'a en fait pas parlé au cours des derniers jours, c'est que le jugement Gladstone porte sur la rogue de hareng sur varech. La décision Van der Peet et le jugement concernant l'affaire NTC Smokehouse, qui ont été rendus le même jour par la Cour suprême, concernent le saumon. En fait, dans le premier cas, il s'agit du saumon du Fraser et dans l'autre, du saumon de l'Alberni Inlet, sur l'île de Vancouver. La décision du 17 novembre, quant à elle, indique que l'affaire en cause concerne uniquement l'anguille. Cette décision porte-t-elle uniquement sur une espèce bien précise... si oui, comment faut-il s'y prendre pour régler ce problème?

M. Bud Bird: C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre. On part du principe qu'elle ne concerne pas une espèce déterminée. À mon avis, les anguilles ne sont qu'un exemple des ressources que les Autochtones sont autorisés à exploiter pour atteindre un niveau de subsistance convenable. D'après les lectures que j'ai faites et les nombreuses discussions que j'ai eues à ce sujet, on considère que l'anguille est l'espèce visée dans cette cause mais que les principes exposés dans cette décision s'appliquent au poisson et aux animaux sauvages en général. Comme je l'ai signalé, bien des observateurs pensent qu'elle concerne aussi les arbres et les autres ressources naturelles.

D'après mon interprétation, les éclaircissements du 17 novembre concernent à la fois la pêche, la chasse et la récolte des ressources, telles que l'envisageaient les Autochtones dans le contexte du traité de 1760. Par exemple, dans un article que j'ai lu dernièrement, on signalait que les Autochtones ne récoltaient de toute évidence pas de gaz naturel sur l'île de Sable et peut-être même pas de bois de sciage.

Pour répondre à votre question, je dirais que la décision ne vise pas uniquement les anguilles mais le poisson et les animaux sauvages en général.

M. John Cummins: Une des raisons pour lesquelles j'ai posé la question est que dans la décision du 17 septembre, les termes «pêche de l'anguille» ne figurent nulle part alors que dans les éclaircissements du 17 novembre, ces termes reviennent 10 fois. Il semble par conséquent que la Cour ait essayé de préciser les espèces concernées.

M. Bud Bird: Je suppose que ça incite à vérifier si c'est vraiment le cas.

M. John Cummins: Oui, mais votre association n'y a-t-elle pas réfléchi?

M. Bud Bird: Nous sommes en fait partis du principe que la décision Marshall est d'ordre plus général. Mon mémoire porte, bien entendu, sur une espèce précise, en ce sens qu'il concerne le saumon de l'Atlantique mais, ce faisant, j'espérais pouvoir établir un modèle qui serait applicable à d'autres espèces également.

Mais, même s'il n'y est question que d'anguilles, il s'agit en définitive de déterminer si la ressource est renouvelable, comment il convient de la partager et de la gérer. Il faut établir une structure de gestion et tous les participants au partage doivent être intégrés à cette structure.

Aussi, nous n'avons pas pensé par exemple à contester la décision Marshall parce qu'elle porte sur l'anguille et que nous nous intéressons au saumon.

Le président: Merci.

Monsieur Steckle.

M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Bird, compte tenu de vos antécédents dans ce domaine et du fait que vous avez l'avantage d'avoir de nombreuses années d'expérience en politique, comment expliqueriez-vous ce qui s'est passé à la lumière des problèmes que vous avez connus à l'époque où vous étiez au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial? En quoi le gouvernement a-t-il fait fausse route ou que s'est-il passé?

Nous savons que nous avons perdu une espèce. Est-ce à cause de la surpêche ou d'un manque d'intérêt de notre part? Avons-nous confié les responsabilités à des personnes incompétentes? Pourriez-vous nous dire brièvement, si c'est possible, quelle pourrait être la cause la plus plausible de la détérioration considérable des stocks de quelques espèces? Quelles erreurs avons-nous commises dans la gestion de ces espèces?

• 1445

M. Bud Bird: C'est une bonne question. En ce qui concerne la diminution des stocks de saumon de l'Atlantique, qui est la ressource dont je suis le plus apte à parler, je dois reconnaître qu'elle nous laisse pantois, surtout pour ce qui est de ces dernières années—comme l'indique le graphique que je vous ai montré portant sur une période de 25 ans—, parce que des mesures énergiques avaient été prises.

Je crois qu'il convient de féliciter M. Roméo LeBlanc d'avoir, à l'époque où il était ministre des Pêches et des Océans, interdit la pêche commerciale dans la baie des Chaleurs et dans le détroit de Northumberland.

M. John Crosbie, quand il était ministre des Pêches et des Océans, a eu la sagesse... J'étais au Parlement à l'époque et, si vous voulez savoir ce que je faisais, je vous signale que je le talonnais pour qu'il interdise au plus vite la pêche à Terre-Neuve. C'est ce qu'il a fait, en fin de compte.

Le fait que nous n'ayons pas obtenu les résultats escomptés est très déconcertant. La surpêche systématique et la pêche de diverses espèces ou d'espèces d'origines diverses dans l'océan ont incontestablement joué un rôle dans la baisse des stocks de saumon mais la diminution récente du nombre de saumons remontant en rivière est pour le moins déconcertante. Je pense qu'il est nécessaire d'entreprendre des études scientifiques très poussées sur le saumon de l'Atlantique, sous la direction du gouvernement fédéral et avec le concours de tous les pays de l'Atlantique Nord. Des phénomènes qui n'ont pas encore été éclaircis se produisent dans cet océan ou dans le processus environnemental.

Ainsi, dans la Miramichi, les stocks de saumoneaux demeurent très abondants; c'est la raison pour laquelle nous avions décidé d'y maintenir cet élevage et nous avons été terriblement déçus par la décision du gouvernement fédéral de le fermer. Tant que l'on n'aura pas déterminé la cause de la diminution catastrophique des stocks de saumon dans l'océan, notre seul recours sera de faire en sorte que le niveau de production de saumoneaux demeure élevé. C'est ce que nous faisons, mais les poissons qui descendent vers l'océan ne remontent pas dans la rivière.

Par conséquent, les pouvoirs publics, tant à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial, se doivent d'accroître considérablement les budgets et les activités de recherche pour déterminer la cause de la disparition mystérieuse du saumon de l'Atlantique et trouver une solution à ce problème, en incitant d'autres pays de l'Atlantique Nord à l'imiter. Le Canada devra faire preuve de leadership dans ce domaine.

Le président: Merci, monsieur Bird.

Monsieur Stoffer, soyez très bref. Nous avons une demi-heure de retard et un témoin supplémentaire vient d'être inscrit.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également M. Bird, qui a déjà été député.

J'aurais de nombreuses questions à poser, notamment en ce qui concerne les conséquences de l'aquiculture sur les stocks de saumon sauvage...

M. Bud Bird: Elles sont effrayantes.

M. Peter Stoffer: ...mais je ne vous demanderai pas d'en parler aujourd'hui. Je serais enchanté si vous pouviez aborder le sujet un jour.

À la page 3 de votre mémoire, vous signalez notamment que c'est le MPO qui est responsable d'assurer, entre autres choses, la gestion des ressources halieutiques, par l'intermédiaire du ministre des Ressources naturelles des provinces. En ce qui concerne la pêche autochtone, vous signalez que la responsabilité incombe au MPO, qui délègue ses pouvoirs au chef et au conseil des diverses bandes. Ne préconisez-vous pas l'adoption d'une nouvelle formule axée sur la cogestion des ressources, à la suite de la décision Marshall?

M. Bud Bird: Je crois que le mode de gestion des bassins hydrographiques que nous recommandons est axé sur le principe de la cogestion. Nous préconisons effectivement une formule axée sur la cogestion ou la gestion communautaire.

Ce que j'essaie notamment d'expliquer, c'est qu'il y aurait un groupe important, surtout en ce qui concerne les Autochtones ne vivant pas dans les réserves ou les Métis, qui ne serait en quelque sorte pas soumis à l'autorité de la bande, du chef et du conseil ni à celle du gouvernement fédéral.

Ce que je veux dire, en fait, c'est que la gestion de la ressource ne peut être efficace si elle échappe un tant soit peu à des règlements applicables.

Par exemple, si les Autochtones ne vivant pas dans les réserves ou les Métis, ou n'importe quel autre segment de notre population, peuvent récolter cette ressource naturelle ou une autre, ils doivent le faire dans le contexte d'une structure de gestion et d'une réglementation applicable. Ce sera un défi de taille en ce qui concerne divers groupes tels que les Autochtones vivant en dehors des réserves et les Métis, parce qu'ils ne sont intégrés à aucune de ces structures.

M. Peter Stoffer: J'ai une dernière question à vous poser.

Le président: Non, c'est M. Power qui posera la dernière question.

• 1450

M. Bud Bird: J'ai commencé un peu tard, monsieur le président.

Le président: Allez-y.

M. Bud Bird: Cette discussion me passionne.

M. Charlie Power (St. John's-Ouest, PC): Comment définirait-il...

Une voix: Ça fait plaisir de voir un ex-parlementaire conservateur.

M. Peter Stoffer: Vous n'avez pas pu vous empêcher de le signaler. Un jour, ils seront tous ex...

Le président: Ils sont plutôt rares.

M. Peter Stoffer: Je plaisantais seulement, monsieur le président.

Le président: Vas-y, Charlie.

M. Bud Bird: Quels supporters enthousiastes j'ai.

M. Charlie Power: Ce matin, nous avons parlé de la situation en Ontario—surtout M. Steckle—et nous avons expliqué pourquoi le ministère des Pêches et des Océans avait en quelque sorte abandonné la gestion des pêches intérieures, surtout de la pêche sportive.

Lorsque vous étiez député fédéral ou ministre provincial... Étant donné que de nouvelles études, voire une certaine répression, sont nécessaires et qu'il faut s'occuper des élevages, à qui s'adresserait-on s'il n'y avait pas un ministère responsable du poisson et du gibier à Ottawa..., à moins de s'adresser à un autre ministre? Ne seriez-vous pas mieux représentés par le ministère de l'Environnement que par le MPO? Qu'en pensez-vous?

M. Bud Bird: Pas en ce qui concerne une ressource comme le saumon de l'Atlantique, compte tenu de ce que je sais des pouvoirs du ministre des Pêches et des Océans. En ce qui concerne cette espèce, le problème se situe actuellement au niveau des océans. C'est à ce niveau que se situe le mystère. C'est bien entendu le ministre des Pêches et des Océans qui aurait normalement le plus d'influence au Cabinet et au Comité du budget.

M. Charlie Power: À propos de l'océan, pouvez-vous dire si des mesures ont été prises pour réduire les prises de saumons sauvages au Groenland?

M. Bud Bird: Oui. À la suite de négociations menées par l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord, les quotas du Groenland ont été considérablement réduits au cours des dernières années et ce, en grande partie grâce...

M. Charlie Power: À l'insistance du Canada.

M. Bud Bird: ....à l'instance du Canada.

Pour ce qui est d'éclaircir le mystère actuel, la coopération internationale est tout aussi nécessaire car la recherche et l'analyse scientifique de la diminution considérable des stocks de saumon et la recherche d'une solution à ce problème nécessitent des investissements énormes.

Le président: Je vous remercie l'un et l'autre.

Merci bien pour votre témoignage, monsieur Bird. Nous apprécions vos efforts. C'est un mémoire très fouillé.

Je donne maintenant la parole à M. Leon Sock du—je n'arriverai pas à prononcer ce nom convenablement et il faudra sûrement que vous me corrigiez—Mawiw Council of First Nations, qui est accompagné de Susan Levi.

Pourriez-vous faire votre exposé assez rapidement—nous ne disposons que d'une demi-heure—pour nous laisser du temps pour les questions?

M. Leon Sock (président, Mawiw Council of First Nations): Oui.

Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des pêches et océans, je tiens à vous remercier d'avoir invité notre Conseil des Premières nations à venir parler de la question de la mise en oeuvre du traité et de l'interprétation du jugement Marshall rendu par la Cour suprême du Canada.

Cette décision pose de nouveaux défis à toutes les parties concernées. Les Micmacs et les Malécites sont des habitants de ce territoire. Je signale que nous n'avons nul autre endroit où retourner. Par conséquent, nous devons apprendre à survivre là où nous sommes, quelles que soient les conditions ou les circonstances. Nous n'avons pas le choix.

• 1455

Les recommandations que je ferai sont fondées sur une longue expérience et elles sont appuyées par notre peuple. Nos opinions sont bien antérieures au jugement Marshall mais elles se sont cristallisées autour de cette décision importante; bien qu'ils s'appuient sur le passé, nos témoignages et nos interprétations sont axés sur l'avenir social, politique et économique des Premières nations que nous représentons et de notre peuple.

Les fondements de nouveaux rapports sociaux, politiques et économiques sont à notre portée. C'est une excellente occasion de régler de façon définitive et constructive les problèmes dus à l'état de dépendance de nos collectivités, à tous les égards.

Nous nous proposons de parler des antécédents et des principaux objectifs des Premières nations Mawiw en ce qui concerne leur intégration au secteur de la pêche commerciale et leur participation à la gestion des pêches.

Les Micmacs et les Malécites ont accès aux ressources halieutiques depuis des temps immémoriaux, que ce soit pour assurer leur subsistance, faire du troc ou à d'autres fins.

Au début du siècle, notre peuple pratiquait la pêche pour assurer sa subsistance. C'était déjà un défi de taille. Il a eu affaire à des menteurs et à des avocats ou à des juges dénués de tout scrupule—à divers intervenants du secteur des pêches. Quoi qu'il en soit, il devait vendre du poisson pour pouvoir survivre.

La situation n'a changé qu'au début des années 70, lorsque le gouvernement du Canada décida de réglementer les pêches et d'instaurer le régime des permis. Sous ce régime, les provinces ont donné aux pêcheurs la possibilité d'avoir accès à des ressources financières suffisantes pour s'acheter les bateaux et le matériel nécessaires. Ce processus s'est avéré avantageux pour les pêcheurs mais pas pour les Micmacs et les Malécites qui avaient été laissés pour compte et n'avaient pas accès aux permis ni aux ressources financières offerts aux autres pêcheurs. Nous avions délibérément été laissés pour compte.

Dans les années 90, à la suite du jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Sparrow, nous avons été à nouveau tenus à l'écart de la pêche commerciale, bien que nous ayons signalé à maintes reprises au ministère des Pêches et des Océans que nous avions également un droit d'accès aux pêches. Une fois de plus, personne ne nous a écoutés. On nous a dit que nous n'avions accès au poisson qu'à des fins alimentaires, sociales ou rituelles et qu'il n'était pas question d'avoir accès à la pêche commerciale. C'est ce qui a tout déclenché.

Grâce aux traités, nous avons maintenant enfin accès à la pêche commerciale.

L'intégration au secteur de la pêche commerciale de pêcheurs compétents doit être calculée et orchestrée de façon à obtenir des résultats optimums. Les statistiques actuelles sur les activités commerciales sous le régime des permis révèlent que le nombre de pêcheurs diminuera d'environ 1 800 au cours des cinq prochaines années. Le nombre maximum de nouveaux venus sera de 500 à 700 pêcheurs dans la meilleure des conjonctures. Le nombre de départs sera deux fois supérieur au nombre d'arrivées, ce qui permettra de respecter les critères d'exploitation durable.

• 1500

Les connaissances de notre peuple en matière de pêche commerciale se sont estompées. Nous devrons reprendre la formation en ce qui concerne tous les aspects de la pêche. Nous devrons obtenir accès à des bateaux et à un équipement modernes. Ce sera une tâche d'envergure.

Par conséquent, nous proposons un modèle d'intégration ambitieux.

Notre première recommandation porte sur la création d'un fonds de capital-risque autochtone offrant des possibilités d'investissement dans de nouvelles entreprises de pêche.

Notre deuxième recommandation concerne la création, au ministère des Affaires indiennes, de programmes d'intégration au secteur de la pêche commerciale pour assurer le contrôle réglementaire du transfert des ressources.

Notre troisième recommandation porte sur la création d'un programme d'installation de congélateurs collectifs afin de pouvoir approvisionner en poisson les membres de la collectivité pendant toute l'année.

Notre quatrième recommandation concerne l'instauration d'un programme de pêche en sous-traitance permettant aux Autochtones d'acquérir des connaissances de base sur le secteur de la pêche afin d'être admissibles au certificat d'apprentissage.

Notre cinquième recommandation porte sur la création d'un programme d'accréditation en vertu d'un traité afin de permettre à nos pêcheurs d'acquérir les compétences et la formation professionnelle nécessaires.

Notre sixième recommandation concerne la création d'un comité mixte du transfert des ressources dans le but d'instaurer un mécanisme permettant un accès juste et équitable aux ressources commerciales disponibles à l'échelle locale.

Notre septième recommandation porte sur la création d'un programme innovateur de cofinancement pour donner aux collectivités les moyens de créer un fonds de partenariat.

Notre huitième recommandation concerne la création d'une commission chargée de s'assurer que tous les plans de gestion des ressources du MPO sont conformes à la décision Marshall.

Notre neuvième recommandation a trait à la création d'un programme de retraite et de réinvestissement.

Notre dixième recommandation porte sur l'établissement d'une association de récolte commerciale permettant la collaboration entre les pêcheurs.

Un contrôle communautaire, une intégration commerciale tangible et un effort concerté de la part des pouvoirs publics, des chefs ou des conseils et des pêcheurs, pour collaborer dans un climat d'équité et de responsabilité, sont indispensables.

À ce propos, je voudrais signaler que, jusqu'à présent, les efforts déployés dans le cadre de la Stratégie sur les pêches autochtones se sont soldés par un échec et ont engendré des accords communautaires ne laissant aucune place à l'innovation, au soutien à la récolte ou à l'aide individuelle.

Si l'on veut que la situation change, il faudra consulter ceux et celles qui en souffrent le plus. Les Autochtones ont été victimes d'injustices dans le passé. Il faudra réparer ces injustices.

Voilà l'essentiel de mon exposé. Je vous ai remis un mémoire plus étoffé. Merci.

Le président: Merci bien, monsieur Sock. Je vous remercie d'avoir proposé quelques solutions.

Avant de passer la parole à mes collègues, j'ai une question à vous poser au sujet de la Stratégie sur les pêches autochtones. Je présume que vous n'êtes pas satisfait de la stratégie actuelle. Le comité l'examinera d'ici peu, mais pouvez-vous me dire brièvement ce que vous en pensez?

M. Leon Sock: Pour être bref, je dirais que la Stratégie sur les pêches autochtones n'a rien à voir avec le poisson. Elle a plutôt pour effet d'empêcher les Autochtones de pêcher.

Le président: Merci.

Monsieur Bernier.

• 1505

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): J'aimerais remercier nos témoins de leur participation. Leur document est bien rédigé et on y distingue clairement toutes les étapes de la réflexion.

Je ne connais pas bien votre nation. De façon concrète, j'aimerais savoir comment se déroulent les discussions. Est-ce que vous avez eu l'occasion de rencontrer le médiateur, M. MacKenzie? Deuxièmement, comment s'annoncent les pêches de cet hiver ou du printemps prochain?

La mise en oeuvre de toutes les étapes que vous avez identifiées va exiger beaucoup de temps. Comme nous l'indiquaient d'autres témoins tout à l'heure, il nous faudra assez de temps pour identifier les pêcheurs qui seront prêts à prendre leur retraite. Comment procédera-t-on?

Je voudrais que vous me décriviez vos contacts avec le médiateur. Est-ce que votre nation ou votre communauté autochtone peut attendre à ce qu'on établisse un calendrier de travail? Il ne faudrait pas qu'on ait encore des surprises comme celles qu'on a eues cet automne.

[Traduction]

M. Leon Sock: Bien. Nous n'avons jamais rencontré M. MacKenzie. Nous ne savons pas ce qu'il comptait mettre en place et nous n'avons pas eu le moindre contact avec lui. Nous espérons avoir l'occasion de le rencontrer sous peu et de discuter de ces questions avec lui. Nous n'avons toutefois pas encore rencontré M. MacKenzie ni d'autres responsables.

[Français]

M. Yvan Bernier: Votre nation ne m'est pas familière. Notre ordre du jour indique que vous représentez le Mawiw Council of First Nations. Est-ce que vous faites partie de la nation micmac et, de ce fait, êtes couverts par le traité de 1760?

Si vous n'avez pas encore rencontré M. MacKenzie et que vous avez des droits en vertu de l'arrêt Marshall, quelles seront vos prochaines démarches? Vous reconnaissez qu'il y a une volonté de faire avancer les choses. Il ne faudrait pas que nous blâmions les pêcheurs non plus. Comment ferons-nous en sorte d'éviter que ne surviennent d'autres problèmes sur la place publique ou sur l'eau le printemps prochain?

En tant que chef, vous pouvez parler avec les gens de votre nation, tout comme les représentants des pêcheurs pourront parler à leurs gens. J'ai cru comprendre que la personne qui peut officiellement discuter avec vous ne l'avait pas encore fait officiellement. Si vous ne la rencontrez pas, que pourrez-vous faire?

[Traduction]

M. Leon Sock: Je voudrais vous présenter notre organisation. C'est probablement par là qu'il aurait fallu commencer.

Le Mawiw Council of First Nations représente entre 60 p. 100 et 65 p. 100 de la population autochtone du Nouveau-Brunswick vivant dans des réserves. Les collectivités concernées sont la Première nation de Big Cove, la Première nation de Tobique et la Première nation de l'Église brûlée. Ce sont les plus grosses collectivités autochtones du Nouveau-Brunswick.

Les collectivités de Big Cove et de l'Église brûlée représentent la plupart des pêcheurs autochtones du Nouveau-Brunswick. Leurs intérêts sont liés à la pêche mais l'accès en a été interdit à leurs collectivités. La pêche est à leur porte, mais ils n'y ont pas accès.

• 1510

Ça fait des années que nous sommes conscients de la nécessité d'améliorer notre situation économique. Nous avons trop souffert. Les ressources étaient à notre portée et nous devions trouver un moyen d'avoir accès à ce secteur parce qu'une économie axée sur l'exploitation des ressources naturelles peut contribuer à réduire l'état de dépendance et à assurer l'équilibre affectif, la santé physique et le bien-être psychologique de nos membres.

Nous avons souvent exposé nos opinions. Nous les avons exposées au ministère des Affaires indiennes dans des documents pratiquement identiques à celui que vous avez sous les yeux. Nous les avons exposées au ministère des Pêches et des Océans, dans des documents presque identiques à celui-ci.

Nous avons exposé nos opinions parce que nous craignions que les personnes les plus concernées et les plus inquiètes pour leur famille soient exclues de ce processus. Nous craignions que le gouvernement du Canada négocie exclusivement avec les chefs. Nous craignions que les pêcheurs et leurs familles n'aient pas leur mot à dire.

C'est pourquoi nous avons exposé nos opinions, avec l'appui de tous nos membres.

Le président: Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): La semaine dernière, dans le cadre des audiences que nous avons tenues à Ottawa, nous avons eu le plaisir d'entendre le témoignage de Chris Harvey, un des avocats qui a plaidé dans les causes Sparrow et Gladstone. Il connaît à fond les faits liés à la question des pêches autochtones en ce qui concerne les 10 dernières années.

Il nous a exposé ses opinions sur le jugement Marshall dans un langage accessible à des profanes comme nous. Il estime qu'un certain équilibre est nécessaire parce que, si la balance penchait trop d'un côté, on violerait les droits issus de traités des Autochtones et si elle penchait trop de l'autre côté, on violerait les droits des pêcheurs déjà établis. Par conséquent, il fallait trouver un moyen terme.

À la page 3 de votre mémoire, vous dites:

    Le comité de la pêche commerciale communautaire veillera à l'octroi d'un seul permis individuel pour le homard, le crabe, la crevette, le saumon mâle à l'époque du frai, le maquereau, le hareng, le flétan, l'aiglefin, la morue et autres poissons de fond, les huîtres, les moules et autres produits de la mer.

J'ai des réticences à ce sujet. En effet, si tous vos membres obtenaient un de ces permis puis à partir de ça, un permis de pêche commerciale, le nombre de permis de pêche du homard par exemple serait plus élevé qu'à l'heure actuelle, ce qui irait à l'encontre des droits des pêcheurs déjà établis.

Aussi, je voudrais savoir comment on pourrait atteindre l'équilibre nécessaire entre pêcheurs autochtones et non autochtones.

• 1515

M. Leon Sock: Nous essayons en fait de ne pas axer nos efforts sur une seule espèce mais sur toutes les espèces accessibles pour l'exploitation commerciale. Ça n'irait pas si tous les pêcheurs ne s'intéressaient qu'au homard alors que d'autres espèces sont accessibles. Le nombre de places dans la pêche du homard est de toute façon limité, si l'on ne veut pas nuire à la conservation.

Vous avez parlé d'équilibre et d'équité. Vous avez parlé d'inclusion à l'accès à la ressource. Il ne faut pas oublier que lorsque nous y avons eu accès, il y a quelques années à peine, pas à des fins commerciales mais à des fins alimentaires, nos bateaux n'avaient même pas la longueur de cette table.

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

• 1610

Le chef Arthur Bear (chef, Première nation de St. Mary's; commissaire des Pêches, Union of New Brunswick Indians): ...C'est à environ 120 milles de la baie Ste-Marie. Je me demandais alors ce qui arriverait si nous participions. Je me demandais si l'on n'allait pas couler nos bateaux pour se venger. Nous aurions toujours pu surveiller nos casiers et nos filets à homard, je suppose.

En ce qui concerne les règlements, ils sont effectivement nécessaires. Qui doit établir les règlements? J'ai toujours préconisé que la pêche soit réglementée par les Autochtones de chaque collectivité. On connaît les membres de sa collectivité et par conséquent ils nous respectent. Personnellement, j'estime que la pêche doit être réglementée—selon notre perspective.

[Français]

M. Yvan Bernier: Est-ce que la même réglementation devrait prévaloir? Est-il envisageable qu'on en vienne à respecter la même réglementation que les pêcheurs dits traditionnels?

[Traduction]

Je veux dire en ce qui concerne la saison de pêche du homard par exemple.

Le chef Arthur Bear: Vous voulez savoir si nous pouvons réglementer la pêche aussi bien que...

M. Yvan Bernier: Les règles et les saisons seraient-elles les mêmes, par exemple?

Le chef Arthur Bear: Ah! Vous voulez savoir si l'on appliquerait la même réglementation.

Si nous collaborons... Je crois que ça reviendra de toute façon au même. Nous pourrions... Examinons la question sous l'angle suivant. Si nous voulons pratiquer une pêche de subsistance, pouvons-nous aller pêcher avant l'ouverture? Pouvons-nous aller pêcher deux ou trois semaines avant le début de la saison? Pouvons-nous aller pêcher deux ou trois semaines après? Nous permettra-t-on de faire ce que nous voudrions?

Je crois que c'est une question qu'il faut régler. Il faut dialoguer. Nous le permettra-t-on? Nous dira-t-on que nous pouvons y aller? Est-ce un règlement? Nous dira-t-on qu'on ne peut pas y aller, qu'il faut observer les règlements et qu'il faut aller pêcher durant la même période que les autres? C'est à négocier. Ne pensez-vous pas que ces règles seraient différentes?

Le président: Avant de vous donner la parole, monsieur Stoffer, je voudrais dire au chef Bear que c'est un problème de synchronisation. Nous ne voulons pas—et le secteur de la pêche commerciale ou le MPO non plus—nous retrouver dans la même situation qu'à la fin de l'été ou au cours de l'automne, lorsque le jugement Marshall a été rendu. Il est nécessaire de mettre en place un plan provisoire ou permanent.

Et si l'on veut par exemple essayer de racheter les permis pour accommoder les droits des Autochtones, il faudra s'y prendre bien avant le printemps. Il faudra s'y mettre en février parce qu'un permis ne se rachète pas du jour au lendemain.

Dans le mémoire qu'elle a présenté ce matin—et cette question s'adresse plutôt à M. Birney, puisqu'il est biologiste, si j'ai bien compris—, l'UPM a signalé que le MPO a admis que l'on pêchait environ 750 000 livres de homard en période de fermeture dans le cadre de la pêche de subsistance. Nous avons entendu beaucoup de critiques au sujet de cette pêche de subsistance. Les Autochtones ne sont pas les seuls responsables de ces prises car d'autres personnes—des blancs ou d'autres—se servent de la pêche de subsistance pour faire du braconnage et vendent leurs prises sur le marché noir.

• 1615

Je pense que si l'on continue à pratiquer ce genre de pêche, elle risque de causer des dommages considérables et de compromettre l'avenir du secteur de la pêche du homard, pour autant que ces chiffres soient exacts—et il paraît que ce sont ceux du MPO. Je voudrais que M. Birney dise si la pêche du homard peut résister à des prises aussi considérables au titre de la pêche de subsistance.

Je voudrais en outre que le chef Bear explique comment on peut réglementer la pêche de subsistance de façon à éviter qu'un marché noir se développe. À mon avis, personne ne s'oppose à la pêche de subsistance si elle est pratiquée sans excès et si elle sert effectivement à assurer la subsistance des collectivités autochtones. Par contre, elle ne doit pas être exploitée à des fins détournées. Comment peut-on régler ce problème?

Ma première question s'adresse donc au biologiste et ma deuxième concerne une solution aux problèmes engendrés par la pêche de subsistance.

M. Peter Birney (biologiste, Union des Indiens du Nouveau-Brunswick): Je peux peut-être répondre le premier.

Je suis biologiste mais je ne suis pas spécialisé dans l'étude du homard. J'ignore si ces chiffres sont exacts. Je ne les avais encore jamais vus dans ce contexte. Je suis toutefois d'accord avec vous sur plusieurs points.

Quelques individus se sont servis d'une collectivité autochtone comme paravent alors qu'ils n'en faisaient même pas partie ou qu'ils n'étaient même pas des Autochtones. Je pense que c'est un gros problème. C'est un problème de braconnage. Par contre, j'estime que la pêche de subsistance se justifie pour autant qu'il s'agisse d'un type de pêche pratiquée par les Autochtones, quelle que soit la saison, parce qu'elle sert à assurer la subsistance de la collectivité autochtone concernée.

Un autre avantage de la présence des Autochtones à la pêche est qu'elle élimine en grande partie le braconnage pratiqué par des non-Autochtones. Une présence constante sur l'eau dissuade les individus qui voudraient profiter du fait que personne n'est à la pêche pour braconner.

En ce qui concerne la question de la réglementation, la pêche de subsistance est effectivement réglementée par les collectivités autochtones. Ce n'est pas une pêche que l'on peut pratiquer n'importe comment; c'est une pêche légitime, qui est nécessaire.

Je cède la parole au chef Bear.

Le président: Avez-vous des commentaires à ajouter, monsieur Bear?

Le chef Arthur Bear: Dans ma collectivité ou dans n'importe quelle autre, il y a toujours des individus... on ne peut pas surveiller tout le monde. Il y a des braconniers dans toutes les collectivités, et pas seulement dans celles des Premières nations.

Monsieur le président, je me permets de signaler que nous réglementons la pêche du homard, ainsi que la pêche de l'oursin. Ces pêches sont réglementées. Nous établissons nous-mêmes les règlements.

J'ai déjà dit que nous n'avons pas profité du jugement Marshall pour aller pêcher mais nous aurions pu le faire. Qu'est-ce qui nous en a empêchés? Nous avons considéré la décision Marshall comme une ouverture. Nous l'avons interprétée comme une invitation à négocier, à réglementer et à discuter d'autres pêches dans cette zone.

Pour l'instant, on veut nous embarquer dans la pêche du thon. C'est absolument impossible. Cette pêche est réglementée. Je sais qu'elle se pratique en Nouvelle-Écosse. Nous sommes toutefois disposés à négocier et à discuter d'autres types de pêches que celles du homard et de l'oursin.

Le président: Merci, monsieur Bear.

Monsieur Stoffer, c'est le dernier tour de questions.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. Je remercie également le chef Arthur Bear et ses collègues d'être venus nous présenter un excellent mémoire.

Vous avez fait deux ou trois commentaires qui ne concordent pas avec les témoignages que nous avons entendus. M. Sark, le chef de la Bande Lennox, a d'ailleurs reconnu l'autre jour que, d'après ses calculs, on avait capturé au minimum 50 000 livres de homard. C'est la quantité de homard pêchée par les membres de sa bande, laquelle réglemente la pêche et assure la surveillance.

Aucun groupe autochtone ne consomme 50 000 livres de homard; il ne fait donc aucun doute que des non-Autochtones pêchent illégalement. Nous en avons des preuves. Nous possédons en outre des preuves d'activités de pêche autochtone illégales. Une des raisons pour lesquelles nous avons maintenu en partie la pêche à des fins alimentaires et rituelles est qu'il est nécessaire de vendre les prises excédentaires pour couvrir les frais associés à la pêche du homard.

• 1620

Une partie des prises est vendue pour payer l'essence et couvrir les autres frais d'exploitation des bateaux. Je ne comprends pas très bien, étant donné que lorsqu'on pêche le homard hors saison, on peut en capturer beaucoup plus vite avec un seul casier qu'avec 10 casiers pendant la saison d'ouverture.

Monsieur Bear, vous êtes le premier chef autochtone qui soit disposé à négocier et à accepter une réglementation pour autant que vous participiez aux négociations, et je vous en félicite. J'espère que nos autres interlocuteurs seront du même avis que vous. Bien que vous ayez légitimement le droit de capturer du homard à des fins alimentaires, rituelles et culturelles pendant toute l'année, je suis fermement convaincu qu'il est beaucoup plus avantageux de pêcher le homard en période de fermeture que pendant la saison normale.

Les deux premières semaines de la saison de pêche du homard sont excellentes pour tous les pêcheurs. Après ça, la pêche est beaucoup moins fructueuse. Par contre, si vous pêchiez trois semaines avant l'ouverture, vous captureriez un très grand nombre de homards, parce que c'est la saison de la mue: leur carapace est molle, ils sont affamés et sautent sur n'importe quoi.

Ce dont je veux m'assurer, c'est que vous en teniez compte. Si vous voulez établir une réglementation avec le concours des non-Autochtones, c'est un facteur dont vous devriez tenir compte.

Ceux qui affirment que la présence de pêcheurs sur l'eau pendant toute l'année—ce n'est pas tout à fait ce que vous avez dit—a un effet dissuasif sur le braconnage, ne tiennent pas compte du rôle du MPO dont c'est la responsabilité de patrouiller les eaux et de faire de la répression contre la pêche illégale.

M. Peter Birney: En fait, le MPO n'a pas des effectifs suffisants pour assurer une surveillance efficace.

M. Peter Stoffer: Nous y sommes! Merci. Dieu vous bénisse!

M. Peter Birney: La présence de pêcheurs sur l'eau a toutefois un effet dissuasif.

Je me permets de vous rappeler par ailleurs que les membres des Premières nations protègent l'environnement. Nous sommes les premiers à l'avoir protégé. Pour en revenir à ces chiffres, je ne sais pas d'où ils viennent ni comment ils ont été obtenus. Nous sommes tous d'accord sur le fait que le braconnage est une industrie florissante dans le secteur de la pêche du homard mais j'estime qu'il est injuste de le mettre sur le compte de la pêche de subsistance autochtone.

M. Peter Stoffer: Ce n'est pas cela. Ce n'est pas qu'un groupe qui est concerné. Tous les groupes sont concernés.

M. Peter Birney: Oui, tous les groupes sont concernés.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

Allez-y, monsieur Bear.

Le chef Arthur Bear: Je voudrais faire quelques commentaires.

Nous ne voulons pas être tenus à l'écart de la pêche du homard. Je suppose que nous sommes dans le même cas que toutes les autres Premières nations. C'est un type de pêche dans lequel nous n'avons pas d'expérience. Vous avez d'ailleurs entendu le témoignage des représentants de la bande de Big Cove. Les membres de cette bande ont de l'expérience dans ce genre de pêche. Ils savent à quelles périodes il faut éviter de pêcher le homard, parce qu'il mue par exemple. Je pense que nous adopterons la même attitude. Quand nous avons appris, grâce à la décision Marshall, que nous pouvions pêcher toute l'année, nous avons pensé à la conservation. Nous ne tenons pas à détruire les stocks.

Plusieurs de nos membres pêchent en plongée. Nous utilisons cette technique de pêche pour diverses espèces comme le pétoncle. C'est de la pêche de subsistance. Nous limitons cependant toujours nos prises. Nous ne nous laissons pas aveugler par l'appât du gain. C'est une chose dont je suis sûr, en ce qui concerne notre Première nation du moins. Je ne pense pas que nous mettrions la pêche du homard en péril si elle était ouverte toute l'année. Je sais que des mesures de conservation sont nécessaires, mais jusqu'à ce que...

Permettez-moi de signaler brièvement que c'est ce qui s'est passé dans le cas du saumon. On nous a interdit l'accès à la rivière. Nous respectons cette interdiction parce que nous savons que le saumon a disparu. Nous voulons que nous enfants puissent voir du saumon. C'est pourquoi nous avons signé ces accords. Personnellement, je ne suis pas particulièrement enthousiaste au sujet de ces accords, mais ils créent de l'emploi pour 10 semaines pour les membres de notre collectivité.

En résumé, nous sommes de fervents protecteurs de la nature et nous nous efforcerons de le rester.

Merci.

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Je vous remercie, messieurs.

• 1625

Les derniers témoins sont des représentants de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Il s'agit de Charles Bernard fils, ambassadeur pour les Micmacs, de Charles Marble, pêcheur et de Charles Bernard, pêcheur.

M. Charles Bernard fils (ambassadeur micmac auprès de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je sais que votre temps est limité. J'apprécie votre invitation et je ferai de mon mieux pour être bref.

Je vous ai fait distribuer un document. C'est notre mémoire mais je laisserai parler mon coeur, comme mes aînés me l'ont enseigné.

Depuis 1986, je représente mon peuple dans diverses réunions, que ce soit à Genève ou à New York. Après que le premier jugement de la Cour suprême eut été rendu, c'est-à-dire après 1985, j'ai été formé par le grand chef Donald Marshall, père de la personne impliquée dans cette affaire, Donald Marshall fils.

J'ai rédigé quelques notes que je consulterai à titre de référence.

D'après le témoignage de mes anciens—et c'est ainsi que j'ai appris ce que je sais—, ces traités ne sont pas là sans raison. Il y a une raison pour laquelle on négocie ces traités. Le mémoire que je présente porte sur l'indemnisation. La première recommandation que j'aurais à faire à ce sujet est qu'il convient d'indemniser notre peuple pour l'avoir empêché d'exercer ce droit à compter du jour où la décision de 1999 a été rendue.

J'ai eu l'occasion de parler à plusieurs familles qui m'ont dit être très préoccupées à l'approche de Noël. C'est le genre de préoccupations qu'ont toutes les familles, qu'elles soient autochtones ou non autochtones.

Nous avons déjà participé à de nombreuses études. J'ai participé aux travaux de la Commission royale sur les peuples autochtones. J'ai également participé aux travaux de la Commission royale sur l'affaire Donald Marshall. J'ai en outre fait partie du comité d'étude de la Nouvelle-Écosse placé sous la direction d'Eric Kierans, en 1992. Nous estimons avoir fait l'objet d'innombrables études. Une foule de recherches ont été effectuées. Il est maintenant temps d'établir un plan d'action. Nous sommes arrivés au stade où l'on se demande qui représente qui.

J'ai assisté à votre réunion à Halifax hier. D'après les questions qui ont été posées, je me rends compte qu'on ne sait plus très bien qui représente qui. Aussi, je me propose de vous communiquer les connaissances que mes aînés m'ont transmises.

Le regretté grand chef Donald Marshall père a dit que lorsqu'on avait signé ce traité, il avait été signé avec le Roi George III par le grand chef d'une nation souveraine. Les parties sont deux nations souveraines. Ce traité a été conclu pour sceller un accord fondé sur le respect mutuel et la volonté de coexistence.

On se demande souvent qui représente qui. Il faut savoir que c'est un processus d'apprentissage pour les deux parties, monsieur le président. La plupart des Canadiens ne savent pas exactement qui nous sommes et ce que nous sommes. Cette ignorance engendre des réactions comme le racisme et la confrontation. Elle engendre des situations qui causent des souffrances à notre peuple et à nos petits enfants. Le taux de pauvreté est élevé au Canada. Nous avons affaire à un régime qui n'assume pas ses responsabilités, et je parle du ministère des Pêches et des Océans.

Hier, quelqu'un m'a demandé si nous estimions ne pas être traités de façon équitable sous le régime instauré par le MPO. C'est un fait. Nous sommes traités autrement que les autres Canadiens. Mon beau-père est âgé de 66 ans. Il pêchait l'huître il y a quatre ou six ans, avant que le jugement ne soit rendu. On a donc interdit à un homme de 66 ans de continuer à pêcher l'huître. Pourtant, il l'avait fait toute sa vie.

• 1630

C'est le MPO qui est intervenu après la décision. Le ministère a chargé un fonctionnaire de lui téléphoner. La langue maternelle de mon beau-père est le micmac et sa deuxième langue est l'anglais. Il parle couramment micmac à mes enfants. Il ne veut pas leur parler anglais parce qu'il n'a jamais été partisan de l'éducation en anglais. Le fonctionnaire du MPO l'a appelé pour lui demander s'il souhaitait se remettre à pêcher l'huître, quatre ans après qu'on lui ait interdit de le faire à la suite du jugement. Voilà le genre d'attitude qu'adopte le MPO.

Quand nous allons à la pêche, le MPO nous impose ses règlements. J'ai des contacts avec des avocats de toutes les régions du monde et j'ai également consulté des professeurs de droit à ce sujet. Je leur ai demandé si le régime du MPO était toujours applicable. La plupart d'entre eux m'ont dit que non, que le régime canadien, celui du MPO, n'était plus applicable. Ils ont dit qu'il fallait conclure un nouveau type d'accord conforme au nouveau régime créé par le jugement Marshall.

J'ai des documents à vous montrer. Je vous les laisserai. Voici une photo de Donald Marshall prise au moment où la décision a été confirmée. A-t-il l'air heureux pour un homme qui a lutté pour faire valoir ses droits et ceux de son peuple? Non. Cet homme a l'air triste. Il faut se demander pourquoi il a l'air triste. Peut-être parce qu'il était en train de se demander combien d'épreuves notre peuple devrait encore subir.

Comme le montre la télévision, le racisme est dû à un manque d'informations et à un manque d'éducation. Il faut apprendre à ces individus à être équitables. Ils prétendent vouloir l'équité, vouloir être traités de la même façon que les Autochtones et ne veulent pas que ceux-ci aient des droits spéciaux. Je suis désolé, mais nous estimons avoir affaire à deux régimes distincts en l'occurrence.

J'ai examiné la dernière décision de la Cour suprême, celle du 17 novembre. Dans cette intervention, la Cour dit que nous avons le droit de tirer une subsistance convenable des activités en question. Le traité emploie le terme «biens nécessaires». La version modernisée de ce terme employée par la Cour suprême est «subsistance convenable».

J'ai vérifié les statistiques sur Internet et effectué toutes les recherches nécessaires pour trouver les renseignements dont j'avais besoin. En Nouvelle-Écosse, le revenu familial moyen est de 45 615 $. Pensez-vous que quelqu'un qui reçoit des prestations d'aide sociale depuis 20 ou 30 ans—car le régime existait déjà à cette époque—et dont le revenu annuel se situe entre 5 000 $ et 13 000 $ refusera votre offre si vous lui proposez de toucher 45 000 $? C'est peut-être ce montant qui devrait servir de point de départ pour décider ce qu'est une subsistance convenable. Ce critère s'applique-t-il à tous les Néo-Écossais?

Notre peuple a l'impression de ne pas faire partie du Canada ou de la Nouvelle-Écosse. Je vous signale que plusieurs pays ont adopté un régime de gouvernement tricaméral. Au Canada, on pourrait très bien adopter un ordre de gouvernement à trois paliers. Je l'ai dit dans le cadre des délibérations du comité Kierans, des discussions sur l'Accord de Charlottetown et des pourparlers sur l'Accord du lac Meech. Ce serait possible. C'est le régime en vigueur dans certains pays comme la Suisse. Je suis allé en Suisse et je suis également allé en Suède. Il y a des modèles à l'étranger.

En ce qui concerne l'indemnisation, je signale que ce qui s'est passé dans un premier temps et dans un deuxième temps est lié au mandat de M. MacKenzie. Dans un premier temps, depuis que la décision a été rendue, le peuple autochtone n'a pas eu l'occasion d'exercer le droit qu'elle lui conférait. Il a été privé du droit de tirer une subsistance convenable des activités en question. Il faudrait également régler la question des plans à long terme qui seront établis pour cinq ans au mois d'avril, pour éviter des conflits comme ceux qui ont éclaté à l'Église brûlée et à Yarmouth. Ce processus éducatif doit avoir lieu.

Pour parler à nouveau du traité, je signale qu'il a été signé par deux rois en 1752, à savoir Jean-Baptiste Cope et un représentant du Roi George III. Il y avait deux régimes. Vous vous demandez qui représentait qui? En l'occurrence, il s'agissait de deux rois et l'un d'eux était le grand chef. Le grand chef a aussi des subalternes.

• 1635

Notre hiérarchie supérieure comprend trois échelons, à savoir le grand chef, le grand capitaine, qui supervise le capitaine de tout le territoire micmac, qui s'étend du Québec à Terre-Neuve et inclut le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, et une autre personne appelée putus dans notre langue. Ce terme signifie «gardien de la loi» et c'est lui qui est le gardien du traité.

Le régime en vigueur aux États-Unis est analogue. Il comprend le président, le vice-président et le secrétaire d'État. C'est dans cette perspective qu'il faut examiner la question.

Les capitaines sont les bénéficiaires du traité. Si l'on demande à la Cour suprême ou à un juriste quels sont les bénéficiaires, ce sont eux. À notre niveau, on ne se préoccupe pas de la différence entre les non-inscrits et les inscrits. C'est peut-être une préoccupation aux échelons inférieurs mais pas aux échelons supérieurs, parce que nous ne sommes pas assez nombreux.

Les Autochtones inscrits ne sont pas nombreux et les non inscrits non plus. Cette décision nous appartient. C'est au grand chef, qui est notre roi, et à ses assistants, qu'il incombe de tenir des audiences et de prendre les décisions.

Plusieurs personnes ont dit hier qu'il était impossible d'adopter un système à deux paliers, ce qui m'a agacé. Nous sommes déjà soumis à un régime à deux paliers. Nous avons l'anglais et le français. C'est un régime à deux paliers. D'autre part, il y a les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. C'est également un système à deux paliers. Si l'on y ajoute le Sénat, c'est un système à trois paliers. Ce genre de système est déjà existant. Par conséquent, pourquoi est-il si difficile d'adopter un système satisfaisant pour notre peuple dont le désir est d'assurer sa subsistance?

Il n'est pas nécessaire de parler indéfiniment des problèmes sociaux de mon peuple. J'ai parlé hier à des représentants de la réserve de Shubenacadie, de la réserve de Big Cove et de celle d'Eskasoni. Ce sont les trois plus grosses réserves que je supervise. Ce sont les réserves où le taux de suicide est le plus élevé. Les jeunes disent qu'ils ont perdu espoir.

Le fils d'un représentant des Inuits s'est suicidé pendant que celui-ci était en Angleterre pour défendre les intérêts de son peuple.

La situation est très préoccupante dans nos réserves où les taux de suicide, d'incarcération et de chômage sont très élevés. Monsieur le président, dans la réserve d'Eskasoni, le taux de chômage est d'environ 90 p. 100. C'est dans notre plus grosse réserve, celle de Big Cove, que le taux de chômage est le plus élevé.

Il faut par conséquent trouver une solution. J'ai souvent demandé à des experts en droit étrangers quelle était la solution. Davantage de fonds? Les revendications territoriales? Quelle est la solution à ce problème? D'après eux, la solution à ce problème passe par la délégation des pouvoirs. Il faut rendre le pouvoir au peuple et lui permettre de prendre les décisions qui le concernent pour qu'il puisse regagner espoir face à l'avenir. C'est un besoin urgent.

Si nous devons utiliser Marshall... l'homme qui est revenu lutter pour son peuple après avoir été injustement condamné pour un meurtre qu'il n'avait pas commis. Il a passé 11 ans en prison, à cause d'un système judiciaire qui l'avait condamné injustement. Que faire, par conséquent? Il se pose des questions pour l'avenir.

J'ai parlé à Don Marshall. Il vient de temps en temps chez moi. Il m'a dit qu'il avait perdu espoir également.

Le président: Monsieur Bernard, pourriez-vous conclure assez rapidement pour nous laisser le temps de poser quelques questions?

M. Charles Bernard fils: Je voudrais vous parler d'un autre article de journal... paru lorsque j'assistais à la réunion du comité de tous les chefs à Beaver Brook. C'est alors que le jugement a été rendu. Cet article dit que, d'après une écologiste, il faut payer les Autochtones pour ne pas pêcher. Elizabeth May, présidente du Sierra Club, a déclaré qu'il fallait prévoir un système d'indemnisation. Si l'on veut nous empêcher de pêcher, il faut trouver une solution qui nous permette de tirer une subsistance convenable.

• 1640

Il ne fait aucun doute que la pauvreté règne dans nos réserves. D'après certains observateurs, nous faisons partie du tiers monde, voire du quatrième.

La Décennie de la suppression de la pauvreté étudie la question à l'échelle internationale aux Nations Unies. C'est devant ce groupe que je représente mon peuple.

J'attends impatiemment votre rapport. Je le remettrai au haut-commissaire avec lequel j'ai des contacts depuis quatre ans, ainsi qu'au commissaire responsable du groupe en question. Son coprésident doit venir au Canada en décembre. Il vient d'avoir un décès dans sa famille, au Costa Rica. Il m'a téléphoné hier.

Il faut trouver une solution équitable. Des consultations sont absolument nécessaires. Sans consultations, un groupe ne peut prétendre être représentatif.

Écoutez bien, mesdames et messieurs. La consultation doit se tenir au niveau du peuple. Ceux qui ne vivent pas dans une réserve ne peuvent pas comprendre la situation. Nous sommes soumis à un régime corrompu et qui, en plus, n'a pas de comptes à rendre. Je ne citerai pas de noms. Nous exerçons des pressions de plus en plus fortes pour obliger les responsables à rendre des comptes. C'est ce que nous voulons. Nous voulons qu'ils nous rendent des comptes. Nous voulons pouvoir instaurer un régime équitable qui ne laisse aucune place au népotisme, un régime axé sur la responsabilité et la consultation. Voilà le genre de régime que nous voulons.

On ne peut pas faire confiance au MPO. J'ai téléphoné au MPO, à Sydney, il y a deux semaines pour demander si je pouvais pêcher. Le fonctionnaire auquel j'ai parlé ne savait pas qui j'étais. Je ne lui ai pas révélé mon identité. Il m'a dit que je ne pouvais pas pêcher, que c'était à mon chef de prendre la décision. Mais le chef ne nous a même pas consultés. Il a eu une réunion avec les membres de sa famille, suite à quoi il a délivré un seul permis, sans se préoccuper des chiffres ni d'aucune autre considération. C'est moi-même qui ai remis son permis au bénéficiaire. Après quoi, le chef a levé la séance. C'est ainsi qu'il conçoit la consultation.

Par conséquent, au moment de formuler vos recommandations, n'oubliez pas qu'il y a dans le régime actuel un sous-régime qui n'est pas équitable. Le régime du MPO n'est pas efficace. Il faudrait par conséquent en arriver à une entente.

Le président: Voulez-vous dire que le chef ne représente pas les membres de sa bande?

M. Charles Bernard fils: Il faut remonter à l'époque où le traité a été signé. Il n'y avait pas de chef à cette époque. Maintenant oui. Les représentants seraient le grand chef et ceux qui ont été choisis selon les coutumes ancestrales.

Si le MPO disparaissait, ce serait peut-être la fin du régime instauré par la Loi sur les Indiens.

Quelqu'un m'a demandé hier, ici même, si je voulais dire que c'est le ministre des Affaires indiennes qui aura le dernier mot en matière d'autonomie gouvernementale. Quand une seule personne se fait le porte-parole de plus d'un million d'autres personnes et prétend les représenter, ce n'est pas de l'autonomie gouvernementale. L'autonomie gouvernementale est la délégation du pouvoir. Elle consiste à rendre le pouvoir au peuple.

En outre, il y a 52 nations autochtones au Canada.

Le président: Merci, monsieur Bernard. J'aurais une question à poser au sujet de vos...

M. Charles Bernard fils: Il n'a plus que quelques commentaires à faire.

Le président: J'aurais d'abord une toute petite question à poser.

C'est bon. Allez-y, monsieur Bernard.

M. Charles Bernard (pêcheur, Première nation Waycobah): Je suis le petit-fils du regretté grand chef Gabriel Sylliboy. Lorsqu'il était dans la vingtaine, il se battait pour le traité de 1752 et on lui a dit qu'il avait perdu la partie.

D'après ce que je peux comprendre, nous avons gagné la partie le 21 septembre. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle en ce qui concerne nos droits ancestraux. Pourtant, après le jugement, le ministère a imposé un moratoire de 30 jours sur la pêche. Il a commencé à faire froid après la fin du moratoire. Nous n'avons pas pu aller pêcher parce que la mer était houleuse et pour diverses autres raisons. Nous n'avons pas pu avoir des revenus suffisants pour avoir droit aux timbres.

• 1645

Comme le grand chef Gabriel Sylliboy et tous les autres Autochtones, je considère... Il faut prévoir un système d'indemnisation avant Noël. Les Autochtones devraient recevoir des indemnités comme les blancs qui touchent 852 $ toutes les deux semaines pour les timbres qu'ils ont obtenus.

Je vous recommande de réfléchir à un système d'indemnités de ce genre.

Le président: En ce qui concerne la première activité indiquée dans votre plan d'action vous recommandez, pour la perte d'exercice de ce droit entre le jour où le jugement a été rendu, c'est-à-dire le 17 décembre, et le 24 décembre une indemnité de 6 000 $ par Micmac pour compenser la perte de revenu pour l'année 1999. Quel est le nombre de Micmacs?

M. Charles Bernard fils: Environ 22 000, pour l'ensemble du territoire micmac.

M. Lawrence O'Brien (Labrador, Lib.): Ils ne pêchent certainement pas tous?

M. Charles Bernard: C'est le droit de chaque Autochtone.

M. Charles Bernard fils: Il ne s'agit pas seulement de perte d'exercice du droit de pêche mais aussi de perte d'utilisation des ressources naturelles. On les a empêchés d'utiliser les ressources naturelles... même le pétrole, le gaz et toutes les autres ressources minérales qui ont été exploitées.

Quelqu'un m'a dit que son père et même son grand-père pêchaient à cet endroit. Si l'on veut, on peut remonter 10 000 ans en arrière, car la plupart de mes ancêtres ont pêché à cet endroit. Qui aurait le culot de prétendre avoir une ascendance plus lointaine que la nôtre? Ce n'est toutefois pas la question. Ce qui importe, c'est que nous étions ici.

Pourquoi s'attend-on à ce que nous partions et qu'attend-on de nous? S'attend-on à ce que nous restions sous la férule du gouvernement?

Le président: Vous avez une question à poser, monsieur Steckle.

M. Paul Steckle: Vous avez mentionné un fait intéressant qui nous a été signalé à quelques reprises, à savoir que le ministère des Affaires indiennes n'exige pas de comptes des chefs et de leurs bandes. Nous savons que plusieurs Autochtones vivant dans les réserves sont relativement prospères alors que d'autres vivent dans la pauvreté. Pourriez-vous faire des commentaires sur les richesses provenant de l'exploitation des ressources? Si la pêche devient pour vous une source de revenu plus importante, pensez-vous que cette richesse sera répartie de façon équitable entre tous les membres de la bande?

J'estime que c'est très important et je voudrais que vous fassiez des commentaires à ce sujet, pour le compte rendu.

M. Charles Bernard fils: Je fais une distinction entre la pêche côtière et la pêche hauturière. Je considère que le droit de pêche hauturière est un droit communautaire.

D'après Bill Montour, qui est le représentant du ministère des Affaires indiennes pour la région de l'Atlantique, à Amherst, cette région a besoin d'un millier de logements. Nous n'avons pas les fonds nécessaires. Pourquoi ce droit n'est-il pas utilisé comme un droit communautaire et pourquoi n'utilise-t-on pas les recettes pour construire des logements? Pourquoi le gouvernement ne réfléchit-il pas ainsi? On pourrait utiliser ces revenus pour construire les maisons nécessaires. Il y a pénurie de logements. Tous les Canadiens ont besoin d'un logement, les Autochtones comme les non-Autochtones. Nous n'avons pas suffisamment de logements.

En ce qui concerne la pêche côtière, elle devrait être réservée à ceux qui n'ont pas les moyens d'acheter un bateau de 100 pieds, des casiers ou l'équipement nécessaire. C'est la formule que je préconise.

M. Paul Steckle: Je crois que l'obligation de rendre des comptes est importante.

M. Charles Bernard: Ce sont les chefs et les conseils de bande qui devront rendre des comptes parce que ce sont les propriétaires des grosses entreprises et que l'on ne peut pas discuter avec eux. Lorsqu'ils nous privent de nos droits, nous n'avons rien à dire parce que nous ne sommes pas membres de leur famille. C'est pénible. Comme vous l'avez dit, les grands chefs devraient prendre la direction du projet en question.

M. Charles Bernard fils: On pourrait instaurer un processus en vertu duquel le grand chef devrait consulter ses administrateurs qui, à leur tour...

M. Paul Steckle: À propos des transferts de fonds du gouvernement fédéral aux bandes autochtones, pouvez-vous dire si ces fonds sont répartis de façon équitable? Je tiens à m'assurer que tous les membres du groupe reçoivent leur juste part.

M. Charles Bernard: Les emplois sont entre les mains de quelques membres de la réserve et...

M. Paul Steckle: Comment pouvons-nous vous aider à mettre un terme à cette situation?

M. Charles Bernard fils: Nous élaborons un système qui obligera les principaux intéressés à rendre des comptes et qui permet d'aider les membres de la réserve ou de toute autre collectivité qui n'ont aucune influence sur les dirigeants.

• 1655

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

M. Lawrence O'Brien: ... Je voudrais que vous répondiez à la question suivante. Avez-vous consulté les...? Il y a 35 grands chefs et l'Atlantic Policy Congress. Le ministre les a rencontrés. Ils n'en ont pas parlé.

M. Charles Bernard fils: Mais si.

M. Lawrence O'Brien: Non, ils n'en ont pas parlé.

Je vous ai demandé si vous aviez consulté ces personnes-là avant de venir ici.

M. Charles Bernard: Oui. On dirait que le chef fait un blocage psychologique à notre égard. Nous lui en avons parlé mais il ne veut rien savoir. Il veut qu'on l'achète.

Nous en avons parlé au grand chef; notre projet lui plaît. J'ai eu des entretiens avec le grand capitaine et il a plutôt mal réagi mais je le comprends. Il touche 90 000 $ par an. Il ne se préoccupe pas du tout des problèmes autochtones. Quand je pense que vous osez nous poser la question!

Nous avons parlé à des membres de la bande de Whycocomagh. Nous n'avons pas discuté avec les représentants élus de la bande mais avec de simples membres.

M. Charles Bernard fils: Oui, c'est mon rôle de consulter les simples membres.

M. Charles Bernard: Oui.

M. Charles Bernard fils: Et les enfants. J'essaie de consulter tous les intéressés. Mais dans l'avant-dernier...

Le président suppléant (M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.): Silence! Parlez chacun à votre tour, je vous prie.

Avez-vous une autre question à poser, monsieur O'Brien?

M. Lawrence O'Brien: Avez-vous d'autres commentaires à faire?

M. Charles Bernard: Je recommande que l'on discute des indemnités et que l'on tienne un référendum auprès des membres des Premières nations Whycocomagh-Waycobah afin de savoir s'ils estiment qu'il faudrait réclamer 852 $ toutes les deux semaines pour pouvoir survivre jusqu'à la prochaine saison de pêche.

M. Lawrence O'Brien: Bien. J'ai un tout dernier commentaire à faire.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Faites vite, monsieur O'Brien.

M. Lawrence O'Brien: Étant donné que vous estimez que tous les détenteurs de permis de pêche au homard avaient le même accès à cette pêche vers les années 60, estimez-vous que les Autochtones—inscrits, non inscrits ou peu importe—, estimez-vous que l'on vous offrait les mêmes possibilités que celles qu'ont les détenteurs de permis actuels? Estimez-vous que vous aviez des chances égales d'obtenir un permis?

• 1700

M. Charles Bernard fils: Je laisserai à M. Marble le soin de répondre à cette question. Il était dans un pensionnat dans les années 60. Il sait ce qui se passait à cette époque.

À toi, Charlie.

M. Charles Marble (pêcheur, Première nation Waycobah): Absolument pas.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Vous n'aviez donc pas les mêmes chances.

M. Charles Marble: Non.

Une voix: Vous le savez très bien. Je n'ai pas besoin de vous l'expliquer.

M. Lawrence O'Brien: Nous n'avons pas besoin d'autres précisions. Nous pouvons consulter les rapports. Il faut un certain équilibre...

M. Charles Bernard fils: Je vous signale qu'en 1960, le ministère avait une politique visant à assimiler notre peuple. Il nous a enlevé nos enfants et a essayé d'en faire des blancs. Il a essayé de faire des blancs des Micmacs.

M. Charles Marble: En les plaçant dans un type d'établissement scolaire bien précis.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): À propos de la question de M. O'Brien, depuis que nous avons entamé nos délibérations, c'est-à-dire depuis lundi, nous avons entendu dire à maintes reprises que jusqu'en 1968, il était possible d'obtenir un permis de pêche...

M. Lawrence O'Brien: Pour 25c.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): ... à très bon marché et que les permis étaient accessibles à tous. Par conséquent, je crois que c'est la raison pour laquelle mon collègue a posé cette question.

M. Charles Bernard fils: Rappelez-vous comment ça se passait à cette époque. Les agents indiens agissaient alors de la même façon que les chefs à l'heure actuelle. Ce sont eux qui délivraient les permis. D'après ce que m'ont dit plusieurs membres de mon peuple, la corruption était chose courante à l'époque. Ces permis étaient accordés en échange de faveurs sexuelles et d'autres formes de paiement en nature comme des produits alimentaires. Même s'ils ne coûtaient que 25c, comment pouvait-on...

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Je ne tiens pas à insister sur le sujet, parce que nous devons ajourner la séance. Nous devons aller dans la Miramichi.

Si vous me permettez, je dirais en résumé que bien que les permis aient été très accessibles à cette époque, on dirait que—et c'est une opinion personnelle—les Autochtones n'en ont pas demandé beaucoup.

M. Charles Bernard fils: C'est bien cela.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): C'est ce que vous semblez laisser entendre, que ce soit vrai ou faux. On dirait que depuis cette année, alors que la pêche est devenue une activité très lucrative dans bien des cas—quoique pas toujours—les Autochtones manifestent un regain d'intérêt soudain pour la pêche. C'est la prémisse. Je n'essaie pas de juger la question de M. O'Brien mais elle a été posée à plusieurs reprises depuis lundi. Je crois que c'est la prémisse et que c'est en fait ce que nous voulons savoir. Plusieurs observateurs ont cru remarquer un regain d'intérêt subit.

M. Charles Bernard fils: Cet intérêt soudain se manifeste parce que le droit de pêche a été reconnu. Nous avons enfin un droit sur lequel nous appuyer. On a dit à notre peuple... et je le félicite de ne pas être passé aux actes avant que la Cour suprême n'ait rendu son jugement.

Au cours des années 60, le gouvernement avait adopté des dispositions législatives concernant la concentration résidentielle. Je tiens à dire ceci, pour le compte rendu. Je réponds à ces questions comme je peux étant donné que votre temps est limité. Le mien aussi. J'attends impatiemment votre rapport. Je dois également aller prendre l'avion et je dois aller en parler au haut-commissaire ou au responsable du Conseil économique et social de l'ONU.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Je vous remercie d'être venus. Merci encore.

Vous pouvez faire un dernier commentaire, puis nous lèverons la séance.

M. Charles Bernard: J'ai un dernier commentaire à faire. Vous avez parlé des possibilités d'obtenir des permis. Nous n'étions pas au courant de tout ça.

• 1705

Mon grand-père a été traîné devant les tribunaux en 1920 pour trafic illégal du rat musqué. Il a été accusé et a cité le traité de 1762 comme référence pour sa défense devant le tribunal de Port Hood, au Cap-Breton. On lui a dit qu'il avait perdu son procès alors qu'en fait, c'est lui qui avait gagné la partie, à ce que je peux comprendre. C'est ce qui nous faisait renoncer à demander un permis au responsable des pêches. Nous avions peur. Nous commencions à peine à sortir de l'âge des ténèbres. Nous commençons à en sortir maintenant, parce que nous voyons que les questions d'autonomie gouvernementale et que les droits de pêche sont...

M. Charles Bernard fils: Nous voyons une lueur d'espoir.

M. Charles Bernard: Nous voyons une lueur d'espoir au bout du tunnel.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Merci bien.

M. Charles Bernard fils: J'aurais un tout dernier commentaire à faire.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Nous allions lever la séance.

M. Charles Bernard fils: Monsieur le président, je voulais seulement vous laisser ce document. C'est un guide des ressources micmaques qui contient tous les noms en micmac, avant les contacts. Il prouve que ce sont des activités très lucratives.

Je vous laisse également un tableau indiquant que l'on pêche 30 espèces différentes dans la région de l'Atlantique.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Vous pouvez les remettre au greffier.

M. Charles Bernard fils: Ces 30 espèces constituent des ressources naturelles suffisantes pour pouvoir traiter toutes les personnes intéressées de façon juste et équitable. Je crois qu'un tiers de ces ressources naturelles appartient en fait aux Micmacs.

Le président suppléant (M. Bill Matthews): Merci bien.

La séance est levée.