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ENVI Rapport du Comité

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12.    L'URGENCE D'AGIR : SENSIBILISATION, RÉDUCTION, ÉLIMINATION


12.1    Le Comité a fait plusieurs constatations qui l'ont amené à s'inquiéter des effets possibles des pesticides sur les groupes les plus vulnérables de la population, et plus particulièrement sur les enfants. Les membres ont été sensibilisés au manque d'information scientifique, ce qui les a conduit à la conclusion que l'application du principe de prudence est essentielle, tout comme l'est la nécessité de promouvoir la continuité de la recherche scientifique. Le Comité a observé d'autre part qu'il existe des solutions de rechange aux pesticides. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) possède un programme de lutte antiparasitaire intégrée, des agriculteurs ont déjà amorcé un virage vers l'agriculture biologique, et des organismes environnementaux mettent sur pied des solutions de rechange aux pesticides adaptées au secteur agricole ou au milieu urbain. Des outils sont donc déjà disponibles, mais il importe d'en créer d'autres, de perfectionner ceux qui existent déjà et de les faire connaître. Le Comité croit aussi que la population peut jouer un rôle important dans la réduction de l'utilisation des pesticides. Si on examine les actions des municipalités, de plus en plus nombreuses, dont certaines travaillent à l'adoption de règlements sur l'utilisation des pesticides, on réalise qu'elles ont vu le jour grâce aux pressions des citoyens. Mais il reste encore beaucoup à faire pour sensibiliser l'ensemble de la population aux risques des pesticides pour la santé. Les témoins ont expliqué en quoi l'information du public et des utilisateurs en général est essentielle à un bon système de gestion des pesticides.

L'importance d'une campagne de sensibilisation

12.2    La majorité des municipalités canadiennes participent déjà à des programmes de lutte intégrée, si l'on se fie aux renseignements fournis par le Conseil canadien de la lutte antiparasitaire en milieu urbain221. Toutefois, en date de 1999, seulement le Québec avait accordé aux municipalités le pouvoir d'établir des règlements municipaux en matière d'utilisation de pesticides sur leur territoire. En conséquence, certaines municipalités du Québec ont commencé à interdire l'application de pesticides chimiques à l'intérieur de leurs limites territoriales. La Fédération canadienne des municipalités a par exemple informé le Comité du fait que les municipalités de Hudson et de Chelsea ont adopté un règlement visant l'interdiction des pesticides sur leur territoire222.

12.3    Le Comité applaudit les initiatives qui sont prises dans différentes municipalités canadiennes. En Ontario, le programme Plant Health Care de la ville de Waterloo permet à la municipalité de réduire sa consommation de pesticides pour l'entretien de ses espaces verts. La ville d'Ottawa-Carleton possède un protocole intérimaire d'utilisation des pesticides, élaboré en collaboration avec le Sierra Club du Canada. La ville de Dundas a adopté une politique d'usage zéro des pesticides dès l'an 2000223.

Quelques chiffres sur la réduction
des pesticides en Ontario

L'utilisation de pesticides en milieu agricole a chuté de 40,7 p. 100 depuis 1983, soit l'année de l'amorce du programme ontarien pour diminuer les pesticides de 50 p. 100.

Dans le cadre du Ontario Waste Agricultural Collection Program établi en 1992, 26 sites à travers l'Ontario se sont prévalus de l'occasion et, au total, 35 000 kg et 59 000 litres de pesticides inutilisables (produits périmés, détériorés ou contaminés) ont été recueillis et éliminés.

(Agricultural Groups Concerned About Resources and the Environment (AGCare))

12.4    De l'avis du Comité, ces quelques exemples démontrent qu'une évolution de la société canadienne vers une réduction des pesticides est possible et que l'on assiste à une croissance de l'intérêt de la population pour la question. Le Comité croit donc que l'organisation d'une campagne nationale d'information sur les pesticides auprès des citoyens est appropriée à ce moment-ci. Cette campagne informerait les gens sur la problématique des pesticides, en particulier sur les solutions de rechange, sur les risques pour la santé à les utiliser ainsi que sur leur rôle dans certains secteurs, comme en agriculture. Les membres du Comité ont appris que les personnes qui manipulent des pesticides dans le cadre de leur travail devraient, pour leur protection, être davantage renseignées. Les témoins ont aussi fait part à plusieurs reprises de l'importance, pour la santé des enfants, que les parents soient bien informés. Les sources d'exposition dans la vie d'un enfant sont multiples, tant à l'intérieur des maisons qu'à l'extérieur, et si les parents sont suffisamment informés quant aux risques liés aux produits qu'ils utilisent dans l'entourage familial, les chances sont bonnes que leurs habitudes changent en ce qui a trait à l'utilisation de pesticides. Pour les enfants, l'environnement n'est pas plus sûr à l'extérieur du domicile familial; au Canada, la majorité d'entre eux habitent en milieu urbain, où la consommation de pesticides à des fins esthétiques est à la hausse. Il devient dès lors très important que le moindre employé municipal soit conscientisé aux risques associés à l'application de pesticides dans un parc public, par exemple. Certaines municipalités ont décidé d'intervenir, et l'organisation Action Chelsea pour le respect de l'environnement -- qui a comparu devant le Comité le 30 novembre 1999 -- considère que le gouvernement canadien devrait faire preuve d'autant d'initiative que les municipalités d'Hudson et de Chelsea pour protéger l'environnement et la santé des Canadiens224. Le Comité approuve ce point de vue puisque les pesticides ignorent les frontières territoriales. Dans le cadre d'une campagne de sensibilisation nationale aux pesticides, à l'image de la campagne sur le tabac par exemple, diverses actions pourraient être entreprises par le gouvernement fédéral : prise en charge du projet par Santé Canada, financement permanent de la campagne de sensibilisation, mise au point d'un étiquetage approprié pour les contenants de pesticides (description de tous les ingrédients incluant le pourcentage de chacun, date d'évaluation du produit par l'ARLA, mise en garde, etc.), promotion de méthodes biologiques pour le contrôle des ravageurs et l'entretien des pelouses. En étant davantage proactif dans ce domaine, le gouvernement fédéral démontrerait qu'il se préoccupe réellement de la santé de la population.

Le Comité recommande la mise en œuvre par le gouvernement d'une campagne nationale exhaustive de sensibilisation et d'information sur les pesticides.

La réduction des pesticides à l'échelle fédérale

12.5    De l'opinion du Comité, le gouvernement pourrait faire encore plus preuve d'initiative en montrant l'exemple d'une bonne gestion des pesticides à l'intérieur de sa propre « maison ». En d'autres mots, le gouvernement devrait faire de la réduction des pesticides une de ses principales priorités. Vu les biens et les activités considérables des ministères et des organismes fédéraux, ils sont indubitablement des utilisateurs importants de pesticides, ce qui fait que leur obligation de communiquer l'information sur leurs utilisations devrait être d'autant plus grande. Ainsi, toutes les instances gouvernementales, incluant le secteur parapublic, pourraient servir de modèle en rapportant au Parlement l'utilisation qu'elles font des pesticides et en mettant au point une stratégie concrète de réduction du recours aux pesticides. Ces deux actions pourraient s'incorporer aux stratégies de développement durable que chaque ministre doit préparer pour son ministère et déposer à la Chambre des communes depuis 1995, date de modification de la Loi sur le vérificateur général. La population devrait pouvoir se renseigner sur les gestes de l'administration fédérale, par exemple en ce qui a trait aux activités d'entretien des voies de transport ou des lignes de transmission électrique ou encore, à l'entretien des parcs.

Le Comité recommande qu'en application de la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire, le gouvernement -- soit les ministères, les conseils et les organismes fédéraux, les sociétés d'État énumérées à l'annexe III de la Loi sur la gestion des finances publiques, les organismes de réglementation fédéraux et les territoires domaniaux -- ,
a) déclare au Parlement toutes ses utilisations de pesticides par l'entremise des stratégies de développement durable, en indiquant le type et la quantité de pesticides utilisés et la date et le lieu de l'utilisation;
b) établisse des plans de réduction de l'utilisation de pesticides.

12.6    Une fois que le gouvernement aura informé la population et qu'il aura lui-même vu à la réduction des pesticides dans sa propre administration, une troisième étape pourra être considérée. D'après le Comité, il sera dès lors possible de penser à mettre sur pied un projet de réduction des pesticides à l'échelle nationale et de solliciter la participation de tous les ordres de gouvernements afin de travailler de concert à l'atteinte de cet objectif. Le passé a démontré à plusieurs reprises que le gouvernement ainsi que ses partenaires provinciaux et territoriaux et le secteur privé collaborent bien à la réalisation de projets conjoints. Le Protocole national sur l'emballage en est un bon exemple. Le gouvernement fédéral pourrait aussi s'inspirer des plans d'action élaborés par les pays d'Europe pour favoriser l'agriculture biologique et qui ont été soulignés tout au long de ce rapport. On pense notamment aux méthodes développées par l'Autriche et le Danemark.

Le Comité recommande qu'à l'instar du Protocole national sur l'emballage développé par le Conseil canadien des ministres de l'environnement, le gouvernement développe et adopte, avec l'aide de ses partenaires provinciaux et territoriaux et du secteur privé, un protocole national de réduction des pesticides en s'inspirant des méthodes européennes.

Élimination graduelle des pesticides à des fins esthétiques

12.7    Le Comité est convaincu qu'une fois que population sera sensibilisée aux conséquences de l'utilisation des pesticides, on observera une diminution graduelle de l'utilisation de ceux-ci à des fins esthétiques en milieu urbain. Une réduction du recours aux pesticides au Canada n'est réalisable qu'avec le concours d'une population informée. L'appui des consommateurs, des producteurs et des commerçants est nécessaire au succès de cette entreprise.

12.8    Plusieurs témoins ont fait valoir devant le Comité qu'ils s'opposaient à l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques en milieu urbain. Selon le Groupe de travail sur les dangers que représente pour la santé l'utilisation de pesticides dans les milieux urbains, Nature-Action Québec, Action Chelsea pour le respect de l'environnement, les Citoyen(nes) pour les alternatives aux pesticides et le groupe responsable de la Campagne pour la réduction des pesticides, l'usage de pesticides à des fins esthétiques est en tête de liste des utilisations de pesticides en milieu urbain, habitude qui fait courir un risque inutile à ceux qui appliquent les produits et à la population en général. On ne saurait trop insister sur le fait que ce sont les enfants qui sont les premières victimes de notre utilisation abusive de produits chimiques et ce, à tous les stades de leur développement. Les effets étant en partie chroniques, les enfants risquent d'en subir les conséquences toute leur vie et même de léguer ce lourd héritage à la génération subséquente. Dans cette perspective, le Comité croit fermement qu'un arrêt de l'usage des pesticides à des fins esthétiques serait essentiel, du moins jusqu'à ce que la science ait démontré qu'ils sont sans danger pour la santé et que l'on ait mis en lumière les conséquences à long terme de leur utilisation en milieu urbain. Le recours aux pesticides ne devrait être permis qu'en situation d'urgence, comme lors d'une infestation grave de ravageurs qui menace le bien-être de la population et de son environnement.

Le Comité recommande que la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire interdise l'homologation et la ré-homologation des pesticides utilisés à des fins esthétiques.
Le Comité demande instamment au gouvernement de développer et d'adopter avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et municipaux une stratégie d'élimination graduelle des pesticides utilisés à des fins esthétiques.

221 Conseil canadien de la lutte antiparasitaire en milieu urbain, mémoire présenté au Comité.

222 Les autorités municipales disposent de pouvoirs suffisants pour protéger la santé et la sécurité des résidents, et pour légiférer contre les nuisances; selon certains avocats, cela leur permet d'interdire les produits antiparasitaires. La Cour provinciale du Québec s'est d'ailleurs montrée de cet avis; elle a appuyé les efforts déployés par la ville de Hudson pour interdire les pesticides dans les limites de la municipalité. (L'interdiction de Hudson exemptait les antiparasitaires utilisés à l'intérieur des édifices, les herbicides biologiques, et des produits et d'autres organismes qui ne représentent pas une menace pour la santé humaine.)

223 Fédération canadienne des municipalités, mémoire présenté au Comité.

224 Action Chelsea pour le respect de l'environnement, mémoire présenté au Comité.