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NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 15 avril 1999

• 0903

[Traduction]

Le président (M. Pat O'Brien) (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants. Je vois qu'il y a au moins deux députés de l'opposition, MM. Laurin et Price, qui sont présents, mais ce n'est pas assez. Nous avons quatre ou cinq députés du parti ministériel.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Je fais partie de l'opposition.

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): On le sait.

Le président: Les députés du Parti conservateur et du Bloc québécois sont arrivés à l'heure. Nous en sommes heureux.

M. Robert Bertrand: Ce sont de véritables Canadiens.

Le président: C'est exact.

Nous encourageons les députés de l'opposition officielle à arriver aux réunions à l'heure. Je veux qu'on en prenne note. Je veux bien me montrer indulgent, mais nous avons ici des témoins qui, eux, sont arrivés à temps. J'ai déjà demandé aux députés de faire un effort en ce sens. Nous allons commencer à noter quels partis arrivent en retard. Cela va peut-être les encourager un peu.

Cela dit, je vois que M. Bertrand souhaite formuler une objection.

M. Robert Bertrand: Je ne crois pas que vous ayez le droit de faire cela.

Le président: De faire quoi?

M. Robert Bertrand: De dire que les députés du Parti réformiste et du NPD manquent à l'appel.

Le président: D'accord. Je m'excuse. Merci de me l'avoir signalé.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Nous devrions interrompre la réunion et attendre qu'arrivent les députés réformistes.

• 0905

Le président: Pour être juste envers M. Hart, nous étions tout simplement en train de dire que nous encouragions les députés de tous les partis à arriver à 9 heures par respect pour nos témoins. Nous n'avons rien...

Oui, monsieur Clouthier.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Je tiens à préciser, monsieur le président, que M. Hart n'a pas toujours été associé à ce groupe.

Le président: Je ne le sais pas, et je n'ai rien à dire à ce sujet.

Nous allons donc commencer, mais avant d'accorder la parole à notre témoin, M. Bertrand souhaite soulever un point important.

[Français]

M. Robert Bertrand: J'aimerais faire appel au Règlement sur deux points, monsieur le président.

[Traduction]

D'abord, je tiens à dire aux députés que le QGDN tient, quotidiennement, des séances d'information sur la situation au Kosovo. S'il y a des membres du comité qui souhaitent y assister, ils sont les bienvenus.

[Français]

Le président: À quelle heure?

[Traduction]

M. Robert Bertrand: À 13 heures, tous les jours.

[Français]

Monsieur Laurin, il s'agit de séances d'information quotidiennes sur la situation au Kosovo. Vous êtes tous les bienvenus.

[Traduction]

Si vous voulez d'autres renseignements, vous pouvez consulter la page Web du QGDN.

Le président: C'est bien.

Avez-vous une question, monsieur Price?

[Français]

M. René Laurin: Ces séances d'information ne sont pas télévisées?

M. Robert Bertrand: Oui, elles sont télévisés et diffusées sur RDI, Newsworld et d'autres chaînes.

[Traduction]

Le président: M. Price souhaite poser une question.

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Le problème, c'est que ces séances d'information, bien qu'utiles, sont destinées aux journalistes. En tant que députés, nous ne pouvons pas poser de questions à ces séances, et les ministres, eux, n'y assistent pas—eh bien, ils le font à l'occasion. Je trouve cela plutôt agaçant.

Le président: Très bien.

M. Robert Bertrand: C'est pour cela que nous avons une période des questions—merci, monsieur Wood.

Le président: M. Proud souhaite faire un commentaire à ce sujet.

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur Bertrand, je voudrais savoir pourquoi on ne peut pas organiser des séances d'information pour les députés dans une des salles de l'édifice du Centre. On l'a fait pendant la guerre du Golfe. Il y avait, tous les matins, des séances d'information pour les membres des comités des affaires étrangères et de la défense nationale et pour toute autre personne intéressée.

M. Robert Bertrand: Cette fois-ci, les séances ont lieu au QGDN, en présence de représentants du ministère des Affaires étrangères. J'ai mentionné le QGDN, mais le ministère des Affaires étrangères y participe aussi: la Défense nationale et les Affaires étrangères.

M. George Proud: Mais pourquoi ne pouvons-nous pas organiser des séances d'information pour les députés dans les édifices du Parlement?

Le président: Voulez-vous proposer une motion en ce sens, monsieur Proud?

M. George Proud: Pas vraiment, mais j'aimerais que M. Bertrand se renseigne pour voir si on ne peut pas organiser quelque chose.

M. Robert Bertrand: D'accord. Je vais le faire.

Le président: Monsieur Price.

M. David Price: J'aimerais présenter une motion, monsieur le président. Je voudrais qu'on organise des séances comme on l'a fait pendant la guerre du Golfe, quand les ministres rencontraient, trois fois par semaine, les membres des comités de la défense nationale et des affaires étrangères. Il faudrait faire la même chose dans ce cas-ci.

Le président: D'accord. Eh bien, il nous faudra le consentement unanime...

M. Robert Bertrand: Si je peux répondre à cette question, ces séances d'information sont destinées aux médias et, comme je l'ai déjà dit, à tous ceux que la question intéresse. Pour ce qui est de la présence des ministres, je ne peux pas vous donner de garanties à ce sujet. Comme l'a mentionné M. Wood, c'est pour cela que nous avons une période des questions. Si vous voulez poser des questions précises au ministre, c'est au cours de la période des questions qu'il faut le faire. Je suis sûr que M. Price...

M. David Price: Vous souriez, Bob, parce que vous savez que nous n'obtenons pas de réponses à nos questions.

Le président: Chers collègues, permettez-moi de faire la suggestion suivante. On a posé, au secrétaire parlementaire, une question que je juge fort pertinente. Nous pouvons peut-être lui donner le temps de communiquer avec les ministres concernés, parce qu'il nous faudrait, de toute façon, le consentement unanime du comité pour que cette motion soit déposée aujourd'hui. Mais je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que, en plus des séances d'information auxquelles nous pouvons assister, sans poser de questions, les députés des deux côtés de la Chambre, tous les partis, aimeraient avoir l'occasion d'entendre le point de vue des fonctionnaires et de s'entretenir avec les ministres.

M. Bertrand va donc se renseigner, et nous aimerions qu'il nous soumette un rapport à la prochaine réunion, qui doit avoir lieu mardi. Si nous ne sommes pas satisfaits de ses réponses, nous pourrons peut-être accepter de recevoir une motion à ce moment-là. Ce serait peut-être plus efficace de procéder de cette façon.

• 0910

[Français]

Monsieur Laurin.

M. René Laurin: Monsieur le président, puisque ces séances d'information sont télévisées et qu'on ne peut pas poser de questions, pourquoi y assisterions-nous alors qu'on peut tout simplement les regarder à la télévision?

Le président: Monsieur Bertrand.

M. Robert Bertrand: Vous pourriez rencontrer le général Henault, qui donne ces briefings.

[Traduction]

M. David Price: Sauf que ce ne sont pas des réunions, mais des séances d'information.

M. Robert Bertrand: C'est exact.

M. David Price: J'ai assisté à plusieurs de ces séances et je n'ai jamais pu poser de questions.

[Français]

M. Robert Bertrand: Je vais vérifier cela, monsieur Laurin et monsieur Price.

[Traduction]

Le président: Très bien.

Monsieur Price.

M. David Price: J'ai posé dernièrement à la Chambre des questions qui ont semblé grandement surprendre les ministres. Or, on aurait pu éclaircir toutes ces choses si on en avait eu l'occasion.

Le président: Vous avez raison. Je suis certain que M. Bertrand va en parler avec le ministre.

Nous allons attendre que M. Bertrand dépose son rapport, à la réunion de mardi. Si nous n'aimons pas ses réponses, nous recevrons une motion à ce moment-là.

Merci beaucoup.

Merci, monsieur Forster, de votre patience. Je pense que M. Bertrand souhaite soulever un autre point.

M. Robert Bertrand: Je suis très étonné de voir que nous accueillons, ce matin, un représentant de l'équipe Cormorant. Je pensais que le comité de direction avait convenu d'inviter non pas des entreprises, mais plutôt des associations de la défense représentant toutes ces entreprises. Je sais ce qui va arriver—et je ne veux pas offenser M. Bamford. Si nous acceptons d'entendre le point de vue d'une entreprise, nous devrons accepter d'entendre le point de vue des autres. Nous avons beaucoup de travail à faire dans ce dossier. Nous risquons d'ouvrir les vannes si nous faisons cela.

Le président: Je suis surpris moi aussi. Si je me souviens bien, le comité de direction avait accepté d'entendre les entreprises par groupes, non pas séparément, peu importe ce qu'elles produisent. Bien entendu, M. Morawski n'est pas ici aujourd'hui, et manifestement, notre greffier ne peut pas nous éclairer là-dessus.

Que voulez-vous faire? C'est à vous de décider. M. Price, et peut-être M. Laurin, se souviennent certainement du fait que le comité de direction avait décidé de ne pas convoquer les entreprises séparément, parce que la réunion risquait d'être moins productive.

Monsieur Price.

M. David Price: Elle a peut-être été invitée parce qu'elle a un contrat en main. Nous pourrions peut-être lui demander de nous dire comment fonctionne le processus et comment elle a obtenu ce contrat. Nous ne parlons pas ici des Sea Kings, mais des opérations de recherche et de sauvetage. Nous pourrions peut-être examiner la question sous cet angle.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib): C'est bien le processus que nous examinons, n'est-ce pas?

M. David Price: Oui.

Le président: Monsieur Laurin.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, je suis d'accord avec vous qu'il n'était pas question d'inviter des compagnies concurrentes à venir nous parler de contrats à venir. Mais puisqu'un représentant de l'Équipe Cormoran est ici présent et qu'un contrat est actuellement en cours, je crois que nous pourrions en profiter pour lui poser nos questions d'intérêt général, qui sont très pertinentes. Je m'attendais d'ailleurs à ce que nous le convoquions. Notre comité n'a-t-il pas après tout le mandat de poser des questions sur le fonctionnement et l'administration des contrats?

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Price.

M. David Price: Monsieur le président, je promets de ne pas poser de questions au sujet des Sea Kings.

Le président: Très bien.

Monsieur Bertrand.

[Français]

M. Robert Bertrand: Monsieur le président, j'ai été surpris d'apprendre hier qu'un représentant de cette compagnie avait été convoqué à comparaître devant notre comité. Je ne vois là aucun problème, en autant que cela ne devienne pas une pratique courante. Merci beaucoup, monsieur le président.

• 0915

[Traduction]

Le président: Les attachés de recherche me disent que nous avions prévu convoquer des entreprises, comme l'a mentionné M. Laurin, mais par groupes, pas séparément, pour que nous puissions avoir une discussion de groupe. Il y a peut-être eu une petite erreur dans ce cas-ci.

M. Bamford est présent, et nous ne voulons pas lui faire perdre de temps. Je suis tout à fait disposé à l'entendre. Est-ce cela vous pose des problèmes? Non, alors nous allons continuer.

Nous allons demander au greffier de noter le fait que nous voulons, dorénavant, rencontrer les entreprises par groupes, pas séparément. Je pense qu'une discussion de groupe serait plus utile. Toutes les questions seraient admises, bien entendu. Mais l'idée au départ était de convoquer des entreprises par groupes de trois ou quatre. Mais nous y reviendrons. Nous allons maintenant entendre les témoins.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à MM. Anthony Forster et Frank Bamford. Merci de votre patience. Il y a toujours des questions de procédure à régler. Je vous invite maintenant à nous présenter votre exposé.

M. Anthony Forster (témoignage à titre personnel): Merci. J'aimerais d'abord remercier le comité de m'avoir invité aujourd'hui. C'est un honneur pour moi que d'être ici. Je tiens également à m'excuser à l'avance pour toutes les erreurs de procédure que je risque de commettre, puisque c'est la première fois que je comparais devant le comité.

Il incombe au gouvernement d'arrêter une ligne de conduite cohérente visant l'utilisation des forces militaires, ainsi que de fournir des outils grâce auxquels elles pourront être déployées. Une ligne de conduite cohérente...

M. René Laurin: Excusez-moi.

[Français]

Monsieur le président, j'aimerais que M. Forster puisse se présenter avant de nous livrer son témoignage et nous indiquer ce qu'est un analyste indépendant du renseignement. Je ne sais pas à quoi cela correspond. Je ne sais pas si les autres membres du comité savent qui il est et quelles sont ses fonctions. J'aimerais aussi qu'il nous explique quels intérêts il représente dans ce dossier.

[Traduction]

Le président: D'accord. Pouvez-vous nous dire quelques mots à votre sujet?

M. Anthony Forster: Je travaille comme pigiste pour une société connue sous le nom de Jane's Information Group. La plupart d'entre vous connaissent ses publications, soit le Jane's Defence Weekly et le Jane's Intelligence Review. J'ai rédigé des articles sur le terrorisme et le contre-terrorisme, et j'ai aussi préparé, pour le Jane's World Armies, des articles sur le processus d'acquisition de certains pays. Le plus récent portait sur le Moyen-Orient. J'ai dû recueillir beaucoup de renseignements de sources non secrètes, ainsi que des données sur les pays cibles. J'ai ensuite préparé des exposés identiques à celui-ci sur les processus d'acquisition. J'espère que cela vous aide.

Le président: Merci beaucoup. Vous pouvez continuer.

M. Anthony Forster: Une ligne de conduite cohérente est adaptée à la conjoncture politique du moment ainsi qu'aux menaces potentielles, et est compatible avec les dépenses d'équipement.

Depuis le début du processus de réduction des dépenses, on a consacré un bon nombre de documents à cette question et à ses implications. On a fait des mises en garde concernant l'état de préparation des Forces canadiennes et leurs capacités futures. Malheureusement, les considérations budgétaires semblent avoir relégué à l'arrière-plan les besoins des services armés.

Mais le plus regrettable est peut-être que le gouvernement canadien n'ait pas comblé les lacunes de ses propres politiques quant au travail à accomplir par les hommes et les femmes des FC, et que les recommandations d'organismes relevant du gouvernement, comme le Bureau du vérificateur général, soient demeurées lettre morte. La réalité concrète est que le fait d'avoir négligé les besoins d'équipement des FC a entraîné, et pourrait continuer d'entraîner, des pertes de vie.

Afin de préparer ma comparution devant le comité, j'ai procédé à un examen en profondeur de l'appareil militaire canadien. Au cours de ces recherches, je ne me suis pas attaché tant aux chiffres et aux programmes particuliers d'acquisition qu'à l'environnement stratégique au sein duquel les FC doivent opérer ainsi qu'à l'équipement actuel et futur dont elles disposent pour concrétiser les volontés des décideurs. J'ai consacré passablement de temps à discuter avec les hommes et les femmes qui se trouvent en première ligne et j'ai examiné les documents dans lesquels ce gouvernement formule ses attentes à l'égard de l'appareil militaire.

Premièrement, j'aimerais parler du rôle que le Canada demande à ses militaires de remplir. Je pose une question aux membres de ce comité. Dans quelles circonstances le Canada déploierait-il son char de combat principal, le Léopard? Après lecture des documents d'orientation et de la doctrine des FC, et après avoir étudié les déploiements historiques de ces dernières, je n'ai pu déterminer avec exactitude à quel moment le gouvernement d'Ottawa utiliserait ces plates-formes d'armes dispendieuses et importantes.

Le gouvernement canadien a souvent répété que le Canada doit s'acquitter de responsabilités à l'égard de l'OTAN, de l'ONU et de pays animés des mêmes sentiments. Il a déclaré qu'il lui faut pour cela disposer d'une force multilatérale, c'est-à-dire une force de blindés, d'avions et de navires, qui soit à la mesure de celle de ses alliés et des menaces qu'impliquent les champs de bataille modernes.

• 0920

On a écrit que le prestige et la légitimité du Canada sur la scène mondiale étaient en jeu. Quoi qu'il en soit, les menaces auxquelles peuvent faire face les FC ont changé, de même que l'environnement géopolitique au sein duquel le gouvernement du Canada doit prendre ses décisions.

En ce qui touche les menaces, on n'a qu'à observer la prolifération des technologies de série bon marché pour se rendre compte que, dans l'éventualité qu'une confrontation tactique ou opérationnelle, on pourrait manquer le coche. Les missiles guidés antichars et antiaériens, relativement peu dispendieux et faciles à utiliser, constituent une menace pour les véhicules blindés et les aéronefs. Grâce aux téléphones cellulaires abordables, les problèmes de commandement et de contrôle deviennent beaucoup plus faciles à résoudre pour un agresseur qui voudrait attaquer une force de maintien de la paix ou antiguerrilla. L'utilisation de systèmes GPS pour le guidage de missiles ouvre aux petits pays la possibilité d'utiliser des missiles de croisière.

Avides de devises fortes, de nombreux gouvernements ont commencé à vendre des armes que ne peuvent se permettre certains pays acheteurs, ce qui a pour effet de mettre davantage d'armes de pointe entre les mains d'entités très peu recommandables. La dispersion des actifs intellectuels—c'est-à-dire, les concepteurs et programmeurs des systèmes d'armes—a créé une atmosphère de chaos où la progression technologique devient difficile à suivre ou à contrôler. Les principaux bénéficiaires de ces changements sont de petits pays qui auparavant tiraient de l'arrière au chapitre de la production de pointe ou de la recherche-développement. Malheureusement, ces mêmes pays sont maintenant les plus susceptibles de se trouver au centre d'un éventuel conflit.

Outre les changements technologiques, une culture du recours au fusil a commencé à se développer dans bon nombre des points chauds du globe. À l'été de 1994, l'armée américaine a publié dans Parameters, une publication trimestrielle, un article où l'on signale les multiples difficultés qu'il y a à combattre un ennemi dont les motivations, les actes et la morale peuvent être diamétralement opposés aux normes occidentales touchant la conduite de la guerre. Plutôt que de s'entraîner uniquement à combattre une force organisée qui s'en tient aux règles acceptées à l'échelle mondiale, les militaires canadiens doivent maintenant se préparer à affronter des combattants de rue, des hommes pour qui le combat est un mode de vie et non simplement une occupation. Ces combattants à la gâchette facile se retrouvent en de nombreux points chauds du globe et peuvent souhaiter la poursuite de la guerre dans leur région simplement parce qu'ils ne connaissent rien d'autre.

Les questions économiques peuvent aussi faire partie de cette culture du fusil. On aurait tort d'oublier qu'au plus fort des troubles en Irlande du Nord, des industries artisanales complètes se sont développées autour de l'acquisition et du blanchiment de gains illicites, du traitement de blessures comme les balles dans la rotule, et de la protection d'entreprises et de résidences contre les déflagrations.

Par contre, il ne serait pas non plus indiqué d'accorder trop d'importance aux petites guerres par rapport aux conflits de grande envergure. De nos jours, la guerre peut résulter tout aussi bien d'un conflit d'intérêts économiques que de querelles ethniques ou religieuses. La mondialisation accrue des économies a donné lieu à une situation qui s'apparente à celle qui a précédé la Première Guerre mondiale, l'enchevêtrement des accords sur les règles à observer et les commerce pouvant s'effondrer dans une sorte de réaction en chaîne. Même si, pour l'avenir prévisible, les opérations de maintien de la paix et les opérations similaires sont les plus susceptibles de se matérialiser, il serait naïf de croire que la guerre à grande échelle est chose du passé. Compte tenu de la facilité avec laquelle un pays motivé peut se procurer des moyens techniques passablement avancés, la ligne de démarcation entre les opérations de maintien de la paix et une guerre à forte intensité est en train de devenir floue.

Enfin, on assiste à une prolifération des technologies associées aux armes de destruction massive, à la fois stratégiques et tactiques. Une entité auparavant négligée pourrait être tentée d'amorcer des hostilités dans l'espoir d'obtenir des victoires par de tels moyens.

Le contexte stratégique au sein duquel le Canada doit fonctionner a lui aussi évolué. Le principal de ces changements est la nature de sa relation avec les États-Unis. Le Canada a mis en oeuvre un éventail de politiques et d'initiatives qui sont en contradiction avec les vues américaines. Au sein de l'appareil militaire canadien et ailleurs, certains croient qu'il en résulte entre les États-Unis et le Canada un froid croissant qui a des effets tangibles. Même en l'absence de politiques divergentes qui séparent les intérêts stratégiques des deux pays, il demeure tout simplement que, sans une guerre terrestre en Europe centrale qui influe sur la problématique de la défense, les attitudes américaines à l'égard du Canada ainsi que la place du Canada dans la doctrine militaire américaine évolueront inévitablement avec le temps.

Et s'il est vrai que la politique actuelle évoque pour la forme la nécessité d'une force à rôles multiples, il se peut qu'on ait mal évalué, lorsqu'on a entrepris de reconstruire l'appareil militaire canadien, les réalités nouvelles d'un ennemi plus dangereux et implacable ainsi que l'évolution de la situation géopolitique.

C'est dans ce monde en mutation que le gouvernement du Canada doit envoyer des Canadiennes et Canadiens pour le représenter. Il incombe à ce gouvernement de veiller à ce que ceux qu'il envoie à l'étranger disposent d'un mandat clair et de bons outils pour leur travail.

Il ne devrait faire aucun doute que les Forces canadiennes ont des lacunes à combler au chapitre de l'équipement. Le manque de navires ravitailleurs peut mettre en danger la marine canadienne. La non-modernisation des CF-18 peut mettre en danger les pilotes canadiens. L'absence de systèmes électriques d'entraînement de tourelle, d'un blindage d'appoint ou d'un canon de 120mm met en danger les forces blindées canadiennes. Les flottes vieillissantes de TTB et de VCB ainsi que l'absence d'un appui aérien rapproché mettent en péril toutes les forces terrestres.

• 0925

Enfin, les recherches opérationnelles minimales et le fait qu'on s'en remette aux services américains du renseignement militaire créent une situation propice aux erreurs ou aux pertes de vies. Aucun entraînement ne peut compenser une déficience au chapitre de la planification ou du renseignement.

Nous en venons donc à la question des acquisitions. J'ai pris le temps de lire le dernier rapport du vérificateur général. J'y ai constaté une divergence profonde entre les attentes et les moyens fournis pour y parvenir. Dans son rapport de 1998, le Bureau du vérificateur général mentionne trois orientations possibles pour les forces militaires, à savoir le maintien du statu quo; l'accroissement des crédits; ou la restructuration des forces.

La première option, c'est-à-dire le maintien du statu quo, n'est clairement pas envisageable. L'usure inlassable du temps, les progrès technologiques et l'évolution de la menace et des capacités font que le budget actuel et le niveau des dépenses en capital nous engagent sur une voie très incertaine.

Le char Leopard est un exemple des problèmes auxquels se heurtent actuellement les services militaires de planification et les utilisateurs de matériel. Produit par un pays allié de l'OTAN, il était rapide, fiable et suffisamment armé pour le climat de menace à l'époque. Certaines technologies ont depuis rendu le Leopard C1 désuet, au point de menacer la vie des militaires appelés à s'en servir. Un canon de 105mm constitue sa principale arme. La plupart des armées sont passées à un canon de 120mm, et les progrès réalisés sur le plan des plaques de blindage—c'est-à-dire un blindage d'appoint ou un blindage réactif aux explosifs—rendent le canon actuel de 105mm moins efficace que dans le passé. Des modèles produits en Russie pour l'exportation ont maintenant une plus grande portée, et étant donné les besoins en devises fortes de la Russie, il n'est plus improbable de se heurter, sur les champs de bataille, aux derniers modèles russes.

Le pivotement de la tourelle du C1 est assuré par un dispositif hydraulique et les stocks actuels de plaques de blindage sont très faibles. La plupart des chars ont été munis de points d'ancrage mais les plaques font défaut. Ces deux lacunes nous semblent exposer les équipages du Léopard à des risques sensiblement accrus. Le système d'entraînement hydraulique est très vulnérable, d'autant plus que les circuits hydrauliques percés peuvent causer de sérieuses blessures à l'intérieur de l'habitacle. Un dispositif d'entraînement électrique présenterait beaucoup de risque.

Le manque de plaques de blindage est particulièrement sérieux compte tenu des endroits et des situations dans lesquels on peut s'attendre au déploiement d'un char de combat principal moderne. Dans un cadre urbain ou une forêt dense, un seul soldat ennemi équipé de grenades propulsées par fusée, matériel bon marché et facile à trouver, peut éliminer un Léopard assez aisément. Il est aussi important de signaler, enfin, que plusieurs sociétés occidentales offrent maintenant des versions améliorées de systèmes de pointage et de mécanismes d'entraînement de la tourelle pour l'adversaire le plus probable du Léopard, le char T-72 de fabrication russe.

Il est aussi révélateur de regarder de près le CF-18. alors qu'il s'agissait d'un chasseur-bombardier efficace au moment de son achat, le CF-18 accuse maintenant un retard technologique. Outre le système de radar, qu'il faudrait améliorer, il faut se rendre à l'évidence que le fuselage de ces avions commence à vieillir. Les chiffres bruts sur le matériel dont les forces aériennes disposent pour remplir leurs fonctions sont des plus inquiétants. On leur demande, avec un nombre restreint d'avions, de patrouiller et de protéger l'espace aérien du Canada en plus d'effectuer quelques déploiements opérationnels. Si une guerre éclatait, les CF-18 devraient, en plus de cela, assurer la supériorité aérienne au-dessus des champs de bataille, la défense aérienne rapprochée, les patrouilles aériennes de combat naval, l'interdiction logistique, la mise hors de combat des moyens de défense aérienne et ainsi de suite. À moins que les forces aériennes disposent d'une plate-forme spécialisée d'appui aérien rapproché, les pilotes et les CF-18 seront étirés au maximum.

Il serait également important de relire la partie du document de doctrine militaire J-3 qui porte sur les pauses opérationnelles. On y lance l'idée que d'autres éléments canadiens intensifient les pressions opérationnelles sur l'ennemi pendant que les forces terrestres renouvellent leurs armes et se regroupent. Il serait vital que les forces aériennes disposent d'une forte capacité d'attaque au sol pour jouer ce rôle.

Il y a enfin la question des recherches opérationnelles. À l'heure actuelle, il n'existe en tout et pour tout, pour répondre aux besoins en évaluation de la menace et en scénarios de développement des forces, que deux bureaux consacrés à ce genre de produits. La Direction générale des analyses de défense et le directeur général de la recherche opérationnelle ne disposent que d'effectifs restreints et auraient besoin de les accroître d'un tiers pour bien s'acquitter des fonctions qui leurs sont confiées. Je ne saurais trop insister là-dessus.

La véritable recherche opérationnelle—c'est-à-dire la conception de scénarios et l'évaluation de la menace—est absolument cruciale pour un pays d'une capacité militaire limitée. Après avoir examiné la doctrine établie par le Bureau de la doctrine et de la formation J-3, je peux affirmer que c'est particulièrement le cas des Forces canadiennes. La doctrine en cours d'élaboration repose sur l'évaluation de la menace et de la détection du centre de gravité de l'adversaire, pour ensuite manoeuvrer de manière à exploiter les faiblesses de l'ennemi et à s'attaquer au centre de gravité. C'est ce qu'on appelle une doctrine de guerre de mouvement, et les Forces canadiennes y sont éminemment adaptées. Il serait toutefois difficile d'y donner suite sans une force bien entraînée, bien équipée et bien préparée. Il s'ensuit encore une fois que, alors que la réflexion des Forces canadiennes semble s'engager sur la bonne voie, des écarts persistent en ce qu'on lui demande de faire et les moyens qu'on lui donne pour s'en acquitter.

• 0930

J'aimerais ouvrir une parenthèse pour parler des observations formulées dans le récent rapport du Comité de la sécurité et du renseignement concernant l'utilisation du personnel diplomatique pour faire la collecte de renseignements. Le comité soutenait qu'en vertu de son rôle d'opérateur oeuvrant dans les coulisses il ne devrait pas avoir au sein du gouvernement du Canada un service chargé spécifiquement de faire la collecte de renseignements à l'étranger. À mon avis, le comité fait erreur. Les diplomates devraient être considérés d'abord et avant tout comme des diplomates. Leur demander de faire la collecte de renseignements mine le respect qu'ils ont à l'étranger et divise leurs fonctions.

La deuxième option qui s'offre consiste à accroître le financement. Cela semble peu probable compte tenu de l'atmosphère d'austérité qui règne actuellement en matière de financement des dépenses d'approvisionnement, de développement des forces et de biens d'équipement. Je me suis rendu compte, lors des entrevues que j'ai eues, qu'il régnait une profonde attitude de défaitisme à l'égard de cette option. En fait, les gens avec qui je me suis entretenu sont tous d'accord pour dire qu'il est peu probable ou pas probable qu'on fasse l'acquisition dans un proche avenir de nouveaux chars de combats principaux ou de chasseurs-bombardiers.

La troisième option sur la table porte sur la restructuration, qui se veut peut-être la réponse la plus réaliste à l'écart grandissant entre politique et approvisionnement. Malheureusement, c'est également l'option qui exige le plus de travail et sans doute aussi le plus de dépenses à court terme.

La restructuration des Forces canadiennes exigerait d'abord et avant tout que l'on accepte le fait que le gouvernement doit modifier sa politique. La restructuration exigerait que l'on renie bon nombre des principes qui ont guidé le développement des Forces canadiennes depuis le Livre blanc de 1994 et, ce qui est encore plus important, elle devrait atténuer le désir du gouvernement du Canada de déployer ce qu'on appelle une force polyvalente. Il faudrait revoir la politique étrangère afin d'accepter la réalité du refroidissement des relations entre les États-Unis et le Canada et de tenir compte de la face changée des forces déployées outremer. Il faudrait en outre augmenter les capacités de recherche opérationnelle afin de revoir les nouvelles orientations possibles.

Je tiens à dire que je crois que le Canada devrait en effet se doter d'une force polyvalente, mais je vais en reparler à la fin de mon exposé.

Cependant, si l'on doit examiner la question de la restructuration, des options s'offrent au gouvernement du Canada. Voici donc ce que je recommande.

Le gouvernement à Ottawa devrait reconnaître qu'il n'est pas prêt à consacrer l'argent nécessaire pour se tenir à la fine pointe de la courbe technologique et il devrait abandonner le profil de force homogène qu'on attend présentement des Forces canadiennes. On pourrait en outre réduire le gros des forces blindées—c'est-à-dire les chars de combats principaux Léopard—et se doter d'une force terrestre constituée principalement d'une infanterie légère ou d'une infanterie mécanisée.

Les économies découlant de la réduction ou de la vente des Léopard C1 vieillissants pourraient servir à l'achat de chasseurs d'appui aérien rapproché dont on a désespérément besoin, pour l'Aviation ou les Forces terrestres, libérant ainsi les CF-18 pour se doter d'une supériorité aérienne sur le champ de bataille et donnant aux Forces terrestres un multiplicateur de force dont elles ont grand besoin. Il est certain que l'avion d'attaque A-10, l'hélicoptère de combat Cobra ou l'hélicoptère d'attaque Apache de fabrication américaine seraient des choix d'achat très viables et pourraient sans doute être obtenus à peu de frais. Le A-10 et le Cobra arrivent à l'âge de la retraite.

L'attribution de tels appareils d'appui aérien rapproché pourrait sans doute donner lieu à des luttes intestines entre les Forces terrestres et l'Aviation, qui peuvent prétendre toutes deux à juste titre en avoir besoin. Il faudrait à priori régler cette question. Sans un char de combat principal dans leur inventaire, les Forces terrestres auraient également besoin d'armes antichars améliorées pour l'engagement de longue portée des blindés ennemis. Il faudrait en outre améliorer les capacités de recherche opérationnelle pour assurer une meilleure évaluation de la menace et de développement de scénarios pour les nouvelles forces. Il faudrait continuer d'acheter de nouveaux transports de troupes blindées et véhicules de combat blindés pour améliorer la mobilité et la puissance de feu de l'infanterie, étant donné que ces deux facteurs sont essentiels à la réussite des opérations menées par une force de combat axée sur la guerre de mouvement.

Malgré les coûts initiaux et les problèmes d'organisation qu'elle entraînerait, une telle restructuration des forces procurerait en outre de grands avantages. Les capacités des Forces canadiennes en matière de ravitaillement air-mer seraient améliorées. On créerait ainsi une force correspondant davantage aux réalités financières de l'administration actuelle. Le gouvernement du Canada et les Forces canadiennes seraient moins susceptibles d'être confrontés à une situation où il faut se battre avec ce qu'on a. Grâce à une structure définie plus étroitement, le Canada aurait un plus grand contrôle sur le mode et le lieu de déploiement de ses troupes. Si on avait besoin de formations dotées de matériel blindé plus gros, on pourrait déterminer à l'avance ces besoins en établissant un chevauchement opérationnel avec les autres pays qui déploient des troupes dans des points chauds régionaux.

Il existe certainement des précédents sur un tel partage opérationnel. Dans le passé, les troupes canadiennes ont compté sur les blindés lourds britanniques, et les plates-formes navales canadiennes ont couramment compté sur les unités aériennes des États-Unis ou de l'OTAN pour assurer les patrouilles aériennes de combat. En outre, une telle force serait sans doute davantage en mesure de combattre en zone urbaine ou rurale où nombre d'opérations de maintien de la paix auront lieu. Les chars ont tendance à être vulnérables dans des champs de bataille aussi étroits.

Les difficultés auxquelles un gouvernement et ses forces armées sont confrontés pour bien se préparer sont légion. Chaque élément des forces armées a son propre programme et il essaiera de se protéger. Le gouvernement a tendance à faire des promesses à court terme à des fins électorales. Il incombe à tout gouvernement d'énoncer une politique claire et non ambiguë applicable aux forces armées. Le fait de dire qu'il faut faire des choix difficiles et ensuite de ne pas les faire ne fait rien d'autre que d'assurer la stagnation, laquelle met en danger la vie des hommes et des femmes des Forces canadiennes.

• 0935

Je suis d'avis que le Canada a besoin d'une force polyvalente. Compte tenu du besoin criant de se doter d'une force capable de combattre soit au niveau opérationnel—c'est-à-dire de grandes formations d'unités dans un milieu de guerre totale—soit au niveau de maintien de la paix—c'est-à-dire des déploiements de plus petites unités avec des règles d'engagement beaucoup plus souples—il se pourrait qu'une force interarmes équilibrée soit la meilleure réponse possible. Dans le meilleur des cas, on achèterait de meilleurs chars de combat principaux, transports de troupes blindés et aéronefs, ainsi qu'un appareil consacré à l'appui aérien rapproché, et on financerait davantage la recherche opérationnelle et la collecte de renseignements.

Peu importe que l'on décide en fin de compte de se doter d'une force polyvalente ou d'une infanterie légère, les capacités de commandement et de contrôle doivent être améliorées. Le programme STCCC constitue un excellent départ, mais il faut le parachever.

Enfin, j'estime devoir signaler que, dans le Document de référence de 1997 présenté au cabinet du ministre de la Défense, on constate que, malgré les similarités avec les autres pays ayant fait l'objet d'une étude, le Canada se classe bon dernier en ce qui a trait au nombre d'aéronefs et de véhicules de combat blindés disponibles. Est-ce que le Canada souhaite occuper la dernière place dans ce genre d'étude? Si la politique du Canada s'appuie sur le principe qu'il a besoin de forces pouvant être déployées pour appuyer des pays de même esprit, alors, dans l'état actuel des choses, les hommes et les femmes des Forces canadiennes sont en danger en raison des disparités qui existent entre la politique et l'approvisionnement. Si le gouvernement du Canada peut honnêtement reconnaître cela, alors il y a de l'espoir.

À titre d'exemple, j'attire l'attention du comité sur la réponse que le gouvernement a récemment rendue publique au 18e rapport du Comité permanent des comptes publics intitulé Défense nationale: Équiper et moderniser les Forces canadiennes et Grands projets d'acquisition de biens d'équipement. Le gouvernement a adopté nombre de bonnes initiatives, mais dans une certaine mesure, il est passé à côté de la question. Bien qu'il faille encore réformer la structure du MDN en matière d'approvisionnement, c'est le manque de vision stratégique au niveau de l'établissement des politiques dont il faut s'occuper avant qu'il puisse y avoir une amélioration marquée à long terme dans les domaines dont nous parlons aujourd'hui.

J'ai annexé quelques recommandations à la fin de ma déclaration. Je ne sais pas si vous voulez que je les lise ou non.

Le président: Comme vous voulez.

M. Anthony Forster: Très brièvement, mes recommandations générales seraient les suivantes: un gel immédiat de toute autre réduction du budget de la défense; un effort de relations publiques pour améliorer la réputation et l'image des Forces canadiennes; un règlement immédiat des questions concernant les autres améliorations du CF-18; l'arrêt des réductions du nombre de CF-18; un financement accru accordé au DGRO/D Adm M/J-3 Formation et doctrine pour accroître son personnel et se doter d'une vision stratégique viable et autonome en matière d'évaluation de la menace, de scénarios de planification des forces et de doctrine de guerre interarmées; et, enfin, un examen descendant du processus de prise de décisions en matière de politique concernant l'objet des Forces canadiennes.

Comme je l'ai dit, il existe à l'heure actuelle un écart de plus en plus grand entre les méthodes d'approvisionnement et de planification des forces et les politiques énoncées du gouvernement actuel sur les missions des Forces canadiennes. L'efficacité à long terme du processus d'approvisionnement ou des forces militaires en général repose sur un mandat absolument clair et cohérent.

J'ai aussi formulé des recommandations au sujet d'une force polyvalente ou d'une force blindée légère, mais j'imagine que vous pouvez les lire à loisir.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Forster.

Avant de passer à la période des questions, j'aimerais faire préciser quelque chose. Vous avez dit qu'il fallait revoir notre politique étrangère et accepter le fait que les relations entre les États-Unis et le Canada se sont refroidies. J'aimerais vraiment savoir ce qui vous fait dire cela. Est-ce en raison de la diminution de l'engagement militaire du Canada? Je ne vois pas pourquoi vous...

M. Anthony Forster: C'est une raison, oui, mais c'est aussi simplement parce qu'il n'y a plus de guerre terrestre en Europe de l'Est pour guider la politique soit au Canada soit aux États-Unis. Mais il y a des initiatives que le gouvernement canadien a mises sur pied, comme les mines antipersonnel ou les données sur le satellite de Chine, qui, d'après des militaires, ont vraiment eu pour effet de refroidir les relations. Le cas de la modernisation du système de radar APG-73 du CF-18 Hornet en est un exemple. Le Canada a contribué à l'amélioration de ce système, mais ne l'a pas encore en sa possession. D'autres pays, comme la Finlande et la Malaisie, ont reçu la version améliorée du radar, mais pas le Canada.

Le président: Donc, le refroidissement dans les relations serait attribuable au fait que le Canada a une politique étrangère plus indépendante. J'essaie d'avoir une explication. Voulez-vous dire que, si nous réduisons les dépenses militaires ou l'approvisionnement, nous allons aggraver encore davantage la situation?

M. Anthony Forster: Oui, ce serait effectivement possible. Les États-Unis, qui restent la seule superpuissance, veulent que leurs alliés intensifient une partie des pressions opérationnelles sur l'ennemi.

Le président: J'ai pensé que cette précision pourrait nous être utile.

Nous passons à la première ronde de questions, en commençant par M. Hart, du Parti réformiste.

• 0940

M. Jim Hart (Okanagan—Coquihalla, Réf.): Merci beaucoup, monsieur Forster, de votre exposé. Il a été très instructif.

Vous avez parlé du vérificateur général, et le vérificateur général a formulé plusieurs observations sur l'approvisionnement. Il a notamment signalé au comité que le système actuel est trop compliqué, qu'il comporte des lacunes inhérentes et de lourdes contraintes administratives. Le système fédéral entraîne des frais généraux, prolonge les délais d'exécution et fait augmenter le coût total des acquisitions. Qu'en pensez-vous? Comment notre comité pourrait-il s'attaquer à ce problème?

M. Anthony Forster: Pour ce qui est de la rationalisation du système d'approvisionnement, ce n'est pas à moi de faire des recommandations à ce sujet. Je peux dire toutefois que, dans le cas du char Léopard et de l'achat du véhicule de reconnaissance Coyote, il est clair qu'une certaine rationalisation est nécessaire. Les améliorations de la tourelle du Léopard ont commencé il y a longtemps et se poursuivent toujours. Pour ce qui est du CF-18, la modernisation du système de radar qui s'avère nécessaire semble ne jamais vouloir aboutir. La situation du Labrador montre aussi jusqu'à quel point le processus d'approvisionnement est assez lent.

Compte tenu des progrès technologiques actuels et du fait qu'ils sont à la disposition de ceux qui peuvent constituer une menace, l'approvisionnement doit être efficace. Autrement, il est fort possible que la vie de Canadiens soit mise en danger. Durant la Deuxième Guerre mondiale, par exemple, les Forces canadiennes et les alliés se servaient du char de combat principal Sherman qui était acceptable. Malheureusement, un char acceptable n'est pas suffisant en cas de guerre totale. En fait, il fallait quatre ou cinq chars Sherman pour détruire un seul char allemand. Aujourd'hui, la rapidité des opérations en temps de guerre ne fait qu'accroître de façon exponentielle les possibilités d'effusion de sang.

Je suis d'avis que l'approvisionnement doit être rationalisé, mais ce serait outrepasser mon mandat que de formuler des recommandations précises à ce sujet.

Le président: Monsieur Hart, si je peux me permettre, l'exposé de M. Forster ayant été très intéressant, comme vous l'avez constaté, je voulais passer tout de suite à la période de questions mais, si le comité le préfère, nous pourrions entendre la déclaration de M. Bamford avant de poser des questions à nos deux témoins. Que préférez-vous?

M. Jim Hart: Aurai-je droit de nouveau à dix minutes?

Le président: Oui, nous vous laisserons recommencer. Le comité aimerait-il plutôt entendre le deuxième témoin? D'accord. J'aurais vraiment dû vous le demander avant.

Monsieur Bamford, nous vous souhaitons la bienvenue et nous sommes impatients de vous entendre.

M. Frank Bamford (chef régional des Amériques, GKN Westland Helicopters; directeur commercial, Équipe Cormorant): Merci monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir vous exposer aujourd'hui le point de vue d'un fournisseur sur le rôle très important que joue le gouvernement en matière d'approvisionnement pour répondre aux exigences opérationnelles du ministère de la Défense nationale. Je m'appelle Frank Bamford et je suis chef régional des Amériques pour GKN Westland Helicopters. Je suis aussi directeur commercial de l'équipe Cormorant ici au Canada.

Nous sommes l'un des derniers fournisseurs à avoir conclu un contrat avec le gouvernement du Canada pour l'achat de 15 hélicoptères de recherche et de sauvetage destinés au ministère de la Défense nationale. Comme vous le savez, ces hélicoptères vont remplacer les Labrador qui seront mis au rancart. Je suis heureux de pouvoir annoncer aujourd'hui au comité que le programme Cormorant suit l'échéancier établi qui prévoit la livraison du premier de ces 15 hélicoptères en février 2001. Les membres de l'Équipe Cormorant, c'est-à-dire GKN Westland Helicopters du Royaume-Uni et Agusta d'Italie, sont parmi les plus importants fabricants d'hélicoptères au monde.

Comme d'autres avant moi l'ont déjà dit aux membres du comité je crois, répondre aux exigences opérationnelles très imposantes du ministère de la Défense nationale est la priorité absolue du système d'approvisionnement du gouvernement. Les sociétés membres de l'Équipe Cormorant offrent des produits et des services de calibre international sur le marché mondial depuis plus de 50 ans, et le fait d'avoir des bureaux dans plus de 60 pays et 150 clients dans le domaine civil et militaire nous assure une vaste expérience de l'approvisionnement de défense et nous a donné l'occasion de comparer le système canadien à celui d'autres pays du monde. D'après notre expérience récente du programme de recherche et sauvetage du Canada, je peux dire que le Canada a acquis, à juste titre, une réputation internationale pour la qualité de son système d'approvisionnement ainsi que pour la transparence et l'équité de ce système.

Le gouvernement du Canada a décidé d'acheter des hélicoptères Cormorant après une évaluation très détaillée des besoins de l'utilisateur et du gouvernement, de leurs exigences opérationnelles et de la capacité de payer. Il est important de signaler que l'évaluation a par la suite été validée par des vérificateurs indépendants.

• 0945

Les critères d'évaluation utilisés par le Canada à ce sujet servent de modèle à d'autres clients étrangers qui ont des objectifs et des priorités semblables à ceux du Canada sur le plan opérationnel, financier et administratif. Nous sommes conscients qu'il a été très difficile pour le gouvernement du Canada de décider d'annuler la première commande de nouveaux hélicoptères. Nous savons aussi qu'il a été encore plus difficile pour lui de décider de racheter un modèle moins coûteux de l'hélicoptère dont il avait annulé l'achat quelque temps auparavant. À notre avis, cette décision a demandé un certain courage politique. En bout de ligne, cependant, dans le domaine de la recherche et du sauvetage, les exigences opérationnelles et la capacité de payer passent avant toute chose dans le choix d'un appareil.

Nous sommes le tout dernier fournisseur d'hélicoptères du Canada, mais nous avons l'honnêteté de dire que nous nous sommes aussi fixés pour objectif de fournir aux Forces canadiennes l'appareil qui convient le mieux actuellement pour remplacer les hélicoptères maritimes Sea King.

J'aimerais cependant m'attarder quelques instants sur les besoins opérationnels qui sont, selon nous, essentiels dans le domaine des grandes acquisitions de matériel de défense. Dans certains pays comme le Canada dont les exigences et les besoins opérationnels sont variés, les gouvernements sont confrontés à des problèmes de ressources limitées, mais doivent toutefois acquérir les hélicoptères les plus performants, les plus flexibles en matière de missions, les plus susceptibles de réagir le mieux possible dans le cas de situations difficiles et—inutile de le dire—des hélicoptères dont la durée de service est extrêmement longue. C'est la raison pour laquelle il est si important de fonder l'acquisition du matériel de défense sur des besoins opérationnels déclarés, sur une politique internationale prévue et sur les besoins changeants au cours de cette longue durée de service. La consistance de ces besoins opérationnels, souvent formulés au cours de nombreuses années et qui prennent en compte l'évolution de la dynamique du contexte international, constitue le fondement de la stratégie d'acquisition de matériel de défense. Ces besoins doivent également répondre au critère d'examen des usagers, des politiciens, du public et des médias.

Tout en gardant ce concept d'examen à l'esprit, nous aimerions exprimer notre inquiétude au sujet de certains articles récents des médias qui semblent indiquer que les besoins déclarés du Canada en matière de nouveaux hélicoptères maritimes ne reflètent peut-être pas les besoins opérationnels déclarés qui découlent du Livre blanc sur la défense de 1994. Ces préoccupations reflètent une érosion, une réduction potentielle—ou, en jargon militaire, une «diminution de l'importance»—des besoins opérationnels, qui peut se traduire par l'achat d'un hélicoptère qui ne volera pas aussi longtemps, qui ne pourra pas voler aussi loin et qui risque d'avoir une capacité moindre de transport.

D'après notre expérience du marché actuel, le matériel acheté vise à améliorer les capacités existantes, le point de repère étant souvent représenté par les normes du matériel existant sur le terrain. En tant que société spécialisée dans les produits militaires, nous considérons le Livre blanc sur la défense du Canada de 1994 et le rôle déclaré du Canada comme participant international au maintien de la paix et aux opérations de l'OTAN, comme révélateurs de la politique de défense et des besoins opérationnels qui en découlent. Vous avez fait une déclaration claire de votre intention—qui n'est pas souvent sujette à des changements arbitraires—lorsque vous avez énoncé vos besoins opérationnels dans le contexte du Livre blanc sur la défense de 1994, en disant que le Canada doit conserver une force maritime, aérienne et terrestre parfaitement apte au combat et en soulignant que le Canada doit être en mesure d'avoir les effectifs prévus.

Dans nos domaines particuliers d'intérêt, nous espérons que la politique canadienne d'acquisition de matériel de défense pour l'avenir reflétera les principes qui ressortent clairement du programme canadien d'hélicoptères de recherche et sauvetage: une sélection juste, équitable et très concurrentielle du futur hélicoptère maritime, qui s'appuie indubitablement sur la politique opérationnelle. Toutefois, les processus d'acquisition de nouveau matériel de défense n'ont pas à être des mécanismes élaborés, pesants ou coûteux. Ces principes ne sont pas uniques au processus d'acquisition de matériel de défense; ils sont souvent appliqués à tout un éventail de processus complexes d'acquisition de nature commerciale et technologique.

La réforme du processus d'acquisition dans l'industrie de la défense peut prendre diverses formes pour assurer des avantages financiers et d'efficacité opérationnelle pour les militaires et les contribuables. Après cet exposé, je serais heureux, si vous le désirez, monsieur le président, d'expliquer certaines des expériences que nous avons récemment vécues au Royaume-Uni sur ce sujet. Le principe important que je souhaite souligner, c'est qu'il s'agit de donner au soldat, au marin ou à l'aviateur qui se retrouvent dans un milieu hostile le meilleur matériel possible, compte tenu des contraintes budgétaires et ce, de façon opportune et décisive. La qualité et la performance de ce matériel ne peuvent être mises en question, mais l'opportunité des décisions et du processus d'acquisition peut avoir un effet marqué sur le coût de ce matériel.

• 0950

Les décisions prises aujourd'hui en matière d'acquisition doivent bien sûr résister à l'épreuve du temps ainsi que répondre aux principes que je viens d'exposer. Le Canada a toujours acheté du matériel dont la durée de service est plus longue que celle du matériel de beaucoup de ses alliés de l'OTAN. Le rôle que ce matériel sera appelé à jouer aujourd'hui et tout au long de sa durée va changer sans que l'on puisse le prévoir de façon visible ou réaliste à certains moments. La flexibilité au point de vue des missions, la capacité pour le matériel de jouer plusieurs rôles différents, l'interopérabilité, la compatibilité avec du matériel existant—qu'il s'agisse autant des stocks canadiens que des stocks de nos alliés—les pièces de rechange et l'entretien commun sont devenus la marque des achats, des acquisitions et des opérations du Canada.

Après tout, le Canada ne remplacera pas les hélicoptères de si tôt. Les contribuables doivent être certains que l'hélicoptère acheté va durer et s'adapter aux exigences changeantes que l'on ne peut pas prévoir aujourd'hui. Le monde en évolution rapide que nous connaissons actuellement présente chaque jour des exigences aux forces armées: missions de maintien de la paix, application maritime de sanctions internationales, secours humanitaire de masse, sans compter les missions nationales et les besoins civils qui vont de la protection de la souveraineté à la surveillance des océans, en passant par les secours en cas d'inondation.

Le processus d'acquisition du Canada doit permettre l'achat de l'hélicoptère le plus apte à remplir ces nouvelles fonctions et à répondre à ces nouvelles exigences. Ce qui se passe aujourd'hui au Kosovo reflète certaines des fonctions et exigences changeantes auxquelles ce matériel devra faire face au cours de sa future durée de vie utile.

Il est important d'examiner ce que les Sea Kings du Canada—qui sont essentiellement des avions de défense anti-sous-marine stationnés à l'arrière des navires de guerre—ont accompli ces dix dernières années, qui est un exemple de l'évolution des applications du matériel de défense. Ils ont été présents dans le Golfe persique, servant d'indicateurs à la coalition. En Somalie, ils ont assuré le transport par avion et ont servi d'hélicoptères d'attaque, assurant des missions de sauvetage et d'appui logistique dans ce théâtre d'opérations. Au Canada, ils ont été utilisés pour des glissements de boue, l'inondation de Winnipeg et d'autres catastrophes nationales. C'est la réalité des opérations héliportées et de l'application du matériel de défense d'aujourd'hui. Ces hélicoptères ont été appelés à remplir des missions qui n'étaient même pas prévues au moment de leur acquisition dans les années 60.

Tous ces facteurs d'acquisition de matériel de défense dépendent fortement des budgets. Tant pour le gouvernement que pour l'industrie, il faut aujourd'hui être en mesure de réduire les coûts d'acquisition, de propriété et au bout du compte, le temps de mise en marché des produits. Nous pensons que par l'entremise d'un partenariat entre l'industrie et nos clients, il est possible de rationaliser les mécanismes d'acquisition, de collaborer en matière d'opération et de soutien et de maximiser la communauté et la recherche de solutions commerciales en matière d'équipement.

La communauté des normes et du matériel peut générer des économies de l'ordre de centaines de millions de dollars pour l'usager. L'équipe Cormorant est d'avis que pour ce qui est du prochain programme d'hélicoptères maritimes, c'est un facteur dont il faut tenir compte au moment du choix à faire entre un appareil de recherche et de sauvetage et la solution maritime que nous proposons.

Le matériel commercial disponible qui réduit l'obsolescence et augmente les améliorations à faible coût est un autre facteur qui a une importance significative sur les coûts globaux du cycle de vie de n'importe quel matériel, qu'il s'agisse d'un matériel de défense, d'un produit de l'aérospatiale ou d'une application commerciale.

En résumé, nous aimerions redire que nous sommes convaincus de l'intégrité du processus d'acquisition du matériel de défense du Canada, surtout dans le contexte de la libre concurrence. Étant donné la si grande visibilité du libre-échange international d'aujourd'hui, nous croyons que c'est un facteur important. D'après nos expériences, nous pensons que l'acquisition de ces produits de défense peut se faire d'une façon plus opportune, rentable et décisive grâce à un travail d'équipe et une collaboration avec l'industrie et nos clients. Parmi nos approches, citons des initiatives de financement privé adaptées aux besoins des clients, d'autres formules de prestation de service et des partenariats motivés par la communauté de risques.

Le dilemme restera toujours le même: un gouvernement doit-il investir aujourd'hui dans le meilleur matériel possible et réaliser des économies au cours de la longue durée de vie du matériel en question ou doit-il économiser aujourd'hui et payer plus tard en abaissant les exigences et, au bout du compte, en choisissant du matériel qui risque de s'user de façon prématurée et de ne pas avoir la flexibilité voulue par rapport aux exigences de l'avenir.

Permettez-moi de vous assurer qu'en tant que nouvelle entreprise de contrats de défense au Canada, Équipe Cormorant s'engage à donner au Canada le meilleur rapport qualité-prix en ce qui concerne ses services et produits. En matière d'obligations, nous sommes prêts à nous engager de manière contractuelle à offrir des solutions sans risque et abordables.

• 0955

Nous serions heureux d'instaurer le dialogue avec nos clients afin d'examiner ces nouveaux principes d'acquisition qui peuvent offrir des avantages importants en cette époque de restrictions financières et de besoins opérationnels.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Bamford.

Vous avez fait mention de votre expérience au Royaume-Uni. J'aimerais que vous nous en parliez, sauf si vous vous y opposez, étant donné que pas plus tard qu'hier, le sous-comité du budget du Comité de liaison a approuvé le voyage au Royaume-Uni de notre comité—qui regroupe des membres de tous les partis—en mai prochain.

Pourriez-vous nous dire brièvement ce que vous alliez nous dire, ou préféreriez-vous attendre? Si cela vous convient, nous sommes prêts à vous entendre, au cas où certains députés devraient partir. Cela figurera au compte rendu.

M. Frank Bamford: Certainement, monsieur le président.

Vous êtes sans doute au courant des initiatives au Royaume-Uni qui représentent un système d'«acquisition intelligente». L'acquisition intelligente est un changement dans la façon dont le gouvernement détermine ses besoins globaux de matériel et établit le processus d'acquisition de ce matériel.

Ainsi, l'acquisition intelligente intègre aujourd'hui l'industrie dans le processus d'acquisition, au lieu de la cantonner en dehors du dit processus. Les changements fondamentaux visent la détermination des besoins du client dans le cadre d'un travail d'équipe. Au lieu de déterminer ses besoins et de prescrire la solution à ces besoins, le client demande maintenant à l'industrie de l'aider à déterminer les besoins globaux opérationnels et de présenter ensuite des solutions applicables.

Cette façon de procéder s'est traduite par des avantages en matière de coût et du temps qu'il faut prévoir avant que le matériel n'arrive sur le marché. Il y a de nombreux exemples aujourd'hui au Royaume-Uni qui démontrent que cette approche permet de réaliser d'importantes économies.

Pour ce qui est du matériel électronique, GEC—avec le nouveau radar du Royaume-Uni—a adopté ce genre de travail d'équipe, lequel s'est soldé par des économies de près de 20 p. 100 du coût total de l'acquisition de matériel pour les hélicoptères.

Une autre approche également bien accueillie au Royaume-Uni et que votre comité connaît peut-être est celle des initiatives de financement privé: l'industrie fournit les installations et le matériel aux militaires qui peuvent ainsi s'en servir dans un contexte militaire, ces installations et ce matériel n'étant pas nécessairement la propriété du gouvernement, mais celle de l'entrepreneur.

GKN Westland a récemment eu un contrat pour la fourniture de matériel d'instruction. Le ministère de la Défense veut-il vraiment entraîner tout son personnel, ou l'industrie peut-elle se charger de le faire? Au Royaume-Uni, le gouvernement britannique a décidé de donner l'instruction à contrat.

Dans ce cas précis, nous fournissons à l'armée britannique les installations et les ressources nécessaires pour l'entraînement de tout l'équipage Apache, les instructeurs pour le personnel navigant et pour le personnel d'entretien au sol. Le gouvernement britannique ne paie pas l'acquisition de ce matériel, mais le tarif horaire de tels services.

Quels en sont les résultats pour le budget de la défense? Cette initiative a permis d'économiser quelque 660 millions de livres sur le budget de la défense au Royaume-Uni, cette somme pouvant servir à répondre à d'autres besoins de matériel prévus par le gouvernement dans son plan de politique de défense avancée.

Pour ce qui est des partenariats motivés entre l'industrie et le gouvernement, comment pouvons-nous rationaliser l'acquisition au profit autant de l'industrie de défense que du client? Traditionnellement, on achète des pièces de rechange que l'on range sur des étagères. Elles peuvent servir, devenir obsolètes, être mises à la ferraille. Pourquoi ne pas laisser l'industrie fournir cette installation à l'entrepreneur de la défense et ainsi partager les avantages de la diminution des coûts? Ce processus est aujourd'hui en usage au Royaume-Uni.

Dernier point, le partenariat entre installations et ressources de défense. Aujourd'hui, GKN Westland Helicopters est en partenariat avec les ressources de soutien du Royaume-Uni pour assurer le soutien de tous les avions à voilure fixe. Cela équivaut à une entreprise exploitée par deux associés—le ministère de la Défense du Royaume-Uni et GKN Westland Helicopters. Ces deux associés ont un plan d'affaires qui vise à répondre aux besoins de service de l'usager militaire, mais qui est aussi axé sur la rentabilité industrielle. Cela se traduit sans l'ombre d'un doute par des économies dans ce domaine particulier.

• 1000

Le président: Merci beaucoup pour ces observations supplémentaires.

J'aimerais indiquer à mes collègues que le haut-commissaire de Grande-Bretagne, ainsi que Philip Springfield, conseiller militaire auprès du Haut-commissariat, m'ont envoyé une copie de l'étude récemment effectuée au Royaume-Uni sur le processus d'acquisition; c'est tout à fait intéressant. Certains députés l'ont déjà vue. Si vous voulez en obtenir une copie, veuillez l'indiquer au greffier.

Il semble que cela suscite pas mal d'intérêt si bien que je vais demander à monsieur le greffier de voir s'il serait possible d'obtenir des copies supplémentaires en s'adressant à M. Springfield, au haut-commissariat de Grande-Bretagne. Ce serait probablement très utile avant le voyage que j'espère, nous allons faire.

Je remercie beaucoup les deux témoins. Nous allons maintenant passer à M. Hart qui va entamer la première série de questions.

Monsieur Hart.

M. Jim Hart: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'allais parler initialement du vérificateur général et des observations qu'il a faites au sujet de la rationalisation du système d'acquisition. Je me demande, monsieur Forster, si vous avez des propositions à faire. Nous avons entendu M. Bamford parler d'un système qui devrait retenir notre attention: l'acquisition intelligente au Royaume-Uni. Connaissez-vous d'autres pays dont le système est plus efficace et plus efficient ou peut-on dire que tous les autres pays ont un système d'acquisition plus efficace et plus efficient?

M. Anthony Forster: Eh bien, de par sa nature le gouvernement est un organe bureaucratique si bien qu'il accuse forcément des retards.

Je ne me suis pas tant attardé sur le processus d'acquisition au cours de mes recherches en vue de ce témoignage. L'acquisition de matériel est décidée en fonction de ce que les militaires et le gouvernement envisagent comme menace future et elle est actuellement du ressort de deux bureaux seulement au sein de cette structure, celui du DGRO et celui du D Adm M, qui sont chargés de produire des scénarios de planification des forces. Ces deux bureaux connaissent des réductions d'effectifs depuis 1990 et vont continuer à produire leurs scénarios très lentement. Si l'on veut rationaliser le processus d'acquisition et lui donner une certaine orientation, il faudrait injecter de nouveaux fonds ou prévoir du nouveau personnel dans ces deux secteurs pour qu'ils puissent arriver à produire de tels scénarios.

Soit dit en passant, je dois faire remarquer que la création de ces scénarios accuse un certain retard étant donné que diverses directions militaires ont leur mot à dire; c'est la raison pour laquelle, dans mes recommandations, je fais remarquer que ces scénarios devraient se faire de façon autonome. Les directions du ministère de la Défense ne devraient pas trop participer à la production de ces scénarios, lesquels devraient être créés de façon autonome avant d'être distribués pour orienter le processus d'acquisition.

M. Jim Hart: Vous parlez également dans votre mémoire des relations entre les États-Unis et le Canada en particulier. Je me demande si vous pourriez nous parler de l'effet de la réduction de notre budget de défense de près de 30 p. 100, en termes réels, depuis 1993. Comment cela a-t-il limité la capacité du Canada à participer à des projets industriels de défense avec les États-Unis?

M. Anthony Forster: Pour ce qui est des projets industriels de défense, cela a créé une atmosphère, du point de vue des personnes intéressées, à tout le moins... Je tiens à dire qu'il s'agit strictement de renseignements non vérifiés, mais cela a créé une atmosphère où les États-Unis se montrent soupçonneux à l'égard du processus adopté au Canada. Je peux dire que les représentants de l'industrie américaine de l'acquisition—de l'industrie de défense—auxquels j'ai parlé se demandent en fait si le Canada veut véritablement s'engager à long terme dans la création d'une force polyvalente conjointe.

M. Jim Hart: J'ai une question de plus à poser avant de passer à M. Bamford.

Le Canada participe à ce programme conjoint d'avions de combat, même s'il ne semble pas qu'il y affecte beaucoup de ressources—de l'ordre de 2 à 3 millions de dollars cette année, je crois. Comment l'interprétez-vous? Prenons-nous de nouveau du retard par rapport à un projet fort important? Devrions-nous y consacrer plus ressources? Quelle devrait être la participation raisonnable du Canada dans ce projet?

M. Anthony Forster: C'est au gouvernement canadien de décider du montant des affectations pour chaque projet.

Il s'agit à mon avis d'une plate-forme parfaitement apte en ce qui concerne son interopérabilité. Son apport sera considérable si elle est en fait déployée dans plusieurs pays de l'OTAN.

• 1005

Le hic, quand on coordonne plusieurs politiques, c'est qu'il faut aussi coordonner les capacités militaires. Donc, l'idée de mettre au point une plate-forme que tous peuvent utiliser pour s'acquitter de divers rôles est essentiellement bonne.

M. Jim Hart: Monsieur Bamford, vous avez parlé des hélicoptères de recherche et de sauvetage. Il me semble que, déjà en 1994, le livre blanc faisait état de la nécessité pour le Canada d'acquérir de nouveaux hélicoptères de recherche et de sauvetage. Pourtant, le Cormorant n'a été acheté qu'en janvier 1999, soit quatre ans plus tard environ. Ce long délai est-il acceptable, et comment aurait-on pu accélérer un peu ce processus?

M. Frank Bamford: L'évaluation des besoins de programmes comme celui des hélicoptères de recherche et de sauvetage devait manifestement se faire au niveau opérationnel. Il fallait passer en revue la demande antérieure d'hélicoptères Labrador et certes la présenter d'une manière qui ouvre la porte à une concurrence loyale et directe, compte tenu de l'historique de ce programme particulier.

Étant donné les circonstances, je ne suis pas sûr qu'on aurait pu agir autrement pour accélérer le processus. Nous y avons certes pris part, en ce qui concerne l'échelle des temps. Que les programmes de défense de cette nature prennent autant de temps à se concrétiser n'a rien d'inhabituel.

M. Jim Hart: Le délai est-il acceptable, toutefois? D'un point de vue opérationnel, les militaires, forts d'une expérience considérable dans ce genre d'opérations, ne connaîtraient-ils pas les besoins en moins de temps?

M. Frank Bamford: Je suis certes convaincu que les militaires connaissaient leurs besoins. Il fallait toutefois que le ministère traduise ces besoins en des mécanismes qui lui permettaient de faire un appel d'offres. Comme je l'ai dit, étant donné l'historique de ce programme particulier, nous souhaiterions évidemment, en tant qu'entrepreneurs, que cela prenne moins de temps, mais nous sommes aussi conscients qu'il faut respecter certains processus pour faire des acquisitions de cette nature.

M. Jim Hart: Pourriez-vous nous décrire les dispositions relatives aux retombées industrielles du projet Cormorant?

M. Frank Bamford: Avec plaisir.

Dans le programme d'acquisition Cormorant, nous avons donné l'assurance que la valeur totale du contrat irait à des Canadiens, que les marchés de sous-traitance représentant quelque 629 millions de dollars seraient adjugés à l'industrie canadienne. Cet engagement a imposé des obligations, pour ce qui est des retombées industrielles régionales directes et indirectes, aux deux entreprises, soit à la nôtre et à la société italienne Agusta. Le respect de ces obligations a pris diverses formes, un peu partout au Canada. En tant qu'entrepreneur, notre objectif était de pouvoir offrir des avantages industriels régionaux qui se renouvelleraient d'eux-mêmes à la fin du projet.

Nous avons tenté d'introduire un élément international dans ces retombées industrielles régionales plutôt que de simplement confier à l'industrie canadienne les travaux prévus dans le programme Cormorant, puis, quand les 50 appareils auraient été livrés, de disparaître du paysage. Il existe des exemples de débouchés internationaux pour l'industrie canadienne actuellement.

M. Jim Hart: Les retombées industrielles ont-elles causé une augmentation du prix du Cormorant pour le contribuable canadien?

M. Frank Bamford: Les retombées ont certes un prix, mais il n'est pas aussi élevé qu'il l'a déjà été. De notre point de vue, il est relativement minime. De toute évidence, nous employons des gens pour administrer ces processus d'acquisition et, pour ce qui est de l'écart de coût, plutôt que d'affecter des employés aux acquisitions à partir du Royaume-Uni ou de l'Italie, il est beaucoup plus facile d'envoyer des gens dans le pays auquel est destiné le produit particulier. Cependant, ce coût est relativement faible, par rapport au coût global du programme.

Notre objectif ultime, ici, n'est pas d'acheter au Canada des retombées industrielles régionales, mais de trouver ici même des organismes concurrentiels qui ont la capacité technique et la compétence voulues pour prendre part au programme. En bout de ligne, les mauvaises décisions prises par l'entrepreneur principal sur le plan des retombées industrielles régionales peuvent souvent faire la différence entre un programme rentable et un programme non rentable.

M. Jim Hart: Je pourrais peut-être demander à M. Forster de répondre lui aussi à la question concernant les retombées industrielles. La disposition relative aux retombées industrielles décourage-t-elle des entrepreneurs de faire des propositions quand vient le temps pour les militaires d'acquérir une pièce d'équipement?

• 1010

M. Anthony Forster: Je crois que oui. J'avoue que je m'y connais très peu quant aux rouages internes relatifs aux retombées industrielles. Ma réponse sera donc très générale au mieux, et je m'en excuse. Cependant, j'estime qu'il existe certes des éléments dissuasifs, du moins aux États-Unis. Après m'être entretenu avec des Américains, je dirais que c'est effectivement le cas.

M. Frank Bamford: Pourrais-je simplement ajouter quelque chose, si vous me le permettez? Le coût des retombées industrielles régionales varie selon la base technologique des différents pays. J'irais même jusqu'à dire qu'en termes de base technologique dans l'industrie de l'aérospatiale et de la défense, le Canada a beaucoup plus que certains de nos clients moins bien nantis d'autres régions du monde. C'est là que le coût des retombées industrielles régionales commence à avoir une influence sur vos programmes.

M. Jim Hart: Je vous remercie beaucoup.

Le président: Monsieur Hart, je vous remercie.

[Français]

Monsieur Laurin.

M. René Laurin: Je vais commencer par M. Bamford, et j'interrogerai ensuite M. Forster.

Monsieur Bamford, vous avez parlé de l'échéancier du programme d'achat des Cormoran qui, semble-t-il, est actuellement respecté. Pourriez-vous nous indiquer de quelle façon se fait le contrôle de l'exécution du contrat? Comment procédez-vous pour rendre des comptes au gouvernement sur l'exécution des exigences du contrat?

[Traduction]

M. Frank Bamford: Certes, monsieur le président, il existe de très nettes lignes directrices en matière d'opérations à propos desquelles nous nous sommes entendus avec le client. Ainsi, nous sommes tenus de présenter des rapports périodiques. On fait aussi des évaluations de programme. En fait, une pareille évaluation est justement prévue à la fin du mois et une autre a eu lieu au début de février. Ces évaluations de programme sont complétées par des rapports hebdomadaires détaillés envoyés au client au sujet de toutes les échéances et exigences du programme. Notre client peut aussi, grâce à ses représentants sur place—et le Canada en compte 10 affectés au Royaume-Uni et en Italie—, suivre le progrès. Non seulement le client, mais également le ministère de la Défense nationale et Travaux publics peuvent constater par eux-mêmes les progrès accomplis. Il faut présenter des rapports au sujet du programme et en suivre l'exécution à des intervalles extrêmement rapprochés.

[Français]

M. René Laurin: Dans le projet de fabrication d'hélicoptères, il y avait des clauses concernant les retombées industrielles régionales. Il ne vous est peut-être pas possible de le faire aujourd'hui, mais pourriez-vous dire aux membres du comité quelle est la situation actuelle de la répartition? Un certain nombre d'emplois devaient être créés localement, dans les diverses provinces, avec des retombées économiques régionales. Un rapport a déjà été fait, mais il traitait des projections; on avait fait des prévisions. Puisqu'on est maintenant en cours de réalisation, pourriez-vous présenter au comité un état de la situation de la répartition des sous-traitants pour la réalisation du contrat et du nombre d'emplois créés dans chaque province? Ce document pourrait-il être envoyé au comité dans les prochains jours?

[Traduction]

M. Frank Bamford: Monsieur le président, je puis certes vous en donner un aperçu—et nous sommes disposés à fournir plus de détails, car c'est là une de nos obligations contractuelles. Pour vous donner une idée de la situation actuelle, à peu près un an après le début des travaux d'exécution du contrat général, entré en vigueur le 1er avril 1998, nous avons adjugé des contrats de sous-traitance d'une valeur de 314 millions de dollars au Canada.

Ce montant n'égale pas forcément la valeur de tous les marchés adjugés au Canada. Par exemple, si nous achetons de l'équipement au Canada, cela ne signifie pas forcément que cet équipement a été produit ici. Des entreprises canadiennes achètent de l'équipement étranger pour suppléer à leurs produits particuliers. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est que des 314 millions de dollars que nous avons dépensés dans le cadre de ce contrat, 160 millions de dollars sont représentés par un contenu canadien, c'est-à-dire que ces dollars découlent directement de contrats de sous-traitance adjugés à des Canadiens.

Quant à la répartition régionale, nous avons pour principe de répartir les contrats de sous-traitance dans tout le Canada, tel que convenu entre nous-mêmes et Industrie Canada. Nos obligations, pour vous en donner une idée simplement, précisent que 7 p. 100 de la valeur du contrat sont adjugés dans la Région atlantique, 23 p. 100, en Ontario, 50 p. 100 au Québec et 14 p. 100 dans l'Ouest, de sorte qu'actuellement, il reste 6 p. 100 qui n'ont pas été adjugés et qui peuvent être répartis un peu partout au Canada.

• 1015

Nous sommes aussi obligés de réserver 12 p. 100 de cette valeur globale à des petites et moyennes entreprises du Canada.

Jusqu'ici, nous avons adjugé à la fois des petits et des gros contrats à l'échelle du Canada. Nous avons soutenu l'industrie canadienne dans ses initiatives à l'étranger en plus de confier des contrats directement à des entrepreneurs canadiens.

J'ai ici des communiqués de presse que je vous laisserai et qui donnent des précisions à ce sujet. Nous pouvons vous fournir un rapport plus officiel, si vous le désirez.

Je vous rappelle toutefois qu'Industrie Canada suit la situation de très près. Vous pouvez certes vérifier ces données en les comparant à celles que collecte Industrie Canada, si vous le jugez bon.

[Français]

M. René Laurin: À un certain moment, vous avez accordé à une compagnie de consultants—un bureau d'avocats, je crois—le soin de recruter des entreprises de petite et moyenne tailles pour de la sous-traitance dans la réalisation des contrats. Pourriez-vous nous donner une idée du résultat de cet appel? J'aimerais que, dans votre rapport écrit au comité, vous nous donniez une liste des entreprises qui seront considérées et qui obtiendront du travail pour la réalisation du contrat.

[Traduction]

M. Frank Bamford: Nous n'avons jamais demandé à des consultants de recruter des petites et moyennes entreprises séparément des grandes entreprises. Cette activité s'inscrit dans le programme global. Le milieu des petites et moyennes entreprises du Canada est actuellement, je l'avoue, un des plus difficiles où trouvez des sous-traitants, mais nous y sommes parvenus. Je peux vous donner plusieurs exemples de PME qui ont décroché des contrats avec nous au Canada.

Je préciserai également, naturellement, qu'au sein des PME, nous cherchons des compétences qui ne sont pas forcément directement liées aux contrats des Cormorants.

[Français]

M. René Laurin: Je m'excuse, monsieur Bamford. Je fais allusion à un bureau d'avocats auquel vous aviez donné un mandat. On a appelé les députés pour leur indiquer que si des entreprises de petite et moyenne tailles étaient susceptibles de travailler à la réalisation de ce contrat dans leur comté, on se ferait un plaisir de communiquer avec elles pour connaître leur expertise et voir comment on pourrait les impliquer. C'est ce à quoi je fais allusion. C'est un avocat, M. Bouchard, qui m'avait appelé pour demander des noms de petites et moyennes entreprises. Cela a été fait, je pense, dans tous les partis. C'est à cette opération que je fais allusion. Je voulais que vous m'en donniez brièvement les résultats aujourd'hui et que vous en donniez les détails dans un rapport plus complet que vous fourniriez au comité.

[Traduction]

M. Frank Bamford: Monsieur le président, si je le puis, plusieurs personnes nous ont certes aidé tout au long du processus. En ce qui concerne la personne à qui vous faites allusion, nous vous fournirons certes les précisions sur les résultats.

Plusieurs entreprises ont profité de contrats, et la personne dont vous parlez fait partie d'une équipe qui fait le recrutement. Cependant, nous serions certes disposés à vous fournir des renseignements sur ces résultats particuliers.

M. René Laurin: D'accord.

Le président: Vous avez deux minutes.

[Français]

M. René Laurin: Si vous le voulez bien, je vais passer à l'autre témoin, M. Forster. D'abord, j'ai été très surpris d'entendre votre témoignage qui remet en question la politique de l'armée canadienne, le livre sur l'armée canadienne depuis 1994. Ne trouvez-vous pas qu'il y a contradiction quand vous dites que, des trois options suggérées, la troisième vous semble la plus réaliste alors qu'elle amènerait forcément une remise en question de l'existence d'une armée polyvalente, alors que vous croyez toujours que le Canada devrait se doter d'une force polyvalente?

• 1020

Comment concilier les deux: d'une part, la recommandation en vue d'une restructuration qui nous forcerait peut-être à abandonner la force polyvalente et, d'autre part, la recommandation que cette force soit maintenue?

[Traduction]

M. Anthony Forster: En théorie, l'idée est que le Canada aurait une force polyvalente qui cadrerait avec sa politique étrangère. Pour le faire, la seule option réaliste consiste selon moi à conserver un parc de chars de combat principaux et d'acheter un appareil d'appui aérien rapproché. Au lieu de créer une véritable force à rôles multiples, l'autre option serait de se débarrasser des chars de combat principaux et de se doter d'une force terrestre constituée principalement d'une infanterie légère ou d'une infanterie mécanisée. Dans mon document, je précise que l'on pourrait mettre l'OTAN et l'ONU devant un fait accompli en matière de déploiement. Dans les faits, je prévois que les militaires canadiens en seraient réduits à un rôle strictement policier, plutôt que de véritable combat.

Quand je dis que l'élimination des blindés lourds est l'option la plus réaliste, c'est que cela correspond aux pratiques réelles du gouvernement actuel depuis cinq ou six ans.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

Je vous remercie. Nous cédons maintenant la parole au parti ministériel. Quatre personnes souhaitent poser des questions. Elles sont, dans l'ordre, M. Richardson, M. Pratt, M. Clouthier et M. Bertrand. Si le temps nous le permet, nous ferons un deuxième tour de table.

La parole est à M. Richardson.

M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

J'ai écouté avec soin l'exposé de M. Forster. Chaque année, j'entends des témoins évoluant en périphérie du ministère de la Défense nationale et de personnes qui s'intéressent à la stratégie. Comme les autres, M. Forster a escamoté certaines questions.

Ainsi, il a dit que les Américains pourraient bien en avoir marre du Canada. Eh bien, nous, nous en avons marre des Américains! Ils n'ont pas versé leur quote-part aux Nations Unies, ils n'ont jamais participé à une mission onusienne, ils n'ont jamais fait ceci, cela, etc. Il faut en tenir compte quand on parle des relations canado-américaines.

Ensuite, nos alliances reposent sur des engagements. Nous faisons partie de l'OTAN, soit de l'alliance de défense de l'Hémisphère occidental, et nous effectuons des missions de maintien de la paix pour les Nations Unies. Ce n'est pas rien!

J'étais certes là quand nous avons acheté les premiers chars Léopard. Nous en avons effectivement besoin. Toutefois, je ne tournerais pas les Forces canadiennes en ridicule à ce sujet. Le ministère de la Défense éprouve des difficultés à décider où leur accorder la priorité, mais quand il l'aura fait, il obtiendra peut-être les chars.

Depuis 1994, notre comité examine avec soin tous les avantages et les inconvénients de forces équilibrées, c'est-à-dire du maintien d'une force aérienne, d'une force marine et d'une force terrestre. Le comité est non sectaire. Les partis d'opposition et le parti ministériel travaillent ensemble à essayer de trouver une solution équilibrée qui correspond aux menaces appréhendées.

Ces menaces viennent des engagements que nous prenons, soit au sein de l'OTAN, c'est-à-dire de l'alliance de défense de l'Hémisphère occidental, et des Nations Unies. Ce sont là les menaces extérieures. Chaque fois, nous avons réussi à respecter nos engagements. Quand les Américains ont fait la guerre dans le Golfe, nous y étions. Quand les Américains ont eu besoin d'aide en Somalie, nous y sommes allés. Quand les Américains ont décidé d'intervenir au Kosovo et en Bosnie, nous étions de la partie.

Ne venez donc pas nous faire la leçon avec ce genre de sornettes. Étudiez votre stratégie, examinez bien votre globe terrestre et discutez avec les gars de la Défense. Mais, ne vous présentez pas devant notre comité, qui traite de réalité et de faits.

Vous faites certes valoir un point au sujet des chars. Nous aimerions régler ce problème, nous aussi, mais il faut du temps pour le faire. Toutefois, nous livrons déjà une guerre ici, c'est-à-dire que nous cherchons à atteindre le principal objectif des Canadiens et Canadiennes—réduire la dette et éliminer le déficit. Voilà notre priorité. Nous ne pouvons donc pas commencer à choisir au hasard pendant que nous sommes dans cette phase. Nous n'avons pas encore atteint nos objectifs globaux à cet égard. Quand ce sera fait, nous pourrons probablement faire débloquer des fonds pour voir à ces questions et reconstituer nos forces. Nous nous sommes mis dans un pétrin dont il n'a pas été facile de s'extirper. Nous le faisons à un rythme que nous n'avions pas prévu, mais c'est un bon rythme.

• 1025

Parlez-m'en des acquisitions intelligentes! Quand j'entends des témoins nous parler d'acquisitions intelligentes, je pense immédiatement au renard dans le poulailler. Quand vous venez ici, contentez-vous de nous donner les faits, de nous vendre ce que vous avez à nous vendre. Ne venez pas nous dire que vous n'avez rien à vendre. Vous servez de façade à quelque chose à la Défense nationale. J'ignore ce que c'est, mais c'était certes mal dissimulé dans les documents portant sur la stratégie. J'aimerais certes qu'on le comprenne bien, monsieur le président.

Le président: Vous avez, je crois, très bien décrit vos sentiments aux témoins. J'aimerais maintenant leur donner l'occasion de répondre.

M. Anthony Forster: Je n'ai jamais voulu dire que les États-Unis sont tout à fait innocents...

M. John Richardson: Vous écrivez en toutes lettres dans votre mémoire qu'il y a un froid croissant entre les États-Unis et le Canada.

M. Anthony Forster: C'est vrai, et ce chauvinisme trouve ses origines en grande partie aux États-Unis. Ce qui est arrivé au sein du gouvernement du Canada... Il vous appartient de décider si c'est bon ou pas, étant donné les restrictions budgétaires. Le chauvinisme des Américains s'explique, par exemple, par le fait que le commandement des opérations spéciales des États-Unis, qui englobe les diverses directions opérationnelles spéciales des forces américaines, a la même taille que toute l'armée permanente canadienne. Je n'avais certes pas l'intention de laisser entendre que le Canada était la seule cause du refroidissement des relations. Si c'est ce que j'ai fait, je m'en excuse tout de suite.

Quant à la question du déploiement, le Canada a effectivement déployé des troupes dans le Golfe; il a effectivement déployé des troupes en Somalie et il assure effectivement une présence au Kosovo actuellement. Toutefois, ce que je tente de faire dans ce mémoire, c'est de faire monter d'un cran la portée de la question. Si vous affirmez que vous allez maintenir une force polyvalente, alors faites une planification qui permettra de toujours avoir cette force polyvalente dans cinq ou dix ans. Actuellement, le Canada a une force comparable à celle de tout pays qui pourrait le menacer. Dans cinq ou dix ans, étant donné l'état actuel du processus d'acquisition, la vitesse à laquelle les contrats sont exécutés, ce pourrait ne pas être le cas. Voilà simplement ce que j'essayais de faire comprendre.

Le président: Monsieur Bamford, réagissez-vous à cela?

M. Frank Bamford: La seule chose que j'ai à dire, monsieur le président, c'est que certes du point du vue des acquisitions intelligentes il est très difficile d'expliquer dans un très court laps de temps cette situation que nous ne prenons certes pas à la légère. Nous serions heureux d'en discuter plus en détail.

Le président: Merci beaucoup. J'ai signalé que nous espérons nous rendre au Royaume-Uni et c'est une des raisons.

Je vais passer à M. Pratt. Il vous reste cinq minutes, monsieur Pratt.

M. David Pratt: Il reste cinq minutes. Merci, monsieur le président.

J'aimerais poser à M. Forster une question au sujet de l'interopérabilité. Des membres de ce comité ont eu l'occasion de se rendre en Allemagne en janvier et ont constaté, par l'entremise des exposés qui ont été présentés, le très haut niveau d'interopérabilité de l'armée allemande, par exemple, avec quelques-uns de ses voisins. Je pense à sa brigade interarmées avec la France, les Pays-Bas et le Danemark et les nouvelles ententes qu'elle se propose de conclure avec la Pologne et la Tchécoslovaquie.

En ce qui concerne vos observations relatives au froid croissant entre les États-Unis et le Canada, pour reprendre votre expression, verriez-vous une possibilité quelconque—étant donné, d'une part, que les Américains participent aussi à des opérations en Europe avec les Allemands et, d'autre part qu'ils restent nos plus proches alliés—de réchauffer les relations si nous participions par exemple à une brigade interarmées ou même à un bataillon?

M. Anthony Forster: Je pense que cela ferait l'affaire. Tout type de déploiement de concert avec les alliés de ce gouvernement accroîtrait certes l'interopérabilité. La guerre c'est une friction. Lorsque Clausewitz parle de la friction de la guerre, il entend par là tout ce qui peut aller de travers pendant un déploiement militaire. La seule façon d'éliminer ces points de friction, c'est de s'unir pour former et déployer les forces. En outre, l'interaction entre les officiers d'état major des diverses armées permettrait de créer d'autres liens, de sympathiser davantage.

Je recommanderais donc fortement que cela se fasse au niveau de la brigade et non du bataillon. Le Canada a eu, par le passé, des forces au centre de formation des États-Unis. Elles ont en réalité obtenu des succès remarquables. Mais oui, tout à fait, l'entraînement conjoint peut améliorer l'interopérabilité.

• 1030

M. David Pratt: À l'heure actuelle, est-ce que vous voyez cela comme une lacune en ce qui concerne le potentiel de l'armée canadienne? Lorsque je considère nos forces aériennes et navales, je me rends compte que l'interopérabilité existe déjà à un très haut niveau avec les Américains. Aurions-nous dû accorder plus d'attention à cet aspect?

M. Anthony Forster: Non, je crois que le dossier de l'Armée canadienne en matière d'interopérabilité avec ses alliés de l'OTAN est excellent. La formation se poursuit certes. Il va sans dire qu'en ce qui concerne le processus d'acquisitions, nous avons été témoins de décisions qui accroîtront cette interopérabilité.

Non, je pense que nous y avons accordé suffisamment d'attention. La seule chose que je recommanderais serait de l'accroître encore davantage.

M. David Pratt: On pourrait l'améliorer, alors, par un...

M. Anthony Forster: Elle peut toujours être améliorée. Le foyer de la guerre est le plus implacable des bans d'essais. Ainsi, tant qu'à faire, vous pourriez vous appliquer par dessus le marché.

M. David Pratt: Pourriez-vous faire quelques commentaires sur le niveau de participation du Canada au Kosovo à l'heure actuelle? Croyez-vous que notre contribution est proportionnelle à celles des forces qui sont là-bas et des forces qui sont engagées?

M. Anthony Forster: «Proportionnelle» est un drôle de mot. Est-ce que le Canada contribue? Oui, absolument! Est-ce que les pilotes canadiens risquent leur vie en danger toutes les fois qu'ils décollent? Oui, absolument!

Ma préoccupation est tout autre. Il y a ceux qui au sein des forces aériennes canadiennes, par exemple, croient qu'on réduira environ de moitié le nombre d'aéronefs, qu'on passera à 65 appareils. Si le Canada veut continuer à faire ces contributions, il faudra qu'il en tienne compte au moment dans ses acquisitions.

Le président: C'est votre dernière question, monsieur Pratt.

M. David Pratt: Vous parlez des fuselages. De toute évidence dans un conflit de cette nature au cours duquel les pilotes canadiens doivent faire un certains nombres de sorties, les fuselages des appareils sont mis davantage à rude épreuve. Notre participation aux forces de frappe au Kosovo accélère-t-elle l'obsolescence des CF-18?

M. Anthony Forster: Je crois que nous convenons du fait qu'il y a déjà un problème. Certains des CF-18 des Forces canadiennes montrent déjà des signes de fissures structurelles beaucoup plus tôt que ce qui avait été prévu. Cela est surtout dû au fait que les Forces aériennes canadiennes s'entraînent intensément dans le combat air-air. Pour ce qui est de l'avenir, il va sans dire que le fuselage de ces avions vieillit et que si l'armée veut maintenir son potentiel elle n'aura d'autre choix que de moderniser sans cesse ses appareils.

Le président: Merci, monsieur Pratt.

Nous passons maintenant la parole à M. Earle du NPD à qui nous accordons 10 minutes.

M. Gordon Earle (Halifax—Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à M. Forster et elle porte sur quelque chose que vous avez dit au début de votre exposé. Je m'excuse à l'avance parce que vous en avez peut-être parlé avant que j'arrive. Si je suis en retard, c'est que j'avais un autre engagement.

Au tout début de votre exposé, vous dites:

    La réalité concrète est que le fait d'avoir négligé les besoins d'équipement des FC a entraîné—pourrait continuer d'entraîner—des pertes de vies.

Pourriez-vous précisez votre pensée? Vous ne mâchez pas vos mots. Vous dites que cela a entraîné et pourrait continuer d'entraîner des pertes de vies.

M. Anthony Forster: Eh bien! L'hélicoptère Labrador est bien sûr la première chose qui vient à l'esprit. C'est une plate-forme qui trahit nettement son âge et la seule véritable option serait de le remplacer le plus rapidement possible. Il va sans dire que ce comité a joué un rôle clé là-dedans et continuera à le faire.

En ce qui concerne les pertes de vies futures, comme je l'ai dit, nous parlons de guerre. La guerre tend à être plutôt implacable. Si les États-Unis et leurs alliés ont dominé si fortement pendant l'opération Tempête du désert, c'est qu'ils ont maintenu cette domination dans toutes les secteurs de la défense. Il n'y avait aucun secteur particulier où l'un était visiblement plus faible que l'autre. Pour dominer dans tous les secteurs d'un engagement militaire, il faut axer ses acquisitions dans cette direction. Tous les maillons de la chaîne doivent être solides. Par exemple, si le Canada devait déployer ses chars de combat principaux, il sait qu'il sont vulnérables dans l'état où ils se trouvent à l'heure actuelle.

M. Gordon Earle: Je suppose que je ne suis simplement ni sûr ni convaincu que nous devons nous lancer dans la course au sommet pour dominer militairement par l'entremise du pouvoir, des armes et de la haute technologie. Je ne suis pas sûr d'être entièrement d'accord avec l'idée de posséder le dernier cri de l'équipement de haute technologie et de dépenser de l'argent dans ce domaine alors que je vois dans notre société tant de secteurs où nous pourrions dépenser de façon beaucoup plus avisée nos ressources limitées. Cependant, nous appuyons ceretes—et je continue de le faire—les questions touchant la qualité de vie du personnel militaire. La question de l'équipement est un autre problème.

Mais j'ai quelques autres questions. Vous avez parlé de la restructuration dans votre document et vous vous exprimez ainsi:

    Le gouvernement à Ottawa devrait reconnaître qu'il n'est pas prêt à consacrer l'argent nécessaire pour se tenir à la fine pointe de la courbe technologique et il devrait abandonner le profil de force homogène qu'on attend présentement des FC.

• 1035

À la page suivante, vous parlez ensuite des diverses pièces d'équipement qu'on pourrait acheter pour restructurer. Vous mentionnez l'avion d'attaque A-10 de fabrication américaine et vous parlez de l'hélicoptère Apache. En ce qui concerne l'avion d'attaque A-10, pouvez-vous me dire s'il s'agit de celui qu'on appelle le Warthog?

M. Anthony Forster: C'est exact.

M. Gordon Earle: En ce qui a trait aux préoccupations liées au fait que cet appareil en particulier utilise des projectiles à noyau d'uranium appauvri dans sa mitrailleuse à chaîne, pouvez-vous me dire si elles sont fondées?

M. Anthony Forster: Les opinions divergent quant à savoir si l'utilisation de projectiles en uranium appauvri est préjudiciable ou non à l'environnement.

M. Gordon Earle: Les utilise-t-on?

M. Anthony Forster: Oui, absolument.

M. Gordon Earle: Essentiellement, vous recommandez que le Canada fasse l'acquisition de certains de ces appareils s'il envisage une restructuration comme celle dont vous parlez.

M. Anthony Forster: Advenant une restructuration allant dans le sens que j'ai expliqué—et n'oubliez pas que je considère que c'est un piètre deuxième choix par rapport au maintien d'une véritable force polyvalente—, il faudra se doter d'un multiplicateur de force quelconque pour compenser la perte des chars de combat principaux.

Dans l'absolu, je pense que le Cobra est le meilleur choix comme multiplicateur de force. Il peut assumer divers rôles, soit de reconnaissance ou d'attaque. En fait, j'ai pris la liberté de m'informer de son prix de vente. À l'heure actuelle, on peut se procurer un certain nombre d'hélicoptères AH-64D pour environ 20 millions de dollars US par cellule, les frais de livraison en sus, bien sûr. Il leur reste une espérance de vie d'environ 83 p. 100.

M. Gordon Earle: Oublions pour un instant les «querelles» entourant l'aspect écologique des armes en uranium. Quel est le but avoué vise-t-on en dotant ces appareils de ces armes en uranium? Quelle est l'intention?

M. Anthony Forster: Le canon multitube GAU-8/A est spécifiquement conçu pour éliminer les véhicules blindés de combat.

M. Gordon Earle: Merci.

Je m'adresse à monsieur Bamford. Vous avez mentionné que le premier hélicoptère serait prêt en l'an 2001. Combien d'hélicoptères sont prévus?

M. Frank Bamford: Quinze en tout.

M. Gordon Earle: Quinze en tout. Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe, mais quand le dernier sera-t-il livré si le premier est prêt en 2001?

M. Frank Bamford: La livraison du quinzième appareil aura lieu à la fin de 2003.

M. Gordon Earle: Pourquoi s'écoule-t-il autant de temps entre la livraison du premier et du quinzième? De nos jours, n'existe-t-il pas un système de fabrication en série qui permette de les fabriquer et de les livrer tous en même temps? Y a-t-il une raison à cela? Je ne comprends pas trop.

M. Frank Bamford: Certainement, il y a une raison liée à l'intégration du nouvel équipement dans les plans en vue du déploiement. Il faut tenir compte de la capacité de l'infrastructure d'accepter ces appareils, de la capacité de l'opérateur d'être en mesure de les utiliser ainsi que de la mise en oeuvre économique de ces programmes en particulier.

M. Gordon Earle: D'accord, merci.

Pour en revenir aux acquisitions judicieuses, encore là, j'ai des préoccupations. Lorsque vous envisagez de confier au secteur privé la responsabilité de certaines choses, que ce soit sous forme de partenariat ou intégralement, quelle incidence cela aura-t-il sur les personnes qui, à l'heure actuelle, assument ces fonctions au sein de la structure du gouvernement, dans la fonction publique? Que va-t-il arriver à leurs emplois?

M. Frank Bamford: Il faut que l'équation soit équilibrée. De toute évidence, cela peut avoir des répercussions sur l'infrastructure des forces de défense. Au Royaume-Uni, on a récemment décidé d'intégrer le personnel militaire ou en uniforme dans une unité commerciale qui applique des principes commerciaux aux activités qu'elle assume. On ne remet pas cela entièrement entre les mains de personnel civil.

Il faut manifestement essayer d'instaurer un équilibre sur le plan de l'utilisation des ressources entre le secteur civil—soit l'industrie—et le secteur militaire. Il est possible que le personnel militaire qui ne serait plus en uniforme devienne partie intégrante du secteur industriel. Je pense que l'objectif ultime est que le secteur civil et militaire acceptent de perdre certaines de leurs ressources humaines pour s'allier en vue d'adopter une approche plus efficace face aux besoins du client.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Monsieur Earle, merci.

Monsieur Price, du Parti conservateur.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Je ne sais pas par où commencer. Les deux exposés ont été excellents. Monsieur Forster, j'ai trouvé le vôtre fort intéressant. Comme M. Richardson l'a dit, c'est un peu l'autre côté de la médaille que vous nous présentez, et c'est fascinant. Cela nous donne matière à réflexion.

Il y a dans votre mémoire une phrase qui m'a frappé:

    Il est aussi important de signaler, enfin, que plusieurs sociétés occidentales offrent maintenant des versions améliorées de systèmes de pointage et de mécanismes d'entraînement de la tourelle pour l'adversaire le plus probable du Leopard, le char T-72 de fabrication russe.

Des compagnies occidentales fabriquent de l'équipement pour les tanks russes?

M. Anthony Forster: C'est exact, oui.

• 1040

M. David Price: Pour la version améliorée des mécanismes d'entraînement de la tourelle qui nous intéressent, nous allons en Europe.

M. Anthony Forster: C'est exact.

M. David Price: C'est intéressant.

Monsieur Bamford, vous avez fait un rapport élogieux au sujet de notre processus d'acquisitions. C'est intéressant car nous avons surtout entendu des critiques. Nous sommes d'avis que tout le processus prend beaucoup trop de temps.

À partir de l'énoncé de besoins jusqu'à la livraison de l'hélicoptère, si on divisait le temps qui s'écoule pour ces deux volets, quel pourcentage s'appliquerait?

M. Frank Bamford: Je suis désolé, je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.

M. David Price: D'accord. Disons que le point intermédiaire est l'énoncé de besoins. À ce moment-là, nous savons ce que nous voulons. Disons que le processus d'acquisitions jusqu'à ce moment-là représente un volet, l'autre allant jusqu'au moment de la livraison de l'hélicoptère ou au moment où le contrat est accordé. Quel pourcentage de temps s'appliquerait aux deux volets?

M. Frank Bamford: Pour ce qui est du processus d'acquisitions qui s'appliquerait, tout dépend de la démarche du client face à sa stratégie d'acquisition. Le client lui-même va-t-il décider les spécifications détaillées du matériel dont il a besoin? Va-t-il préciser toutes les fonctions requises de cet équipement en particulier ou va-t-il fonctionner selon le principe suivant: voici ce que je veux faire avec cet équipement, pouvez-vous me dire quelle est la solution d'après les spécialistes? À notre avis, c'est une façon plus expéditive d'envisager les acquisitions en matière d'équipement de défense plutôt que de voir le client lui-même préciser quels écrous, vis ou rondelles sont nécessaires pour l'équipement, ou attendre que notre secteur l'aide dans sa démarche.

Le processus, selon la complexité et l'envergure d'un programme—et je peux uniquement fonder mes commentaires sur l'acquisition future d'hélicoptères maritimes—est extrêmement...

M. David Price: [Note de la rédaction: Inaudible]... parler de cela.

M. Frank Bamford: Et je m'excuse, monsieur le président. Cela nous donne à tout le moins une perspective quant aux acquisitions futures de préférence à une démarche historique. En l'occurrence, pour un programme de cette envergure, il faut compter jusqu'à un an à partir du moment où l'énoncé de besoins est connu et la signature d'un contrat pour répondre à ce besoin en particulier.

M. David Price: À l'étape préliminaire précédant l'énoncé de besoins, je suis sûr que les diverses sociétés soumissionnaires se livrent à un certain lobbying. Combien de temps avant... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... avez-vous commencé le processus de lobbying?

M. Frank Bamford: Il y a plusieurs années que nous nous penchons sur les besoins du client. Comme vous le savez, ce n'est pas un nouveau programme et notre démarche a consisté à finaliser notre solution en nous fondant sur la connaissance du processus que le client envisage d'appliquer. Chose certaine, nous participons à ce processus depuis plusieurs années et lorsque je dis «plusieurs», cela va jusqu'à cinq ans.

M. David Price: À partir de là, nous devions chercher un article offert dans le commerce, quelque chose qui existe déjà. Pour ce qui est des délais jusqu'au moment de la livraison, s'il s'agit d'un article disponible dans le commerce, pourquoi une période d'attente aussi longue?

Répondez d'abord à cette première question et ensuite, j'en poserai une autre.

M. Frank Bamford: Ce qui est important, c'est de définir «disponible dans le commerce». Souvent, ce qui est disponible dans le commerce, c'est un article ne faisant pas l'objet de perfectionnements qui peut être livré sans que des coûts de perfectionnement importants soient facturés au client. Cependant, il y a manifestement des exigences opérationnelles qui vont dicter une certaine adaptation du produit aux besoins spécifiques du client. Et bien entendu, comme dans tout projet de cette nature, le délai de mise en production du matériel peut être un facteur important pour l'échéance de livraison.

M. David Price: Il y a une longue période qui s'écoule après l'énoncé de besoins. Au cours de cette période—et c'est d'années dont il est question—, il survient toujours d'importants changements technologiques.

• 1045

Je suis sûr qu'à mesure que les choses évoluent, vous auriez sans doute souhaité apporter certains changements—en l'occurrence, pour l'hélicoptère de recherche et de sauvetage. Je suis convaincu que ces changements auraient même contribué à en réduire le coût. Certains d'entre eux peuvent hausser la note au départ mais améliorer les utilisations ultérieures possibles de l'hélicoptère. À l'intérieur d'un contrat, dans quelle mesure est-il possible de demander des changements, d'en apporter? D'après ce qu'on nous a dit jusqu'ici, il ne semble guère y avoir de souplesse. Les délais sont tellement longs et les changements surviennent tellement rapidement de nos jours.

M. Frank Bamford: Chose certaine, le processus traditionnel d'acquisition était restrictif pour ce qui est d'apporter des changements au niveau du fournisseur et dans certains cas, du client lui-même. Les obligations contractuelles vont déterminer la marge de manoeuvre possible pour ce qui est d'apporter des changements au processus. De plus en plus, l'industrie adopte une démarche axée sur un travail d'équipe pour concevoir un produit intégré. Le client et les représentants de l'industrie se rencontrent, élaborent l'énoncé de besoins et produisent un document évolutif ayant une valeur commerciale de préférence à un contrat prescriptif qui stipule la couleur, la taille etc.

Si l'on considère les exigences opérationnelles plutôt que les besoins prescriptifs de l'utilisateur, on peut faire place à la souplesse. Chose certaine, nous estimons que des équipes axées sur la fabrication d'un produit intégré qui font appel à la participation du client et du fournisseur est une des façons de changer cela. Nous avons déjà des exemples de ce genre d'initiatives pour certaines de nos acquisitions de défense au Royaume-Uni.

M. David Price: Envisagez-vous une démarche analogue pour l'hélicoptère de recherche et de sauvetage?

M. Frank Bamford: Absolument. Nous avons déjà vu certains changements, dans les limites des restrictions commerciales du contrat, mais ces changements sont acceptés et nous les recommandons également aux clients. Cette démarche permet donc une certaine souplesse.

M. David Price: Les changements sont acceptés.

M. Frank Bamford: Oui, ils le sont.

M. David Price: Merci.

Monsieur Forster, j'ai deux questions à vous poser. Dans votre mémoire, vous n'avez pas du tout parlé du système de défense antimissiles dans le contexte des relations canado-américaines. Je voudrais savoir ce que vous en pensez et quels seraient pour le Canada les avantages à cet égard.

M. Anthony Forster: Sur le plan stratégique, les avantages sont assez minimes. Le Canada n'est pas considéré, à l'échelle mondiale, comme un acteur important et, par conséquent, comme une cible de premier plan dans le contexte géopolitique. Il va de soi que le Canada a un rôle important à titre de négociateur en coulisse, mais pour ce qui est de représenter une menace quantifiable, je pense honnêtement que le Canada n'est pas véritablement la cible potentielle d'une attaque de missile, quelle émane d'un groupe terroriste ou d'un autre pays du monde.

M. David Price: Ce n'est pas ce que disent les Américains.

M. Anthony Forster: Bien sûr, ce n'est pas ce que disent les Américains, mais nous savons tous quel est le sentiment des Américains au sujet de ce projet en particulier. Ils ont une opinion très ancrée. Mais pour ce qui est...

M. David Price: Si nous y prenions part, y aurait-il des retombées industrielles? Nous avons entendu des rumeurs selon lesquelles le Canada aurait son propre projet, ce qui est absolument ridicule, je ne pense pas que ce soit une option. Mais si nous investissons dans un partenariat, allons-nous en tirer des avantages sur le plan industriel? Qu'en pensez-vous?

M. Anthony Forster: Tout dépend de la façon dont cela est structuré. Je ne me suis pas attaché à projet particulier. Pour vous donner une réponse fouillée, il faudrait que je prenne une semaine pour examiner tous les documents portant sur le sujet. À moins que les choses soient mieux structurées que dans le cas de la modernisation du radar APG-73, au bout du compte, ce projet pourrait déboucher sur une impasse et ne pas aboutir.

En dernière analyse, je souhaiterais qu'une bonne partie de cet argent soit injecté dans des sociétés canadiennes afin de les aider à concevoir ce système de défense anti-missiles. Quant à savoir si cela est réalisable, c'est une autre paire de manches.

M. David Price: J'ai dit que je ne poserais pas de question au sujet des hélicoptères Sea King, mais avec M. Forster, ce n'est pas la même chose, de sorte que j'en poserai une. Nos frégates—qui sont très bien, sont conçues pour assumer une tâche précise, mais elles peuvent s'en acquitter uniquement avec un hélicoptère à bord. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cela, je vous prie?

M. Anthony Forster: La lutte anti-sous-marine est une partie intégrale de la planification d'une force moderne avec la vente de sous-marins de catégorie Kilo à un certain nombre de pays, les sous-marins de catégorie Kilo étant fabriqués par les Russes. La possibilité qu'un État renégat achète un sous-marin et s'en serve dans un détroit navigable pour menacer le trafic maritime est très réelle. À défaut d'une capacité de lutte anti-sous-marine quelconque, sous forme d'hélicoptères, la capacité de la marine canadienne est sérieusement dégradée. Il faut être en mesure de détecter les plates-formes ennemies lorsqu'elles sont suffisamment loin d'une flotte pour être en mesure d'engager le combat avec elles sans menacer la flotte. Si vous les voyez sur le système de sonar du navire, vous avez raté le coche.

• 1050

Le président: Merci, monsieur Price.

Je signale à mes collègues qu'il faut que nous ajournions à 11 heures. Si les témoins peuvent nous accorder quelques minutes supplémentaires, je vais essayer de donner à tous ceux qui veulent poser des questions la possibilité de le faire.

Nous allons commencer la deuxième ronde de cinq minutes par M. Hart.

M. Jim Hart: Merci beaucoup, monsieur le président.

Pour faire suite à ce qu'a dit M. Richardson, je me souviens qu'en 1994, dans le contexte des travaux du comité spécial mixte, nous avions recommandé que le gouvernement du Canada ne réduise pas les forces en deçà de 67 500 soldats. Nous avions également préconisé que le budget de la défense ne soit pas inférieur à 10,3 milliards, si je ne m'abuse. Or, il se chiffre maintenant à 9 milliards.

M. David Pratt: Il est de 10,3 milliards. Il a remonté.

M. Jim Hart: Il y a des raisons qui expliquent cela. Cette somme ne s'ajoute pas directement au budget militaire pour cette année. Quoi qu'il en soit, c'est 9 milliards. Le gouvernement a-t-il réduit les forces canadiennes en deçà du seuil critique identifié en 1994 par le comité spécial mixte?

M. Anthony Forster: Pour être tout à fait honnête, je pense que vous êtes à ce stade critique maintenant. À mon avis, toute réduction supplémentaire signifierait que dans un contexte de guerre totale, les forces canadiennes ne seraient pas en mesure de compter sur un nombre suffisant de soldats pour s'acquitter de ses obligations. Voilà me principale préoccupation.

M. Jim Hart: C'est aussi ce qui m'inquiète. Je voulais simplement préciser cela.

Je ne considère pas votre exposé comme une critique des forces militaires. À mon avis, il devrait ouvrir les yeux du gouvernement et l'amener à reconnaître que nous sommes très près de ce seuil. En outre, compte tenu de ce qui se passe au Kosovo et à l'étranger, nous devrions être en mesure d'agir en tant que puissance intermédiaire et pour ce faire, il est important de maintenir une capacité de combat. Même notre chef d'état-major a reconnu dans son rapport que notre capacité d'emport instantané par air et par mer est limitée, si tant est qu'elle existe aux yeux des militaires canadiens. Ce sont là des questions qu'il faut régler.

J'aimerais que vous fassiez un bref commentaire à ce sujet. Cela m'importe beaucoup et j'ai publié un document sur le déclin des Forces armées canadiennes de 1993 à 1998. À mon avis, nous devons pouvoir agir en tant que puissance intermédiaire et être dotés d'une force capable, et je crains que le vieillissement du matériel atteigne ce seuil critique.

M. Anthony Forster: Je suis heureux que vous évoquiez la notion de puissance douce. Le ministre des Affaires étrangères du gouvernement actuel a embrassé cette notion de puissance douce dans sa politique étrangère. C'est un concept intéressant qui s'inscrit dans le rôle traditionnel du Canada en tant que négociateur.

Cependant, le professeur Joseph Nye de l'université Harvard, à qui l'on doit l'expression «puissance douce», a dit lui-même le mois dernier que le Canada risquait de perdre sa légitimité en tant que puissance négociatrice douce en raison du déclin de son pouvoir militaire. Il est impossible d'avoir une puissance douce si elle n'est pas appuyée par une capacité véritable. Il n'y a pas à en sortir.

Pour ce qui est du Kosovo, si vous voulez utiliser cet exemple, la capacité aérienne est une très belle chose. Elle permet de faire beaucoup. Cela dit, la puissance aérienne ne remplacera pas un soldat armé sur le terrain et dans les faits, la seule façon de concrétiser la volonté de la communauté géopolitique au Kosovo est d'envoyer des troupes armées sur le terrain.

M. Jim Hart: Me reste-t-il du temps?

Le président: Oui.

M. Jim Hart: Je voulais évoquer brièvement un reportage au sujet d'un homme d'affaires américain qui a essayé de vendre une technologie pointue de fabrication de missiles à la Chine. Apparemment, il est possible que le Canada devienne un corridor pour la contrebande de technologie à destination de pays du tiers monde. À quel point la situation est-elle sérieuse?

M. Anthony Forster: J'ai récemment rédigé un article pour Jane's Intelligence Review au sujet de la capacité des fanas de l'ordinateur, des piqués d'informatique et leur impact potentiel sur l'infrastructure mondiale et l'infrastructure nationale.

Le Canada est un pays curieux. Il dispose à la fois d'une infrastructure de télécommunications très moderne et très ancienne. Les États-Unis considèrent le Canada comme un paradis des données pour les gens qui veulent précisément s'adonner à ce genre d'activités.

• 1055

Je prends la situation très au sérieux. À mon avis, cela nécessite une étude plus fouillée. À ma connaissance, le Canada n'a pas les moyens de lutter contre ce genre de transfert d'information technologique. Si je me trompe, tant pis. À ce stade-ci, que je sache, le Canada n'a pas la capacité de lutter contre ce phénomène, et cela devient de plus en plus inquiétant.

Le président: Merci, monsieur Hart.

Nous allons maintenant passer à M. Clouthier.

Désolé, mais avant de commencer, je dois vous dire que j'avais supposé, à tort, que les interprètes seraient disponibles, mais ils seront avec nous jusqu'à 11 h 15 au plus tard. Si chacun utilise ses cinq minutes de temps de parole, nous pourrons entendre M. Clouthier et M. Laurin, puis il nous restera peut-être quelques minutes pour M. Bertrand, et ce sera tout.

Monsieur O'Reilly.

M. John O'Reilly: Monsieur le président, j'ai une autre séance de comité à 11 heures.

Le président: D'accord. Merci beaucoup.

Monsieur Clouthier.

M. Hec Clouthier: Je demanderais à M. O'Reilly de dire à nos collègues que je serai là dans cinq minutes. Nous allons au même comité.

Le président: Très bien.

M. Hec Clouthier: Cette chaise grince comme les articulations de M. O'Reilly. Elle doit avoir le même âge. Au revoir, monsieur O'Reilly.

Des voix: Oh, oh!

M. Hec Clouthier: Monsieur Bamford, comme vous le savez sans doute, le vérificateur général du Royaume-Uni a critiqué le programme Merlin. Il semble que ce soit propre à la plupart des vérificateurs généraux. Croyez-le ou non, le vérificateur général du Canada a été périodiquement critique du gouvernement. Si je ne m'abuse, il a entre autres dénoncé la lenteur de la livraison de certains des hélicoptères. Monsieur Bamford, pouvez-vous me dire combien d'autres pays, outre ceux qui fabriquent cet hélicoptère maritime, en ont acheté pour leur marine?

M. Frank Bamford: À l'heure actuelle, la Marine royale et la Marine italienne sont les premiers acheteurs de cet appareil.

J'aimerais revenir sur votre commentaire au sujet du programme Merlin. À mon avis, ce programme est une suite de catastrophes sur le plan des acquisitions de défense, ce qui est désormais évident. D'ailleurs, dans son rapport, le vérificateur général dénonce les résultats d'un processus d'acquisition qui a causé tout un problème au client.

Je m'explique, avec votre permission, monsieur le président. Le programme Merlin a été conçu dans les années 80 et le client lui-même a décidé qu'il voulait être le maître d'oeuvre intégrateur de systèmes pour ce programme. Dans l'intervalle entre le moment où il a décidé qu'il devait remplacer son Sea King et celui où il a finalement décidé quelle fonction opérationnelle générale et quel rendement il souhaitait obtenir de ce véhicule, soit une période de près de 14 ans, il a sous-estimé le coût de l'équipement dans son analyse. Lorsque est venu le temps d'intégrer cela-et je rappelle aux membres du comité que le ministère de la Défense du Royaume-Uni était le principal maître d'oeuvre, et non pas notre société en particulier—, il n'a pas été en mesure de gérer l'intégration globale ainsi que le risque allié à ce programme. Il a alors décidé de lancer un appel d'offres sur le marché.

Pour ce concours en particulier, nous avons décidé de faire équipe avec la société Lockheed Martin. Par la suite, la firme Lockheed Martin a présenté une soumission dans laquelle elle s'engageait à répondre à la demande du client en ce qui concerne les spécifications telles qu'elles étaient énoncées à l'époque et elle a obtenu le contrat en 1993. Depuis ce temps-là, il n'y a pas eu d'autres dépassements de coûts relativement au programme. Les travaux respectent l'échéancier. Cela montre qu'il est possible de prendre des mesures correctives en matière d'acquisitions de défense pour redresser une situation.

M. Hec Clouthier: Ainsi, monsieur Bamford, outre l'Italie et le Royaume-Uni, aucun autre pays n'a acheté cet hélicoptère maritime.

M. Frank Bamford: À ce moment du cycle de vie du produit, c'est exact. Mais je vous rappelle que l'appareil est au premier stade de son cycle de vie utile sur le marché. C'est un appareil relativement moderne et il suscite beaucoup d'intérêt sur le marché international.

M. Hec Clouthier: Dites moi si je me trompe, mais l'examen de défense stratégique du Royaume-Uni ne comportait-il pas deux volets? Une phase 1, au cours de laquelle on s'était engagé à acheter un nombre donné de ces hélicoptères dans le cadre du Programme Merlin, suivie d'une deuxième phase consacrée à un examen. Maintenant, après cet examen, on a décidé de ne pas passer à la deuxième partie du contrat, est-ce exact?

M. Frank Bamford: Dans le cadre de l'examen de défense stratégique, 44 appareils Merlin ont été commandés par la Marine royale. On n'avait pas planifié l'achat d'appareils supplémentaires. Évidemment, d'un point de vue commercial, nous espérions pouvoir élargir la flotte.

Toujours dans la perspective de l'examen de défense stratégique, comme vous le savez, le client a décidé de se doter de transporteurs navals pour ses forces. On a donc décidé de consacrer les fonds disponibles non plus à des appareils, mais à des navires de surface. Le client envisage d'ajouter des appareils supplémentaires à son inventaire une fois ces navires transporteurs en position.

• 1100

Autre changement de politique, il a décidé de faire l'acquisition d'hélicoptères d'appui amphibiss et il y a à l'heure actuelle au Royaume-Uni un appel d'offres pour la fourniture d'un maximum de 11 hélicoptères d'appui amphibiss de type générique Merlin.

M. Hec Clouthier: Allez-vous présenter une soumission pour cela également?

M. Frank Bamford: Absolument.

Le président: Merci, monsieur Clouthier.

Monsieur Laurin.

[Français]

M. René Laurin: Monsieur le président, j'ai deux questions. Dans votre exposé, monsieur Forster, vous dites:

    La Direction générale des analyses de défense et le Directeur général de la recherche opérationnelle ne disposent que d'effectifs restreints et auraient besoin de les accroître d'un tiers pour bien s'acquitter des fonctions qui leur sont confiées.

En pratique, cela veut-il dire que, dans le cas du Kosovo, l'armée canadienne ne disposait pas des ressources nécessaires pour bien évaluer la menace ainsi que la capacité militaire dont elle pouvait disposer?

[Traduction]

M. Anthony Forster: Chose certaine, une augmentation des effectifs du Directeur général de la recherche opérationnelle et de la Direction générale des analyses de défense résulterait en une meilleure planification des forces et une meilleure évaluation de la menace dans la perspective de déploiements futurs.

Pour l'heure, j'ai essayé de communiquer avec certaines personnes travaillant dans le domaine du renseignement militaire pour me préparer en vue de ce témoignage. Elles ont refusé de me rencontrer. Par conséquent, j'ai une connaissance limitée du fonctionnement interne du comité de renseignement chargé de préparer le déploiement au Kosovo.

Je crois savoir que pour le déploiement en Somalie, la préparation sur le plan du renseignement avait été extrêmement limitée. C'est le genre de choses qui peut se traduire par des pertes de vies. Après m'être entretenu avec le directeur général de la recherche opérationnelle, Ann Bradfield, je peux vous dire qu'une augmentation d'un tiers des effectifs ne ferait que ramener le bureau à son niveau de 1990. Cela ne représenterait même pas une augmentation visant à répondre à l'accroissement de la demande pour ses services.

[Français]

M. René Laurin: Quand vous parlez d'évaluation de la menace, s'agit-il de menaces lointaines, par exemple d'ennemis éventuels du Canada, ou si cela s'applique plutôt au Kosovo, où il y a une menace et où le Canada s'est impliqué? Le Canada avait-il, encore une fois, les ressources nécessaires et appropriées pour bien évaluer la conception des scénarios et la valeur, la qualité et l'intensité de la menace à laquelle on allait faire face au Kosovo? Avait-on ce qu'il fallait pour le faire?

[Traduction]

M. Anthony Forster: Il ne m'appartient pas de dire si l'évaluation de la menace au Kosovo a été adéquate ou non. Je peux vous donner les faits et vous laisser en juger par vous-même. La DGAD et le bureau du DGRO souffrent d'une réduction d'effectifs depuis tout le moins 1990. Si vous parlez aux responsables, ils admettront qu'ils sont débordés en terme de responsabilités. À l'heure actuelle, ils sont chargés d'élaborer des scénarios de planification des forces pour le gouvernement et ont un besoin criant d'aide pour poursuivre ce processus et fournir un produit de renseignement valable aux diverses directions des Forces militaires canadiennes.

En tant qu'observateur, je crois pouvoir affirmer qu'une meilleure préparation sur le plan du renseignement aurait pu être fournie aux Forces armées canadiennes si ces entités avaient disposé de personnel plus nombreux. Quant à savoir si le produit de renseignement fourni aux Forces armées était adéquat, il faudrait que vous posiez la question aux représentants des forces armées eux-mêmes.

[Français]

M. René Laurin: Ma dernière question est la suivante. Dans les recommandations que vous faites, vous dites:

    Il est certain que l'avion d'attaque A-10, l'hélicoptère de combat Cobra ou l'hélicoptère d'attaque Apache de fabrication américaine seraient des choix d'achat très viables et pourraient sans doute être obtenus à peu de frais. Vous dites cela dans l'hypothèse d'une restructuration des forces canadiennes. Par contre, vous ajoutez ensuite: «Le A-10 et le Cobra arrivent à l'âge de la retraite.» Êtes-vous en train de nous recommander d'acheter de vieilles affaires pour l'armée canadienne? On a déjà acheté des sous-marins de cette façon. Faut-il, en plus, acheter de l'équipement qui ne sert plus aux États-Unis?

• 1105

[Traduction]

M. Anthony Forster: Lorsque je dis que le A-10 et le Cobra sont à la retraite, je veux dire que dans la structure des forces américaines, ils sont sur le point d'être retirés du service.

Demeurent-ils des plates-formes d'armes efficaces? Absolument. Le A-10 est éminemment efficace en terme de capacité d'attaque sur le terrain. Quant au Cobra, avec une modernisation appropriée de son système, il continue d'être fabriqué et constituerait un multiplicateur de force très efficace. Pour ce qui est de la menace existante, qui provient principalement de l'équipement fabriqué en Russie qui a été distribué, le Cobra et le A-10 seraient plus que capables d'y faire face, avec la formation et le soutien logistique appropriés.

Lorsque je parle de «retraite», je fais allusion au fait que les Forces armées américaines veulent se défaire graduellement de ces plates-formes; non pas que celles-ci, en soi, soient mûres pour la retraite.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Laurin.

[Traduction]

M. Bertrand est le suivant, et je vais essayer d'accorder une dernière question à M. Earle également.

[Français]

M. Robert Bertrand: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Monsieur Forster, dans la dernière phrase de votre deuxième paragraphe, vous dites:

    La réalité concrète est que le fait d'avoir négligé les besoins d'équipement des FC a entraîné—et pourrait continuer d'entraîner—des pertes de vie.

Pourriez-vous me redonner l'exemple que vous avez mentionné. Y en-a-t-il d'autres?

M. Anthony Forster: Bien sûr.

Le Labrador est le premier cas de défectuosité du matériel qui vient à l'esprit. En fait, mon document se voulait un regard vers l'avenir, et c'est à l'avenir qu'on peut s'attendre à des pertes de vie si l'acquisition de matériel continue dans la même veine.

J'ai tenté de cerner les domaines où, à mon avis, les défaillances d'équipement pourraient compromettre la sécurité des membres des forces armées. Je suis certain qu'il y en a d'autres, mais ce serait non pertinent. Ce qui importe, c'est d'envisager ce que sera d'ici cinq ou dix ans la politique du gouvernement du Canada à l'égard de l'emploi de ses troupes.

M. Robert Bertrand: Vous avez peut-être des renseignements que j'ai n'ai pas, mais l'enquête relative à cet écrasement n'est-elle pas toujours en cours?

M. Anthony Forster: Je suis sûr qu'elle l'est.

M. Robert Bertrand: Dans ce cas, comment pouvez-vous affirmer qu'il s'agit d'une défectuosité du matériel, que vous en êtes sûr?

M. Anthony Forster: C'est ma conclusion, et je passe énormément de temps à étudier ces problèmes en particulier. C'est un jugement que je porte en me fondant sur le fait que j'ai consacré la majeure partie de ma vie professionnelle à étudier le matériel et ses caractéristiques, ainsi que les besoins des forces armées. Si c'est une conclusion qui va à l'encontre de ce que l'on déterminera au bout du compte, je l'assume.

M. Robert Bertrand: Si j'ai bien compris, vous attribuer l'écrasement à un équipement vieillissant.

M. Anthony Forster: Oui, le vieillissement de l'équipement est ma principale inquiétude.

M. Robert Bertrand: Les Américains ont perdu sept astronautes dans l'explosion du Challenger il y a quelques années. À votre avis, cet accident était-il également dû à une défaillance d'équipement?

M. Anthony Forster: L'accident du Challenger a été causé par la défectuosité des joints toriques d'étanchéité au moment du lancement. Par conséquent, cela entre dans la catégorie des défaillances d'équipement, oui.

M. Robert Bertrand: Vous semblez en arriver à des conclusions que n'ont pas encore fait ressortir l'enquête. Je ne comprends pas votre raisonnement.

M. Anthony Forster: C'est la raison d'être des analystes, de gens comme moi, que d'arriver à des conclusions. Lorsque ces conclusions sont erronées, elles sont erronées. Je peux uniquement travailler avec l'information dont je dispose et tirer mes propres conclusions.

M. Robert Bertrand: Personnellement, je trouve que vous faites des suggestions incendiaires et cela me dépasse.

M. Anthony Forster: Malheureusement, incendiaires ou non, l'avenir est à nos portes et à l'avenir, les Forces canadiennes, si elles continuent sur cette voie dans le domaine des acquisitions, continueront de perdre des vies. Voilà mon évaluation de la situation. D'ailleurs c'est pour vous la communiquer qu'on m'a demandé de comparaître devant le comité.

M. Robert Bertrand: À votre avis, nous devrions acheter de nouveaux navires de ravitaillement, des avions d'appui tactique rapprochés, et de nouveaux transports de troupes blindés. Avez-vous réfléchi à combien cela coûterait? En outre, vous semblez dire que la vente du char Léopard pourrait couvrir une partie de ce coût. Tout d'abord, pouvez-vous me dire combien cela coûterait et combien rapporterait la vente du Léopard?

• 1110

M. Anthony Forster: Le prix de vente du Léopard C1 dépendrait du marché. Les forces du marché dicteront combien...

M. Robert Bertrand: Mais vous êtes un expert, vous êtes un analyste. Dites-moi combien nous pourrions obtenir.

M. Anthony Forster: C'est le marché qui aura le dernier mot quant au prix du Léopard C1 et, évidemment, le gouvernement. Pour ce qui est d'atténuer les coûts liés à d'autres acquisitions, cela aurait sans doute un effet minimal. C'est pourquoi je dis qu'à court terme, la vente du char Léopard et la restructuration des forces militaires pour adopter une force d'infanterie légère mécanisée serait coûteuse, pour dire le moins.

Pour ce qui est de l'acquisition de multiplicateurs de force de type hélicoptère Apache, cela tourne autour des 20 millions de dollars par cellule, ce qui est, je l'avoue, très cher. Et cela n'englobe pas les coûts de logistique. Comme je l'ai fait remarquer dans mon document, ce scénario de planification des forces en particulier—une force canadienne dénuée de chars de combat principaux—est un piètre deuxième choix comparativement au maintien d'une véritable force polyvalente.

Le président: Monsieur Earle, vous pouvez poser une question prioritaire et nous devrons ensuite excuser les interprètes.

[Français]

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Ma dernière question est très simple et je la pose à M. Forster ou à M. Bamford parce que tous les deux connaissent bien l'équipement militaire.

[Traduction]

Hier encore, quelqu'un m'a interrogé au sujet de nos frégates et du système d'armes dont elles sont dotées. Il y a un système d'armes sur les frégates, n'est-ce-pas? On voulait savoir si ce système utilisait également de l'uranium appauvri. Savez-vous si c'est le cas ou non?

M. Anthony Forster: Absolument pas. L'uranium appauvri sert pour les munitions perforantes conçues spécifiquement pour les chars et la lutte anti-chars.

M. Gordon Earle: On ne s'en sert pas pour les missiles de croisière?

M. Anthony Forster: Non, monsieur.

[Français]

M. Gordon Earle: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Bamford, monsieur Forster, je vous remercie beaucoup de ces exposés très intéressants. Vous avez fait face à certaines questions difficiles et les députés ont des préoccupations. Ce sont des questions très importantes que nous étudions. Nous apprécions beaucoup votre temps. Merci encore une fois.

La séance est levée.