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FISH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS

COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 mai 1998

• 0920

[Traduction]

Le président (M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.)): La séance est ouverte. Je crois savoir que les membres du Parti progressiste-conservateur sont sur le point d'arriver, de même que quelques autres libéraux.

Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et ainsi de suite. Nous avons des témoins à entendre aujourd'hui. Nous donnons la parole au ministre en second des Pêches et des Océans, le député Wayne Easter de l'Île-du-Prince-Édouard.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans): Merci, George.

Afin de bien situer la question, je vais faire un exposé liminaire semblable à celui qu'a fait le ministre hier, mais je vous présente d'abord les témoins. Howard Strauss fait partie de la Direction du contentieux du ministère des Affaires étrangères; Earl Wiseman est directeur général de la Direction générale des affaires internationales au ministère des Pêches et des Océans; et Nadia Bouffard est conseillère juridique au ministère des Pêches et des Océans.

Le projet de loi C-27, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs, ouvre la voie à la ratification de l'accord par le Canada. Nous ne pouvons pas exagérer l'importance de cet accord des Nations Unies sur la pêche et ce qu'il permettra d'accomplir en vue d'assurer la conservation et la protection des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs pour la génération actuelle et les générations futures.

Le Canada a pris l'initiative et joué un rôle clé dans l'institution d'une conférence des Nations Unies qui a mené à la négociation et à la rédaction de l'accord des Nations Unies sur la pêche en 1995. L'accord a obtenu la signature de 59 États et 30 ratifications sont nécessaires à son entrée en vigueur. Jusqu'à ce jour, 18 États ont ratifié l'accord. Étant donné que le Canada est l'un des principaux pays en matière de gestion des océans, il doit être parmi les 30 premiers États à ratifier l'accord.

Le projet de loi C-27 vise à modifier la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada afin de donner force de loi au régime de mise en oeuvre de l'Accord sur le poisson des Nations Unies (APNU) au Canada. Le projet de loi C-27 donne aux agents chargés d'exécuter la loi les pouvoirs nécessaires à la mise en application du régime de l'APNU en haute mer.

L'APNU crée un régime d'application et de conservation en haute mer, pour la pêche des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs par des bateaux des États qui ont signé et rectifié l'accord. Cet accord complète la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signé en 1982, qui était ambigu en ce qui concerne les stocks de poissons chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs.

Il y a eu des malentendus au sujet de l'APNU et au sujet du projet de loi C-27. Nous tenons à éclaircir certains de ces malentendus au cours de la discussion d'aujourd'hui.

Premièrement, en vertu de la Convention sur le droit de la mer, le saumon est classé comme une espèce de poisson anadrome, plutôt que comme un poisson chevauchant ou un poisson grand migrateur. L'APNU utilise les mêmes termes que le droit de la mer et porte sur les stocks de poissons chevauchants et sur les stocks de poissons grands migrateurs, et non sur les espèces anadromes comme le saumon. L'APNU ne couvre donc pas le saumon du Pacifique et l'APNU ne pourrait donc pas être utilisé pour résoudre le différend avec lequel le Canada est aux prises au sujet du saumon du Pacifique.

Deuxièmement, le projet de loi C-27 ne modifie pas les régimes existants. Il représente un nouvel outil pour faire respecter les mesures internationales de conservation en haute mer, dans le cas des bateaux des États parties à l'APNU.

Le projet de loi C-27 permettra au Canada de respecter à l'extérieur des eaux canadiennes ses obligations en vertu de l'APNU et d'autres traités sur les pêches que le Canada a signés. Il ne permet pas au Canada de faire respecter son propre régime à l'extérieur des eaux canadiennes. Là n'est pas l'objet de l'APNU.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'APNU et le projet de loi C-27 portent sur les stocks de poissons chevauchants et sur les stocks de poissons grands migrateurs. Ils ne portent pas sur les droits liés au plateau continental, qui sont assujettis au droit international existant ainsi qu'à la législation canadienne. Lorsque l'accord des Nations Unies sera complètement mis en oeuvre, il permettra au Canada de décourager la pêche non autorisée de stocks de poissons chevauchants et de stocks de poissons grands migrateurs en haute mer.

• 0925

Comme le ministre l'a fait hier, je vous incite à appuyer cet important projet de loi qui comporte des mesures rigoureuses en matière de conservation et de protection de nos ressources halieutiques et océaniques.

Je vous remercie, monsieur le président. À moins que d'autres témoins n'aient de déclaration préliminaire à faire, nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Easter.

M. Earl Wiseman est au nombre de nos témoins aujourd'hui. Tout le monde connaît M. Wiseman. Il est le directeur général de la Direction générale des affaires internationales, Gestion des pêches. Nous accueillons également du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, M. Howard Strauss, directeur du droit économique des océans et de l'environnement. Nous comptons aussi parmi nous...

Monsieur Wiseman, pourriez-vous nous présenter les autres personnes qui se trouvent à la table.

M. Earl Wiseman (directeur général, Direction générale des affaires internationales, Gestion des pêches, ministère des Pêches et des Océans): Je vous remercie, monsieur le président.

Mme Nadia Bouffard est conseillère juridique au ministère des Pêches et des Océans. Elle connaît à fond le droit canadien ainsi que le projet de loi lui-même.

Au lieu de faire une longue déclaration préliminaire, monsieur le président, je me contenterai de souligner qu'un document vous a été distribué qui fait ressortir les principaux éléments de l'accord ainsi que du projet de loi. M. Easter a d'ailleurs déjà attiré votre attention sur un certain nombre de ses éléments, et je crois qu'il serait plus utile que je vous donne d'autres précisions en répondant à des questions au lieu de m'étendre sur ce document.

Je tiens cependant à signaler au comité qu'il faut vraiment se réjouir de l'adoption de l'APNU. Il s'agit d'une importante réalisation pour le Canada. L'idée de cet accord international sur les stocks de poissons chevauchants a été lancée lors d'une réunion à laquelle ont participé une poignée de gens en 1988. À l'issue de cette réunion, le Canada a décidé d'essayer de créer un consensus international sur la question.

Pour atteindre cet objectif, on a eu recours à différents moyens et on a notamment publié des documents, organisé des conférences de spécialistes—l'une de ces réunions a eu lieu à St. John's en 1990—et on a collaboré avec les ONG, les provinces, l'industrie et les députés. Vous-même, monsieur le président, ainsi que M. Matthews faisiez partie de délégations de députés qui sont allées en Europe pour essayer de convaincre leurs homologues qu'il était nécessaire de s'attaquer au problème de la surpêche par les bateaux étrangers et de protéger les stocks de poissons chevauchants.

Grâce à ces initiatives, la question a été portée à l'ordre du jour de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, la CNUED, tenue en 1992, laquelle a mené aux conférences tenues à New York qui, à leur tour, ont abouti à l'APNU. Nous devrions être très fiers au Canada des efforts déployés par les ministres, les députés, les ONG, l'industrie, les provinces et les fonctionnaires en vue d'aboutir à un accord qui revêt vraiment beaucoup d'importance pour le Canada dans la mesure où il permet de se pencher sur le problème de la surpêche par les bateaux étrangers et sur la protection des stocks de poissons chevauchants.

Je n'en dirai pas plus long au sujet du document. J'espère que vous avez eu l'occasion de l'étudier. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions que vous vous poseriez au sujet de la déclaration de M. Easter.

Le président: Je vous remercie, monsieur Wiseman.

M. Stoffer, député néo-démocrate de la Nouvelle-Écosse, qui est le porte-parole de son parti en matière de pêche, a essayé de faire adopter par le comité un amendement au projet de loi parce qu'il est d'avis que celui-ci limite la capacité du gouvernement à intenter des poursuites contre les pays étrangers qui violent les dispositions des ententes portant sur la gestion des stocks de poissons chevauchants dans les deux extrémités du Grand Banc et dans le Bonnet Flamand.

Nous devrions peut-être demander à M. Stoffer d'obtenir des précisions à cet égard pour que nous puissions ensuite les transmettre à tous les membres du comité. M. Stoffer a expliqué à loisir au comité que deux dispositions du projet de loi auraient pour résultat d'obliger le Canada à demander la permission de l'État étranger avant d'intenter des poursuites contre lui.

Monsieur Stoffer, je ne sais pas si j'ai bien exprimé votre point de vue. Je crois que c'est ce que vous avez expliqué à deux ou trois reprises devant le comité et ce sur quoi vous comptez proposer des amendements.

Monsieur Stoffer.

• 0930

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Ce que vous avez dit est exact et ces amendements seront proposés lorsque davantage de nos membres seront ici et après que nous ayons obtenu des précisions de M. Wiseman.

Je vous renvoie à la page 11 du document que vous nous avez remis. Soit dit en passant, c'est un très beau document. Je vous remercie. Il est donc question à la page 11 du fait qu'un avis est donné à l'État du pavillon. Je présume que le bateau pêche à l'extérieur de la limite de 200 milles. Si nous constatons qu'un navire qui est régi par l'APNU viole les dispositions de l'accord, pourquoi serions-nous tenus d'en aviser l'État du pavillon? Pourquoi ne pas simplement prendre les mesures qui s'imposent, c'est-à-dire mettre fin aux pratiques illégales du navire, et ensuite aviser l'État du pavillon une fois que nous avons ramené au port le bateau comme nous l'avons fait dans le cas du navire espagnol Estai, et ce, sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait échange de coups de feu?

M. Earl Wiseman: Je vous remercie, monsieur le président.

Je vais répondre à la deuxième partie de votre question dans un instant.

Monsieur le président, vous avez signalé qu'il y avait deux dispositions du projet de loi qui mentionnaient qu'un avis devait être donné à l'État du pavillon. L'une de ces dispositions traite de l'avis qui doit être donné à l'État du pavillon si le navire en question viole les lois canadiennes en matière de pêche à l'intérieur des eaux canadiennes. Il pourrait s'agir d'un cas où aucun navire de patrouille n'est disponible pour arraisonner le navire qui contrevient à l'accord et il se peut que ce soit par surveillance aérienne qu'on ait constaté le fait.

En vertu de ce projet de loi, nous pourrions demander à l'État du pavillon la permission de monter à bord du navire en haute mer lorsqu'un délit a été commis dans les eaux canadiennes.

En vertu des dispositions actuelles du droit international, nous pourrions demander à un État du pavillon la permission de monter à bord du navire, et cette permission pourrait nous être simplement refusée. L'État du pavillon ne serait pas tenu d'acquiescer à notre demande. Cet État n'aurait pas vraiment l'obligation de collaborer avec le Canada à cet égard. L'APNU crée un cadre juridique dans lequel se situe cette collaboration, de sorte qu'il serait beaucoup plus difficile à l'État du pavillon de refuser la permission de monter à bord du navire. S'il le faisait, il serait obligé de se justifier.

Le projet d'article 7.01 qui porte sur les mesures qui peuvent être prises lorsque des navires contreviennent à l'accord dans les eaux canadiennes confère donc certains pouvoirs accrus au gouvernement.

L'avis dont il est question à la page 11 du document doit être donné à l'État du pavillon lorsque le navire a sérieusement enfreint les dispositions de l'accord. Si nous pensons qu'un navire contrevient à l'accord, nous n'avons pas à aviser qui que ce soit pour l'empêcher de le faire, pour monter à bord du navire, pour l'inspecter et pour établir s'il y a bien eu violation à l'accord.

Un avis doit cependant être donné à l'État du pavillon si l'infraction commise est grave. Nous pouvons alors monter à bord du navire pour saisir les engins illégaux et recueillir les preuves dont nous avons besoin et le navire peut ensuite être détenu au port pendant trois jours pendant que nous attendons la réponse de l'État du pavillon.

On s'attendrait à ce que les pays qui s'acquittent de leurs responsabilités rappellent un navire lorsqu'il y a des preuves qu'il a contrevenu aux dispositions de l'accord. Cet État pourrait aussi prendre en charge le navire, l'inspecter lui-même et l'obliger à se conformer aux lois nationales en matière de pêche. Voilà le rôle de l'APNU. C'est la première étape.

Si le pays en question prend ses responsabilités au sérieux, les inspecteurs canadiens confieront le navire à l'État du pavillon pour qu'il prenne les mesures voulues et nous nous attendons à ce que les sanctions nécessaires soient prises. Si nous estimons que ce pays n'est pas intervenu comme il le devait, c'est là l'un des éléments les plus importants de tout l'APNU. Pour tout désaccord ou conflit sur des questions de conservation ou d'application de la loi, nous pouvons recourir au mécanisme de règlement des différends. Nous pouvons demander une opinion indépendante quant à savoir si les mesures requises ont été prises.

En fait, nous avisons l'État du pavillon que nous avons pris l'un de ses bateaux sur le fait. Il peut nous répondre que nous devons l'amener au port et mener une enquête approfondie et recueillir des preuves supplémentaires ou encore lui confier le navire ou le renvoyer dans son pays d'origine. Ou encore, il nous dira qu'il a dans le secteur un patrouilleur qui va arraisonner le bateau en question. Un pays qui prend ses responsabilités au sérieux a plusieurs solutions et c'est en cela que consiste la procédure de notification.

• 0935

M. Peter Stoffer: Je vous en remercie, monsieur Wiseman, mais en vous écoutant, j'ai l'impression de me trouver devant un bon steak, mais sans avoir de dents dans la bouche pour pouvoir le manger.

Vous parlez des pays qui assument leurs responsabilités, mais comme vous le savez, étant donné les batailles qui se livrent actuellement sur les océans et l'épuisement des stocks de poisson dans le monde entier, il n'y a rien ici qui empêchera vraiment les voleurs de voler des tonnes et des tonnes de poisson. Vous venez de reconnaître que nous n'avions pas de patrouilleurs. Nous avons deux grands littoraux ou même trois et un seul petit patrouilleur pour les surveiller. Et vous parlez de prendre des mesures.

Nous espérons. Nous supposons. Ce projet de loi offre seulement des espoirs, des «peut-être» et des «si». Il n'y a là rien de concret.

Comme vous le savez, dans les localités de nos deux côtes, le secteur de la pêche est en crise. Nous finançons des programmes d'adaptation qui nous coûtent des milliards de dollars pour que les gens restent chez eux ou pour qu'ils quittent le secteur de la pêche alors que nous ne sommes pas en mesure de faire appliquer la loi.

Au moins, quand M. Tobin était ici, il a eu le courage d'intervenir à l'échelle internationale. Ensuite, toutes ces mesures ont été édulcorées pour apaiser les pays étrangers. Pourquoi le Canada ne va-t-il pas leur dire: «Allez-vous faire voir. Si nous prenons encore quelqu'un sur le fait, nous allons saisir son bateau et le mettre en prison.» Ce serait seulement logique.

Si un crevettier canadien essayait de jeter ses filets près du golfe du Mexique, combien de temps les Américains le laisseraient-ils faire? Pas très longtemps. Au Canada, il faut que nous allions négocier et pratiquement implorer à genou.

Je voudrais que vous répondiez à cela, s'il vous plaît.

M. Earl Wiseman: Je comprends votre point de vue, mais je ne suis pas d'accord.

M. Peter Stoffer: D'accord.

M. Earl Wiseman: Tout d'abord, M. Tobin est le ministre qui a participé à la négociation de l'APNU et je crois qu'il le considère comme un instrument important grâce auquel le Canada et le reste du monde pourront résoudre le problème de la pêche en haute mer des stocks chevauchants et des stocks grands migrateurs. Cet accord est efficace en ce sens que les parties s'engagent, en vertu du droit international, à assurer la gestion des stocks de poisson en haute mer et à faire respecter les accords en haute mer. Cela faisait partie des négociations internationales qui ont permis d'aboutir à cet accord.

Vous avez cité l'exemple d'un bateau canadien qui irait pêcher la crevette dans le golfe du Mexique. S'il pêchait en eaux américaines, il enfreindrait évidemment la loi des États-Unis et serait arrêté par la Garde côtière comme n'importe quel bateau qui voudrait pêcher à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles. Nous arrêterions ce bateau et nous prendrions les mesures appropriées. Si un bateau pêchait en dehors des eaux territoriales au milieu de l'Atlantique, par exemple, si une organisation internationale assurait la gestion des stocks dans ce secteur, étant donné que les États-Unis ont ratifié l'APNU, les dispositions de l'APNU s'appliqueraient à ce navire canadien qui pêcherait dans cette zone. Les États-Unis seraient donc autant autorisés à intervenir que le Canada dans le cadre de cet accord international.

L'autre aspect de votre question fait allusion à une situation qui existait à la fin des années 80. Le monde a beaucoup changé depuis. On est beaucoup plus conscient de l'état des ressources halieutiques internationales, des stocks qui se trouvent dans les eaux côtières ou en haute mer. Outre l'APNU, un certain nombre d'initiatives ont été prises, dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, pour établir un régime international d'application des mesures de police pour la pêche en haute mer.

Les États côtiers et les États du pavillon estiment qu'ils doivent appliquer des règles beaucoup plus strictes pour leurs propres flottes, dans leurs propres eaux, et ils reconnaissent qu'il n'est pas possible d'avoir deux séries de normes, comme par le passé. Si vous laissez vos pêcheurs pêcher librement en haute mer alors que vous exigez qu'ils respectent les règles dans vos propres eaux, vous leur laissez entendre qu'ils peuvent tricher à certains endroits, mais pas à d'autres... et ils ont l'impression qu'ils peuvent tricher n'importe où.

• 0940

Par conséquent, tous les gouvernements adoptent des mesures plus répressives. Ils font maintenant comprendre qu'il n'est plus permis de tricher où que ce soit.

C'est ce que nous constatons, même dans l'Atlantique Nord- Ouest. Depuis l'accord qui a réglé le conflit du turbot en 1995 et l'adoption des nouvelles règles de l'OPANO en 1995, il y a eu nettement moins d'infractions dans ce secteur. Les graves problèmes que nous avions constatés avant 1995 ne se produisent plus. Il n'y a plus de surpêche massive. Il n'y a plus de surpêche soutenue par les gouvernements d'autres pays qui abusent des procédures d'opposition. Nous avons une pêche internationale bien contrôlée qui respecte les règles établies.

Lorsque des navires sont pris en flagrant délit, les États- Unis prennent des mesures étant donné qu'un certain nombre des éléments de l'APNU se trouvent déjà dans l'OPANO. L'OPANO a plus ou moins servi de champ d'expérimentation pour certaines des idées incluses dans l'APNU, comme celle d'arraisonner le navire et d'appeler l'État du pavillon.

Le Canada a arraisonné des navires dans la zone réglementée par l'OPANO. Nous avons constaté des infractions. Nous avons fait venir les inspecteurs des autres pays. Ils ont eux-mêmes confirmé l'infraction et ces bateaux ont été expulsés de la zone de pêche. L'expulsion de la zone de pêche est une grave sanction. Si vous devez voyager pendant deux semaines sans pouvoir pêcher alors que vous avez un équipage de 20 ou 30 personnes, c'est déjà une grave sanction et un important facteur de dissuasion.

Les bateaux de pêche commencent à coopérer et à respecter les règles établies car ils ne veulent pas s'exposer à ces sanctions. Même s'ils rentrent à leur port d'attache et qu'on s'aperçoit que l'infraction qu'ils ont commise n'est pas aussi grave qu'elle semblait l'être en mer, ils ne veulent pas avoir à faire ce long voyage jusque chez eux ou jusqu'à un port où ils vont perdre de l'argent. Les facteurs de dissuasion de l'APNU sont donc très importants et c'est une chose qu'il ne faut pas perdre de vue.

Deuxièmement, si l'une des parties à l'APNU n'était pas d'accord avec les règles établies et refusait de s'y conformer et de les faire appliquer, nous avons un mécanisme de règlement des différends que le projet de loi nous permet de déclencher rapidement, ce qui n'est pas le cas maintenant. Si nous avions eu cela en 1995, nous aurions sans doute pu nous en servir pour éviter un conflit. Nous aurions pu traduire l'Union européenne devant un tribunal international pour régler le problème avant que le conflit ne survienne. C'est ce que nous offre l'APNU.

Le président: Avant que vous ne posiez votre dernière question, monsieur Stoffer, je suis quelque peu perdu, comme le sont d'autres membres du comité. Nous devons traiter de l'allégation formulée par M. Stoffer. Je crois que cet avis est partagé par le porte-parole du Parti réformiste du Canada en matière de pêche et par le Parti conservateur.

M. Stoffer prétend qu'en vertu de ce projet de loi, un garde- pêche qui a des motifs raisonnables de croire qu'un bateau de pêche d'un autre État se trouvant dans un espace maritime délimité au titre du sous-alinéa 6e)(ii)—et je remarque que le mot «soupçonne» a été remplacé dans tout le projet de loi par le mot «croire», et j'aimerais que l'un de nos conseillers juridiques m'explique pourquoi—s'est livré, en eaux de pêche canadiennes, à une pêche non autorisée... avant que le garde-pêche ne puisse prendre toute mesure d'exécution de la présente loi, il doit obtenir au préalable l'agrément de cet État.

Voilà ce que soutient M. Stoffer et il a fait savoir au comité à maintes reprises qu'il veut que l'on supprime la mention «avec l'agrément de cet État». Monsieur Wiseman, c'était, je crois, la question que posait M. Stoffer au départ. J'essayais de bien suivre votre réponse. Je comprends ce que vous nous dites, mais cela ne répond pas à la question de M. Stoffer.

• 0945

Aux termes de ce projet de loi, doit-on obtenir l'agrément de l'État dont l'un des bateaux de pêche a commis l'infraction au titre de cette loi avant de pouvoir prendre une mesure quelconque d'exécution de la loi? M. Stoffer a-t-il tort ou raison?

M. Earl Wiseman: Monsieur le président, on peut interpréter cette question de deux façons. Si un navire étranger se trouve en eaux canadiennes et que l'on soupçonne qu'une infraction a été commise, un garde-pêche peut monter à bord du bateau et l'inspecter, il peut l'arraisonner et le remorquer jusque dans un port sans en avertir au préalable l'État du pavillon. Nous avons pleine souveraineté sur ces bateaux de pêche soupçonnés de pêcher illégalement dans les eaux de pêche canadiennes, ou de pêcher en contravention de la Loi sur la protection des pêches côtières. Je crois que nous devons le préciser hors de tout doute. Ce projet de loi nous donne des pouvoirs additionnels qui existent déjà en droit international.

Je demanderais à M. Strauss de vous expliquer un peu mieux cette notion du droit international. Cette disposition dit tout simplement que si ce bateau de pêche se trouve en haute mer, à l'extérieur de la limite des eaux canadiennes, le projet de loi nous donne des pouvoirs additionnels pour ramener ce bateau de pêche en eaux canadiennes et nous n'avons pas actuellement ce droit.

Le président: C'est bien, mais j'aimerais vous lire pour le compte rendu la question que ne cesse de poser M. Stoffer.

Monsieur Easter.

M. Wayne Easter: Vous pourriez peut-être permettre à M. Strauss de compléter la réponse.

Le président: Un instant, monsieur Easter.

Si vous vous reportez au nouvel article 7.01 du projet de loi, à la page 6, on peut y lire:

    Le garde-pêche qui a des motifs raisonnables de croire qu'un bateau de pêche d'un État assujetti à l'accord se trouvant dans un espace maritime délimité au titre du sous-alinéa 6e)(ii) s'est livré, en eaux de pêche canadiennes, à une pêche non autorisée peut, avec l'agrément de cet État, prendre toute mesure d'exécution de la présente loi.

Allez-y, monsieur Strauss.

M. Howard Strauss (directeur, Direction du droit économique des océans et de l'environnement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur.

La plupart des articles de l'APNU et la plupart des dispositions du projet de loi dont est saisi le comité concernent des cas où les événements surviennent à l'extérieur de la zone des 200 milles. Cette disposition traite d'une situation quelque peu différente. Elle traite d'une situation où un bateau de pêche étranger se trouve en eaux canadiennes, à l'intérieur de la zone des 200 milles, et où il y a lieu de croire qu'il pêche illégalement—sans un permis, par exemple, et qu'il a été repéré par un avion de surveillance.

En droit international, si le bateau de pêche étranger quitte alors la zone et tente de rentrer à son port d'attache, par exemple, et que nous avons un bateau de pêche dans la zone, nous pouvons entreprendre ce qu'on appelle communément une «poursuite immédiate». Nous pouvons prendre en chasse le bateau de pêche immédiatement. Si nous le rattrapons à l'extérieur de la zone des 200 milles, en haute mer, nous pouvons prendre des mesures d'exécution de la loi à l'encontre de ce bateau.

Cependant, si nous n'avons pas de navire de patrouille dans la zone, ou si le navire de patrouille décide qu'il doit s'occuper de choses plus pressantes, alors le bateau de pêche étranger s'en va. Il s'en va tout simplement. Il se peut qu'il soit repéré, quelque temps plus tard, de retour dans la zone réglementée par l'OPANO. Alors, en droit international, le Canada n'a pas le droit d'arraisonner ce bateau. En droit international, il n'y a pas eu poursuite immédiate et il faut alors obtenir le consentement ou l'agrément de l'État du pavillon pour intervenir à l'encontre de ce bateau.

Cette disposition est conforme à l'article 20, paragraphe 6, de l'APNU. Le libellé est semblable. En pareil cas, l'État côtier doit demander l'autorisation de l'État du pavillon pour prendre des mesures d'exécution de la loi à l'encontre du bateau.

• 0950

L'article 7.01 proposé est ajouté pour refléter les dispositions de l'ANUP et c'est d'ailleurs l'objectif de tout le projet de loi, à savoir mettre en oeuvre l'Accord sur le poisson des Nations Unies. L'article 7.01 vise à donner à nos garde-pêche, en droit canadien, le pouvoir d'agir parce que s'il n'y a pas de pouvoir habilitant dans la loi canadienne, ils sont impuissants à agir. À l'heure actuelle, c'est le cas.

Voilà donc le but de l'article 7.01. Il traite des cas particuliers où un bateau de pêche étranger est aperçu en eaux canadiennes, à l'intérieur de la zone des 200 milles, puis repart, sans qu'il y ait poursuite immédiate, et revient ensuite dans la zone réglementée par l'OPANO. Le cas échéant, nous sommes en mesure de nous approcher du bateau, mais en droit international, nous devons obtenir au préalable l'agrément de l'État du pavillon. C'est clairement ce que prévoit l'APNU et la disposition du projet de loi reprend ce libellé; cette disposition donne à nos garde-pêche le pouvoir d'agir en droit canadien.

Le président: D'accord. Autrement dit, le bateau commet l'infraction en eaux canadiennes puis quitte les eaux réglementées par l'OPANO, monsieur Strauss. À ce moment-là, le bateau a commis l'infraction en eaux canadiennes, à l'intérieur de la zone de 200 milles, puis se rend sur le nez et la queue du Grand Banc, à l'extérieur de la zone des 200 milles. À ce moment-là, nous devons obtenir l'agrément de l'État du pavillon afin de prendre des mesures d'exécution de la loi. C'est bien ce que vous nous dites?

M. Howard Strauss: Oui, s'il n'y a pas eu poursuite immédiate. Si un navire de patrouille se trouve dans la zone et aperçoit le bateau de pêche étranger à l'intérieur de la zone des 200 milles, en eaux canadiennes, le prend en chasse et le rattrape, mais uniquement à l'intérieur de la zone réglementée par l'OPANO, nous n'avons pas à demander l'agrément de quiconque.

Le président: Mais un avion...

M. Howard Strauss: Si un avion repère le bateau de pêche et que nous revoyons le même bateau de pêche étranger à l'intérieur de la zone réglementée par l'OPANO deux semaines plus tard, il nous faut alors obtenir l'agrément de l'État étranger.

Le président: Que se passe-t-il si l'avion le repère un jour et que le lendemain le garde-pêche à bord d'un navire de patrouille le rattrape, mais que le bateau de pêche se trouve déjà sur le nez du Grand Banc? Vous faut-il alors obtenir l'agrément de l'État assujetti à l'accord?

M. Howard Strauss: S'il y a interruption, oui. Si l'avion de patrouille repère le bateau de pêche et l'a en vue de façon ininterrompue jusqu'à ce que le navire de patrouille le rejoigne, vous n'aurez pas à demander l'agrément.

Le président: Mais l'avion de patrouille ne peut pas continuer la surveillance parce qu'il a une autonomie de 800 à 900 kilomètres seulement et doit rentrer faire le plein. L'avion ne peut pas continuer à survoler le bateau de pêche—sauf s'il peut être ravitailler en vol, et je ne sais pas si nos avions de patrouille ont cette capacité. Monsieur Stoffer, est-ce possible?

Monsieur Stoffer, nous vous accorderons une dernière question quand M. Strauss aura terminé et nous passerons ensuite au suivant. J'espère que vous aurez obtenu des réponses satisfaisantes à vos questions.

M. Peter Stoffer: Je remercie nos témoins d'être venus aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions, mais je continue de soutenir que tout cela est extrêmement faible.

Et ne croyez surtout pas que mon parti et moi-même nous opposons aux accords qui sont signés avec d'autres entreprises internationales pour préserver et protéger les stocks de poisson. Nous les appuyons de façon absolue. Nous voulons simplement que leur application soit rigoureuse.

Monsieur Wiseman, savez-vous si M. Tobin—je vais mentionner son nom puisque vous l'avez fait aussi—est favorable au projet de loi C-27? Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question maintenant, mais j'ai l'impression qu'il doit critiquer sévèrement la nouvelle version du projet de loi dont nous sommes maintenant saisis.

Également, vous avez dit que si un navire canadien se trouvait dans les eaux américaines, le traitement appliqué serait le même qu'au Canada. Est-ce exact? C'est précisément ce que vous avez dit.

La dernière fois que nous vous avons rencontré, nous vous avons posé une question—vous aviez dit que vous y répondriez, mais nous n'avons toujours rien reçu—au sujet du chalutier étranger qui pêchait du flétan au large du Labrador, ainsi que de la situation à Black Tickle. M. Anderson a envoyé une lettre à Terre-Neuve—je suppose que quelqu'un d'autre l'a écrite pour lui et qu'il n'a fait que la signer—dans laquelle on déclarait qu'il n'y avait pas de navire au large de Black Tickle à ce moment-là. Nous avons trouvé des preuves indiquant le contraire et le MPO a dû répéter...

Vous venez de dire, monsieur, que dans un tel cas, l'équipage du navire serait arrêté, comme ce serait le cas également aux États-Unis. Permettez-moi de dire que je n'en crois rien, car nous n'avons pas suffisamment de patrouilleurs ou d'agents d'exécution des lois pour cela. Nous ne sommes même pas en mesure de protéger nos propres eaux. L'une des grandes lacunes, au Canada, c'est que nous ne sommes même pas en mesure de protéger nos propres frontières.

• 0955

Vous avez également affirmé qu'on interdit aux navires d'autres pays qui commettent des infractions de prendre la mer. Si vous en avez des preuves, j'aimerais bien les voir, si c'est possible. Pourriez-vous fournir au comité des documents sur la situation des deux ou trois dernières années et indiquer combien de navires ont commis de telles violations? Quelles amendes ont été imposées? Qu'est-il advenu de ces navires? Où sont-ils aujourd'hui, ainsi que leurs capitaines? Nous serions très intéressés de connaître ces renseignements.

Vous dites que la situation s'est améliorée, c'est probablement vrai. Il y a sans doute de grandes améliorations depuis les années 60 et 70, mais la dernière fois que vous avez comparu devant nous, vous nous avez permis de voir où étaient situés les chalutiers étrangers au large du Bonnet Flamand et du Grand Banc. Il y avait 35 chalutiers qui pêchaient au large du Bonnet Flamand et du nez et de la queue du Grand Banc. Je ne trouve pas que ce soit une amélioration, loin de là. Aucun chalutier ne devrait se trouver là à pêcher de cette façon, à violer et à piller nos océans. C'est l'un de nos grands problèmes.

Je m'en tiendrai à cela.

Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Stoffer. Je laisserai du temps à M. Strauss, qui souhaite répondre à vos observations, puisque vous avez surtout formulé des opinions.

M. Peter Stoffer: Je sais, je sais, mais...

Le président: Demander à M. Wiseman de parler de M. Tobin, entre autres... M. Strauss avait quelque chose à dire, puis nous passerons au Parti réformiste, comme d'habitude, puis au Bloc.

Nancy peut-elle me remplacer un instant?

Allez-y, monsieur Strauss. Veuillez m'excuser.

M. Howard Strauss: Merci, monsieur.

En principe, lorsque nous poursuivons un navire, nous n'avons pas besoin d'autorisation pour l'arraisonner. Il faut toutefois une telle autorisation, lorsque la poursuite est interrompue.

Il faudrait toutefois que je puisse trouver la définition de ce qu'est une poursuite pour bien répondre à votre question. Je ne sais pas si le cas que vous avez mentionné constituerait une poursuite.

M. Earl Wiseman: Monsieur le président, si je...

Le président: Connaissez-vous les critères qui définissent la poursuite en mer?

M. Earl Wiseman: Les critères qui définissent la «poursuite»?

Le président: Non, c'est d'accord, monsieur Wiseman. Allez-y.

M. Earl Wiseman: Permettez-moi de répondre d'une façon générale à certaines observations de M. Stoffer, car certains faits ont peut-être été omis dans la discussion.

M. Stoffer a parlé du navire étranger au large de Black Tickle, et je sais que la question a été mentionnée à plusieurs reprises auprès du ministre. Les renseignements sur ce navire étranger ont été fournis au comité l'an dernier dans des documents, et la lettre du ministre a été rédigée en janvier. Personne n'avait rien à cacher, mais une erreur a été commise.

Le navire qui était au large de Black Tickle était un navire français titulaire d'un permis canadien. Il ne commettait aucune violation et il n'était donc pas nécessaire de prendre des mesures d'exécution des lois. Nous étions au courant de sa présence et nous savions ce qu'il faisait. Il y avait un observateur à bord. Tout allait bien.

L'erreur, c'est que le ministre a été mal informé. Lorsque la question a été posée, il était question de pêche par des navires étrangers au nord de Black Tickle, dans la zone zéro, et la personne qui a rédigé la lettre a mis l'accent sur cette question—alors qu'il n'y avait pas à cet endroit de navire étranger. Ou bien il n'était pas au courant de l'entente avec le navire français, ou bien il l'avait oubliée. C'est simplement une erreur. Le problème, ce n'est pas que nous ne sachions pas ce qui se faisait, que nous n'étions pas en mesure de suivre la situation.

Votre comité a entendu des témoignages indiquant que nous savons clairement ce qui se passe dans l'Atlantique nord-ouest, surtout dans la zone régie par l'OPANO. Nous savons tous les jours, pratiquement en temps réel, quels navires se trouvent dans cette région, où ils sont et ce qu'ils font. Nous n'avons aucune difficulté à savoir quels navires sont là. S'il se trouve dans cette zone des navires dont les activités nous inquiètent, nous pouvons les arraisonner et les inspecter. L'APNU nous confère ce pouvoir, ainsi que d'autres pouvoirs supplémentaires. Je tenais à le préciser.

Si vous estimez que l'APNU n'est pas suffisamment rigoureux, qu'il est plus faible... Dans des négociations internationales, chaque partie peut vouloir... Le Canada aurait sans doute souhaité obtenir davantage, mais nous devions faire des compromis avec les autres pays et voilà ce que nous avons conclu. C'est ce que nous avons obtenu dans ces négociations internationales.

À mon avis, c'est à votre comité qu'il incombe de décider si le Canada doit ratifier l'APNU et accepter ces nouveaux régimes internationaux qui nous fournissent des outils et des mesures supplémentaires dont nous ne disposons pas à l'heure actuelle. Nous pourrions tout aussi bien décider de ne pas ratifier cet accord parce qu'il ne nous satisfait pas. Voilà ce qui doit être décidé. Je ne crois pas qu'il soit possible à cette étape-ci de réouvrir la convention internationale pour que nous puissions la modifier ou la renforcer.

• 1000

La présidente suppléante (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): Merci.

Monsieur Hilstrom.

M. Howard Hilstrom (Selkirk—Interlake, Réf.): Je trouve votre dernière observation très intéressante. Vous dites que vous avez fait de votre mieux dans cet accord et qu'il est un pas dans la bonne direction. C'est rassurant.

Pour ce qui est de la question des poursuites, si les définitions normales s'appliquent encore au Canada, cela ne pose aucun problème. Le contact visuel doit certes être suffisant.

Vous nous dites que l'exécution des lois est suffisante et que les navires ne prendront plus de chance parce qu'ils disposent de deux semaines pour rentrer chez eux, etc.—en fait, c'est l'ampleur des profits réalisables qui détermine quel risque prendront les escrocs. Que ce soit dans le domaine de la drogue ou ailleurs, s'ils peuvent faire un million en quelques jours sans se faire prendre, rien ne les arrêtera. Pour ma part, je me soucierais d'avoir des services d'exécution des lois de la plus haute qualité.

Cela soulève la question de savoir si l'exécution de la loi sera financée par des frais que verseront les utilisateurs. J'ignore si vous êtes en mesure de nous en parler, mais je vous invite à le faire si vous le souhaitez.

Nous avons beaucoup traité des rapports d'observateurs, de ceux qui observent ce que font les navires de pêche étrangers. Cette entente porte-t-elle sur la communication de ces rapports à des comités comme le nôtre? Il faudrait aussi savoir si elle permet la présence de plus d'un observateur sur un navire de pêche.

Ma dernière question concerne les stocks chevauchants et les stocks se trouvant à l'extérieur des eaux canadiennes. Dans quelle mesure les dispositions de l'accord seront-elles appliquées dans ces zones? Les navires des organismes d'exécution de la loi pourront-ils aller observer la situation dans ces zones et signaler toute infraction aux autorités de l'État intéressé?

J'aimerais entendre vos remarques à ce sujet.

M. Earl Wiseman: Merci.

Il est vrai—et c'est une des difficultés de l'exécution de la loi et du contrôle des pêches à l'échelle du globe—que la possibilité de faire de grands profits pourrait encourager des capitaines à prendre des risques et à contourner les règles. En revanche, d'après notre expérience, plus les sanctions sont sévères, plus les mesures de dissuasion sont strictes, moins les capitaines sont prêts à prendre des risques.

Cela nous ramène à la question qui a été posée tout à l'heure par M. Stoffer. Au cours des dernières années, il n'est pas souvent arrivé qu'on voie un bateau étranger s'adonner à la pêche illégale dans les eaux canadiennes et qu'il en résulte une poursuite.

C'est arrivé souvent dans les années 80. Tous les jours, des navires pénétraient jusqu'à 10 ou 15 milles dans notre zone pour suivre le poisson qui migre de l'extérieur de la zone des 200 milles marins jusqu'en eaux canadiennes. Nous avons souvent eu l'occasion d'appliquer la loi et de mener des poursuites. Une fois, nous avons suivi un navire jusqu'aux Açores où nous l'avons finalement arrêté. Il s'agissait d'une poursuite tout à fait légale en vertu du droit international. Lorsqu'il s'agissait de bateaux pour lesquels des poursuites n'étaient pas possibles, nous ne pouvions rien faire.

Nous avons donc réglé ce problème en alourdissant les peines. Auparavant, la peine maximale était d'environ 50 000 $. Souvent, toutefois, les capitaines des navires qui étaient appréhendés s'en tiraient avec une réprimande. Leurs coûts d'exploitation étaient plus élevés, mis leurs profits aussi, et ils étaient prêts à prendre le risque.

Lorsque nous avons fait passer l'amende à 750 000 $ par infraction—et lorsque vous trouvez un navire qui pêche illégalement dans les eaux canadiennes, vous l'accusez d'être entré illégalement en zone canadienne et vous l'accusez d'avoir pêché sans permis—la peine maximale pouvait alors être de 1 500 000 $.

Du jour au lendemain, ces capitaines, qui avaient prétendu que nos cartes comportaient des erreurs ou qu'ils avaient des problèmes avec leurs satellites les empêchant de déterminer où se trouvait la zone de 200 milles et qu'il s'agissait d'incursions accidentelles—étonnamment, ils ont découvert précisément où se trouvait cette ligne de démarcation et ne l'ont plus franchie par la suite.

• 1005

La dissuasion porte donc ses fruits et l'APNU comporte aussi des mesures dissuasives importantes. D'autres États qui sont parties à l'APNU s'apprêtent à adopter de nouvelles mesures dissuasives et de nouvelles sanctions.

Le Parlement espagnol est actuellement saisi d'un projet de loi prévoyant de nouvelles sanctions importantes, y compris le retrait des permis des navires de pêche reconnus coupables d'avoir violé les lois internationales. J'ai donné cet exemple parce que je sais que votre comité pense à cela. Vous pensez à l'incident de l'Estai. Bon nombre d'autres pays font de même.

Il faut donc reconnaître l'utilité de l'APNU et l'effet dissuasif des sanctions sur les capitaines des navires de pêche.

Vous avez parlé d'exiger des utilisateurs des frais qui serviraient à l'exécution de la loi. L'OPANO discute de cette possibilité afin d'assurer une distribution plus équitable des coûts d'exécution de la loi dans les zones réglementaires de l'OPANO. Une partie de ces coûts est déjà assumée par les États qui paient les observateurs. Mais on examine aussi d'autres questions, telles que la possibilité de demander à davantage de pays de fournir des plates-formes de vérification.

Le Canada a deux bateaux d'inspection ou plus qui se rendent régulièrement dans les zones réglementaires de l'OPANO; l'Union européenne y envoie au moins un navire d'inspection pour au moins 10 mois chaque année. Parfois, elle en envoie d'autres. Les Japonais envoient aussi, de temps à autre, des navires de vérification.

Il y a donc d'autres pays qui tentent d'appliquer les règles de l'OPANO à tous les membres, et ils auront dorénavant des pouvoirs accrus s'ils effectuent les inspections en vertu de l'APNU.

En ce qui a trait aux rapports des observateurs, l'APNU ne prévoit rien, mais parle toutefois de l'application des règles établies par les organisations régionales de gestion des pêches. En règle générale, l'OPANO fait des vérifications dans toute sa zone. Ces règles prévoient que les informations sont transmises aux organismes d'exécution de la loi afin que celles-ci sachent ce qui se passe sur les bateaux de pêche. C'est ce qui se fait actuellement. Si on était réticent à le faire, si les parties refusaient de respecter les règles de l'OPANO et qu'elles sont parties à l'APNU, elles pourraient faire l'objet d'un processus de résolution des différends, car elles sont tenues de respecter les règles établies par les organisations régionales de gestion des pêches.

Si les activités d'un bateau menaçaient la conservation des ressources halieutiques, comme cela s'est produit dans le passé lorsqu'on s'est opposé aux règles de l'OPANO et que cela aurait pu provoquer une surpêche de grande envergure, nous aurions dix jours pour obtenir des mesures provisoires, par le biais du mécanisme de résolution des différends, aux termes desquelles nous pourrions freiner ces navires et les États qui leur permettent de s'adonner à ce genre d'activités.

L'entente a donc suffisamment de mordant pour nous permettre de régler ce genre de problèmes.

Je crois avoir répondu à vos questions sur l'exécution de la loi et les vérifications.

M. Howard Hilstrom: D'accord. Prenons un autre exemple. Un bateau de pêche canadien s'aventure à l'extérieur de la limite de 200 milles pour pêcher. Qui s'assurera qu'il respecte son contingent? Quelle autorité pourra appliquer la loi en haute mer et pourchasser ce bateau canadien au besoin?

M. Earl Wiseman: Premièrement, tout navire canadien qui pêche en haute mer doit, conformément à la réglementation actuelle, pour obtenir un permis, respecter toutes les règles établies par une organisation internationale de pêche. Cela fait déjà partie des conditions d'octroi du permis.

Par conséquent, tout bateau canadien qui pêche dans une zone contrôlée par une organisation régionale de gestion des pêches—l'OPANO, par exemple—ne peut y pêcher que s'il a un permis pour cette prise particulière. C'est le gouvernement du Canada qui lui aurait accordé le droit de pêcher par le biais de la procédure habituelle d'octroi de permis de pêche.

Si un bateau canadien voulait pêcher ailleurs dans une zone gérée par un organisme régional de gestion des pêches, comme dans l'Atlantique Nord-Est où quelques bateaux sont allés pêcher le sébaste, nous lui accorderons un permis à condition qu'il respecte les règles établies par l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Est.

• 1010

C'est ainsi que nous respectons nos obligations internationales. Si des navires canadiens veulent aller dans ces zones, si une organisation internationale prévoit des règles d'embarquement et d'inspection, les bateaux canadiens devront se soumettre à ce genre d'inspection car ils doivent respecter les règles de cette organisation. Tout bateau canadien qui pêche dans une zone réglementaire de l'OPANO doit respecter les règles de l'OPANO. Il peut faire l'objet d'une inspection par un navire de patrouille du Canada ou de tout autre pays présent dans cette zone.

Quant aux poursuites, je ne pense pas qu'elles puissent débuter en haute mer. La poursuite commence dans la zone exclusive de l'État côtier et continue en haute mer. M. Strauss pourra peut- être nous dire ce qu'il en est.

M. Howard Strauss: C'est exact.

M. Earl Wiseman: Si un navire canadien était repéré, disons, par un navire de patrouille de l'Union européenne, et que ce dernier estimait que le navire canadien a commis une infraction, mais que celui-ci s'enfuyait pour retourner dans les eaux canadiennes... Si le navire de patrouille européen nous signalait cet incident, nous considérerions cela comme une obligation d'appréhender le navire pour l'inspecter, en vue d'établir s'il y a vraiment eu infraction. Si une infraction avait été commise, nous porterions des accusations. Si le navire n'avait rien fait de répréhensible, l'affaire s'arrêterait évidemment là. Cela fait partie intégrante d'une collaboration responsable dans un domaine international en vue de la gestion et de la protection de ces stocks.

La présidente suppléante (Mme Nancy Karetak-Lindell): Monsieur Bernier.

[Français]

M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je vais essayer d'être court et touchant ce matin. Je vois des personnes qui ont assisté à la journée de débat qu'on avait eue sur le projet de loi. Des questions ont été soulevées par les différents députés. J'imagine que vous avez pris des notes. Est-ce que vous avez des embryons de réponse? Je vais vous donner deux exemples de choses que j'avais soulevées.

Premièrement, je trouve qu'il y a un manque de transparence quand on dit que les règlements sont adoptés par le gouverneur en conseil. J'aimerais avoir des exemples. Lorsqu'on avait adopté l'ancien projet de loi C-29, je crois, quels règlements le gouverneur en conseil avait-il pris, notamment concernant les arraisonnements? Quelles étaient les méthodes et ainsi de suite? J'aimerais voir cela.

Deuxièmement, il y a une chose que le projet de loi passe sous silence. On dit que c'est pour aider à mettre en application l'Accord de pêches des Nations unies, mais quand on lit l'Accord de pêches des Nations unies, on voit qu'il ne traite pas seulement des questions d'arraisonnement. Il y a aussi là-dedans une philosophie de gestion. On n'y fait pas allusion. Je trouve que c'est une des grandes failles. Je vous dis que je suis déçu. Je ne peux pas être contre la vertu. Comme Peter le soulignait, on veut que les stocks soient protégés, et là où on peut mettre des dents, il faut en mettre.

Cependant, je me demande quelle est la philosophie de gestion du Canada dans tout cela, surtout à un moment crucial comme celui qu'on traverse présentement. C'est peut-être une question politique, mais c'est intéressant. Wayne Easter est ici comme témoin ce matin. Il pourra donc nous dire quelle est la position du gouvernement. S'il n'a pas la réponse aujourd'hui, peut-il nous dire quel est le calendrier de travail pour faire face à cette situation? Est-ce que cela n'aurait pas dû être fait en même temps que la mise en oeuvre de l'accord international?

Je vois que Mme Bouffard est ici. Elle était dans l'antichambre quand j'ai fait mon discours. J'ai souligné des pistes. Je crois que c'était l'article 5 de l'accord. Dans cet accord, par exemple, on dit carrément de quelle façon l'Accord des Nations unies conçoit une pêche côtière durable et rentable. Ce sont de beaux mots, mais comment les met-on en application chez nous, monsieur Easter? C'est ce que j'aimerais savoir.

[Traduction]

M. Wayne Easter: Yvan, je ne pense pas être à même de répondre à votre question. Il va sans dire que le ministre se penche actuellement sur cette question. Je ne peux pas vous répondre maintenant, mais je vais en prendre note et la soumettre au ministre.

• 1015

[Français]

M. Yvan Bernier: Wayne, avez-vous une copie de l'accord avec vous ce matin? C'est très important. Je ne peux être contre la vertu, mais étant donné qu'on ne parle pas de cette chose, je me demande si je n'irai pas jusqu'à recommander à mon parti de voter contre. C'est dommage. Je ne peux être contre la vertu, mais je n'ai pas assez du peu de vertu qu'on m'offre pour m'abrier.

[Traduction]

M. Earl Wiseman: Madame la présidente, M. Bernier a posé deux questions. Je vais demander à Nadia Bouffard de répondre à celle concernant la réglementation et le droit canadien pour ce qui est de la transparence, mais je pourrais peut-être traiter des questions théoriques en matière de gestion du projet de loi sur l'Accord sur le poisson des Nations unies.

Il n'est pas nécessaire d'adopter une loi pour mettre en oeuvre des principes de gestion. Il nous faut légiférer pour donner aux agents canadiens les pouvoirs de prendre des mesures lorsqu'il leur est impossible de le faire, et c'est là l'objet de ce projet de loi.

S'agissant d'un principe essentiel de l'APNU, le recours au principe de prudence, c'est un principe que le Canada intégrera dans sa politique et dont il sera fait mention, conformément aux modifications proposées à notre nouvelle Loi sur les pêches, le projet de loi qui portera sur la gestion des pêches canadiennes.

Au sein de l'OPANO, laquelle se compose de parties contractantes dont quatre ont déjà ratifié l'APNU et souscrit à ses principes et dont tous les membres ont signé cet accord et souscrit à ses principes, nous travaillons déjà à la mise en place de l'approche prudente.

Il y a deux semaines, les scientifiques et gestionnaires de l'OPANO se sont réunis à Copenhague pour parler de la mise en oeuvre de l'approche prudente relativement aux stocks de poisson qui se trouvent dans la zone réglementée par l'OPANO. Ils ont étudié la question en vue d'appliquer cette approche prudente à la CICTA, la commission qui s'occupe des espèces de poissons grands migrateurs dans l'Atlantique, surtout le thon et l'espadon. Là encore, nous collaborons à l'échelle internationale en vue d'appliquer l'approche prudente. Les principes de gestion contenus dans l'APNU sont donc appliqués.

Le projet de loi vise à accorder des pouvoirs, lorsqu'une autorité législative est requise, aux agents canadiens, aux garde-pêche pour qu'ils puissent prendre des mesures en se fondant sur la loi en vigueur.

[Français]

M. Yvan Bernier: Ne l'avait-on pas déjà dans l'ancien projet de loi C-29 sur la protection des stocks chevauchants? On l'avait adopté en une journée, je pense, avec M. Tobin à l'époque. Si on l'a déjà dans le projet de loi C-27, met-on de côté le C-29? Quel est le lien entre les deux? Je pensais qu'on l'avait et vous me dites qu'on n'a pas besoin d'une loi pour permettre au gouvernement de signer l'accord. Je vous dis bien honnêtement que je me demande ce qu'on fait ce matin.

[Traduction]

M. Earl Wiseman: Le projet de loi C-29 visait à modifier la Loi sur la protection des pêches côtières en 1994. Cette loi modifiée est toujours valable.

Le projet de loi C-27 vise à modifier la Loi sur la protection des pêches côtières en vue de prévoir des pouvoirs supplémentaires pour permettre aux agents canadiens chargés de l'exécution de mettre en oeuvre l'Accord sur le poisson des Nations Unies. Tel est l'objet du projet de loi C-27, soit celui dont votre comité est saisi.

Quant à rendre le système plus transparent, en vertu des modifications qui sont proposées, nous comptons agir de la façon la plus transparente possible relativement à la mise en oeuvre du projet de loi sur l'APNU, et nous le ferons également par voie de réglementation. Je vais laisser Mme Bouffard vous en dire plus sur ce point.

[Français]

Mme Nadia Bouffard (conseillère principale, Division des relations bilatérales, ministère des Pêches et des Océans): Pour réitérer ce que M. Wiseman a dit, le projet de loi est transparent en ce sens qu'on utilise les pouvoirs existants de mise en application, tel l'arraisonnement dont vous avez parlé. On étend ces pouvoirs à la haute mer. Les pouvoirs sont dans la loi. Des règlements vont prévoir les détails de procédure qu'on devra suivre dans l'exercice de ces pouvoirs selon l'Accord de pêches des Nations unies.

• 1020

Par exemple, il y a la question des trois jours d'attente lorsqu'on notifie l'État étranger. Eh bien, ces trois jours seront prévus dans le règlement. Mais l'exigence de la notification elle-même est prévue dans le projet de loi, comme vous le savez. Cela répond-il à votre question?

M. Yvan Bernier: Non. Je reste encore sur mon appétit, mais c'est mon problème. Tout ce qui est décrété par le gouverneur en conseil—je fais toujours allusion à l'article 6—n'est jamais assez transparent à notre goût. On ne voit jamais ces choses. Ce n'est pas publié et on n'a pas la chance d'en discuter, même si on parle de détails. Des détails comme ceux des trois jours, des méthodes d'arraisonnement ou de l'utilisation de la force nécessaire pour ces choses me font toujours un peu peur.

Mme Nadia Bouffard: Le processus réglementaire est public. Les règlements qui seront adoptés en vertu de C-27 peuvent être prépubliés et il y aura une période pendant laquelle le public pourra émettre ses commentaires. Ensuite, il y aura un processus d'approbation par le gouverneur en conseil, qui est essentiellement un groupe spécial du cabinet, et il y aura une publication finale dans la Gazette du Canada. Donc, le règlement comme tel est public.

M. Yvan Bernier: Il peut y avoir une prépublication avant le...

Mme Nadia Bouffard: Normalement, c'est le processus qu'on suit.

M. Yvan Bernier: D'accord. On peut faire un petit test dans la salle pour savoir combien de gens, ici, lisent la Gazette du Canada. Le comité ne pourra-t-il pas faire des suggestions lorsqu'on arrivera à l'étude article par article? Puisque c'est le processus que vous suivez, on pourrait faire un petit exercice supplémentaire et en envoyer automatiquement une copie au Comité permanent des pêches et océans afin qu'il puisse se pencher là-dessus. Je dois vous dire que je ne lis pas tous les mois la Gazette du Canada. Si c'était une façon de régler notre problème, on irait faire nos devoirs.

[Traduction]

M. Earl Wiseman: Je pense que nous pourrions vous fournir un synopsis, c'est-à-dire essayer d'avoir un résumé de ce que seront les règlements, et faire parvenir cela au président.

[Français]

M. Yvan Bernier: D'accord pour cela.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Nancy Karetak-Lindell): Il vous reste une demi-minute.

[Français]

M. Yvan Bernier: Ma dernière question va s'adresser à Wayne. Pouvez-vous prévoir, monsieur Easter, quand, au gouvernement, on discutera de la «philosophie de gestion» telle qu'elle est décrite à l'article 5, je pense? C'est très important puisqu'on précise là que les pays s'engagent à faire une pêcherie côtière durable et rentable, dans le cadre d'un mouvement international. Je dois vous dire qu'on n'a pas encore fait nos devoirs. Je pense que c'est important.

[Traduction]

Cela pour vous mettre en garde.

M. Wayne Easter: Je pense que le ministre a déjà montré quelle importance, lui et le gouvernement accordaient à la gestion. Les décisions qui ont été annoncées, sur la côte du Pacifique, ont été difficiles à prendre, et certainement assez dures. Mais ce sont les bonnes décisions.

C'est la même chose pour la côte Est. Il a fallu tous les jours prendre des décisions difficiles en ce qui concerne la gestion des diverses espèces. Comme le ministre le répète à plusieurs reprises, ces trois priorités sont la conservation, la conservation et encore la conservation; mais lorsqu'il faut prendre ce genre de décisions, qui ont des conséquences pour la vie matérielle de la population—il faut se nourrir, or ce sont des gens qui font de la pêche depuis tout le temps—tout cela a des conséquences sur le plan humain. Le gouvernement essaie de réfléchir à ces conséquences, comme vous le savez.

Le président: Nous allons maintenant passer au représentant du Parti progressiste-conservateur du Canada, M. Matthews.

M. Bill Matthews (Burin—St. George's, PC): Merci, monsieur le président. Excusez-moi d'être arrivé un petit peu en retard.

Le ministre était parmi nous hier, accompagné d'une partie de son équipe. Je lui ai déjà posé une question là-dessus. C'est quelque chose qui m'inquiétait, lorsque le projet de loi a été déposé, comme certains des hauts fonctionnaires le savent déjà. J'aimerais donc reprendre ces mêmes questions, car je crois qu'il y a une possibilité de malentendu.

Supposons que l'on monte à bord d'un bateau, et que l'on s'aperçoive qu'il y a infraction. J'aimerais reprendre tout ce scénario, pour voir si je comprends bien ce qui se passe. Après être monté à bord, et avoir constaté l'infraction, nous informons l'État dont le bateau porte le pavillon. Est-ce bien cela? Ils ont ensuite trois jours pour répondre. Si la réponse n'est pas parvenue dans les trois jours, est-ce que cela veut dire que qui ne dit mot consent? Est-ce qu'on peut alors y aller? Et si l'État déclare qu'il va prendre les choses en main, que se passe-t-il alors?

• 1025

Vous en avez peut-être déjà parlé ce matin, dans ce cas je m'excuse.

Le président: Non, il n'en a pas encore été question, monsieur Matthews; je peux vous l'assurer.

M. Bill Matthews: Que se passe-t-il alors si le pays d'enregistrement du bateau rappelle dans les trois jours, en disant qu'il a averti le capitaine de la situation d'infraction, et qu'il va prendre les choses en main? Que se passe-t-il alors?

M. Earl Wiseman: Il y a été fait allusion déjà dans le courant de la discussion. Mais pour être plus précis, on suppose que les États en question qui signent et acceptent les dispositions de l'APNU, sont sérieux et veillent à ce que des vérifications aient lieu lorsque leurs bateaux pêchent en haute mer, et qu'ils s'en tiennent à la réglementation des organismes internationaux de gestion des pêches et que par ailleurs ils feront ce qu'il faut pour veiller à ce que la réglementation soit effectivement respectée.

Comme je l'ai déjà dit, à l'OPANO, le système fonctionne déjà. C'est déjà en place. D'après le régime actuel de l'OPANO, si nous montons à bord d'un bateau, et si nous estimons qu'il y a eu une infraction grave, nous avertissons l'État du pavillon. Ce pays a 72 heures pour répondre, et pour reprendre en main le bâtiment, afin de déterminer ce qui s'est passé.

L'APNU va un petit peu plus loin que l'OPANO, mais avec le régime actuel de l'OPANO, sans les pouvoirs contenus dans l'APNU, nous avons constaté que les États signataires ont respecté leurs obligations. C'est que l'Union européenne a un bateau qui patrouille dans la zone la plupart du temps. Le bateau est alors dépêché sur place et, si nécessaire, les inspecteurs montent à bord en notre présence. Nous reprenons alors l'inspection et dénonçons les infractions qui ont été constatées.

Si les inspecteurs européens sont d'accord avec nous sur les irrégularités, ils prennent des mesures. À diverses reprises, certains bateaux ont été rapatriés. Ils ont alors été soumis à des inspections plus approfondies. Ce qui signifie que le bateau est déchargé, que des accusations sont portées et que les sanctions sont appliquées comme il se doit. Comme je le disais, simplement rappeler le bateau dans son pays d'origine est déjà un dissuasif puissant, qui fait réfléchir le capitaine à deux fois avant de se mettre en infraction.

Comme vous le savez, il y a des observateurs à bord. C'est leur travail, lorsqu'il y a des infractions, de contacter les responsables de l'exécution de la loi, pour que ceux-ci viennent sur place procéder à une inspection. Là encore, le capitaine réfléchira à deux fois avant de commettre une irrégularité grave, lorsqu'il y a déjà quelqu'un à bord qui peut tout de suite intervenir.

L'APNU nous donne des pouvoirs supplémentaires, et ce sont des pouvoirs très dissuasifs. On espère que les capitaines comprendront que ce n'est pas payant de tricher, et que les règles doivent tout simplement être respectées. L'aspect dissuasif de cet accord international est un élément important de celui-ci, et en cas d'infraction des mesures seront prises à l'encontre des coupables.

Supposons qu'un État contacté ne réponde pas dans les délais, ou ne prenne pas l'avertissement au sérieux—je ne parle pas simplement ici du cas d'un inspecteur canadien—n'importe quelle partie à l'accord qui procède à une inspection, et qui voit quelque chose de suspect, peut saisir le pays d'origine; si donc, comme je le disais, ce pays ignore l'avertissement, ou ne répond pas dans les formes prévues, il y a une procédure d'arbitrage qui est un élément essentiel de l'accord. Nous pouvons alors citer le pays en question devant un tribunal international, et l'affaire suivra son cours.

M. Bill Matthews: Qu'advient-il du bateau à bord duquel on est monté et où on a détecté une irrégularité, si l'État du pavillon ne répond pas dans les trois jours, ou s'il ne se manifeste pas? Est-ce que le bateau est alors conduit dans un port canadien, ou revenez-vous sur votre propre bâtiment, en laissant ensuite le tribunal se débrouiller?

M. Earl Wiseman: Non, nous demanderions alors effectivement au bateau de se rendre dans un port canadien, pour poursuivre l'inspection. Si le pays d'enregistrement veut contester notre constat, nous passons alors à l'étape de l'arbitrage. Mais si le pays en question ne répond pas dans les trois jours, le bateau est escorté dans un de nos ports.

M. Bill Matthews: Monsieur le président, je ne sais pas si j'ai dépassé mon temps, mais avec votre permission, j'aimerais demander à M. Wiseman si nous en avons les moyens. C'est une chose qu'il y ait un accord comme celui-ci, que nous appuyons largement—en ce qui me concerne en tout cas—mais je suis surtout favorable à tout ce qui peut améliorer l'application de notre politique de conservation et de protection des stocks de poisson. Mais avons-nous les ressources nécessaires pour nous joindre au groupe de signataires de cet accord, et en constater quelque amélioration significative en ce qui nous concerne? C'est cela la question.

• 1030

C'est une chose de faire ratifier un accord par 30 pays, mais si nous n'avons pas les ressources nécessaires à l'application de l'accord, à quoi cela sert-il? Cela se réduit alors à une opération de relations publiques dont on pourrait toujours dire que c'est une bonne chose, mais rien n'aura changé à l'extérieur de la zone des 200 milles. C'est cela qui m'inquiète un peu. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

M. Earl Wiseman: Évidemment, il n'est pas imaginable que nous nous transformions en agents de police des organismes internationaux dont nous faisons partie, chargés de patrouiller partout dans l'Atlantique où il faut protéger les stocks grands migrateurs, dès qu'ils intéressent le nord-ouest de l'Atlantique—on pourrait toujours le faire, en qualité de membres de la CICTA—il semble impossible que nous soyons responsables de l'application de tous ces accords internationaux.

Mais si nous avons des priorités en matière de respect de ces accords, c'est-à-dire la protection des stocks au large de nos côtes, et si nous concentrons notre effort sur les stocks chevauchants et grands migrateurs, lorsqu'ils s'approchent de nos côtes, nous en avons alors les moyens, nous l'avons déjà fait jusqu'ici, et nous poursuivrons notre effort.

M. Stoffer a évoqué tout à l'heure ce qui se passait au large de nos côtes il y a quelques mois. En ce qui concerne la semaine dernière, aux extrémités des Grands Bancs, nous en étions à moins de 10 bâtiments. Cela fluctue donc, mais ce ne sont pas des flottilles énormes, et nous avons certainement les moyens de surveiller ce qui se passe.

Le président: Excusez-moi. Vous dites qu'au nez et à la queue et au Bonnet Flamant, il n'y a que dix navires, et ce, à la fin de mai?

M. Earl Wiseman: Non, monsieur le président, il y en a 10 au nez et à la queue et 22 crevettiers au Bonnet Flamant.

Le président: Ah, d'accord.

M. Earl Wiseman: Mais ce sont des navires spécialisés qui pêchent selon les règles et qui pêchent une espèce particulière là-bas. Ils n'ont rien à voir du tout avec les stocks chevauchants qui nous préoccupent et qui sont visés par... Ce projet de loi ne vise que les stocks chevauchants. Il ne vise pas...

Le président: Plusieurs membres du comité, monsieur Wiseman, vous répondrons que les stocks chevauchants habitent le Bonnet Flamant.

M. Earl Wiseman: On y trouve du flétan noir; c'est exact.

Le président: D'accord.

M. Easter veut poser une question à M. Stoffer, mais avant de continuer, j'aimerais avoir une clarification. Avant que M. Stoffer n'en reparle, parce qu'on va proposer un amendement, et je pense que M. Easter veut poser une question à ce sujet aussi, j'aimerais qu'on clarifie cela.

Si le Canada juge qu'il y a pêche illégale ou pêche non autorisée dans les eaux canadiennes et que nous nÂengagerons pas immédiatement une poursuite—autrement dit, nous n'avons pas de patrouilleurs sur place, le navire n'a été aperçu que par un avion—et que ce navire étranger traverse ensuite la ligne, sortant donc de la zone de 200 milles sur le nez ou la queue, dont si nous arraisonnons ce navire, il nous faut obtenir le consentement de l'État du pavillon pour prendre des mesures d'exécution conformément à cette loi.

Si le navire repéré par le patrouilleur se trouve à l'extérieur de la zone des 200 milles sur le nez et la queue des Grands Bancs et que nous croyons qu'il y a eu infraction, faut-il également obtenir le consentement de l'état signataire avant de prendre des mesures d'exécution? Autrement dit, tant et aussi longtemps que le navire se trouve à l'extérieur de la zone de 200 milles, il ne faut obtenir le consentement de l'État signataire? Et s'il ne s'agit pas d'un État signataire, quelle mesure peut-on prendre alors?

Est-ce exact? Il faut le consentement de l'État signataire tant que ce navire étranger se trouve à l'extérieur de la zone de 200 milles—disons, sur le nez ou la queue—et ne fait pas l'objet d'une poursuite?

Monsieur Strauss, comprenez-vous ma question?

M. Howard Strauss: Je crois que oui. Je vais essayer d'y répondre.

Le président: Bien. D'accord.

M. Howard Strauss: Si le navire d'un État signataire pêche dans la zone réglementaire de l'OPANO, nos inspecteurs ont alors le droit de l'arraisonner et de l'inspecter. Ils n'ont besoin d'aucune permission pour le faire. Et s'ils constatent qu'il y a eu contravention grave et qu'à leur avis des mesures d'exécution supplémentaire sont justifiées, ils doivent alors s'adresser à l'État du pavillon. Selon ce qui se passe à ce moment-là, l'État du pavillon peut prendre l'affaire en main, ce qui l'oblige à faire une enquête complète et à prendre les mesures voulues. Ou les autorités canadiennes responsables des pêches peuvent recevoir l'autorisation de poursuivre l'enquête, où s'il n'y a pas de réponse, les autorités canadiennes responsables des pêches peuvent poursuivre l'enquête.

• 1035

Le président: Et si l'État signataire dit non?

M. Howard Strauss: Si l'État signataire dit qu'il va prendre les mesures d'exécution voulues, il se charge alors de l'enquête et la mène à terme. Si le Canada n'est pas satisfait de la façon dont il procède, il peut alors s'adresser au mécanisme de règlement des différents.

Le président: S'il ne s'agit pas d'un navire d'un État signataire, que se passe-t-il?

M. Howard Strauss: S'il ne s'agit d'un navire d'un État signataire...

Le président: Disons la Chine.

M. Howard Strauss: ... et qu'il ne s'agit pas d'un navire d'un État membre de l'OPANO, alors cette convention ne s'applique pas.

Le président: Donc, nous n'avons aucune autorité pour arraisonner le navire et porter des accusations?

M. Howard Strauss: En vertu de cette convention, en vertu de cette loi, c'est exact.

Le président: En vertu de n'importe quelle loi? Eh bien, n'allons pas plus loin.

Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: M. Hilstrom avait une question.

Le président: Ah, monsieur Hilstrom, désolé.

M. Peter Stoffer: L'Opposition officielle.

M. Howard Hilstrom: Je suis d'excellente d'humeur aujourd'hui, monsieur le président. Je n'ai revendiqué aucun droit ou quoi que ce soit du genre.

Le président: Je remarque en effet. Merci.

M. Howard Hilstrom: Je veux seulement une clarification, même si nous ne voulons pas consacrer trop de temps à cela.

D'autres pays doivent aussi mettre en oeuvre une loi pour ratifier ce texte. Est-ce que nos bons voisins du sud, les États-Unis, ont une loi en place à ce moment, ou vont-ils en proposer une en ce sens? Et si oui, leur loi contiendra-t-elle les mêmes dispositions de notification que nous avons dans la nôtre?

M. Earl Wiseman: Oui, d'autres États ont adopté des lois en ce sens ou sont en mesure d'invoquer des lois existantes pour ratifier ce texte et autoriser leurs fonctionnaires à s'acquitter de leurs obligations en vertu de la CNUSAE. Ils s'assureront ainsi que les obligations relatives à la notification ont été observées—ce qui fait partie de leurs obligations internationales—et ils s'agiront en conséquence.

Les États-Unis ont déjà ratifié la CNUSAE et sont donc prêts à l'appliquer dès que la CNUSAE entrera en vigueur. Je crois savoir que le Conseil des ministres de l'Union européenne discutera de cette question le 4 juin. Les États membres se sont entendus pour que l'Union européenne apporte les modifications législatives appropriées dans les divers pays de l'Union européenne, et le Conseil des ministres devrait les approuver le 4 juin.

Donc les autres parties s'apprêtent aussi à ratifier ce texte et à adopter les lois ou règlements dont elles auront besoin chez elles pour faire respecter la CNUSAE comme elles le doivent, selon les obligations qui sont énoncées clairement dans la CNUSAE.

M. Howard Strauss: Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelques mots.

Leur régime juridique est bien sûr très différent. Aux États-Unis, par exemple, l'application des traités va de soi. Dès qu'un traité est ratifié par les États-Unis, ce traité devient loi américaine, automatiquement. Donc tout dépend du régime juridique, et des régimes juridiques différents vont mettre en oeuvre ces traités de manières différentes.

Merci.

M. Howard Hilstrom: Mais ces pays vont notifier le Canada si leurs navires agissent mal en haute mer? J'imagine qu'ils notifient le gouvernement, quel que soit le régime en place—le premier ministre, le ministère des Pêches et Océans ou une autre autorité.

M. Earl Wiseman: Ils vont observer les formalités qui consistent à notifier le gouvernement du Canada s'ils repèrent en haute mer un navire canadien qui, à leur avis, commet une infraction. Ils auront le droit d'arraisonner ce navire s'il se trouve dans une zone internationale de gestion des pêches ou les États-Unis et le Canada ont le droit de cité. S'ils jugent qu'il y a infraction et que des mesures d'exécution supplémentaires sont requises, ils notifieront le Canada. Notre pays aura ensuite trois jours pour dire: «ramenez-moi ce bateau aux États-Unis et procéder à une enquête complète»—Autrement dit, ils peuvent saisir le navire—ou «envoyez-nous la preuve dont vous disposez, et nous procéderons aux inspections et aux poursuites voulues ici même au Canada.»

• 1040

Le président: Merci.

Nous allons maintenant céder la parole à Nancy Karetak-Lindell, mais M. Easter a une déclaration qu'il voulait faire au préalable. Nous vous écoutons.

M. Wayne Easter: C'est une question, monsieur le président. L'un des trois témoins peut-il nous dire quelles seraient les conséquences, à l'échelle internationale et j'imagine à l'échelle nationale aussi, si ces dispositions, avec le consentement de l'État signataire, étaient retranchées du projet de loi. Quelles conséquences y aurait-il à cela, pour ce qui est des accords auxquels déjà nous avons déjà adhéré et nos moyens d'exécution?

M. Howard Strauss: Ce projet de loi vise à mettre en oeuvre le traité. Si l'on retranche ces dispositions, ce projet de loi ne sera plus compatible avec le traité. Si l'on amende ce projet de loi d'une manière qui ne respecte le traité, nous ne pourrons pas invoquer les dispositions du traité pour nous défendre contre les reproches que pourrais nous faire un État étranger.

M. Wayne Easter: Comment un État étranger pourrait contester votre décision, Howard?

M. Howard Strauss: Le traité prévoit l'établissement de mécanismes exécutoires de règlement des différends. L'État étranger pourrait par exemple obtenir des mesures provisoires, de telle sorte que le Canada pourrait être traîné devant le Tribunal du droit de la mer dans les dix jours suivant la commission de l'infraction.

Le président: Avez-dit, monsieur Strauss, que dans le cas d'un État non signataire—et pouvez-vous nous dire s'il pourrait s'agir ici d'une grande nation de pêche du monde?—disons qu'il s'agirait d'un pays pêcheur qui se trouverait au nez et à la queue des Grands Bancs à l'extérieur de la zone des 200 milles, nous n'aurions absolument aucune autorité sur ces pays?

M. Howard Strauss: Les traités sont des textes consensuels. Les États sont liés par les accords internationaux seulement s'ils le veulent bien. Ce traité contient en fait des éléments assez progressistes en matière de droit international. Les États ne sont liés par ce traité que s'ils s'y adhèrent ou le ratifient. Il pourrait s'agir d'un grand pays pêcheur. Mais s'il décide de ne pas ratifier le traité, il n'y sera pas assujetti.

Le président: En réponse à la question que posait M. Stoffer la semaine dernière, à savoir que s'il s'agissait d'un pays qui n'est pas partie à l'accord mais d'un grand pays pêcheur qui prendrait les quantités illimitées de poisson au nez et à la queue des Grands Bancs, nous n'aurions absolument aucune autorité sur ces navires en vertu de cet accord?

M. Howard Strauss: Ce pays ne serait pas visé par cet accord.

Le président: D'accord. On passe maintenant à Nancy Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci. Dans l'une des réponses que vous avez données plus tôt, vous disiez que la notification n'était pas nécessaire même s'il s'agissait d'une infraction grave. Qui définit ce qu'est une infraction grave? Avons-nous notre propre définition au Canada de ce qu'est une infraction grave, par rapport à un État signataire qui décide, au moment où il réagit et prend le navire en charge, qu'il ne s'agit pas pour lui d'une infraction grave?

Deuxièmement, lors des audiences du comité au Nunavut, nous avons posé des questions au sujet du respect de la loi dans nos eaux, et nous a répondu qu'on n'avait jamais vu de patrouilleurs canadiens dans notre région. Si n'importe qui veut pêcher dans la zone des 200 milles—et je sais que ce n'est même pas 200 milles, parce qu'ils partagent la zone en deux entre le Groenland et la Terre de Baffin—c'est parfaitement possible parce qu'il n'a jamais de patrouilleurs là-bas. Pour tout le Nunavut, nous n'avons qu'un seul employé de Pêches et Océans Canada, ce qui est un véritable défi, et je me demande donc comment l'on pourrait faire respecter la moindre loi dans les eaux Arctiques.

• 1045

M. Earl Wiseman: La CNUSAE définit en quoi constitue une infraction grave—pêcher sans un permis valide... Je n'ai peut-être pas besoin de vous les lire, mais il s'agit de l'article 21.11 qui définit les infractions graves. Tous les pays signataires ou ceux qui ratifient la CNUSAE savent ce que sont des infractions graves. Elles sont claires.

Une voix: C'est l'article 21.11 de l'Accord.

M. Earl Wiseman: Oui, c'est l'article 21.11 de la CNUSAE. Ce n'est pas dans le projet de loi. Mais le projet de loi renvoie à la convention.

En réponse à votre question au sujet de l'absence des patrouilleurs dans les eaux du Nunavut et la possibilité d'incursions étrangères dans ce secteur, on n'utilise pas seulement des patrouilleurs pour faire respecter nos lois. L'un de ces moyens est simple—et je pense que votre comité le connaît—si un pêcheur canadien aperçoit un navire étranger dans les eaux canadiennes, il n'a qu'à le signaler aux autorités. À moins qu'il n'y ait personne dans le secteur, un Canadien va le voir et il va le signaler aux autorités.

Autre chose, nous procédons à une surveillance aérienne intensive et il y a des vols dans le nord. Donc encore, ces avions sont équipés de radar ayant des rayons de 200 milles et ils peuvent apercevoir les navires qui se trouvent dans le secteur. Si tel est le cas, on peut alors déterminer comment l'on peut poursuivre ce navire, si l'on constate qu'il s'agit d'un navire qui pêche illégalement dans nos eaux.

Il existe donc des moyens d'exécution qui nous permettent de déterminer si des navires étrangers pêchent illégalement dans nos eaux, et si tel est le cas, il existe des moyens d'intervention.

Le président: M. Strauss aimerait intervenir.

M. Howard Strauss: Merci. Si vous le permettez, j'aimerais répondre à la question que vous avez posée il y a un instant. Je signale que les ministres étrangers du G-8 qui étaient réunis au Sommet de Birmingham ont encouragé la ratification de la CNUSAE, et cela comprend la plupart des grands pays pêcheurs. La Russie et les États-Unis l'ont déjà ratifiée. Le Japon fait partie du G-8, où l'on retrouve les grands pays pêcheurs, mais ce pays ne dispose pas de capacité hauturière, comme la Chine, et cela pourrait poser des problèmes, mais pas pour le Canada. Je voulais seulement compléter quelque peu la réponse.

Le président: Est-ce que l'Islande a ratifié la convention?

M. Howard Strauss: Oui, c'est chose faite.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Encore merci, monsieur le président.

Reprenez-moi si je me trompe. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi qui empêcherait l'Espagne, par exemple, d'immatriculer ses navires, disons, pour qu'ils battent pavillon ghanéen? L'Espagne adhère à la CNUSAE, mais il y a moyen de la contourner, si l'on veut agir en pirates, et il n'y a qu'à hisser le drapeau du Ghana à la poupe du navire pour ensuite aller à la pêche. D'après ce que vous venez de dire, il n'y a rien en droit international qui l'empêche n'est-ce pas? Voilà pour commencer.

Deuxièmement, M. O'Brien du Labrador disait hier que des observateurs de sa région lui ont dit qu'on raflait énormément de toutes petites crevettes non loin de la côte du Labrador.

Vous venez de dire, monsieur, que nous pouvons intervenir, et que nous allons le faire, et que nous sommes parfaitement à même de faire respecter rigoureusement nos lois. Si cela se passe maintenant, non loin de notre côte, et qu'il faut être en comité parlementaire pour en entendre parler, eh bien... Il n'a pas dit qu'on ne faisait rien. Je soupçonne tout à fait Pêches et Océans Canada de ne même pas savoir ce qui se passe là-bas. Et si le ministère sait ce qui se passe, qu'a-t-il fait pour intervenir?

Tout cela a l'air tellement beau—vous savez, on va être dur maintenant, on va faire ceci ou cela. Mais où est-ce qu'on pêche le plus dans l'Atlantique nord? On pêche le plus dans une région qui n'est pas éloignée du Canada.

Quand je vois un accord comme celui là, je pense aux pêcheurs et à leurs familles de la côte Est, de la Terre de Baffin et d'Ellesmere jusqu'au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Si notre pays ne peut pas protéger les intérêts des Canadiens mieux que cela, on a un problème.

Comme M. Matthews, et les autres membres du comité j'en ai la certitude, nous voulons conserver notre poisson. Nous voulons pouvoir dire à nos arrières-petits-enfants qu'ils pourront aller pêcher, que c'est possible. Voilà pourquoi nous devons conserver le poisson, pourquoi nous devons avoir de bonnes lois environnementales, et pourquoi nous devons coopérer avec d'autres pays. Cela ne fait aucun doute.

• 1050

Reprenez-moi si je me trompe; il n'y a rien dans ce texte... N'importe quel pêcheur d'un État adhérant à la CNUSAE peut virer de bord, hisser un autre pavillon sur son bateau, l'immatriculer ailleurs, et s'en tirer indemne.

Vous parlez du respect de la loi, je ne crois pas que le Canada se soit même engagé—en tout cas il n'a pas engagé de ressources, d'effectifs, rien—à assurer la conservation du poisson ou à faire respecter ses règlements et lois. Reprenez-moi si je me trompe.

Ma dernière question porte sur ce que j'ai montré à Nadia plus tôt, concernant la Loi sur la protection des pêches côtières. Vous avez eu l'occasion de lire ce texte. Cette loi s'appliquera-t-elle en vertu de la nouvelle loi?

Pardonnez-moi si j'ai l'air un peu négatif ou un peu préoccupé à ce sujet, mais le fait est qu'il faut demander la permission à un État étranger, si celui-ci adhère au traité, s'il fait partie de ce qu'on appelle notre cercle, alors que le gros de la pêche sur les Grands Bancs, au Bonnet Flamand...

Vous dites qu'il y a 22 crevettiers là-bas. Je me demande combien d'entre eux sont canadiens. Aucun, j'imagine. N'hésitez pas à me reprendre.

Nous, on va dire, eh bien, les gars, on va jouer à ce jeu-là, on va faire ceci ou cela, on va avoir l'air dur et on va ratifier ce traité-là. Par ailleurs, cependant, des familles—pensez à ces familles un instant—souffrent énormément parce que nous n'avons pas, passez-moi l'expression, les couilles pour dire à ces pays-là d'aller se faire voir ailleurs, et que s'ils pêchent illégalement chez nous, avec nos lois à nous, voici ce qui va leur arriver.

Le président: Avant que vous répondiez, je vous signale qu'il y a deux questions ici. L'une porte sur le pavillon de complaisance et l'autre sur une autre loi, c'est une question qui concerne un autre projet de loi. Je ne suis pas sûr lequel, vous comprenez de quel projet de loi il s'agit.

Quant à l'aspect politique de la question, M. Easter peut y répondre. Je ne crois pas qu'il soit juste de demander à M. Wiseman ou à M. Strauss d'y répondre.

M. Earl Wiseman: Je comprends les sentiments, les perceptions et les préoccupations que vous avez au sujet du gagne-pain des habitants des régions côtières du Canada, et je crois que nous les partageons tous. Ce projet de loi vise à ajouter une autre arme à notre arsenal, de telle sorte que nous pourrons mieux protéger les stocks qui chevauchent notre zone de 200 milles et les espèces qui migrent beaucoup. C'est tout ce que ce projet de loi vise à faire, à savoir mettre en oeuvre un accord international qui nous autorise à en faire plus qu'à l'heure actuelle. Voilà pourquoi c'est important, et c'est une arme que nous ajoutons à notre arsenal.

Certains des problèmes que vous mentionnez nous les connaissons bien et nous travaillons à leur solution depuis des années. La question du changement de pavillon était à l'origine de l'accord international qui est intervenu entre les États membres de la FAO, lesquels ont désormais la responsabilité de s'assurer que les navires battant le pavillon de leur pays se conforment aux règles des organisations internationales de gestion des pêches.

Cet accord assure une meilleure observation de la loi par les États. En conséquence, certains États qui accordaient auparavant des pavillons de complaisance ne favorisent plus les navires pêcheurs qui contreviennent aux règles de l'OPANO, par exemple. On n'a pas totalement éliminé le problème, mais on en a considérablement réduit l'ampleur.

Il n'y a plus de navires battant pavillon de complaisance au nez et à la queue des Grands Bancs depuis 1994. Il y en a encore quelques-uns qui pêchent au Bonnet Flamand. L'OPANO a décidé l'an dernier de mettre en place un programme qui dit essentiellement et simplement que tout navire de pêche aperçu dans la zone réglementaire de l'OPANO qui n'appartient pas à un pays membre de l'OPANO, et qui pêche contrairement aux règles de l'OPANO, ne sera pas autorisé à débarquer ses produits du poisson dans ces pays.

Voilà qui élimine les débouchés. S'il s'agit d'un navire espagnol, par exemple, qui bat pavillon d'un autre pays, ce navire ne pourra pas rentrer en Espagne pour y vendre son poisson, ce qu'il pouvait faire auparavant, parce que l'Union européenne a entériné cette décision de l'OPANO.

Donc l'incitatif économique pour ces parties non contractantes disparaît. Leurs débouchés disparaissent. Ils ne peuvent plus gagner un sou à faire ce qu'ils faisaient auparavant. Le nombre de navires diminue sans cesse. C'est une réalisation majeure que nous avons accomplie grâce aux négociations et à l'accord qui est intervenu avec la communauté internationale et l'OPANO.

Le Canada, bien sûr, a pris des mesures dès 1986 pour fermer ses ports aux navires qui, ainsi, ne pouvaient plus y entrer pour s'approvisionner en carburant, se ravitailler, expédier vers le marché le poisson qu'ils avaient pris illégalement et faire ainsi des profits. C'est à notre avis une mesure importante qui est non seulement dissuasive mais qui a mis un terme à ce genre de choses. On n'a assisté à aucune opération majeure de changement de pavillon depuis 1994. D'ailleurs, le nombre de navires ayant changé de pavillon, a diminué.

• 1055

En réponse à votre question au sujet des observateurs, du Labrador et du raflage des crevettes, les responsabilités se limitent aux pêches internationales qui n'ont rien à voir avec les pêches intérieures. Il n'y a pas de crevettiers étrangers au large du Labrador. Il n'y a pas de crevettiers étrangers en eaux canadiennes. Les seuls crevettiers étrangers se trouvent au Bonnet Flamand. C'est le seul lieu où ils peuvent pratiquer légalement la pêche commerciale, et c'est le seul lieu où ils la pratiquent et il y a des observateurs à bord de tous ces navires.

Vous dites qu'il faut chasser tous ces navires, vous dites qu'ils violent et pillent nos eaux. Le navire qui pêche dans le nord-ouest de l'Atlantique aujourd'hui, et qui y pêche depuis 1995, pêche en vertu de règles qui sont établies par l'OPANO. Ces pays ont le droit de pêcher. Ils ont l'obligation de s'assurer que leurs navires se conforment aux règles, et ils ont l'obligation de fermer les pêches et d'ordonner à leurs navires de quitter la région lorsqu'ils ont atteint leurs quotas. Ces pays ont observé les règles. Lorsque ces navires ont leurs quotas, lorsqu'ils ont épuisé leurs droits de pêche, ils cessent de pêcher. C'est ce qui se fait. C'est une des raisons pour lesquelles les chiffres sont à la baisse. Les quantités de poisson que l'on peut pêcher ne sont plus aussi élevées qu'avant. L'état des stocks est précaire, il y a donc beaucoup moins de navires étrangers et beaucoup moins de pêche qui se fait. Les règles sont appliquées de telle sorte que ces navires ne peuvent pas tricher, alors ils ne restent pas plus longtemps, et il y a moins de navires étrangers qui viennent. Le système marche.

Le président: Soit dit en passant, monsieur Wiseman, le comité a reçu des plaintes de membres d'équipages canadiens au sujet de certaines pratiques. Vous dites que seuls des navires étrangers pêchent au Bonnet Flamand. Nous avons reçu une plainte. Un navire appelé le Hogifossur pêchait la crevette dans la zone 3L. Je sais que M. Stoffer y songeait parce que nous avons tous reçu des lettres. Si je comprends bien, vous avez répondu qu'il s'agissait d'une pêche expérimentale qui se pratique aux îles Féroé.

M. Earl Wiseman: C'est un navire de recherche. Il fait de la recherche.

Le président: Il fait des recherches tous les ans?

M. Earl Wiseman: Pas cette année.

Le président: Mais l'année n'est pas encore commencée.

M. Earl Wiseman: La recherche a été faite en novembre 1996 et plus tôt en 1997 jusqu'à ce moment-ci, et elle n'a pas été reprise à la fin de 1997 et au début de 1998, donc il n'y a plus de recherche.

Le président: Pardon, M. Strauss voulait ajouter quelque chose à ce que M. Wiseman a dit.

M. Earl Wiseman: Un dernier mot en réponse à la question portant sur la Loi sur la protection des pêches côtières. Comme je l'ai dit plus tôt, cette loi s'applique. On y apportera simplement une modification ou une adjonction.

Le président: Monsieur Strauss.

M. Howard Strauss: Merci. Quelques mots au sujet du changement de pavillon. Nous faisons tout notre possible pour faire ratifier ce traité par le plus grand nombre de pays. Nous exercerons fréquemment des pressions sur les autres pays pour les encourager à ratifier le traité, et plus il y aura de pays qui ratifieront ce traité, plus il sera difficile pour les États de changer de pavillon. Et j'ajoute que s'il nous a fallu près de 12 ans pour faire entrer en vigueur la Convention sur le droit de la mer, nous espérons que ce traité-ci entrera en vigueur dans les mois à venir.

Mentionnons également les efforts que nous faisons dans le contexte du G-8 pour encourager la ratification du traité. C'est une initiative canadienne qui nous a permis d'obtenir une mention dans la déclaration des ministres des Affaires étrangères. Cela nous aidera bien sûr lorsque nous ratifierons le traité. Il est plus facile d'obtenir d'autres ratifications si nous avons nous-mêmes déjà ratifié le traité. De même, l'accord lui-même porte que les États signataires doivent encourager d'autres pays à se conformer au traité, même s'ils ne sont pas signataires.

Une voix: Le Japon a-t-il ratifié le traité?

M. Howard Strauss: Non.

• 1100

Le président: D'autres députés veulent-ils poser d'autres questions? Les fonctionnaires veulent-ils ajouter quelque chose? Je crois que nous avons terminé.

Je remercie les fonctionnaires d'avoir été des nôtres aujourd'hui. La séance est levée.