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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 octobre 1997

• 1011

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Je déclare ouverte la première séance du nouveau Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je souhaite la bienvenue aux nouveaux membres du comité, de même qu'au groupe de représentants qui vont nous parler aujourd'hui de la Journée mondiale de l'alimentation, prévue pour la semaine prochaine.

L'honorable David MacDonald, que bon nombre d'entre vous connaissent, a comparu devant le comité l'année dernière avec un groupe d'ONG. Il nous a parlé des activités que les diverses ONG avaient organisées avant la tenue du Sommet mondial de l'alimentation à Rome. David m'a indiqué que le groupe va nous résumer ce matin les décisions qui ont été prises à Rome. Nous aurons ensuite l'occasion de poser des questions aux témoins.

Je tiens à souligner que les ressources consacrées à l'aide alimentaire diminuent. D'après les statistiques les plus récentes, les ressources destinées à la production vivrière dans les pays les plus pauvres a diminué d'un tiers environ, passant de 15 à 10 milliards par année. Par ailleurs, les besoins alimentaires dans de nombreuses régions du monde augmentent. Environ 800 millions de personnes n'ont pas accès de façon adéquate à des produits alimentaires.

Par conséquent, c'est avec plaisir que nous accueillons un groupe d'ONG et de spécialistes gouvernementaux qui vont nous expliquer ce que nous, en tant que Canadiens, pouvons faire pour remédier à cette situation. Nous avons parmi nous Mme Sally Rutherford, de la Fédération de l'agriculture; M. Bruce Moore, de l'organisme «Partners in Rural Development»; l'honorable David MacDonald, du Réseau de la sécurité de l'alimentation, Mme Susan Mills, du ministère de l'Agriculture et Agroalimentaire Canada; M. Robin Walsh, d'OXFAM Canada; M. Chisanga Puta-Chekwe, nouveau directeur général d'OXFAM Canada; et Mme Jean Christie, de lÂInternational Rural Advancement Foundation. Je vous souhaite à tous la bienvenue.

J'aimerais que chacun de vous dise quelques mots en guise d'introduction, après quoi les membres du comité vous poseront des questions. Merci beaucoup d'être venus.

L'hon. David MacDonald (Réseau de la sécurité de l'alimentation): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom des organismes bénévoles ici présents aujourd'hui, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de répondre à l'aimable invitation que vous nous avez lancée il y a un peu plus d'un an, lors de notre comparution devant le comité, peu de temps avant la tenue en novembre dernier, à Rome, du Sommet mondial de l'alimentation.

Nous voulons aujourd'hui non seulement faire un certain nombre d'observations très pertinentes au sujet de l'importance du Sommet mondial de l'alimentation, mais également vous parler des enjeux que cela présente pour nous, en tant que Canadiens, et pour nos gouvernements. Il y a beaucoup de conférences et de sommets qui sont organisés à l'échelle planétaire et internationale. Toutefois, souvent, ce qui compte, c'est l'importance, à long terme, des sujets débattus et des décisions prises dans ces rencontres.

Plusieurs autres personnes se joindront à nous aujourd'hui, dont Susan Mills, présidente du Comité interministériel responsable du suivi auprès du Sénat, et Sally Rutherford, directrice générale de la Fédération de l'agriculture.

• 1015

J'aimerais vous dire quelques mots, si vous me le permettez, au sujet de l'esprit de collaboration qui existe depuis plusieurs années entre les organismes bénévoles canadiens. Cette coalition, qui regroupe de nombreux organismes des plus divers, a vu le jour à la suite de la création du premier organisme des Nations unies, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, qui, comme vous le savez peut-être, a été fondée à Québec, à l'automne 1945, quelques mois après la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Lester B. Pearson, devenu plus tard premier ministre du Canada, a été une des âmes dirigeantes et un des pères fondateurs de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture. C'est à l'époque où il occupait le poste d'ambassadeur du Canada à Washington que M. Pearson a pris part, en tant que président du comité de rédaction, à la création du premier organisme des Nations unies. Fait intéressant, c'est dans la foulée de la Deuxième Guerre mondiale que les Alliés, sous la direction du président Roosevelt, ont senti le besoin de s'attaquer au fléau persistant que constituaient la faim, la pauvreté et la menace de la famine. La FAO a donc vu le jour à Québec, le 16 octobre 1945. Cette année, la réunion que tiendra le comité le 16 octobre sera télédiffusée pour souligner la Journée mondiale de l'alimentation et l'anniversaire de la fondation de la FAO.

À la réunion de Québec, plus de 60 organismes bénévoles venant de toutes les régions du monde se sont rassemblés pour tenir ce qu'on a appelé l'Assemblée du peuple sur la sécurité alimentaire. Cette collaboration a ouvert la voie à la préparation du Sommet mondial de l'alimentation, qui a eu lieu l'année dernière.

Je laisserai aux autres représentants le soin de vous parler des nombreux événements qui ont caractérisé le Sommet mondial de l'alimentation lui-même, et de l'importante conférence des ONG qui a eu lieu en même temps à Rome. Je tiens tout simplement à signaler que, au cours des deux dernières années, un esprit de collaboration remarquable s'est développé entre les organisations agricoles, les associations internationales de développement et de protection de l'environnement, les groupes communautaires, les banques alimentaires, les organismes de défense des droits de l'homme—de nombreuses composantes de ce qu'il convient maintenant d'appeler la société civile—qui ont uni leurs efforts dans le but de s'attaquer aux problèmes que posent la famine et la pauvreté aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. Les témoignages que nous entendrons ce matin vont peut-être nous aider à mieux comprendre le rôle unique que les Canadiens et leurs gouvernements peuvent jouer dans ce contexte.

Je vais d'abord demander, si vous me le permettez, à Jean Christie, qui représente la Rural Advancement Foundation International, de nous dire comment elle voit les choses compte tenu de son expérience. Je veux tout simplement ajouter que Jean s'intéresse depuis de nombreuses années, comme certains d'entre nous, au dossier de la sécurité alimentaire. Elle peut jeter un éclairage nouveau sur nos discussions aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup, monsieur MacDonald.

Madame Christie.

Mme Jean Christie (Rural Advancement Foundation International): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai 85 ans. L'exposé de David me rappelle le poids de mon âge. C'est vrai: je m'occupe, avec le groupe RAFI, de questions touchant l'alimentation et l'agriculture depuis les années 1970.

Le groupe RAFI est un organisme international non gouvernemental. Son siège social se trouve au Canada, mais il s'occupe surtout d'aide multilatérale au niveau international. Nous effectuons des travaux de recherche et des analyses, et fournissons des conseils sur les questions touchant la politique alimentaire et agricole, la biodiversité agricole, ainsi de suite.

Nous suivons de près l'évolution de la situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture depuis la tenue, à Rome, en 1974, de la Conférence mondiale de l'alimentation. C'était en fait la première fois que des ONG s'entendaient pour participer à une conférence des Nations unies. Les ONG canadiennes ont, à cet égard, joué un rôle déterminant. Le groupe RAFI figurait parmi celles-ci. C'était en effet la première fois que des ONG se concertaient pour participer à des négociations intergouvernementales. Cet effort a permis aux ONG d'organiser de nombreuses conférences parallèles, et de participer aux conférences internationales qui se tiennent, depuis lors, presque tous les ans. Comme David l'a mentionné, nous avons pris part de façon active, de concert avec des ONG de toutes les régions du monde, aux travaux préparatoires du Sommet mondial de l'alimentation. Cet effort de collaboration, qui a débuté un an et demi avant la tenue du Sommet, se poursuit toujours.

• 1020

En ce qui concerne le Sommet lui-même, je tiens d'abord à dire que les engagements qui ont été pris dans le cadre de cette rencontre étaient, au mieux, limités. S'il est une chose en particulier que le Sommet aura permis de faire, c'est d'attirer l'attention sur le problème de la faim dans le monde.

Lors de la tenue du Sommet en novembre dernier, il y avait environ 800 millions de personnes dans le monde qui souffraient de la faim. Je doute que la situation ait beaucoup changé depuis cette rencontre. C'est un facteur dont nous devons tenir compte au moment d'envisager les mesures qu'il conviendrait de prendre.

Les participants au Sommet mondial de l'alimentation se sont engagés à réduire de moitié le nombre de personnes sous-alimentées d'ici les 20 prochaines années. Je ne sais pas s'il y en a ici qui ont écouté hier soir, sur les ondes de Radio-Canada, l'émission portant sur Che Guevara. Je me suis rappelée, en pensant à mon exposé d'aujourd'hui, les paroles qu'avait prononcées Fidel Castro lors du Sommet. Ce qu'il a dit, en fait, c'est que nous nous leurrions. Il a déclaré qu'en acceptant de réduire de moitié l'insécurité alimentaire mondiale, nous nous engagions à maintenir dans un état de famine 400 millions de personnes au cours des 20 prochaines années. Dans un sens, il nous a rappelé que notre objectif est peu ambitieux parce que la faim fait maintenant partie de la réalité quotidienne d'un grand nombre de personnes dans un monde où il y a suffisamment de nourriture pour tous.

Donc, je le répète, les objectifs fixés dans le cadre du Sommet sont, au mieux, limités. Or, dans un monde dominé par la réalpolitik, on s'entend généralement pour dire qu'il est peu probable qu'on arrive à atteindre même cet objectif limité.

Ainsi, la première chose qu'il convient de dire—et c'est peut-être le point le plus important—c'est que, en l'absence de tout effort soutenu de la part des gouvernements, des organismes multilatéraux spécialisés des Nations unies, comme la FAO, la FIDA, le Programme alimentaire mondial, et des groupes consultatifs indépendants pour la recherche internationale, entre autres—en l'absence de toute collaboration entre ces organismes, les gouvernements et la société civile, nous ne parviendrons même pas à atteindre cet objectif limité.

Nous devons donc agir, car si nous ne collaborons pas ensemble, nous allons échouer lamentablement.

J'ai le sentiment que, si ce n'est pas du podium, c'est de sa tombe que Fidel va nous maudire si nous ne faisons rien pour améliorer la situation. Je vous demande donc de trouver des moyens de collaborer ensemble.

J'aimerais maintenant vous parler de quatre engagements—il y en avait beaucoup plus—pris lors du Sommet qui, à mon avis, pourraient grandement contribuer à réduire la faim dans le monde et sur lesquels le Canada devrait se concentrer. Je reviens à ce que David a dit, soit que nous devons nous attaquer à ce problème et à l'échelle nationale, car la faim fait partie de la vie quotidienne de nombreux Canadiens, et à l'échelle internationale, par l'entremise de programmes d'aide et d'autres mécanismes.

D'abord, tous les gouvernements au Sommet ont réaffirmé le droit de chaque être humain d'avoir accès à de la nourriture. Je crois—et je me trompe peut-être, parce que je n'ai pas vraiment eu le temps de vérifier les faits—que c'est le ministre Goodale qui s'est montré le plus insistant là-dessus. C'est lui, en fait, qui a abordé cette question. Je sais que les négociateurs du Canada—et j'aurais aimé que Susan Mills soit ici—qui ont participé aux travaux préparatoires se sont démenés pour faire en sorte que le droit à se nourrir soit inclus dans le texte des documents définitifs du Sommet.

En effet, les Canadiens ont insisté sur ce point au moment où l'on rédigeait la version définitive du texte. Nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.

Mais plus important encore, nous devons mettre au point des instruments juridiques qui définissent le droit à se nourrir. On travaille actuellement à la préparation d'un code de conduite. Nous devons examiner les instruments qui existent, analyser les incidences du droit à se nourrir et, surtout, trouver des moyens de l'appliquer. Nous devons voir ce que signifie ce droit pour les Canadiens, et nous devons appuyer les efforts déployés en vue d'assurer le respect de ce droit en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où un grand nombre de personnes souffrent de la faim.

Si nous ne trouvons pas des moyens de l'appliquer, il est alors inutile d'en parler.

Encore une fois, si nous sommes prêts à parler du droit de se nourrir, nous devons alors être prêts à en assurer le respect.

• 1025

Les participants au Sommet se sont engagés, dans un deuxième temps, à dresser, et je ne sais plus quel terme on a choisi, une cartographie de la faim. Le nom a été changé au cours des négociations. Les gouvernements se sont engagés à effectuer une analyse détaillée des régions géographiques, des populations et du pourcentage d'hommes et de femmes qui souffrent de la faim dans le monde. Cette analyse doit se faire au niveau des collectivités et des foyers. En d'autres termes, qui mange à sa faim et qui souffre de la faim? Quels sont les groupes les plus vulnérables? Les plus à risque? De façon plus précise, est-ce que les enfants à l'école sont bien nourris? Qu'en est-il des enfants qui ne peuvent fréquenter l'école, qui doivent travailler pour subvenir aux besoins de leur famille? Combien y a-t-il d'hommes et de femmes qui souffrent de la faim? De filles? De garçons? De femmes enceintes? De sans-abri? Il faut donner un visage à la faim, faire une analyse de la situation qui existe dans les collectivités, les régions, les foyers.

Cette cartographie de la faim doit se faire non seulement au Canada, mais également à l'échelle internationale. Les gouvernements devront collaborer avec des acteurs sociaux pour y arriver, car cette tâche ne peut être accomplie par des fonctionnaires travaillant dans les grandes villes. Aussi bien intentionnés puissent-ils être, ces fonctionnaires ne peuvent effectuer ce travail à partir de leurs bureaux. Ils doivent trouver des moyens de collaborer avec les habitants des collectivités qui, eux, seront en mesure de leur fournir les renseignements précis dont ils ont besoin pour établir des programmes qui répondent effectivement aux besoins des groupes les plus à risque.

Ce qui m'amène au point suivant. Tous les participants au Sommet se sont engagés à établir des stratégies nationales de sécurité alimentaire. Pour ce faire, le Canada devra travailler de concert avec les organismes qui s'occupent des groupes les plus vulnérables. Il devra également appuyer les initiatives entreprises à l'échelle internationale.

Nous ne devons toutefois pas perdre de vue les engagements que nous avons déjà pris. Nous avons participé, il y a quelques années, à une conférence internationale sur la nutrition où d'importantes mesures ont été adoptées. Or, d'après les responsables de ce dossier, très peu de progrès ont été accomplis dans ce domaine depuis la tenue de cette rencontre. Nous devons examiner les engagements qui ont été pris à cette occasion, et les intégrer à notre stratégie nationale sur la sécurité alimentaire.

Enfin, les gouvernements ont accepté de participer à la campagne À manger pour tous. Des activités doivent donc être organisées. Qu'est-ce qu'il faudrait faire ici au Canada? Dans le cadre des programmes de l'ACDI? Nous devons, dans le cadre de cette campagne, trouver des moyens concrets de fournir de la nourriture du moins à un certain nombre de personnes qui souffrent de la faim.

Il faudra que, dans tous ces domaines, soit l'application du droit de se nourrir, la cartographie de la faim, les stratégies nationales d'alimentation, la campagne À manger pour tous, les gouvernements, les acteurs sociaux et les organismes multilatéraux collaborent ensemble. Les gouvernements ne peuvent agir seuls. La société civile ne peut agir sans l'aide des gouvernements. Nous devons trouver des moyens de travailler ensemble.

J'aimerais aborder avec vous deux autres points s'il me reste encore un peu de temps. Il y a d'abord l'impact de la politique agricole de l'Organisation mondiale du commerce sur la sécurité alimentaire, et notamment sur l'autosuffisance alimentaire des pays. Les participants au Sommet ont évité d'analyser l'impact des politiques commerciales de l'OMC sur la faim, mais il existe bel et bien un lien entre les deux. Si rien n'est fait pour régler la situation, le problème de la faim persistera. Il faut examiner les incidences de la politique agricole de l'OMC sur les groupes les plus vulnérables et les groupes sous-alimentés avant qu'elle ne fasse l'objet d'un examen en 1999. Le Canada devrait appuyer ce genre d'initiative. Je n'ai pas eu l'occasion de m'entretenir avec les divers acteurs qui pourraient participer à ce processus, faute de temps. Toutefois, les universités, l'Institut Nord-Sud et les organismes multilatéraux comme le FIDA pourraient y prendre part. Peu importe qui s'en occupe, quelqu'un doit, d'ici 1999, examiner l'impact de la politique agricole de l'OMC sur les groupes qui souffrent de la faim.

Mon dernier point est le suivant. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a organisé des réunions dans différentes régions en 1997, et prévoit tenir une conférence internationale en 1998. Le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, a déclaré que ces réunions devraient, en principe, permettre à l'organisme d'évaluer les progrès qui ont été réalisés, de voir dans quelle mesure les engagements pris dans le cadre du Sommet de l'alimentation ont été respectés. Nous devons profiter de ces rencontres pour faire le point.

• 1030

Le Canada a déployé de nombreux efforts pour que les acteurs sociaux participent aux travaux préparatoires du Sommet, de même qu'au Sommet lui-même. Il a fourni une aide financière aux organisations non gouvernementales de l'hémisphère sud pour qu'elles puissent assister aux rencontres. Le Canada aurait tout intérêt, compte tenu surtout du rôle que jouera le ministre canadien de l'Agriculture au sein de la FAO l'année prochaine, à ce que les ONG participent aux réunions de la FAO et à la conférence internationale. Cela lui permettrait de poursuivre son travail dans ce domaine, et de veiller à ce que les acteurs sociaux, les organismes multilatéraux et les gouvernements collaborent ensemble.

J'ai peut-être pris trop de temps pour mon exposé, mais je vous remercie de m'avoir écoutée.

[Français]

J'aurais dû mentionner au début que je suis prête à répondre aux questions dans les deux langues.

[Traduction]

Le président: Madame Christie, pour une personne âgée de 85 ans, vous vous en êtes fort bien tiré. Votre exposé était très intéressant et nous vous remercions beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. Puta-Chekwe, d'OXFAM.

M. Chisanga Puta-Chekwe (directeur général, OXFAM Canada): Merci beaucoup. Je représente OXFAM Canada, un organisme de développement international qui a pour mission de lutter contre la pauvreté. Nous participons à des programmes en Afrique, dans les Amériques, et au Canada. Nous faisons partie de la famille internationale d'OXFAM, qui compte maintenant dix membres, dont des organismes plus anciens comme OXFAM-UKI.

La sécurité alimentaire constitue un enjeu majeur aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale. Jean a parlé du fait que 800 millions de personnes vont, tous les jours, se coucher le ventre creux. J'ajouterais que le Canada n'est pas à l'abri de ce problème. Avant 1981, il n'y avait pas de banques alimentaires au Canada. Aujourd'hui, nous en comptons 450. Cela suffit pour faire de la sécurité alimentaire une priorité.

Les programmes d'aide alimentaire, aujourd'hui, ne servent pas uniquement à combler les besoins dans des situations d'urgence. Citons, à titre d'exemple, la province éthiopienne du Tigre, où nous fournissons parfois une aide alimentaire aux agriculteurs locaux pour leur permettre de laisser leurs terres en jachère. Autrement dit, pour favoriser la conservation des sols.

Notre travail compte pour beaucoup. La volonté politique aussi. Permettez-moi de vous donner un exemple.

Il y a cinq ans, OXFAM Canada a entrepris un projet en Namibie avec une ONG locale. Le programme s'intitulait Coopération Canada-Namibie, ou CANAMCO. La Namibie, comme vous le savez, a été occupée à l'origine par les Allemands, et ensuite par les Sud-Africains. Lorsque nous sommes arrivés là-bas, il n'y avait personne qui pouvait se rappeler l'époque où la Namibie était en mesure de suffire à ses propres besoins alimentaires. Sûrement pas, en tout cas, parmi la population indigène.

La situation était compliquée par le fait que la Namibie ne compte que deux rivières, l'Okovango, située dans le nord à la frontière angolaise, et la rivière Orange, située dans le sud à la frontière sud-africaine. C'est dans la région de l'Okovango, dans la partie nord-est de la Namibie, que nous nous trouvions.

Le gouvernement sud-africain avait délibérément interdit aux habitants d'utiliser l'eau tirée de l'Okovango à des fins d'irrigation ou à d'autres fins agricoles. Donc, les produits alimentaires, et surtout les légumes, étaient acheminés par avion depuis Cape Town, et ensuite transportés par camion de Windhoek à Okovango. Il fallait compter cinq heures, par beau temps, pour effectuer le trajet.

Durant les cinq années où OXFAM était présent là-bas, nous avons contribué à monter un atelier de fabrication de pompes d'irrigation dans le village. Les collectivités des alentours peuvent facilement se procurer les pompes dont elles se servent pour tirer l'eau de la rivière Okovango et irriguer les cultures horticoles, c'est-à-dire les petites fermes des familles à très faible revenu. La présence de cet atelier signifie qu'aujourd'hui, la majorité des collectivités de la région produisent elles-mêmes presque tous les aliments dont elles ont besoin. Il y a donc moyen d'aider concrètement.

• 1035

Au Canada même, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour promouvoir l'alimentation dans le monde. Voici de la documentation que nous avons réunie de concert avec notre pendant, OXFAM Québec. Elle a été distribuée dans plus de 4 000 écoles de niveau secondaire un peu partout au Canada, et on peut aussi se la procurer sur Internet.

Je signale, soit dit en passant, que nous avons une adresse sur le Web, soit www.oxfam.ca.

Nous disions donc que, pour notre organisme, l'alimentation est un droit fondamental lié à d'autres droits qu'OXFAM considère comme tout aussi fondamentaux et qui pourraient aider à lutter contre la faim. Ces droits sont—en commençant naturellement par le plus important—le droit de se nourrir, le droit à l'eau potable, le droit d'avoir un toit, le droit à des soins de santé, le droit à l'éducation, le droit de gagner sa vie, le droit à un environnement sain, le droit à la protection contre la violence, le droit à l'égalité des chances et le droit de contrôler son avenir. Il faut avoir voix au chapitre, lorsque sont prises des décisions qui concernent son avenir. Si ces droits fondamentaux étaient respectés, il y aurait moyen d'éliminer la faim dans le monde, en fait, elle serait inexistante.

J'aimerais revenir brièvement sur un point que j'ai fait valoir plus tôt, soit les 800 millions de personnes qui, tous les soirs, se couchent l'estomac vide. J'aimerais vous donner matière à réflexion. Pendant les cinq à sept dernières minutes, quelque 125 enfants sont morts quelque part dans le monde de malnutrition ou de maladies qu'on aurait pu éviter. Je vous invite à y réfléchir.

C'est tout ce que j'avais à dire.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Puta-Chekwe.

Je suis sûr que nous avons des questions à vous poser, à vous et à Mme Christie, mais je crois que nous entendrons d'abord M. Moore.

M. Bruce Moore (directeur général, Partners in Rural Development): Notre objectif premier, en venant ici aujourd'hui, était de vous donner de l'information qui, collectivement, vous sera utile lorsque les parlementaires examineront le plan d'action et le suivi du sommet de l'alimentation que le Canada essaiera de présenter à la FAO et de réaliser tant au pays qu'ailleurs dans le monde. En ce sens, j'estime que Jean vous a énuméré certaines des étapes et des questions les plus fondamentales auxquelles il faut s'arrêter. Il serait donc inutile d'en rajouter, sauf peut-être un petit supplément d'information.

Pour vous situer en contexte, il serait peut-être bon que vous sachiez que Partners in Rural Development est en réalité l'organisme non gouvernemental canadien formé en 1961 dans la foulée de la Campagne mondiale contre la faim menée par la FAO. Avant de faire son entrée sur la scène publique, l'honorable Mitchell Sharp avait institué la campagne contre la faim pour y sensibiliser davantage les Canadiens et Canadiennes et pour lever des fonds visant à appuyer des projets d'auto-assistance dans les pays en développement.

Pendant de nombreuses années, notre organisme s'appelait la Fondation canadienne contre la faim. Nous avons depuis lors changé l'appellation afin de mieux refléter ce que nous faisons.

En plus du travail qu'il effectue au Canada et de l'appui qu'il donne aux organismes communautaires de 12 pays en développement, Partners in Rural Development est aussi membre du Conseil consultatif des ONG auprès du Fond international de développement agricole des Nations unies. Au sein du Comité sur les ONG de la Banque mondiale, il a à un certain moment donné coordonné le programme de la Journée mondiale de l'alimentation et participé aux travaux du groupe consultatif en matière de recherche agricole internationale qui élaborait de nouvelles initiatives visant à mobiliser la société civile dans la lutte contre la désertification.

Cela étant dit, il importe également de se rappeler que, parmi les 800 millions de personnes dont je viens de vous parler, les trois quarts, c'est-à-dire quelque 600 millions, vivent en milieu rural. Quelle ironie pour ces ruraux de vivre si près de la terre et d'avoir faim! Il y a de quoi se poser des questions.

De toute évidence, dans le cadre de l'aide que nous consentons aux pays en développement, il faut trouver les moyens de donner à ces personnes accès à des biens productifs. Ces ruraux finissent par débarquer en ville, non pas par choix, mais parce qu'ils sont incapables de cultiver leur terre. Soit qu'ils n'en sont pas propriétaires, qu'ils n'ont pas accès à l'eau, à des sources d'énergie convenables, à la technologie, à la formation ou à des services d'appoint. Nous savons que, lorsqu'ils ont accès à des actifs productifs, ils font plus que de l'agriculture de subsistance. Ils produisent des surplus qu'ils écoulent sur le marché, gagnant ainsi un revenu, ce qui leur permet ensuite de voir à leurs besoins sociaux. Ils décident alors s'ils ont les moyens de construire des écoles et des dispensaires et s'ils sont capables de payer ces services, de manière à pouvoir se passer des dons.

• 1040

Manifestement, il faut voir comment on peut accroître leur accès aux ressources productives pour qu'ils puissent mettre à profit leur ressource la plus abondante, c'est-à-dire leur main- d'oeuvre, et que celle-ci obtienne en retour un bon rendement.

Quand on examine pareille question, il faut se rappeler que la faim n'est pas un phénomène étranger au Canada. À une rencontre qui a eu lieu, il y a quelques semaines, à Toronto, de nombreuses ONG—qui ont participé au Sommet mondial de l'alimentation—se sont réunies et, comme vous pouvez bien sûr vous y attendre, la discussion a surtout porté sur la mondialisation de la pauvreté. Nous avons constaté le besoin de faire un examen un peu plus poussé de la politique.

Pas plus tard qu'hier, je me suis entretenu avec la directrice de Daily Bread Food Bank, la banque alimentaire de Toronto, qui comme moi a accepté, dans le cadre du réseau mondial, de prendre l'initiative de travailler avec des personnes comme vous en vue de faire accorder une plus grande place à la sécurité alimentaire dans les programmes du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Elle m'a fait remarquer le parallèle entre les banques d'alimentation et l'aide alimentaire internationale qui sont vues comme des moyens de répondre aux besoins de ceux qui ont faim plutôt que de, sur la scène internationale, chercher un moyen de leur donner accès à des ressources de production et, au Canada, des moyens grâce auxquels ils pourraient se trouver un emploi rémunérateur, devenir productifs et autonomes.

L'institutionnalisation des oeuvres de charité, que ce soit la distribution de vivres et de vêtements, des banques alimentaires ou l'aide alimentaire—nous savons tous qu'elles ont leur raison d'être—soulève une question fondamentale: le Canada va-t-il mettre en oeuvre une politique sociale qui reconnaît qu'en dépit de la nécessité d'avoir une économie, un marché efficace, au Canada et sur la scène internationale—qui peuvent être sources de croissance, qui peuvent produire de la richesse—, ils ne peuvent garantir à eux seuls l'accès à cette richesse et sa distribution? Comment expliquer qu'en 1960, les riches, qui représentaient 20 p. 100 de la population mondiale, avaient un revenu 30 fois plus élevé que les 20 p. 100 les plus pauvres? Les données de la Banque mondiale et d'autres sources—entre autres, des Nations unies—révèlent que, 37 années plus tard, l'écart est encore plus prononcé, les plus riches ayant un revenu 60 fois plus élevé que les plus pauvres.

Manifestement, le fossé s'agrandit et, à moins de trouver un moyen, au Canada comme sur la scène internationale, d'intervenir en adoptant des mesures sociales appropriées plutôt que de continuer à dire que le marché répondra aux besoins des pauvres, nous n'aurons rien appris du passé. La théorie des effets de retombée a dicté la politique de l'aide étrangère pendant de nombreuses années. Pourtant, 800 millions de personnes sont toujours incapables d'obtenir du crédit, d'acheter des terres, de se procurer les outils et les instruments dont elles ont besoin pour cultiver la terre. Nous savons donc que le marché, que nous ne critiquons pas comme tel... on le voit trop comme un moyen de faire ruisseler les retombées jusqu'aux pauvres, alors que le passé prouve le contraire. Cela nous inquiète.

Quand nous essaierons de faire progresser ce dossier, il faudra que votre comité examine certaines questions fondamentales relatives à l'ACDI. Si l'on en parle aux hauts fonctionnaires canadiens qui s'occupent de l'aide, on découvre que cette question fait partie, dans la politique de l'ACDI, des besoins fondamentaux de la personne. Cependant, si on creuse un peu, on découvre que la politique relative aux besoins fondamentaux de l'être humain est plutôt une politique sociale. Elle énonce le résultat du sommet social plutôt que la nécessité d'une activité productive, ce que son plan d'action reflète d'ailleurs. En fait, il était difficile de faire ajouter le mot «alimentation» à la question de la nutrition, parce que la nutrition est souvent considérée comme une question de santé, plutôt que comme un moyen d'accroître la capacité de l'être humain à subvenir à ses propres besoins.

• 1045

Par conséquent, en dépit de la stratégie qu'a actuellement en place l'ACDI pour répondre aux besoins fondamentaux de l'être humain, il faut insister sur l'agriculture, sur l'alimentation et sur la nutrition. Il faut se rappeler que, de 1990 à 1995, d'après un rapport de l'ACDI, le soutien à l'agriculture et à l'alimentation a baissé en tout de 45 p. 100 dans les pays en développement et de 80 p. 100 en Afrique et au Moyen-Orient. En somme, la stratégie ne correspond pas à l'action. Notre politique manque de cohérence.

Notre agence d'aide est aussi clairement mandatée pour accomplir des choses que nous savons être importantes. Nous savons qu'il est extrêmement important de rendre autonomes les femmes dans le processus de développement, au Canada comme à l'étranger. Nous nous réjouissons donc de la politique bien définie en faveur des femmes et de l'environnement. Officiellement, l'agence n'est pas mandatée pour agir sur le front de l'agriculture, de l'alimentation et de la sécurité alimentaire. Officiellement, il n'existe pas de direction d'élaboration de politique—nous avons posé la question et nous avons rencontré les fonctionnaires—qui mandate l'agence pour répondre aux besoins élémentaires de l'être humain en agissant avec dynamisme sur le plan de la sécurité alimentaire. Donc, l'agence ne joint pas le geste à la parole. Ce sont là d'excellents points de départ pour transformer de bonnes intentions en actions concrètes au sein de l'organisme.

En guise de conclusion, je crois qu'il faut trouver un moyen de gérer ce programme complexe. Quand nous soulevons la question ou que mes collègues soulèvent des questions relevant particulièrement de leur mandat, nous découvrons, quand nous parlons d'orientation, que la réaction est en règle générale: «Nous comprenons le problème, mais vous devez comprendre l'équilibre qu'il nous faut maintenir entre de nombreuses questions.» Par exemple, si l'on rencontrait le ministre responsable de l'ACDI et que l'on parlait de ces choses, il nous répondrait... la réponse est qu'effectivement, il faut trouver un moyen de le faire, mais n'oubliez pas que nous devons aussi trouver un moyen d'assurer le suivi du sommet sur le micro-crédit.

On voit bien la confusion entre la fin et les moyens. Le micro-crédit est un très important moyen de donner aux pauvres, qu'ils vivent en milieu rural ou en milieu urbain, les ressources dont ils ont besoin, mais il n'est pas une fin en soi, c'est-à-dire qu'il ne permet pas aux gens de subvenir à leurs propres besoins.

On dirait que quelqu'un au gouvernement a mis toutes ces questions dans un même sac et estime qu'elles ont toutes un poids égal. Il n'y a pas de plan d'action qui définit les moyens et les objectifs et la façon de s'en servir avec efficacité.

J'aimerais partager avec vous certaines opinions qu'ont les Canadiens. Avant le 50e anniversaire de la FAO à Québec qui a précédé le sommet, notre organisme, avec l'appui de l'ACDI et d'Agriculture Canada, a réuni des organismes canadiens et internationaux en vue d'échanger au sujet de certaines questions mentionnées par moi et par d'autres aujourd'hui. Si cela vous intéresse, il existe un livre, intitulé Tough to Swallow, dans lequel sont réunies les opinions du milieu universitaire, des producteurs, y compris de groupes comme l'Union des pêcheurs des Maritimes et la Saskatchewan Wheat Pool, et d'ONG canadiennes et internationales. Si vous voulez vous faire une idée de ce qu'un groupe représentatif d'organismes canadiens pense de cette question et des mesures qu'il faut prendre comme pays—non pas comme gouvernement, mais comme pays, ainsi que l'a dit Jean, soit le secteur du bénévolat, l'entreprise privée et le gouvernement réunis—, vous trouverez peut-être le contenu de cet ouvrage utile. Ceux qui aimeraient en avoir un exemplaire n'ont qu'à venir me voir à la fin de la réunion.

Voilà qui conclut mon exposé, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Moore.

Nous accueillons maintenant Mme Rutherford, de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Bonjour! Je vous remercie beaucoup, tant le comité que David, d'avoir invité notre organisme à prendre part aux audiences de ce matin.

Le fait de suivre d'autres témoins donne le temps de réfléchir. J'étais en train de rayer tous les points que je souhaitais faire valoir et qui ont déjà été exposés avec brio par Jean, Bruce et d'autres. Je me contenterai donc de renforcer peut- être ce qu'ils ont dit, d'étoffer un peu leurs propos.

La plupart des personnes qui sont présentes ici aujourd'hui travaillent pour des ONG internationaux ou pour des organismes non gouvernementaux qui s'intéressent essentiellement à l'élaboration de politiques et à la politique du gouvernement sur la scène internationale, même si elle a parfois des répercussions, comme il convient, sur la scène canadienne.

• 1050

Nous savons, comme l'a fait remarquer Bruce, qu'il existe au Canada de nombreux groupes qui s'intéressent aussi à la sécurité alimentaire et qui prennent une part active au processus.

Où se situent les agriculteurs, dans tout cela? La Fédération canadienne de l'agriculture a pris part au processus quand elle a été invitée à participer à l'exercice que vient de vous mentionner Bruce. Cette participation et notre présence aux réunions qui ont entouré le 50e anniversaire à Québec nous ont beaucoup perturbés— je ne crois pas que le mot soit trop fort—, car nous avons compris que l'on traitait la plupart de ces questions à un niveau très abstrait. Comme l'a souligné Jean, les bureaucrates décident de la façon dont les choses sont censées se dérouler, de la façon dont elles pourraient se produire, de qui fait quoi, mais nul ne parle vraiment de la réalité, sauf au moyen de photos, de tableaux et de graphiques.

L'an dernier, durant le sommet sur l'alimentation, nous avons travaillé très fort avec d'autres organismes agricoles à faire en sorte que les mots «agriculteur» et «producteur d'aliment» figurent dans le document. On aurait cru que les aliments, qu'ils viennent de la terre ou de la mer, se produisaient d'eux-mêmes, qu'on les créait au siège social de la Banque mondiale ou à la FAO, à Rome, et qu'ils étaient ensuite distribués, on ne sait trop comment. Nulle part dans le document—pas seulement dans les phases initiales, mais aussi vers la fin—ne mentionne-t-on ceux qui ont pour rôle et responsabilité de produire des aliments, que ce soit au Canada ou ailleurs.

Pour en revenir au point qu'ont fait valoir Bruce et Chisanga, de toute évidence, s'il faut nourrir le monde entier, il faut porter une certaine attention à ceux qui s'occuperont physiquement de la production.

Toutes les questions—accès aux terres, crédit, intrants convenables, semences à un prix minimal, le genre d'équipement de base que cela exige et l'argent requis pour l'acheter—intéressent beaucoup les agriculteurs canadiens. Ils comprennent fort bien que ce sont des questions qui engagent les producteurs d'aliments de tous les pays et que ce ne sont pas de simples abstractions.

Le point qu'a mentionné Bruce, soit de traiter le micro-crédit séparément de la sécurité alimentaire, se rapproche énormément de ce que vivent les agriculteurs du Canada auxquels on dit qu'il faut qu'ils alimentent les marchés d'exportation. Cependant, peu s'inquiètent de savoir ce que sera le coût de cette production ici, de savoir si l'agriculteur a accès à du crédit ou s'il est capable réellement de satisfaire aux objectifs fixés.

Je ne dis pas que l'objectif ne convient pas. J'affirme plutôt que, dans ce dossier, comme nous le faisons chez nous, il faut adopter une approche beaucoup plus holistique et trouver le moyen de régler ces questions. Je sais qu'en parlant d'un point de vue holistique, je cours le risque qu'on se contente d'en discuter plutôt que de voir la réalité, mais il nous faut apprendre à traiter de ces questions d'une autre façon. Il faut voir la fin, pas seulement les moyens.

J'ai également participé à la réunion de Toronto dont Bruce a parlé. Cette réunion a permis entre autres de constater une fois de plus qu'il existe des parallèles très importants entre la situation qui existe ici au Canada et celle qui existe à l'étranger. Personne n'osera prétendre que la situation qui existe ici est aussi grave que celle que connaissent certains autres pays.

Une fois de plus, la constatation qui s'est nettement dégagée de ces discussions, c'est qu'il ne suffit pas de fournir de la nourriture pour régler le problème de la faim. Il existe des facteurs sous-jacents dont il faut s'occuper ici et à l'étranger. Nous devons trouver un moyen de le faire. Nous devons trouver un moyen de rassembler les ministères autour de cette cause. C'est peut-être le rôle que devrait jouer le comité.

• 1055

Pendant le débat sur la sécurité ou l'insécurité alimentaire, selon le point de vue, il était évident que de nombreux ministères y participaient de plein gré, mais chaque personne présente autour de la table avait ses propres priorités et suivait le mandat de son ministère. Il leur a été très difficile de faire plus que donner leur aval au discours que le ministre Goodale devait prononcer devant la FAO à Rome. Je pense que ces problèmes appellent de nouvelles solutions.

J'ai une certaine expérience à cet égard, car c'est ce que nous tâchons de faire de façon vraiment concrète pour favoriser la concertation entre l'agriculture et l'environnement au Canada. Je pense que nous devons trouver de nouveaux moyens de favoriser la concertation sur d'autres questions également, et il s'agit dans ce cas-ci d'une question très importante et très pressante.

Le président: Les membres du comité seront tout à fait étonnés d'apprendre qu'il arrive que les ministères ne se consultent pas autant que nous le voudrions.

Mme Sally Rutherford: Je savais que c'était une information inédite.

Le président: Je pense que si vous regardez autour de vous ici, vous vous rendrez compte que ce n'est pas la première fois que nous entendons cette histoire. Il est très important que vous nous en fassiez part. Je vous remercie.

Mme Sally Rutherford: Pour terminer, j'aimerais aborder le rôle que pourraient jouer le comité et le gouvernement fédéral en général pour essayer d'aborder sérieusement cette question dans une perspective plus holistique et plus globale. La Fédération de l'agriculture a effectivement eu l'occasion... Avant le sommet l'année dernière, Agriculture Canada nous a demandé d'entreprendre des consultations auprès de l'industrie agricole et agroalimentaire. Nous avons trouvé cette expérience très intéressante, mais je crois qu'elle a quelque peu déçu les organisateurs au ministère parce qu'ils n'ont pas obtenu le type de réponse ou de réaction auquel ils s'attendaient ou qu'ils souhaitaient, ni réussi à attirer autant de participants qu'ils l'auraient voulu.

Je pense qu'ils sont aux prises avec le même problème maintenant, c'est-à-dire qu'ils consultent un particulier, une société, une organisation et leur demandent, que comptez-vous faire aujourd'hui pour combattre la faim dans le monde, que comptez-vous faire au cours des six prochains mois? Bien honnêtement, la plupart des gens n'en ont pas la moindre idée parce qu'ils ne possèdent pas les connaissances fondamentales, pas plus que les ressources ou l'organisation nécessaires pour le faire. Ce n'est pas leur rôle dans la vie. Cela ne fait pas partie de leur mandat.

Le mandat de la Fédération de l'agriculture n'est pas de s'occuper des problèmes d'insécurité alimentaire dans le monde. Son mandat est de soutenir les agriculteurs canadiens. Nous pouvons travailler en collaboration avec d'autres et appuyer d'autres intervenants dans leur travail. À mon avis, c'est ce que nous devons pouvoir demander aux Canadiens, aux entreprises canadiennes et à la société canadienne en général: d'appuyer les organisations non gouvernementales et d'appuyer le gouvernement dans son travail. Il faut par ailleurs sensibiliser les Canadiens aux mesures particulières que nous devons prendre pour remédier aux problèmes—et je crois que beaucoup de ces mesures ont été décrites dans leurs grandes lignes aujourd'hui.

Individuellement, les agriculteurs de la Saskatchewan ou de l'Île—du-Prince-Édouard n'auront pas l'impression de pouvoir changer grand-chose. Si on leur donne l'occasion de participer à un processus plus vaste qu'ils croient susceptible d'apporter réellement un changement, je crois que beaucoup plus de gens seront prêts à le faire.

Je suppose que c'est le rôle du gouvernement. Son rôle est d'appuyer le genre de travail qu'il faut faire, d'assurer l'appui et le cadre qui permettront à ceux qui s'y connaissent d'accomplir ce travail. Je ne peux qu'exhorter le comité à tâcher de donner suite à ce genre de problème, à encourager l'ACDI de modifier son mandat en conséquence, à encourager les ministères à collaborer pour qu'il soit effectivement possible de trouver un moyen de s'occuper en même temps des problèmes de micro-crédit et des problèmes d'insécurité alimentaire et que lorsque nous déléguons nos représentants à des assemblées internationales, qu'ils visent tous le même objectif et que nous établissions des objectifs sérieux et cohérents pour le Canada en matière de sécurité alimentaire et que chacun travaille à atteindre cet objectif et le considère fondamental.

Les agriculteurs qui ont consacré leur vie à la culture de denrées alimentaires ont beaucoup de difficulté à concevoir que des millions de gens ne mangent pas à leur faim chaque jour. Ce qu'il faut, c'est trouver un moyen de relier tous ces éléments. Je pense que c'est ce que les Canadiens attendent du gouvernement.

• 1100

Le président: Merci beaucoup, madame Rutherford.

Nous passons maintenant à Susan Mills, qui est directrice de la Division de la commercialisation internationale à Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Avant de céder la parole à Mme Mills, j'aimerais préciser à l'intention des représentants des ONG qui ont témoigné jusqu'à présent que le comité, comme vous le savez, est responsable de suivre les activités de l'ACDI, du CRDI et bien sûr en général du ministère du Commerce international et de celui des Affaires étrangères. Si, comme M. Moore et Mme Rutherford, vous avez des observations à faire à propos du fonctionnement des ministères ou de la façon dont l'ACDI pourrait mettre davantage l'accent sur la question de la sécurité alimentaire, les programmes que notre comité pourrait tâcher d'examiner au cours de l'année, car le président de l'ACDI comparaîtra devant nous... nous aimerions beaucoup savoir s'ils s'acquittent efficacement de leur mandat. Je sais que les membres du comité tiendront particulièrement à connaître votre point de vue car vous avez travaillé avec ces institutions et vous pouvez nous indiquer où se fait le bon travail et où l'on peut faire du meilleur travail. Nous aimerions beaucoup connaître vos commentaires à cet égard, car ils nous seront utiles plus tard au cours de l'année lorsque nous nous pencherons sur ces institutions.

Madame Mills.

Mme Susan Mills (directrice, Division de la commercialisation internationale, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Je vous remercie, monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à m'excuser de mon retard. J'assistais à une réunion sur cette question même avec nos collègues et partenaires des États-Unis d'Amérique qui sont venus nous rendre visite pour discuter du travail que nous faisons sur la question de la sécurité alimentaire en prévision de la réunion prochaine de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture à Rome. Comme je n'étais pas ici, je ne suis pas en mesure de commenter certaines des observations qui ont été faites ici aujourd'hui.

J'aimerais dire avant de commencer, monsieur le président, que je suis heureuse de comparaître devant vous et de constater que Mme Augustine, qui s'est jointe à nous lors du sommet l'année dernière, est également présente. Pour nous tous ici autour de cette table, il s'agit d'une question très importante, très difficile et très complexe. Je trouve que les commentaires de Mme Rutherford sont extrêmement pertinents.

Si vous me permettez de faire un peu de philosophie, comme je me trouve au centre d'un grand nombre d'activités de ce genre, je constate, après avoir subi les nombreuses frustrations qu'il y a à s'occuper d'un sujet donné, que certains disent, de quoi parlez-vous, c'est une question complexe. Il y a une dizaine d'années, lorsque nous avons parlé de durabilité de l'environnement, la réaction a été la même. C'est un problème qui, à la base, semble très simple: la faim. Mais lorsqu'on examine tous les facteurs qui sous-tendent le problème de la faim et les moyens à prendre pour y remédier—je crois d'ailleurs que nous avons abordé certaines de ces questions à une réunion du comité l'année dernière—nous constatons qu'il s'agit d'un problème qui comporte de nombreuses facettes et de nombreuses dimensions et je crois qu'en tant qu'être humains, nous commençons à comprendre un peu mieux que ce n'est pas un problème qui appelle des solutions aussi simples que celles envisagées par le passé.

Un problème d'une telle complexité intéresse pratiquement tous les secteurs de la société. L'inconvénient, c'est qu'il s'agit d'un problème que personne ne veut admettre comme sien. Je pense que Mme Rutherford a tout à fait raison. Lorsqu'on parle aux représentants de l'industrie, comme je l'ai fait, et qu'on leur demande, que faites-vous pour assurer la sécurité alimentaire, quelles sont à votre avis les mesures que l'industrie et le gouvernement pourraient prendre pour assurer la sécurité alimentaire, ils sont complètement déroutés et répondent qu'il s'agit effectivement d'une question extrêmement importante mais qu'ils n'en savent rien, qu'ils ne considèrent pas que cette question relève d'eux et que c'est nous qui devrions leur dire quoi faire.

J'ai désigné l'industrie mais ce n'est pas juste parce que c'est le cas aussi pour certaines organisations non gouvernementales, dans une plus ou moins grande mesure, selon l'organisation et cela vaut aussi pour le gouvernement. Chaque ministère a une portion différente du gâteau, chaque ministère a un intérêt différent. Il est très difficile, aujourd'hui, de coordonner tous les secteurs de la société qui doivent l'être pour s'occuper d'une question aussi complexe.

• 1105

Je crois qu'il s'agit d'une question que nous avons tous étudiée il y a des années, à savoir le patrimoine mondial. Nous avons parlé de la réalité mondiale mais pour concrétiser la réalité mondiale et le patrimoine mondial, nous devons établir des partenariats. Si nous voulons nous joindre aux autres pour favoriser le progrès, cela signifie que nous devons savoir en quoi consiste notre mandat. Ce n'est pas toujours facile. Comment puis-je contribuer à changer la situation? Comment puis-je m'unir aux autres pour contribuer à changer la situation? C'est le défi de notre époque, monsieur le président, un défi que nous avons tous beaucoup de difficulté à relever car nous sommes tous tellement occupés et tellement pris par nos propres priorités et notre propre plan d'action.

Je crois qu'il est important que je le dise, car c'est un aspect fondamental du travail que nous tâchons d'accomplir. À mon avis, le travail de suivi—certains aspects en ont d'ailleurs été abordés, je crois... Lors du Sommet qui a eu lieu l'année dernière, les délégués, les députés et les organisations non gouvernementales ont rencontré le ministre Goodale, qui était à la tête de la délégation au Sommet et lui ont dit, écoutez, les préparatifs en prévision du Sommet sont très importants. Mais c'est surtout le suivi qui compte. Qu'allons-nous faire à propos de ce problème? Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous sommes venus, nous avons vu, nous avons acheté le t-shirt et nous sommes partis. Nous devons agir. Le ministre Goodale a répondu oui, je m'y engage, et il s'est effectivement engagé à tenir une réunion pour donner suite à la mesure que nous avions approuvée dans le cadre du plan d'action mondial, à savoir l'établissement d'un plan d'action national.

Je peux vous dire, monsieur le président et honorables députés, qu'il est très évident pour nous que de nombreux pays n'ont pas concrétisé cet engagement. Le Canada et les États-Unis d'Amérique ont convenu de concrétiser leur engagement et d'établir un plan d'action national. Nous estimons qu'il s'agit d'une mesure importante pour nous, comme pays et comme membre de ce partenariat mondial.

J'aimerais simplement récapituler très brièvement certains des progrès que nous avons réalisés et vous dire que lors de notre réunion de février, M. Goodale a constitué un groupe consultatif mixte réunissant une douzaine de ministères, simplement pour vous donner une idée du nombre de ministères qui s'intéressent à cette question... Je crois qu'il y a 24 organisations non gouvernementales qui siègent à ce groupe consultatif mixte chargé de nous conseiller et de décider de la teneur de notre plan d'action national. Il y a donc de nombreux intérêts différents autour de la table.

Nous nous sommes réunis. Nous avons décidé de préparer un document, et dans l'excitation des premiers jours, nous avons cru qu'il serait prêt le 1er juillet. Je dois avouer que nous sommes tous déçus, mais nous commençons à nous rendre compte que ce n'est pas un travail simple. Puis, nous espérions qu'il serait prêt pour la Journée mondiale de l'alimentation. C'est impossible. Je pense qu'il sera prêt pour la réunion du Comité de la sécurité alimentaire de la FAO, dont la tenue est prévue à la fin du printemps prochain, en mai ou juin de l'année prochaine.

Nous avons tâché de faire preuve d'imagination. Nous avons mis de l'information sur Internet. Nous avons envoyé de l'information par courrier, par télécopieur. Nous avons créé un mini-document, une sorte de document de réflexion, pour obtenir des réactions. Environ 120 organisations et particuliers d'un bout à l'autre du pays nous ont répondu. Nous avons réuni des représentants de l'industrie dans le cadre d'une retraite et nous leur avons demandé: Que faites-vous? Quelles initiatives envisagez-vous? Quels sont vos projets? Quelles lignes de conduite pourriez-vous adopter à l'avenir pour remédier au problème de la faim? Que devraient faire à votre avis les autres, c'est-à-dire les organisations non gouvernementales, l'industrie et le gouvernement? Que devrait-on faire?

Essentiellement, nous voulions avoir une idée générale de ce qui se fait au pays à l'heure actuelle et essayer de formuler des recommandations sur la façon dont les organisations non gouvernementales, l'industrie et les différents paliers du gouvernement au Canada pourraient unir leurs efforts pour s'attaquer à ce problème complexe.

• 1110

Lorsque nous avons réuni toute cette documentation en mai, nous avons constaté que nous avions de graves problèmes de planification. Nous avions en fait une foule d'informations que nous n'avions pas priorisées. Nous avions d'innombrables recommandations. Nous n'avions pas de description exacte des activités des différentes organisations, y compris des ministères fédéraux. Les gens avaient travaillé trop vite sans avoir suffisamment réfléchi.

Par conséquent, le groupe consultatif mixte a convenu de se réunir à la fin de l'automne, c'est-à-dire maintenant, après avoir fait les recherches qui lui permettront de présenter une information un peu plus pointue. Nous en sommes donc à ce stade, monsieur le président. Nous étudierons cette information pendant tout le mois de novembre et le groupe espère réussir à établir ensemble un plan d'action satisfaisant qui rendra compte à la fois des initiatives en vigueur au Canada et des mesures prévues pour atteindre l'objectif que nous nous sommes tous donné de par le monde, à savoir réduire de moitié d'ici l'an 2015, tant chez nous qu'à l'étranger, le nombre de gens qui n'ont pas suffisamment à manger.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, madame Mills. Ces renseignements nous seront utiles.

Il y a quatre députés sur la liste: M. Bélair, M. Reed, M. Assadourian, M. Grewal.

M. Réginald Bélair (Timmins—Baie James, Lib.): Vous ne donnez pas d'abord la parole à l'opposition?

Le président: Non, pas dans ce type de réunion, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Vous étiez le premier sur ma liste et j'allais ensuite passer à M. Grewal. Ensuite, nous alternerons tout simplement.

[Français]

M. Réginald Bélair: En vous écoutant parler, je remonte de très loin dans le temps, jusqu'à ma très, très verte jeunesse, lorsqu'en tant que catholiques et Canadiens d'origine française, les bonnes soeurs qui nous enseignaient à ce moment-là nous demandaient de faire des dons pour nourrir les petits Chinois.

Si je vous dis cela, c'est que le problème ne date pas d'hier et qu'on n'a toujours pas trouvé de solutions.

Personnellement, ce qui me désole un peu, dans chacune de vos présentations, c'est qu'aucun d'entre vous n'a fait allusion aux régimes militaires, à la dictature, à l'assouvissement de ces mêmes dictateurs aux dépens du reste du monde. Chacun de ces militaires est bien nourri pour s'assurer de ne pas perdre pas le pouvoir, mais entre-temps, des gens crèvent de faim.

Donc, il y a deux choses. Le monsieur qui vient de partir a fait brièvement allusion à l'ACDI. Il s'agit de quelques histoires à succès, parce que l'accès à ces pays-là était facile. Parfait. Il faudrait continuer et, pour ma part, je ne suis pas d'accord sur les dernières coupes budgétaires.

Aucun d'entre vous n'a parlé de solutions. Donc, premièrement, je proposerais, et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, que là où il y a accès, on fasse une campagne pancanadienne pour faire appel à des gens qui sont à la retraite en particulier, qui sont bourrés d'expertise et de talent et qui seraient prêts à se déplacer pour venir en aide à ces gens par l'intermédiaire de l'ACDI. Je n'invente peut-être pas la roue. Cela a peut-être déjà été proposé, mais je le répète, car c'est une chose pratique, concrète qui fonctionnerait avec une bonne planification.

Deuxièmement, j'ai fait allusion au militarisme. Il est évident que lorsqu'il y a de grands problèmes, il faut prendre de grands moyens. Par exemple, la Corée du Nord, qui vit actuellement sous un régime communiste, a refusé, il y a deux mois, la dernière offre américaine pour venir en aide aux Coréens du Nord. Cela a été refusé à cause de l'histoire, c'est-à-dire la Guerre de Corée, à cause de la politique encore une fois.

• 1115

Si les Nations unies n'ont toujours pas pu trouver de solutions à ces problèmes de la Corée et à ce qui se passe actuellement au Zaïre, au Congo, pourquoi les grandes puissances militaires—j'ai parlé de grands problèmes qui seraient solutionnés par de grands moyens—ne combineraient-elles pas leurs efforts et leur matériel militaire—je le dis entre guillemets—pour paver la voie afin d'en arriver à nourrir ces gens qui souffrent? Ce qui se passe n'est pas leur faute. J'espère ne jamais connaître ce que c'est que de mourir de faim. J'ai une belle grosse bedaine. Non, je ne connaîtrai pas cela.

Cependant, quand on regarde les images et qu'on constate la crasse politique, on se dit qu'il faudrait qu'on fasse quelque chose.

Pourquoi les grandes puissances militaires mondiales ne combinent-elles pas leurs efforts pour paver la voie à ces Hercules canadiens—les Américains en ont tant qu'ils le veulent—et les charger de nourriture et de médicaments afin de venir en aide à ces gens-là? C'est bien beau de parler de belles choses. Vous avez tous raconté ce matin les belles expériences que vous avez vécues, mais vous n'avez apporté aucune solution.

Un geste drastique doit être posé. Je vous laisse là-dessus.

Le président: Monsieur Moore, voulez-vous répondre en français ou en anglais?

M. Bruce Moore: Je vais répondre en anglais.

[Traduction]

Il existe manifestement certaines organisations canadiennes qui ont trouvé des moyens de recourir au savoir-faire canadien pour combler certains besoins, comme nous l'avons constaté dans certains cas. Nous pourrions vous présenter notre liste, mais je ne suis pas de votre avis, et je devrais réfléchir à mon incapacité de proposer une partie de la solution. Nous devrions absolument éviter de sauter immédiatement à la conclusion que les problèmes des pays en développement sont attribuables à leur manque de savoir-faire.

Comme je l'ai dit, les trois-quarts des pauvres vivent de la terre. Personne, pas même notre propre gouvernement, pas même l'ACDI, ne veut s'attaquer aux questions difficiles. Dans le contexte du financement multilatéral, nous ne cherchons pas à imposer une conditionnalité aux genres de prêts consentis à certains pays par la Banque mondiale et d'autres organismes et nous ne demandons pas à ces pays de régler la question des élites qui jouissent de droits acquis et contrôlent la terre. Lorsque les pauvres n'ont pas de titre foncier, ils se comportent comme vous et moi nous comporterions. Ils ne vont pas passer des années à s'efforcer d'améliorer la qualité de cette terre. Ils ne vont pas planter des arbres pour prévenir l'érosion de manière à améliorer la qualité de la terre, puisqu'ils savent bien que le propriétaire, une fois cela fait, reprendra la terre en question.

Il ne s'agit pas ici de questions d'expertise. Il s'agit de problèmes systémiques: comment traiter avec les élites qui contrôlent l'économie, contrôlent et empêchent... Si dans nos programmes d'aide, nous n'imposons pas de conditionnalité au genre de prêts...

M. Réginald Bélair: Comment peut-on régler le problème? C'est la question que je pose.

M. Bruce Moore: Une coalition globale examinant la faim et la pauvreté, créée à Bruxelles il y a deux ans, a mis sur pied un plan d'action, la coalition populaire pour éradiquer la faim et la pauvreté. Plusieurs ONG et la Banque mondiale en sont membres.

Soyons pratiques. Les ONG disent que si vous croyez vraiment qu'il existe des moyens qui font en sorte que les gouvernements donnent des ressources aux pauvres, créons alors un fonds de garantie international de manière que les organismes de charité, les organismes communautaires aient droit au crédit, lequel, à l'heure actuelle, est accordé aux gouvernements et n'arrive jamais jusqu'aux pauvres.

Le micro-crédit, par exemple, est une idée formidable, mais qu'en est-il de l'accès à ce micro-crédit?

Je suis membre d'un comité international qui, pour l'instant, envisage avec toutes ces institutions, comment créer un fonds de garantie qui permette de prêter directement de l'argent aux organismes communautaires dans des endroits où la corruption existe au sein du gouvernement et où les ressources n'arrivent pas jusqu'aux pauvres. Ces institutions auront le pouvoir de consentir des prêts directs aux organismes de société civile.

• 1120

J'ai déjà posé cette question à la présidente de l'ACDI: est-ce que l'ACDI, dans le contexte de nos prêts multilatéraux à la Banque mondiale et à d'autres organismes, est prête à soutenir cette initiative et à demander au Canada d'appuyer le concept de mécanismes de garantie? Ce serait une façon de remettre les ressources entre les mains des pauvres.

La Banque mondiale travaille actuellement sur une réforme agraire fondée sur le marché, entre autres choses.

Les gens qui n'ont pas de titre foncier ne vont pas investir dans la terre ni devenir productifs. La question est claire et nette, mais, dans le cadre de nos rencontres avec l'ACDI, sommes- nous et êtes-vous prêts à examiner les façons dont nous finançons les institutions multilatérales? Nous sommes prêts à travailler avec vous et à partager les connaissances qui ressortent de ces réunions et qui ont trait à des solutions pratiques comme, dans le cas qui nous intéresse, les fonds de garantie—car cela fonctionne en Suisse et dans d'autres pays—ces fonds permettent à des organisations multilatérales et à des institutions de crédit commercial d'avoir la confiance nécessaire pour consentir des prêts à la micro-entreprise.

C'est une façon très pratique de mettre les ressources entre les mains des gens. Je pourrais donner d'autres exemples, mais je ne crois pas que cela s'impose.

Le président: Merci.

Je vais céder la parole à M. Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Tout d'abord, je tiens à remercier tous les intervenants de l'information complète qu'ils nous ont donnée. Je suis nouveau député de Colombie- Britannique et bien entendu, nouveau membre de ce comité, si bien que je risque de poser des questions stupides pour commencer, mais je tiens à...

Le président: M. Mills se fera un plaisir de vous aider.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Nous allons le former.

M. Gurmant Grewal: J'aimerais que l'on réponde à deux de mes questions; je serais ainsi plus en mesure de cerner le problème et de voir comment il va se poser.

Je ne sais pas vraiment comment l'on définit la faim; s'agit- il de fournir deux repas par jour ou d'aller plus loin et de fournir des suppléments alimentaires? Il peut y avoir dans certaines régions des pénuries de suppléments alimentaires qu'il est plus important de régler que la question de la fourniture d'aliments nécessaires pour régler la situation à long terme. Ou s'agit-il, dans une certaine mesure, de fournir les médicaments qui permettent de régler la situation? Je ne sais pas si nous parlons de la qualité nutritionnelle, de la sous-nutrition ou de la malnutrition dans certaines régions, ou du cas des femmes enceintes, d'enfants ou de personnes âgées qui ne peuvent pas se nourrir.

J'aimerais en savoir également un peu plus au sujet de l'organisation, de ce que nous avons fait et de ce que nous avons l'intention de faire de manière à être sur la bonne voie. Quelles sont les zones fragiles dans le monde ou quel objectif l'organisation veut-elle poursuivre davantage dans l'avenir: Faut- il viser les pays sous-développés ou les pays en développement ou existe-il des secteurs dans les pays développés où il faut travailler? Quelle est la stratégie globale?

J'aimerais également savoir si nous cherchons à fournir les aliments ou si nous voulons développer les ressources dans ces pays de manière qu'ils aient l'infrastructure nécessaire pour devenir automnes en matière de production alimentaire et de récoltes.

Quel est le rôle de ces organismes dans les pays déchirés par la guerre? Suivons-nous le point de vue politique des pays ou celui des pays dominants ou encore celui des Nations unies ou essayons- nous de nous attaquer aux problèmes pour régler cette situation? De même, étant donné le manque d'infrastructure dans ces pays, nous intéressons-nous aux régions facilement accessibles ou voulons-nous nous occuper des zones rurales, de l'intérieur des pays ou des régions particulières où le problème se pose véritablement?

De quel budget disposons-nous pour la mise en oeuvre des plans? Quelle est la contribution du Canada au plan international à cet égard?

En fait, quelle est la structure organisationnelle? Quel genre de coordination avons-nous avec d'autres organismes pour atteindre nos objectifs?

On a également dit que l'ACDI doit jouer un rôle important et que son mandat ne convient pas. Que peuvent recommander les ONG pour que le mandat de l'ACDI concorde avec leurs exigences, de façon que nous puissions atteindre nos objectifs plus efficacement?

De quels genres de ressources disposons-nous pour aller plus au fond des choses et parvenir à un bon équilibre et à une coordination efficace?

Les spécialistes ici présents ont-ils des recommandations à faire à ce sujet?

• 1125

Il y a tellement de questions que j'aimerais aborder, mais je vais m'arrêter maintenant pour leur donner la chance de me répondre.

Le président: Merci, monsieur Grewal. Avant de céder la parole aux spécialistes... Nous essayons de limiter chaque intervention à 10 minutes, car nous ne pouvons que rester que jusqu'à midi et cinq autres députés souhaitent poser des questions, si bien que dans le temps qui nous reste... je crois toutefois que toutes ces questions sont très intéressantes et que nous devrons nous y attarder avec l'ACDI et d'autres organismes. Nous allons passer beaucoup de temps sur ces questions, mais peut-être pourrions-nous commencer.

Qui veut parler?

Je crois que M. Walsh est prêt à prendre la parole.

[Français]

M. Robin Walsh (directeur des communications, OXFAM-Canada): Je voudrais répondre brièvement à la question posée par M. Assadourian. Je travaille avec M. Puta-Chekwe pour OXFAM.

[Traduction]

En notre qualité d'organisation non gouvernementale—nous nous définissons de façon négative et je me rends compte que c'est un problème—en tant qu'organisation bénévole, nous travaillons avec les groupes communautaires. Nous ne travaillons pas avec le gouvernement. Nous espérons ainsi apporter notre aide à ceux qui en ont le plus besoin et nous travaillons avec eux. Par exemple, nous avons envoyé une mission en Corée du Nord pour essayer de rencontrer les gens. C'est ce que nous faisons dans tous les pays où nous travaillons. À mon avis, il est important de maintenir cette distinction.

Pour répondre à la question de M. Grewal, je vais vous donner un exemple concret de la façon dont nous essayons de modifier la politique de l'ACDI; nous avons fourni une aide alimentaire en Éthiopie aux collectivités vulnérables, pendant trois ans, alors que normalement, cette aide est prévue pour les cas d'urgence. Ce qu'il faut faire, c'est s'abstenir de cultiver la terre pendant trois ans, planter des arbres, construire des terrasses, prendre des mesures du genre, pour que la terre devienne beaucoup plus productive à plus long terme. Nous apportons de l'aide alimentaire pour ce faire. C'est le genre de changements que nous avons faits avec l'ACDI et je crois qu'il faut continuer sur cette voie et inciter cet organisme à avoir recours à l'aide alimentaire dans les situations non urgentes de manière à assurer l'autonomie à long terme.

Le président: Madame Christie.

Mme Jean Christie: Je vais répondre rapidement. De toute évidence, M. Grewal a soulevé une douzaine de questions et à mon avis, au moins douze autres auraient pu être posées—chacune étant importante. J'imagine qu'il suffit simplement de dire qu'il y a des gens qui passent leur vie à examiner chacune de ces questions et ce sont les questions qu'il faut poser, ainsi que toutes les autres qui vous viennent à l'esprit et auxquelles tous les autres ici présents peuvent penser.

On a dit plus tôt qu'il est important de les envisager comme un tout et de parvenir à une stratégie nationale qui nous permettra en fait d'arriver à des réponses et à des décisions quant aux mesures à prendre pour l'avenir; je pense que c'est essentiel... Il ne s'agit pas ici de répondre à chacune de ces questions rapidement, car ce serait ne pas les reconnaître à leur juste valeur et parce qu'il faudrait des semaines avant de trouver une réponse. Il y a des gens qui se penchent sur ces questions. Je pense que chacun d'entre nous pourrait vous dire, à tout le moins, l'angle sous lequel l'organisme qu'il représente aborde ces questions. Cela démontre bien l'importance du genre de comité avec lequel travaille Susan, ainsi que celle des comités interministériels dont les membres qui examinent également la question de l'industrie et des ONG et s'occupent des divers aspects du problème arrivent, grâce à leur expertise, à s'entendre sur des objectifs communs.

Vos questions sont absolument fondamentales. Nous devons faire en sorte que tous les morceaux du puzzle dont chacun s'occupe finissent par former un tout. Je ne pense pas que l'on puisse donner d'autre réponse.

Le président: Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.

L'expression «a de nombreuses facettes» sonne juste. Vous avez désigné plusieurs coupables, ce qui nous aidera considérablement dans nos délibérations. Je me rends compte du niveau d'ignorance. Lorsque les gens quittent la terre pour aller dans les villes, la génération suivante n'apprend pas à devenir autonome, puisque les parents n'enseignent pas l'autonomie à leurs enfants. En fait, l'urbanisation est d'après moi l'un des coupables, même au Canada peut-être, car deux ou trois générations nous séparent maintenant de la société agraire, ce qui veut dire que le gros de la population ne sait plus comment subvenir à ses besoins et par conséquent dépend d'autres moyens. Nous avons le privilège de pouvoir le faire ici.

• 1130

Vous avez parlé des conflits régionaux. Vous n'avez pas parlé du climat, qui est toutefois une réalité.

Aucun de vous n'a parlé de la croissance et du contrôle démographiques. Je sais qu'il existe des organisations non gouvernementales—j'en connais une en particulier—qui sont très inquiètes à ce sujet. On compte aujourd'hui 800 millions de personnes qui ont faim sur terre et la question est de savoir comment elles peuvent devenir autonomes et subvenir à leurs besoins. D'ici 10 ou 15 ans toutefois, si nous atteignons cet objectif, combien y aura-t-il d'affamés de plus? Il ne s'agira plus de 800 millions, mais peut-être de 2 milliards de personnes.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'apparemment d'autres pays ne sont pas prêts à s'engager. Cela pose un gros problème. Si seulement quelques pays de la planète sont prêts à le faire, leur tâche n'en deviendra que plus ardue.

Enfin, comment régler la question de la corruption dans ces pays, lorsque les élites—dont il a été question—possèdent la terre et, par conséquent, empêchent les gens de la travailler et de devenir autonomes? Comment régler le problème de la corruption lorsque, même si nous apportons une aide alimentaire directe, une partie ou la plupart de cette aide parvient aux militaires qui soutiennent le dictateur au pouvoir?

Le président: Monsieur MacDonald.

M. David MacDonald: Je suis très content que M. Reed pose ces questions, car elles vont au coeur de ce que nous faisons depuis plusieurs années.

Tout d'abord, il a parfaitement raison: nous assistons à un énorme changement dans le monde, les sociétés rurales devenant des sociétés urbaines. Lorsque nous arriverons au XXIe siècle, il y aura en fait beaucoup plus de gens vivant dans des zones urbaines que dans des zones rurales, même dans les pays en développement. Cela pose un dilemme fort intéressant, car il paraît normal que les aliments produits dans les zones rurales soient consommés dans les zones urbaines. Les zones urbaines pourraient devenir des centres de production alimentaire; cette hypothèse est des plus stimulantes et plusieurs organisations s'y intéressent.

La question nous ramène également à ce que M. Moore a dit, à savoir que trois-quarts des personnes les plus vulnérables vivent dans les zones rurales. C'est extrêmement ironique, mais cela nous ramène aux questions qu'il a posées: Ces personnes ont-elles accès à la terre, au crédit, aux ressources, pour se nourrir?

Par ailleurs, dans la plupart des cas—et c'est là que cela devient plus significatif—cela aide-t-il les femmes qui se trouvent dans pareille situation, puisqu'elles sont les principales pourvoyeuses et productrices d'aliments?

De même, ce qui est ironique au sujet de l'explosion démographique, qui se produit surtout parmi les plus pauvres, c'est qu'elle touche les gens qui ne sont pas en mesure de s'extraire d'une pauvreté endémique.

J'ai été ravi d'apprendre par Mme Augustine aujourd'hui que les parlementaires ont décidé d'aborder des questions de population et de développement. Elle-même est prête à jouer un rôle important à cet égard.

Il faut examiner ces problèmes comme un tout.

À mon avis toutefois, la question démographique ne sera pas réglée tant que nous n'examinerons pas la situation de la femme, de sa prise en charge, de son éducation, de son accès aux ressources nécessaires pour finalement s'extraire de la pauvreté. Il ressort clairement, que ce soit dans notre pays ou ailleurs dans le monde, que c'est lorsque les femmes sont en mesure de se prendre en charge que la population diminue. Nous sommes conscients de cette réalité. Nous en sommes conscients au Canada.

• 1135

J'aimerais ajouter, pour conclure, que la corruption existe dans beaucoup de ces pays, en raison habituellement de l'absence de tout système démocratique qui engage la responsabilité de tout un chacun. La démocratie ne peut s'instaurer que si l'on arrive à régler la question des élites, ainsi que l'a décrit M. Moore. En tant que Canadiens, nous tenons pratiquement pour acquis ce que nous connaissons, sans nous rendre compte que nous devons, d'une manière ou d'une autre, assurer un leadership adapté—nous l'avons fait dans le passé—et susceptible d'aider les habitants de ces pays à se libérer des tyrannies qui les ont en fait empêcher de progresser pendant si longtemps.

Le président: Madame Mills.

Mme Susan Mills: J'aimerais répondre à la question de M. Reed au sujet des pays qui ne s'engageraient pas et reprendre ce que j'ai dit plus tôt. De nombreux facteurs entrent en jeu. Il s'agit, je crois, d'arriver à un plan d'action global visant pratiquement tous les aspects des entreprises humaines—David en a fait mention de plusieurs: beaucoup des pays sont des pays du Sud, beaucoup sont des pays en développement, beaucoup n'ont pas de politique ni de compétences statistiques bien développées au sein de leurs ministères—rédiger un plan d'action national n'a rien de simple pour eux.

Il y a une autre question. L'un des arguments essentiels avancés par le Canada, les États-Unis et les pays nordiques par le biais du plan d'action mondial, consistait à dire que la solution à ces problèmes multiples et variés n'incombait pas simplement aux gouvernements mais à ces derniers agissant en collaboration avec tous les autres segments de la société. Nous avons lutté pour faire accepter cet argument au cours des négociations très intenses qui ont duré plusieurs jours.

Cela veut dire que pour les pays en voie de développement où disons, la démocratie n'est pas aussi évidente qu'en Amérique du Nord, les organisations non gouvernementales sont perçues moins comme des associés et davantage comme représentant les attributs en voie de disparition de l'État. Ainsi la participation des divers secteurs de la société et l'édification d'un plan d'action national, même si ces pays possédaient les compétences nécessaires, n'est pas jugée souhaitable.

Essentiellement, dans bien des cas, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a, par l'entremise de ses experts, préparé des documents qui essentiellement vont, nous le craignons, rester aux oubliettes. Ils ne témoignent pas de cette coalition, de ce partenariat susceptible d'établir les priorités qui comptent pour nous dans notre pays, et cela nous ramène à vos questions au sujet du pouvoir des élites et de la corruption qui existe dans les pays.

Par conséquent, le Canada, les États-Unis et certains des pays d'Europe s'efforcent de mettre en place très méticuleusement des mécanismes capables de favoriser la coalition et un terrain d'entente. C'est une démarche que nous trouvons tous très difficile à mettre en oeuvre, comme nous l'avons expliqué ici. Bien des secteurs de notre société ont de la difficulté à y prendre part, mais sans eux il nous sera impossible d'établir ce genre de rapport que nous jugeons nécessaire.

Quoi qu'il en soit, voilà le problème.

Le président: Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur le président, je n'ai malheureusement pas été témoin de votre élection hier. Cependant, je voudrais vous en féliciter et vous souhaiter, ainsi qu'au personnel du comité, un mandat fructueux.

Je n'ai pu être ici pour l'ensemble des présentations. J'ai manqué celle de M. MacDonald, ce que je regrette, mais il me semble qu'une des choses qui vous préoccupent est la contribution de l'Agence canadienne de développement international et la façon dont celle-ci assume ses responsabilités en ce qui a trait à la sécurité alimentaire mondiale. J'aurais deux questions pour vous. Vous pourriez peut-être nous donner de l'information.

Parlons d'abord de la diminution tout de même appréciable de l'aide publique au développement du Canada. Cette proportion est maintenant inférieure à 0,4 p. 100, alors que le Canada s'est engagé il y a très longtemps à respecter la proportion du 0,7 p. 100 demandée par les Nations unies. Comment cette réduction a-t-elle affecté les programmes de l'ACDI en ce qui a trait à la sécurité alimentaire mondiale? Que pensez-vous de cette diminution?

• 1140

Deuxièmement, vos organismes souhaitent-ils que l'aide publique au développement du Canada en cette matière soit bilatérale ou qu'elle soit plutôt multilatérale et transite par des organisations internationales comme la FAO, le programme alimentaire mondial, ou d'autres programmes qui viennent en aide aux populations victimes de la famine?

M. David MacDonald: La question de M. Turp est très, très importante étant donné la situation. En effet, je crois que la situation actuelle de l'aide internationale est très, très préoccupante.

[Traduction]

Si je puis répondre de façon assez catégorique à ces remarques, je dirai que dans le domaine de la sécurité alimentaire, nous sommes doublement pénalisés en ce sens que depuis cinq ou six ans, non seulement le Canada mais la plupart des pays, pas tous bien sûr... Il y a certains pays d'Europe tels que la Hollande, la Scandinavie, qui ont dans certains cas maintenu ou même accru leur aide, mais presque tous les autres pays de l'OCDE ont sensiblement réduit leurs programmes d'aide, en fait pour atteindre des pourcentages beaucoup plus faibles que vous nous l'avez décrit. Nous serons près de 0,3 p. 100 ou même moins, sous peu.

En outre, comme l'a dit M. Moore avant que vous n'arriviez, nous avons opéré des réductions même plus importantes dans le montant de l'aide que nous accordons au secteur du soutien agricole et de la sécurité alimentaire. Donc il semble que nous ayons retiré notre aide à un rythme effarant à un moment où elle aurait pu avoir une véritable importance.

Sans vouloir trop insister là-dessus, l'une des raisons pour lesquelles le Sommet mondial de l'alimentation a été convoqué l'année dernière, c'est qu'on cherchait à inverser une tendance datant d'une décennie, de ne plus apporter un soutien à l'augmentation de la production alimentaire et des ressources alimentaires dans le monde.

Mais j'aimerais ajouter également—et il s'agit à mon avis d'un problème nouveau et significatif à notre époque—que nous cherchons les moyens de venir en aide aux gens qui se trouvent dans les situations les plus vulnérables afin d'accroître leur accès à l'alimentation et à leur production alimentaire, tout en tenant compte des questions d'équité. Nous nous penchons sur le droit à l'alimentation. S'il est un problème nouveau et capital qui est ressorti du Sommet mondial de l'alimentation l'année dernière, et qu'un certain nombre d'organisations bénévoles et de pays s'efforcent de régler, c'est de savoir comment nous pouvons mettre en pratique la notion du droit fondamental à l'alimentation, tant sur le plan national qu'international.

J'ai avec moi des documents, des codes de conduite, dont les organisations non gouvernementales du monde entier sont en train de discuter. J'invite les parlementaires à surveiller cette question de très près, parce qu'à mon avis, alors que nous allons bientôt célébrer le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les gens voudront examiner ce droit le plus fondamental, le droit à l'alimentation, et se demander si nous avons suffisamment mis nos théories en pratique en ce qui concerne nos accords nationaux et internationaux.

Je ne me lancerai pas dans des détails à ce sujet ce matin, mais j'estime que c'est une question d'actualité que nous devons confronter.

Si je le dis, c'est parce que nous savons, en regardant les projections mondiales, que sur le plan de nos pêches planétaires, nous avons atteint le niveau de production. En fait, nous avons constaté personnellement l'effondrement de nos propres pêches. Donc, nous allons devoir envisager des moyens qui nous permettent de mieux administrer nos ressources tant terrestres que maritimes, ainsi que les moyens de les partager équitablement.

Le président: Quelqu'un veut-il répondre à la question très importante de M. Turp au sujet de l'aide multilatérale par rapport à l'aide bilatérale? C'est un sujet auquel notre comité consacrera beaucoup de temps car c'est une question très complexe à comprendre. Nous ne disposons que de quelques minutes seulement, après quoi je vais passer le micro à Mme Augustine. Donc, quelqu'un pourrait rapidement traiter de cette question.

Monsieur Moore ou monsieur Walsh. Ils semblent avoir levé la main.

M. Robin Walsh: Je donnerai une réponse rapide. Je pense que M. Moore pourra probablement faire de même.

Premièrement, plusieurs études entreprises par l'ACDI montrent que l'agence ne consacre qu'un quart de son budget à satisfaire les besoins humains élémentaires. Donc, lorsque nous examinons la façon dont l'ACDI dépense son budget, nous aimerions que ce pourcentage augmente. Lors du Sommet mondial du développement social, on avait promis bien entendu d'augmenter ce pourcentage. J'estime que c'est une question qu'il faudra examiner au cours des prochains mois.

• 1145

Deuxièmement, des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, offrent une possibilité. Si nous accélérons les propositions concernant la réduction de la dette et que nous augmentons le montant de cette réduction dans le cas de pays gravement endettés, cela pourrait dans une certaine mesure, pas totalement mais en partie, compenser les réductions de l'aide dont on a été témoin dans le monde depuis quatre ou cinq ans, si les gouvernements s'engagent à utiliser ces fonds à des fins telles que le développement social, surtout le développement rural.

Mais en ce qui concerne l'aide multilatérale par rapport à l'aide bilatérale, je répète que ce qui importe, c'est la façon dont on utilise les fonds, pour satisfaire ou non les besoins fondamentaux de la personne. J'estime qu'il faut se pencher sur la question de savoir comment les fonds sont utilisés, et pas nécessairement à qui on les accorde. Mais je vais laisser M. Moore vous donner plus de détails.

Le président: Nous vous prions de bien vouloir nous adresser votre définition de «besoins fondamentaux de la personne» parce qu'au cours de la législature précédente, notre comité a consacré plusieurs mois à l'audition de spécialistes qui avaient des opinions tout à fait contradictoires à propos de cette définition. Si vous voulez bien nous l'adresser, nous aimerions connaître l'opinion d'OXFAM à ce sujet. Certains témoins nous ont dit que la construction de routes était un besoin fondamental de la personne, parce qu'on ne peut pas acheminer les produits agricoles au marché et que les gens mourront de faim faute de routes. Donc les fournisseurs d'infrastructure ont leur opinion sur la définition des droits fondamentaux de la personne, tout comme d'autres. C'est une question extrêmement complexe.

Monsieur Moore.

M. Bruce Moore: Oui, assurément nous vous communiquerons nos opinions parce que bien entendu, en matière de production, nous voulons que 13 p. 100 de ce montant de 25 p. 100, c'est-à-dire la moitié des sommes consacrées à satisfaire les besoins fondamentaux de la personne, soit sous forme d'aide alimentaire, qui s'accroît au détriment d'éléments qui favorisent la capacité de production. Donc, des compromis sont possibles. Nous vous adresserons l'information que nous possédons à cet égard.

La question, comme l'a fait remarquer M. Walsh, n'a pas de réponse particulièrement simple. À propos de l'aide multilatérale- bilatérale, nous sommes d'avis qu'au niveau multilatéral, nous neutralisons au moins certaines des tendances qui consistent à vouloir grouper trop de calendriers, en ce sens qu'au niveau bilatéral, nous sommes également aux prises avec la question de savoir comment le programme d'aide peut aussi servir nos objectifs commerciaux et c'est un problème qu'il faut finir par régler. Il y a certains pays évidemment où l'un n'exclut pas l'autre et d'autres où ce n'est pas le cas. Certains soutiendraient assurément qu'en tant que puissance moyenne, mais vu notre passé et notre influence au sein des nations membres, la solution multilatérale neutralise certains de ces aspects.

Par contre nous avons constaté... Des membres de mon organisme ont siégé au Comité de la Banque mondiale, à celui de la Banque interaméricaine de développement, aux comités du FIDA et tous ces organismes s'adressaient à nous en tant qu'organismes non lucratifs pour nous demander de collaborer avec eux à la mise en oeuvre de programmes dans des localités particulières. En fin de compte c'est extrêmement complexe, parce que ces institutions ne sont pas mandatées pour se mêler des affaires souveraines d'un pays; ainsi donc, dans le cadre de leurs programmes de prêt, ces institutions ne peuvent prêter qu'aux gouvernements. D'où la tendance à ne pas vouloir traiter avec le secteur bénévole dans bien des cas.

Si l'on doit insister sur l'aide multilatérale, il va falloir tenir compte d'aspects particuliers relatifs à la question d'efficacité, certains pourraient la qualifier de corruption, quant à savoir dans quels pays en particulier notre aide pourrait être le plus efficace. On voudrait peut-être soutenir la Banque interaméricaine de développement, mais en imposant des conditions au sujet du financement en ce qui concerne certains pays membres dont l'on connaît le manque d'efficacité, parce qu'en ce qui concerne l'aide bilatérale, par comparaison quand le Canada a renouvelé son programme d'aide au Salvador en 1986—, une question très litigieuse—vu qu'il s'agissait d'aide bilatérale le gouvernement canadien a pu s'adresser à une organisation non gouvernementale, la nôtre notamment, et beaucoup n'ont pas partagé l'attitude que nous avons adoptée alors—et a réussi à court- circuiter le gouvernement en nous chargeant de mettre en oeuvre toute l'aide canadienne pendant une période de dix ans, justement pour éviter de s'opposer à des parties en conflit en pleine guerre civile.

Donc, à mon avis c'est une combinaison des deux. L'aide multilatérale a une certaine valeur parce qu'elle permet de faire ce qu'a décrit Susan en l'occurrence, à savoir que même si certains n'y participent pas, elle permet d'attirer une plus grande participation des gouvernements et de leur permettre d'assurer un bon développement pour décider s'il faut appliquer le critère de conditionnalité pour garantir que, dans le cadre des pays membres qui reçoivent cette aide multilatérale, nous exerçons une certaine influence étant donné que le comportement de certains pays ne respecte pas les valeurs canadiennes.

C'est une question complexe. J'imagine qu'elles le sont toutes.

Le président: Merci. J'estime que c'est une juste conclusion à toutes ces questions.

Madame Augustine vous avez assisté à deux de nos conférences importantes, qui se sont tenues une à Rome et l'autre en Asie.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Une fois encore, j'interviens en réponse à certaines questions vraiment remarquables sur tout le problème de la faim et des personnes sous-alimentées, sujet sur lequel portait la question de M. Grewal. Ce sont à mon avis des questions importantes que nous ne devons pas perdre de vue.

• 1150

Je commencerai par féliciter Susan du travail qu'elle a fait en préparation de la conférence qui nous a menés à Rome et aux activités qui s'y sont déroulées. Je veux signaler non seulement le travail qu'ont effectué les ONG de concert avec le ministère mais aussi le discours prononcé le 15 juillet par Mme Labelle qui révélait un engagement de la part de l'ACDI. C'était un discours très vigoureux émanant des cercles gouvernementaux, qui manifestait le désir de collaborer et de veiller à ce que le Canada s'acquitte de ses responsabilités.

Je connais le travail qu'accomplit David et les intérêts qu'il défend à propos de toute une série de questions. J'allais m'attarder sur le rôle des femmes dans ce dialogue, mais vu le manque de temps je me contenterai de vous demander de nous parler un peu de la journée mondiale de l'alimentation et de l'investissement dans la sécurité alimentaire. Comment percevez-vous le thème de la journée mondiale de l'alimentation sur le plan de la tâche de notre comité ou le suivi donné à certains des travaux de Susan et des membres des divers groupes avec lesquels vous collaborez. Comment voyez-vous se réaliser le thème de la journée mondiale de l'alimentation?

M. David MacDonald: Je suis ravi que Mme Augustine ait soulevé cette question, monsieur le président, parce que nous sommes peut-être en train d'établir une tradition en l'occurrence. C'est la deuxième année où notre comité se réunit juste avant la journée mondiale de l'alimentation afin de pouvoir participer à une émission télévisée de huit heures qui émanera des édifices du Parlement le 16 octobre.

Son importance explique le quatrième argument que Jean Christie a fait valoir ce matin. Mais un engagement global a été pris au sommet l'année dernière que l'on a appelé la campagne de l'Alimentation pour tous. Bruce Moore a déjà parlé des origines du mouvement «Partenaires dans le développement rural» issu de la campagne mondiale contre la faim qui avait présenté le programme vraisemblablement le plus actif que l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture ait créé pour ce qui est de mobiliser beaucoup d'appui du public. Regardons les choses en face, tous les meilleurs documents, toutes les meilleures promesses et paroles ne signifieront rien si le public n'est pas motivé à agir, à encourager ses gouvernements à prendre des initiatives et à prendre des mesures qui vont vraiment changer les choses.

Nous nous sommes efforcés ces deux dernières années d'utiliser la Journée mondiale de l'alimentation au Canada en ayant recours à la chaîne des affaires publiques, CIPAC, et grâce à des discussions entre des groupes importants de Canadiens, pour voir ce que nous pouvons faire pour relever les défis que posent la faim dans le monde et les besoins alimentaires de la planète. De concert avec nos démarches, nos collègues américains, depuis un certain nombre d'années, ont eu leur propre émission télévisée internationale. Nous nous sommes joints à eux et en réalité cette année Canadiens et Américains et des gens du monde entier pourront téléphoner à un groupe d'experts dans l'après—midi pour converser avec l'ancien directeur exécutif du Sommet mondial de l'alimentation et avec des représentants du monde entier au sujet de leur propre réaction. Aux députés ici présents, je dirai que si vous voulez y participer, je peux vous donner le numéro à appeler dans l'après-midi entre 1 heure et 2 heures, heure de l'Est. Il s'agit du numéro 202-293-7776.

Si je parle de tout cela, c'est parce que j'estime que nous devons utiliser les moyens actuels d'informer les gens et de les faire participer à la solution de ces problèmes complexes. D'après nous, c'est une occasion pour le Canada de montrer la voie et espérons-le d'encourager par l'exemple d'autres pays à participer à des activités analogues.

Dimanche, à l'issue de la Journée mondiale de l'alimentation, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture aura sa propre émission télévisée qui émanera de Rome et durera toute la journée, pour essayer de rallier l'appui du public en Europe et ailleurs.

Donc, des tas de choses se passent. OXFAM a prévu je crois 16 événements différents dans tout le pays. Vous trouverez tous ces renseignements sur le site Web de l'OXFAM sur Internet.

Nous avons recours à tous les moyens possibles pour communiquer le message qui émanait de l'événement important qui a eu lieu à Rome en novembre dernier.

Le président: Merci.

Le comité devient le moyen qui permet aux gens de fournir leur numéro de téléphone et leur numéro de site Web au public canadien. Si un député veut en faire autant avant que le programme ne prenne fin... Mais, monsieur Mills, vous ne pouvez pas communiquer votre numéro de Website dans le cadre des délibérations du comité.

M. Bob Mills: C'est une limitation.

Je m'excuse de ne pas être arrivé plus tôt—j'avais d'autres engagements—mais je consulterai certes toute la documentation que nous avons reçue.

• 1155

Il y a une foule de questions que l'on pourrait poser.

Pour commencer, vous venez de soulever un point très important, à savoir convaincre le public qu'en réalité tout apport ou toute contribution qu'il fournit sera utilisé à bon escient et avec efficacité. Le plus gros problème c'est la difficulté de communiquer. C'est celui qui fait la manchette et qui fait du tort à n'importe quel programme d'aide.

Je me souviens toujours de ce qui s'était passé en Afrique lorsque les tracteurs Carterpillar avaient été livrés sans que personne ait pensé à apporter également du gazole pour les alimenter de telle sorte qu'ils sont restés pendant plusieurs années dans la jungle à rouiller. Voilà le genre de choses qui fait tant de tort à toute initiative, qu'à titre de parlementaires, nous voudrions prendre.

Deuxièmement, j'estime qu'il est très important d'accroître l'aptitude des gens à produire des aliments. Je suis cultivateur, en quelque sorte, et grâce au génie génétique j'ai réussi à accroître ma production de canola par ce moyen de 40 p. 100 sur le même sol avec, en fait, des coûts de production moindres. Si seulement on pouvait rendre plus général l'usage de la technologie, bien entendu les possibilités sont évidentes.

Troisièmement, je faisais simplement partie d'une équipe européenne qui agissait en qualité d'observatrice des élections en Bosnie et j'ai vu de mes yeux des organisations non gouvernementales, les Nations unies, l'OSCE, des unités militaires, la SFOR et l'OTAN s'escrimer à faire le même travail. J'ai vu des organismes d'aide faire la même chose, essayer de se tailler une place et se faire concurrence pour fournir des services.

Après avoir parcouru le monde, j'en ai entre autres conclu que si nous pouvions simplement coordonner les efforts de tous les pays, nous y gagnerions tellement en efficacité. Il faut se débarrasser de la bureaucratie, coordonner davantage les efforts et faire en sorte que cela marche.

D'après vous, pouvons-nous espérer que cela se produise en ce qui a trait à l'aide alimentaire et à tous les autres programmes d'aide auxquels nous pourrions participer?

M. Robin Walsh: Dans le cadre du processus de réforme des Nations unies présentement en cours, nous avons entre autres recommandé que l'on confie à quelqu'un au sein de l'intérieur le rôle de rassembler, au sein de l'organisme lui-même dans un premier temps, tous les différents services qui interviennent lorsqu'il faut prendre des mesures d'urgence. Cela incombe habituellement au DAH, le Département des affaires humanitaires, mais je sais que l'on continue de discuter et de débattre de cette question et que Maurice Strong bien sûr travaille là-dessus.

Je crois qu'il s'agit d'un endroit et qu'il y a de l'espoir que les choses puissent s'améliorer.

J'ai vu quelque chose de similaire au Rwanda la première fois que je m'y suis rendu.

Les ONG s'en tirent en fait pas mal pour leurs efforts, surtout au Canada. Dans le monde, nous sommes reconnus pour bien travailler au sein de coalitions et nous en faisons la preuve ici aujourd'hui. Nombre d'entre nous font partie de réseaux internationaux au sein desquels nous essayons de coordonner nos efforts également, mais les Nations unies jouent à cet égard un rôle de premier plan et je crois que c'est là où nous devons concentrer notre énergie.

M. Bob Mills: En 1985, j'ai passé presque un an au Rwanda et j'ai vu des organismes se tomber dessus, des pays rivalisant littéralement pour offrir des services par l'entremise de leur ONG. C'est ce à quoi je fais allusion. La réforme des Nations unies, ô miracle! Pourvu que nous y parvenions.

M. Robin Walsh: Eh bien! Nous espérons que cela se réalisera. C'est ce qui est sur le métier.

Le président: Madame Mills.

J'allais dire que nous pourrions peut-être conclure sur cette remarque à la fois optimiste et pessimiste, mais vous pourriez peut-être nous mener à une fin optimiste.

Mme Susan Mills: C'est le même point, pour ainsi dire, que nous devrions mentionner je crois, parce qu'il nous ramène à une question précédente concernant les systèmes multilatéraux et bilatéraux. Une fois de plus, dans l'abstrait le système multilatéral a été mis sur pied pour que nous puissions coordonner nos efforts. La pression exercée par le patrimoine naturel international nous oblige à faire toujours plus, mais nous sommes tous au courant du problème que posent les systèmes bureaucratiques qui s'ossifient à mesure qu'ils croissent.

La réforme des Nations unies, un processus très difficile en ce qui a trait aux relations humaines, à la planification, à la réduction des effectifs et à tout ce que cela entraîne, est amorcée et nous devrions espérer qu'elle se concrétise.

La convocation par la FAO du Sommet mondial de l'alimentation, qui doit servir de tremplin à tous les autres organismes spécialisés des Nations unies pour les inciter à collaborer en ce qui a trait à l'insécurité alimentaire et à rassembler tous les pays, devrait en théorie atteindre cet objectif.

• 1200

Il nous revient, en tant que pays, lorsque nous nous adressons aux organismes des Nations unies, à l'Assemblée générale des Nations unies, d'insister pour une coordination de ce genre.

Je dois dire, monsieur le président, que le Canada fait un assez bon travail lorsqu'il s'agit d'encourager ce genre de chose. C'est l'un de nos objectifs.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Moore, vous avez le dernier mot.

M. Bruce Moore: Simplement parce que vous avez tellement parlé des changements que nous aimerions obtenir, je crois qu'il faut relativiser en ce qui concerne l'ACDI. Lorsque nous parlons de coordination, et je pense à toutes les activités qui ont gravité autour du sommet, je crois que nous ne devons pas perdre de vue, compte tenu la réduction des effectifs qu'a connu cet organisme en particulier, que votre comité qui se penche sur les activités de l'ACDI doit tenir compte de son savoir-faire.

Ceux d'entre nous qui travaillons avec l'agence nous rendons compte que, pour accomplir son travail avec l'effectif dont elle dispose, elle doit maintenant faire appel au savoir-faire de gens de l'extérieur. Elle recourt à des consultants pour s'occuper des questions de fond et pour planifier les projets à réaliser dans un pays en particulier. Les agents consacrent tellement d'énergie à gérer les contrats, à créer des liens et à faire en sorte que le Vérificateur général ne trouve rien à redire qu'ils troquent de plus en plus leur titre de spécialistes du développement en celui d'administrateurs de contrats.

Par conséquent, lorsque nous parlons de coordonner l'effort au sein d'une agence que vous surveillez, nous devons décider comment nous allons faire en sorte que cet organisme dispose des ressources qui lui permettront de conserver et d'attirer chez lui les spécialistes dont il a besoin.

C'est beaucoup trop facile de critiquer l'agence, mais nous savons toutefois que ce n'est pas la capacité qui lui manque. C'est plutôt que l'on exige beaucoup d'elle. Si au bout du compte on consacre à l'embauche de consultants l'argent que l'on destinerait à améliorer la capacité au sein de l'agence, je crois alors qu'il faut alors voir cela dans l'optique de la culture de développement de cette dernière et considérer que certaines de ses lacunes ne sont pas attribuables à la façon dont elle accomplit son mandat mais à d'autres processus qui lui sont imposés.

Le président: Il s'agit d'une observation très pertinente. Il va sans dire que, lorsque nous avons examiné de près les activités de l'ACDI auparavant, nous étions très conscients du fait qu'il est très difficile d'évaluer l'aide dans quelque circonstance que ce soit, surtout l'aide à long terme, l'intégration de la femme dans le développement et l'éducation. Nous avons entre autres beaucoup discuté avec le bureau du Vérificateur général de la véritable façon d'évaluer et de mesurer l'aide parce qu'en tant que parlementaires nous avons pour tâche d'empêcher le gaspillage de l'argent des contribuables. Cependant, nous ne voulons pas considérer les choses à trop court terme de manière à nuire aux résultats à long terme.

Je veux remercier tous les membres du comité d'être venus ce matin. Il s'agit de notre première réunion officielle.

Monsieur MacDonald, je vous remercie de votre proposition. Je crois que vous avez ouvert notre séance en nous présentant les questions qu'il nous faudra examiner à fond au cours de l'année ou des deux prochaines: les institutions internationales, les institutions nationales, la coordination des efforts, l'ACDI, notre aide, le micro-crédit et la nécessité d'adopter un angle d'approche global à l'égard de ces questions pour lesquelles tant de Canadiens manifestent un grand intérêt. Je vous remercie de les avoir signalées à l'attention des Canadiens. Croyez-moi, le comité surveillera avec intérêt la façon dont vous accomplissez votre mandat et j'espère que vous continuerez à nous aider à remplir le nôtre. Je vous remercie beaucoup.

La séance est levée.