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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 juin 1998

• 1535

[Français]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bienvenue à cette séance du Comité de l'environnement. Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-32. Je mets en délibération l'article 1 comme le prévoit le Règlement.

[Traduction]

Au nom des membres du comité qui sont ici dans cette pièce, je souhaite la bienvenue à nos témoins aujourd'hui. Je devrais peut-être les inviter à se présenter, dans l'ordre qu'ils souhaitent adopter, et tout en leur souhaitant la bienvenue, les informer que nous avons en place un petit système de chronométrage pour donner à tout le monde la même chance, et pour permettre également aux membres du comité de poser une ou deux questions. Il s'agit tout simplement d'un chronomètre suisse que le greffier met en marche et qui sonne tout doucement après huit minutes pour indiquer que l'intervenant n'a plus que deux minutes pour conclure ses observations.

J'espère que vous trouverez ce système acceptable. Il vise à traiter tout le monde équitablement. Nous avons entrepris cette série d'audiences avec ce système et je dois dire que cela fonctionne assez bien, car ça permet de rallonger la période des questions et des réponses.

Qui veut commencer? Monsieur Reid.

[Français]

M. Timothy Reid (président, Chambre de commerce du Canada): Merci bien, monsieur le président.

[Traduction]

Au nom des membres de la Chambre de commerce du Canada, je voudrais vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant votre comité afin de présenter nos commentaires sur le projet de loi C-32.

Je m'appelle Tim Reid et je suis le président de la Chambre de commerce du Canada. Je suis accompagné de Bob Redhead, président de Robert J. Redhead Limited et ancien directeur des affaires gouvernementales et générales chez Laidlaw Inc. Il est président du comité de l'environnement de la Chambre de commerce.

La Chambre de commerce du Canada a beaucoup de chance de compter parmi ses membres les plus grands experts professionnels dans le domaine et de les inviter à échanger leurs points de vue avec les députés.

[Français]

La Chambre de commerce du Canada est l'association commerciale la plus représentative du pays. Grâce à notre réseau de 500 chambres et bureaux de commerce locaux, nous avons des partenaires dans toutes les circonscriptions fédérales. Notre réseau compte plus de 170 000 membres au total et regroupe des entreprises de toutes tailles, actives dans tous les secteurs et dans l'ensemble du pays.

[Traduction]

Monsieur le président et membres du comité, la Chambre de commerce du Canada appuie les principes et la mise en application du développement durable. Par l'intermédiaire de notre comité de l'environnement, nous oeuvrons de concert avec d'autres groupes du milieu des affaires pour élaborer des lignes directrices et des plans d'action susceptibles de nous aider à atteindre un développement vraiment durable.

Ainsi, nous avons été très heureux de constater que le développement durable a été retenu parmi les objectifs prioritaires de la politique dictée par la nouvelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il devient donc un des piliers de la réglementation, ce qui permet de prendre des décisions qui tiennent compte des inquiétudes environnementales des Canadiens, mais aussi des données et des répercussions économiques des divers plans d'action possibles.

À notre avis, les dispositions du projet de loi C-32 sont nettement meilleures que celles du projet de loi précédent qui préconisait une approche réglementaire directe qui menaçait la compétitivité canadienne sans pour autant obtenir de véritables progrès sur le plan de la performance environnementale.

Bien que le projet de loi C-32 n'ait pas abandonné cette approche réglementaire directe, nous sommes heureux de constater qu'une bonne partie des réserves que nous avions à l'égard du projet de loi antérieur se sont dissipées. Par exemple, le projet de loi C-32 reconnaît le récent accord d'uniformisation qui offre un cadre de travail cohérent pour la protection de l'environnement partout au Canada.

Bien que la Chambre de commerce continue à avoir quelques inquiétudes au sujet de certains articles, nous croyons qu'il est temps d'aller de l'avant. Nous encourageons le comité à achever son travail le plus tôt possible, étant donné que quatre ans se sont déjà écoulés depuis que la réforme a été amorcée et que de nouveaux retards ne profiteraient à personne.

• 1540

Je vais demander à Bob Redhead de parler de certaines questions spécifiques que nous aimerions aborder avec le comité. Naturellement, à la fin de tous nos exposés, et de ceux des autres représentants qui sont ici, nous serons heureux de répondre à vos questions.

Bob.

M. Robert J. Redhead (président, Robert J. Redhead Limited; président, Comité de l'environnement, Chambre de commerce du Canada): Merci, Tim, monsieur le président et membres du comité.

La Chambre de commerce appuie une loi environnementale cadre efficace et l'application de cette législation. Comme Tim vous l'a dit, nous approuvons le projet de loi C-32, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1998. Cela se fonde en partie sur l'approche de coopération adoptée par le gouvernement du Canada pour répondre à certaines préoccupations qui ont été exprimées au sujet d'une version précédente du projet de loi à l'étude.

Nous avons examiné le projet de loi C-32 et, dans l'ensemble, nous appuyons cette mesure législative qui est plus réalisable et qui met l'accent sur l'impact environnemental pour la santé humaine, qui est axée sur la prévention de la pollution et l'utilisation et la reconnaissance d'outils tels que le partenariat, l'harmonisation et la réglementation rentable.

Une bonne partie des préoccupations que nous avions exprimées au sujet du projet de loi précédent se sont dissipées, particulièrement en ce qui a trait à l'application des plans de quasi-élimination aux substances non répertoriées dans la liste de l'annexe 1, la définition du principe de la prudence et la reconnaissance des initiatives volontaires pour la prévention de la pollution et les plans d'urgence environnementale.

Nous avons, cependant, toujours certaines préoccupations dont nous aimerions faire part au comité et qui sont exposées en détail dans notre mémoire que nous vous avons fait parvenir le 1er juin. J'aimerais maintenant aborder certaines de ces préoccupations.

La prévention de la pollution. La définition de la prévention de la pollution dans le projet de loi C-32 ne tient pas compte des options de recyclage, de réutilisation et de récupération. Le recyclage est un exemple d'une mesure rentable qui réduit la pollution. Le fait de reconnaître et d'encourager les options de recyclage se traduira par l'apparition de nouvelles technologies dans ce domaine.

Ainsi, c'est dans le domaine du recyclage et de la réutilisation que nous avons vu, et que nous continuerons à voir, quelques-unes des plus grandes percées en matière de prévention de la pollution, car ces solutions respectent les principes de l'écoefficience.

C'est au World Business Council for Sustainable Development que nous devons l'expression «écoefficience». On parle d'écoefficience lorsqu'une entreprise parvient à produire des biens à prix compétitif, qui répondent aux besoins et qui améliorent la qualité de vie des consommateurs, tout en réduisant progressivement son impact environnemental et la quantité de ressources qu'elle utilise, jusqu'à l'atteinte d'un niveau de consommation considéré tolérable pour l'environnement.

Le projet de loi C-32 met l'accent sur la prévention de la pollution en tant que composante essentielle et intégrale du développement durable. Nous avons fait valoir à nos membres que la meilleure façon de prévenir la pollution était de suivre les préceptes de l'écoefficience. Ce principe n'est pas exclusivement axé sur une utilisation plus prudente des matières et la réduction des déchets. Il se rattache plutôt à la productivité des ressources, c'est-à-dire qu'il s'agit d'optimiser la valeur ajoutée par unité de ressource tout en minimisant la consommation de ces ressources.

Le rôle des gouvernements dans ce processus doit évoluer lui aussi. Depuis toujours, les gouvernements réagissent à la question par une approche réglementaire directe. Les règlements se sont toujours avérés nécessaires pour nous guider, et il en sera toujours ainsi.

Ceci dit, il nous faut des règles plus souples et plus subtiles, susceptibles de stimuler l'innovation. Le nouveau point de mire doit se placer sur des objectifs de performance à long terme et non pas sur des règlements normatifs axés sur la technologie.

Nous prétendons qu'il incombe au gouvernement de créer un cadre de travail idoine pour habiliter et encourager les entreprises à trouver des solutions viables et opportunes aux problèmes liés à l'environnement.

Le projet de loi C-32 autorise les ministres à demander des frais pour services rendus exigés par la LCPE. S'ils sont en fait conçus à titre de mesures de recouvrement des frais, ces droits devraient être subordonnés à un examen rigoureux dans le contexte des initiatives de recouvrement.

La Chambre de commerce du Canada appuie le principe du recouvrement de frais générés par les programmes et les services gouvernementaux. L'introduction de droits d'utilisation qui reflètent les coûts d'exécution peut atténuer l'excès de la demande de services et contribuer à rendre les activités du gouvernement plus rentables, particulièrement en temps de déficit.

Néanmoins, nous avons également fait valoir nos inquiétudes à l'égard de la perception de droits d'utilisation excessifs ou mal conçus, car ils risquent d'être extrêmement nocifs pour les entreprises et pour l'ensemble de l'économie.

Les entreprises se préoccupent surtout du fait que les ministères pourraient augmenter le montant des droits perçus pour compenser les pressions budgétaires, sans d'abord prendre les mesures nécessaires pour simplifier les opérations et réduire les coûts dans la mesure du possible. Cette préoccupation est plus particulièrement manifeste lorsque les ministères monopolisent la situation, et qu'ils sont habilités à dicter le montant des droits d'utilisation aussi bien que la nature des services que les entreprises sont tenues d'acquérir si elles veulent continuer à faire des affaires au Canada.

Les droits perçus des entreprises à titre de recouvrement des frais ne doivent pas dépasser le prix de revient direct des services fournis, tel que prévu par la politique du gouvernement, et on pourrait envisager des droits et charges supplémentaires pour le recouvrement des frais de services indirects et (ou) reconnaître que les rentes économiques sont en réalité des impôts, et qu'elles doivent donc être administrées de manière distincte aux droits perçus à titre de recouvrement des coûts directs. Par conséquent, nous estimons que les droits décrits dans le projet de loi C-32 sont inopportuns.

• 1545

Le projet de loi accorde un important nouveau rôle à Environnement Canada en matière de gestion des déchets, ce qui fait double emploi avec les activités provinciales. Le projet de loi institue les pouvoirs nécessaires pour la réglementation de «l'importation, l'exportation et le transit de déchets dangereux et de matières recyclables au Canada». Ces exigences risquent de générer un énorme surplus d'activités à Environnement Canada, financées par les droits perçus à titre de recouvrement des frais, et de créer des conflits avec les provinces qui sont actuellement responsables de la réglementation visant les déchets et les matières recyclables.

Nous reconnaissons que l'un des objectifs de cet article est de faire en sorte que le gouvernement fédéral respecte ses engagements en vertu de la Convention de Bâle. Or, à notre avis, cela ne doit pas servir d'obstacle à oeuvrer de concert avec les provinces dans les domaines de leur ressort.

Au chapitre des envois internationaux de déchets, la Chambre de commerce du Canada recommande une approche «frontières ouvertes» partout en Amérique du Nord. Il devrait être possible de gérer les déchets dans les installations les plus indiquées et rentables, quel que soit le pays qui reçoit les déchets, et quel que soit leur pays d'origine, du moment qu'ils satisfont à des normes de sécurité équivalentes.

En conclusion, j'aimerais vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous livrer ces quelques propos sur le projet de loi C-32. La Chambre de commerce préconise des lois claires, réalisables et applicables et est impatiente de travailler avec le gouvernement et les députés pour passer à la phase de mise en oeuvre de cet important projet de loi.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Redhead. Le minutage est parfait: 10 minutes exactement. Nous vous en remercions.

Qui veut maintenant prendre la parole? Vous pourriez peut-être vous présenter et nous présenter votre collègue.

[Français]

M. Jayson Myers (vice-président principal, économiste principal, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Monsieur le président, merci beaucoup. Je m'appelle Jay Myers et je suis le premier vice-président et l'économiste en chef de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada.

[Traduction]

Je suis accompagné de Nancy Coulas, notre directrice de la politique environnementale.

L'Alliance représente 3 500 sociétés membres provenant de toutes les provinces et appartenant à tous les secteurs de l'industrie au Canada, surtout de l'industrie canadienne. Nos membres représentent environ 75 p. 100 de toute la production industrielle et 95 p. 100 des exportations canadiennes.

Monsieur le président, tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous avoir permis de venir vous faire part de nos observations sur le projet de loi C-32. Comme la Chambre de commerce, nous appuyons bon nombre des dispositions contenues dans ce projet de loi. Nous pouvons nous rendre compte que l'industrie canadienne change et que les circonstances de l'économie mondiale changent très rapidement et ce, depuis les 10 dernières années. Nous voulons donc avoir un projet de loi qui crée un cadre adapté à ces changements en plus d'être rentable.

Nous avons certains objectifs en ce qui concerne le projet de loi C-32. Les voici: avoir une législation claire et prévisible; équilibrer les considérations environnementales et économiques avant de prendre des décisions stratégiques; réduire au minimum le fardeau administratif; et harmoniser les régimes de gestion de l'environnement au Canada. Voilà donc, à mon avis, les principes de base d'une réglementation et d'une législation rentable.

Comme je l'ai dit, nous appuyons bon nombre des dispositions contenues dans le projet de loi. J'aimerais vous parler de certaines de ces dispositions. Nous avons également des préoccupations relativement à certaines dispositions du projet de loi.

Pour ce qui est des mesures volontaires, l'article 57 permet au gouvernement de reconnaître les programmes de prévention de la pollution ou les plans d'action en cas d'urgence provinciaux ou autres destinés à respecter les exigences de la partie IV du projet de loi. Nous appuyons fermement cette disposition, mais nous sommes d'avis que la reconnaissance des efforts volontaires devrait être élargie dans le projet de loi pour s'appliquer à d'autres articles également. En conférant des pouvoirs habilitants élargis, le projet de loi donnerait au ministre ou au gouverneur en conseil le pouvoir de reconnaître une vaste gamme d'instruments qui ne sont pas régis par des règlements, tels que des codes de pratique ou des PE. Ceux-ci seraient considérés comme des outils équivalents qui permettraient de respecter différentes exigences prévues dans la LCPE.

Pour ce qui est de la collecte des renseignements, nous avons besoin d'un procédé et nous reconnaissons que le projet de loi respecte la confidentialité de certaines catégories de renseignements dans l'usine même, qui ne se reportent pas aux rejets dans l'environnement. Je pense que cela est extrêmement important.

Cependant, nous ne voulons pas que la collecte des renseignements devienne excessivement coûteuse. Nous remettons également en question l'efficacité des initiatives obligatoires de prévention de la pollution, et nous nous demandons si ces initiatives peuvent être efficaces au départ du point de vue de l'entreprise.

• 1550

Par exemple, la prévention de la pollution dépend souvent d'initiatives assez onéreuses et imprévisibles de R-D. Le résultat de telles initiatives est souvent très difficile à prévoir. En outre, la planification obligatoire de la prévention de la pollution alourdit le fardeau administratif des entreprises. Il serait plus efficace de mettre en place un processus volontaire plus souple. Nous avons donc des craintes dans ce domaine.

Pour ce qui est de l'harmonisation—qui est aussi un élément extrêmement important—nous sommes en faveur d'une étroite collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces. Sous le régime de ce projet de loi, il sera possible de mettre en oeuvre des initiatives harmonisées de protection de l'environnement à l'échelle nationale. Malgré l'importance d'une telle mesure, il reste encore à résoudre bien des problèmes quant aux mécanismes qui permettront de réaliser cette harmonisation.

C'est une préoccupation qui touche plus particulièrement nos membres du Québec, puisque le gouvernement de cette province n'a pas encore signé l'accord d'harmonisation. Nous demandons au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec de collaborer étroitement à l'harmonisation.

J'ai des observations à faire sur un certain nombre d'autres questions. Tout d'abord, au titre des actions en protection de l'environnement, l'Alliance estime que cette mesure, telle qu'elle est énoncée dans le projet de loi C-32, entraînera pour les Canadiens une augmentation du nombre et du coût des litiges sans garantir pour autant une meilleure protection de l'environnement.

Nous demandons pourquoi on veut établir une procédure d'action en protection de l'environnement alors que le gouvernement fédéral et les provinces cherchent de plus en plus d'autres moyens de résoudre les différends. À notre avis, les dispositions actuelles des lois et de la common law offrent déjà aux parties qui ont subi des dommages matériels des recours adéquats.

Nous avons également certaines craintes quant aux ordres de suspension qui ne devraient être rendus que lorsqu'il existe un danger imminent pour la santé humaine ou pour l'environnement et qu'il ne faut pas conférer aux agents des bureaux locaux le pouvoir d'émettre des ordres sans l'assortir de vérifications et de contrôles nécessaires. Nous estimons qu'avant de rendre un ordre de suspension, les agents des bureaux locaux devraient obtenir l'approbation préalable d'un directeur. Nous croyons également qu'il faudrait mettre en place une procédure d'appel accélérée pour réduire les délais et les coûts.

Dans le domaine des déchets, l'Alliance recommande que le paragraphe 188(1) soit supprimé de telle sorte que les exportations de déchets dangereux ne soient pas éliminées graduellement comme le prévoit cette disposition. On semble dire dans cette disposition qu'il vaut mieux traiter les déchets dangereux au Canada, même s'il faut transporter ces déchets d'un bout à l'autre du pays. Il me semble que le danger d'une catastrophe environnementale s'en trouve augmenté et non réduit. Cette disposition entrave également les efforts des entreprises en matière de bonne gestion des produits; elle permet en fait que soient traitées de façon différente les entreprises productrices de déchets canadiennes et étrangères et devrait être à ce titre considérée comme un obstacle au commerce.

En matière d'accords relatifs aux dispositions équivalentes, nous recommandons que les alinéas 10(3)a) et b) soient modifiés afin que les dispositions du projet de loi qui permettent de considérer comme étant équivalentes les exigences provinciales et fédérales se fondent également sur les conditions de rendement et d'intention de respecter les exigences de la loi, plutôt que sur la seule similarité entre les mesures fédérales et provinciales.

Enfin, au chapitre de l'inventaire national, l'Alliance recommande qu'aux articles 48 et 50 du projet de loi, les mesures soient facultatives plutôt qu'obligatoires. D'après le libellé actuel, le ministre devra exiger trop de renseignements, d'inventaires et de rapports. Notre objectif, là encore, est de réduire les coûts de la conformité, non la conformité elle-même, afin que le projet de loi soit efficace et que son application soit aussi peu onéreuse que possible.

Vous trouverez nos recommandations et les grandes lignes de ces propositions dans le mémoire que nous avons remis au comité. Nous vous remercions de nous avoir permis de comparaître devant vous. Nous apprécions le temps et les efforts que le gouvernement et votre comité ont consacrés à l'examen du projet de loi et nous sommes prêts à continuer à collaborer avec vous dans le domaine du développement durable.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Myers.

[Français]

Notre prochain témoin sera M. Cloghesy, qui comparaît au nom du Centre patronal de l'environnement du Québec.

M. Michael Cloghesy (président, Centre patronal de l'environnement du Québec): Merci, monsieur le président et bon après-midi aux membres du Comité de l'environnement.

• 1555

Je représente le Centre patronal de l'environnement du Québec, qui est un groupe assez unique. On travaille uniquement dans le domaine de l'environnement dans un contexte de développement durable. Nous représentons 125 membres dans presque tous les secteurs d'activité présents au Québec.

Nous avons le plaisir de vous présenter nos commentaires. D'abord, nous constatons que cette démarche, qui a exigé peut-être quatre ans, s'est avérée très difficile, très longue, mais probablement nécessaire compte tenu du fait que cette loi est vraiment la pierre angulaire de la politique du gouvernement fédéral en matière d'environnement.

Nous croyons qu'il est vraiment essentiel de nous assurer que le gouvernement se dote d'un outil législatif qui puisse assurer dans la mesure du possible le respect du principe du développement durable. C'est évidemment un principe auquel souscrit le gouvernement fédéral.

Ce projet de loi, nous le constatons, est loin d'être parfait. Nous croyons toutefois qu'il atteint généralement les objectifs prioritaires du gouvernement. Les commentaires que nous formulons aujourd'hui ne visent pas des changements importants au niveau de ce projet de loi puisque nous croyons que, malgré ses imperfections, il reflète un équilibre délicat. Nous recommandons donc au gouvernement d'adopter ce projet de loi C-32 sans y apporter de changements importants.

Nous aimerions souligner quelques points spécifiques en termes d'harmonisation entre le fédéral et le provincial. Il est vraiment important de mettre sur pied au Canada un système réglementaire et législatif qui soit des plus efficaces et d'éviter le dédoublement entre le fédéral et le provincial. Nous appuyons toutes les dispositions du projet de loi qui touchent à l'harmonisation. Nous ne croyons pas que vous, les politiciens et décideurs du pays, devriez vous inquiéter de l'accord d'harmonisation, lequel, comme le savent ceux qui connaissent le texte, prévoit des mécanismes très précis qui nous assureront que le niveau de gouvernement le mieux placé, le mieux équipé et celui qui est doté du plus de ressources interviendra dans un domaine quelconque. Nous ne croyons pas que l'inquiétude qu'on porte à cet égard soit justifiée et nous appuyons très fortement cet aspect très important.

Nous appuyons aussi autant que possible la flexibilité des moyens et des approches volontaires qui serait visée dans un projet de loi. Quant aux équivalences que prévoit l'article 10 du projet de loi, nous vous suggérons d'aller un peu plus loin et de parler vraiment d'équivalences au niveau de la performance, des résultats et des objectifs.

Nous ne sommes pas nécessairement d'accord sur l'approche que propose la partie 2, qui porte sur la participation du public. Nous croyons qu'il serait préférable qu'une personne qui désire porter une plainte ou entamer des poursuites à la suite d'un quelconque acte posé contre l'environnement puisse le faire auprès du gouvernement et non pas nécessairement auprès de la compagnie.

Dans un premier temps, puisque le gouvernement en question n'assume pas ses responsabilités quant au contrôle des mouvements de déchets dangereux tel que prévu dans la section 8, nous ne sommes pas d'accord sur le principe du recouvrement des coûts à cet égard. Nous ne croyons pas que le fonctionnariat soit en bonne position pour établir un système qui imposerait des coûts pour un service où il y a monopole. Le patronat n'a pas vraiment d'autre moyen d'obtenir ces services-là.

• 1600

En terminant, monsieur le président et membres du comité, nous suggérons fortement au gouvernement d'adopter le projet de loi C-32, malgré ses imperfections, le plus tôt possible.

Monsieur le président, je ne sais pas si je peux vous poser une question à ce moment-ci. Il serait important que nous sachions si vous êtes d'accord sur les commentaires que faisait hier votre collègue M. Lincoln, qui disait que ce projet de loi était an unfixable lemon. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Cloghesy.

Monsieur Lincoln.

[Traduction]

M. Clifford Lincoln (Lac Saint-Louis, Lib.): J'invoque le Règlement pour signaler qu'il s'agissait d'une question. J'ai demandé s'il s'agissait d'un citron irrécupérable? Je pourrais poser la même question à M. Cloghesy et aux autres.

Si j'ai posé cette question, c'est qu'ils ont critiqué de nombreuses dispositions du projet de loi et que je voulais connaître leur opinion. Je n'ai pas déclaré qu'il s'agissait d'un citron irrécupérable. J'ai demandé si, à leur avis, c'en était un. Ils m'ont répondu que ce n'était pas un citron et que c'était récupérable.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président: Monsieur Cloghesy, vous avez eu la réponse.

M. Michael Cloghesy: Merci.

Le président: Très bien. On commence comme d'habitude par M. Gilmour, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci à nos témoins d'être venus nous rencontrer. Il est intéressant que vous repreniez des commentaires d'hier, parce que nous avons entendu un groupe bien différent, qui représentait surtout l'aspect environnemental. Ils nous ont dit, et c'est l'un des dilemmes auxquels notre comité est confronté—cela fait le lien avec ce qu'a dit Clifford—qu'il fallait revoir cette mesure législative en profondeur.

Nous sommes heureux de vous entendre dire que même si le projet de loi comporte certaines lacunes, vous seriez néanmoins satisfait qu'il soit adopté.

Je dois avouer que nous entendrons à peu près toutes les opinions possibles au cours des audiences que nous poursuivrons cette session-ci et en septembre.

Un sujet m'intéresse particulièrement, celui de la conformité volontaire. Je suis industriel de profession. À mon avis, le gouvernement devrait établir les objectifs—fixer une période de cinq ans—sans décréter les moyens de les atteindre. Le problème, toutefois—et nous l'avons constaté lorsque nous avons tenu nos audiences sur le contrôle d'application—c'est qu'environ 80 p. 100 des entreprises respectent les règles du jeu. Les autres 20 p. 100 ne les respectent pas.

Le problème, pour notre comité, c'est qu'il faut imposer des sanctions dans certains cas, mais qu'il faut également établir un juste milieu entre la conformité et l'aspect volontaire afin que le projet de loi puisse offrir une protection suffisante qui ne soit pas trop onéreuse pour les entreprises tout en conservant suffisamment de rigueur envers ceux qui décident de déroger aux règles. Qu'en pensez-vous?

M. Robert Redhead: Monsieur Gilmour, je vais essayer de répondre à votre question.

Puisque nous venons d'un secteur très fortement réglementé, nous définissons le terme volontaire tout comme vous, c'est-à-dire que le gouvernement établit des objectifs ou les établit de concert avec l'industrie, puis l'industrie est chargée de les réaliser par les moyens qui lui conviennent.

Il existe à l'heure actuelle des modèles applicables à l'industrie en matière de reddition de comptes. Divers mécanismes ont été mis en place par toute une gamme d'associations, etc. Le programme de gestion responsable de l'ACFPC est un exemple d'engagement vérifiable. Il est donc possible de réaliser ce que vous proposez.

M. Bill Gilmour: Ensuite, il y a la question des droits d'utilisation. Je viens de la Colombie-Britannique. C'est un problème qui concerne davantage le gouvernement provincial que le gouvernement fédéral, mais dans cette province, on impose de plus en plus de droits d'utilisation, que ce soit pour les permis de pêche ou autres choses.

• 1605

Certains d'entre vous disent qu'il ne faudrait imposer aucun droit d'utilisation alors que d'autres conviennent qu'il n'y a aucun mal à défrayer de cette façon le programme. Nous aimerions que vous nous décriviez brièvement les inquiétudes que vous posent les droits d'utilisation et que vous proposiez une solution—soit qu'il n'y ait pas de droits d'utilisation, soit que les droits actuels sont raisonnables, soit qu'ils sont trop coûteux. À notre époque de compressions budgétaires, nous ne voudrions pas que les programmes servent à combler les limites du budget, mais c'est ce que nous faisons peut-être. Nous apprécierions que vous répondiez à cette question.

M. Jayson Myers: Permettez-moi de commencer.

Nous avons constaté que divers ministères imposent maintenant toute une gamme de droits d'utilisation et nous sommes particulièrement préoccupés du fait que ces droits commencent maintenant à être imposés dans le domaine de la réglementation, là où les entreprises n'ont souvent pas d'autre choix que d'accepter les services offerts par le gouvernement qui les régit.

Nous savons qu'il peut être avantageux d'imposer des droits d'utilisation. Bon nombre de nos membres estiment que c'est un avantage si ces droits sont assortis de normes de service, que ces normes sont respectées et qu'elles figurent dans les contrats. En fait, la plupart de nos membres préfèrent payer les droits d'utilisation si ces normes de service sont respectées. Le problème, c'est que souvent, elles ne le sont pas. C'est l'un des problèmes que pose le régime des droits d'utilisation mis en place par un certain nombre de ministères. Les normes de service ne sont pas respectées et les entreprises n'ont d'autre recours que de payer les droits imposés.

Nous souhaiterions également que les droits imposés tiennent compte de la valeur commerciale du service, ou de la valeur du service fourni par le secteur privé. Ces droits sont souvent imposés sans que l'on ait beaucoup réfléchi au coût réel de la prestation du service ou encore aux répercussions de ces coûts pour l'industrie. Des ministères ont connu un certain nombre de problèmes en raison d'une absence de comptabilité des coûts et de procédés de vérification et d'examen des régimes une fois qu'ils sont en place.

Le président: Merci beaucoup.

Deuxième tour de table, monsieur Bachand.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je ne suis pas un grand spécialiste de l'environnement. Je remplace ici un de mes collègues cet après-midi. Dans les notes qu'on m'a fournies, on indique que le Québec n'a pas signé l'accord d'harmonisation et qu'il avait invoqué le fait qu'il voulait d'abord regarder l'ensemble de la législation du gouvernement fédéral sur l'environnement. Il y a un principe qui sous-tend l'harmonisation environnementale: c'est la décentralisation. Le Québec veut voir si le gouvernement fédéral respecte l'esprit de la décentralisation. Monsieur Cloghesy, à votre votre point de vue, est-ce que le projet de loi C-32 qui est devant nous aujourd'hui favorise une plus grande décentralisation?

M. Michael Cloghesy: Votre question est très bien posée, monsieur Bachand. Nous, au Centre patronal de l'environnement du Québec, admettons que ce projet de loi ne reflète vraiment pas une décentralisation. Au contraire, il reflète un agrandissement de l'étendue des pouvoirs du fédéral dans le domaine de l'environnement. Mais, que voulez-vous, je ne crois pas qu'on soit nécessairement prêt à ouvrir le débat constitutionnel pour préciser exactement quels sont les pouvoirs aux paliers provincial et fédéral dans le domaine de l'environnement.

Le jugement que rendait récemment la Cour suprême indiquait clairement que les deux paliers de gouvernement pourraient s'impliquer dans n'importe quel domaine environnemental au niveau de la réglementation et de la législation. Donc, la situation est telle que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent s'impliquer dans l'environnement sans qu'on puisse vraiment déterminer par un jugement au niveau de la Constitution quelle est la part juste d'un niveau de gouvernement ou de l'autre.

• 1610

L'accord d'harmonisation vise à déterminer qu'un gouvernement devra intervenir dans un domaine quelconque d'après des critères bien établis et un suivi bien établi. Je crois que c'est un pas dans la bonne direction, mais cela ne réglera sûrement pas ce domaine de conflit, si on peut l'appeler ainsi. Un changement au niveau de la Constitution serait nécessaire afin de clarifier cette situation une fois pour toutes.

M. Claude Bachand: Merci.

Monsieur Myers, j'ai lu votre mémoire et constaté que vous accordiez beaucoup d'importance aux mesures volontaires. Je suis d'accord avec vous que beaucoup de compagnies responsables mettent de l'avant des mesures volontaires.

Cependant, certains témoins qui ont comparu devant le comité il n'y a pas tellement longtemps et qui sont responsables de l'application de la loi ont constaté que lorsqu'il y a des sanctions sévères, la loi est beaucoup mieux respectée. Pensez-vous qu'on arrivera un jour à atteindre le parfait équilibre entre le développement économique et le respect environnemental? Pouvons-nous atteindre ce parfait équilibre si on n'impose pas des mesures un peu dures aux compagnies qui ne respectent pas l'environnement?

[Traduction]

M. Jayson Myers: Comme nous l'avons dit, et je demanderai à Nancy de répondre également à votre question, il est extrêmement important de définir les objectifs que nous devons atteindre. Il faut toutefois que les moyens qui permettent de les atteindre soient suffisamment souples pour être adaptés à l'évolution de la technologie, à l'organisation de l'entreprise, aux investissements et aux risques qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs. Évidemment, il faut certains contrôle; personne ne demande à avoir carte blanche.

La loi devrait comporter certaines dispositions permettant de s'assurer que l'entreprise fait bien ce qu'elle a déclaré. En fait, c'est ce qui se fait partout au monde, là où sont appliquées les normes de rendement ISO—ISO 9 000 et ISO 14 000. Nous souhaitons qu'il y ait des mécanismes de contrôle mais que le projet de loi ne détermine pas ce que les entreprises devraient faire si les mesures sont trop onéreuses ou qu'elles amèneraient l'entreprise à réaliser des activités qui, en fin de compte, mineraient l'efficacité de la loi.

Nancy, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Nancy Coulas (analyste des règlements environnementaux, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Nos membres sont persuadés de l'importance de la prévention de la pollution et ils mettent en oeuvre de telles initiatives. Les entreprises qui ne consacrent pas suffisamment de temps aux questions environnementales et à la prévention de la pollution se trouvent souvent désavantagées. Il y a donc une certaine sélection naturelle. Prévenir la pollution donne un avantage sur la concurrence. Cela finit par réduire les coûts, mais cela prend du temps.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bachand. Vous pourrez revenir lors du deuxième tour si vous le voulez.

[Traduction]

Monsieur Herron, s'il vous plaît.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas trouvé mention dans vos mémoires des dispositions sur les mesures de rechange que l'on trouve dans la loi. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous pensez du concept des mesures de rechange qui a été ajouté dans cette mesure législative? Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Robert Redhead: Pourriez-vous me dire de quel article il s'agit, monsieur Herron? Je ne suis pas certain de comprendre le contexte. Parlez-vous des mesures de rechange équivalentes dans le domaine de la sécurité?

M. John Herron: Il s'agit des articles 295 à 309 sous le régime desquels des mesures de rechange en matière de protection de l'environnement pourraient être utilisées en cas de violation de la loi.

M. Robert Redhead: Je ne saurais me prononcer au nom de nos membres à ce sujet.

M. John Herron: Vous n'avez donc pas d'opinion à ce sujet?

• 1615

M. Robert Redhead: Je ne peux pas exprimer d'opinion sans avoir lu les articles. Je pourrai toutefois vous faire parvenir mes observations plus tard.

M. John Herron: Ce qu'on dit, dans ces articles, c'est que si les actes ne constituent pas une infraction sous le régime de la LCPE, il peut exister d'autres méthodes qui permettent à l'entreprise de reconnaître ses torts, sans avoir recours aux tribunaux. C'est du moins de cette façon que je les interprète. C'est une approche assez progressiste.

M. Robert Redhead: Je connais certains des mécanismes qui sont utilisés aux États-Unis, dont les règlements négociés. Il est toujours intéressant de trouver des moyens d'éviter les procédures judiciaires.

M. John Herron: Vous avez abordé brièvement la question de l'équivalence. Lorsqu'il existe déjà une loi dans une province, il est toujours à craindre que la nouvelle loi adoptée n'ait en quelque sorte un effet de nivellement par le bas. Pourriez-vous calmer mes craintes à ce sujet?

M. Michael Cloghesy: Nous en avons parlé dans notre mémoire. Je ne sais pas si les autres témoins l'ont mentionné.

Dans le cas de l'équivalence, nous proposons que l'article 10 soit modifié par l'ajout d'une mention du rendement et de l'intention. Autrement dit, si nous interprétons le terme équivalence dans son sens strict, cela signifierait que la province doit avoir des règlements identiques à ceux du gouvernement fédéral, alors que si l'on parle de rendement et d'intention, tant que le règlement provincial comporte une intention, un rendement et des objectifs comparables, l'esprit de la disposition se trouverait respecté. C'est ce que nous voulions dire.

M. John Herron: Qui déterminerait si ce que préconise la province est équivalent à ce qui se trouve déjà dans les lois?

M. Michael Cloghesy: Cela s'appliquerait peut-être dans l'accord d'harmonisation; à mon avis, cela devrait être négocié par la province et le gouvernement fédéral. Les deux parties doivent s'entendre et il faut bien sûr qu'il y ait un mécanisme pour vérifier si l'accord est respecté. Nous ne croyons pas qu'il puisse y avoir d'abus dans ce domaine.

M. John Herron: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Charbonneau.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Je crois que le gouvernement du Québec devrait signer l'accord d'harmonisation. En quoi cela pourrait-il aider? Avez-vous fait des représentations auprès du gouvernement du Québec pour qu'il le signe et quelle a été sa réponse? Quelle est votre appréciation de la réponse?

M. Michael Cloghesy: Monsieur Charbonneau, nous avons une position très définitive là-dessus. Nous déplorons évidemment le fait que le Québec soit la seule province à ne pas avoir signé l'accord. Nous comprenons évidemment les raisons qu'il invoque pour la non-signature de l'accord.

M. Yvon Charbonneau: Quelles sont-elles?

M. Michael Cloghesy: Cela dit, les seuls à être désavantagés sont les Québécois, les industries du Québec et les citoyens du Québec. D'après nous, l'accord d'harmonisation représente vraiment un pas en avant. Compte tenu de la situation constitutionnelle, il y a au moins une volonté de s'asseoir ensemble et d'établir le système le plus efficace possible pour se partager les responsabilités en matière d'environnement.

Nous avons écrit une lettre au ministre Bégin à cet effet il y a quelques mois et nous l'avons rencontré récemment. Évidemment, il nous a répondu qu'il étudiait les impacts, l'étendue et la portée du projet de loi C-32. Il y a quelques mois, il n'avait toujours pas pris de décision. Nous continuons de travailler auprès de ce ministre et nous viserons possiblement des instances telles que le bureau du premier ministre afin de démontrer que les Québécois seront les seuls perdants si on ne signe pas cette entente d'harmonisation.

M. Yvon Charbonneau: Une deuxième question à ceux d'entre vous qui voudront bien y répondre.

• 1620

Hier, nous avons entendu des représentants de groupes environnementaux qui nous ont démontré que, selon leur point de vue, ce projet de loi est un recul majeur et qu'il vaudrait mieux ne pas l'adopter et garder la loi actuelle. Évidemment, ce sont des gens qui sont très motivés par la cause environnementale, tout comme vous, dont la présentation s'inscrit dans une recherche de développement durable, d'après ce que vous nous avez dit.

Croyez-vous que ces gens-là exagèrent quand ils disent cela? D'après vous, est-ce que cette loi représente une amélioration par rapport à la loi existante ou s'il vaudrait mieux garder la loi existante?

[Traduction]

M. Robert Redhead: La Chambre de commerce du Canada estime pour sa part que ce projet de loi constitue une amélioration par rapport à la loi actuelle. Il y a certains problèmes du côté de la prévention de la pollution et d'autres dispositions, mais le projet de loi est très clair pour ce qui est du développement durable et, pour nous, c'est une amélioration.

Comme nous l'avons déjà dit, nous ferions peut-être certaines choses différemment, mais il est important qu'un tel projet de loi soit adopté et appliqué afin que les entreprises puissent respecter les exigences de la loi, dans les délais prescrits.

Les autres témoins ont peut-être des observations à faire à ce sujet.

[Français]

M. Michael Cloghesy: J'aimerais ajouter que ce projet de loi parle justement de l'harmonisation, qui pour nous est essentielle, et de l'équivalence. Ces aspects sont vraiment essentiels d'après nous. Même avec ses imperfections, nous croyons que ce projet de loi représente une amélioration par rapport à la loi actuelle. C'est pourquoi nous recommandons au gouvernement de l'approuver tel quel. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Myers.

M. Jayson Myers: Nous estimons nous aussi que le projet de loi constitue une amélioration. Tout comme d'autres, nous y travaillons depuis cinq ans. Entre autres, ce projet de loi adapte la loi à l'évolution actuelle de l'industrie, pas seulement au Canada mais aussi partout au monde. C'est extrêmement important si l'on veut que l'industrie reconnaisse l'importance du développement durable et qu'elle se dote de systèmes plus adaptables et plus rentables pour atteindre les objectifs du projet de loi. Voilà pourquoi ce projet de loi est important pour nous.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Clifford Lincoln: Je dois dire, monsieur le président, qu'après avoir entendu la question initiale de M. Cloghesy sur les questions que j'ai posées hier aux témoins, je ne sais plus très bien de quel côté m'orienter. D'une part, on nous dit que le projet de loi constitue une amélioration en matière de prévention de la pollution, que diverses dispositions entraîneront une plus grande participation du public, etc. Par contre, nous avons pour la plupart entendu d'autres témoignages selon lesquels le projet de loi contient des lacunes fondamentales.

Nous nous trouvons en plein dilemme, entre deux forces opposées, l'une favorable et l'autre qui nous éloigne des gains que nous avons réalisés jusqu'à maintenant.

Ma question s'adresse à n'importe lequel de nos témoins. Je me fonde sur le postulat que le comité a publié un rapport à la suite d'un examen statutaire de la LCPE. Le gouvernement a réagi à ce rapport et a fixé les paramètres généraux de sa décision qui ont mené à la rédaction du projet de loi C-74 et, maintenant, du projet de loi C-32. Je sais bien que bon nombre de secteurs, et le vôtre certes, n'étaient pas entièrement satisfaits de la réaction du gouvernement.

Tout d'abord, pourriez-vous me dire si vous êtes d'accord pour que l'orientation générale de la réponse du gouvernement à notre rapport initial serve de base à la mesure législative?

• 1625

M. Michael Cloghesy: Oui, monsieur Lincoln. La plupart des industries étaient d'accord, en grande partie, avec la réponse du gouvernement.

M. Clifford Lincoln: Dans notre optique à nous, il nous semble que le gouvernement a, dans sa réponse, établi sa propre position à l'égard des lois futures.

J'aimerais connaître votre opinion, si nous partons de ce postulat et que nous examinons ce qu'il en est des projets de loi C-74 et C-32. Cela fait partie des choses qui nous tracassent beaucoup.

Auparavant, l'application de cette loi relevait du ministre de l'Environnement et du ministre de la Santé. Nous avons maintenant adopté une nouvelle disposition, le paragraphe 2(2), dans lequel on dit:

    [...] s'il y a lieu, et le ministre responsable de l'exécution de cette dernière loi décident ensemble si les mesures prévues par celle-ci sont adéquates et suffisantes pour régir la question.

Si l'on fait le lien avec les paragraphes 93(5) et 93(6), qui portent sur... J'insiste sur tout le paragraphe 93(5), qui est en fait la principale disposition de cette loi, puisqu'il porte sur son objet principal, c'est-à-dire les substances toxiques.

En fait, pour commencer, n'importe quel ministre peut maintenant décider si une mesure est adéquate. Ce pouvoir, qui à notre avis était essentiel, n'appartient plus maintenant au ministre de l'Environnement.

Deuxièmement, le gouverneur en conseil peut maintenant soustraire à l'application de la loi des activités essentielles—l'importation, l'exportation, la fabrication, l'utilisation, la manutention...

    93(6) Les règlements [...] ne peuvent toutefois être pris que si, selon le gouverneur en conseil, ils ne visent pas un point déjà réglementé sous le régime d'une autre loi fédérale.

Autrement dit, et c'est un point que d'autres témoins ont également mentionné—il nous semble que la LCPE soit presque devenue une sorte de filet de sécurité plutôt qu'une loi à part entière. Elle est maintenant assujettie à d'autres lois.

Que pensez-vous de tout cela, comparativement à la réponse du gouvernement, qui n'a jamais abordé tous ces sujets?

M. Michael Cloghesy: Je vais essayer de répondre à votre question, car je crois comprendre ce que vous voulez dire.

La différence entre la réponse du gouvernement, qui ne reprenait peut-être pas exactement les dispositions du projet de loi précédent, qui conférait expressément ces pouvoirs au ministre de l'Environnement et au ministre de la Santé, et le projet de loi actuel vient de ce que depuis cette époque, le gouvernement a mis en place dans tous les ministères une stratégie de développement durable. C'est ce qui explique la différence, à mon avis.

Par conséquent, le gouvernement doit tenir compte dans toutes les lois qu'il adopte, qu'elles portent sur l'économie ou l'environnement, des aspects liés à l'environnement et à l'économie. Il y a donc une sorte de mécanisme de vérification interne dans le système.

Autrement dit, il y a dix ans, ce n'était pas le cas. Il fallait un ministre de l'Environnement pour voir à ce qu'un ministère davantage axé sur l'économie ne puisse s'écarter des objectifs de qualité de l'environnement fixés par le gouvernement.

À l'heure actuelle, tous les ministères devraient appliquer les principes du développement durable et trouver cet équilibre entre les avantages économiques et les inconvénients environnementaux. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit vraiment un problème, puisque le gouvernement a maintenant intégré l'environnement à ses objectifs stratégiques, tout comme bon nombre d'entreprises ont intégré l'environnement à leurs plans stratégiques d'affaires. Par conséquent, les contrôles et vérifications ne se limitent pas au ministère de l'Environnement, ils sont présents dans tout le gouvernement. Voilà mon opinion à ce sujet.

• 1630

M. Clifford Lincoln: Croyez-vous que cela soit suffisant pour conférer au gouverneur en conseil des pouvoirs aussi étendus d'apporter des exceptions? Croyez-vous que cela suffise pour que le gouverneur en conseil, le gouvernement ou un autre gouvernement puisse à son gré annuler par décret en conseil toutes ces dispositions de la LCPE?

M. Michael Cloghesy: Je vais essayer de répondre à votre question. Il s'agit là aussi de décisions du gouvernement. Ce n'est plus une décision d'un ministre, mais une décision du gouvernement. Le gouvernement doit composer avec les conséquences de ses décisions. Ce sont des décisions politiques, et d'après tous les sondages réalisés récemment auprès de la population canadienne, personne ne souhaite un amoindrissement de la qualité de l'environnement. Au contraire, la population veut une augmentation de la qualité de l'environnement.

Le gouvernement, ou tout autre groupe politique d'ailleurs, ferait preuve de très courte vue s'il prenait des décisions qui puissent nuire à l'amélioration de la qualité de l'environnement au Canada.

M. Clifford Lincoln: Mon temps et presque écoulé. Il ne me reste qu'une question.

Le président: Votre temps est écoulé. Madame Carroll, s'il vous plaît.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je suis bien prête à partager.

Tout comme d'autres membres du comité, je suis un peu déboussolée par la différence entre les témoignages que nous avons entendus hier et ceux que nous entendons aujourd'hui.

Vous savez sans doute que notre comité a examiné l'accord d'harmonisation qui a été mentionné précédemment. La majorité des témoins que nous avons entendus à ce sujet nous ont dit qu'à leur avis—et bien des avis ont été exprimés—il n'existait pas ce double emploi et ce chevauchement que nous craignions en matière d'harmonisation, mais que l'accord comportait plutôt de nombreuses lacunes. Ils se sont dits très inquiets à ce sujet.

Notre rapport suivant portait sur le contrôle d'application. Nous nous inquiétions de ce qu'il y a trop peu de personnel sur le terrain pour appliquer la loi actuelle. Dans ces deux études, nous avons étudié les lacunes, le fait que dans la plupart des provinces, il n'y a pas suffisamment d'agents pour faire appliquer les lois en matière d'environnement.

On nous a dit hier que la LCPE, dans sa version proposée, comporte également des lacunes auxquelles il faudra apporter des corrections importantes. Vous nous dites aujourd'hui que ces lacunes n'existent pas. Vous comprendrez sans doute dans quel dilemme nous nous trouvons.

À titre de femme d'affaires, je pense quand même, comme la plupart d'entre vous, qu'une vaste majorité des entreprises canadiennes se montre consciencieuse. Nous devons toutefois tenir compte du petit nombre qui ne l'est pas, combler les lacunes évidentes et nous rendre compte que nous n'avons pas suffisamment de ressources pour l'application des lois. Que devons-nous faire de ce petit pourcentage d'entreprises qui peut encore endommager l'environnement suffisamment pour que le commissaire donne l'alarme? À titre de législateurs, comment pouvons-nous régler ce problème?

M. Michael Cloghesy: Nous savons tous que les budgets fédéraux, provinciaux et municipaux sont limités. C'est pourquoi nous sommes à ce point favorables à l'harmonisation, puisque c'est un moyen de rationaliser le processus et d'utiliser les quelques ressources qui restent là où elles sont le plus nécessaires. La solution, à notre avis, est d'utiliser ces ressources dans les divers ordres de gouvernement qui sont chargés de l'environnement, d'en faire le meilleur usage possible.

• 1635

Nous sommes d'accord avec les préoccupations que vous avez exprimées quant à l'application de la loi et nous estimons que c'est un problème sur lequel le gouvernement doit se pencher. Mais c'est également une décision politique, pour le gouvernement, que de décider à quoi il désire affecter ses ressources. L'une des façons de régler le problème est de mettre en oeuvre l'harmonisation le plus rapidement possible et concevoir un système qui fera une utilisation maximale des quelques ressources qu'il reste dans ce domaine au Canada.

M. Robert Redhead: Permettez-moi de faire quelques observations, puisque j'ai fait partie de l'un des groupes multipartites qui a étudié les dispositions sur l'évaluation environnementale de l'accord d'harmonisation.

Je crains moi aussi cet effet de nivellement par le bas. Mais je ne pense pas qu'il faille s'y attendre en l'occurrence. Ce n'est pas l'objectif de l'accord d'harmonisation. Tous ceux qui y souscrivent doivent veiller à ce qu'il ne prenne pas cette tangente.

L'autre élément dont j'aimerais parler, c'est l'application de la loi, ou du moins son insuffisance. Certains membres de la Chambre de commerce sont tout à fait en faveur d'une application rigoureuse et s'inquiètent de la possibilité qu'il en aille différemment, car ceux qui se conforment à la loi ont du mal à admettre que d'autres l'enfreignent. Sur ce point, nous sommes tout à fait du même avis.

Autrefois, je me suis moi-même occupé de réglementation et je sais à quel point il est difficile d'agir efficacement dans ce domaine. Nous invitons le gouvernement à veiller de très près à son programme d'application de la loi, mais nous lui demandons également de ne pas consacrer toutes les ressources supplémentaires à l'application de la loi au détriment des autres activités du ministère. On sait ce qui s'est passé en Ontario il y a quelques années lorsqu'on a constaté que la loi n'était pas appliquée. Les autorités provinciales ont engagé 57 agents d'application de la loi, mais aucun renfort n'a été accordé au service des approbations qui délivre les permis destinés à remédier aux problèmes environnementaux. Il faut donc aborder la question de façon équilibrée.

Mme Aileen Carroll: Merci. Je voudrais demander à M. Myers de répondre également. Je vous remercie, M. Cloghesy.

Je partage votre point de vue, M. Redhead. Je ne voudrais pas que le renforcement de l'application de la loi se fasse au détriment des autres services, mais vous admettrez qu'il faut envisager une revalorisation du budget de l'environnement pour que l'application de la loi soit suffisamment financée sans qu'on ait à affaiblir les autres services en les mettant à contribution.

M. Robert Redhead: Le ministère doit avoir les moyens nécessaires à sa mission. Je ne peux vous dire comment il doit se les procurer, mais il lui faut les moyens nécessaires pour faire respecter la législation applicable et pour mettre en place les interfaces avec ceux qui sont prêts à agir volontairement, de façon que leurs actions soient prises en compte et soumises à une vérification.

Mme Aileen Carroll: Je suis d'accord. Il ne faut pas que ceux qui ne respectent pas la loi privent de services la grande majorité des bons citoyens qui la respectent. Je vous remercie de votre point de vue éclairé.

Monsieur Myers.

M. Jayson Myers: Comme d'autres l'ont déjà dit, nous nous préoccupons beaucoup de la question de l'application de la loi. Pour pousser un peu plus loin le dernier argument de M. Redhead, je dirais qu'il n'est pas seulement question ici de la complexité de la loi ni des plans de prévention obligatoires imposés aux entreprises. Ce n'est pas simplement une question de coût, malgré toute l'importance de cet élément. Il y a aussi des problèmes concernant l'efficacité des efforts de développement durable déployés par l'industrie, les questions de chevauchement et de double emploi en l'absence d'harmonisation, d'allégement des systèmes de conformité et de définition des objectifs, qui doivent permettre aux entreprises de trouver des mécanismes bien adaptés pour les atteindre. Je pense que pour l'essentiel, tout dépend de l'efficacité visée par la loi proprement dite. Ce n'est pas une simple question de compétitivité et de coût.

M. Redhead a fait valoir que si l'on prélève des ressources dans un secteur du ministère pour les consacrer à l'application de la loi, on va ralentir, voire paralyser la procédure d'approbation et faire obstacle à des activités bénéfiques pour les entreprises.

• 1640

Il en va de même à l'intérieur des entreprises. Si elles prélèvent des ressources dans des secteurs plus efficaces en matière de prévention de la pollution ou d'amélioration de l'environnement pour la simple raison que la loi les oblige à le faire, je ne pense pas qu'on puisse parvenir ainsi à un véritable développement durable.

Voilà ce qui nous préoccupe. Ce n'est pas une simple question d'opposition entre l'économie et l'environnement. C'est aussi une question de rentabilité de la durabilité environnementale.

Le président: Merci, madame Carroll.

Avant de passer à la deuxième ronde, est-ce que quelqu'un d'autre a une question à poser?

Monsieur Jordan, puis la présidence.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je voudrais revenir sur cet argument de la réglementation rentable. Je repense aux théories de motivation, lorsqu'on essaye d'amener quelqu'un à faire quelque chose qu'il ne veut pas faire. Je ne veux pas dire que nous en sommes déjà à ce degré de coercition, mais nous n'en sommes pas loin.

Est-il véritablement essentiel de considérer les structures mises en place par les gouvernements, c'est-à-dire les mesures fiscales et la réglementation, pour essayer d'harmoniser les objectifs de la société en matière de salubrité de l'environnement, de santé de l'économie et de la société avec les objectifs des entreprises? Nous ne pouvons pas tout diriger à leur niveau. Nous n'avons pas besoin de la carotte et du bâton.

Je m'exprime ainsi parce que vous avez attiré mon attention, même si, en disant que l'argent investi dans la prévention de la pollution avait pour effet d'améliorer la compétitivité de l'entreprise. Est-ce que vous pourriez développer ce thème? Comment se fait-il que ceux qui refusent ce genre d'investissement sont désavantagés par rapport à la concurrence? Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce à cause de la réglementation? Les fonds de la recherche en prévention de la pollution finissent-ils par réduire les coûts de production? Qu'est-ce qui rend l'autoréglementation si efficace?

Mme Nancy Coulas: Les sociétés qui évitent d'utiliser certains produits dans leur procédé de fabrication n'ont pas à les éliminer, ce qui améliore leur compétitivité. Voilà un exemple.

M. Joe Jordan: D'accord.

Je voudrais poser une question à M. Redhead. Le comité de l'environnement de la Chambre de commerce a-t-il étudié ces questions de coût intégral, qu'on désigne parfois par le terme de «comptabilité verte»? Quelles politiques faudrait-il mettre en place pour mettre tout le monde sur un pied d'égalité au service des mêmes objectifs, qui devront être conformes à l'action du gouvernement?

Je crois que c'est la façon la plus commode d'agir.

M. Robert Redhead: Notre comité s'est interrogé sur les sujets qu'il devait étudier. Récemment, il a désigné les changements climatiques et la refonte de la LCPE. Nous devrions être prochainement en mesure de faire d'autres commentaires à ce sujet.

J'aimerais répondre à votre question concernant la prévention de la pollution et la réduction des coûts. Je viens d'une entreprise qui assurait les services d'élimination nécessaires, et je sais que pour ceux qui ne font pas de prévention de la pollution, ces coûts d'élimination peuvent être très élevés. Toute diminution du volume des matériaux à éliminer constitue autant d'économie pour l'entreprise. C'est une mesure très simple. Tout gestionnaire qui surveille ses coûts d'élimination sait qu'ils sont très faciles à calculer et qu'ils peuvent donner lieu très rapidement à des économies.

M. Joe Jordan: Une question supplémentaire. Nous avons parlé de l'accord d'harmonisation. À première vue, il est tout à fait logique de mettre en place les mêmes normes dans l'ensemble du pays. Mais pendant tout ce débat, une question me tracassait. En se départissant de cette responsabilité au profit des provinces, il nous semble qu'on renonce à la capacité de contrôler l'application de la loi et on considère avant tout l'avantage économique de l'opération.

Je voudrais citer l'exemple de la politique financière de l'Ontario, qui semble sortir de la récession. Si la province essaye de mettre l'accent sur la croissance, elle risque aussi, consciemment ou non, de considérer que le contrôle de la protection de l'environnement fait obstacle à sa croissance.

Est-ce un véritable problème? Faut-il craindre une telle possibilité lorsqu'on cède l'autorité et la responsabilité en matière d'environnement à la province?

• 1645

M. Michael Cloghesy: Encore une fois, il est indiqué clairement au début de l'accord—et j'en ai un exemplaire ici—que le niveau de gouvernement qui doit intervenir est celui qui occupe la meilleure position et qui dispose des meilleures ressources pour faire face au problème en cause. Il y a une négociation.

Personnellement, je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une cession automatique de pouvoirs de la part du gouvernement fédéral. Certaines provinces ne seront pas en mesure d'intervenir dans certains domaines et elles demanderont au gouvernement fédéral de continuer à s'en occuper, tandis que d'autres décideront d'en accepter la responsabilité.

Encore une fois, il est possible de vérifier si le système fonctionne ou non. Je ne partage donc pas les craintes d'un certain nombre de personnes à ce sujet.

M. Joe Jordan: Merci.

Le président: Avant de passer à la deuxième ronde, je voudrais poser quelques questions à M. Cloghesy, puis une question d'ordre général à laquelle tous les témoins pourront répondre.

Monsieur Cloghesy, en ce qui concerne la participation du public, vous avez dit dans la première partie de votre exposé que votre centre souhaite que n'importe qui puisse porter plainte et que tout citoyen puisse intenter des poursuites contre le gouvernement. Mais dès la fin de cette phrase, vous dites: «Cela étant dit, nous nous opposons à cette formule». Quel est exactement le point de vue du centre?

M. Michael Cloghesy: Bien. Je vais essayer de le préciser.

Il est vrai que les citoyens doivent avoir le droit d'intenter des poursuites en cas de situation environnementale problématique. Mais ce que nous disons en l'occurrence, c'est que si le gouvernement conserve cet article, il est normal que le citoyen poursuive le gouvernement responsable, et non pas, en première instance, la compagnie responsable. Il me semble que si le gouvernement n'assume pas sa responsabilité, le citoyen doit poursuivre celui qui ne s'est pas acquitté de sa tâche.

En ce qui concerne le deuxième aspect de notre argument, nous disons que nous ne souhaitons pas voir ce mécanisme employé dans la législation canadienne. En effet, nous voulons éviter une société de confrontation, semblable à la société américaine, où tout se décide dans les tribunaux. Les procès sont compliqués, coûteux et n'apportent pas grand-chose.

Nous avons au Canada un système qui nous permet de dialoguer...

Le président: Monsieur Cloghesy, excusez-moi de vous interrompre, mais c'est mon temps d'intervention que vous utilisez, et je ne dois pas le dépasser par respect pour mes collègues.

Cela étant dit, pensez-vous que le projet de loi C-32 pave la voie à d'innombrables procédures judiciaires à l'américaine?

M. Michael Cloghesy: Oui, malheureusement.

Le président: Votre centre considère-t-il donc qu'il faudrait supprimer cette disposition concernant la participation du public?

M. Michael Cloghesy: Si vous nous donnez le choix, oui.

Le président: Ma question suivante concerne la quasi-élimination prévue à l'article 64. Vos membres sont-ils tous favorables à cette définition?

M. Michael Cloghesy: Oui.

Le président: Tous?

M. Michael Cloghesy: Oui.

Le président: Les associations aussi?

M. Michael Cloghesy: Oui, pour autant que je sache.

Le président: Vous savez, ou vous ne savez pas?

M. Michael Cloghesy: Encore une fois, je représente les membres...

Le président: Ont-ils été consultés? Ma question est simple et directe. Vous énumérez ici une quinzaine d'associations. Est-ce qu'elles ont été consultées et sont-elles favorables à la quasi-élimination?

M. Michael Cloghesy: Je vais vous dire comment nous procédons quand nous rédigeons un mémoire. Le mémoire est envoyé...

Le président: Non, répondez-moi par oui ou par non. La procédure ne m'intéresse pas.

M. Michael Cloghesy: Je vois.

Le président: Quelle est votre réponse, oui ou non?

M. Michael Cloghesy: Je préfère vous répondre que c'est notre conseil qui décide de nos points de vue officiels, et qu'il a approuvé celui-là.

Le président: On peut donc en conclure que vos associations n'ont pas été consultées individuellement?

M. Michael Cloghesy: Non, pas forcément individuellement.

Le président: Merci.

La question d'ordre général est la suivante: il y a dans ce projet de loi une disposition assez importante pour tout organisme qui représente des sociétés et des associations. C'est l'article 330, qui traite de réglementation. Pour l'essentiel, cette disposition pourrait s'appliquer au besoin à certaines parties du Canada et à certaines personnes ou catégories de personnes. Est-ce que cette formule de réglementation sélective vous préoccupe?

• 1650

M. Michael Cloghesy: Pas particulièrement. Encore une fois, il s'agit là d'une décision du gouvernement et c'est donc à lui d'assumer ses décisions. À cet égard, nous estimons que ce mécanisme vise simplement à prévenir les abus.

Le président: Si je vous comprends bien, cela ne vous dérange pas que la formule sélective donne lieu à un système de réglementation qui serait moins strict dans la région des Prairies qu'en Ontario ou au Québec.

M. Michael Cloghesy: Évidemment, nous ne sommes pas certains des conséquences de cet article.

Le président: Mais vous venez de dire qu'il ne vous inquiétait pas; est-ce que vous en êtes sûr?

M. Michael Cloghesy: Nous ne sommes pas préoccupés par cet article.

Le président: Peut-être devriez-vous l'être. Vous ne pensez pas?

M. Michael Cloghesy: Non, car nous estimons que le système comporte un équilibre des pouvoirs, si bien que cet article ne nous préoccupe pas.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bachand, s'il vous plaît.

M. Claude Bachand: Je vais poursuivre un peu dans la même veine que le président puisque je m'apprêtais à poser une question semblable à celle qu'il a posée il y a quelques minutes.

Il y a une idée assez répandue au sein de la population, y compris chez les groupes environnementaux, à savoir que vous favorisez beaucoup la diminution du fardeau administratif de vos entreprises. Il est un peu normal, dans un marché de globalisation, dans un marché international, qu'on essaie de garder le fardeau administratif le plus léger possible. Les gens disent que cela est inconciliable avec le maintien de normes environnementales élevées. Autrement dit, on réclamerait des normes environnementales plus basses ou minimales afin que les fardeaux administratifs le moins lourds possible.

En lisant la loi, je me rends compte que c'est là que la participation du public devient importante. J'aimerais aller un petit peu plus loin sur l'aspect que soulevait M. Cloghesy. Il me semble que le libellé actuel du projet de loi permet à des gens d'intenter des poursuites. Je trouve un peu fort que vous alliez aussi loin, monsieur Cloghesy, en disant: «Si le gouvernement n'est pas capable de faire respecter sa propre loi, qu'on poursuive le gouvernement.» La première responsable n'est-elle pas l'entreprise qui cause un tort à l'environnement?

Je me demande s'il est possible de concilier des normes environnementales élevées et une diminution du fardeau administratif. Je pense que cela a une répercussion directe sur une diminution au minimum des clauses de protection environnementale. Si on diminue les clauses environnementales et que des entreprises provoquent des dégâts du côté de l'environnement ou risquent de provoquer des dégâts, il est juste et équitable que la loi permette à un simple citoyen d'intenter des poursuites, non pas contre le gouvernement, mais d'abord contre le principal responsable. C'est le principe du pollueur-payeur: c'est à lui à payer.

J'aimerais entendre votre réaction à ce que je viens de soulever.

M. Michael Cloghesy: Vous soulevez un point intéressant. Si une compagnie ne respecte pas la loi et les règlements du pays, c'est évidemment au gouvernement qu'il revient d'imposer des sanctions ou des pénalités. C'est ce que la loi prévoit. C'est de cette façon que la compagnie sera pénalisée. Le gouvernement a la responsabilité et l'autorité de pénaliser les compagnies qui dérogent aux termes de la loi et des règlements.

Les aspects administratifs qu'on devrait vraiment viser sont les résultats. Nous croyons qu'il faut réduire au minimum les lourdeurs administratives. De telles lourdeurs exigent beaucoup de ressources, tant du côté des compagnies que des gouvernements.

Nous soutenons donc que le citoyen devrait être en mesure de poursuivre le gouvernement si le gouvernement n'assume pas ses responsabilités. Et, comme je le mentionnais, le gouvernement peut ensuite pénaliser la compagnie qui commet une infraction.

• 1655

Le président: Merci, monsieur Bachand.

[Traduction]

C'est maintenant à M. Charbonneau d'intervenir. Voulez-vous continuer?

M. Yvon Charbonneau: Non.

Le président: Monsieur Lincoln.

M. Clifford Lincoln: Pendant notre séance sur le contrôle d'application, nous avons recueilli un témoignage très intéressant. Je voudrais revenir sur les questions de M. Gilmour concernant l'observation volontaire.

Le chef de la division des inspections de la région du Pacifique et du Yukon à Environnement Canada, Peter Krahn, a fait une étude sur les mesures d'application de la loi dans son territoire. Je voudrais citer ces premières conclusions:

    [...] les secteurs industriels qui misent uniquement sur l'auto-surveillance et l'observation volontaire avaient un taux de conformité de 60 p. 100 contre 90 p. 100 de taux moyen de conformité pour les industries qui sont assujetties à la réglementation fédérale et à un programme d'inspection cohérent. Les programmes d'observation volontaire et les programmes d'inspection par les pairs n'ont pas donné des taux de conformité satisfaisants.

En fait, cela confirme ce que nous avons appris notamment du rapport de KPMG.

N'est-ce pas conforme à la question de Mme Carroll? Si on opte pour l'auto-surveillance ou l'observation volontaire plutôt que pour une réglementation associée à un programme cohérent d'inspection, peut-on espérer la conformité de la part de toutes les sociétés commerciales, y compris des brebis galeuses?

M. Robert Redhead: Monsieur Lincoln, j'aimerais vous apporter une réponse.

D'après les discussions que j'ai eues sur le sens du mot «volontaire»... Je trouve parfois que le mot «volontaire» est un mauvais choix, puisque nous parlons ici de responsabilité financière et de mesures du rendement. Je ne pense pas que l'«auto-surveillance» telle qu'elle a été présentée soit l'équivalent des mesures volontaires envisagées par les entreprises. Et je voudrais encore une fois faire référence au modèle de gestion responsable.

Le Groupe de nouvelles orientations a également publié un document qui décrit les mesures à prendre pour obtenir des initiatives véritablement volontaires, qu'on appelle «non réglementaires» par opposition à volontaire.

La première chose à faire est de doter des moyens nécessaires les mécanismes qui font appel à la responsabilité financière. Tous les partisans de cette formule—du moins ceux que je connais—misent là-dessus pour faire échec aux resquilleurs et aux brebis galeuses.

Tout système nécessite de la surveillance; on en revient au fondement même d'application de la loi. Nous n'avons pas à nous prononcer sur la façon dont le gouvernement devrait employer ses ressources financières, mais en définitive, il faut que les mécanismes volontaires comportent des régimes de vérification. Il faut mettre en place un système de vérification doté des effectifs nécessaires.

Voilà comment j'envisage la question.

M. Clifford Lincoln: Mais il y a là une contradiction que je ne parviens pas à résoudre. Si je suis le raisonnement de M. Cloghesy dans sa réponse à M. Caccia concernant le droit individuel d'intenter des poursuites, M. Cloghesy dit que le gouvernement a la responsabilité d'adopter des règlements et que s'il n'applique pas ces règlements, les citoyens devront poursuivre n'ont pas l'industrie en cause, mais le gouvernement. Or, les industriels disent au gouvernement: «Ne nous imposez pas de règlements».

Les règlements sont en réalité la concrétisation de la loi. Sans règlement, la loi est inopérante. D'un côté, on refuse la réglementation et de l'autre, on dit que si le gouvernement n'applique pas ces règlements, le simple citoyen devrait poursuivre le gouvernement, et non pas l'industrie en cause.

Monsieur Cloghesy, s'il n'y a pas de réglementation, comme le demande l'industrie et si l'on applique un modèle non réglementaire, pourquoi le citoyen devrait s'en prendre au gouvernement plutôt qu'à l'industrie qui a demandé l'élimination des règlements?

• 1700

M. Michael Cloghesy: Pour vous répondre, je voudrais préciser un élément fondamental qu'il importe de bien comprendre.

Je ne pense pas que les secteurs industriels que nous représentons préconisent un système sans réglementation. Au contraire, nous avons besoin de réglementation. Nous avons besoin de règlements simples, bien définis, comportant des objectifs réalistes, et nous serons les premiers à demander... Nous avons exercé des pressions, non pas nécessairement au niveau fédéral mais au niveau provincial, pour qu'on mette en place de nouveaux règlements qui mettent tout le monde sur un pied d'égalité.

Ne vous méprenez pas sur ce qu'on dit des systèmes volontaires. Ils ne sont qu'un outil supplémentaire pour atteindre certains objectifs, mais il faut quand même mettre en place une structure de réglementation, car s'il y a de bons acteurs, il en existe aussi de mauvais; comme l'ensemble de la population, le monde des affaires est ce qu'il est. Nous demandons non pas moins de réglementation, mais une réglementation meilleure, épurée.

Le président: Merci. Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Je voudrais prolonger les commentaires de M. Lincoln. Je demande votre indulgence, car je ne fais pas partie des vétérans du Comité de l'environnement. Je n'ai qu'un an d'expérience et j'ai eu tout à apprendre.

Quand vous parlez de vérification des mesures volontaires, faut-il comprendre que pour les associations d'entreprises que vous représentez, il faudra que vous vous portiez responsables des brebis galeuses? En tant que membres de l'ordre législatif, pouvons-nous compter sur votre collaboration à cet égard?

Je suis très conscient des obligations que nous avons envers nos électeurs, pour qui la protection de l'environnement fait partie des trois premières priorités. Je signale que j'ai bien connu le monde des affaires et qu'en tant qu'échevin du district du centre-ville, j'ai siégé à la Chambre de commerce. C'était un milieu très agréable, qui m'a permis d'établir de bons partenariats dans le monde des affaires.

Nous avons entendu hier des groupes environnementaux tout à fait crédibles, qu'on ne peut en aucun cas qualifier de marginaux, et qui nous ont dit que le projet de loi comportait de sérieuses imperfections et créait des lacunes. Puis-je espérer en toute confiance trouver dans vos associations des gens capables de distinguer les brebis galeuses, sachant ce qu'elles vous coûtent, du reste du troupeau, et puis-je espérer que vous serez là à nos côtés pour établir des garde-fous si l'on constate des lacunes?

Comme vous, je souhaite que nous ne nous engagions pas sur la voie de la confrontation à l'américaine, mais en revanche, un témoin nous dit que dans certains domaines, nous faisons piètre figure à côté de nos voisins américains.

M. Jayson Myers: Disons tout d'abord que dans le débat d'aujourd'hui, j'ai l'impression qu'on part du principe que les mesures volontaires sont plus ou moins distinctes de toute la structure de réglementation dont il est question et qu'avec ce projet de loi, on se retire de cette structure pour permettre aux sociétés de faire ce qu'elles veulent sans se soucier des procédures comptables, des questions de responsabilité et sans subir de surveillance ni de vérification.

En fait, bon nombre de procédures, notamment la procédure ISO, comportent des vérifications auxquelles les compagnies doivent se soumettre pour avoir droit à la norme et pour la conserver.

Dans une certaine mesure, il existe déjà des systèmes intégrés de surveillance et de vérification; on aurait tort de ne pas le reconnaître. Mais le système est suffisamment souple pour permettre à l'industrie de prendre des mesures volontaires. Personne ici ne préconise la mise en place d'un processus totalement indépendant de la structure de réglementation qui permettrait aux sociétés de faire ce qu'elles veulent sans être assujetties à des méthodes comptables.

• 1705

M. Robert Redhead: Dans le prolongement de ces réflexions, j'étais en train de me demander si nos associations sont mieux placées qu'un ministère pour s'en prendre aux brebis galeuses.

En ce qui concerne les possibilités offertes par ces programmes volontaires, les industries qui s'y conforment et qui les appliquent devraient nous permettre de démasquer ceux qui ne s'y conforment pas, puisque la conformité va devenir la norme. Si l'on considère la notion de bonne intendance, l'imposition des exigences ISO aux fournisseurs si les entreprises commencent à imposer certaines exigences à leurs fournisseurs pour respecter leurs normes... tout cela va permettre de confondre les brebis galeuses.

Une association ne peut pas toujours s'en prendre à quelqu'un qui décide de ne pas respecter la loi. Mais nous pouvons mettre en place des dispositifs auxquels toutes les entreprises voudront se conformer, et nous pouvons leur faciliter la tâche. Nous devons notamment affirmer sans ambiguïté que la législation en vigueur doit être respectée.

Le président: Monsieur Cloghesy, voulez-vous conclure?

M. Michael Cloghesy: Si vous me permettez de compléter notre point de vue sur ce sujet, je dirais qu'à mon avis, on ne peut pas demander aux entreprises ou au secteur privé d'assumer la responsabilité des brebis galeuses. Le gouvernement et la réglementation sont là pour s'occuper d'elles.

Je dois cependant signaler que les forces du marché vont assurer la conformité. Les sociétés ont des conseils d'administration. Personne ne veut siéger au conseil d'administration d'une société qui pollue et qui enfreint la loi. Les entreprises ont leurs actionnaires. Ils ne veulent pas placer leur argent dans une société qui pollue. Les sociétés ont des clients, qui ne veulent pas s'approvisionner auprès d'une société qui pollue. Ce sont donc des forces du marché qui vont infléchir l'évolution de la situation, mais on ne peut pas miser sur des éléments qui ne seront aussi précis qu'un règlement. Il faut donc que la réglementation soit elle aussi en place.

Le président: Monsieur Reid.

M. Timothy Reid: Monsieur le président, je voudrais simplement dire que depuis trois ou quatre ans, des changements considérables sont intervenus dans la direction des sociétés privées; les spécialistes affirment que les dirigeants d'entreprises ont désormais un véritable souci de bonne intendance de l'environnement.

J'ai beaucoup lu sur ce sujet récemment. Si vous regardez les changements survenus en Amérique du Nord en ce qui concerne la définition de la bonne administration, les comités des conseils d'administration qui évaluent le rendement du conseil, qui analysent froidement l'action du PDG, si vous tenez compte des sanctions auxquelles s'expose une compagnie ou un conseil d'administration, notamment l'emprisonnement—un article du projet de loi prévoit une peine d'emprisonnement ne dépassant pas trois ans ou une sanction pécuniaire—les conseils d'administration vont en tenir compte et diront à leurs PDG qu'ils ne veulent pas s'exposer à ce genre de sanctions, que toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour qu'aucune sanction de ce genre ne vienne ternir l'image de marque de la société.

Je constate donc l'émergence, dans le secteur privé, de ce souci nouveau de bonne intendance qui forcera ce dernier, par le biais des conseils d'administration, à appliquer la loi.

Le président: Je vous remercie, monsieur Reid.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Malgré tous les propos des cinq dernières minutes j'ai l'impression, d'après ce que nous avons entendu auparavant, en particulier d'après vos commentaires, monsieur Cloghesy, que mis au pied du mur vous préférez l'observation volontaire à la réglementation, à l'application de la loi et à la surveillance. Est-ce que je me trompe?

M. Michael Cloghesy: Vous avez raison.

M. David Pratt: La difficulté que j'y vois—et j'aimerais que vous me rassuriez là-dessus, si vous le pouvez—c'est qu'il n'existe tout simplement pas de mécanismes de responsabilisation, quand le système d'observation est volontaire. Vous aurez beau vous évertuer à vouloir me persuader que le nouveau système de bonne administration fonctionne et est appliqué par les conseils d'administration, et que les acheteurs aussi bien que les actionnaires comprennent l'importance de ces mesures, mais si j'étais actionnaire, si je détenais des titres dans une société, ce qui m'intéressait avant tout, ce sont les dividendes et l'augmentation éventuelle, en Bourse, de la valeur de ces titres.

À mon avis c'est faire preuve de naïveté que de parler de mesures... Quand il s'agit de sociétés et de règlements pour protéger l'environnement, ce qui importe avant tout, dans une économie de marché libre, c'est la valeur future des actions et leur rendement.

• 1710

M. Michael Cloghesy: À court terme on peut certes prendre des décisions visant à privilégier avant tout les actionnaires mais de telles décisions pourraient s'avérer peu judicieuses à moyen et à long terme. On constate une tendance, dans les sociétés où on a pris davantage conscience de l'importance de l'environnement, à faire une place plus large aux considérations de moyen et de long terme plutôt qu'à ne viser que le court terme. Ce sont donc là des décisions d'affaires, de décisions qu'il vous faut prendre quand vous êtes PDG d'une société. C'est tout ce que je peux vous dire.

C'est pourquoi je préconise une réglementation, car aucun de ceux ici présents n'a prétendu que les mesures volontaires pouvaient remplacer les règlements. Ce sont simplement des mécanismes de remplacement qui donnent plus de latitude à la société et lui permettraient même d'aller plus loin que ce qu'exigent les règlements. Pourquoi? Parce qu'il y a des avantages, du point de vue coûts, à prendre ce genre de mesures. Nous pourrions, si le comité nous le demande, vous donner de nombreux exemples de ces situations où d'un point de vue économique, la société en question a tout à gagner. L'environnement est maintenant considéré par de nombreux PDG comme étant un créneau commercial.

M. David Pratt: Je ne nie pas que certaines sociétés agissent sagement, de leur propre gré, mais si l'on aborde les questions d'environnement de haut à long terme, ce qui importe n'est pas ce qui se passe cette année, l'an prochain ou l'année suivante, c'est ce qui se passe d'un trimestre à l'autre, et comment le marché y réagira. Je suis sûr que vous ne me contredirez pas sur ce point.

M. Michael Cloghesy: Ce sont là, je le répète des décisions de gestion, et c'est à chaque PDG et à son conseil de les prendre. Certains sont des chefs éclairés, et d'autres... Il y a diverses manières de faire des affaires, et c'est tout ce que je peux vous dire là-dessus. Je ne sais pas si mes collègues auraient quelque chose à ajouter.

Le président: Je vous remercie, monsieur Cloghesy.

Y a-t-il d'autres réflexions sur ce sujet?

M. Timothy Reid: Ce que j'ai pu constater, non certes d'après d'après des sondages, mais en regardant autour de moi, c'est que sur ce continent les PDG qui ont la réputation de ne prendre en compte que le court terme ne font pas long feu. C'est certainement dû, dans une grande mesure, à l'action du Forum économique mondial. Nous allons constater de plus en plus souvent, je pense, que les performances ne seront pas jugées d'après les résultats trimestriels, encore que c'est là ce que publient les journaux, je vous l'accorde; mais elles seront jugées dans une perspective beaucoup plus longue. Vous avez des fonds mutuels, par exemple, qui n'achètent pas les actions de certaines sociétés et qui constituent ainsi une force du marché.

J'en reviens aux membres des conseils d'administration, dont la responsabilité prend beaucoup plus de relief. Il n'est pas de meilleur aiguillon, pour un directeur, que de savoir que s'il ne respecte pas certaines règles la société à laquelle il est associé et son conseil d'administration, seront accusés, dans les journaux, de manquer du sens des responsabilités sociales et seront cloués au pilori. Certaines forces, dans notre société, sont à l'oeuvre qui n'existaient pas il y a encore une dizaine d'années.

Le président: Je vous remercie, monsieur Pratt.

Nous allons avoir une dernière série de questions sur le sujet des ordres de suspension, mais j'aimerais, auparavant, faire une brève remarque sur ce dernier échange d'idées qui évoque deux points de vue—dirais-je, philosophiques—différents sur la même question. Dans un cas il s'agit de mesures prises a posteriori, en réaction à certains faits, par exemple devant certains comportements répréhensibles, qui entraînent certaines conséquences, pour lesquelles il faudra payer un prix et les choses rentreront ensuite dans l'ordre. L'autre approche, c'est qu'il vaut mieux prévenir que guérir, et c'est probablement celle qui devrait être l'approche des gouvernements: les mesures de correction, d'amélioration de redressement d'une situation portant sur l'air, l'eau et le sol ne peuvent être préférables à une anticipation et à une prévention des problèmes. C'est parce que nous partons de deux principes différents que nous semblons tourner en rond.

• 1715

J'aimerais poser à M. Myers la question suivante, car il est le seul à avoir parlé des ordres de suspension. Dans l'une de vos trois recommandations, vous recommandez que les agents des bureaux locaux obtiennent l'approbation d'un directeur avant d'émettre un ordre de suspension. Quelle est la logique derrière cette recommandation?

M. Jayson Myers: Permettez-moi de demander à Nancy de répondre à cette question.

Mme Nancy Coulas: Quand nous parlons de «directeur», nous entendons par là un des cadres du ministère de l'Environnement. Les agents des bureaux locaux manquent parfois d'expérience et nous ne pensons pas que...

Le président: Excusez-moi, mais pourquoi dites-vous qu'ils manquent d'expérience? Qu'est-ce qui vous donne à penser cela?

Mme Nancy Coulas: C'est une constatation qui a souvent été faite.

Le président: Avez-vous des preuves à l'appui?

Mme Nancy Coulas: Oui.

Le président: Donnez-nous-en.

Mme Nancy Coulas: Je devrais m'adresser à certaines de nos sociétés pour vous apporter des preuves, mais c'est ce qui m'a été dit par plusieurs des sociétés qui sont membres de notre association.

Le président: On vous l'a rapportée, mais c'est une information de seconde main; vous ne l'avez pas vérifiée, n'est-ce pas?

Mme Nancy Coulas: Mais je pourrais le faire.

Le président: Vous pourriez? Eh bien faites-le, ce serait fort apprécié.

Continuez. Quel est donc votre raisonnement?

Mme Nancy Coulas: Il est évidemment très grave, pour une société, de devoir arrêter son activité pendant un certain temps: elle risque de se trouver dans l'obligation de fermer définitivement ses portes.

Le président: Et dans votre seconde recommandation vous dites: «L'ordre de suspension ne doit être délivré que lorsqu'il a danger imminent pour la santé humaine ou l'environnement». Qu'entendez-vous par «imminent»?

M. Jayson Myers: Nous voulons dire par là que des ordres de suspension ne doivent pas être donnés à la légère. Comme le disait Nancy, une telle suspension pourrait avoir des effets désastreux pour l'entreprise même. Ces ordres ne devraient être donnés, d'après nos membres, qu'en cas d'absolue nécessité et après qu'on ait procédé à toutes les vérifications nécessaires.

Le président: C'est une chose que de dire «en cas de nécessité», une autre que de parler de danger «imminent». Seriez-vous disposé à modifier votre recommandation en remplaçant «imminent» par «en cas de nécessité»? Est-ce que cela vous paraît acceptable?

M. Jayson Myers: Quand on parle de «nécessité», on entend par là que des dégâts considérables sont sur le point d'être causés à l'environnement, cela signifie qu'il y a besoin si pressant qu'il n'y a pas d'autre moyen d'y répondre, sinon en délivrant un ordre de suspension.

Le président: Eh bien, c'est différent de «imminent».

M. Jayson Myers: En ce cas la recommandation peut être comprise de la façon dont je viens de l'interpréter.

Le président: Vous voulez donc mettre «en cas de nécessité»?

M. Jayson Myers: «En cas de nécessité» signifie quand il n'y a pas d'autre solution.

Le président: Très bien.

Est-ce que la Chambre canadienne de commerce ou le Centre patronal de l'environnement du Québec ont des commentaires à faire sur les ordres de suspension, puisqu'ils ne l'ont pas fait dans leurs mémoires respectifs?

M. Robert Redhead: Non, monsieur le président.

Le président: Est-ce que cela signifie que vous êtes d'accord avec l'Alliance, ou que vous n'avez pas d'autre opinion là-dessus?

M. Robert Redhead: Nous n'avons pas examiné la question, et je ne puis donc donner une réponse sans avoir consulté mon comité.

Le président: En est-il de même pour vous, monsieur Cloghesy?

M. Michael Cloghesy: C'est exact, nous n'avons pas examiné cette question en détail.

Le président: Dans ce cas, y a-t-il d'autres questions?

M. Clifford Lincoln: J'ai une brève question à poser à M. Cloghesy.

Dans la conclusion du mémoire du Centre, vous dites que nous devrions adopter le projet de loi C-32 tel quel, ou avec vos propres amendements. Si vous avez l'intention de l'amender, est-ce que cela signifie pour autant que tous les amendements proposés par d'autres doivent être écartés?

M. Michael Cloghesy: Permettez-moi de vérifier la version originale en français.

Il s'agit surtout des amendements que nous proposons.

M. Clifford Lincoln: Oui, le Centre patronal de l'environnement du Québec, et non pas vous personnellement.

M. Michael Cloghesy: Certainement.

• 1720

M. Clifford Lincoln: Est-ce que vous proposez donc que nous mettions fin ici à nos travaux? Est-ce que nous devrions adopter le projet de loi C-32 tel quel, et dans la négative, avec de nouveaux amendements, de telle sorte que nous n'examinerions pas les amendements que d'autres pourraient proposer, et qui pourraient être différents? Nous pourrions dire que ce projet de loi ne va pas assez loin et nous pourrions l'améliorer, car nous verrons un grand nombre de témoins dont chacun, fort probablement, présentera un point de vue différent et apportera des amendements. À votre avis, devrions-nous nous contenter de dire que le projet de loi C-32 est à prendre tel quel et, si nous envisageons des amendements, que ce ne soit que ceux proposés par le Centre patronal de l'environnement du Québec?

M. Michael Cloghesy: Nous avons le droit d'avoir notre point de vue. Cela dit, ce projet de loi constitue, nous l'avons déjà dit, un équilibre délicat. On peut, certes, y apporter certains ajustements mineurs, sans compromettre cet équilibre, mais il ne peut s'agir que d'ajustements mineurs, c'est là ce que nous voulons dire.

Le président: Je vous remercie.

Nous prenons certainement note du fait que le Centre patronal de l'environnement du Québec, la Chambre canadienne de commerce, et l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Canada sont en faveur d'une adoption rapide de ce projet de loi. Nous vous remercions d'être venus, nous avons pris connaissance avec intérêt de vos mémoires ainsi que de vos réponses, et avons apprécié la franchise avec laquelle vous avez répondu. Nous voulons donc vous remercier du temps et des efforts que vous nous avez consacrés, et ne manquerons pas de vous consulter, entre autres pour d'autres projets de loi.

La séance est levée.