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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 10 juin 1999

• 0910

[Français]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur la gestion et l'utilisation des produits de lutte antiparasitaire au Canada.

[Traduction]

Nous accueillons aujourd'hui deux témoins, après quoi nous examinerons le budget du comité et un budget supplémentaire pour le projet de déplacement à Halifax. Il nous faut un plus grand quorum pour examiner le budget que celui requis pour entendre des témoins. Nous allons commencer par le témoignage de nos invités, en commençant par Mme Langer, du Fonds mondial pour la nature.

Bienvenue. J'imagine qu'il n'est pas nécessaire de préciser le thème de la réunion. Vous disposez d'environ dix minutes pour faire votre exposé, après quoi l'on passera aux questions et réponses. Nous sommes très heureux de vous accueillir ici parmi nous.

Mme Julia Langer (directrice, Programme de la toxicologie faunique, Fonds mondial pour la nature): Merci beaucoup.

J'aimerais commencer par me présenter à vous, très brièvement. Je m'appelle Julia Langer et je suis directrice du programme de la toxicologie faunique au Fonds mondial pour la naturel Canada. Le Fonds mondial pour la nature est une organisation qui se consacre à la conservation. Nous avons, au début de notre travail, concentré nos efforts sur les espèces menacées de disparition au Canada et partout dans le monde, mais il est vite devenu très évident que l'on ne peut pas protéger une espèce sans protéger l'habitat dont elle a besoin pour se nourrir et s'abriter.

Nous avons lancé, à l'échelle du Canada, une campagne exhaustive de protection des espaces en danger dans le but de protéger l'habitat naturel des espèces. Il est vite ressorti que dans de nombreux cas des espèces étaient menacées non pas faute d'habitat mais bien à cause de contamination—et je citerai, à titre d'exemples, le bélouga dans le fleuve Saint-Laurent et la chouette des terriers dans les Prairies. Nous avons donc lancé une campagne et un nouveau programme de recherche sur les risques toxiques auxquels est exposée la faune. Notre but est d'éliminer les risques toxiques pour la faune au Canada.

Voilà ce qui nous amène à la question des pesticides, car les pesticides sont une catégorie de contaminants qui sont délibérément mis dans l'environnement et qui peuvent avoir un impact sur la faune. Lorsqu'on y pense, nous ne sommes pas très différents des animaux, et les êtres humains sont eux aussi exposés.

Ce dont je vais vous entretenir aujourd'hui c'est le régime de réglementation des pesticides, sur lequel se penche le comité ici réuni. À notre avis, le système canadien de réglementation des pesticides est brisé et doit être réparé. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada est censée être un centre multiservice pour la protection de la santé et de l'environnement au Canada contre les menaces posées par les pesticides. Or, et le cadre de réglementation des pesticides, c'est-à-dire ce qu'exige et ce que permet la loi, et les priorités visées depuis sa création, c'est-à-dire quels sont ses principaux clients et quels services sont efforts, ont miné ce rôle.

Le manque de leadership de la part d'organismes autres que l'ARLA, qui devraient appuyer la partie solutions de remplacement et réduction des pesticides de l'équation—organismes agricoles fédéraux, ministères de forêts et des pêches et, au niveau local, parcs locaux et organismes de santé publique, auxquels il faut encore ajouter les collèges agricoles—vient aggraver la situation quant à l'impact des pesticides. Il n'est guère étonnant que des pesticides toxiques continuent d'être utilisés couramment.

Ce que j'aimerais examiner, c'est le système d'homologation des pesticides et la capacité d'offrir des solutions de rechange. Il importe d'apporter rapidement d'importantes améliorations sur ces deux plans si l'on veut stopper les effets néfastes des pesticides sur les humains et la faune et veiller à ce que le Canada ne continue pas de compter chez les pesticides chimiques. Le commissaire à l'environnement en a amplement traité dans son récent rapport. Mais ce dont il n'a pas parlé, et ce dont j'aimerais vous entretenir, c'est la façon dont le système pourrait être corrigé en vue de protéger la santé et l'environnement. Ce que nous offrons, ce sont des recommandations et un plan d'action.

Ma première recommandation serait que l'on crée tout de suite un programme de réévaluation. Bien que l'on dispose de données sur l'incidence des pesticides sur la faune et sur les humains accumulées au fil des nombreuses années après de chercheurs universitaires et de chercheurs de l'industrie elle-même, par exemple, rares sont les produits qui ont fait l'objet d'une évaluation officielle et les quelques produits qui ont été réexaminés ne l'ont été que de façon ponctuelle. Il n'existe pas de critères précis en matière de délais et il n'y a aucun mécanisme d'appel public une fois une décision rendue. Il n'existe pas de critère précis en matière de déclenchement d'examens et il n'y a pas non plus communication de renseignements en vue de réévaluations. Le commissaire à l'environnement a également critiqué ces aspects-là.

• 0915

J'ai eu l'occasion de lire les témoignages de certaines personnes qui ont comparu devant vous avant moi, et il me semble que la promesse du Dr Franklin de réexaminer tous les pesticides d'ici à l'an 2007 sonne un peu creux à cause d'un certain nombre de questions, dont l'insuffisance côté récupération des coûts n'est pas la moindre.

L'un des principaux aspects qui ont été revus lorsque la non-récupération totale des coûts est ressortie a été la réévaluation, et il semble que les fonds nécessaires ne sont toujours pas là. J'ai par ailleurs relevé, et je le savais, que l'ARLA propose, ce qui est très mal avisé, que la réévaluation soit conditionnelle à la réalisation d'économies du côté homologation. Cela est inacceptable. La réévaluation doit être une priorité non pas rhétorique mais bien réelle, et cela peut être fait sans qu'il faille modifier la Loi sur les produits antiparasitaires (LPA), mais il nous faut certainement modifier cette dernière pour la rendre plus exigeante et pour imposer une normalisation.

En bout de ligne, le ministre de la Santé doit être redevable pour les pesticides qui sont diffusés dans l'air, l'eau et les aliments, et il doit pouvoir compter que les produits homologués ne posent pas de risques inacceptables. Mais étant donné l'actuelle application de la loi, je pense qu'il serait impossible pour M. Rock de garantir aux Canadiens que les pesticides utilisés à l'heure actuelle ne posent pas de tels risques à la faune ni de tels risques aux gens, car ces produits ne font pas l'objet d'un examen régulier.

La deuxième recommandation serait que l'on interdise tout de suite les polluants organiques rémanents (POR), en tant que tels ou en tant qu'ingrédients de pesticides. Comme nous l'avons constaté dans le cadre des discussions qu'a eues le comité sur la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE), la politique de gestion des substances toxiques comporte une disposition visant les substances de catégorie 1, qui sont des équivalents toxiques au sens de la LCPE, qui sont persistantes et qui sont bioaccumulatives. Les substances qui intéresseraient l'ARLA seraient les dioxines, les furannes, l'hexachlorure de benzène et le DDT ainsi, à notre avis, que le tributylétain, même si ce produit ne fait à l'heure actuelle pas partie de la catégorie 1.

Pour que cela se fasse, il importe que l'ARLA repense son plan de mise en oeuvre de la Politique de gestion des substances toxiques (PGST), qui comporte de sérieuses failles. Par exemple, cette politique autorise l'homologation nouvelle et maintenue de substances de la catégorie 1 au nom de la réduction des risques, ce qui est selon nous une contradiction. Voilà donc ce qui doit être fait. Et cela devrait être fait tout de suite.

La troisième chose serait l'établissement de déclencheurs d'interdiction. La Suède, par exemple, s'est dotée d'une loi en matière de pesticides qui explicite les propriétés indésirables et particulièrement graves, et les pesticides présentant des risques inhérents sont rapidement retirés du marché dans le cadre de plans d'abandon graduel. Comptent parmi les critères applicables la persistance de la bioaccumulation, la toxicité élevée ou aiguë, la cancérogénicité et la neurotoxicité.

Quatrièmement, et cela nous ramène encore une fois aux discussions relatives à la LCPE, il devrait y avoir une exigence d'application du principe de prudence, et cela devrait être intégré aux opérations. L'absence de dommages n'est pas synonyme d'absence d'effets. Il faut donc qu'il y ait une méthodologie en vertu de laquelle les pesticides sont évalués en appliquant le principe de prudence, ce qui signifie, bien sûr, adopter l'approche du poids de la preuve. Cela devrait être enchâssé dans la loi et être un élément critique tant pour l'homologation de nouveaux produits que pour la réévaluation.

Cinquièmement, il faudrait accorder aux populations les plus vulnérables, les plus sensibles, une protection statutaire. Je veux parler ici des enfants, des animaux sauvages, des personnes âgées et des personnes qui manipulent des pesticides dans le cadre de leur travail. Il y a beaucoup de gens qui sont potentiellement plus vulnérables que la moyenne. Les évaluations en matière d'incidence sur la santé pour la plupart des pesticides qui sont aujourd'hui sur le marché—soit environ 90 p. 100 des pesticides—s'appuient sur l'exposition et la sensibilité moyennes de l'adulte moyen de sexe masculin, et celles-ci n'ont pas été réexaminées, dans le cadre de la réévaluation, comme je viens de l'expliquer. Par ailleurs, j'ai constaté que Mme Franklin a fait une déclaration selon laquelle tous les pesticides sont évalués en fonction de leur effet sur les enfants, mais je pense qu'il y aurait de très larges divergences d'opinion sur la question de savoir si c'est vraiment dans cette optique que le processus est mené à bien. Si cela vous intéresse, je pourrais revenir là-dessus.

• 0920

Le sixième point serait que l'on accorde à la protection de la faune autant de poids qu'à la protection de la santé humaine. Bien évidemment, nous sommes une organisation vouée a la protection de la faune, mais lorsque le ministère de la Santé s'est vu confier le portefeuille en matière de pesticides, le ministère a acquis le portefeuille et le mandat concernant la protection de la santé humaine et de l'environnement, et pas juste de la santé humaine. Il importe de prévoir des exigences très strictes en matière de protection de la faune et de l'environnement étant donné, surtout, l'accent tout nouveau que les Américains mettent sur l'effet des résidus sur les aliments chez les enfants.

Vous pourriez régler un problème. Vous pourriez examiner un pesticide et prendre une décision fondée sur son effet sur les enfants, mais créer en même temps un autre problème pour la faune. Je pense qu'il nous faut à tout prix éviter cela.

Le président: Si vous le voulez bien, je vous demanderais de patienter quelques minutes, car on est en train de photocopier votre mémoire en vue d'en faire distribuer des exemplaires; les membres du comité ne sont pas en mesure de vous suivre et n'ont donc pas toute la saveur de votre texte étant donné qu'ils ne l'on pas sous les yeux. Si vous le voulez bien, donc, je vous demanderai de patienter quelques minutes en attendant que le texte arrive.

Mme Julia Langer: Parlez-vous de ce que j'ai fourni au comité antérieurement?

Le président: Oui, il s'agit du document intitulé «Pour résoudre les problèmes liés aux pesticides au Canada». On n'en a pas encore distribué suffisamment d'exemplaires aux députés, et nous attendons que la photocopieuse nous en crache d'autres.

Mme Julia Langer: Je vous avais fourni cela la semaine dernière, n'est-ce pas?

Le président: La plupart des recommandations que nous soumet ce matin Mme Langer sont contenues dans le cahier de breffage préparé à l'intention des parlementaires.

Avez-vous le court résumé?

Mme Julia Langer: Oui. Ce sont là mes notes, oui. Mais je vous ai fourni le résumé des recommandations par courrier électronique, la semaine dernière.

• 0923




• 0927

Le président: Je suppose que le document intitulé «Pour résoudre les problèmes liés aux pesticides au Canada» a maintenant été distribué.

[Français]

C'est le seul document que nous ayons reçu ce matin. C'est un document préparé par l'organisation.

[Traduction]

Je pense que Mme Langer était rendue à l'article 5 au bas de la page 2. Est-ce bien cela? Veuillez indiquer au comité où vous en êtes, en gros, et parcourir le reste du document avec nous.

Mme Julia Langer: Merci. J'avais fourni un résumé des recommandations. Ce sont ici mes remarques liminaires. Si certaines personnes veulent avoir le texte de mes remarques liminaires, cela ne m'ennuie pas du tout, mais ce n'est pas là ce que j'avais déposé à titre de mémoire.

Le président: C'est très bien. Allez-y, je vous prie.

Mme Julia Langer: Ce sur quoi je m'étais arrêtée concernait la faune. Je disais qu'il était important de veiller à ce qu'il soit clairement reconnu que le mandat de Santé Canada est de protéger et la santé des animaux sauvages et la santé humaine.

L'une des questions qui semble faire l'objet de discussions, en partie à cause du rapport du commissaire à l'environnement, est celle de la coopération entre ministères. Je pense qu'idéalement, l'homologation des pesticides devrait être coadministrée par les ministères de la Santé et de l'Environnement, étant donné ce mandat de protéger et la faune et la santé humaine.

Ma recommandation suivante serait que l'on appuie les évaluations de risques et les décisions en matière d'évaluation de risques sur des expositions réelles aux pesticides. Il s'agit là de quelque chose qui ressort de la situation américaine avec l'application de la U.S. Food Quality Protection Act en vertu de laquelle les pesticides ayant un mode d'action semblable, qu'il s'agisse d'inhibiteurs de la cholinestérase, de neurotoxines ou de substances cancérogènes, doivent être évalués cumulativement et toutes les sources d'un pesticide doivent entrer en ligne de compte. Il ne s'agit donc pas de prendre tout simplement le pesticide sur la pomme et le risque que celui-ci poserait; il faut examiner les pesticides en provenance de tous les aliments que vous consommez et de toutes les sources d'exposition possibles, que ce soit à votre lieu de travail, chez vous, dans l'air ou dans l'eau.

• 0930

Le Canada devrait définitivement adopter une approche qui tienne compte de l'effet cumulatif total pour reconnaître la synergie entre pesticides et le fait que nous sommes exposés à une multitude de pesticides ainsi qu'à d'autres contaminants environnementaux.

Pour ce qui est de la question des produits de formulation, un pesticide pourrait être constitué à 95 p. 100 d'eau, mais là encore il peut s'y trouver autre chose que de l'eau et cet élément peut avoir des propriétés toxicologiques. Les produits de formulation doivent donc être visés par les mêmes dispositions en matière d'évaluation, d'examen et d'accès à l'information que les ingrédients actifs. Il existe certainement des cas dans lesquels le produit dans son entier est examiné, mais ce n'est pas toujours forcément le cas, comme on l'a vu dans les rapports de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.

En ce qui concerne la question de la biotechnologie et des pesticides, nous recommanderions que les habitudes d'utilisation des nouveaux pesticides de biotechnologie fassent l'objet d'examens exhaustifs. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a manifestement un rôle à jouer ici, mais elle nous a dit qu'elle n'étudie pas les changements dans les habitudes d'utilisation des pesticides dans son examen de cultures génétiquement modifiées. L'ARLA, quant à elle, ne réévalue pas un pesticide homologué s'il va être utilisé conjointement, mettons, avec une culture tolérante aux herbicides. Or, cela crée des habitudes d'utilisation tout à fait différentes.

L'autre scénario est celui où vous avez un pesticide dans une culture. Le fait qu'il y ait eu des manipulations génétiques de telle sorte que le produit est dans la plante ne veut pas dire qu'il ne s'agit plus d'un pesticide. L'utilisation de pesticides avec des cultures génétiquement modifiées devrait exiger une nouvelle homologation, et les pesticides qui sont intégrés aux plantes devraient être enregistrés en tant que pesticides. Je pense que cela va donner matière à réflexion à plusieurs ministères, étant donné qu'il y en a six ou sept qui y ont un rôle à jouer.

En ce qui concerne la question de l'information, il est urgent que l'on libéralise l'accès aux renseignements sur les pesticides qui sont à l'heure actuelle étouffés. Ces renseignements sont à l'heure actuelle traité comme étant des données commerciales confidentielles. Cela est particulièrement ridicule du fait que quantité de ces données sont librement disponibles aux États-Unis. Je pense qu'il vaudrait la peine d'obtenir un avis juridique indépendant sur la question de savoir si cela est légal en vertu de l'actuelle Loi sur l'accès à l'information, étant donné que ces renseignements présentent un intérêt public et portent sur la santé. Nous n'avons pas nous-mêmes cherché à obtenir un tel avis, mais je pense que ce serait une chose à faire. Comme l'a fait ressortir le commissaire à l'environnement, le gouvernement fédéral canadien ne compile pas de renseignements sur les pesticides, contrairement à la plupart des pays de l'OCDE. Il nous faut abandonner cette approche portes fermées en matière de renseignements sur les pesticides et prévoir dans la loi un accès clair à ces données. À notre avis, les données en matière d'utilisation des pesticides—en d'autres termes, où ils sont utilisés, pourquoi ils sont utilisés, de quelle façon ils sont utilisés et dans quelles quantités—devrait être une condition pour l'homologation. En d'autres termes, pas de données, pas d'homologation.

Il importe par ailleurs d'améliorer sensiblement la possibilité de participer du public, et le public doit pouvoir jouer un rôle important dans l'élaboration des règlements visant les pesticides. Encore une fois, cela exigera sans doute des changements législatifs, comme cela a été expliqué par l'ARLA. Je suis certainement d'accord avec elle là-dessus.

Une autre disposition dont nous avons clairement besoin, et qui n'existe pas à l'heure actuelle, serait l'exigence de contrôles post-homologation et de rapports sur les effets néfastes constatés. Il n'existe à l'heure actuelle aucune exigence de la sorte. Lorsqu'un demandeur obtient une homologation, le contrôle est entrepris de façon ponctuelle sans qu'il n'existe de budget clairement établi. Il faut que cette situation soit corrigée et cela peut être fait sur les plans et administratif et législatif.

Ce que nous disons au sujet de l'intégration au processus d'homologation de la disponibilité de solutions de rechange non chimiques est un petit peu plus complexe, et les modifications à apporter ne seraient pas forcément très simples. Néanmoins, la réduction de la dépendance à l'égard des pesticides chimiques doit être intégrée au principal volet d'activités de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, sans quoi on ferait aussi bien de la rebaptiser agence d'homologation des pesticides.

Je siège à un certain nombre de groupes de travail qui font la promotion de la gestion intégrée des ravageurs et je pense que ceux-ci sont vraiment admirables. Mais pour véritablement réduire la dépendance à l'égard des pesticides chimiques, il faut qu'il y ait un mécanisme pour veiller à ce que des moyens de gestion de ravageurs éprouvés, moins toxiques et même non chimiques viennent remplacer les pesticides traditionnels. En Suède, par exemple, on appelle cela le principe de substitution, en vertu duquel une substance toxique est remplacée par une autre, moins toxique. Je ne pense pas que l'hypothèse selon laquelle lorsque vous homologuez de nouveaux pesticides, les vieux sortiront du marché soit crédible. Cela ne va en tout cas pas nous mener très rapidement là où nous aimerions être.

• 0935

Nous pensons qu'il doit y avoir une amélioration marquée côté élaboration et adoption de solutions de rechange. C'est là l'autre aspect de la préoccupation du vérificateur à l'égard de l'homologation de pesticides. Et c'est une question de manque de capacités et d'initiatives côté lancement de solutions de rechange aux pesticides.

Cela n'enlève rien à la nécessité de faire le réexamen et la radiation; cela ne fait que faire ressortir le dilemme auquel se trouvent confrontés les agriculteurs. Je pense qu'ils sont un petit peu pris entre le marteau et l'enclume, car d'un côté ils ont le sentiment de ne pas obtenir tous les pesticides qu'il leur faudrait ou en tout cas les nouveaux pesticides, et de l'autre côté, on aborde la question d'un angle différent en disant qu'ils obtiennent pas auprès des organismes agricoles l'aide dont ils ont besoin pour chercher, trouver, diffuser et adopter et des solutions de rechange.

Il s'agit là d'une tâche ou d'un problème qui devrait revenir davantage à Agriculture et Agro-alimentaire Canada et, certainement, à ses équivalents provinciaux, qu'à l'ARLA. C'est peut-être là une question sur laquelle pourrait se pencher le comité dans le contexte de l'intégration des nouveaux mandats de collaboration.

En ce qui concerne le financement de l'ARLA, tout ce que je peux dire c'est qu'il faut veiller à ce que l'agence dispose de suffisamment de fonds, et son budget n'est peut-être justement pas adéquat. Lors des négociations de récupération des coûts avec l'industrie, l'ARLA a dû réduire son budget d'ensemble. Elle avait promis d'économiser de l'argent grâce à des améliorations sur le plan efficience et elle avait également promis de respecter les délais en matière d'homologation demandés par l'industrie.

Elle a manqué d'argent deux années de suite. Elle est sérieusement à court d'argent. Ses activités qui ne paient pas leurs frais, comme par exemple la réévaluation, l'élaboration d'une base de données sur les pesticides et les exigences en matière de rapports sur les effets néfastes, ont été mises à l'arrière-plan, reprofilées, si vous voulez, et ne seront réactivées que si de l'argent est économisé. Cela est parfaitement inacceptable. Le coût réel de la réévaluation, de l'exécution du programme de réduction et du contrôle post-homologation doit être intégré à son budget de façon réaliste, et les fonds nécessaires doivent être prévus.

Pour ce qui est de la question de l'harmonisation, nous disons harmoniser si c'est nécessaire, mais pas nécessairement harmonisation. Le processus de l'ALÉNA domine à l'heure actuelle les initiatives en matière de pesticides au Canada. D'un côté, on en parle comme d'un moyen d'obtenir des gains sur le plan efficience au moyen de réexamens moins coûteux afin de mettre sur le marché des pesticides à risque moindre pour régler ce que l'on appelle les irritants commerciaux.

Le partage du travail n'a rien de mal et il est tout à fait louable de chercher à éviter la duplication, mais il faut que cela se fasse dans un contexte proprement canadien. Je pense que l'ARLA—et c'est peut-être justement ici qu'il faudrait obtenir cela—devrait avoir une position en matière de négociation de l'harmonisation qui soit très clairement axée sur l'environnement et la santé, au lieu qu'elle se lance tout simplement dans l'harmonisation en attendant de voir ce qui se passera. Le programme doit être fixé par le Canada.

Il importe de prévoir un système de mécanismes de reddition de comptes. Ici encore, il y a un rôle formel pour le public. Nous ne voulons pas être noyés sous une montagne de papier, mais nous tenons à veiller à ce que la participation soit authentique et à ce que l'on tienne véritablement compte de ce que nous contribuons. La nomination par M. Rock du comité consultatif sur la lutte antiparasitaire a été une étape très positive permettant d'exposer certaines des principales préoccupations et de veiller à ce qu'il y ait une vaste participation des intervenants aux questions de politiques.

Ce que j'ai fourni au comité est un résumé des recommandations visant un plan d'action.

Une chose qu'il nous faut absolument c'est un programme de rattrapage. Ce que nous avons constaté c'est l'accumulation d'un arriéré, et l'adoption d'une nouvelle loi va demander un an ou deux. Reconnaissant que nous vivons aujourd'hui avec des pesticides, que nous sommes aujourd'hui exposés au risque, cet effort de rattrapage pour liquider cet arriéré de pesticides toxiques anciens et jamais réexaminés s'impose. Il faudra notamment prendre des mesures immédiates visant les polluants organiques rémanents et accélérer leur suppression en utilisant les pouvoirs législatifs existants.

J'ai réuni pour vous des recommandations visant des choses qui pourraient être faites pour assurer ce rattrapage. Il faudrait, en plus, un soutien pour les services de recherche et de diffusion qui se spécialisent dans la gestion intégrée des parasites et dans les techniques de gestion organique des ravageurs. Il faudra augmenter de plusieurs ordres de grandeur l'aide financière qui leur est consentie. Cela est fondamental car tout le reste en dépend. C'est presque comme un couteau à double tranchant.

Bien sûr, nous pensons qu'il conviendrait d'apporter des modifications à la Loi sur les produits antiparasitaires qui n'a pas subi de changements importants depuis 1969. Bien qu'il faille continuer d'appuyer les décisions sur le facteur risque d'effets néfastes inacceptables, il importe que cela soit complété par des exigences en matière d'homologation, de réexamen et d'accès public qui soient axées sur la santé et l'environnement.

• 0940

Tout le monde convient que la LPA avait besoin d'être modifiée en 1990, et qu'il faudrait qu'on y apporte d'autres modifications. Nous avons passé en revue un certain nombre d'aspects qui devraient être modifiés, et lorsque quelque chose sera déposé, nous aimerions certainement pouvoir comparaître devant le comité. Le système de reddition de comptes pourrait être remanié maintenant, car il existe un véritable fossé entre ce que dit l'ARLA et ce qu'elle fait.

En conclusion, ce n'est pas parce qu'un pesticide est homologué qu'il est sûr. En fait, l'on dispose de quantité de preuves du contraire. En fait, ne sont en place ni les outils ni l'engagement nécessaire pour empêcher les dommages que causent chez les animaux sauvages et chez les humains les pesticides d'utilisation courante.

La leçon à tirer de la Commission Krever est qu'il importe de prendre des mesures lorsqu'il y a un risque. Le commissaire à l'environnement a souligné que nous vivons avec le risque. Il y a la réalisation que nous avons perdu des stocks de poissons parce que l'appareil gouvernemental a ignoré les signaux. Il y a de nombreuses indications de dommages causés faute d'action. Je pense que le moment d'agir est venu et que les autorisations et le mandat requis sont là. Le travail quotidien d'homologation des pesticides suit son chemin, mais à notre avis les questions clés en matière de protection de la santé et de l'environnement ont été mises à l'arrière-plan.

Ces pesticides sont fondamentalement toxiques et l'industrie des pesticides est fondamentalement axée sur le profit. En l'absence d'un régime de réglementation solide et ciblé et du soutien proactif de solutions de rechange, la santé des Canadiens et l'environnement du Canada continueront de souffrir. Nous avons pris l'engagement de faire tout notre possible pour tenter de réparer le système.

Merci.

Le président: Merci d'avoir porté à l'attention du comité une approche très vaste englobant autant de sujets et d'avoir déposé ces 19 recommandations visant à corriger les problèmes des pesticides au Canada. C'est une approche très rafraîchissante qui contraste fortement avec le charabia que nous ont jusqu'ici servi certains ministères.

Nous allons maintenant prendre ce mémoire et l'examiner au microscope. Je suis certain que M. Casson voudra ouvrir la discussion, et il sera suivi de Mme Girard-Bujold, de M. Lincoln, de M. Herron et de M. Stoffer. Allez-y je vous prie, monsieur Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président.

Merci de votre exposé. Comme l'a dit le président, il est très bon.

Plusieurs ministères ont comparu devant nous et ce que la plupart d'entre eux nous disent pour commencer est qu'ils ne sont plus responsables de cette question. Nous n'avons en vérité pas eu d'indications claires que le travail est en train d'être fait comme il se doit.

J'aimerais revenir sur le huitième point de votre présentation, où vous dites qu'il faudrait assujettir les produits de formulation à l'évaluation et à la divulgation. Vous mentionnez deux choses ici: un ingrédient actif et une formule. Je ne vois pas très bien comment l'on pourrait évaluer un produit qui est utilisé sur le terrain sans en évaluer toute la composition. Pourriez-vous m'expliquer un peu ce que vous entendez par là?

Mme Julia Langer: Ce qui se passe en règle générale lorsque le fabricant d'un pesticide doit effectuer une série de tests, c'est que la plupart de ces tests visent l'ingrédient actif, et il peut y en avoir d'autres visant le produit global. Je pense que de plus en plus la tendance sera d'examiner le produit global. L'on va donc examiner le produit global pour en évaluer la toxicité, aiguë ou autre, pour les oiseaux, par exemple, mais ce ne sera pas toujours le cas. Les données sur l'ingrédient actif seront peut-être déposées, et il y aura peut-être une indication que le produit de formulation est non toxique et qu'il n'est donc pas nécessaire de l'examiner. J'ai vu un document dans cette veine tout récemment. Ce n'est pas nécessaire, et toutes les exigences en matière de données figurent dans les lignes directrices.

Ce que nous aimerions donc voir c'est une exigence dans la réglementation que les produits de formulation soient évalués. À l'heure actuelle, on peut en faire la demande, mais ce n'est pas forcément une exigence.

• 0945

Une chose qu'il faut ajouter à ce sujet est qu'il n'y a certainement pas divulgation de ces produits, de sorte que lorsque vous voyez un emballage de pesticide, vous y trouvez l'ingrédient actif, qui représente peut-être 2 p. 100 du volume, 5 p. 100, ou autre, mais vous ne savez pas ce qui compose les 95 p. 100 restants. Comme je l'ai dit, ce pourrait être de l'eau, mais ce pourrait également être un solvant.

M. Rick Casson: Vous avez parlé un petit peu de produits de remplacement de pesticides. Certaines des choses que l'on voit, par exemple les plantes génétiquement modifiées et les méthodes censément naturelles de contrôle des parasites... qu'en pensez-vous? Dans mon esprit, il y a là aussi un danger, car nous ne les avons pas examinés ces produits. Nous ne savons pas tout ce qu'il faut savoir à leur sujet non plus. Que pensez-vous de l'idée de contrôler les ravageurs avec des méthodes naturelles?

Mme Julia Langer: Je pense qu'il y a là deux questions distinctes: la question de la biotechnologie et celle des produits de rechange.

Il existe de nombreuses façons de réduire l'utilisation et l'intensité des pesticides. Je pense qu'on ne cesse d'en faire la preuve et d'apporter encore d'autres améliorations. Le nombre d'agriculteurs qui utilisent des méthodes intégrées de gestion des ravageurs, en vertu desquelles ils examinent leurs champs avant de les traiter... Ils ne disent plus: «On est en juin, alors il faut épandre ceci; on est le 2 juin, alors il faut épandre cela». Ils prêtent beaucoup d'attention à cela, ce qui réduit l'utilisation et l'intensité. Et les gens peuvent également être sensibles à la toxicité des pesticides qu'ils utilisent. On se moque un petit peu, je pense, des méthodes organiques, mais, bien franchement, le nombre de fermes organiques au Canada ne cesse d'augmenter. Le total est toujours assez bas, mais il augmente de plus en plus, et ces agriculteurs affirment qu'ils produisent des aliments sans pesticides. Il existe donc un continuum de méthodologies pour réduire, sans forcément supprimer, la dépendance à l'égard des pesticides chimiques.

Est-ce que la biotechnologie fait partie de ce mélange? Je pense que du côté de l'industrie l'on pousse de plus en plus cela comme solution de remplacement des pesticides. Nous demeurons cependant très sceptiques à cet égard. Il existe des problèmes inhérents de résistance, d'augmentation de la résistance, de telle sorte qu'il faudrait peut-être ultérieurement recourir à des produits chimiques encore plus forts. Cela ne va pas forcément amener une réduction de la dépendance à l'égard d'un intrant en tant que tel. Il y a donc tout simplement selon moi trop de questions ouvertes dans le domaine agronomique, en matière de résistance, de santé—domaine dans lequel je ne suis certainement pas experte—d'écologie, et je songe ici tout particulièrement à l'effet des cultures issues de la biotechnologie sur les papillons, et dont traite un article récemment paru dans un journal de pairs et qui a pour titre Nature. Il faudra répondre à ces questions avant de faire confiance à ces technologies.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Casson. Madame Girard-Bujold, suivie de M. Lincoln, M. Herron, Mme Kraft Sloan, M. Stoffer et du président. Madame Girard-Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je joins ma voix à celle du président pour vous dire que votre document nous donne l'autre version de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Je n'avais pas encore entendu une telle version. Vous établissez vraiment un constat.

Dans votre exposé, vous nous avez dit également qu'il y avait des failles, des omissions et des voies d'amélioration possibles. Vous parlez de failles parce que la loi actuelle est archaïque, dépassée. Il y a eu des omissions parce qu'il n'y a pas eu de réévaluation.

Vous suggérez donc des recommandations. On s'était engagés, il y a 10 ans, à remodifier la loi et vous dites que la réglementation est à l'intérieur du règlement.

• 0950

Dans cette perspective, quels changements pourraient faire en sorte qu'on prenne un virage face à la loi qu'on s'était engagés à améliorer il y a 10 ans? Pourriez-vous nous donner les points majeurs que vous voudriez voir inclus dans la nouvelle loi et qui devraient devenir le fer de lance des règlements?

[Traduction]

Mme Julia Langer: Les modifications à la Loi sur les produits antiparasitaires que j'ai proposées mettraient l'accent sur le maintien de l'utilisation du risque inacceptable de dommages comme base de la décision, mais en augmentant cela du principe de prudence et de l'exigence d'un processus ouvert rigoureux de réexamen qui permette de déclencher des réexamens et des suppressions de produits pour des raisons de protection de l'environnement et de la santé, par exemple. Seraient ainsi des synonymes de risques de dommages inacceptables la toxicité aiguë, la perturbation du système endocrinien, la cancérogénicité et la neurotoxicité.

Nous aimerions certainement qu'il y ait une exigence d'évaluation du potentiel de perturbation du système endocrinien et que la protection prévue soit établie en fonction des espèces les plus sensibles ou du stade de vie le plus exposé, car vous pouvez avoir une espèce qui est sensible mais pour laquelle certains stades de vie, par exemple l'embryon, sont plus à risque que l'adulte.

Nous aimerions, comme je l'ai dit, que les produits de formulation fassent l'objet du plein processus d'évaluation, d'examen et de divulgation; qu'il y ait des dispositions en matière de participation publique et de divulgation complète des renseignements, exception faite, bien sûr, des renseignements commerciaux confidentiels; qu'il y ait protection des organismes bénéfiques dans le contexte agronomique; et qu'il y ait des rapports réguliers au public et au Parlement sur les progrès réalisés sur le plan réduction des risques.

Il y a tellement de choses que lorsque vous regardez le texte de loi, vous vous dites qu'il n'est en fait pas très volumineux. Il a été rédigé en 1969 dans un esprit de lutte contre la fraude plus qu'autre chose. Les règlements sont venus s'y ajouter, et ce sont les règlements qui esquissent les exigences fondamentales en matière de protection de la santé et de l'environnement. Il importe donc de réunir toutes ces choses pour créer un texte de loi qui serait à notre sens véritablement axé sur la santé et l'environnement. Et il faudrait que ce soit là l'objet principal, voire exclusif, de la loi, qui est à l'heure actuelle un jeu d'équilibre.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous savez que certains pesticides sont présentement interdits à travers le monde; certains le sont au Canada, d'autres aux État-Unis et d'autres au Mexique. Les pesticides interdits au Canada sont parfois utilisés dans les pays sous-développés. Présentement, on a un problème d'harmonisation.

Comment devait-on faire pour harmoniser tout cela au plan mondial? Avez-vous déjà envisagé une façon de le faire? On les interdit ici alors qu'ils sont permis ailleurs. Il va falloir qu'on s'assoie tous à la même table et qu'on ait des règles. On dit que le gouvernement du Canada s'assoit avec les États-Unis, en vertu de l'ALENA, afin d'inclure cette question, mais il faudra que ce soit fait à une plus grande échelle.

Quel mécanisme devrait-on établir pour permettre de faire un véritable virage dans l'élimination des pesticides partout dans le monde?

[Traduction]

Mme Julia Langer: Le Canada siège en fait aux côtés des États-Unis et du Mexique dans le cadre du processus de l'ALÉNA, et il y a une tentative d'harmonisation qui s'opère. Lorsque j'ai parlé de notre participation à l'harmonisation, je pense avoir dit qu'il faudrait qu'il y ait un mandat davantage central, sans quoi l'on risque de se retrouver avec une situation dans laquelle c'est le plus bas dénominateur commun qui l'emporte. Dans une telle situation, si nous utilisons un pesticide ici et que nous exigeons un plus faible niveau que les Américains et que ceux-ci se fâchent et estiment qu'il s'agit là d'un irritant commercial, alors ils pourraient faire pression sur le Canada pour obtenir une augmentation des niveaux tolérés ici. De la même façon, si nous interdisons un produit ici et qu'il est autorisé aux États-Unis, cela est considéré dans l'autre sens comme étant un irritant commercial.

• 0955

Ma perspective à cet égard est qu'il nous faut avoir la capacité de fixer nos propres normes en matière de santé et d'environnement, tout comme les États-Unis, et il nous faut en fait respecter cela. Une chose que permettrait l'harmonisation mondiale serait d'utiliser les renseignements dont disposent les autres. Dans ce contexte, l'harmonisation n'a rien de mal. Si donc un produit est interdit en Suède et que ce pays l'a examiné du point de vue de la santé et de la sécurité, alors pourquoi n'examinerions-nous pas ces mêmes données?

Le Lindane est un parfait exemple. L'Union européenne a examiné le Lindane. C'est l'Autriche qui a mené ce travail. La conclusion des Européens a été que ce produit devrait être radié. Le Canada vient tout juste de lancer un examen spécial. Pourquoi devrions-nous faire un examen spécial alors que les données sont très claires? Nous savons que les gens ici ont été contaminés. Nous savons que les résidents de l'Arctique, tout particulièrement, portent dans leur corps un lourd fardeau de Lindane. J'estime qu'il s'agit là d'un exercice ridicule, car nous pourrions nous contenter de faire de l'harmonisation. C'est là l'aspect positif de l'harmonisation.

Le président: Merci, madame Girard-Bujold.

Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Madame Langer, dans la critique faite par AGCare des observations qui figurent dans votre rapport intitulé «Pour résoudre les problèmes liés aux pesticides au Canada» relativement au 2,4-D et au lymphome non hodgkinien, il est dit que vos références, c'est-à-dire celles du Fonds mondial pour la nature, sont incomplètes. La plupart des recherches publiées pertinentes ne font état d'aucun lien entre les deux choses. AGCare parle d'une étude antérieure menée en Saskatchewan, et qui n'a pas été concluante. Quant à l'étude faite par le ministère de l'Environnement de l'Ontario, celle-ci conclut que les risques potentiels pour la santé sont trop minimes pour justifier l'interdiction du produit. Les auteurs de ce rapport poursuivent en disant que le 2,4-D représente un risque environnemental et de santé négligeable comparativement, par exemple, aux gaz d'échappement des tondeuses et des tracteurs.

J'ai lu ce qui suit dans le numéro du 3 avril 1999 de New Scientist:

    [...] Des chercheurs suédois ont établi une association entre des pesticides et l'un des cancers dont l'incidence augmente le plus vite dans le monde occidental. Le lymphome non hodgkinien, dont l'incidence a augmenté de 73 p. 100 aux États-Unis depuis 1973, est sans doute causé, de dire les chercheurs, par des produits de pulvérisation agricole couramment utilisés.

Et les auteurs disent

    Lennart Hardell, de l'Orebro Medical Centre, et Mikael Eriksson, du Lund University Hospital, ont constaté que les Suédois atteints de la maladie avaient 2,7 fois plus que les personnes en santé été exposées au MCPA, un herbicide d'utilisation très courante.

Les auteurs renvoient ensuite le lecteur à Cancer, volume 85, page 1353, et poursuivent comme suit:

    Le MCPA, qui est utilisé dans les champs de céréales, est vendu sous le nom de Target par la société suisse Novartis. D'autre part, les patients avaient vraisemblablement été 3,7 fois plus exposés à une vaste gamme de fongicides, association non encore rapportée.

Pouvez-vous m'expliquer d'où viennent ces conclusions et comment vous répondriez aux remarques faites par AGCare?

Mme Julia Langer: Eh bien, je n'ai en vérité pas examiné les remarques faites par... Est-ce AGCare?

M. Clifford Lincoln: Oui.

Mme Julia Langer: En fait, en ce qui concerne le 2,4-D, vous pouvez empiler d'un côté ou de l'autre du débat des études concluantes et non concluantes. La question a été beaucoup étudiée, principalement parce qu'il s'agit d'un herbicide très couramment utilisé. Il ne serait sans doute pas approprié de dire que le produit ne provoque pas quelque chose s'il y a des études qui disent le contraire. Le mieux que l'on puisse dire est que l'on dispose de preuves que le produit provoque certaines choses et que l'on dispose de preuves qu'il ne provoque pas ces effets. Cela ne veut pas dire que cet herbicide ne présente pas un risque, ce, bien sûr, dans le contexte du principe de prudence. Vous ne pouvez pas affirmer qu'il ne pose pas un tel risque.

• 1000

Il y a en fait eu aux États-Unis des règlements judiciaires sur la base de l'utilisation par des agriculteurs du 2,4-D. Il y a également eu des études portant sur les surintendants de terrains de golf. L'une des principales substances utilisées par eux était le 2,4-D, et l'on constate une incidence plus élevée de cancer chez ce groupe de personnes exposées à ces produits dans leur travail.

De mon point de vue, les agriculteurs devraient être inquiets, car ce sont eux qui sont sur les premières lignes. Il est je pense dangereux d'écarter tout simplement quelque chose du revers de la main. Évidemment, de leur point de vue, il y a des avantages. Cela ne vient pas invalider les conclusions selon lesquelles il y a une corrélation entre un produit et quelque chose d'aussi grave que le lymphome non hodgkinien. Oui, vous pouvez soupeser les choses, mais ne balayez pas l'effet.

M. Clifford Lincoln: J'espère sincèrement que des organisations comme la vôtre et d'autres réfuteront cela, car je pense que c'est extrêmement grave lorsque des gens disent qu'il y a un risque environnemental et de santé négligeable comparativement, par exemple, aux gaz d'échappement des tondeuses et des tracteurs. Le fait de tout simplement écarter cela...

Mme Julia Langer: Eh bien, pour ce qui est de l'autre point que vous soulevez, soit la question de la comparaison des risques, le fait qu'un produit pose un plus gros risque ne signifie pas qu'un autre produit pose un risque inimportant.

M. Clifford Lincoln: Précisément.

Mme Julia Langer: Je m'occupais autrefois beaucoup de la question de l'appauvrissement de la couche d'ozone, et les gens n'arrêtaient pas de dire: oui, mais il y a quelque chose de plus important. Eh bien, cela ne veut pas dire que l'appauvrissement de la couche d'ozone n'est pas une question importante. Je pense que si l'on s'intéresse aux pesticides et si l'on veut faire mieux les choses, c'est précisément cela qu'il faut faire. On ne doit pas ignorer quelque chose parce qu'il existe d'autres risques.

M. Clifford Lincoln: Il serait intéressant d'examiner les observations faites par les sceptiques à l'époque de la parution du livre de Rachel Carson. Ce serait vraiment intéressant.

J'aurais une dernière petite question. Mme Franklin nous a dit l'autre jour qu'ils sont en train d'envisager un examen de la Loi sur les produits antiparasitaires et qu'ils y travaillent activement. Votre organisation et d'autres organisations non gouvernementales de l'environnement y participent-elles? Vous consulte-t-on et avez-vous votre mot à dire là-dessus?

Mme Julia Langer: Eh bien, il n'y a en fait rien qui ait été officiellement déposé. J'ai cependant été nommée par M. Rock au Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire et il a été dit que l'on envisage le dépôt d'un texte de loi. Je sais que cela est à l'étude depuis 1990, et en fait depuis avant 1990. J'ose donc espérer que l'on envisagera maintenant sérieusement la question, étant donné surtout le rapport du commissaire.

M. Clifford Lincoln: Amen.

Le président: Merci, monsieur Lincoln.

Monsieur Herron, allez-y, je vous prie.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

Je suppose que ma première question serait qu'étant donné ce que nous venons de vivre au cours de la dernière année civile relativement au processus de la LCPE et l'exigence de la LCPE selon laquelle le gouvernement devra mener des études plus poussées sur les substances perturbatrices du système endocrinien, dans cette même veine, ne devrait-il pas incomber au gouvernement d'établir un processus d'examen des perturbations du système endocrinien causées par les pesticides, par exemple un test de base qui serait effectué lors de l'évaluation et, on pourrait l'espérer, de la réévaluation, de pesticides?

Mme Julia Langer: Eh bien, cela nous ramène à la question des mandats scindés et des mandats conjoints dont il semble avoir été question autour de cette table, car la LCPE ne couvre tout simplement pas de pesticides, quels qu'ils soient. Il vous faudrait reprendre les modifications législatives pour inscrire dans la Loi sur les produits antiparasitaires les substances perturbatrices du système endocrinien. Il n'y a cependant rien qui empêche l'exécution d'activités conjointes en matière de recherche sur les substances perturbatrices du système endocrinien, et si vous regardez la liste à jour de telles substances, établie par Theo Colborn, et qui regroupe à l'heure actuelle environ 250 produits chimiques, vous verrez qu'au moins la moitié d'entre eux sont des pesticides. Nombre d'entre eux sont des pesticides qui sont présentement homologués et qui sont activement utilisés au Canada. Il ne serait donc pas très difficile d'établir une liste relativement courte de produits chimiques et notamment de pesticides qui méritent qu'on examine leur effet perturbateur du système endocrinien. Il n'y a rien pour empêcher Environnement Canada, Santé Canada et l'ARLA d'y travailler ensemble.

• 1005

M. John Herron: C'est un petit peu ce que j'avais dans l'idée. Je pense que ce serait un signal très positif si le gouvernement fédéral, et tout particulièrement le ministre de la Santé, qui est coparrain de la LCPE, disait qu'il allait entreprendre certaines recherches et faire avancer le dossier de l'examen des substances perturbatrices du système endocrinien, surtout celles qui entrent dans la composition de pesticides. Il ne serait même pas nécessaire de modifier la loi pour conjuguer ces travaux de recherche.

Mme Julia Langer: Je pense que ce serait peut-être alors une question de budget, car si vous regardez les fonds qui sont disponibles pour examiner les substances jugées prioritaires en vertu de la LCPE, ils sont assez limités. Ils éprouvent même de la difficulté à passer en revue toute la nouvelle liste des 25 substances de la LSIP. Ils ont déjà eu du mal à passer en revue les 44 substances de la LSIP2, et il faut ajouter les pesticides. Je pense qu'il faudrait créer un mécanisme plus gros, plus intensif et mieux financé pour examiner les substances perturbatrices du système endocrinien.

Cela est en train de se faire ailleurs dans le monde. L'EPA des États-Unis est en train d'établir un système très intensif d'examen des substances perturbatrices du système endocrinien, notamment chez l'humain. Je pense que le Canada pourrait prendre un morceau du gâteau et examiner les aspects écologiques, ce qui semble mieux lui correspondre, et faire avancer l'étude des substances perturbatrices du système endocrinien de ce point de vue-là.

M. John Herron: J'ai trouvé très intéressant que vous ayez évoqué au moins deux ou trois fois le modèle suédois d'étude des pesticides. Je travaillais en fait autrefois pour une entreprise suédoise, et je sais qu'il y a en Suède un fort élément de conservation, et c'était le cas même chez mon ancien employeur.

Y a-t-il des choses en particulier que vous aimeriez voir lancées? Aimeriez-vous qu'on élargisse le modèle suédois de gestion des pesticides et que l'on adapte cela à notre pays?

Mme Julia Langer: L'une des choses que nous faisons, en prévision des modifications à la Loi sur les produits antiparasitaires, est d'examiner les modèles législatifs européens, australiens, néo-zélandais et autres, afin d'être en mesure de choisir ce qu'il y a de mieux. Il y a le principe de substitution, les exigences en matière de propriétés clairement indésirables en vue de la suppression de produits, et les exigences en matière de protection des organismes bénéfiques. Il y a beaucoup de merveilleuses exigences novatrices dans différents textes de loi européens que nous sommes en train de recueillir et de mettre de côté pour plus tard, lorsqu'on en sera arrivé à l'étape de l'examen de modifications à apporter à la loi.

Je pourrais peut-être mettre cela à la disposition du comité, car l'on apprend beaucoup à voir ce que d'autres pays ont réussi à faire.

M. John Herron: Il serait très utile que vous communiquiez cela au comité. Je serais moi-même très intéressé à obtenir ces renseignements.

Le président: Une courte question.

M. John Herron: Très bien. Aux points 3 et 4, vous parlez de déclencheurs quant aux critères en matière de propriétés indésirables. Pourriez-vous expliquer rapidement—je sais que le président souhaite une réponse rapide—comment vous intégreriez le principe de prudence et l'approche du poids de la preuve dans le système de gestion des pesticides? Il semble que ce soit tout simplement l'une des bonnes choses à faire.

Mme Julia Langer: En ce qui concerne le principe de prudence—et il s'agit là d'une chose pour laquelle nous pourrions nous reporter à notre intervention relativement à la LCPE—vous prenez une décision en vous appuyant sur le poids de la preuve. Si vous avez des preuves sur la cancérogénicité ou sur la perturbation du système endocrinien, que faites-vous de ces renseignements? Attendez-vous tout simplement d'avoir des preuves supplémentaires et ce que j'appellerais des cadavres, ou bien passez-vous à l'action?

Il en est de même dans le cas des déclencheurs. Si nous décidons en tant que société que nous ne voulons pas que nos aliments soient pulvérisés de substances cancérogènes, quelles qu'elles soient, c'est là un déclencheur. Il existe des classifications normalisées, mondialement acceptées, de cancérogénicité que nous pourrions intégrer à la loi pour y faire figure de déclencheurs. Ces déclencheurs n'ont pas été fixés ni décidés.

• 1010

Je pense qu'il y aurait un débat très utile si vous mettiez sur la table la question suivante: «Où notre société veut-elle tracer la limite?» C'est là quelque chose qu'il faudra enchâsser dans la loi.

M. John Herron: Pourriez-vous m'inscrire au deuxième tour, monsieur le président?

Le président: Merci, monsieur Herron.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci.

J'ai tenté, en vain, de vérifier si des niveaux de résidus ont été établis en ce qui concerne la santé des enfants, étant donné que les enfants métabolisent différemment les substances comparativement aux adultes. Il existe de multiples voies de contamination. Les enfants ont un régime alimentaire davantage axé sur les fruits et les légumes que les adultes. J'aimerais savoir si vous avez une réponse à ma question.

Mme Julia Langer: J'ai lu le témoignage de Mme Franklin, et j'ai donc dû faire pas mal de recherches pour voir si j'étais sur la mauvaise piste, si l'ARLA fait cela et si elle se penche en particulier sur le cas des enfants. Peut-être que Barbara McElgunn, de Troubles d'apprentissage-Association canadienne, pourra comparaître plus tard devant le comité. En examinant cette question avec elle, nous en sommes arrivés à six raisons pour lesquelles cela n'est pas fait.

Je ne suis pas experte en la matière, alors j'espère que vous interrogerez d'autres témoins à ce sujet. Cependant, d'un point de vue procédural, sans forcément tenir compte des effets toxicologiques, les données toxicologiques sur lesquelles appuyer une décision relative à la santé des enfants ne sont tout simplement pas là pour ce qui est de tous les critères.

En particulier, les exigences en matière de tests de la neurotoxicité développementale ne sont tout simplement pas là pour la plupart des pesticides qui sont sur le marché. On commence à prêter davantage attention à la neurotoxicité développementale, surtout aux États-Unis, mais même l'étude de reproduction sur deux générations que font les Américains est une mesure de fertilité. Ce n'est pas forcément une mesure de résultats sur le plan comportement. C'est pourquoi je dis que les données toxicologiques nécessaires ne sont pas là pour qu'on puisse établir des niveaux de résidus en fonction de la sensibilité des enfants.

Deuxièmement, l'on ne dispose pas des données en matière d'exposition. Je pense que les données les plus récentes en matière de schémas de consommation remontent aux années 70. Il y a peut-être eu certaines mises à jour, mais comment pouvez-vous fixer de bonnes limites de résidus si vous ne disposez pas de renseignements vraiment à jour sur ce que consomment les enfants? Je pense qu'on utilise peut-être de nouvelles données américaines aux fins de comparaisons, mais je pense que des mises à jour s'imposent.

L'on ne tient certainement pas compte de l'exposition cumulative. Intervient également la question des nouveaux pesticides par opposition aux anciens. Une telle analyse comparative n'a certainement pas été faite dans le cas de la plupart des pesticides qui sont à l'heure actuelle sur le marché. Cela a peut-être été fait de façon limitée pour de nouveaux pesticides, mais, là encore, nous n'en avons pas la certitude, car il n'y a pas de transparence dans le système. Ils ne peuvent pas prouver que cela a été fait, car les données ne sont pas disponibles.

Un autre point qu'a soulevé Barbara et dont nous avons discuté est que dans le contexte de l'harmonisation, certains niveaux maximaux pour les résidus sur les aliments canadiens sont augmentés ou rajustés pour assurer l'harmonisation avec les États-Unis. Ce n'est pas le cas avec tous les pesticides, mais il y a certainement des cas dans lesquels ils y a eu rajustement aux fins d'harmonisation.

Je pense que c'est là une façon plutôt longue de dire qu'il est peu probable qu'il y ait eu de telles études dans le cas de la plupart des pesticides sur le marché.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci. Lorsqu'on regarde certaines des questions soulevées par le Commissaire à l'environnement et au développement durable—par exemple le fait que le gouvernement ne ramasse pas de données sur les déversements de nombreuses substances toxiques, le fait que certains programmes volontaires de réduction des rejets de produits chimiques industriels toxiques ne sont peut-être pas suffisants pour gérer ces substances toxiques, et le fait que le contrôle de la présence des effets des substances toxiques dans l'environnement est incomplet et irrégulier—certaines des critiques sont plutôt accablantes.

Lorsque je regarde certains des points que vous soulevez dans votre document relativement à ce que font les Américains, il me semble qu'ils s'attaquent à certaines des mêmes questions. Je me demande pourquoi les Américains ont compris alors que nous nous continuons à avancer à tâtons dans le noir. Étant donné que vous travaillez pour une organisation internationale, auriez-vous des idées à nous soumettre pour expliquer pourquoi les Américains progressent plus en ce sens que nous?

• 1015

Mme Julia Langer: Je pense qu'il faut se garder de mettre les États-Unis sur un piédestal. Je pense que l'approche des Américains est de vous noyer sous une montagne de papier. Vous pouvez obtenir une tonne de renseignements sur les pesticides si cela vous intéresse. Dans bien des cas, cela nous intéresse nous, et nous aimerions y avoir accès. Dans de nombreux cas, c'est le même pesticide, alors cela paraît un peu ridicule et un peu maladroit que le Canada ne permette pas cet accès.

Les États-Unis ont, certes, adopté une approche nouvelle et tout à fait novatrice en vue de protéger la santé des enfants et d'examiner l'exposition cumulative globale. Mais ils n'en sont pas encore là. En fait, mon homologue américain au Fonds mondial pour la nature et des collègues d'autres organisations environnementales se sont récemment retirés du processus public de mise en oeuvre de la loi sur la protection de la qualité des aliments tout simplement parce que celui-ci accusait un léger retard.

Nous tenons à ce que leur système fonctionne, ne serait-ce que dans le contexte de l'harmonisation, car ils font beaucoup de travail initial sur lequel nous pouvons bâtir. Mais ne les mettez pas sur un piédestal. Les Américains sont formidables sur le plan information, et, sur le plan cadre conceptuel, ils sont certainement en avance sur nous et nous pouvons les rattraper. Mais il nous faudra y travailler, et ce aussi fort que le Canada doit travailler à rattraper son interprétation des lois contemporaines en matière de pesticides.

Mme Karen Kraft Sloan: Qu'arrive-t-il lorsqu'un pesticide est rayé de la liste? Quel est le processus de radiation, de notification et d'élimination de la substance ou du produit chimique?

Mme Julia Langer: Je n'ai eu que deux expériences directes de cela, la plus récente avec le carbofurane. La déshomologation se fait à la discrétion du ministre. En gros, la loi dit que le ministre doit être convaincu qu'un produit ne pose pas un risque de dommages inacceptables. S'il décide que c'est le cas, alors il obtient l'annulation de l'homologation. Je pense que l'annulation prévoit certaines dispositions en matière d'utilisation de stocks existants, ce qui est contraire à la loi, car si un produit est trop toxique, il est trop toxique, un point c'est tout. Vous ne devriez pas pouvoir vous en servir pendant des années encore. Le fabricant peut également recourir à un mécanisme d'appel—mais cela vaut pour le seul détenteur de l'homologation, et non pas pour le public. Cela est assez simplement expliqué dans la loi, mais il n'y est pas prévu de véritable participation officielle du public.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

La parole est maintenant à M. Stoffer, qui sera suivi du président, après quoi nous ferons un deuxième tour.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président.

Je dois convenir que je n'ai jamais vu un témoin sourire autant que vous pendant un exposé tout en utilisant sans cesse des mots de six à dix syllabes. J'admire le talent que vous avez.

J'aimerais vous poser quelques questions. Siégez-vous au comité de sélection des substances et des pesticides pour le site contaminé de Sydney—les sables bitumineux?

Mme Julia Langer: Non.

M. Peter Stoffer: Pourriez-vous nous éclairer quant au statut du projet...

Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Peut-être qu'un jour vous déciderez de passer par l'intermédiaire du président, et j'espère que ce jour viendra bientôt.

M. Peter Stoffer: Excusez-moi, monsieur le président. J'ai tout simplement été impressionné par sa présentation.

Le président: Oui, je vous entends.

M. Peter Stoffer: Monsieur le président—je vous regarde, et ce sera ainsi plus facile...

Le président: Non, non.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Le président: Je ne peux pas concurrencer cela.

M. Peter Stoffer: La dernière fois que je suis venu à une réunion du comité, nous avons reçus des représentants des différents ministères et je leur ai posé la question suivante, que je vais maintenant poser au témoin: la situation en ce qui concerne le rôle des ministères clés s'est-elle améliorée depuis la création de l'ARLA?

• 1020

Mme Julia Langer: Je n'ai en fait pas participé officiellement au processus d'examen de l'homologation des pesticides au tout début, en 1989-1990, lorsqu'il a été recommandé que l'autorité en matière d'homologation soit retirée d'Agriculture Canada, perçu un petit peut comme étant le renard qui surveillait le poulailler, pour être cédé à Santé Canada. J'ai cependant fait partie de l'équipe environnementale qui appuyait les membres du panel, et nous aurions préféré que cela revienne à Environnement Canada. Il a été décidé, en guise de compromis, dirais-je, de céder cela à Santé Canada et de rallier tout le monde.

Je pense pour ma part que c'était peut-être une erreur, car en homogénéisant au sein d'un seul et même ministère tous ces domaines de spécialisation, vous n'avez pas la critique externe, en un sens, la compétence externe que fournissaient autrefois Santé Canada et Environnement Canada.

À certains égard, je pense que nous avons un petit peu perdu du fait de l'absence de cette compétence externe et de cette fonction de type critique. Rien n'est vraiment purement critique à l'intérieur de l'énorme appareil gouvernemental, mais au moins il y avait pour Santé Canada la très nette responsabilité d'examiner les effets sur la santé et, pour Environnement Canada, celle d'examiner les effets environnementaux. Je pense qu'il y a eu une homogénéisation un petit peu trop poussée et qu'il n'y a plus pour les autres agences suffisamment de place pour s'exprimer.

Cela ne veut pas dire que c'est impossible, car je pense que nous pourrions trouver des moyens de veiller à ce que ces compétences soient pleinement utilisées, car, d'un point de vue environnemental, en particulier, pour ce qui est de notre domaine de compétence, nous avons vraiment besoin du Service canadien de la faune. Nous avons vraiment besoin du travail de surveillance qu'il fait dans les Grands Lacs, dans les Prairies et dans les provinces de l'Atlantique pour imposer les décisions en matière d'homologation et les décisions en matière de déshomologation, et je pense que nous avons perdu cela.

M. Peter Stoffer: Ma deuxième question porte sur votre recommandation dix: vous demandez que l'on libère les renseignements sur les pesticides.

Je m'occupe tout particulièrement d'un grand nombre d'exploitations aquacoles le long des deux côtes. L'on s'inquiète, bien sûr, de l'utilisation de pesticides et de tout le reste que suppose l'utilisation de ces cages-filets. On vous raconte toujours la même histoire et on vous dit qu'il s'agit de renseignements commerciaux confidentiels, mais lorsque vous interrogez régulièrement les six exploitations aquacoles avec lesquelles je traite régulièrement, il ressort clairement qu'elles parlent régulièrement entre elles des pesticides qu'elles utilisent.

Je demande toujours de qui elles privent ces renseignements confidentiels? Ces renseignements ne sont pas confidentiels entre elles. Elles sont concurrentes. Elles utilisent toutes les mêmes produits. Elles ont toutes une organisation appelée secteur aquacole, et en règle générale les ministères provinciaux les aident à cet égard.

Lorsqu'elles disent qu'il s'agit de renseignements commerciaux confidentiels—j'aimerais que vous me disiez si vous êtes ou non d'accord avec moi sur ce que je vais dire—en fait, elles veulent empêcher que disposent de ces renseignements les personnes dans les régions environnantes et les personnes qui consomment leurs produits. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

Mme Julia Langer: Je pense que dans l'ensemble nous n'avons presqu'aucun accès à des renseignements, quels qu'ils soient, un point c'est tout, que l'on parle de l'aquaculture, d'un autre secteur de production alimentaire ou d'une utilisation intérieure. Nous n'avons tout simplement pas accès aux renseignements sur les risques et sur les problèmes pour l'environnement. C'est non existant.

En ce qui concerne l'aquaculture, je sais qu'il en a été question lors de réunions précédentes du comité. Nous avons rédigé une lettre, signée par une douzaine d'organisations environ, dans laquelle nous disons que le ministre ne devrait pas homologuer la cyperméthrine. Je sais que cela fait présentement l'objet de discussions. Nous avons donné sept à huit raisons, sur le plan toxicité marine, et nous n'avons pas encore eu de réponse quant au statut de ce pesticide. On n'a même pas voulu nous dire si son producteur cherche à le faire homologuer. Il se trouve que nous le savions, mais il n'existe pas de mécanisme systématique comme aux États-Unis, mécanisme en vertu duquel vous savez quels pesticides font l'objet d'une demande d'homologation.

M. Peter Stoffer: Et pourquoi, pensez-vous?

Mme Julia Langer: C'est sans doute une question d'histoire, je ne sais pas. Il n'y a pas de raison à cela. Comme je l'ai déjà dit, je pense que l'on a rejeté le blâme pour cela sur la Loi sur l'accès à l'information; on dit que ces renseignements sont considérés comme étant confidentiels en vertu de cette loi. Je pense que nous devrions avoir un avis là-dessus, car j'estime que ce n'est pas crédible.

• 1025

M. Peter Stoffer: Merci.

Le président: Merci, monsieur Stoffer.

Madame Langer, vous avez couvert une si vaste gamme de questions que je ne sais plus si vous avez déjà traité de l'effet sur les oiseaux migrateurs et sur la législation en matière d'oiseaux migrateurs résultant des conditions et des politiques actuelles. Pourriez-vous nous faire une brève récapitulation?

Mme Julia Langer: Il s'agit là d'une question à laquelle le Fonds mondial pour la nature a consacré beaucoup de temps et d'énergie, car nous tenons à protéger la chouette des terriers, qui est un oiseau migrateur. Je pense que le comité a discuté de questions de chevauchements et de contradictions entre différents textes de loi, notamment la Loi sur les pêches et la Loi sur les produits antiparasitaires, mais à notre avis, il y a encore une autre loi qui doit intervenir ici, soit la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

Si un pesticide est répandu dans un endroit où les oiseaux migrateurs y ont facilement accès, comme cela a été le cas du carbofurane en grains dont on saupoudrait les champs de canola, les oiseaux migrateurs qui se dirigent vers le Nord vont certainement en ramasser au passage. La conclusion des études qui ont été faites était que selon le moment où passaient les oiseaux et la période d'ensemencement, jusqu'à un million d'oiseaux pouvaient mourir des effets de ce pesticide.

Cela pourrait fort bien constituer un délit en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, de telle sorte que l'on aurait encore une autre situation dans laquelle Environnement Canada et l'ARLA ne seraient pas du même avis sur ce que disent les deux lois l'une de l'autre et au sujet de l'utilisation de pesticides. Cela n'a pas été éprouvé. La question du carbofurane a été réglée par une annulation avant que quiconque n'ait eu l'occasion de s'y pencher, mais je pense que c'est là un problème qui devrait être réglé.

L'autre question que je soulève dans mon mémoire mais dont je ne traite pas directement est celle des espèces menacées, en particulier, et d'un projet de loi qui n'est pas forcément encore parvenu à la Chambre, voire même au comité, mais il est possible que soit lancée une autre tentative de faire adopter une loi sur les espèces en danger d'extinction, et je pense que ou la Loi sur les produits antiparasitaires ou la Loi sur les espèces en danger d'extinction, ou les deux, devraient prévoir une protection spéciale pour les espèces en voie de disparition du fait de l'utilisation de pesticides.

Qu'il s'agisse de la chouette des terriers ou du faucon pèlerin, qui n'est pour l'instant pas menacé d'extinction—Dieu merci—ou du bélouga, les pesticides jouent un rôle. Encore une fois, il y aurait à régler ici une question de chevauchement de mandats. J'ose espérer qu'il y aura de très solides indications selon lesquelles la résolution du problème ne supposera pas l'adoption d'un compromis à la baisse avec acceptation du plus bas dénominateur commun.

Le président: Merci.

S'il devait y avoir de profonds changements résultant d'une dépendance réduite à l'égard des pesticides, quelle incidence cela aurait-il sur le coût de la nourriture, des régimes et d'autres choix de vie?

Mme Julia Langer: Mon impression—et j'ai peut-être ici quelque préjugé—est qu'il y aurait un effet positif, en tout cas pour les régimes alimentaires et, je l'espère, pour les coûts, et également, de façon générale, du simple fait de moins compter sur les pesticides.

Nous pensons qu'il existe beaucoup de renseignements techniques sur la question de savoir comment réduire la dépendance à l'égard des pesticides, mais il faudrait davantage de renseignements et d'initiatives en vue de faire adopter ces pratiques et d'obtenir des consommateurs et des détaillants, et en fait de toute l'industrie alimentaire, qu'ils les épousent. Le Fonds mondial pour la nature travaille avec des vergers et commence à travailler avec des producteurs de pommes de terre à l'Île-du-Prince-Édouard dans le but d'examiner des pratiques de gestion intégrée des ravageurs qui puissent être adoptées progressivement. Le but n'est pas de passer tout de suite à un niveau de pesticides zéro.

Il y a certainement des avantages à réduire progressivement sa dépendance à l'égard des pesticides. Cela présente beaucoup d'avantages personnels, d'avantages financiers—les pesticides coûtent cher—et d'avantages côté quantité de pesticides dans les aliments. Ce qu'il faut, c'est l'appui de consommateurs qui achètent, de détaillants qui proposent le produit et de transformateurs qui le préparent, et l'on commence à voir cela.

• 1030

Les producteurs d'aliments pour bébés s'y lancent sur une grande échelle, étant donné que les enfants sont plus sensibles et que les mères s'intéressent souvent de très près à ce que consomment leurs enfants. D'autre part, il s'agit là d'un important groupe de consommateurs. C'est ainsi qu'une société comme Gerber, aux États-Unis, passe des contrats avec des producteurs stipulant qu'elle ne veut pas que tel ou tel produit chimique soit utilisé ou qu'elle veut des sources organiques pour tel volet de sa gamme de produits.

Je pense que le marché est véritablement en train d'intégrer cela, et la transition doit se faire de tous les côtés. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les agriculteurs fassent cela tout seuls. Il faut avoir l'appui du marché, l'appui des consommateurs ainsi que l'appui de la recherche.

Le président: Enfin, avez-vous des opinions quant à l'utilisation de pesticides sur les pelouses?

Mme Julia Langer: Eh bien, un pesticide est un pesticide. En un sens, peu importe où vous les utilisez. Pour ce qui est des pelouses, l'utilisation de pesticides pour de simples fins esthétiques est sans doute celle que l'on pourrait écarter le plus rapidement. Fort heureusement, il existe d'autres façons de s'occuper des paysages urbains sans compter sur les pesticides, ce qui est devenu la tradition.

Je soulignerais que beaucoup de progrès sur le plan réduction de la dépendance à l'égard des pesticides sont attribuables aux municipalités, lorsque celles-ci ont un mandat en ce sens. Elles ont les moyens d'amener une réduction de l'utilisation des pesticides et nombre d'entre elles s'y appliquent déjà. Nous avons travaillé avec de nombreuses organisations locales. Il existe peut-être dans vos circonscriptions des organisations qui oeuvrent en vue de l'adoption de règlements destinés à réduire l'utilisation de pesticides. Nous enregistrons beaucoup de succès dans nos efforts visant à convaincre les municipalités—pas forcément les propriétaires encore, mais les municipalités—à réduire leur dépendance à l'égard des pesticides chimiques.

Le président: Merci.

La parole est maintenant à M. Gilmour, pour le deuxième tour.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais ajouter ma voix à celles qui ont dit que vous nous avez présenté un excellent mémoire. Nous recevons souvent des personnes qui viennent nous soumettre des problèmes; votre groupe a franchi l'étape suivante en nous soumettant un certain nombre de recommandations. Je trouve cela excellent.

Pour ce qui est des témoins représentant le gouvernement que nous avons reçus jusqu'ici, souvent on nous répond: «Eh bien, ce n'est pas notre mandat». Je dois dire que personnellement j'ai du mal à mettre ensemble tous les morceaux qui constituent le système de réglementation. Certains aspects relèvent des provinces. Estimez-vous que la majorité des questions sont du ressort du gouvernement fédéral? Vous avez même mentionné les municipalités. D'après vous, s'agit-il principalement d'un problème fédéral?

Mme Julia Langer: Je mettrais l'accent sur la compétence fédérale en matière d'homologation et de radiation, car le gouvernement a en la matière la responsabilité exclusive. Pour ce qui est des solutions de rechange, je pense qu'il y a d'autres paliers de gouvernement, certainement les provinces, qui sont responsables de l'agriculture, les municipalités, pour ce qui est des paysages urbains sur leur territoire: ces paliers de gouvernement interviendront donc, je pense, davantage du côté mise en oeuvre de solutions de rechange. Quant à l'application d'une politique de réduction des risques, il est impératif que d'autres paliers interviennent.

Pour ce qui est d'homologation et de radiation, le gouvernement fédéral et, dans ce cas-ci, l'ARLA, vu qu'on l'a créée, sont responsables. Ce que l'on a vu à l'intérieur de l'appareil du gouvernement fédéral, avec les différents ministères, est complexe, et tout ce que je peux faire c'est répéter ce qu'a dit le commissaire à l'environnement: il vous faut réparer cela; il vous faut régler les problèmes. C'est une question d'information et d'accès à l'information, et une question de savoir à qui demander des renseignements et de qui les prendre. Ce n'est pas bien compliqué.

M. Bill Gilmour: Oui, d'après ce que j'ai pu voir ici, je pense qu'il y a un manque de reddition de comptes, les gens voulant dire: «Ce n'est pas moi qui suis responsable, il faut aller là-bas», et le problème fait ainsi le tour de la table. Mais, comme vous dites, le commissaire à l'environnement a en fait mis le doigt dessus: corrigez le problème.

Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Madame Bujold, s'il vous plaît.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame, je voudrais parler des aliments transgéniques.

• 1035

Vous savez qu'au Canada, on veut absolument aller vers la biotechnologie des aliments transgéniques. Actuellement, au Canada, il n'est pas obligatoire d'étiqueter les aliments transgéniques. Également, on sait que certains autres pays sont très réfractaires à ces aliments. Pensez-vous qu'il devrait y avoir un débat au Canada avant qu'on se dirige résolument vers cela? Devrait-on inclure dans la prochaine loi l'obligation d'étiqueter ces aliments? Merci.

[Traduction]

Mme Julia Langer: Je suis davantage une toxicologue traditionnelle. Je n'ai pas vraiment de formation en biotechnologie. Cependant, l'on commence à voir un recoupement entre les cultures transgéniques—c'est-à-dire qui ont été génétiquement modifiées—et certaines des questions de toxicologie plus classiques avec les cultures obtenues par procédé biotechnologique. L'incidence de la biotechnologie sur le pollen, lorsqu'il y a dérive des pesticides et exposition des papillons, est un vrai problème, et je pense qu'il importerait de répondre à ces questions avant de se lancer à fond dans l'application de cette technologie. Par conséquent, notre perspective est qu'il nous faut faire preuve de prudence et prendre des précautions avant de nous y lancer.

En ce qui concerne la question de l'étiquetage, cela suppose que vous avez déjà des aliments sur le marché, ce qui est le cas, principalement parce qu'il n'y a eu aucun débat là-dessus à ce jour. Le Fonds mondial pour la nature n'a pas de politique officielle là-dessus, mais nous aimerions certainement que les questions écologiques soient résolues avant que ce genre de technologie ne soit appliquée.

Le président: Monsieur Herron.

M. John Herron: Une observation a été faite relativement aux déclencheurs potentiels: nous ne voulons pas que les aliments que nous consommons aient le potentiel de renfermer un cancérogène. Une chose que l'on voudrait peut-être envisager serait d'examiner les déclencheurs sur lesquels se sont penchés les Suédois. Comment fait-on cela d'un point de vue importation, car beaucoup de nos fruits et légumes sont importés au Canada? Comment faire de ce point de vue?

Mme Julia Langer: Le principal mécanisme serait de recourir à des limites maximales de résidus. Si vous dites que vous ne voulez pas de résidus du produit chimique XYZ parce que celui-ci est cancérogène, alors cela veut dire que vous ne voulez pas les importer non plus.

De façon générale, le Canada s'est comporté différemment des États-Unis sur ce plan, car nous disons qu'il y a une limite maximale de résidus pour tout. C'est une limite forfaitaire. Si un produit arrive, il lui faut être en dessous de cette limite forfaitaire ou de la limite maximale de résidus établie. Cela suppose que le produit a été homologué ici.

S'il n'a pas été homologué ici, je ne sais trop comment cela fonctionnerait, c'est-à-dire si la limite serait de zéro. Il faudrait que quelqu'un d'autre réponde à cette question. Quoi qu'il en soit, ce serait là le mécanisme pour bloquer l'importation du produit en question. S'il arrivait un produit contenant un cancérogène, nous le refuserions, car nos normes stipulent que nous ne consommons pas de produits cancérogènes.

M. John Herron: J'aimerais que vous nous expliquiez un petit peu plus ce que vous dites au point 10 de votre mémoire, soit qu'un grand nombre de producteurs de pesticides fournissent des preuves des effets potentiellement néfastes de divers produits. J'en déduis que vous êtes en train de vous demander si vous avez le tableau complet en ce qui concerne certaines des études réalisées par diverses sociétés. Cela me donne quelque part la chair de poule. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu votre point 10?

Mme Julia Langer: Il y a des renseignements au sujet des risques, du genre de risque écologique, de risque pour la santé. Les tests à effectuer ne devraient pas forcément être les données brutes, mais le résumé—tout le monde fait des résumés des données—devrait être disponible. Si un pesticide fait l'objet d'une homologation ou d'une réévaluation, et si je m'y intéresse, je devrais pouvoir dire: «Écoutez, il est dit ici que ce produit affiche tel niveau d'incidence aigu» ou «cette étude sur la reproduction montre cette conséquence-ci sur le plan fertilité». L'interprétation de la société sera peut-être que ce n'est pas un gros problème, mais c'est peut-être un gros problème pour moi. J'aimerais être en mesure de voir ces choses et d'exprimer mon point de vue. À l'heure actuelle, nous n'avons pas accès à ces renseignements.

• 1040

En ce qui concerne certains nouveaux pesticides qui passent à l'heure actuelle par le processus d'homologation, l'ARLA demande aux sociétés si elles autoriseront la distribution d'un résumé aux fins de commentaires. J'ai vu trois ou quatre cas au cours des dernières années où la société a donné son autorisation—parce que c'est le genre de données qui sont de toute façon disponible aux États-Unis—alors nous avons pu les voir.

Cela est vraiment complètement à part des renseignements commerciaux strictement confidentiels. Quant aux formulations exactes et aux protocoles de test, etc., il y a certains éléments d'information qui sont vraiment considérés comme étant des renseignements commerciaux confidentiels, mais tout le reste devrait pouvoir être accessible.

M. John Herron: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Kraft Sloan, suivie de M. Stoffer, de M. Charbonneau, puis du président.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci, monsieur le président.

J'ignore si les témoins connaissent suffisamment le gouvernement de l'Ontario pour pouvoir se prononcer sur les rapports en matière de pesticides, mais il semble qu'il fournit tous les cinq ans des sondages détaillés sur l'utilisation de pesticides agricoles, et un sondage qui est sorti... Les renseignements que j'ai ici, en provenance de ces sondages, disent que l'utilisation des pesticides agricoles a reculé de 28 p. 100 entre 1983 et 1993, alors nous nous attendons à ce qu'il y ait très prochainement un nouveau sondage. Dans quelle mesure ceux-ci sont-ils exhaustifs?

Mme Julia Langer: Il s'agit en fait de sondages très détaillés. C'est le dernier; il s'agit des données pour 1993. C'est une extrapolation de l'usage fait des pesticides. Ce qu'ils font, c'est qu'ils interrogent les agriculteurs, puis ils font des extrapolations pour les superficies consacrées à ces cultures. Ils font leur étude comté par comté, culture par culture. C'est vraiment très détaillé. Ces vingt-huit pour cent s'appuient bien sûr sur le volume; ils font leurs calculs sur la base de kilogrammes d'ingrédients actifs.

Vous pouvez voir que les données sont liées à la rotation des cultures, par exemple. Avec le maïs, si vous optez pour l'assolement, vous éliminez dans une certaine mesure le problème de la pyrale du maïs, alors vous éliminez en même temps la nécessité d'utiliser des insecticides ou en tout cas vous en réduisez considérablement les quantités. Il me faut ajouter qu'une partie de la réduction est due au fait que vous passez d'un produit chimique à un autre—d'un produit chimique à forte dose à un produit chimique à faible dose—ce qui réduit le poids de l'ingrédient actif mais ne réduit pas forcément la toxicité. Quoi qu'il en soit, je pense que leurs chiffres s'appuient sur des données assez exhaustives.

Je compile des données de partout dans le monde sur l'utilisation des pesticides et j'examine différents systèmes de collecte de données—par exemple, le système californien, qui est très exhaustif, et dans le cadre duquel les usagers, les distributeurs et les fabricants doivent faire des rapports. Il existe toutes sortes de systèmes différents. D'ailleurs, je siège à un comité qui a créé l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire en le chargeant de mettre au point une base de données sur les pesticides. Les provinces disent qu'elles sont intéressées par ce qu'elles appellent des chiffres repères. Elles compilent donc ces données, l'Alberta compile des données, mais les provinces ne disposent d'aucun chiffre national repère qui leur permette de faire une validation.

Mme Karen Kraft Sloan: Y a-t-il d'autres provinces, en dehors de l'Ontario et de l'Alberta?

Mme Julia Langer: Le Québec fait un sondage sur certaines cultures, notamment la grosse rotation maïs-soja. L'Île-du-Prince-Édouard compile des données. L'Alberta mène un sondage auprès des distributeurs de pesticides pour essayer de cerner le volume. Il y a donc tout un mélange.

Je ne vois tout simplement pas pourquoi il y a une hésitation de la part de l'ARLA de demander ces renseignements et de les obtenir. Elle attend plus ou moins de voir ce que l'industrie lui fournira. Elle ne veut pas faire de rapports ventilés par ingrédient actif, et les renseignements sont donc selon moi de ce fait relativement inutiles. Il existe tellement de renseignements sur la façon d'obtenir des renseignements qu'il n'y a pas de raison de tirer de l'arrière.

• 1045

Mme Karen Kraft Sloan: Par conséquent, même si certaines données sont recueillies, ce n'est pas exhaustif et c'est certainement...

Mme Julia Langer: C'est province par province. C'est selon l'idée que se fait chaque province de ses besoins. Mais il n'y a pas de synthèse fédérale. Vous savez, l'ARLA est l'organisme responsable de l'homologation. Elle n'assure aucun suivi national des pesticides qui sont utilisés, où, quand et pourquoi. Elle accorde tout simplement l'homologation et aucun suivi n'est prévu.

Mme Karen Kraft Sloan: L'autre question qui m'occupe est celle du processus des négociations internationales des POR. L'une de mes grandes inquiétudes relativement à la LCPE était que des éléments de cette loi allaient servir de modèle pour le processus international de négociation des POR, étant donné que c'est le Canada qui préside le processus. Vu certaines des questions qui se posent à l'heure actuelle avec l'ARLA, je me demande quelle incidence aura selon vous la pratique canadienne actuelle en matière de pesticides et de polluants organiques rémanents a sur le processus de négociation des POR.

Mme Julia Langer: Je pense avoir mentionné que l'interprétation de la politique de gestion des substances toxiques de l'ARLA comportait de sérieuses lacunes. Sans entrer dans le détail, elle ne dit jamais que les POR, qu'il s'agisse de micro-contaminants ou de pesticides proprement dits, devraient être presque éliminés. C'est aussi simple que cela. Elle dit «Eh bien, peut-être qu'on pourrait s'en servir pour réduire les risques». Cela est totalement inacceptable. C'est ainsi que vous vous retrouvez dans une situation où vous pourriez avoir des pesticides renfermant des dioxines et des furanes. Il existe certainement des pesticides renfermant des dioxines, des furanes, et de l'hexachlorure de benzène, et ces produits ne sont pas visés par un programme accéléré de quasi-élimination. Ils sont en train... Je ne sais pas ce qu'on en fait.

Cela minera la position du Canada dans le cadre du processus de négociation du traité sur les POR, car il y a toujours cette supposition qu'il n'est pas vraiment nécessaire de les supprimer. À notre avis, les substances de la catégorie 1 devraient être à toutes fins pratiques supprimées, un point c'est tout. Et nous devrions avoir un plan d'action en ce sens. Le plan de mise en oeuvre ne donne pas la liste des substances et ne prévoit pas de calendrier. Je pense qu'il faudra que cela soit corrigé pour que nous ayons une certaine harmonie au sein de la délégation canadienne qui sera chargée du processus de négociation des POR.

Le président: Monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Vous avez mentionné tout à l'heure que l'Autriche avait fait une étude sur le Lindane, je pense, et que les chercheurs en étaient arrivés à certaines conclusions, et qu'au lieu de mener notre propre étude sur le Lindane, nous devrions peut-être plus ou moins... J'ignore si le témoin veut dire que nous devrions accepter ce qui a été fait ailleurs ou tout simplement utiliser ces données.

Monsieur le président, ne serait-il pas possible...? Nous sommes à l'heure actuelle aux prises avec la question, mettons, des pêcheries, des phoques, et deux chercheurs ont deux avis tout à fait différents. Monsieur le président, si nous acceptions l'avis d'un autre pays que telle substance ou que tel pesticide n'est pas très dangereux, n'y aurait-il pas un risque qu'on utilise dans ce pays des pesticides qui sont en fait dangereux, même si l'autre pays prétend le contraire?

Mme Julia Langer: Cela peut certainement marcher dans les deux sens. Dans le cas du Lindane, je m'oppose au processus voulant que le Canada entreprenne un examen spécial exhaustif alors qu'un autre pays a déjà fait ce travail. Nous savons que les Canadiens sont exposés au Lindane et il nous faut accélérer ce genre de processus. Tout ce que je fais c'est souligner que l'Autriche a fait cette étude, car c'est le cas, et l'évaluation existe donc. Il faudrait bien évidemment l'examiner. Mais un examen spécial... L'examen spécial que je connais est celui qui a porté sur le carbofurane. Cet examen a duré de 1989 à 1998. Cela est un peu déconcertant, étant donné surtout que ni la loi ni les règlements ne prévoient de délai. J'aimerais que nous ayons un processus accéléré étant donné que les Inuit et que la faune de l'Arctique canadien sont exposés, que l'Autriche a fait une évaluation et que tout indique qu'il s'agit ici d'une très vilaine substance.

• 1050

M. Peter Stoffer: Mon collègue de la région de l'Atlantique m'a demandé de poser la question qui suit, alors je le fais en son nom.

Le ministère de la Santé a entrepris un projet sur les maladies environnementales et la sensibilité aux produits chimiques. Si le gouvernement fédéral convient un jour que les maladies environnementales et que la sensibilité aux produits chimiques existent bel et bien, sont un problème de santé, il y aurait examen et indemnisation. Vos interventions relativement à l'effet cumulatif des pesticides n'interviendraient-elles pas à cet égard?

Vous disiez qu'il nous faut tenir compte de l'aspect cumulatif. Par exemple, je dis toujours que si vous faites vous-même votre plein d'essence, vous vous exposez à certaines choses. Si vous buvez du lait d'un contenant, vous vous exposez à certaines choses. Si vous buvez de l'eau d'un certain contenant... tous ces effets sont cumulatifs.

Mme Julia Langer: Cela concerne davantage les points de contact les plus sensibles. Si vous choisissez un point de contact hypersensible comme étant le niveau jusqu'auquel vous voulez assurer une protection, vous en arriverez à une décision différente de celle que vous prendriez si vous protégiez une personne moyenne du sexe masculin ou même un enfant moyen, car vous avez choisi un point de contact plus sensible. Il importe donc de prendre encore une autre décision en matière de réglementation, celle du niveau de protection que l'on veut offrir. Sur quoi doit-on appuyer la norme?

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Charbonneau, s'il vous plaît.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): J'ai bien écouté la présentation de Mme Langer et j'en ai été très impressionné. Je suis revenu au texte du document que vous nous aviez donné, dans lequel vous résumez votre programme en quatre lignes de force: rattrapage, moyens de remplacement, modifications de la loi et reddition de comptes. Je trouve que c'est un programme très clair et très intéressant que le comité devrait examiner de près et, à mon avis, faire sien.

Avec l'expérience que vous avez acquise pendant des années dans ces milieux ou dans ces circuits, si vous aviez le pouvoir d'un ministre face à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, remettriez-vous en question son existence?

[Traduction]

La supprimeriez-vous ou non?

[Français]

Est-ce son organisation ou son leadership qui est en cause? Y a-t-il une mauvaise définition de ses priorités? Le problème est-il plutôt son budget, ses moyens ou son expertise scientifique? Quels sont les problèmes? Que feriez-vous pour répondre à cette question? Conserveriez-vous l'agence et, si oui, que réarrangeriez-vous pour qu'elle fonctionne? Vous dites qu'il faut fix, qu'il est temps de la réparer. J'écoute le docteur.

[Traduction]

Mme Julia Langer: Je ne pense pas que l'ARLA ait la capacité inhérente de gérer cela. Comme vous l'avez dit, la question est plutôt celle de ses priorités, de ses capacités législatives, de sa volonté, des directives qu'elle s'est donnée, de ses véritables clients et des priorités de ces derniers. J'ai tenté d'assembler une série de recommandations telles que si j'étais en mesure de fixer ses priorités, celles-ci seraient clairement axées sur la santé et l'environnement.

L'agence a néanmoins un problème inhérent dû à la façon dont elle est financée. Personne n'aime la récupération des coûts, pas l'industrie et pas les gens de notre côté de la table, car la récupération des coûts est une recette pour le maintien de l'utilisation de pesticides. Si votre budget est lié à l'homologation des pesticides et à l'existence de pesticides sur le marché, vous n'êtes pas très porté à les réduire, car votre budget disparaîtrait alors. Vous pourriez envisager la question dans ce contexte.

• 1055

Étant donné que le moment est venu de véritablement mettre l'accent sur la législation en matière de pesticides, le vérificateur nous a plus qu'autorisés à faire cela—il nous en a chargés. Il nous faut examiner le mandat et les priorités et en évaluer le coût et voir comment les financer de façon adéquate. Je ne pense donc pas qu'il s'agisse de quelque chose que l'on ne puisse pas réparer. C'est une chose qui n'a cessé de déraper, encore et encore.

Pour ce qui est de l'aspect historique, j'ai apporté beaucoup de documentation, mais celle-ci remonte à l'engagement à modifier la loi pris par votre parti en 1993 et qui figurait dans les notes de breffage du premier ministre relativement à l'agriculture. Cela n'a toujours pas été fait. Je pense que cela mérite une telle attention, et je veux parler ici et du mandat et du financement.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, madame nous a dit qu'il y avait une question de sélection de priorités et certainement une question de moyens, de budget. Elle nous a aussi parlé du mandat. Je voudrais lui donner l'occasion d'approfondir cet aspect en particulier.

Pourriez-vous nous résumer les retouches que vous apporteriez au mandat de l'agence pour qu'elle fasse mieux son travail?

[Traduction]

Mme Julia Langer: Je répéterai que la priorité doit être clairement donnée à la santé et à la protection de l'environnement. Tout le reste doit arriver au second plan. Lorsque vous lisez le plan stratégique de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et toutes ses priorités en matière d'accès en temps voulu aux pesticides, cela nuit à ce que devrait être son principal mandat. Si l'on se concentre là-dessus dans le contexte des modifications à apporter à la loi, alors l'on n'aura pas de mal à faire le tri dans ce que devraient être le mandat et les orientations. C'est là la façon la plus simple pour moi d'exposer la situation.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Le premier objectif, dans le plan stratégique, est de protéger la santé et l'environnement contre les risques associés aux produits de la lutte antiparasitaire. C'est la première chose.

[Traduction]

Mme Julia Langer: Ce devrait être là le mandat, et tout le reste devrait être secondaire. À l'heure actuelle, cela se trouve renfermé dans toutes sortes d'autres mandats.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Charbonneau.

[Traduction]

Comme vous le savez, madame Langer, l'actuel mandat de l'ARLA est double. L'agence doit s'occuper de la promotion de la santé mais elle s'occupe également de la promotion de l'utilisation de pesticides. La question est la suivante: voyez-vous un conflit dans le cadre de l'actuel mandat? Et s'il y a conflit, comment le régleriez-vous? S'il n'y a pas conflit, alors nous pouvons nous détendre et passer à autre chose.

Mme Julia Langer: Je pense qu'il y a un conflit. Reconnaissant que son mandat, en tant qu'organisme de réglementation, vise les pesticides, il faudrait le changer si l'on veut qu'elle s'occupe de protéger la santé et l'environnement. Autrement, son mandat est d'homologuer les pesticides tout en protégeant l'environnement. Je ne pense pas que ce devrait être le cas. En changeant cela, le conflit disparaîtrait. Il faut qu'il s'agisse d'une agence de protection de la santé et de l'environnement et il faut que son mandat reconnaisse que sa tâche est d'homologuer des pesticides. Il faut qu'il y ait moyen de supprimer ce conflit.

Le président: Vous savez que l'agence doit rendre des comptes au ministère de la Santé.

Mme Julia Langer: Oui.

Le président: Cette responsabilité est-elle pleinement exécutée?

Mme Julia Langer: Elle doit rendre compte au ministre de la Santé. Elle est une direction de Santé Canada, alors je ne pense pas...

Le président: Êtes-vous satisfaite de la façon dont l'ARLA s'est comportée jusqu'ici?

• 1100

Mme Julia Langer: Non, je ne peux pas dire que je le suis. Nombre des réformes qui avaient été prévues lors de la création de l'ARLA n'ont pas été entreprises. D'un autre côté, certaines des réformes visant à améliorer l'accès aux pesticides l'ont été. Je ne suis donc certainement pas satisfaite, mais, comme je l'ai dit en réponse aux questions de M. Charbonneau, il est possible de corriger la situation.

Le président: Merci.

S'il n'y a pas d'autres questions, nous vous remercions beaucoup de votre comparution et nous invitons maintenant le témoin suivant à venir s'installer à la table.

Le comité est très honoré d'accueillir Mme Mary Doody Jones, qui représente le mouvement qui a pour nom «Stop the Spraying».

Bienvenue. Vous avez la parole.

[Français]

Mme Mary E. Doody Jones (Stop the Spraying): J'apprécie cette occasion qui m'est offerte de me présenter devant vous. Je viens de loin, comme on dit, et vous pourrez me poser des questions en français, mais il vous faudra parler plus lentement pour que je puisse mieux comprendre. On n'a pas beaucoup d'occasions de pratiquer le français à Victoria.

[Traduction]

Je vais vous exprimer le point de vue vu d'en bas. Pour prendre le point de vue du commissaire, vu d'en haut, les perspectives des citoyens... Mais c'est davantage vu du bas. Ce que je veux dire par là c'est que tout cela nous tombe dessus, et je dispose de beaucoup de renseignements. Je serai brève. Si vous aimeriez avoir davantage de précisions, je pourrai répondre à la plupart de vos questions.

Je suis universitaire: j'ai fait des études très poussées et je suis chercheure active dans de nombreux domaines. Je détiens également un diplôme en conservation culturelle de l'Université de Victoria. Ce diplôme m'amène à m'occuper de conservation d'immeubles.

Il y a là-bas des enseignants de calibre mondial. Un professeur nous a enseigné sur la pollution, alors j'ai des connaissances particulières non sur l'effet de la pollution sur la maçonnerie et le granit, mais également relativement à son effet sur les gens. J'ai également participé l'an dernier à la commission d'appel en Colombie-Britannique.

J'ai participé à diverses activités... Par exemple la pose de pièges et d'autres activités menées sur le terrain par des bénévoles. J'ai également lutté pour empêcher la pulvérisation de produits sur une superficie énorme, de près de 14 000 hectares... Et l'an dernier, la commission d'appel ne voulait pas l'autoriser pour 453 hectares. Et cela a été fait.

La route a été très difficile. Mon objet ici est de vous présenter la perspective d'une citoyenne qui possède des renseignements et qui est à votre disposition pour répondre à vos questions là-dessus. Je vais parler principalement de trois points et vous soumettre quatre recommandations, et j'ai également remis au greffier d'autres recommandations visant d'autres moyens ainsi que des renseignements supplémentaires sur des choses qui vont mal.

Nous sommes de citoyens qui nous battons pour le paradis. L'Île de Vancouver est une zone unique et merveilleuse. Elle n'a pas été urbanisée comme cela s'est vu sur le continent. C'est pourquoi de nombreuses personnes vulnérables choisissent d'y vivre. Elles peuvent avoir leurs jardins organiques. Le climat est agréable. Il y a une proportion élevée de personnes âgées, un autre groupe vulnérable.

• 1105

Lorsque je viens en Ontario, je suis très étonnée par la vitalité dans les rues. Les agriculteurs organiques et les apiculteurs... c'est vraiment très gros.

[Français]

Pour nous, c'est comme un cauchemar pour les citoyens. La vie est devenue la guerre. L'année dernière, nous avons obtenu l'autre... [Note de la rédaction: Inaudible]. Quelques bénévoles ont donné presque toute leur vie pour ce travail et ils ont réussi. C'est-à-dire qu'on a trouvé les insectes. C'est une éradication. Tout cela a été fait en dépit d'un manque de collaboration des officiels, particulièrement de l'ACIA. Je vous ai donné des documents écrits à ce sujet.

Mais nous avons réussi. Le gouvernement a faussé nos résultats pour dire que c'était une grande crise et il nous a volé notre droit d'appel. Nous sommes allés en cour, mais en vain. Tout le monde dit que c'est sauf. Non. C'est comme une campagne de bombardements contre les citoyens des régions résidentielles. M. Gilmour de Nanaimo est là; et c'est le centre-ville. C'est comme un plan de bombardement.

Les émotions existent toujours: la peur, la frustration. C'était difficile de vivre dans ces conditions. Je ne pouvais pas bien dormir et je me réveillais dans le noir de la nuit, effrayée pour tout le monde sur la terre. Je ne mangeais pas bien.

Quand je reviendrai, ce sera très triste. Je vais voir mes compatriotes épuisés, frustrés, se battant toujours contre tous les officiels. C'est très difficile. Je n'aurai pas assez de temps pour faire les choses ordinaires de la vie ou pour accomplir les activités professionnelles qui sont si importantes pour moi. Il y a toujours une autre lettre à écrire à un ministre ou autre chose du genre.

Voilà l'histoire des citoyens, que le gouvernement ne connaît pas.

[Traduction]

Je vais maintenant vous parler du Bt. Il ne s'agit pas d'un produit chimique de pulvérisation. Il s'agit d'un produit biologique, microbactérien, le bacillus thuringiensis—seule une personne qui a travaillé avec peut l'épeler—et cela se présente sous une certaine forme, le Foray 48B. On appelle cela le Bt. Ce n'est pas du Bt; c'est un produit de pulvérisation dans lequel le Bt compte pour 2,1 p. 100 et il y a d'autres produits de formulation.

L'exposé de Julia, qui m'a précédée, était très bon. Elle a parlé de l'effet synergique. Il existe un certain nombre de toxines à faible niveau. Leur niveau est faible, mais lorsqu'on les met ensemble, l'effet synergique aidant, elles sont puissantes.

Puis il y a un certain nombre d'éléments alimentaires. Pour quelqu'un comme moi, qui est ici en tant que réfugiée, en partie à cause d'allergies alimentaires et d'avertissements au sujet de problèmes liés à une faible acidité gastrique, cela fait vraiment peur, et il y a des cas documentés d'allergies alimentaires, de problèmes attribuables à cela.

• 1110

J'aimerais expliquer comment cela fonctionne afin que vous compreniez que ce n'est pas doux ou soft. Ce n'est pas doux. Il s'agit en fait d'un cristal très dur, de petits cristaux sur la feuille. L'insecte les mange. Le produit fait effet à l'intérieur de l'insecte, dégageant des toxines. Et si cela ne fonctionne pas, alors les spores, qui sont une espèce de grosse levure, s'empare de tout le système et l'insecte meurt. Cela n'est-il pas formidable? Un insecte mort. Mais il y a également toutes sortes d'autres insectes morts et d'autres choses encore. Imaginez-vous cela transféré aux poumons humains et aux estomacs humains, surtout les plus faibles... Je laisse cela pour l'instant aux soins de votre imagination. Il existe beaucoup de renseignements là-dessus.

Je vais maintenant vous parler du troisième point, celui des effets sur la santé et des effets écologiques. Je vais me concentrer tout particulièrement sur l'écologie et j'aimerais souligner qu'en ce qui concerne la réhomologation, l'Environmental Protection Agency aux États-Unis, sur laquelle nous comptons tous, a fait état de différents problèmes qui surviennent. L'existence de tous ces problèmes est niée par les responsables, qui ne cessent de répéter que ces produits sont tout à fait inoffensifs. Or, ils peuvent tuer les abeilles domestiques, les animaux sauvages et toutes sortes d'insectes et d'invertébrés bénéfiques.

L'on n'est pas censé épandre ces produits dans des zones où il y a des marées. Je porte cela à votre attention, monsieur Gilmour, car lorsqu'ils arrosent Nanaimo, Victoria près du port, Tsawwassen, qui a été ajouté à la liste, et Esquimalt, ils ne feront pas attention. Ils pénétreront dans ces zones.

L'on n'est pas censé pulvériser au-dessus de plans d'eau; c'est ce que disent les autorités responsables de la réhomologation. Vous n'êtes pas censés arroser d'eau potable. Mais il y a des témoins qui ont vu un pilote garder sa buse de jet ouverte au-dessus d'un lac et au-dessus d'une région herbagère où l'on n'aurait trouvé aucune spongieuse. Ces pesticides ont une très longue durée de vie dans l'eau.

Il y a donc quantité de problèmes qui vont survenir. Malheureusement, on ne pourra peut-être pas les attribuer à ce produit, mais l'effet est énorme vu les superficies dont il est question ici.

Quant à l'attitude de l'ACIA, je l'ai très vite comprise lors de l'appel. C'est de la pure arrogance. La commission d'appel de l'environnement, dont la décision l'an dernier avait tant embêté les responsables qu'ils avaient changé de cap et avaient traîné de l'arrière pour nous aider, les a à juste titre qualifiés d'arrogants.

Lors de mon contre-interrogatoire de M. Fraser dans le cadre de l'audience, j'avais dit: «Très bien. Prenons votre inquiétude relativement aux arbres et examinons cela du point de vue de la santé et de l'environnement». Il a répondu: «Je ne suis pas intéressé par les arbres». «Ah bon. Prenons votre inquiétude relativement au commerce et nous examinerons cela.» Il a répond: «Là n'est pas mon travail; je ne suis pas responsable de cela». C'est précisément là le genre d'attitude que j'ai observé. C'était en tout cas une bonne entrée en matière.

Je vais maintenant passer rapidement en revue les quatre recommandations. Nous nous sommes reportés à la loi. Nous avions voulu nous occuper de l'aspect biodiversité et de ce qui est couvert par la Constitution, car cette chose attaque les personnes vulnérables, mais, en bout de ligne, nous nous sommes limités à la réglementation. Le juge a établi un terrible précédent, dont vous êtes, je pense, au courant—le greffier a une copie du jugement—lorsqu'il a dit qu'étant donné que la province avait recouru à un article de la loi, en situation d'urgence, elle n'était pas tenue de satisfaire les autres éléments des règlements. Nous avions de très bons éléments de preuve relativement au rapiéçage de différentes lois et à toutes sortes de problèmes du côté de la réglementation, mais le champ est aujourd'hui grand ouvert. Il y a maintenant un précédent. Tant et aussi longtemps que vous invoquez une situation d'urgence, il n'y a pas de règles, pas de permis, pas de plan, pas de droit d'appel.

• 1115

Ma recommandation, donc, est de veiller à ce que dans les lois fédérales, les règles de procédure en matière d'exécution de programmes et d'épandage—l'acte même d'épandre—soient suivis, et c'est là quelque chose de réalisable.

La deuxième question ici est la situation. Il y a les produits prétendument biologiques, et je constate que le commissaire ne parle que des produits chimiques. Il y a des effets. Malheureusement, ils déforment toujours l'enquête médicale. C'est ce qui est en train de se passer à l'heure actuelle à Victoria. Ils disent, eh bien, ce n'est pas le Bt. Les gens se font en fait refuser... Lorsqu'ils se présentent et disent qu'ils ont tel problème et que c'est dû aux produits pulvérisés, on refuse de prendre cela en note, on refuse de leur faire subir des tests. Cela est déjà arrivé, et cela arrive en ce moment. La conclusion est donc que sans preuve, l'on ne peut pas parler de dommages.

En bref, j'aimerais qu'on ait... Et les législateurs peuvent examiner ceci. Je vais transmettre ceci au commissaire. Les produits prétendument biologiques ont eux aussi leurs effets. On l'ignore peut-être encore, mais leurs effets viendront nous frapper. L'Environmental Protection Agency américaine est en train de faire une étude sur les effets possibles sur le sol, par exemple. Il y a des inquiétudes.

Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Nous avons le texte de l'étude que vous venez de mentionner. Pourriez-vous en arriver maintenant à votre conclusion.

Mme Mary Doody Jones: Oui.

La troisième situation a bien sûr déjà été évoquée, mais voici que nous nous faisons arroser, ce qui provoque des problèmes comme l'asthme, des crises et quantités d'autres choses, et nous ne parvenons même pas à savoir quels sont les ingrédients des produits épandus. Mais ce que nous réussissons à savoir fait très peur. L'un des ingrédients est la soude. Je pense que c'est du sodium-potassium, mais de toute façon c'est de la soude, et les gens ont des problèmes au niveau des yeux. Il y a déjà eu un cas à l'Île de Vancouver.

Quoi qu'il en soit, il y a toutes sortes d'éléments étranges qui entrent dans la composition des ces produits, mais nous ne savons pas de quoi il s'agit. Les éléments alimentaires-j'ai mentionné cela tout à l'heure, et j'ai moi-même appris par la bande, de quelqu'un qui avait été à une réunion avec le type d'Abbott Laboratories, que cela contenait du blé et de l'orge, qui renferment du gluten, ce qui est catastrophique pour moi. On y trouve également de la levure, et le Bt est lui-même une moisissure. Si cela devait envahir mon système—j'ai déjà assez de problèmes comme cela. Je suis toujours sur la corde raide.

Toute cette question est bien évidemment dans l'intérêt de tout le monde. On nous arrose de ces produits—qu'on ne peut pas tester sur des humains, cela n'est pas autorisé—mais on peut en asperger autant de personnes que l'on veut dans les zones résidentielles—je pense que nous devrions au moins savoir de quoi on est en train de nous asperger. Les services d'urgence devraient le savoir, mais ce n'est pas le cas.

J'en arrive maintenant au quatrième point. La Colombie-Britannique a pris en main le programme, l'exécute à toute vapeur, enfreint les règles, contourne les règles et s'occupe de l'épandage lui-même... Le greffier a un relevé des problèmes qui ont déjà été constatés—on n'a pas averti les gens, et ainsi de suite. Ils se sont fourvoyés là-dessus.

Il a été observé qu'ils ne coupent pas le jet lorsqu'ils survolent un lac... Il est clair, lorsque vous regardez les cartes, que c'est une zone de guerre; c'est tout près des ports, il y a la rivière Cowichan et il y a les lacs. La quantité d'eau qui est en train d'être aspergée, directement ou indirectement par dérive, est incroyable. La situation est vraiment grave. La zone touchée est énorme et ce produit pourrait tuer des animaux sauvages. Il y a la question des exotoxines.

Et qu'en est-il de la marmotte à l'Île de Vancouver? Qu'en est-il des abeilles, dont seul le cinquième ont survécu car elles sont infestées de mites sur l'Île, et elles sont responsables de 20 p. 100 de la production alimentaire? Si nous perdons, nous perdons ce qu'elles produisent. Or, on retire 3,5 millions de dollars au budget de l'éducation et on consacre au moins 2,5 millions de dollars à ce programme pour lancer trois énormes opérations d'épandage, alors que l'ACIA n'a pas pu terminer la deuxième vaporisation limitée au sol l'an dernier et que nous n'avons pas pu obtenir la toile de jute. C'est un problème incroyable.

Pour ce qui est de la recommandation, je me rangerais du côté du commissaire lorsqu'il parle de l'aspect fédéral-provincial et de la nécessité d'une loi... Oh, il y a encore un petit renseignement, tout récent. Leur mémoire venait d'être présenté au Cabinet lorsque la décision a été prise. Le mémoire ne faisait état d'aucune préoccupation environnementale. Le porte-parole de l'ACIA aurait dit que les lois prenaient de l'ampleur alors que ce n'est en fait pas forcément vrai et que ce n'est pas une urgence.

• 1120

Il devrait donc y avoir ici une meilleure reddition de comptes. Je recommande fermement que quelqu'un commence à déployer des efforts en vue de la négociation d'une entente avec la Colombie-Britannique, car la situation chez nous commence à être hors de contrôle. D'autre part, il n'existe aucun processus pour reprendre les choses en main. Mettez quelque chose en place le plus rapidement possible pour toutes les provinces.

[Français]

Je voudrais terminer en disant que j'ai espoir qu'un jour il n'y aura plus de ces choses, que ce sera considéré comme ancien, comme un acte de barbarisme trop dangereux et inefficace. C'est à cela que je travaille. Merci.

Le président: Merci, madame Jones.

[Traduction]

Nous sommes très heureux que vous soyez venue nous rencontrer pour nous parler de votre expérience personnelle et de votre engagement.

Nous allons commencer par M. Gilmour.

M. Bill Gilmour: Merci, monsieur le président.

Bienvenue.

D'après ce que j'ai compris de la situation, on a repéré des spongieuses dans des pochettes, principalement dans la partie sud-est de l'Île de Vancouver. Le gouvernement a déclaré une situation d'urgence étant donné les conséquences pour le secteur forestier si ces pochettes avaient pris de l'ampleur.

Vous nous décrivez le processus, et il est clair que d'après vous le processus comporte certaines lacunes, mais ma question porte sur les solutions de rechange. Y a-t-il des solutions de remplacement de l'épandage...

Mme Mary Doody Jones: Absolument.

M. Bill Gilmour: ... qui ont fait leurs preuves et qui fonctionnent?

Mme Mary Doody Jones: Oui. Je suis toute prête avec cette réponse, car nous faisons ce travail, et il existe également de nouvelles solutions de remplacement. Premièrement, la solution de remplacement... Permettez-moi tout d'abord de faire un bref résumé des différences entre l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Et, non, ce n'était pas une situation d'urgence. Il faudrait s'en occuper, mais ce n'est pas la crise qu'on a dit.

La différence entre l'Ontario et le Québec est que l'Ontario a des paysages vallonnés, beaucoup d'arbres à feuilles caduques, et la forêt est composée à 34 p. 100 de feuillus. Au Québec, la forêt compte 24 p. 100 de feuillus. Connaissez-vous le pourcentage de feuillus en Colombie-Britannique?

M. Bill Gilmour: Il est très faible.

Mme Mary Doody Jones: Il est de 1,3 p. 100. Le terrain est très rocheux et il y a beaucoup de conifères. Puis il y a les peuplements de chêne de Garry, qui sont une grosse source d'inquiétude. Puis il y a quelques arbres de-ci de-là. Alors, pour commencer, la situation n'est pas la même; cela s'établit moins vite et se propage moins vite.

En ce qui concerne les solutions de rechange, c'est ce qui a été commandé l'an dernier, et il y a eu une vaporisation au sol limitée dans ce que l'on a appelé l'épicentre. En fait, en faisant la vaporisation au sol ils ont trouvé le point d'origine, et c'était chez un homme qui avait déménagé de l'Ontario. Cela a pu être déterminé à cause du niveau d'infestation.

Soit dit en passant, lors de la vaporisation au sol, il leur avait fallu demander l'autorisation pour tout, y compris pour la pose de pièges, mais il n'y a pas de permission à demander pour les pulvérisations aériennes.

Il devait donc y avoir une vaporisation au sol limitée, et je soulignerais que l'ACIA n'a pas terminé le deuxième épandage au sol. Elle avait des équipes sur le terrain qui traitaient un arbre sur deux afin de faire durer le produit. Le ministre des Forêts n'avait pas assez d'argent lui non plus pour faire une troisième pulvérisation au sol, mais il y a de l'argent cette année. On est donc en train d'envisager différentes choses.

Quoi d'autre avons-nous fait? Eh bien, en tant que groupe, nous avons travaillé très fort; nous avons fait appel à 150 bénévoles de la localité et avons fait beaucoup de travail d'éducation du public. Nous avons donc assuré une combinaison de... Nous avons entoilé les arbres aux fins d'identification, car les insectes s'y glissent pendant la journée lorsqu'il fait chaud, et c'est une façon de les repérer. Nous avons fait des recherches de masse d'oeufs au printemps, et nous avons refait la même chose à l'automne.

J'aimerais dire quelque chose d'important au sujet des masses d'oeufs. La femelle pondra des oeufs qu'elle ait ou non été fécondée. Les pièges sont pour la spongieuse mâle, qui vole un peu partout au contraire de la femelle. Les pièges, renfermant la phéromone, qui est particulière à la spongieuse, afin que cela ne nuise à rien d'autre, les attrapent et les éliminent. Nous avons ensuite lancer une opération de piégeage en masse, avec 5 000 pièges au mille carré comparativement à 64 au mille carré, au plus fort de la campagne des autorités fédérales.

• 1125

Vous ne pouvez pas comparer les résultats des deux. Je pense que cela ressort très clairement. Vous avez peut-être une certaine idée qu'il y a eu des pertes, mais je pense que vous avez une assez bonne idée de la population totale. Or, nous avons placé presque quatre fois plus de pièges mais nous n'avons attrapé que le double de spongieuses. Devinez où on en a trouvé le plus? Je pense que tout le monde pourra le deviner. On les a trouvées dans les eaux visées par l'opération de piégeage en masse ou tout juste à côté, où on n'avait pas été autorisé à poser de pièges. Ce n'était pas de notre faute; on ne nous y avait pas autorisés. Et, oh surprise, la population n'avait pas forcément augmenté; ils ne le savaient pas l'an dernier. Le piègeage... Si cela avait été fait la deuxième année, ç'aurait été une façon formidable de voir si on obtenait les mêmes chiffres ou s'il y avait vraiment eu une baisse.

Une chose importante à souligner est qu'en ce qui concerne les régions visées par le piègeage en masse, dans deux d'entre elles on n'a pas trouvé de masses d'oeufs viables, ce qui signifie que les mâles ne s'y se sont jamais rendus. Dans une troisième zone, seuls environ trois ooplaques sur trente étaient viables. C'était une réussite, mais ils ont déformé les choses pour parler de crise.

Il y a encore une autre solution de rechange dont j'ai entendu parler juste avant de partir. C'est très excitant et cela permet de tuer à peu près autant de spongieuses que ne pourrait jamais le faire une campagne d'épandage—et rien ne réussit à 100 p. 100. Il s'agit d'un nouveau champignon.

M. Bill Gilmour: Existe-t-il des recherches scientifiques indépendantes qui confirment ce que vous avancez?

Mme Mary Doody Jones: Oui, il en existe. La USDA utilise le piègeage en masse comme mesure de lutte. Il ne s'agit pas encore d'une infestation; cela se trouve dans des pochettes. D'autre part, dans le cas des chênes de Garry, par exemple, il y a tout un écosystème, et si vous les aspergez, vous nuisez à d'autres insectes dans le système qui, eux, aident l'arbre.

En matière de preuves, il en existe d'autres. Trois chercheurs ont rencontré le bénévole qui a coordonné le programme—trois de l'Université de Victoria et le gouvernement. Ils ont dit que de leur point de vue, le programme a été une réussite. Il aurait été bon que cela se poursuive sur une deuxième année.

M. Bill Gilmour: Merci encore.

Le président: Monsieur Charbonneau, monsieur Stoffer et madame Kraft Sloan.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, je voudrais remercier notre témoin qui nous apporte un point de vue à partir de la base, c'est-à-dire ceux sur qui retombent les problèmes des pesticides et des insecticides.

Abordons la question de cette manière-là. Nous sommes tous aussi dans cette position. Ici, nous avons un rôle de législateurs, mais quand nous sortons d'ici, nous sommes comme tout le monde. Quand nous allons au bord d'un lac, à la pêche ou ailleurs, nous sommes assaillis de millions d'insectes, de mouches noires, de maringouins, d'insectes de toute sorte qui nous mangent, nous embêtent et nous empestent la vie.

Il y a sans doute de bons insectes, de beaux papillons et de belles abeilles, mais nous sommes assaillis de maringouins et des insectes les plus détestables.

Il m'arrive de jardiner; je suis au bord d'un lac. Comme on le sait, les mauvaises herbes ont l'habitude de pousser beaucoup plus vite que les bonnes, et je suis obligé d'en tenir compte. Il faut que je m'arrange pour que mes fleurs et mes bonnes herbes poussent et que les mauvaises herbes foutent le camp.

J'ai un problème; j'en ai même deux: j'ai les insectes et les insecticides; les mauvaises herbes et les bonnes herbes, les plantes et les fleurs. Comment fait-on pour concilier tout cela, pour trouver les bons insecticides pour lutter contre les mauvais insectes et pour trouver les bons pesticides qui permettront de lutter contre les mauvaises herbes? C'est le problème. Comment pourriez-vous nous conseiller pour que nous puissions avancer?

Vous savez qu'actuellement, il se prend beaucoup de mauvaises décisions. En Colombie-Britannique, on a un gouvernement d'orientation prétendument progressiste, néo-démocrate, et vous nous faites part de décisions prises par ce gouvernement qui sont tout à fait désagréables.

On pourrait aussi prendre l'exemple du Québec, où c'est la même chose. Malheureusement, Mme Girard-Bujold vient de quitter la séance. Le gouvernement Bouchard, invoquant l'urgence, met de côté tous les processus d'évaluation environnementale pour ériger des lignes électriques. On a plusieurs exemples semblables.

• 1130

Le problème est de trouver comment concilier tout cela. J'ai deux problèmes, les insectes et les insecticides. Comment s'arrange-t-on pour progresser dans ce domaine?

[Traduction]

Mme Mary Doody Jones: Très bien. La première chose que je vous dirais se trouve dans l'ajout, où je fais des recommandations: il faudrait que les citoyens soient consultés. Il y a un problème très réel en Colombie-Britannique. Il y a, par exemple, un groupe spécial qui s'occupe des décisions relatives à la spongieuse. Il y a un comité spécial. Ils s'appellent les parties prenantes; or, les citoyens n'y sont pas du tout représentés. L'une des premières et plus importantes choses à faire serait d'y intégrer les intervenants, les citoyens, ceux qui doivent composer avec les résultats des activités d'épandage et autres. Ces gens-là trouveront des solutions originales. Et il existe d'autres solutions. Voilà pour ce qui est de la première chose.

Deuxièmement, il faut examiner de très près la situation. Comme je viens de l'expliquer, le gouvernement de la Colombie-Britannique a complètement transformé en une urgence quelque chose qui ne l'était pas. S'agit-il vraiment d'une urgence? En vertu de la loi, ils ne sont pas tenus de définir ce qu'est une situation d'urgence. Est-ce que deux spongieuses seraient une urgence? C'est une question sérieuse. Je pense donc qu'il faudrait à un moment donné définir le mot «urgence» afin de protéger tout le monde et l'environnement.

Troisièmement, oui, il existe d'autres mesures. Le problème, et ici je vais... C'est un petit peu comme le jeu qui s'appelle Clue, j'imagine: je suis ici en train de porter des accusations. J'accuse l'ACIA.

M. Yvon Charbonneau: Qu'est-ce que l'ACIA?

Mme Mary Doody Jones: Vous l'avez déjà reçue; il s'agit de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Elle a également fait l'épandage pour nous l'an dernier. Vous en avez entendu des représentants la dernière fois. Mais vous ne parlez pas des activités d'épandage qu'elle mène. Tout ce qu'elle voit c'est de la pulvérisation, et en fait que de la pulvérisation aérienne. Si vous parlez avec nombre des fonctionnaires qui travaillent pour elle, c'est tout ce qu'ils peuvent voir. Le problème ici, et c'est un ingrédient, c'est la fréquence de ces campagnes. Il s'agit là d'une question importante.

En Colombie-Britannique, cela se fait tout le temps, car les gens arrivent de l'Ontario ou de certains États américains, et ils rapportent de petits insectes collés sur les roues de leurs voitures ou sur leurs meubles d'extérieur. C'est de cette façon que ces insectes arrivent ici. Cela arrive tout le temps. Cela ne va pas d'arrêter. Si vous voyez une chose qui arrive continuellement, il vaut largement la peine de vous y pencher et de vous demander ce qui pourrait être fait pour réduire les pesticides et faire d'autres choses. Le problème ne va pas s'en aller tout seul; il va revenir—même si l'on parvenait un jour à le supprimer complètement.

La dernière chose que j'aimerais dire c'est qu'il faut regarder très attentivement les solutions de rechange et la situation en particulier. Comme je l'ai expliqué, il est relativement facile dans notre partie du monde de déterminer où se trouvent les arbres feuillus. Si vous voulez faire de l'épandage, par exemple, faites de l'épandage au sol. Ne faites pas d'épandage aérien. Je n'aime pas l'épandage au sol, mais c'est tout de même préférable à l'autre forme d'épandage. Faites du piègeage en masse lorsque vous avez des écosystèmes sensibles. Cela fonctionne, et vous aurez derrière vous la volonté des citoyens qui se présenteront et qui feront une grosse partie du travail.

En ce qui concerne les moustiques, si vous saupoudrez les moustiques cette année, l'an prochain, ils seront de retour. Et si vous les saupoudrez, qu'est-ce que vous tuez d'autre? L'un des effets, dont la Colombie-Britannique ne s'est pas préoccupée et dont elle n'a pas parlé, est celui sur les oiseaux. Les oiseaux sont les plus gros mangeurs d'insectes, si vous voulez. Ce sont eux qui assurent notre meilleure défense. Ce qui se passe avec les produits pulvérisés—cela figure dans la documentation—c'est que les oiseaux sont déplacés, du fait de la pénurie de nourriture—leurs provisions—même au beau milieu de leur saison de ponte, car c'est à ce moment-là que c'est arrivé. J'ai souffert lorsque j'ai vu les oiseaux. Je ne savais pas que cela allait les frapper. Ce qui va se passer, donc, c'est qu'avec l'effet de la dérive, il y aura près de 14 000 hectares qui ne supporteront plus suffisamment d'oiseaux pour s'occuper de la spongieuse—des chenilles—ni d'autres problèmes. Il faut donc établir un équilibre.

Il faut également établir un équilibre par rapport aux intérêts économiques. Les agriculteurs organiques avaient un problème. Ils auraient perdu leur accréditation. Savez-vous quelle a été la solution? C'était très étrange. Ils enveloppaient l'Île de Vancouver de Saran-wrap, de dire un avocat. Ils posaient des toiles de plastique, ce qui ne règle pas le problème. Le Bt pénétrera dans le sol.

• 1135

Lorsque je retournerai, je ne pourrai pas boire l'eau. Il me faudra trouver un système de filtrage. Je ne pourrai pas manger ce qui sort de mon propre jardin, comme je le faisais avant. Il me faudra laver mes légumes dans de l'eau filtrée. Il faut donc intégrer cela à l'équation.

Puis il y a les apiculteurs. Il y a là aussi des intérêts économiques qui entrent en ligne de compte. Ils allaient organiser des quarantaines, mais les quarantaines auraient été relativement petites comparativement à la situation qu'on aurait connue si on avait perdu les abeilles domestiques. Encore une fois, les agriculteurs organiques pourraient perdre, alors il faut faire ce jeu d'équilibre et tenter d'examiner tous les facteurs. Si vous allez utiliser des pesticides, utilisez-en le moins possible. Recourez le plus possible à d'autres solutions. Faites appel à des concitoyens qui se feraient un plaisir de vous aider ne serait-ce que pour éviter de se faire eux-mêmes asperger.

Le président: Merci, monsieur Charbonneau.

Monsieur Stoffer, s'il vous plaît.

M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup d'être venue ici et de nous avoir présenté une approche de citoyenne luttant contre l'épandage qui se fait.

Monsieur le président, je suis toujours émerveillé, tous les samedis matins en Nouvelle-Écosse, de voir la bataille que livrent les gens avec leur pelouse. Vous avez soulevé tout à l'heure la question des pesticides employés sur les pelouses. Il est incroyable de voir les efforts que déploient les gens pour essayer d'éliminer les pissenlits. Au lieu de planter plus de fleurs, plus d'arbres et de faire davantage d'aménagement paysager du genre, ils insistent pour détruire ces malheureux petits pissenlits, et ce à très grands frais... sans oublier leur propre santé.

Vous avez parlé d'épandage aérien, mais êtes-vous en train de porter votre combat, vos initiatives, qui sont, soit dit en passant, très appréciés...? Il y a beaucoup de femmes comme vous qui livrent ce combat, et il s'agit en règle générale bien de femmes, monsieur le président. Je n'ai pas vu beaucoup d'hommes lutter contre les campagnes d'épandage.

En Nouvelle-Écosse, il y a une grosse organisation qui essaie de convaincre les municipalités de la province d'arrêter d'asperger les jardins des gens. Par exemple, si quelqu'un épand des pesticides dans son jardin et que son voisin est très sensible aux produits chimiques, il faudrait que celui-ci en soit averti bien à l'avance. Les autorités hésitent beaucoup à inscrire cela dans les règlements.

Que pensez-vous que nous puissions faire en tant que citoyens? Comme le disait M. Charbonneau, lorsque nous sortons d'ici, nous redevenons de simples citoyens. Que pouvons-nous faire pour convaincre nos municipalités, nos gouvernements provinciaux et nous-mêmes de mener ce combat?

Mme Mary Doody Jones: Je connais très bien les municipalités, car j'ai en fait travaillé pendant 20 ans pour la défense du patrimoine. Je comparaissais sans cesse devant des conseils municipaux. En fait, ceux-ci comptent sans doute parmi les organes les plus accessibles. Ils ne sont pas provinciaux. Ils ne sont pas fédéraux. Ils sont là, sur place. S'il le faut, vous pouvez vous en débarrasser en votant, et ils sont plus près de vous.

Je me souviens de citoyens à Victoria qui avaient évoqué cela. C'est cela qui donne des résultats. Il faut que ce soit un mouvement de masse. La municipalité a fini par interdire le 2,4-D.

En Nouvelle-Écosse, vous êtes confronté à des perspectives décourageantes. L'an dernier, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a fait énormément d'épandage en zone résidentielle, comme cela a été le cas chez nous. Ce que vous réussissez à stopper d'un côté, vous arrive de l'autre.

Il y a plusieurs possibilités. Vous pourriez travailler pour faire modifier la loi provinciale en matière d'avis. Je connais pas mal de personnes très sensibles aux produits chimiques et qui oeuvrent en ce sens, et certaines qui ne peuvent pas y travailler parce qu'elles y sont trop sensibles, et je les représente ici, en fait. Les autres doivent travailler pour ces gens-là. Il leur faut faire du lobbying et faire ressortir un maximum...

Je vois ce qui doit être fait, et cela déborde de la Nouvelle-Écosse et déborde de la Colombie-Britannique... car la Nouvelle-Écosse a été arrosée l'an dernier. Le mouvement environnemental doit s'organiser autour de ces questions partout au pays, grâce à un forum d'un genre ou d'un autre, et il faut que tout le monde travaille ensemble pour avoir l'appui de tout le pays, et pas juste des gens d'une seule province.

Le président: Pour conclure, madame Kraft Sloan, pourriez-vous, je vous prie comprimer vos questions, car il nous faut nous occuper d'aspects du budget et le quorum est très fragile.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup.

Je ne suis pas chimiste, mais je serais curieuse de comprendre la composition de ces bombes d'insecticide et j'aimerais savoir pourquoi des produits alimentaires...

• 1140

Mme Mary Doody Jones: C'est très simple. En fait, lors de l'audience, des gens qui savaient qu'ils étaient en train d'être traités comme s'ils étaient... Certains de ces produits sont en fait utilisés dans des aliments comme agents de conservation ou comme agents antigrumeaux ou autres. Lorsqu'ils font cela, ces produits sont traités comme des aliments. En gros, on s'en sert pour éviter que ne se constituent des grumeaux. Ils utilisent de la mélasse pour que le produit colle aux feuilles.

En passant, la première fois qu'ils ont pulvérisé—et ils n'avaient pas à le faire dans la région, car les feuilles n'étaient pas suffisamment sorties, et les insectes non plus—il a plu pendant six heures par la suite et le tout a disparu. Le produit s'est dissipé, parce que la pluie avait bien sûr emporté la mélasse.

Ces différents éléments alimentaires sont utilisés à cause de leurs propriétés particulières, selon que l'on veut que le produit soit fluide ou qu'il colle. C'est là la simple réponse à votre question.

Mme Karen Kraft Sloan: Je partage vos préoccupations. Je connais un certain nombre de personnes qui ont des allergies alimentaires, et celles-ci sont particulièrement préoccupées par les produits alimentaires génétiquement modifiés.

Mme Mary Doody Jones: D'autre part, à l'audience l'an dernier, notre prétendu médecin hygiéniste, lors de son contre-interrogatoire par moi, n'a pas voulu reconnaître qu'il y avait dans la documentation sur ce qui nous occupe ici un cas documenté d'allergie alimentaire. Son attitude en ce qui concerne l'enquête médicale était déterminée par son objet, qui était de prouver que le produit était sûr, et non pas de voir ce qui se passerait. Il n'était pas capable de reconnaître qu'il y avait un problème. Il était incapable de dire oui ou non. Il ne pouvait jamais répondre à mes questions.

Un grand nombre des membres de la profession médicale qui participent à ce travail, qui poussent pour qu'on utilise ces produits—et à ce stade-ci, je ne fais de façon générale pas confiance aux médecins hygiénistes—feront la même chose.

Le président: Très bien. Pourriez-vous conclure, je vous prie.

Mme Karen Kraft Sloan: C'est très bien. Merci.

Le président: Madame Doody Jones, j'aimerais vous remercier d'être venue comparaître devant le comité et vous remercier tout particulièrement pour les quatre recommandations que vous nous avez données. Si vous avez de la documentation sur l'épandage fait par l'ACIA, je vous demanderais de fournir au comité les dates précises et les conditions dans lesquelles l'épandage a été fait. Ce sont là de nouveaux éléments pour le comité et il faudrait peut-être que ce soit vérifié ou confirmé par vous.

Mme Mary Doody Jones: J'aimerais préciser que l'épandage cette année est en train d'être fait par la province, avec, peut-être, l'aide de l'ACIA. L'an dernier, la pulvérisation au sol a été faite par l'ACIA qui a dit ne pas avoir terminé et qui a traîné de l'arrière pour certaines choses, ce que j'ai mentionné dans ma déclaration.

Le président: Pourriez-vous, peut-être sous forme de lettre, donner au comité les dates des épandages au sol afin que nous puissions en temps opportun poursuivre l'étude de cette question?

Nous tenons également à vous remercier d'avoir sensibilisé le comité à la situation des personnes qui sont particulièrement sensibles et d'avoir soulevé différents aspects liés à ce problème.

Nous vous souhaitons bonne chance avec votre travail à Victoria et à l'Île de Vancouver et nous espérons un jour vous y voir.

Mme Mary Doody Jones: Oui, et je vous ferai faire une visite historique, pour vous montrer l'autre côté. Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Le greffier a gentiment préparé une liste de témoins potentiels pour le comité. On est en train de la distribuer. Elle a pour objet de vous donner une idée de ce qui nous attend afin que nous puissions discuter de cette liste lorsque nous nous rencontrerons la prochaine fois.

Nous allons nous revoir mardi prochain, si la Chambre siège toujours, et nous serions donc heureux d'entendre à cette occasion-là vos observations sur la liste. Si nous ne nous réunissons plus avant l'été, alors nous vous entendrons à la première occasion qui se présentera par la suite.

Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur le président, de quel mardi parlez-vous?

Le président: J'ai dit mardi prochain au matin, si la Chambre siège toujours.

Mme Karen Kraft Sloan: Elle ne siégera plus.

Le président: C'est une hypothèse.

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien.

Le président: Nous allons donc passer à l'examen du budget du comité, qu'il n'est pas nécessaire d'approuver aujourd'hui car le comité de liaison va reprendre ses travaux à l'automne. Le sort du budget pourrait être réglé lors de la première réunion du comité, peu importe quand nous nous réunirons la prochaine fois. Au moins vous aurez l'occasion de le passer en revue, de l'évaluer et de donner votre avis.

• 1145

À la demande de M. Gilmour, on est en train de vous distribuer un autre document, celui-là portant sur le voyage proposé à Sydney. Cette présentation budgétaire suit un cheminement différent. Elle ne sera pas déposée auprès du comité de liaison mais bien auprès des leaders à la Chambre. Il faut dans ce cas plus que le simple accord du comité ici réuni.

Je vous demanderai donc, dans le temps qui nous reste, d'examiner le budget préparé par le greffier. Il s'agit de deux pages, et c'est de cette question que nous sommes maintenant saisis.

Madame Kraft Sloan, vouliez-vous un éclaircissement?

Mme Karen Kraft Sloan: N'allons-nous pas discuter du budget pour l'étude des pesticides? J'avais une question portant là-dessus. J'allais recommander que le comité envisage de se rendre à Washington, afin que nous puissions y rencontrer certains des responsables là-bas et constater de visu certains des programmes en place aux États-Unis. Nous entendons beaucoup parler de ce qu'ils font, surtout en ce qui concerne la santé des enfants dans le contexte de l'utilisation des pesticides. Ce serait une bonne occasion pour nous.

Le comité n'est pas allé à Washington depuis plusieurs années. Lorsque nous y sommes allés nous avons bénéficié d'un excellent breffage organisé par l'ambassade et nous avons également pu rencontrer un certain nombre de groupes environnementaux américains. Nous pourrions donc y poursuivre notre travail sur les pesticides tout en obtenant un rapide breffage et une mise à jour auprès de certaines des ONG à Washington.

Le président: Il faudra explorer ces idées, qui supposent recherches et examen.

Mme Karen Kraft Sloan: M. Herron aime l'idée, et c'est le cas également de M. Gilmour.

Le président: Nous pourrions essayer de préparer une proposition pour voir ce que Washington serait en mesure de nous offrir et à quel moment de l'année. Nous demanderons à Mme Labelle d'examiner cet aspect et de préparer une petite ébauche pour le comité en prévision de la réunion suivante.

Concentrons-nous maintenant sur ce qui nous occupe ici, soit la visite à Sydney. Comme vous pouvez le constater, le coût estimatif total s'élève à 27 400 $. Les points des députés n'ont pas été inclus. Il faudrait le faire, car il reste suffisamment de voyages en fin d'année pour les députés pour qu'ils se déplacent en utilisant leurs propres points, ce qui réduirait les coûts du comité.

L'autre aspect est la question des per diem, à la page 2. Les calculs ont été faits conformément, j'imagine, aux exigences de la Chambre.

Le greffier du comité: Oui... conformément aux normes.

Le président: C'est une règle d'application générale.

Le greffier: En ce qui concerne le transport aérien, je suppose qu'on parle ici des billets plein tarif. En théorie, on pourrait réduire ces frais en faisant des réservations plusieurs semaines à l'avance.

Le président: Ce que je dis c'est que si l'on utilise les points des députés, ce montant sera sensiblement inférieur.

Le greffier: Absolument.

Le président: J'imagine que ce chiffre de 27 400 $ correspond à des billets à plein tarif, n'est-ce pas?

Le greffier: Les billets aller-retour plein tarif s'élèvweront à 21 515 $, monsieur le président; le tarif excursion couperait cela de moitié. Si les députés utilisent leurs points, bien sûr, ce poste budgétaire pourrait être nul, exception faite des billets pour le personnel.

Le président: Je suis prêt à entendre vos questions, commentaires, observations et tout ce qui s'ensuit.

Vous faut-il un éclaircissement, madame Torsney?

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Il faudrait qu'il soit bien clair que, que l'on utilise les points des députés ou que les voyages soient payés par le comité, il s'agit toujours d'un coût pour le gouvernement.

• 1150

Je ne pense pas qu'il faille dire aux députés qu'il leur faut utiliser leurs points. Les députés sont nombreux à avoir des familles et ils ont besoin de ces points. Il y a beaucoup de députés qui utilisent tous leurs points. En ce qui me concerne, je n'ai pas utilisé tous mes points. Mais là n'est pas la question.

Il ne faudrait pas que les gens utilisent leurs points pour les travaux du comité. Si le comité juge que des déplacements sont nécessaires, alors le comité devrait approuver le budget de déplacement. Il ne faudrait pas utiliser le système des points. Ces points sont tout à fait à part. Ce serait injuste à l'égard des personnes qui ont des enfants et des conjoints et qui tiennent à garder un certain contact avec eux au cours de l'année.

Le président: Merci. Nous laisserons les membres qui ont des enfants et des conjoints parler pour eux-mêmes. S'ils ont des réserves à ce sujet, ils nous en feront part. Le déplacement n'intéresse pas la Chambre des communes toute entière...

Mme Paddy Torsney: Non...

Le président: Excusez-moi. Ces déplacements intéressent les membres du comité. S'il y a des objections, très bien. S'il n'y en a pas, alors on pourra utiliser le système des points.

Monsieur Herron.

Mme Paddy Torsney: J'invoque le règlement. Je soulève cette question bien que je n'aie pas d'enfants, monsieur le président, car je pense qu'il s'agit d'un énoncé de politique, et pas forcément d'une chose que seules les personnes qui ont des enfants devraient pouvoir soulever.

Le président: La députée a parlé au nom de ceux et celles qui ont des enfants et des familles. S'il y a des personnes qui veulent soulever cela, c'est tout à fait légitime. Mais si ce n'est pas le cas, alors le système des points pourra être utilisé. Il n'y a aucune règle qui interdise cela.

Pourrait-on maintenant discuter également du montant global et entendre d'autres avis au sujet du système des points? Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour: Monsieur le président, puis-je suggérer que l'on laisse chaque membre du comité décider pour lui-même ou elle-même. Ceux qui désirent utiliser leurs points pourront le faire. Ceux qui ne le veulent pas pourront imputer leurs frais de voyage au comité.

Le président: Oui, c'est une possibilité. C'est parfaitement acceptable.

Y a-t-il d'autres observations au sujet du budget?

Mme Paddy Torsney: Pour quelles dates le voyage est-il prévu?

Le président: Il n'y a aucun plan précis pour ce voyage. C'est au comité de faire des recommandations à ce sujet pour que cela soit intégré à la proposition. C'est grand ouvert.

J'aimerais néanmoins porter à l'attention du comité le fait qu'il y a environ un mois le comité a demandé à M. Gilmour de préparer une mise à jour sur la situation des étangs bitumineux. Cette évaluation serait très utile aux membres du comité. On me dit que le greffier, qui est allé aux nouvelles plusieurs fois, n'a pas encore cette évaluation en sa possession. Il serait bon que ce voyage ait lieu une fois ce rapport terminé, et non pas avant de l'avoir. Par conséquent, il importerait peut-être de veiller à ce que le rapport soit dans les mains du comité avant qu'on ne finalise une date.

Le greffier vient de me dire que l'adoption du budget est conditionnelle au choix d'une date.

M. John Herron: Doit-on fixer une date tout de suite?

Le président: Non, il n'est pas nécessaire de fixer une date tout de suite, mais vous pourriez au moins indiquer quel mois vous préféreriez, puis prévoir une certaine marge et indiquer au leader à la Chambre quelque chose d'un peu plus précis.

Monsieur le greffier.

Le greffier: Monsieur le président, il sera impossible d'aller plus loin aujourd'hui à moins d'avoir les dates. Nous ne pouvons pas nous présenter devant le sous-comité du budget du comité de liaison à moins d'avoir les dates. Il n'approuvera pas un budget sans date. Et bien sûre, à moins d'avoir des dates à proposer, nous ne pouvons pas demander d'autorisation de la Chambre.

Le président: Alors pourrions-nous envisager une motion d'un genre ou d'un autre? Monsieur Charbonneau.

• 1155

[Français]

M. Yvon Charbonneau: J'aimerais suggérer que ce soit le 19 août.

[Traduction]

Le président: M. Charbonneau propose comme date le 19 août, ce qui serait un jeudi.

M. John Herron: Je ne voudrais pas nuire au travail du...

Le président: Nous avons une motion demandant que ce soit fixé au 19 août. On pourrait insérer dans la motion le mot «ou» et proposer une autre date également.

M. John Herron: Je serais davantage en faveur d'une date en octobre.

Le président: Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour: Monsieur le président, je pense qu'avec le congé d'été et les déplacements des gens il sera très difficile de nous coordonner pour une date en août. Je proposerais que l'on décide de cela à notre première réunion après la reprise à l'automne. Nous aurons alors en mains, je l'espère, le rapport, et nous saurons alors quel serait le meilleur moment pour faire le voyage.

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Charles, ou monsieur le président, je suppose, une partie de cette conversation n'est sans doute pas pertinente, car les comités seront peut-être réorganisés.

Le président: Non, pas du tout. Le rapport est devant nous. Une décision pourrait être prise aujourd'hui. Je vais accepter la motion de M. Charbonneau proposant la date du 19 août.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais vous parlez de...

Le président: Mais d'aucuns seraient portés à faire cela plus tard. Il nous faut donc trouver une solution, peut-être par voie de consensus au lieu de forcer un vote. Je pense qu'il y a une certaine hésitation quant aux dates. Le greffier me fait savoir que cette proposition ne peut pas aller plus loin à moins qu'elle ne comporte une date.

Madame Torsney, suivie de M. Charbonneau.

Mme Paddy Torsney: Pour tirer cela davantage au clair, ça ne peut pas aller plus loin sans date. Ça ne pourra donc pas aller plus loin ni aujourd'hui ni demain. Êtes-vous en train de dire que ça ne pourrait pas aller plus loin avant l'automne, ou bien serait-il possible de faire approuver quelque chose pendant l'été, si nous ne siégeons pas?

Le président: Si nous siégeons la semaine prochaine, cela pourrait se faire très facilement.

Mme Paddy Torsney: Mais que se passera-t-il si nous ne siégeons pas la semaine prochaine?

Le président: Alors il faudra que cela attende. Mais, pour l'instant, la Chambre siège toujours.

Mme Paddy Torsney: Non. Je suis toujours ici.

Le président: Non, la Chambre n'a pas suspendu ses travaux.

Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Ne pouvez-vous pas régler ça par une conférence téléphonique?

[Traduction]

Le comité pourrait-il avoir une conférence téléphonique? Pourquoi pas?

Le président: On ne pourrait pas déposer une motion dans le cadre d'une conférence téléphonique. Il nous faudrait d'abord une motion.

[Français]

On a besoin d'une motion, d'une décision.

[Traduction]

M. Yvon Charbonneau: Il est possible de déposer une motion dans le cadre d'une conférence téléphonique, et c'est moins coûteux que d'avoir une réunion en bonne et due forme.

Le président: Mais il nous faut une motion. Pour poursuivre ce travail, le comité doit avoir une motion portant sur la proposition. Si vous voulez proposer que le comité s'y rende le 19 août, alors tout ce qu'il nous faut c'est une motion déposée par un député.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Je l'ai fait.

[Traduction]

Le président: Nous avons donc une motion de M. Charbonneau demandant que ce soit fixé au 19 août.

M. Bill Gilmour: Je suppose qu'il nous faut nous occuper en premier de la motion de M. Charbonneau, mais ne pourrions-nous pas avoir une date de rechange et dire le 19 août et telle ou telle date en octobre?

Le président: Mais dans ce cas, laquelle des deux l'emporterait?

M. Bill Gilmour: Cela nous obtiendrait l'argent. Nous pourrions alors, dans le cadre d'une conférence téléphonique, choisir l'une des deux dates.

Le président: Nous avons une motion de M. Charbonneau demandant que le voyage à Sydney ait lieu le 19 août.

(La motion est rejetée)

• 1200

Le président: Monsieur Gilmour, nous allons maintenant entendre votre motion.

M. Bill Gilmour: Je propose que l'on attende la première réunion du comité après la reprise à l'automne pour prendre une décision au sujet du voyage à Sydney. Nous pourrions alors choisir les dates, et le budget pourra être déposé. Nous aurons par ailleurs en mains le rapport.

Le président: La motion demande que l'on reporte la décision à la prochaine fois que nous nous verrons.

Une voix: On dirait une chanson.

Le président: C'est très romantique.

(La motion est adoptée)

Le président: La séance est levée.