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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 février 1998

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Joe Mcguire (Egmont, Lib.)): Bonjour tout le monde, je déclare la séance ouverte.

Sur l'avis de convocation que vous avez reçu, il aurait fallu ajouter qu'après la comparution des témoins, nous allions siéger à huis clos pour traiter du programme et de la procédure des prochains mois.

En outre, M. Hill aimerait présenter une motion dont nous pourrons débattre jeudi.

M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai parlé de cette possibilité au sein du comité directeur, mais je n'en ai pas encore saisi l'ensemble du comité. Je vais simplement en faire lecture aujourd'hui et la présenter sous forme d'avis de motion; nous pourrons ensuite en débattre à la séance de jeudi, comme vous le proposez.

Je propose que le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes prenne la résolution de former un sous-comité conjoint avec le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international afin d'examiner, de détailler et d'analyser l'octroi de subventions fédérales et locales aux producteurs laitiers aux États-Unis, et de déterminer quelles politiques agricoles des États-Unis, le cas échéant, risquent d'empêcher l'exportation de produits laitiers du Canada. Cette étude sera entreprise dans le but de mieux préparer l'industrie laitière canadienne aux négociations commerciales de l'OMC en 1999.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Je l'appuie.

• 0910

Le président: Nous n'avons pas besoin de comotionnaire.

Voulez-vous en débattre avant qu'elle ne soit déposée?

M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Quand pensez-vous la déposer?

Le président: Jeudi prochain. Nous voterons dessus jeudi prochain, soit dans deux jours.

M. John Harvard: Tant qu'il n'y a pas de débat aujourd'hui, je ne vois pas de problème.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons déposer la motion pour notre prochaine séance, soit jeudi prochain.

Nous souhaitons de nouveau la bienvenue à M. Gifford, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic (BQ)): Monsieur le président, j'aimerais faire une intervention. Par respect pour nos deux témoins de ce matin, je ne prendrai qu'une minute.

Jeudi dernier, au comité directeur de notre comité, nous avons été témoins d'un geste qui m'a déplu au plus haut point. De surcroît, avec ce qui s'est passé à Nagano, on se rend bien compte qu'il se produit fréquemment des situations vraiment agaçantes dans le fonctionnement du Canada et celui des différents comités.

J'ai participé vendredi soir à une assemblée générale de ma formation dans ma circonscription et j'y ai fait part de mon indignation. J'ai dû composer avec des éléments assez radicaux qui auraient souhaité que je rende publique cette erreur de parcours, ce que j'ai refusé de faire par respect pour vous, monsieur le président.

Cependant, je suis heureux de pouvoir compter sur l'appui de mes collègue Denis Coderre et Rick Borotsik, député du Parti conservateur. Alors, je vous invite, monsieur le président, à tout mettre en oeuvre pour que des situations semblables ne se reproduisent pas. Je suis un petit peu fatigué d'entendre des excuses et encore des excuses. Dorénavant, il faut faire en sorte que les deux langues soient sur le même pied.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres observations?

Nous allons nous efforcer de ne pas précipiter les choses. Nous nous heurtons parfois à un problème de temps, mais à l'avenir, nous ferons de notre mieux pour avoir les documents dans les deux langues officielles.

Nous allons commencer notre séance par une mise à jour du rapport Glickman sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis. Nous recevons de nouveau M. Gifford à titre de sous-ministre adjoint intérimaire de la Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, et M. Terry Norman, directeur général intérimaire des politiques de commerce international.

Messieurs, je vois que Steve Verheul n'est pas avec vous ce matin? D'accord. Si vous voulez bien faire votre exposé, monsieur Gifford, nous pourrons ainsi commencer notre séance.

M. Mike N. Gifford (sous-ministre adjoint intérimaire, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président et honorables députés.

Peut-être qu'avant de répondre à vos questions, pourrais-je commencer par simplement donner un bref aperçu de la situation des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de l'agriculture; ensuite je conclurai par quelques observations sur ce dont le secrétaire Glickman et le ministre Vanclief ont débattu lors de leur toute dernière rencontre.

De manière générale, les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis en matière d'agriculture sont extraordinairement bons. Depuis la conclusion de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, en vigueur depuis le 1er janvier 1989, les exportations agricoles du Canada à destination des États-Unis ont augmenté de plus de 10 p. 100 par an en moyenne.

Les échanges bilatéraux ont considérablement augmenté. Les exportations des États-Unis à destination du Canada sont beaucoup plus nombreuses, mais nos exportations à destination des États-Unis ont augmenté à un rythme plus rapide. En fait, comme je l'ai peut- être indiqué plus tôt, si l'on remonte à la Confédération, on s'aperçoit que le Canada a toujours été un pays importateur net de produits agricoles des États-Unis alors qu'en 1992, il est devenu un pays exportateur net et depuis, l'excédent des exportations à destination des États-Unis ne cesse de croître. Par conséquent, globalement parlant, la situation est très bonne.

• 0915

Ceci étant dit, il est vrai que des problèmes surgissent de temps à autre. Des deux côtés de la frontière, certaines susceptibilités se font jour dans le domaine des importations et tendent à éveiller l'attention des médias. Par exemple, ces dernières années, la question des importations de blé et d'orge du Canada aux États-Unis ne cesse de faire la une des journaux.

Pour vous situer dans le contexte, avant l'Accord de libre- échange, les États-Unis imposaient des contingents d'importation de blé en vertu de l'article 22. Par conséquent, nous n'avons jamais exporté de blé aux États-Unis, lesquels ont supprimé ces contingents d'importation au début des années 70, tout en conservant le droit de les imposer de nouveau en vertu de l'article 22; bref, cette menace planant au-dessus du Canada a considérablement limité nos exportations de blé.

Par contre, grâce à la conclusion de l'ALE en particulier, nos exportations de blé ont commencé à augmenter de façon assez considérable. À l'heure actuelle, nous exportons à destination des États-Unis environ 2 millions de tonnes de blé et près d'un million de tonnes d'orge—orge de brasserie essentiellement. Pour ce qui est des exportations de blé, la moitié environ consiste en blé de mouture à forte teneur en protéines de l'ouest du Canada, un quart environ de blé dur de l'ouest du Canada et, selon les années, un quart au maximum de blé tendre blanc d'hiver ou de blé tendre roux d'hiver de l'Ontario.

Le fait est, monsieur le président, que plusieurs producteurs du Dakota du Nord et du Montana en particulier, n'ont pas l'habitude de voir des importations de blé en provenance du Canada et pour beaucoup, il est très difficile de comprendre pourquoi le plus gros exportateur de blé du monde importe du blé du Canada. Je crois qu'on peut répondre à cette question en disant que ces quelques dernières années, les minotiers américains, s'apercevant de ce qui existe au nord de la frontière, achètent de grosses quantités de blé de qualité à des prix compétitifs.

Bien sûr, la situation du blé tendait à retenir toute l'attention depuis 1994 dans le cadre de nos relations et nous avons essayé de gérer cette situation. Par exemple, nous avons encouragé les producteurs de blé et les organisations agricoles du Canada à ouvrir le dialogue avec leurs homologues américains. Il faut dire que les éleveurs de bétail et les producteurs de porc des deux pays ont d'excellents rapports, tandis que jusqu'à tout récemment, rien ne se passait au niveau des producteurs de céréales.

La Western Canadian Wheat Growers Association et les Syndicats du blé des Prairies ont pris l'initiative d'instaurer de bonnes relations de travail avec leurs homologues américains, comme l'atteste, je crois, le fait que juste avant la rencontre du secrétaire Glickman et du ministre Vanclief à l'assemblée annuelle de l'American Farm Bureau, des représentants des Syndicats du blé des Prairies ont rencontré leurs homologues américains pour discuter de la façon dont ils pourraient faciliter les échanges bilatéraux de céréales et de la manière dont, en tant que producteurs, ils pourraient favoriser la communication et le dialogue.

Ils ont essentiellement proposé de créer un groupe consultatif de l'industrie dont le mandat serait de prévenir les deux gouvernements de tout problème éventuel. Nous espérons fortement que ce genre de dialogue entre producteurs permettra de tempérer les problèmes qui de temps à autre ont échauffé les esprits dans ce secteur.

Le secrétaire Glickman et le ministre Vanclief se sont donc rencontrés, monsieur le président, et je peux dire qu'ils ont parlé de manière générale de questions multilatérales d'intérêt mutuel, dont notamment la prochaine série de négociations OMC et la rencontre des ministres de l'Agriculture de l'OCDE, prévue en mars.

• 0920

Ils ont fait part de leurs inquiétudes respectives à propos des organismes génétiquement stimulés. Nos deux pays ont eu de la difficulté à percer le marché de l'Union européenne, car le processus d'approbation y est excessivement lent, ce qui a donc perturbé le commerce du soja, du maïs et du colza canola. Ils ont également parlé des récentes conclusions du Comité sur l'interdiction des hormones—dans le cas du boeuf—imposée par l'Union européenne. Ensuite, après avoir débattu de questions multilatérales d'intérêt mutuel, ils ont entamé des discussions sur les échanges bilatéraux.

Je pense en fait que tous les deux ont placé la situation commerciale dans le même genre de contexte que celui dont j'ai fait mention au début de ma déclaration; ils ont par ailleurs reconnu que les échanges commerciaux sont à la hausse, ce qui est un bien. En fait, nos exportations mutuelles augmentent à un rythme beaucoup plus rapide que nos exportations dans le reste du monde.

Ils ont ensuite abordé la question de certains secteurs qui ont posé des problèmes, dont celui des céréales en particulier. Ces derniers mois, nous avons beaucoup parlé avec les Américains de la façon dont on pourrait corriger la perception que l'on retrouve aux États-Unis, selon laquelle le Canada jouirait d'un accès illimité aux marchés américains du blé et de l'orge, tandis que beaucoup de producteurs américains ne jouiraient pas du même genre d'accès au marché canadien.

Nous avons pris plusieurs mesures ces dernières années pour essayer de rectifier cette perception qui ne cesse de refaire surface. Par exemple, l'année dernière, nous avons suspendu le contingent tarifaire de l'orge afin d'ouvrir les deux côtés de la frontière aux exportations d'orge. Nous avons parlé plus récemment avec les États-Unis de la possibilité d'instaurer un projet-pilote qui permettrait aux producteurs et aux petits négociants américains d'avoir accès aux systèmes de silos-élévateurs de l'ouest du Canada.

Aujourd'hui, le fait qu'une grande société céréalière américaine exporte du blé au Canada ne pose aucun problème, ainsi qu'en témoigne l'importation de quelque 100 000 tonnes de blé à destination de l'Ontario l'année dernière, la récolte de l'Ontario ayant été touchée par le fusarium. Il est donc possible d'expédier de grandes quantités de blé de mouture vers les installations d'utilisation finale du Canada comme les minoteries et les installations de mélange d'aliments du bétail.

Par contre, nous avons réussi à avoir accès au système américain de silos-élévateurs dans les États de l'Ouest, chose que les Américains n'ont pas réussi à faire au Canada. On a pris l'habitude d'expliquer cette réalité en disant que le contrôle de la qualité du blé représente l'un des principaux atouts de vente du Canada; en effet, grâce à la Commission canadienne des grains, le blé du Canada jouit d'une réputation de qualité sans égale au monde. De toute évidence, on s'inquiète du fait que du blé américain pourrait se mélanger à du blé canadien si du blé américain était exporté dans l'Ouest du Canada. Étant donné que le contrôle de la qualité du blé canadien se fait visuellement, un tel mélange poserait bien évidemment un véritable problème.

La Commission canadienne des grains et des représentants des ministères de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et des Affaires étrangères du Commerce international ont examiné avec leurs homologues américains l'éventualité d'instaurer un projet-pilote permettant à quatre ou cinq sociétés céréalières canadiennes de déterminer quel silo-élévateur de l'ouest du Canada serait prêt à accepter du blé américain, à le conserver à part, avant de l'exporter ou, plus probablement, de l'utiliser dans l'industrie céréalière canadienne.

Nous sommes encore en train de finaliser cette proposition, mais bien sûr, nous ne ferons rien qui puisse porter préjudice à notre système de contrôle de la qualité; par contre, tant que nous pourrons être sûrs qu'il n'y aura pas de mélange, nous ferons l'effort supplémentaire pour faciliter les importations de blé en provenance des États-Unis.

• 0925

La quantité de blé importée dépendra bien sûr du marché. Nous avons remarqué une montée et une baisse des exportations de blé entre les deux pays. Jusqu'à présent, ce sont essentiellement le blé et l'orge du Canada qui ont été exportés à destination des États-Unis, tandis que nous avons importé beaucoup de mais dans l'est du Canada et, de temps à autre dans l'ouest du Canada, mais relativement peu de blé et d'orge.

Nous prévoyons un changement des flux commerciaux dans l'avenir. Par exemple, le gouvernement provincial de l'Alberta prévoit déjà très prochainement devenir un importateur net d'orge fourragère des États-Unis pour les parcs d'engraissement de la province. J'ai entendu dire au Manitoba qu'en raison de la croissance de l'industrie du porc dans l'Ouest du Canada et au Manitoba en particulier, quelques importants producteurs de porc pourraient envisager la possibilité d'importer du blé fourrager des États-Unis pour compléter leurs stocks fourragers.

C'est à peu près tout pour le projet-pilote; dans le très proche avenir, nous espérons être en mesure d'annoncer qu'il est en route, mais en attendant, il reste quelques points à régler.

Vous avez peut-être entendu dire à la fin de la rencontre avec le secrétaire Glickman qu'il avait été fait mention d'une vérification de la Commission canadienne du blé. Pour vous situer dans le contexte, je dirais que dans les années 80 ou au début des années 90, les États-Unis s'étaient plaints du fait que le Canada vendait du blé aux États-Unis en dessous du soi-disant «coût d'achat». Le coût d'achat est défini dans l'Accord de libre-échange comme le prix initial. Un groupe spécial a été créé en vertu de l'ALE et a conclu que, mis à part quelques difficultés initiales au cours du premier mois de l'entrée en vigueur de l'Accord, toutes les exportations de blé dur du Canada aux États-Unis ont été vendues depuis en dessous du prix d'achat, comme le stipule l'Accord de libre-échange.

Ce groupe spécial avait à ce moment-là recommandé, entre autres choses, de procéder à une vérification annuelle des exportations de blé dur de la Commission canadienne du blé à destination des États-Unis. Au bout d'une année, les coûts de la vérification étant également répartis entre le Canada et les États-Unis, ce dernier pays a indiqué qu'il ne pensait pas que le coût en valait la peine, si bien que la vérification n'a plus été faite.

Nous avons appris que dans le cadre des négociations relatives à la procédure accélérée, l'administration américaine a promis à certains sénateurs américains de demander le rétablissement de la vérification; nous n'avons aucune objection à cet égard, puisqu'il s'agit d'une des recommandations du groupe spécial. Nous étions prêts à nous soumettre à cette vérification chaque année à ce moment-là et le sommes de nouveau aujourd'hui. Nous n'avons rien à craindre au sujet de la façon dont la Commission établit les prix pour les États-Unis.

Je conclurai en faisant remarquer que dans le contexte des négociations relatives à la procédure accélérée entamées l'automne dernier par l'administration auprès du Congrès, plusieurs discussions ont eu lieu entre le Congrès, le Sénat et l'administration à propos des mesures souhaitées à l'égard du Canada; la reprise du processus de vérification de la Commission canadienne du blé en faisait partie.

Par ailleurs, on a demandé à ce moment-là au General Accounting Office du Congrès américain de faire enquête sur les importations de blé en provenance du Canada; c'est la troisième fois qu'une telle demande est formulée par le Congrès au General Accounting Office et l'étude en question est en cours.

• 0930

Dans le passé, les analyses effectuées par le General Accounting Office nous ont paru très factuelles et objectives. Nous ne nous attendons pas à ce qu'elles indiquent autre chose que ce qu'elles ont toujours indiqué, à savoir que le commerce des céréales du Canada aux États-Unis est loyal et que les réalités constatées aujourd'hui par les États-Unis s'expliquent simplement par l'ouverture de la frontière. Souvent, dans le contexte des échanges agricoles entre le Canada et les États-Unis, nous exportons de l'ouest et importons vers l'est et vice-versa, en réponse essentiellement aux forces du marché.

Je m'arrête sur ce point, monsieur le président et je serais très heureux de répondre à toutes les questions que voudront bien me poser les membres du comité.

Le président: Merci beaucoup.

A-t-il été question de l'industrie laitière? J'ai vu dans les journaux de ce matin que l'industrie laitière canadienne ouvre la voie à une guerre commerciale.

M. Mike Gifford: Oui, il a été brièvement question de l'industrie laitière ainsi que de l'industrie avicole, monsieur le président.

Comme vous le savez, les États-Unis demandent actuellement la création d'un groupe spécial au sein de l'OMC, car ils prétendent que l'établissement des prix des exportations de produits laitiers du Canada est incompatible avec ses obligations en matière de subventions à l'exportation en vertu de l'OMC; en outre la Nouvelle-Zélande va probablement demander la création d'un groupe spécial distinct.

Nous sommes convaincus que l'établissement des prix des produits laitiers destinés à l'exportation est parfaitement en accord avec nos obligations et nos droits internationaux et nous n'aurons aucun problème à nous défendre devant l'OMC.

Si je peux faire une petite parenthèse, les producteurs laitiers des États-Unis nous ont affirmé à plusieurs reprises qu'ils souhaitent simplement éclaircir la situation, parce qu'ils avaient eux-mêmes proposé à l'administration américaine un régime analogue qui avait été rejeté. Par conséquent, si le groupe de spécialistes de l'OMC donne raison au Canada, ils souhaitent adopter un régime analogue.

J'ajouterai qu'en termes de volaille, les États-Unis ont remarqué le virage international pris au Canada par les secteurs de la volaille et des produits laitiers, en matière de gestion de l'offre, et ils se demandent quelle formule est utilisée pour fixer le prix à l'exportation des produits de volaille. À nouveau, nous estimons qu'en fin de compte, le secteur de la volaille ne fait rien qui aille à l'encontre des droits et engagements internationaux du Canada.

Le président: Je faisais allusion en fait à l'oléobeurre. Quoi qu'il en soit, M. Hill a la parole.

M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.

Mike, je vous remercie d'avoir accepté de revenir nous informer des faits nouveaux survenus depuis votre dernier témoignage. Je vous en suis reconnaissant.

L'idée d'une vérification de la Commission canadienne du blé m'intrigue. La position du Parti réformiste est certes bien connue. Selon lui, il faudrait que le Vérificateur général du Canada effectue une pareille vérification, peut-être pas annuellement, mais qu'il puisse au moins faire des vérifications au hasard de la Commission canadienne du blé.

Vous avez dit, dans votre exposé—du moins c'est ce que j'ai compris—, qu'une vérification annuelle ne vous pose pas de problèmes. L'idée est issue de la rencontre Vanclief-Glickman. Qui effectuerait la vérification? Serait-ce le General Accouting Office des États-Unis ou un autre organisme?

Mike Gifford: La vérification précédente avait été faite par un cabinet d'experts-comptables qui avait été engagé par les deux gouvernements. Il y a donc fort à parier que toute vérification ultérieure serait effectuée par un cabinet privé.

M. Jay Hill: En quoi serait-elle différente de la vérification actuellement faite par, si je ne m'abuse, le cabinet Deloitte & Touche?

M. Mike Gifford: Je ne rendais pas compte... Bon, je vois de quoi il s'agit. Vous dites que le rapport annuel de la Commission est vérifié...

M. Jay Hill: C'est ce que le gouvernement a toujours affirmé.

M. Mike Gifford: Oui. Cette vérification est très précise. Aux termes de l'accord de libre-échange passé avec les États-Unis, les deux pays se sont entendus pour ne pas vendre leurs produits à l'autre à un prix inférieur au prix de revient lorsqu'ils ont en place un programme d'offre d'achat ou de prix garanti.

En ce qui concerne le Canada, plus particulièrement les céréales canadiennes, cela signifie que nous nous sommes engagés à ne pas vendre nos produits aux États-Unis à moins du prix initial que touchent les producteurs de l'ouest du Canada. Parallèlement, aux États-Unis, s'ils ont en place un programme d'offre d'achat, par exemple, de beurre ou de lait écrémé en poudre, ils ne peuvent pas vendre leurs produits au Canada en deçà du prix d'offre d'achat, du prix garanti.

• 0935

On ne s'entendait pas avec les États-Unis, d'une part, sur la définition exacte du prix d'achat et, d'autre part, au sujet des allégations selon lesquelles le Canada vendait son produit à un prix inférieur au prix d'achat. Le groupe de spécialistes a donné raison au Canada.

M. Jay Hill: C'est donc essentiellement sur ce point que porterait la vérification.

M. Mike Gifford: Effectivement. Elle porterait sur les exportations de blé dur aux États-Unis.

M. Jay Hill: L'opposition officielle n'a jamais été satisfaite de la position du gouvernement, selon lequel l'actuelle vérification est suffisamment bonne pour justifier que les producteurs mettent fin au secret entourant la Commission du blé. La vérification effectuée par un cabinet accrédité comme Deloitte & Touche, dans laquelle on vérifie essentiellement que deux et deux font quatre, n'a rien en commun avec le travail du Vérificateur général du Canada, qui fait une véritable analyse pour voir si l'organisme est rentable, s'il prend le bon genre de décisions, si celles-ci sont dans le meilleur intérêt des producteurs, et ainsi de suite.

Cela explique pourquoi on constate une telle différence. Il est intéressant de noter que les Américains croient comme nous qu'une vérification effectuée par Deloitte & Touche ne répond pas forcément à toutes les questions qu'ils se posent. C'est pourquoi je m'efforce de souligner cette lacune.

Quand vous dites que pareille vérification annuelle ne «nous» pose pas de problème, qui est «nous»? La Commission canadienne du blé est-elle d'accord avec cette affirmation?

M. Mike Gifford: Quand je dis «nous», je parle du gouvernement du Canada. C'est effectivement la position du gouvernement du Canada.

M. Jay Hill: Il l'imposerait à la Commission canadienne du blé?

M. Mike Gifford: Il s'agit plus particulièrement de la recommandation d'un groupe de spécialistes de l'Accord de libre- échange, recommandation que nous sommes disposés à respecter.

M. Jay Hill: Pour en revenir à une question que le président a effleurée seulement, quel sera selon vous le résultat de l'examen, par le TCCE, du dossier concernant les mélanges d'oléobeurre et de sucre? Je sais que je vous demande de vous jeter dans la gueule du loup, mais...

M. Mike Gifford: Je préfère garder ma tête, merci.

Manifestement, au cours des prochains mois, le TCCE cherchera à établir les faits. C'est le TCCE, plutôt qu'un fonctionnaire d'Agriculture Canada, qui recommandera au gouvernement ce qu'il peut et ne peut pas faire selon ses obligations et droits internationaux.

M. Jay Hill: Que recommanderiez-vous à l'industrie laitière? Si j'ai bien compris, les Producteurs laitiers du Canada sont en train de dire qu'ils refuseront de comparaître devant le tribunal. Selon vous, est-ce bon ou mauvais pour leur cause?

M. Mike Gifford: Le ministre Vanclief a fort bien décrit la situation lorsqu'il a pris la parole devant les Producteurs laitiers du Canada réunis en congrès annuel à Vancouver. Il a dit qu'il était extrêmement déçu de la décision prise par leur organisme de ne pas profiter de l'occasion pour défendre sa cause devant le tribunal.

M. Jay Hill: Je sais que, sur ce plan, il était déçu. Toutefois, je cherchais à mieux comprendre à quel point cette situation pouvait s'avérer désastreuse. C'est fort bien de dire qu'on est déçu qu'ils ne participent pas au processus, mais...

M. Mike Gifford: Le TCCE est en fait le plus haut tribunal du pays en matière de commerce. Les producteurs laitiers ont une cause à défendre. On leur en donne l'occasion. Il serait malheureux qu'ils n'en profitent pas de cette tribune pour présenter tous leurs arguments, de sorte que le tribunal dispose de tous les faits. Vue sous cet angle, la décision des producteurs laitiers de se tenir à l'écart du processus est très malencontreuse. J'espère qu'ils reviendront sur cette décision.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: J'aurais deux points à soulever, monsieur le président. J'aimerais auparavant m'enquérir auprès de M. Gifford qui, depuis que je l'ai rencontré, semble toujours être sous-ministre adjoint intérimaire. Est-ce que dans la hiérarchie de votre ministère, une fonction intérimaire perdure pendant 5 ou même 10 ans? Est-ce que je fais erreur?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Non, monsieur Chrétien. Mon poste permanent est celui de directeur général de la Direction des politiques de commerce international. Depuis hier, je suis sous-ministre adjoint par intérim des Services à l'industrie et aux marchés, en remplacement de Mme Vincent, qui est passée à Industrie Canada la semaine dernière.

• 0940

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: C'est le départ de Mme Vincent qui n'était pas connu. Je vous remercie de ces précisions.

Lorsque vous avez parlé tout à l'heure, j'ai été très surpris d'apprendre que depuis 1992, nous sommes des exportateurs nets de denrées agricoles vers les États-Unis. Est-ce que vous pourriez me dire quels sont les principaux produits qui nous rendent excédentaires? Pourriez-vous aussi me dire quelles provinces sortent grandes gagnantes de ces exportations agricoles vers les États-Unis?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Nos exportations aux États-Unis reflètent en réalité toute la gamme des produits agricoles canadiens. Nous exportons aux États-Unis, en grandes comme en petites quantités, presque tout ce que nous produisons. La gamme des produits est donc très étendue. Leur origine importe peu, que ce soit des pommes de terre, de la viande, des produits transformés, des fruits, des légumes ou du porc du Québec, du maïs ou du soya de l'Ontario ou des grains, des oléagineux, des produits d'oléagineux et des viandes rouges de l'ouest du Canada.

En fait, même en Colombie-Britannique, où l'on a affirmé que l'accord de libre-échange sonnerait le glas de l'industrie des cultures de serre au Canada... Les secteurs des cultures de serre du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique exportent actuellement des tomates de serre aux États-Unis et, en fait, la Colombie-Britannique exporte des tomates en Californie.

On voit bien que toutes les provinces du Canada ont connu une très forte croissance de leurs exportations.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Mais quelles provinces sont les grandes gagnantes dans ces exportations? Est-ce que c'est le Québec? Est-ce que c'est l'Île-du-Prince-Édouard?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Il faudrait que je vérifie. Je fournirai au comité les données, ventilées par province.

S'il fallait que je fasse une approximation fondée sur les données globales, je dirais que les plus grandes gagnantes sont les provinces des Prairies, dans l'Ouest, en raison essentiellement de leurs exportations de bovins et de porcins vivants, de porc, de boeuf, d'huile végétale et d'oléagineux. Dans l'est du Canada, particulièrement au Québec et en Ontario, les exportations de produits alimentaires de haute transformation ont fait un bond. Bien sûr, l'une des plus grandes réussites est celle de la région atlantique dont les exportations aux États-Unis de pommes de terre et, plus important encore, de pommes de terre surgelées ont augmenté de façon phénoménale. En fait, nos exportations de pommes de terre surgelées ont connu une augmentation subite.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Mon deuxième point porte sur le dernier congrès des producteurs laitiers du Canada, qui s'est tenu à Vancouver. Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, M. Vanclief, est déçu et vous semblez partager sa déception. Les producteurs ont décidé de ne pas se présenter devant le TCCE. Est-ce que vous pourriez nous indiquer ici pourquoi les producteurs laitiers auraient dû se présenter devant le TCCE?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Les Producteurs laitiers du Canada ont prétendu que Revenu Canada avait mal classé ces mélanges de sucre et d'oléobeurre. Le pouvoir de décision ultime en ce qui concerne le classement tarifaire est le Tribunal canadien du commerce extérieur. Il examinera le classement tarifaire du produit.

Les producteurs laitiers ont fait un certain nombre de propositions techniques à Revenu Canada concernant le classement tarifaire. Cependant, c'est devant le tribunal qu'ils devraient présenter ces arguments.

Dans les circonstances actuelles, si les producteurs laitiers ne viennent pas défendre publiquement leur cause, le tribunal devra se prononcer en fonction du dossier uniquement, par exemple de la correspondance échangée par les Producteurs laitiers du Canada avec les fonctionnaires de Revenu Canada, le ministre Vanclief et le premier ministre. Il me semble que, lorsqu'un tribunal entend une affaire qui nous concerne, il est préférable de présenter soi-même ses arguments et de répondre aux questions. Si l'on choisit de ne pas comparaître, il me semble qu'on renonce à la meilleure défense possible.

• 0945

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Quand le TCCE siège-t-il?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Monsieur le président, si j'ai bien compris, le TCCE projette de tenir ses audiences publiques dès le 6 avril 1998.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: De quel ministère viennent les hauts fonctionnaires qui forment le CCIT? Du ministère du Revenu?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Il s'agit d'un tribunal, monsieur le président. Il comprend des membres du secteur privé et des personnes qui ont déjà travaillé au sein de la fonction publique, mais qui ne sont plus fonctionnaires. Ces nominations sont faites par décret. Les membres du tribunal viennent donc d'un peu partout.

Le président: M. Calder a maintenant la parole.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Une courte question: est-ce que la décision du CCIT est finale et sans appel?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Le TCCE a été chargé de présenter les recommandations au gouvernement. Toutefois, lorsqu'une décision relative au classement tarifaire de Revenu Canada ne plaît pas à quelqu'un, cette personne peut en appeler auprès du TCCE. On ne peut cependant pas interjeter appel d'une décision du TCCE devant la Cour fédérale et la Cour suprême, à moins qu'il ne porte sur un point de droit.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je crois que je vais laisser tomber certaines de mes questions et poursuivre dans la même veine que M. Chrétien.

Les Producteurs laitiers du Canada ont déclaré qu'ils ne se présenteraient pas devant le TCCE en raison du contexte dans lequel il faudrait qu'ils se défendent. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet, Mike. Ils sont tout à fait disposés actuellement à aller de l'avant, à faire changer le classement et à courir le risque d'une décision défavorable du groupe de spécialistes. J'aimerais aussi avoir votre opinion à ce sujet.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, la difficulté réside dans le fait que le cadre international au sein duquel s'effectue le commerce agricole a changé du tout au tout. Avant l'avènement de l'OMC, le 1er janvier 1995, le Canada, les États-Unis, l'Europe et le Japon de même que tous les autres pays développés pouvaient choisir les parties du GATT auxquelles ils souscrivaient et ignorer les autres. Par conséquent, le commerce agricole était en perpétuel état d'anarchie.

Depuis l'entrée en jeu de l'OMC, le 1er janvier 1995, tous les membres de l'organisation sont essentiellement assujettis aux mêmes règles, qui s'appliquent également à tous. Par exemple, même si les États-Unis font l'objet d'énormes pressions politiques depuis quelques années les incitant à prendre des mesures restrictives à l'égard de plusieurs exportations canadiennes, ils ont résisté parce que ni l'ALENA ni l'OMC ne les y autorisent. Voilà, monsieur le président, ce que les producteurs laitiers ne semblent pas accepter, ce profond changement.

Auparavant, les pays pouvaient prendre des mesures unilatérales contraires aux misérables règles du GATT et ils le faisaient effectivement. En fait, ils le faisaient souvent. De plus, quand les groupes de spécialistes se prononçaient en vertu du GATT, cet avis était souvent ignoré. Mais ce n'est plus le cas.

Le gouvernement a essentiellement dit aux producteurs laitiers que l'agriculture canadienne a beaucoup plus à gagner qu'à perdre en se pliant à certaines règles. Ce régime nous a protégés, dans le cadre de l'ALENA, quand les Américains ont contesté notre droit d'imposer des équivalents tarifaires sur les produits laitiers. Il nous protégera et nous permettra de nous défendre devant un groupe de spécialistes de l'OMC dans le dossier de la tarification de nos exportations, plutôt que de permettre aux États-Unis de prendre des mesures unilatérales.

Ce que les producteurs laitiers semblent demander au gouvernement, c'est essentiellement de respecter les règles qui nous avantagent, mais d'ignorer les autres et de courir le risque de perdre sa cause devant le groupe de spécialistes. Il me semble, monsieur le président, que ce n'est pas la bonne voie à suivre. Nous avons beaucoup plus à perdre qu'à gagner en agissant ainsi. C'est malheureusement la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

• 0950

M. Murray Calder: Il me semble que nous reprenons tout le débat qui a entouré la règle du contenu. Je me souviens d'en avoir discuté avec vous, il y a de cela quelques années, durant le débat concernant l'Accord commercial Canada-États-Unis. Il était alors question d'imposer un contenu minimal de 10 p. 100. L'accord visait toute une gamme de produits, allant des repas préparés aux pâtés de poulet chauds, et tout le reste. Voilà que nous relançons tout ce débat. Ai-je raison ou est-ce que je fais erreur?

M. Mike Gifford: On ne s'entend pas, monsieur le président, au sujet des mélanges et de la définition d'un produit laitier. Par exemple, faut-il classer la pizza surgelée, dont le principal ingrédient est le mozzarella, comme un produit laitier?

Pour résoudre toutes ces questions, les fonctionnaires des douanes canadiennes s'en remettent à une convention internationale, soit l'accord établissant l'Organisation mondiale des douanes qui prévoit essentiellement des lignes directrices quant à la façon de classer divers produits à des fins tarifaires. Ils proposent parfois des classements tarifaires à cet organisme ou interjettent appel de ses décisions. Les décisions de l'Organisation mondiale des douanes sont intégrées à la jurisprudence. En vertu du Tarif des douanes, les fonctionnaires de Revenu Canada sont tenus de tenir compte de ces règles et procédures lorsqu'ils prennent des décisions en matière de classement tarifaire. Ils ne peuvent pas classer arbitrairement un produit, sans tenir compte des lignes directrices.

À nouveau, monsieur le président, la difficulté ne tient pas qu'aux obligations et aux droits internationaux du Canada. Aux termes de la loi canadienne, le ministère du Revenu national et ses fonctionnaires sont tenus de se conformer à certaines lignes directrices et procédures.

M. Murray Calder: J'ai une autre petite question.

Dans un autre ordre d'idées, Mike, j'écoutais ce que vous disiez au sujet des deux millions de tonnes de blé que nous exportons aux États-Unis. Je suis curieux. Ce que nous exportons actuellement aux États-Unis... Quel était le niveau de ces exportations avant et après les inondations? Car les États-Unis réagissent vivement au fait que, par exemple, le blé tendre blanc de l'Ontario était importé pour la fabrication de pâtes. En toute franchise, ces exportations ont augmenté parce que, s'ils n'avaient pas semé de riz cette année-là, ils n'auraient en réalité rien récolté du tout. Où cela nous mène-t-il?

M. Mike Gifford: On a tout à fait raison, monsieur le président, de dire que nous avons fait des exportations records de blé et d'orge aux États-Unis en 1994, en raison surtout des régions inondées par le Mississippi et de la pénurie relative de grains fourragers aux États-Unis. Comme la récolte de blé a été d'assez piètre qualité cette année-là, particulièrement dans l'ouest du Canada, de sorte qu'elle a été classée comme étant du blé fourrager, nous avons expédié, si ma mémoire est bonne, environ 2,5 millions de tonnes de blé aux États-Unis, y compris une importante quantité de blé tendre blanc d'hiver de l'Ontario.

M. Murray Calder: Donc, le niveau des exportations était le même avant et après les inondations?

M. Mike Gifford: Avant les inondations, les exportations étaient à la hausse. Elles ont fait un bond prononcé en 1994. Depuis lors, elles ont quelque peu baissé, puis ont repris leur progression. Quand je parle de l'exportation d'à peu près deux millions de tonnes durant l'année civile, l'année dernière, je parle essentiellement de deux millions de tonnes de blé et d'un million de tonnes d'orge, contre 2,5 millions de tonnes de blé et, si je ne m'abuse, près de deux millions de tonnes d'orge en 1994.

M. Murray Calder: La situation est donc à peu près la même.

M. Mike Gifford: Effectivement.

Le président: Monsieur Proctor, êtes-vous prêt à poser une question?

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Je vous remercie.

Monsieur Gifford, je m'excuse d'être arrivé au beau milieu de votre exposé de ce matin. J'aimerais revenir sur une déclaration que vous avez faite au sujet du projet-pilote d'utilisation des silos à grains de l'Ouest. Je me demande si vous pouvez dire au comité, ce matin, de quels États, de quelles provinces, nous parlons. Les silos qu'on envisage de prêter—et je me rends compte qu'on en est uniquement au stade de projet—se trouvent-ils le long de la frontière ou plus au nord?

• 0955

M. Mike Gifford: Il s'agit essentiellement de silos situés dans un secteur allant de Thunder Bay à la frontière qui sépare l'Alberta et la Colombie-Britannique. Ce sont donc essentiellement des silos situés dans les Prairies qui sont très proches de la frontière canado-américaine. Par exemple, si le producteur, la petite coopérative ou l'agent de courtage en grains des États-Unis est capable de voir le silo canadien de chez lui, il a le choix de livrer son grain soit à ce silo ou à son silo local. Il faut donc que les silos soient très proches de la frontière.

M. Dick Proctor: L'avantage pour le producteur américain est simplement lié aux difficultés qu'il éprouve lui-même à acheminer son produit vers le port?

M. Mike Gifford: L'avantage est essentiellement d'avoir le choix d'envoyer son grain à son propre silo ou de tirer profit du réseau de silos canadiens. Pour l'instant, la plupart de nos exportations de blé sont acheminées par rail jusqu'aux États-Unis, contrairement à ce qui se passait en 1994. Le grain part de l'ouest du Canada, il passe par Minneapolis et aboutit à St. Louis.

En 1994, la plupart de nos exportations étaient acheminées par camion, ce qui, bien sûr, posait beaucoup de problèmes. Les silos de collecte des États-Unis étaient très congestionnés. Beaucoup de producteurs américains devaient faire la queue durant six ou 10 heures en attendant que toutes ces semi-remorques canadiennes aient fini de décharger. Toutefois, actuellement, plus de 90 p. 100 de nos grains sont acheminés par chemin de fer.

Le projet-pilote est destiné à faciliter, si la méthode est rentable, le transport par camion en lots relativement petits du grain des États-Unis vers l'ouest du Canada. Le transport par chemin de fer de grandes quantités de blé à des fins commerciales, comme on l'a vu avec les importations en Ontario l'an dernier, ne pose pas de problème. Le projet-pilote est destiné à faciliter le transport de grains en lots relativement petits, qu'ils appartiennent à un producteur particulier ou à un petit agent de courtage.

M. Dick Proctor: Je souhaitais également obtenir des éclaircissements au sujet de la vérification de 1990 que vous avez mentionnée et des ratés survenus au début, je crois, de la vente à un prix inférieur au prix d'achat. Pourriez-vous reprendre cette explication, nous dire ce qu'on avait constaté à l'époque?

M. Mike Gifford: Le cabinet de vérificateurs a examiné les factures individuelles pour la période allant de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange jusqu'à la date de vérification. À moins de faire erreur, je crois que cette vérification a eu lieu aux alentours de 1992. Parmi plusieurs centaines de factures, les seules dont le prix était très proche du prix d'achat dataient littéralement du premier mois d'entrée en vigueur du système, quand la Commission a commencé à respecter l'obligation de ne pas expédier de produits à un prix inférieur au prix de revient. Toutefois, à la fin du premier mois, cela ne se produisait plus.

M. Dick Proctor: D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le président: Monsieur Borotsik.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Je vous remercie, monsieur le président.

Je fais écho à mon collègue et je m'excuse d'être arrivé en retard, monsieur Gifford. Toutefois, je n'ai pas encore le don d'ubiquité, et il se passe beaucoup de choses en même temps. Je sais que les libéraux aimeraient me cloner, mais c'est impossible.

Monsieur Gifford, corrigez-moi si je fais erreur, mais vous avez dit que la vérification de la Commission canadienne et la formule de tarification du blé exporté aux États-Unis ne vous préoccupaient pas. Ai-je bien compris?

M. Mike Gifford: C'est juste.

M. Rick Borotsik: Voilà qui me rassure!

J'ai ici quelques articles de journal que je trouve plutôt intéressants. Je vous en cite quelques passages: «Le litige qui s'étire depuis des années dans le dossier du blé n'a pas toujours été très beau. Il y a même eu échanges acrimonieux de menaces.» En voici un autre qui dit: «Le commerce du blé est depuis longtemps une pomme de discorde entre les deux pays, les producteurs américains prétendant que le Canada vend son blé à un prix inférieur au prix de revient.» La rancoeur des rapports entre les producteurs américains et canadiens dure donc depuis très longtemps.

Selon vous—comme les États-Unis représentent notre plus important partenaire commercial, il est agréable d'avoir des rapports qui sont manifestement en équilibre—, peut-on faire quelque chose pour améliorer la situation ou les rapports en ce qui concerne le blé exporté aux États-Unis?

M. Mike Gifford: Il faut que le gouvernement fédéral, les provinces, les producteurs et ceux qui ont un enjeu dans le dossier des grains déploient essentiellement un effort soutenu en vue de faire comprendre aux Américains comment la production de grain est mise en marché au Canada.

• 1000

Les Américains se font beaucoup d'idées fausses. Ils ne comprennent pas très bien le système canadien. Par exemple, à l'origine, ce qui les préoccupait le plus, c'était le tarif du Nid- de-Corbeau. On estimait que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest conférait un avantage indu aux exportateurs canadiens. Nous nous sommes donc débarrassés de la loi. Pourtant, ils persistent à dire que le système est injuste. Naturellement, le véritable problème, c'est que nous avons différents systèmes de mise en marché. Certains Américains croient, on ne sait trop comment, que, parce que les systèmes sont différents, il y a injustice. Ce n'est certes pas le cas.

Avec un peu de chance, le genre de dialogue que j'ai mentionné entre les Syndicats du blé des Prairies, les producteurs de blé de l'Ouest et leurs homologues américains aidera, avec le temps, à mieux faire comprendre la situation.

M. Rick Borotsik: Les deux passages que je vous ai cités ont paru le mois dernier. De toute évidence, le dialogue et les explications ne semblent pas donner les résultats escomptés. Pourtant, selon vous, le mieux que nous puissions faire est de simplement expliquer aux Américains comment fonctionne notre système, plutôt que d'y apporter d'autres changements.

M. Mike Gifford: Sans oublier de faire ce que nous faisons pour faciliter le plus possible le mouvement des grains dans un sens comme dans l'autre. Par exemple, c'est ce que cherche à accomplir le projet-pilote. En prenant la décision unilatérale de suspendre l'application de nos contingents tarifaires aux importations d'orge en provenance des États-Unis, nous encouragerons, espérons-nous, le mouvement de l'orge fourragère du Montana, par exemple, jusqu'en Alberta. Voilà le genre de mesures proactives que nous prenons.

M. Rick Borotsik: J'aimerais commenter ce que vous venez de dire. Monsieur le président, je suis sûr qu'il me reste suffisamment de temps.

Dans la circonscription que je représente, on est en train de construire quatre nouveaux grands terminaux intérieurs qui sont visibles de la frontière. Je suppose donc qu'on les construit en tenant compte de la possibilité d'un échange transfrontalier de produits, peut-être pas tout de suite, mais dans un avenir rapproché. Êtes-vous d'accord?

M. Mike Gifford: Je crois certes que les céréaliers projettent d'évoluer au sein d'un marché du grain nord-américain, effectivement.

M. Rick Borotsik: J'ai une dernière question. Elle concerne une autre observation que vous avez faite, monsieur Gifford, lorsque vous expliquiez que les producteurs laitiers américains aimeraient avoir un système de gestion de l'offre analogue à celui des Canadiens. Le gouvernement américain a rejeté leur proposition. Pourriez-vous simplement, en 30 secondes, m'expliquer pourquoi le gouvernement des États-Unis rejetterait l'idée d'une gestion de l'offre analogue à ce que nous avons ici, au Canada?

M. Mike Gifford: Non, il n'était pas question de gestion de l'offre, monsieur le président. Je faisais allusion au fait que les producteurs laitiers des États-Unis souhaitaient avoir en place un système de tarification des exportations.

M. Rick Borotsik: De tarification des exportations, non pas des ventes intérieures, du système de gestion de l'offre?

M. Mike Gifford: Non, ils ne proposaient pas d'avoir un système de gestion de l'offre.

M. Rick Borotsik: D'accord. Je vous remercie, monsieur Gifford. Je vous sais gré d'avoir éclairé ma lanterne.

Le président: Pour m'assurer d'avoir bien compris, vous dites que les Américains se font une fausse idée de notre système. Avons-nous, nous aussi, des idées fausses au sujet du leur? Nous nous sommes débarrassés du tarif du Nid-de-Corbeau et nous affirmons qu'ils n'ont pas éliminé leur subvention du transport. Est-ce vrai?

M. Mike Gifford: La différence entre nos subventions du transport, dans l'Ouest, et les leurs, par exemple au Mississipi, c'est que les leurs étaient des subventions du transport généralement offertes à tous les producteurs. Elles n'étaient pas limitées aux seuls agriculteurs. Il importe peu que vous expédiez du charbon, de la machinerie ou des grains, vous avez droit au tarif du transport subventionné le long du Mississipi. Au Canada, cette subvention était limitée à certains produits agricoles précis, essentiellement aux grains et aux oléagineux.

Le président: Qu'en est-il des subventions de transport du grain qui part de l'ouest des États-Unis pour être livré dans l'est des États-Unis, plutôt que le long du Mississipi?

M. Mike Gifford: Que je sache, la seule forme de subvention dont jouit le transport aux États-Unis est le fait que le Army Corps of Engineers des États-Unis exploite le réseau du Mississipi et qu'il ne cherche pas à en recouvrer le plein coût. Par conséquent, on bénéficie là-bas d'une subvention théorique. Cependant, que je sache, il n'existe pas d'autre forme de subvention du transport aux États-Unis, particulièrement en ce qui concerne le transport du grain du Midwest, par exemple, jusqu'aux ports de la côte Est.

Le président: Je vous remercie.

M. Murray Calder: Cependant, le programme de subvention à l'exportation des États-Unis, même s'il est en veilleuse, existe toujours. Ne pourrait-il pas servir à subventionner le transport?

M. Mike Gifford: Les États-Unis n'ont pas appliqué ce programme à leurs exportations de grain depuis, si je ne m'abuse, décembre 1995. Bien que les membres du Congrès représentant le Midwest, plus particulièrement les États septentrionaux, exercent d'énormes pressions politiques sur le gouvernement pour qu'il le fasse, jusqu'ici l'administration américaine a résisté.

• 1005

Le président: Monsieur McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le président, je vous remercie, et je vous remercie aussi, messieurs, d'être venus.

Je ne voudrais pas couper l'herbe sous le pied de mon collègue qui a une excellente question à poser, mais vous avez mentionné que les producteurs laitiers des États-Unis tentaient de mettre sur pied un système de gestion de l'offre, idée qui avait été rejetée. Je me demandais si vous pouviez me donner plus de détails à ce sujet.

M. Mike Gifford: J'ai dit que les producteurs laitiers des États-Unis avaient proposé, en fait, un système de double prix des produits laitiers dans le cadre duquel ils pourraient vendre la plus grande partie de leur lait à des prix élevés aux États-Unis tout en étant libres d'exporter au cours mondial. C'est essentiellement le système que nous avons ici. Toutefois, ils n'ont pas de système de gestion de l'offre.

De nombreux Américains me disent que, bien que plusieurs producteurs, particulièrement ceux du nord de l'État de New York et du Vermont, soient très favorables à l'idée de gérer l'offre de lait américaine, la majorité des producteurs laitiers des États-Unis y sont opposés. En fait, le lobby des producteurs laitiers des États-Unis a complètement changé son fusil d'épaule. De groupe protectionniste vivement opposé aux importations, il se tourne maintenant vers la compétitivité sur les marchés mondiaux comme voie d'avenir. Il se tourne de plus en plus vers les marchés extérieurs.

M. Larry McCormick: Je vous remercie.

Monsieur Gifford, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la décision rendue par l'OMC au sujet des importations de boeuf au sein de l'Union européenne. Le fait que Santé Canada suive de près la santé du bétail et l'utilisation des hormones de croissance, bien qu'il arrive parfois qu'on en détecte dans notre boeuf... Étant donné la psychose qui entoure le boeuf en provenance de Grande-Bretagne, y aurait-il un grand marché là-bas, un marché en croissance pour nos exportations de boeuf, et le fait que l'hormone de croissance puisse encore être détectée dans la chaîne aura-t-il une influence?

M. Mike Gifford: La contestation par les autorités canadiennes et américaines de la décision européenne d'interdire l'hormone de croissance dans le boeuf a fait l'objet d'un rapport d'un groupe de spécialistes, puis d'un appel devant un tribunal de Genève. Le tribunal a confirmé la conclusion du groupe de spécialistes selon lesquels l'Union européenne n'avait pas fait d'évaluation scientifique des risques pour justifier l'interdiction des importations. En d'autres mots, aux termes de l'accord établissant l'OMC, les États membres peuvent prendre les mesures qu'ils jugent essentielles pour protéger la santé des personnes, des plantes et des animaux, à condition de le faire à la lumière de faits scientifiques et d'une évaluation scientifique des risques, ce que n'ont pas fait les Européens.

Quant à l'économie ou au marché potentiel, le Canada et les États-Unis ont le droit d'exporter jusqu'à 10 000 tonnes de boeuf en Europe en vertu d'une disposition qui prévoit un contingent tarifaire du boeuf de qualité supérieure, disposition qui vise en réalité le boeuf nourri au grain—c'est-à-dire du boeuf gras nord- américain qui répond à l'équivalent de la catégorie de choix et de première qualité des États-Unis ou du Canada. C'est le maximum de boeuf que nous pouvons exporter en Europe, et ces exportations sont surtout destinées au secteur de l'hôtellerie et de la restauration.

Le président: Jake.

M. Jake Hoeppner: Vous ai-je bien compris, monsieur Gifford? Notre régime commercial assujetti à des règles nuit à nos exportations chez nos partenaires commerciaux?

• 1010

M. Mike Gifford: Il facilite la croissance du secteur agricole canadien. Un système fondé sur des règles nous aide à réaliser la croissance parce qu'il fournit un climat stable et prévisible au sein duquel le producteur ou le transformateur peut prendre des décisions éclairées en matière d'investissement et de production. Si c'est le chaos, s'il n'y a pas de règle, il n'y a pas d'ordre, et l'incertitude règne.

M. Jake Hoeppner: Combien de plaintes avez-vous reçues des États-Unis au sujet de l'entrée sur leur marché de grains canadiens comme le colza canola, les graines de lin, le seigle et l'avoine?

M. Mike Gifford: Il serait juste de dire, monsieur le président, que la principale source de friction a été le blé et, dans une moindre mesure, l'orge. La pomme de terre est aussi un irritant de longue date, surtout dans le Maine. Les producteurs du Maine sont préoccupés par les importations en provenance du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard depuis de nombreuses années, mais le phénomène est intermittent selon le prix de la pomme de terre au Maine. Parfois aussi, les importations de bovins vivants aux États-Unis ont suscité des préoccupations. Cependant, en ce qui concerne nos exportations actuelles, la principale source de friction concerne les grains.

M. Jake Hoeppner: C'est juste. J'en viens à une autre question. Vous avez parlé de ce projet en gestation dans le cadre duquel le grain américain pourra franchir la frontière et être entreposé dans certains silos désignés.

Comment cela cadrera-t-il avec le régime appliqué par la Commission canadienne du blé ou les dispositions du projet de loi C-4, si du grain garanti par contre-partie sur le marché américain, du blé qui a probablement été cultivé à contrat, entre en concurrence directe avec celui de producteurs regroupés qui ne jouissent pas de la même protection, en ce sens qu'ils ne peuvent pas garantir par contre-partie ni vendre à l'avance sur le marché comptant? Comment cela touchera-t-il les producteurs? N'auront-ils pas les mains liées, et cela ne se retournera-t-il pas contre eux en raison de règles du commerce inéquitables?

M. Mike Gifford: Je ne le crois pas, monsieur le président. Le système est destiné à donner aux producteurs américains et aux petits agents de courtage des grains la même possibilité que celle dont jouissent les producteurs canadiens qui expédient des grains dans un silo américain...

M. Jake Hoeppner: Ils n'ont pas cet avantage.

M. Mike Gifford: ... tout comme le producteur canadien peut racheter le grain et le vendre sur le marché américain.

Cependant, deux systèmes coexisteront. Rien n'empêche—et cela est déjà arrivé—les syndicats de producteurs de grain américains de profiter essentiellement du réseau de transport canadien, essentiellement parce qu'il n'existe qu'un chemin de fer reliant les États du nord des États-Unis au Pacifique et parce que leurs tarifs de transport sont beaucoup plus élevés que les nôtres.

M. Jake Hoeppner: Je ne m'inscris pas en faux contre cela. Quand vous parlez de 1994, parlez-vous de 1993-1994, quand tant de nos semis ont été brûlés?

M. Mike Gifford: Oui.

M. Jake Hoeppner: D'après des données de recherche que j'ai obtenues de la Commission du blé, durant cette année-là, nous avons exporté aux États-Unis 2,23 millions de tonnes de blé fourrager.

M. Mike Gifford: C'est juste.

M. Jake Hoeppner: De ces millions de tonnes, 450 000 ont été acheminées par camion. Seulement 100 000 ont été transportées par chemin de fer...

M. Mike Gifford: Oui.

M. Jake Hoeppner: ... et 1,7 million de tonnes, par bateau.

Pareil système ne me semble pas très efficace. Toutefois, il faut que les producteurs s'y plient parce que, lorsqu'il question du rachat, c'est une toute autre paire de manches. Je pourrais passer deux jours à en débattre avec vous.

Voilà toutefois ce avec quoi les producteurs sont aux prises. C'est pourquoi nous préconisons si vivement d'offrir, dans le projet de loi C-4, certains choix, même si, pour s'en prévaloir, il faut que le producteur passe par la Commission du blé. Le producteur devrait avoir le droit de garantir son grain par contrepartie ou, du moins, un certain pourcentage de ce grain, parce que tout cela est lié au système américain. Il faudra rivaliser avec lui et, si nous ne disposons pas des mêmes outils que les Américains, nous sommes voués à l'échec. C'est ce qui me préoccupe.

M. Mike Gifford: Tout ce que je puis dire, monsieur le président, c'est que, bien que je ne conteste aucunement les chiffres avancés au sujet de l'année 1994, je peux affirmer avec pas mal d'assurance qu'aujourd'hui, le grain n'est plus acheminé par bateau, que plus de 90 p. 100 des grains sont transportés par chemin de fer. Les quantités transportées par camion jusqu'aux États-Unis représentent certes moins de 10 p. 100. Le grain circule surtout par chemin de fer jusqu'à Minneapolis et St. Louis.

M. Jake Hoeppner: Vous seriez donc d'accord avec moi pour dire que les Américains avaient probablement une cause raisonnable d'action puisque nos tarifs de transport étaient subventionnés et qu'une grande partie du grain était transporté par chemin de fer jusqu'à Thunder Bay, plutôt que d'être acheminé directement par camion?

M. Mike Gifford: Non, monsieur le président. Je ne crois pas que nous ayons nui en quoi que ce soit au marché du grain des États-Unis. Le niveau des expéditions a été si élevé en 1994 en raison surtout de la pénurie de céréales fourragères aux États-Unis causée par les inondations. Les États-Unis avaient besoin de chaque tonne de céréales fourragères qu'ils pouvaient trouver. Par coïncidence, notre récolte de blé a été de piètre qualité, de sorte qu'il a fallu la classer comme céréale fourragère. Toutefois, le commerce actuel se fonde sur des blés de printemps à forte teneur en protéines, sur du blé durum dont le prix est élevé et sur les expéditions habituelles de blé de pâtisserie de l'Ontario jusqu'aux usines du Michigan.

• 1015

Le président: Je vous remercie de ces précisions.

C'est maintenant au tour de M. Chrétien, puis de Mme Ur. Il nous reste 15 minutes.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: J'aimerais poser une brève question à M. Gifford. Dans le budget 1994-1995, on avait prévu l'abolition du Nid-de-Corbeau en déboursant 3 milliards de dollars à titre de dédommagement ou d'adaptation aux céréaliers. Ce que tout le monde admettait à l'époque, c'est qu'il y aurait une diversification de l'agriculture dans les provinces des Prairies.

Or, on se rend compte quelques années plus tard que les agriculteurs de l'Ouest se dirigent principalement vers l'élevage du porc. On en est témoin à Brandon, dans le sud-ouest du Manitoba, où l'on a construit une méga-porcherie où on pourra abattre de 33 000 à 36 000 porcs par semaine. Il ne faut pas s'étonner de l'effet que cela a présentement sur le prix du porc. C'est un peu comme l'offre et la demande. Mais comme la production du porc n'est pas contingentée, on risque de voir tous les producteurs de porc du Canada en arracher tout à l'heure.

Heureusement, la production de la volaille, des oeufs et du lait est contingentée. On peut toutefois s'attendre à ce qu'éventuellement, avec ces 3 milliards de dollars, on achète principalement de l'Ontario ou du Québec des quotas qui seraient déménagés dans l'Ouest.

Est-ce qu'en ce jour, le 10 février 1998, vous pourriez me faire un bilan rapide de la diversification qui s'est faite dans l'agriculture dans les quatre provinces de l'Ouest, y compris la Colombie-Britannique?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Bien que j'aie souvent affirmé que les prévisions des spécialistes de l'agriculture étaient accueillies avec cynisme, voilà un cas où leurs prévisions se sont avérées justes. Ils avaient en effet prédit que l'élimination du tarif du Nid-de-Corbeau encouragerait en fait une diversification du secteur de la transformation des aliments dans l'ouest du Canada et encouragerait une plus grande production de bovins vivants. De fait, le tarif du Nid-de-Corbeau encourageait la production et l'expédition sous forme brute des grains et des oléagineux.

De toute évidence, les secteurs de la production de viande rouge et de la trituration d'oléagineux de l'ouest du Canada ont reçu une injection massive de nouveaux investissements. Des installations de fabrication d'huile végétale de l'ouest du Canada exportent actuellement aux États-Unis la plus grande partie de leur production ou, du moins, une bonne partie de cette production. L'Alberta compte maintenant deux usines de conditionnement du boeuf de calibre mondial. Nous sommes en train d'établir des usines de conditionnement du porc de classe internationale dans l'ouest du Canada, où bon nombre des usines existantes sont vétustes.

Ce sont-là des faits nouveaux qui sont tous positifs. Si vous êtes un producteur de grain du Manitoba, vous vous direz que, en vertu du tarif du Nid-de-Corbeau, l'expédition du blé coûtait 10 $ la tonne alors que l'expédition d'une tonne de blé ou d'orge fourragère coûte maintenant 40 $. Il est donc beaucoup plus sensé de donner ces grains aux porcins ou aux bovins.

À l'avenir, monsieur le président, nous exporterons en réalité beaucoup plus de nos grains sous forme de viande rouge. C'est le résultat final.

Le président: Merci beaucoup. Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je continuerai dans la même veine que mon collègue Murray, qui a posé des questions au sujet de l'entente visant les producteurs laitiers de l'Est des États-Unis. Le Wisconsin, impose, d'une part, un contrôle des importations et, d'autre part, des limites à la production intérieure. En quoi cela diffère-t-il de ce que nous avons au Canada, que l'on parle d'une entente ou d'une gestion de l'offre? Une rose reste une rose peu importe le nom qu'on lui donne.

Une voix: Bonne question.

• 1020

M. Mike Gifford: Je le répète, si vous pensez que l'industrie laitière canadienne est complexe, sachez qu'elle l'est tout autant aux États-Unis.

Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois comprendre que le secrétaire Glickman a annoncé il y a quelques semaines un projet de réforme du système de mise en marché du lait aux États-Unis. Ce système autorise en fait les États à fixer le prix du lait tant de consommation que de transformation. Ils utilisent comme point de référence le Wisconsin, l'État où la production de lait était habituellement la moins coûteuse. Il y a ensuite ce qu'on appelle les considérations de transport qui permettent aux États avoisinants d'obtenir un prix plus élevé. Au fil des ans, l'industrie laitière américaine a ainsi été encouragée à prendre de l'expansion et à migrer vers la Californie et les États du Sud-Est.

L'essentiel, c'est que les États-Unis disposent pour les produits laitiers d'un système qui leur permet de gérer un programme d'offre d'achat pour le beurre, la poudre de lait écrémé et le fromage, système que la nouvelle loi agricole américaine éliminera toutefois progressivement. En principe, ce programme d'offre d'achat ne sera pas remplacé. Les Américains mettront en place un système de prix administrés assorti de règlements pris par les États et par l'entremise duquel les prix seront fixés pour le lait de consommation et le lait de transformation. La question qu'il faut alors se poser est la suivante: S'ils veulent exporter leurs produits, comment le feront-ils si le prix intérieur est supérieur au prix mondial?

Les États-Unis ont bel et bien un programme de subventions directes à l'exportation pour les produits laitiers. À l'heure actuelle, ils s'en servent conformément aux droits que leur confère l'OMC. Ils ont été contraints de baisser graduellement le niveau de ces subventions à l'exportation, mais ils ont toujours la possibilité d'y recourir pour exporter leurs produits.

Si je comprends bien, de l'avis général aux États-Unis, si le commerce mondial des produits laitiers devait se libéraliser, le prix mondial et le prix fixé aux États-Unis devraient se situer à peu près au même niveau. C'est la raison pour laquelle les producteurs laitiers américains sont d'avis qu'ils doivent se fixer comme objectif à long terme de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux.

Mme Rose-Marie Ur: Je crois, monsieur le président, qu'il s'agirait-là d'un bon sujet de discussion et de débat—les avantages et les inconvénients, ce qui se passe ici, ce qui se passe aux États-Unis.

Une autre courte question. J'étais néophyte en 1993 lorsque les discussions ont eu lieu... et les signatures de l'Uruguay Round en décembre. Il s'agit peut-être d'une question pour laquelle je devrais avoir la réponse, mais ce n'est pas le cas.

Je ne veux pas nier les responsabilités des représentants du gouvernement qui étaient là pour défendre nos bons produits agricoles canadiens, en ce qui a trait aux producteurs laitiers aux prises avec ces mélanges d'oléobeurre et de sucre. Le gouvernement y était, mais y avait-il des représentants des Producteurs laitiers du Canada?

M. Mike Gifford: Oui.

Mme Rose-Marie Ur: Qui était leur porte-parole? Était-ce M. Doyle?

M. Mike Gifford: Oui.

Mme Rose-Marie Ur: M. Doyle était-il au courant de ce qui se passait? S'est-il agi d'un oubli de sa part? Cette question est passée tout à coup au premier plan. Que s'est-il passé là-bas? Je suis sûre qu'il était probablement le plus grand spécialiste sur place qui représentait les producteurs laitiers.

M. Mike Gifford: C'est un fait que les producteurs laitiers, comme les représentants de bien d'autres secteurs de l'industrie canadienne de l'agriculture, ont participé à Genève à la fin des négociations de l'Uruguay Round. La délégation a profité de leurs avis et de leurs conseils. Plus particulièrement, M. Doyle y a participé en tant que membre non pas seulement des Producteurs laitiers du Canada mais aussi du GCSCE. Nous avons suivi ses conseils à maintes reprises sur toute la question du classement tarifaire approprié des mélanges.

Mme Rose-Marie Ur: D'accord.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à M. Hill et à M. Calder qui poseront deux courtes questions.

M. Jay Hill: J'ai quelques brèves questions qui exigeront des réponses très courtes.

Vous avez parlé de deux millions de tonnes de blé et d'un million de tonnes d'orge; vous avez ensuite décrit la composition de ces expéditions. Était-ce pour la campagne agricole 1996-1997?

M. Mike Gifford: Oui.

M. Jay Hill: Quelle quantité de colza a été expédiée pour cette campagne?

• 1025

M. Mike Gifford: Il faudrait que je trouve ces données...

M. Jay Hill: En avez-vous une idée approximative? Parle-t-on d'une quantité supérieure ou inférieure?

M. Mike Gifford: La quantité serait beaucoup moindre. Nous expédions surtout de l'huile de colza aux États-Unis plutôt que du colza brut.

M. Jay Hill: Les Américains se sont-ils déjà plaints de commerce déloyal dans le cas du colza exporté aux États-Unis?

M. Mike Gifford: Non, pas à ma connaissance.

M. Jay Hill: Pourquoi? Pourquoi les plaintes porteraient-elles seulement sur le blé ou l'orge? Voulez-vous risquer une hypothèse?

M. Mike Gifford: Oui. Pendant 50 ans, les producteurs de blé du Dakota du Nord ont invoqué les contingents d'exportation prévus à l'article 22, lequel interdisait l'importation de blé aux États-Unis. Ils ne sont donc pas habitués à voir le blé traverser la frontière.

Je pense que je peux parier d'où vient la question. Le système de commercialisation que nous avons au Canada importe peu. L'essentiel, c'est que les Américains n'aiment pas les importations, peu importe le genre de...

M. Jay Hill: Je crois comprendre que les importations aux États-Unis de colza canadien, qu'il s'agisse de l'huile, du tourteau ou que sais-je encore, ont connu un essor remarquable. S'ils n'aiment pas les importations, pourquoi alors ne s'offensent- ils pas de celles-là?

M. Mike Gifford: Presque toute l'agitation politique vient du Dakota du Nord, plus particulièrement des producteurs de blé, des producteurs de blé dur. Il semble que ce soit là que le bât blesse le plus. Les producteurs de blé du Kansas et du Texas s'en fichent royalement.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Pour poursuivre sur la lancée de M. Hill, Mike, les États-Unis veulent simplement faire les choses à leur façon. Ne tournons pas autour du pot.

Il y a deux ans, nous avons eu la chance de nous rendre là-bas et de pouvoir discuter avec Pat Roberts, le président du Comité permanent de l'agriculture. Je lui ai carrément demandé s'il existait un programme de gestion de l'offre aux États-Unis. Il m'a bien sûr répondu que non. Je lui ai alors parlé de l'entente visant les producteurs laitiers de l'est, au Wisconsin, les producteurs d'arachides, de coton, de betterave à sucre... Quelle surprise, il avait justement une réunion cinq minutes plus tard.

Pourquoi ne poussons-nous pas jusqu'à la limite? Si je le dis, c'est parce qu'il existe un programme de gestion de l'offre aux États-Unis. Si vous parlez aux aviculteurs américains, ils vous diront qu'ils veulent un système comme le nôtre, pour des raisons évidentes. Je crois qu'il en va de même pour les producteurs laitiers. Je parle des agriculteurs ordinaires.

M. Mike Gifford: Je crois qu'il est exact que, depuis les années 30, la politique agricole américaine dans son ensemble se fonde en grande partie sur un système quelconque de gestion de l'offre. Sans être exactement le même régime que celui pratiqué, par exemple, par le secteur laitier au Canada, la politique américaine en ce qui a trait aux céréales consistait essentiellement, jusqu'à tout récemment à coup sûr, à contrôler l'approvisionnement de manière à influer sur les prix. Il est sans aucun doute vrai que des produits comme les arachides et le coton sont encore assujettis à système fortement réglementé ressemblant énormément au système canadien de gestion de l'offre.

Ainsi, les États-Unis, à l'instar du Canada, appliquent un double système à l'agriculture. Certains secteurs sont pour ainsi dire assujettis à une certaine forme de gestion de l'offre tandis que d'autres ne le sont pas.

M. Murray Calder: Il y a un autre aspect à la question. Vous avez parlé de la loi agricole américaine. Cette loi prévoit que, sur une période de sept ans, les agriculteurs vont retirer annuellement 5 milliards de dollars. Ils n'ont pas de véritables obligations si ce n'est de moderniser leur équipement.

Vraiment, s'il ne s'agit pas d'une subvention—5 milliards par année—au total 35 milliards d'ici à ce qu'une autre loi intervienne?

M. Mike Gifford: Oui, ça l'est. Il s'agit d'une subvention directe de soutien du revenu.

Le président: Et on ne peut rien faire à ce sujet?

M. Mike Gifford: Je crois que l'on considère dans l'ensemble qu'il s'agit de ce que nous appelons un programme à caractère écologique. Ce n'est pas lié à la production. En fait, le montant a été calculé en fonction de la production qui existait durant la période de référence. Ce montant diminuera graduellement et disparaîtra la septième année. Nous ne savons pas encore par quel programme il sera remplacé. Mais l'essentiel, c'est qu'il s'agit d'un paiement de revenu direct qui n'est pas lié à la production.

Le président: À part le fait d'être gentils, d'être de bons voisins pour ce qui est du projet-pilote, y a-t-il une raison pour laquelle nous faisons cela? Ne mettons-nous pas en péril nos céréales de premier choix? Si nos céréales sont d'aussi grande qualité, pourquoi les mélanger avec des céréales de qualité inférieure? Pourquoi courons-nous ce risque?

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M. Mike Gifford: Le fait est que nous ne mettrons pas en péril l'intégrité du contrôle de qualité du blé canadien. C'est pour cette raison que nous attendrons que la Commission canadienne du blé donne son aval au projet-pilote. La Commission est chargée du système de contrôle de la qualité. Ces silos seront bien identifiés et un inspecteur des grains canadien supervisera le déchargement du blé. Ils seront alors fermés à clé et un inspecteur canadien supervisera les opérations de manutention.

Nous pouvons être assurés qu'il n'y aura pas de mélange.

Le président: Mais il n'y a aucun avantage. En retirons-nous quelque chose?

M. Mike Gifford: Nous voulons assurer l'accès à un marché de 2 millions de tonnes de blé et d'un million de tonnes d'orge sur lequel les producteurs canadiens obtiennent des prix nord- américains plutôt que les prix plus bas offerts sur d'autres marchés étrangers. Faire le petit effort supplémentaire pour compenser certaines des pressions politiques qui s'exercent sur l'administration, c'est un bon investissement de temps et d'argent.

Le président: D'accord. Merci beaucoup. La matinée a été très intéressante. Nous vous reverrons probablement bientôt. Merci.

Nous levons maintenant la séance pendant trois minutes. Nous reprendrons nos délibérations à huis clos pour étudier nos travaux futurs.

[La séance se poursuit à huis clos]