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AGRI Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Au cours d'un cycle économique, les revenus agricoles subissent quelques fois des fluctuations à la baisse. Lorsqu'elles sont importantes, ces fluctuations attirent inévitablement l'attention de l'industrie agroalimentaire, des gouvernements et des parlementaires. Après avoir connu une tendance à la hausse depuis cinq ans, le revenu agricole net au Canada a subi une chute de 53,4 p.100 en 1997, principalement à cause d'un changement important dans les inventaires de céréales. Étrangement, cette baisse du revenu agricole net a alors soulevé peu d'intérêt à l'époque, même après avoir été confirmée lors d'une mise à jour des données agricoles au mois de mai 1998. Par contre, lorsque les projections d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) sur le revenu agricole réalisé pour 1998, c'est-à-dire sans tenir compte du changement des inventaires, sont venues confirmer cette tendance à la baisse et que les effets de la crise économique en Asie et en Russie ont commencé à se faire sentir sur les prix attendus des principales denrées agricoles exportées, notamment les céréales et le porc, la situation du revenu agricole au Canada est devenue un sujet de préoccupation grandissant. La publication des perspectives de rendement pour le mois de septembre par la Commission canadienne du blé, qui indiquait que les prix du blé étaient à la baisse de 4 $ à 20 $ par tonne pour l'année céréalière 1998-1999, est venue amplifier cette préoccupation. Lorsque les États-Unis (É.-U.) ont annoncé au mois d'octobre 1998 un programme d'aide extraordinaire pour le secteur agricole totalisant près de six milliards de dollars, dont plus de la moitié visait à soutenir directement les revenus touchés par l'effondrement actuel des prix du marché, on a alors commencé à parler de « crise appréhendée du revenu agricole ».

Malgré un agenda chargé découlant de son mandat de tenir des audiences exploratoires sur les prochaines négociations multilatérales sur le commerce international, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes a répondu à cette crise appréhendée du revenu agricole par la tenue d'une série d'audiences avec les représentants de divers groupes agricoles. Au cours des audiences publiques qui se sont déroulées entre le 3 novembre et le 2 décembre 1998, le Comité a entendu 19 groupes représentant des agriculteurs. De plus, il a accueilli le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan, l'honorable Eric Upshall, dont la province subit durement le contrecoup de la baisse des prix des denrées. Enfin, le Comité a conclu ses audiences avec le ministre fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, l'honorable Lyle Vanclief.

Comme il en est fait mention dans l'ordre de renvoi du Comité, la crise appréhendée du revenu agricole a comme principale source l'effondrement à l'échelle mondiale du prix des denrées. Toutefois, les éléments qui composent les revenus agricoles comprennent bien plus que seulement les prix du marché, les audiences du Comité ont donc aussi permis de mettre sur la sellette les subventions agricoles accordées par les États-Unis et l'Union européenne, ainsi que le système canadien de protection du revenu agricole.

LA SITUATION DU REVENU AGRICOLE AU CANADA

Dès les premières publications de Statistique Canada sur les données agricoles pour l'année 1997, certains signaux indiquaient que les revenus agricoles entraient dans une période de perturbations. Ainsi, après avoir connu une tendance à la hausse de 1991 à 1996, le revenu agricole net total a plongé de 53,4 p. 100 au Canada en 1997, passant de 4,337 milliards en 1996 à 2,020 milliards de dollars en 1997. Cette chute importante du revenu agricole net total résultait d'une baisse de 16 p.100 des inventaires des principales céréales et oléagineux. Cette variation importante des inventaires était reliée à une récolte de blé et d'orge moins importante et à une hausse des mises en marché de ces céréales à l'automne 1997, ce qui constituait peut-être un signe avant coureur que le marché anticipait un fléchissement des prix. Le revenu agricole net total était négatif en Saskatchewan pour la première fois depuis 1988, tandis qu'au Manitoba et en Alberta, il subissait respectivement des baisses de 57 et 55 p. 100.

Lorsque les premières estimations de Statistique Canada ont montré que les recettes monétaires du marché agricole totalisaient 14,1 milliards de dollars pour le premier semestre de 1998, soit une baisse de 5,1 p. 100 par rapport à 1997 pour la même période, et que ce fléchissement des recettes monétaires était particulièrement important dans les provinces des Prairies, il est alors devenu évident qu'une importante « correction » dans le marché de certaines denrées agricoles, notamment les céréales et le porc, était en train de s'opérer. Comme l'ont mentionné les représentants du Conseil canadien du porc, cette correction est d'autant plus dramatique qu'elle est le résultat d'une combinaison unique d'un certain nombre de facteurs dépréciatifs des prix, parmi lesquels on compte un surplus mondial de porc, la concurrence d'autres viandes, un soudain déclin des exportations et une concurrence déloyale touchant les exportations. Les plus récentes données de Statistique Canada portant sur les recettes monétaires agricoles pour les trois premiers trimestres de 1998 sont venues confirmer que la chute se poursuivait, avec des baisses de recettes de 9,0 p. 100 en Saskatchewan, de 6,7 p. 100 au Manitoba et de 2,9 p. 100 en Alberta.

Les projections réalisées par Agriculture et Agroalimentaire Canada montrent que le revenu net réalisé1 pour l'ensemble des fermes canadiennes pourrait passer de 3,226 milliards de dollars en 1997 à 2,669 milliards en 1998, soit une baisse de 17,3 p.100. Comme c'est souvent le cas, ces statistiques n'indiquent pas a priori une crise des revenus agricoles puisque ces niveaux de revenu demeurent à l'intérieur des limites des fluctuations passées, mais le total national cache partiellement ce qui se passe dans deux provinces, le Manitoba et la Saskatchewan, qui connaîtraient en 1998 des baisses de leur revenu net réalisé de 69,2 et 72,2 p. 100 respectivement. Toujours selon les projections d'AAC, les difficultés financières de nombreux agriculteurs canadiens, qui découlent de la détérioration de la conjoncture mondiale, devraient persister en 1999.

La stabilité de revenu que connaissent d'autres secteurs agricoles, notamment ceux de la gestion de l'offre, peut aussi en partie donner l'illusion que la situation du revenu agricole pour l'ensemble du Canada n'est pas si grave. Toutefois, les audiences tenues par le Comité ont mis en lumière que si tous les secteurs agricoles n'étaient pas touchés aussi durement que ceux des céréales et du porc, l'ensemble de l'infrastructure agricole et agro-alimentaire canadienne va éventuellement subir l'effet cascade de l'effondrement du prix de ces denrées. Comme l'ont mentionné au Comité les représentants d'Agricore, une nouvelle coopérative résultant de la fusion des Pools de l'Alberta et du Manitoba, une baisse aussi subite des revenus agricoles entraîne déjà un chute des investissements agricoles dont les effets pourraient se faire sentir pendant longtemps sur l'ensemble de la structure agricole du pays. Cette situation a conduit la Fédération canadienne de l'agriculture (FCA) à s'interroger sur la possibilité pour le Canada d'atteindre l'objectif de conquérir 4 p. 100 du marché agro-alimentaire mondial d'ici l'an 2005. Enfin, comme l'a fait valoir le représentant de l'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) : « [l]a crise du revenu n'est pas qu'appréhendée, elle est bien réelle ».

A. Les subventions à l'exportation

Si la chute du prix de certaines denrées résulte surtout d'une conjoncture économique défavorable sur le marché mondial, l'utilisation de subventions à l'exportation par l'Union européenne (UE) et les États-Unis ne fait qu'aggraver cette situation. En fait, l'ensemble des témoins qui ont comparu devant le Comité ont dénoncé ce type de subventions.

Les données les plus fréquemment présentées au Comité indiquent que les subventions européennes à l'exportation atteindraient jusqu'à 60$Can par tonne pour le blé, 108$Can par tonne pour l'orge et 139$Can par tonne pour l'orge de brasserie. Le soutien direct apporté aux producteurs européens de céréales totaliserait 175$Can par acre. Les subventions européennes ont un impact direct sur les superficies ensemencées qui ne cessent de croître depuis 1993-1994, ce qui a poussé la production de blé au sein de l'UE à un niveau record de 103,4 millions de tonnes en 1998. En comparaison, au Canada, où les producteurs sont sensibles aux signaux du marché, les emblavures de blé sont à leur plus bas niveaux depuis 1979.

Comme l'a mentionné au Comité le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation de la Saskatchewan, les agriculteurs canadiens sont efficaces et connaissent les risques normaux associés à la production agricole, ils sont prêts à faire face à la concurrence, mais ils ne peuvent pas concurrencer les fonds publics de l'UE ou des É.-U.

Pour leur part, les États-Unis ont maintenu en 1998 un budget de 320 millions de dollars(É.U) pour leur Export Enhancement Program qui demeure une menace de tous les instants pour les producteurs canadiens. De plus, certains programmes américains de soutien des prix des céréales, comme celui des paiements compensatoires résultant des prêts de mise en marché (Loan Deficiency Payments Program (LDPP)), dont le budget totalise environ 6 milliards de dollars(Can), établissent un prix plancher pour les producteurs, mais pas pour le prix à l'exportation. Par conséquent, le programme LDPP permet aux exportateurs américains de vendre des céréales sur le marché mondial à des prix inférieurs à ceux reçus par les producteurs, ce qui fait du programme LDP ni plus ni moins qu'une subvention à l'exportation. De plus, la récente décision de l'Administration américaine d'ajouter près de 6 milliards de dollars(É.-U.) à leur budget agricole prévu pour 1998 pourrait être une source additionnelle de distorsions sur les marchés mondiaux.

Il semble donc que les É.-U. et les pays de l'UE sont à fourbir leurs armes pour défendre leur position respective sur un marché mondial aux prises avec des surplus de blé et de porc. Or, comme l'a mentionné Agricore, l'expérience de la dernière guerre commerciale entre ces pays a clairement démontré que les subventions à l'exportation n'ont que des effets marginaux sur les parts de marché, mais qu'elles dépriment les prix des denrées et que le déséquilibre qui en découle perdure longtemps.

Même si les subventions à l'exportation utilisées par les É.-U. et l'UE demeurent à l'intérieur des limites permises par l'Accord sur l'agriculture de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Comité est d'avis que les distorsions sur les marchés agricoles causées par ce type de subvention et l'impact qu'elles ont, à court et long terme, sur les revenus agricoles, méritent une attention spéciale. Comme la prochaine ronde de négociations sur le commerce multilatéral commencera bientôt, le Comité croit aussi que la crise actuelle des revenus agricoles offre une excellente occasion pour attirer l'attention sur les subventions à l'exportation.




B. Le recouvrement des coûts

Même si la crise actuelle affecte principalement les recettes monétaires agricoles, de nombreux témoins ont mentionné au Comité qu'une partie de la solution aux faibles revenus résiderait aussi du côté des dépenses. Plusieurs points ont été soulevés, certains relevant plus ou moins du mandat du Comité; mais parmi ceux-ci, le recouvrement des coûts pour les services offerts par le gouvernement est revenu fréquemment.

Comme le montrent les nombreuses discussions et rapports sur le sujet, le Comité s'est souvent préoccupé du coût des intrants agricoles au cours des dix dernières années. Il y a deux ans, plus précisément le 10 décembre 1996, le Comité a organisé une table ronde sur le recouvrement des coûts. Dans son rapport du 8 janvier 1997 adressé au président du Conseil du Trésor et au Ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, le Comité y a décrit la problématique du recouvrement des coûts et la pression que cette politique imposait aux agriculteurs et à l'ensemble de l'industrie agroalimentaire.

Dans son rapport, le Comité pressait le Conseil du Trésor de mener une étude d'impact, sectorielle et cumulative, sur l'effet en cascade que pouvait avoir le recouvrement des coûts sur la filière agroalimentaire canadienne. En avril 1997, le président du Conseil du Trésor profitait de son passage devant le Comité pour annoncer la nouvelle politique fédérale en matière de recouvrement des coûts. Selon la nouvelle politique, les ministères et les agences fédérales doivent travailler en étroite collaboration avec leur clientèle pour l'application des lignes directrices qui encadrent le recouvrement des coûts et ils sont responsables d'en évaluer l'impact pour leur secteur. Suite à l'annonce de cette nouvelle politique, Agriculture et Agroalimentaire Canada a mis sur pied un groupe de travail chargé de faire une analyse de l'impact cumulatif du recouvrement des coûts sur la filière agroalimentaire.

Même s'il fut parmi les premiers intervenants à demander une analyse cumulative de l'impact du recouvrement des coûts en agriculture, le Comité permanent n'a reçu aucune information pertinente sur le développement de cette analyse. De nombreux témoins de divers secteurs de la chaîne agroalimentaire continuent pourtant à faire valoir au Comité que la croissance des coûts demandés pour les services gouvernementaux se poursuit. Selon certaines estimations fournies par des témoins, le recouvrement des coûts en agriculture atteindrait 130 millions de dollars.

Au cours des audiences sur la crise des revenus agricoles, plusieurs témoins ont demandé un gel du recouvrement des coûts, non seulement à cause de l'impact de ces coûts sur les revenus, mais aussi de leur effet sur la capacité concurrentielle de l'industrie. Une telle demande semble légitime, mais avant de se prononcer sur un tel gel, le Comité aimerait connaître l'état réel de la situation du recouvrement des coûts dans la filière agroalimentaire.




LE FILET DE SÉCURITÉ DU REVENU AGRICOLE AU CANADA

Pour la première fois depuis l'adoption de la Loi sur la protection du revenu agricole, en avril 1991, qui encadre tous les programmes fédéraux de sécurité du revenu agricole, le filet de sécurité du revenu agricole est sérieusement mis à l'épreuve. Les audiences du Comité ont montré que les mailles du filet sont peut-être un peu trop grandes pour offrir la protection nécessaire en cas de chute importante et persistance du prix des denrées agricoles.

Le filet de sécurité du revenu agricole compte trois composantes : le programme du Compte de stabilisation du revenu net (CSRN), l'assurance-récolte et les programmes provinciaux d'accompagnement. Le gouvernement fédéral injecte annuellement 600 millions de dollars dans ces programmes, tandis que la contribution des provinces totalise 400 millions de dollars. Le plus important des trois programmes, le CSRN, permet à un producteur agricole de verser jusqu'à 3 p. 100 du produit de ses ventes nettes admissibles, jusqu'à concurrence de 7 500 $ par année. Une contribution fédérale-provinciale équivalente est appariée à celle du producteur et ce dernier voit sa contribution déposée dans son CSRN recevoir une bonification d'intérêt de 3 p. 100. Selon les dernières estimations d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, publiées en octobre 1998, les quelque 143 000 participants au CSRN auraient accumulé 2,5 milliards de dollars dans leurs comptes CSRN.

La majorité des témoins ont vanté les mérites du filet de sécurité du revenu agricole et indiqué au Comité que chacune des composantes avait son utilité, mais plusieurs ont aussi fait valoir que les programmes nationaux actuels n'ont pas été conçus pour faire face à une chute des prix des denrées aussi subite et importante. De plus, comme le Syndicat national des cultivateurs l'a souligné au Comité, le CSRN n'est d'aucune utilité pour certaines catégories d'agriculteurs, comme les jeunes ou ceux qui ont récemment investi dans leurs fermes. Parce que le filet de sécurité du revenu agricole semble manquer de résistance pour soutenir adéquatement les agriculteurs, la Fédération canadienne de l'agriculture a présenté au Comité sa stratégie pour un programme national de soutien du revenu en cas de catastrophe. Ce programme serait offert à tous les producteurs et reposerait sur une marge de référence propre à chacun des producteurs pour soutenir l'ensemble du revenu agricole en cas de catastrophes.

Les audiences ont permis de constater l'existence d'un solide appui pour une troisième ligne de défense des revenus agricoles, mais le Comité a aussi entendu quelques organisations agricoles défendre avec vigueur certains programmes provinciaux qui jouent déjà ce rôle de protection. Ainsi, les producteurs de maïs, de céréales et de haricots de l'Ontario n'ont pas rejeté un programme national en autant qu'il n'interfère pas avec le Programme ontarien d'assurance du revenu du marché. Le représentant de l'UPA a pour sa part indiqué que l'Assurance-stabilisation du revenu agricole au Québec procurait une meilleure protection que les autres programmes et qu'un nouveau programme national ne devrait pas affaiblir ce niveau de protection. Pour sa part, la Western Barley Growers Association a soutenu devant le Comité le programme albertain de protection du revenu agricole en cas de désastre (Farm Income Disaster Program ou FIDP), en précisant qu'il était efficace, axé sur les besoins et qu'il était « vert » selon les critères de l'OMC.

Les discussions entre les membres du Comité et les représentants des groupes agricoles ont permis d'établir clairement que les agriculteurs canadiens ne veulent pas de paiements d'appoint ponctuels. Tous ont mentionné l'urgence de la situation, mais souligné qu'une solution à court terme devait aussi s'inscrire dans une solution à long terme. Le Comité endosse cette approche et par conséquent :




Comme le programme proposé par la FCA est une variante du FIDP albertain qui a été testé et a fait ses preuves, et que le Comité consultatif des programmes de sécurité du revenu a déjà réfléchi aux modalités d'un Programme de protection contre les catastrophes basé sur le revenu, tous les éléments d'une solution à court terme qui pourrait s'imbriquer dans un concept de plus long terme semblent être en place. De plus, lors de sa comparution, le ministre fédéral de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, l'honorable Lyle Vanclief, a laissé comprendre au Comité permanent que, dès l'annonce officielle d'un tel programme national, il pourrait être rapidement monnayable auprès des institutions financières. Même si la mise en place d'un tel programme pourrait nécessiter des négociations fédérale-provinciales, le Comité considère qu'en situation de crise tous les intervenants doivent faire preuve de créativité et de flexibilité. En ajoutant un autre volet à l'actuel filet de sécurité, le Comité croit qu'on pourrait à la fois s'attaquer à l'urgence de la situation du revenu agricole et offrir une meilleure protection à long terme aux agriculteurs canadiens.

Le Programme devrait reposer sur certains principes. Il se devrait d'être flexible, efficace et tous les agriculteurs canadiens devraient pouvoir y avoir accès. De plus, ce programme ne doit pas nuire au bon fonctionnement des composantes actuelles du filet de sécurité du revenu agricole, particulièrement en ce qui concerne la décision d'un producteur d'investir dans son CSRN. Le Comité croit que les paiements reçus par les producteurs en vertu d'un programme national du soutien du revenu en cas de catastrophe doivent être plafonnés et que celui-ci devrait être à frais partagé, dans une proportion de 60\40 entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Mais surtout, ce programme doit respecter sans équivoque les obligations du Canada en matière de commerce international. Ce programme national deviendrait une véritable « troisième ligne de défense » du revenu agricole pour l'ensemble des agriculteurs canadiens. Par conséquent :




Afin d'améliorer la rentabilité des fermes canadiennes, les représentants de la Western Canadian Wheat Growers Association (WCWGA) ont présenté un plan en huit points, qui comprend notamment une réforme du Conseil Canadien du Blé (CCB) et une meilleure utilisation de son programme d'avances en espèces, mais la WCWGA suggère aussi un remodelage de certains programmes actuels du filet de sécurité qui apparaît comme une avenue intéressante. Selon la WCWGA, certaines modifications apportées au CSRN et au programme d'assurance récolte pourraient accroître l'efficacité de ces deux volets du filet de sécurité, sans pour autant en augmenter les mises de fonds. Comme les ministres fédéral et provinciaux de l'agriculture ont l'intention de renouveler l'an prochain l'entente cadre sur la protection du revenu agricole, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire presse le Comité consultatif sur la protection du revenu agricole d'examiner attentivement toutes les possibilités qui rendraient le filet de sécurité du revenu agricole mieux adapté aux besoins réels des agriculteurs canadiens.

La présente crise du revenu agricole a permis de montrer que les agriculteurs canadiens sont plus « désarmés » que ne le sont les agriculteurs européens et américains pour faire face aux aléas du marché. Ces derniers profitent d'un filet de sécurité tissé si serré qu'il a un effet de trampoline qui les fait « rebondir » sur les marchés. Pourtant, les agriculteurs canadiens, européens et américains se retrouvent dans la même arène quand vient le temps de défendre leur part de marché respective. À la veille d'une prochaine ronde de négociations sur le commerce multilatéral, les agriculteurs canadiens ne peuvent se permettre d'accuser un recul trop important en terme de soutien du revenu par rapport à leurs concurrents. La crise actuelle du revenu agricole a des effets importants sur la ferme familiale qu'il faut contrecarrer. Au cours des audiences sur la crise du revenu agricole, des discussions ont porté sur l'importance de maintenir une « masse critique » en agriculture. Le Comité est conscient de la difficulté de rivaliser avec les trésoreries des É.-U. ou de l'UE, mais il croit qu`il peut toutefois amoindrir les effets de distorsions créés par les subventions que ces deux blocs de pays octroient à leurs agriculteurs. La mesure globale de soutien à l'agriculture au Canada, qui est présentement d'environ deux milliards de dollars, est inférieure de près de la moitié à la limite du soutien permis par l'Accord sur l'agriculture de l'OMC. Les récentes injections pécuniaires dans les programmes agricoles aux États-Unis et les généreuses subventions européennes montrent que les concurrents du Canada utilisent toute la latitude permise par l'OMC pour soutenir les revenus de leurs agriculteurs. Par conséquent :




Enfin, au cours des audiences, des discussions ont porté sur l'utilisation, par d'autres pays producteurs, de subventions pour l'aide alimentaire à des fins humanitaires. Le Comité est d'avis que l'aide alimentaire doit toujours, sans exception, se faire avec détachement, et ne jamais servir à des fins commerciales. Toutefois, le Canada a la responsabilité de s'assurer de la pérennité de sa capacité à fournir de l'aide alimentaire. Comme Keystone l'a mentionné au Comité, la présente crise des revenus agricoles pourrait mener à une attrition de 30 p. 100 du nombre d'agriculteurs au cours des cinq prochaines années. Le Comité s'interroge sur l'effet qu'une telle restructuration pourrait avoir sur la capacité du Canada à fournir de l'aide alimentaire.

Lorsque le prix des denrées est faible, voire même sous les coûts de production comme c'est présentement le cas, les budgets prévus pour l'aide alimentaire ne compensent pas les agriculteurs pour la valeur réelle de leur production. Les agriculteurs ne doivent pas nécessairement fournir un effort plus grand que les autres canadiens pour fournir cette aide alimentaire; le Comité croit que cette responsabilité repose sur l'ensemble des Canadiens. Comme il en est fait mention dans le Plan d'action du Canada pour la sécurité alimentaire : « chaque pays doit mettre en oeuvre des politiques de développement agricole et rural et favoriser des investissements qui soutiendront les collectivités et les gens habitant dans les régions productrices d'aliments ». Dans cette perspective,




CONCLUSION

Ce rapport montre que pour la première fois depuis sa mise en place en 1991, le filet de sécurité du revenu agricole est sérieusement mis à l'épreuve. Une grande majorité des témoins ont vanté ses mérites, mais ont aussi rappelé ses limites. La crise actuelle du revenu agricole n'a pas uniquement comme source les fluctuations normales du marché. En effet, d'importantes subventions de la part des États-Unis et de l'Union européenne à leurs agriculteurs viennent déprimer davantage les prix des denrées agricoles sur le marché mondial.

Les producteurs canadiens sont efficaces et prêts à affronter la compétition sur les marchés internationaux, mais lorsque les règles du marché sont manipulées, les producteurs ont besoin d'un filet de sécurité qui leur permettra d'affronter la crise et de maintenir une structure agricole solide, dynamique et durable.


1 Le revenu net réalisé inclut tous les types de recettes agricoles moins l'amortissement, mais exclut la variation des stocks. Le revenu net réalisé est une mesure de la rentabilité d'une entreprise agricole.