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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 17 septembre 1996

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

PÉTITIONS

LE REGISTRE NATIONAL DES PÉDOPHILES

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 4265

LES PARCS NATIONAUX

LE CODE CRIMINEL

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

L'IMPÔT SUR LE REVENU

LE SYNDROME D'ALCOOLISME FOETAL

LES TAXES SUR L'ESSENCE

LE PARLEMENT DU CANADA

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA MARINE MARCHANDE EN TEMPS DE GUERRE

LES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4266

CODE CRIMINEL

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4267

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-55. Adoption des motions de présentation etde première lecture 4267

QUESTION AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-45. Reprise de l'étude à l'étape du rapport 4268
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4268
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 4273
    M. Speaker (Lethbridge) 4280
    Report du vote sur la motion no 1 4296

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

    Projet de loi C-53. Motion de deuxième lecture 4296

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

L'ORGANISATION DU TRAITÉ DE L'ATLANTIQUE NORD

LES JEUNES DE MONTRÉAL-NORD

LE PARTI LIBÉRAL

    M. Speaker (Lethbridge) 4298

LE CANCER DE LA PROSTATE

LE PROJET DE CRÉDIT COMMUNAUTAIRE

LE MAINTIEN DE LA PAIX

LES PRODUITS LAITIERS

L'EMPLOI

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

LE DÉCÈS DE ROSE OUELLETTE

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

TEMAGAMI

LE DÉCÈS DE LUCILLE TEASDALE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 4301

M. RICHARD LE HIR

L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

    M. Lavigne (Verdun-Saint-Paul) 4301

LA STATION CJVR MELFORT

QUESTIONS ORALES

LA CRÉATION D'EMPLOIS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4302
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4302
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4302

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4302
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 4303
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4303

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4303
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4303
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4304

LE LIBELLÉ DE LA QUESTION RÉFÉRENDAIRE

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

LES RÉFÉRENDUMS

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4306

LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4307

LE MEXIQUE

    Mme Brown (Oakville-Milton) 4307
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4307

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4307
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 4308

LE FONDS DE PRODUCTION TÉLÉVISUELLE

    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 4308
    M. Leroux (Richmond-Wolfe) 4308

L'AGRICULTURE

LES ÉLECTIONS EN BOSNIE

    Mme Stewart (Northumberland) 4309

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4309

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE DÉPUTÉ DE GLENGARRY-PRESCOTT-RUSSELL

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE DÉPUTÉ DE LAURIER-SAINTE-MARIE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

    Projet de loi C-53. Reprise de l'étude en deuxième lecturede la motion 4310
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 4322
    M. Mills (Red Deer) 4327

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI PORTANT DISSOLUTION DE LA COMPAGNIE DU CHEMIN DEFER DE NIPISSING À LA BAIE DE JAMES

    Projet de loi S-7. Motion de deuxième lecture 4328
    Adoption de la motion 4328
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loi;étude en comité; rapport; approbation du projet de loi ettroisième lecture et adoption du projet de loi 4329

MOTION D'AJOURNEMENT

L'ENVIRONNEMENT

L'IMMIGRATION

LA SOCIÉTÉ AÉROPORTS DE MONTRÉAL


4265


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 17 septembre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à neuf pétitions.

* * *

PÉTITIONS

LE REGISTRE NATIONAL DES PÉDOPHILES

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Ind.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter la pétition suivante au nom de mes électeurs et des parents de toutes les régions du pays qui s'intéressent au sort de leurs enfants et appuient les efforts visant la création d'un registre national des pédophiles.

Les pétitionnaires que je représente désirent assurer une meilleure sécurité aux enfants, tant dans les lieux publics qu'à la maison. Ils sont opposés au statu quo en ce qui a trait au traitement réservé aux pédophiles dans nos collectivités.

Les pétitionnaires demandent donc au gouvernement fédéral de créer un registre des pédophiles afin de mieux protéger nos enfants.

LES PARCS NATIONAUX

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, en réponse aux craintes à l'égard de la structure des frais d'accès à nos parcs nationaux, j'ai l'honneur de présenter les deux pétitions suivantes: «Les soussignés, citoyens du Canada, estiment que les parcs nationaux appartiennent à tous les Canadiens et que l'on doit veiller en priorité à ce que les coûts à payer par les Canadiens et leurs familles pour l'utilisation et la jouissance de ces parcs reste abordable.» Les pétitionnaires désirent porter cette question à l'attention de la Chambre.

Les pétitionnaires demandent que les frais d'accès aux parcs devraient être de 2 $ par voiture ou de 25 $ par an.

LE CODE CRIMINEL

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, j'ai plusieurs pétitions à présenter aujourd'hui à la Chambre.

La première a trait à l'article 745 du Code criminel. Comme les députés le savent, cette disposition du code permet aux personnes reconnues coupables de meurtre au premier et au deuxième degré et déclarées inadmissibles à la libération conditionnelle pour plus de 15 ans de présenter une demande de réduction de leur période d'inadmissibilité.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement du Canada d'abroger l'article 745 du code de manière à ce que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle ne puisse être réduite.

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition a trait à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants pour qu'elle prévoie que les jeunes contrevenants accusés de meurtre soient automatiquement jugés par un tribunal pour adultes, qu'ils soient condamnés aux mêmes peines que les adultes s'ils sont trouvés coupables et que leur identité ne soit pas gardée secrète.

Comme la Chambre le sait, les Canadiens réclament des changements à la Loi sur les jeunes contrevenants.

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

M. John Nunziata (York-Sud-Weston, Lib.): Monsieur le Président, la dernière pétition vise à demander au gouvernement du Canada d'adopter immédiatement des modifications du Code criminel qui feront en sorte que toute personne reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort soit passible d'une peine d'un minimum de sept ans et d'un maximum de quatorze ans de prison, comme le propose le projet de loi C-201, une initiative parlementaire du député de Prince George-Bulkley Valley.

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions. La première, qui vient de ma circonscription, Mississauga-Sud, porte sur l'imposition des familles.

Les pétitionnaires attirent l'attention de la Chambre sur le fait que gérer le foyer familial et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur compte tenu de son apport à la société.


4266

(1010)

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de prendre des mesures visant à éliminer toute discrimination fiscale à l'endroit des familles qui choisissent de prendre soin, à la maison, d'enfants d'âge préscolaire, de malades chroniques, et de personnes âgées ou handicapées.

LE SYNDROME D'ALCOOLISME FOETAL

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient de Kingston, en Ontario. Les pétitionnaires aimeraient attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcoolisées peut causer des problèmes de santé ou affaiblir les facultés, et plus précisément sur le fait qu'on peut entièrement prévenir le syndrome d'alcoolisme foetal et autres défauts congénitaux dus à l'alcool en évitant d'en consommer pendant la grossesse.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative rendant obligatoire l'apposition sur tous les contenants de boissons alcoolisées d'étiquettes mettant en garde les femmes enceintes et le public en général contre les risques associés à la consommation d'alcool.

LES TAXES SUR L'ESSENCE

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter deux pétitions.

La première souligne le fait que les taxes constituent 52 p. 100 du prix de l'essence, que selon les statistiques la taxe d'accise fédérale a augmenté de 566 p. 100 au cours des dix dernières années et que le gouvernement fédéral réinvestit moins de 5 p. 100 de ses recettes en taxes sur l'essence.

Par conséquent, les pétitionnaires prient le Parlement de ne pas augmenter la taxe d'accise fédérale sur l'essence et de songer sérieusement à réaffecter ses recettes courantes afin de les consacrer à la réfection des autoroutes nationales du Canada qui sont en piètre état.

LE PARLEMENT DU CANADA

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition provient d'électeurs de la Colombie-Britannique.

Ils désirent attirer l'attention de la Chambre des communes sur le fait suivant: attendu que les députés élus du Parlement du Canada ont le devoir de représenter les intérêts des Canadiens pour le bien du Canada, attendu qu'ils prêtent serment d'allégeance à la reine et au Canada et attendu qu'ils ont l'obligation morale et juridique de remplir leurs fonctions dans le meilleur intérêt de tout le Canada, les pétitionnaires demandent humblement que le chef de l'opposition officielle de la 35e législature du Canada, ainsi que les membres du caucus du parti de l'opposition officielle soient expulsés définitivement du Parlement du Canada puisqu'ils n'ont pas respecté leur serment d'allégeance et leurs obligations morales à titre de députés.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter deux pétitions.

La première est signée par plusieurs personnes de Thorhild, dans la circonscription de Beaver River, et d'Edmonton. Qui sait, monsieur le Président, peut-être même certains de vos électeurs.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de prendre conscience du fait que ce serait, pour la société, approuver les relations entre personnes de même sexe, et par suite étendre les privilèges que la société accorde aux couples hétérosexuels, que de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inclure l'expression non définie «orientation sexuelle». Ils trouvent cela discriminatoire et malséant.

Ils demandent au Parlement de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte des droits et libertés d'une façon qui tendrait à indiquer que la société approuve les relations entre personnes de même sexe.

LA MARINE MARCHANDE EN TEMPS DE GUERRE

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je voudrais présenter une pétition, provenant de plusieurs personnes de l'Alberta ainsi que de la Colombie-Britannique, et de divers autres endroits au pays, qui parle de la marine marchande en temps de guerre.

Les pétitionnaires déclarent que c'était la quatrième arme des forces armées; que les anciens combattants de la marine marchande sont couverts par la loi sur les prestations de guerre pour les civils; qu'un marin sur dix de la marine marchande a perdu la vie, la plus forte proportion de toutes les forces armées; que les prisonniers de la marine marchande ont passé, en moyenne, 50 mois en prison, alors que l'on n'en reconnaît que 30; et que ces gens n'ont pas profité de la Loi sur les allocations aux anciens combattants en ce qui concerne les pensions, l'enseignement universitaire gratuit, les prestations pour l'achat de logements ou des terrains, l'aide financière aux petites entreprises et les prestations de santé des anciens combattants.

Ils demandent au Parlement d'envisager la possibilité d'étendre les prestations ou les indemnités aux anciens de la marine marchande dans les mêmes conditions que pour les anciens combattants des autres armes. Je suis sûre que tout le monde dirait que ce ne serait que justice, par conséquent procédons.

LES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais déposer deux pétitions signées par des électeurs de Langley, Aldergrove et Abbotsford, en Colombie-Britannique, tous de ma circonscription.

Les signataires de la première pétition demandent au Parlement de promulguer au plus tôt le projet de loi C-205, qui a été présenté par le député de Scarborough-Ouest, afin qu'aucun criminel ne puisse tirer légalement profit de la criminalité.


4267

CODE CRIMINEL

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les signataires de la deuxième pétition demandent au Parlement de modifier le Code criminel de façon à permettre la surveillance ou la détention des personnes qui ont été reconnues coupables de délits sexuels contre des enfants ou ayant causé de graves lésions corporelles. Cette mesure devrait s'appliquer aux délinquants qui refusent de subir un traitement ou sont considérés comme présentant un risque élevé de récidive.

Deuxièmement, les pétitionnaires demandent que soit mise en place une procédure d'émission d'avis publics sur la remise en liberté d'un délinquant sexuel et que ces avis puissent être consultés dans les postes de la GRC et d'autres organismes gouvernementaux.

(1015)

Troisièmement, que soit créé un registre où figureraient notamment les empreintes digitales de tous les délinquants sexuels trouvés coupables.

Quatrièmement, que soit modifiée la Loi sur le casier judiciaire de façon à interdire que les personnes reconnues coupables de délits sexuels contre des enfants soient réhabilitées.

Cinquièmement, que soit modifié le Code criminel de façon à interdire à jamais à toute personne reconnue coupable de délits sexuels contre des enfants d'occuper des postes de confiance ou de responsabilité auprès des enfants.

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter deux pétitions. Les pétitionnaires habitent pour la plupart la région de la capitale nationale.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier immédiatement le Code criminel afin d'imposer à toute personne reconnue coupable d'avoir conduit en état d'ébriété et d'avoir causé la mort une peine minimale de sept ans et maximale de 14 ans, comme le prévoit le projet de loi d'initiative parlementaire C-201 parrainé par le député de Prince George-Bulkley Valley.

Monsieur le Président, dans la seconde pétition qui porte 125 signatures, les pétitionnaires demandent au Parlement d'apporter immédiatement au Code criminel des modifications ayant pour objectif de s'assurer que les peines imposées aux personnes reconnues coupables d'avoir conduit avec des facultés affaiblies ou d'avoir blessé ou tué des gens lorsqu'ils conduisaient dans cet état reflètent la gravité du crime et la politique de tolérance zéro adoptée par le Canada face à ce type de crime.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui des pétitions signées par quelque 1 200 personnes.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier immédiatement le Code criminel afin d'imposer à toute personne reconnue coupable d'avoir conduit en état d'ébriété et d'avoir causé la mort une peine minimale de sept ans et maximale de 14 ans, comme le prévoit le projet de loi d'initiative parlementaire C-201 parrainé par le député de Prince George-Bulkley Valley.

Je présente ces pétitions au nom de mes électeurs et j'en suis très heureuse.

M. Zed: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je me demandais si je pouvais chercher à obtenir le consentement unanime de la Chambre pour revenir à la présentation des projets de loi d'initiative ministérielle. Le ministre de la Justice a en main le projet de loi sur les délinquants à risque élevé qu'on doit présenter.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

* * *

LE CODE CRIMINEL

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) demande à présenter le projet de loi C-55, Loi modifiant le Code criminel (délinquants présentant un risque élevé de récidive), la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le casier judiciaire, la Loi sur les prisons et les maisons de correction et la Loi sur le ministère du Solliciteur général.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

QUESTION AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondons aujourd'hui à la question no 57.

[Texte]

Question no 57-M. Milliken:

Combien a coûté au total le spectacle son et lumière présenté sur la colline parlementaire en 1995, selon la ventilation suivante: a) les coûts de mise au point, b) les coûts de production, c) les autres coûts éventuels de cette entreprise; combien de spectacles ont été présentés au cours de la saison d'été, et combien de personnes ont assisté à ces spectacles?
M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien): En ce qui concerne la Commission de la capitale nationale:

Spectacle Son et Lumières 1995 sur la colline parlementaire

Coûts de la CCN

Coûts

Coûts de développement 165 009 $

Coûts de production
Dépenses en espèces 129 098 $
Dépenses en services 67 405 $
Total des coûts de production 196 503 $

Total des coûts 361 512 $

4268

Revenus

Paiement des coûts partiels de la nouvelle
composante visuelle (de Travaux publics et
Services gouvernementaux Canada) 100 000 $

Commandite médiatique (en service) 67 405 $
Total des revenus 167 405 $

Coûts nets de la CCN 194 107 $

Assistance

Nombre de représentations 145

Assistance totale 142 240

Notes:

1. Les coûts en personnel ne sont pas inclus.

2. Les coûts de développement sont les coûts de la nouvelle composante visuelle requise dus aux travaux de restauration faits au Bloc central.

3. Les coûts de développement ont été échelonnés sur 2 années fiscales. Les coûts mentionnés ci-haut sont ceux de l'année 1995-1996. Les coûts de développement de 148 057 $ ont été encourus en 1994-1995.

4. Les commanditaires médiatiques ont supporté ce programme en fournissant des services promotionels.

[Traduction]

M. Zed: Monsieur le Président, je demande que toutes les autres questions restent au Feuilleton.

Le vice-président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Beaucoup de choses qui se passent à la Chambre ne sont intelligibles que pour elle, en ce sens que les gens qui nous regardent-les milliers de Canadiens de partout dans le pays regardent les débats de la Chambre-ne savent pas toujours ce qui se passe dans le cadre de ces travaux.

Les députés qui ne font partie d'aucun caucus ont encore plus de difficulté à suivre les débats. Par exemple, il y a à peine quelques instants, le secrétaire parlementaire a mentionné le numéro d'une question. En tant que député, je peux vérifier un document qui me dira de quelle question il s'agit. Cependant, les milliers de Canadiens qui regardent constamment la chaîne parlementaire ont du mal à comprendre ce qui se passe.

Je proposerais donc au secrétaire parlementaire d'expliquer ou, du moins, de préciser à l'avenir la question qui est reportée ou celle à laquelle nous répondons.

Le vice-président: Je suis tout à fait d'accord avec le député. Nous avons tendance à utiliser le jargon de la Chambre. Il serait utile que nous essayons tous d'éviter, par exemple, de mentionner le Règlement en citant uniquement des numéros d'article. Nous pourrions peut-être nous exprimer un peu plus clairement.


4268

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1020)

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 16 septembre, du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle) et une autre loi en conséquence, dont le comité a fait rapport sans propositions d'amendement, ainsi que des motions du groupe no 1.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais d'abord dire que c'est un privilège de prendre la parole au sujet du projet de loi C-45 modifiant l'article 745 du Code criminel.

Je voudrais bien dire cela, mais ce n'est pas vraiment un privilège. Le fait est que nous ne devrions pas être ici à discuter de cette modification de l'article 745, qui donne aux criminels une lueur d'espoir d'être libérés. Il aurait vraiment fallu abroger cet article. C'est vraiment une insulte de devoir venir à la Chambre aujourd'hui pour discuter des amendements proposés par le gouvernement libéral.

Bon nombre des résidents du Lower Mainland de la Colombie-Britannique, particulièrement dans ma circonscription, seraient d'accord avec mes propos. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas simplement abrogé cet article de la loi?

Si le gouvernement n'a pas le courage des convictions de nombreux Canadiens, je vais essayer de le réveiller et de lui expliquer pourquoi il est nécessaire d'abroger cette partie du Code criminel.

Je suis peut-être le seul député à la Chambre qui ait assisté à une audience de libération conditionnelle pour des détenus qui ont comparu devant une commission des libérations conditionnelles par suite d'un examen fédéral en vertu de l'article 745. Cela ne veut peut-être pas dire grand-chose en soi. Ce qu'il y a d'extraordinaire, cependant, ce sont les circonstances qui m'ont amené à assister à l'audience de libération conditionnelle de ces deux prisonniers qui ont été libérés en vertu de l'article 745.

Ils avaient tué un jeune agent de la GRC à Cloverdale, en Colombie-Britannique, dans les années 70. Ils devaient être pendus, mais le gouvernement libéral de l'époque a jugé que la pendaison était une mauvaise chose et que l'emprisonnement à vie-c'est-à-dire 25 ans-avec la possibilité d'obtenir une libération avant 25 ans était mieux. Toujours est-il que, 17 ans après avoir été condamnés, les tueurs du jeune agent ont été relâchés.

Certains diront peut-être qu'ils ont passé assez de temps en prison et qu'ils regrettent ce qu'ils ont fait. Le fait demeure qu'ils ont fait exprès pour que le jeune agent de 19 ans prenne leur véhicule en chasse. Quand celui-ci est sorti de son véhicule, ils l'ont abattu d'un coup de fusil.


4269

La soeur du jeune agent, qui vit maintenant à Montréal, et son frère, qui vit à Vancouver, m'ont téléphoné entre l'examen judiciaire et l'audience de libération conditionnelle. Voici ce qu'ils m'ont dit: «Nous pensions que tout cela était derrière nous, mais non. Nous revoilà assis ici à revivre l'horreur, à ressasser les événements tragiques entourant la mort de notre frère.»

Le frère du gendarme était assis à mes côtés à l'audience. On ne peut pas dire qu'il a participé à l'audience. Il n'a pas présenté de déclaration de la victime et ne pouvait pas dire ce qu'il ressentait vraiment. Sa soeur était dans l'impossibilité de se rendre à Abbotsford pour assister à l'audience. Elle est restée à Montréal et a croisé les doigts en espérant que les prisonniers seraient tenus de servir la peine qu'ils méritaient, c'est-à-dire l'emprisonnement à perpétuité.

Il y avait un autre agent de police dans la salle. C'était un ami du jeune gendarme qui a été tué durant les années 70. Il secouait la tête en suivant les délibérations; il n'en croyait pas ses oreilles. Je pense que toutes les personnes présentes étaient d'accord pour dire que les souvenirs s'étaient estompés après tant d'années. Le meurtre de ce policier, dans les années 1970, avait beaucoup retenu l'attention, mais l'affaire est complètement oubliée aujourd'hui.

C'est le genre de difficultés que soulève l'article 745 en laissant entrevoir une faible possibilité de rédemption. Ces deux individus, qu'on considérait comme des tueurs de policiers et qui auraient été pendus ou emprisonnés à vie, circulent maintenant en toute liberté. L'un deux fréquente un collège.

(1025)

J'ignore ce qu'il faut faire pour que le gouvernement se rende compte du danger que représente celui qui commet un meurtre au premier degré. En donnant à de tels individus l'occasion de s'en sortir, comme on le fait avec cette disposition qui donne une forme d'espoir aux criminels, on condamne simplement les victimes à une série d'événements qui laisseront des marques ineffaçables.

Par exemple, il suffit d'en discuter avec Sharon et Gary Rosenfeldt. Bien sûr, personne ne veut entendre parler de Clifford Olson; personne ne veut parler de lui ou d'individus comme lui. Mais quand on en parle à Sharon Rosenfeldt, elle déclare: «Que puis-je faire d'autre? Le gouvernement va de l'avant avec toutes ces mesures. Cet individu a tellement de droits et de privilèges en prison. Il faut en parler.» Le gouvernement en parle encore et encore, mais il n'écoute pas.

J'ai le privilège de connaître de nombreux groupes de victimes au Canada. Ils ont l'impression de devenir victimes une deuxième fois. Je doute que les libéraux comprennent cela. À quoi sert de soumettre sans cesse à l'épreuve les victimes, leurs familles, leurs enfants, leurs frères et leurs soeurs?

Si seulement le gouvernement comprenait, par exemple, les problèmes que l'article 745 soulève pour tant de gens dans le cas d'Olson. Pour assister à une audience, il a voyagé en avion de l'Alberta à la Colombie-Britannique aux frais des contribuables. Cela semble incroyable pour des milliers d'habitants de la vallée du bas Fraser et pourtant, les ministériels ne font rien. Cette inaction est en soi criminelle, à mon avis.

Il va falloir sortir les libéraux de la Chambre des communes pour pouvoir apporter des changements, parce que ceux-ci n'écoutent pas. Il y a probablement 20 000 à 30 000 personnes qui sont prêtes à se rendre à l'édifice où Olson aura son audience fédérale. Le député peut rire, mais il reste que ces personnes seront là, qu'elles exprimeront leur point de vue et que le député ne fera encore rien. Il ne comprendra pas, même si ces personnes vont lui dire ce qu'elles pensent.

Le fait de donner cette lueur d'espoir aux détenus n'est vraiment pas une bonne chose. Tout ce que le gouvernement fait, c'est d'offrir à ces personnes beaucoup plus de possibilités qu'aux victimes. Nous avons discuté ici des droits des victimes. Le gouvernement d'en face ne sait même pas ce que sont les droits des victimes et aucun de ses députés ne pourrait en parler à la Chambre.

Le gouvernement libéral nous insulte en nous disant: «Voyons donc!». «Voyons donc!» Je vois un député libéral en train de rire. Je ne comprends tout simplement pas. Le gouvernement donne des chances à certaines personnes.

Prenez le cas d'Olson. Songez aux crimes qu'il a commis et au fait qu'il a intenté plus de 30 actions en justice contre la Couronne. Olson se fait transporter par avion d'un lieu d'audience à l'autre. Il a fait, à l'insu du Service correctionnel du Canada, des enregistrements en prison. Steve Sullivan, directeur exécutif du Centre de documentation sur les victimes, a écrit au ministre en mars 1996 au sujet de ces bandes magnétoscopiques et du droit de faire de tels enregistrements. Sept mois se sont écoulés depuis. Dans l'intervalle, le Service correctionnel du Canada a mené sa propre enquête interne, qu'il a terminé il y a quelques mois. Il ne peut pas obtenir de réponses. Les victimes veulent savoir pourquoi on agit ainsi.

Quand le gouvernement va-t-il vraiment entendre le message? Quand le gouvernement va-t-il comprendre, ici à la Chambre, qu'il y a beaucoup de monde qui espère que celui-ci prendra les mesures qui conviennent?

Dans ma circonscription, un aspirant libéral que nous avons battu aux dernières élections se manifeste de temps à autre dans les journaux locaux. Selon le journal local, il a dit: «Cela n'a pas vraiment d'importance de toute façon. Un gars comme Olson n'obtiendra pas sa libération conditionnelle. Il obtiendra une audience fédérale, l'argent des contribuables servira à lui payer l'assistance juridique, mais il ne sera pas mis en liberté conditionnelle. Ne vous faites donc pas de souci à ce sujet.»

(1030)

Pourquoi donc dépenser tout cet argent s'il ne peut vraiment pas sortir de prison? Pourquoi ne pas abroger cet article si les requérants ne peuvent pas retrouver leur liberté de toute façon? Quelle sorte de comédie est-ce là, à quelle sorte de manoeuvre mystérieuse le gouvernement se livre-t-il devant les Canadiens pour montrer qu'il va réellement faire quelque chose à propos de cette disposition destinée à procurer une lueur d'espoir? Le gouvernement manoeuvre sous le couvert de son engagement à se montrer sévère avec les criminels.

Pourquoi avons-nous à discuter constamment à la Chambre de certains articles du Code criminel? Pourquoi nous faut-il rappeler ces événements ici pour discuter de modifications mineures, alors que le gouvernement, avec l'énorme majorité dont il dispose, peut


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faire ce qui s'impose et abroger cet article? Voilà une question intéressante pour ceux qui se moquent ou qui poussent des exclamations désapprobatrices, pour ceux qui promettent une chose et font le contraire, pour les députés ministériels qui considèrent que les droits des criminels sont plus importants que ceux des victimes. Oui, les députés peuvent bien hocher de la tête, mais leur attitude revient à cela.

Je dispose d'une minute pour exprimer mon opinion à la Chambre, mais nous ne pouvons pas l'exprimer à la télévision. L'ennui avec un gouvernement libéral majoritaire, c'est qu'il ne fait pas grand-chose. Il y aura des changements. Je puis assurer à la Chambre que si le gouvernement n'abroge pas l'article 745 et qu'Olson se montre à Vancouver, nous serons là. Nous y serons avec non pas 10 000, non pas 15 000, mais plus de 20 000 personnes qui viendront dire aux libéraux ce qu'ils pensent du gouvernement libéral actuel.

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la parole pour participer à ce très important débat. L'importance du débat tient au fait qu'il met en lumière la véritable attitude du gouvernement à l'égard des problèmes d'ordre public, de justice et de sécurité. La difficulté, c'est que le gouvernement tient un discours très ferme, mais adopte un comportement timide et conciliant.

S'il est possible de tenir compte de l'opinion des Canadiens sur une chose, nous pouvons certainement nous interroger sur ce qu'ils pensent de l'ordre public. Ils en ont plein le dos de voir que des personnes reconnues coupables de crimes et condamnées à une certaine peine d'emprisonnement sont libérées de façon prématurée et menacent la sécurité publique.

Avec le projet de loi C-45, le gouvernement cède encore aux groupes d'intérêts au lieu de proposer, dans ces modifications du Code criminel, des mesures rigoureuses. Le projet de loi C-45 fait 16 pages. Il suffisait d'un paragraphe qui aurait dit: les personnes reconnues coupables de meurtre n'ont pas droit à une libération anticipée. C'est tout.

Le projet de loi C-45 prévoit une formule complexe, et, si le meurtrier s'y conforme, il peut être libéré bien avant la fin de sa peine. Est-il si difficile de comprendre que les Canadiens ne veulent pas simplement qu'il soit plus compliqué d'obtenir une libération prématurée? Ils ne veulent pas qu'ils soient libérés, point.

Aux termes du projet de loi, les auteurs de meurtres multiples nouvellement condamnés ne peuvent demander une libération anticipée, mais les tueurs en série qui ont été condamnés avant l'entrée en vigueur du projet de loi peuvent toujours faire des demandes de libération anticipée. Le ministre de la Justice croit-il que les auteurs de massacre qui sont déjà en prison ont en quelque sorte le droit acquis de demander une libération anticipée? Le ministre craint-il une contestation fondée sur la charte qui priverait de ce droit les personnes déjà en prison? Que le ministre ait donc le courage de légiférer, quitte à ce que les tueurs en série invoquent la charte pour contester une loi qui les garderait en prison.

(1035)

J'ai reçu récemment une lettre du ministre de la Justice, dans laquelle il affirmait: «L'article 745 visait à préserver un certain espoir de réinsertion sociale des individus condamnés pour meurtre.» Quel espoir restait-il aux victimes? Quel espoir restait-il aux amis et aux parents des victimes?

Le ministre ajoutait que bien des groupes s'opposent à la mesure législative, car ils considèrent que la peine d'emprisonnement de 15 ans est trop légère. Cela date de 1976 et pourtant le ministre a décidé que tous les Canadiens avaient tort.

À plusieurs reprises au cours du débat sur le projet de loi C-68 concernant le contrôle des armes à feu, le ministre nous a dit qu'il fallait adopter cette mesure législative pour rendre nos rues plus sûres. La plupart d'entre nous vous le diront, nous avons besoin de réprimer la criminalité et non de contrôler les armes à feu. Cependant, un certain nombre de députés-mais aucun membre du Parti réformiste-se sont laissés convaincre par cet argument et le projet de loi a été adopté. Maintenant que les rues sont censées être plus sûres grâce à l'adoption du projet de loi C-68, du moins de l'avis des libéraux, le ministre de la Justice est disposé à réduire la protection accordée à nos concitoyens en permettant aux meurtriers de présenter une demande de libération conditionnelle anticipée.

Mes vis-à-vis soutiennent que le nouveau processus est plus difficile, que les nouveaux critères sont plus sévères. Oui, c'est vrai. Une première demande doit être présentée à un juge de la cour supérieure. C'est donc dire que les juges de rang élevé devront désormais consacrer une partie de leur précieux temps à ce genre de questions.

Combien ce processus coûtera-t-il aux contribuables? Combien cela coûtera-t-il aux autres secteurs du système judiciaire, lorsqu'un juge de rang élevé sera appelé à participer à ce genre d'audiences? Ces coûts s'ajoutent aux dépenses engagées pour le procès initial dans les cas où les contribuables ont dû payer pour faire condamner ces meurtriers.

Donc, si la personne qui demande une libération conditionnelle anticipée n'est pas satisfaite de ce que lui dit un juge de cour supérieure, elle peut interjeter appel devant la cour d'appel. Encore là, à quel prix pour les contribuables et le système judiciaire? Beaucoup de travail pour les avocats, toutefois.

Il faut plaindre le juge de cour supérieure pour la situation dans laquelle le place ce projet de loi. C'est à lui qu'il revient de décider si l'affaire devrait faire l'objet d'une audience devant jury parce qu'elle a des chances raisonnables d'aboutir. Sur quoi devrait-il se fonder pour ce faire? Une bonne conduite? Le remords? Peut-être l'argumentation que le meurtre n'était pas si terrible que cela après tout.

Dans la lettre qu'il m'a adressée, le ministre de la Justice ajoutait ceci: «La Commission des libérations conditionnelles est libre d'accorder ou de refuser la libération conditionnelle. Sa première préoccupation dans chaque cas est de protéger la société». Je peux


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imaginer le choc qu'une telle déclaration causera aux Canadiens. Combien de meurtres ont été commis par un criminel reconnu qui bénéficiait d'une libération conditionnelle ordinaire ou anticipée? Les histoires d'horreur sont innombrables.

Le ministre poursuit: «Lorsque la Commission accorde une libération conditionnelle à un criminel, celui-ci demeure condamné à la prison à perpétuité pour le délit qu'il a commis et doit donc être surveillé et se plier à des conditions précises pour le reste de sa vie, littéralement. Dès qu'il viole ces conditions, il risque d'être incarcéré à nouveau». Est-ce que cela est de nature à convaincre qui que ce soit? Je me demande quel réconfort cette déclaration peut bien apporter à la famille de Melanie Carpenter et à celle de toutes les autres personnes qui ont été torturées et tuées par des criminels bénéficiant d'une libération conditionnelle. Oh, mais on peut les incarcérer à nouveau n'importe quand!

La position du Parti réformiste est très claire là-dessus, comme sur toutes les autres questions concernant la justice et la sécurité des Canadiens. Nous ne voyons aucune raison de donner une lueur d'espoir à des meurtriers notoires. Ils n'ont donné aucune lueur d'espoir à leurs victimes. Quand on impose une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré, ce n'est pas pour assurer la réadaptation du meurtrier, mais pour infliger une peine juste et équitable à celui qui a tué quelqu'un, habituellement d'une manière violente.

Le Parti réformiste et les Canadiens demandent l'abrogation complète de l'article 745 du Code criminel.

Je pense qu'actuellement, la population n'a plus confiance en notre système de justice. Un sondage du Reader's Digest/Roper révèle que 81 p. 100 des répondants considèrent le système de justice pénale comme étant d'une efficacité de passable à piètre à l'égard des délinquants violents. Les Canadiens considèrent les crimes violents comme un problème très grave et ils font peu confiance au système de justice pour en venir à bout.

À mon avis, ma circonscription, celle de Mission-Coquitlam, est très particulière. Des universitaires, des professionnels, des bûcherons, des agriculteurs, des pêcheurs et de petits entrepreneurs y vivent. Nous sommes largement récompensés de nous préoccuper de l'environnement, d'offrir des programmes à l'intention des jeunes contrevenants, de nous occuper des personnes âgées et de fournir régulièrement des pages à la Chambre des communes. Lorsque je m'entretiens avec les électeurs de ma circonscription, ils me disent que chacun doit être tenu responsable de ses actes.

Je leur ai posé une question au sujet de la peine capitale: Croyez-vous qu'il faille appliquer la peine capitale une fois que tous les appels ont été épuisés dans le cas des tueurs et meurtriers en série? À l'époque, le bulletin parlementaire a été envoyé à 42 000 foyers. J'ai reçu 2 680 réponses, le taux de réponse s'établissant donc à 6,4 p. 100. C'est un taux très élevé. Quelque 87 p. 100 des répondants se sont dits en faveur de la peine capitale dans ces circonstances.

À mon avis, la population canadienne souhaite un référendum sur la peine capitale étant donné que le gouvernement ne tient pas compte de ses désirs et ne légifère pas de manière sensée.

(1040)

Pourquoi le gouvernement fait-il adopter à toute vapeur ce projet de loi à la Chambre? La deuxième lecture a eu lieu le 18 juin 1996, et le comité a renvoyé le projet de loi à la Chambre le 19 juin 1996. Dès le premier jour de la rentrée, nous procédons précipitamment à l'étude à l'étape du rapport, et la troisième lecture est imminente. Que craint le gouvernement?

L'une des choses qui exaspère le plus les Canadiens c'est le fait que certains des pires crimes sont commis par des criminels que le système a remis en liberté, ce qui ne semble pas préoccuper les libéraux.

Selon le sondage du Reader's Digest, en matière de justice pénale, la seule institution dont les Canadiens ont une haute estime est la police, 68 p. 100 des répondants ayant qualifié son rendement de bon ou excellent. La population croit que la police fait du bon travail quand vient le moment d'arrêter les criminels, mais ce qui se produit après l'arrestation la laisse plutôt sceptique. Pourquoi? C'est parce qu'en 1971, le solliciteur général Goyer a résumé le programme du gouvernement libéral en ces termes au Parlement: «Nous avons décidé de mettre l'accent sur la réhabilitation des criminels plutôt que sur la protection de la société.» Cette approche se fondait sur la notion que c'était la société qui était responsable de la criminalité, et non les criminels.

L'avocat ontarien Patrick Brode a dit: «Soudainement, le système tout entier était mis au service des criminels. Il se fondait sur le point de vue gravement erroné qu'il n'y a pas vraiment de criminels, que les gens sont poussés vers le crime en raison des circonstances et que tous les criminels peuvent être réformés.»

Il s'agit ici de meurtriers ayant tué quelqu'un de sang froid et de façon préméditée. Qu'en est-il des victimes? Elles sont mortes depuis longtemps. Qu'en est-il des parents et des amis des victimes? Ils purgent aussi une peine viagère sans libération conditionnelle. Nous devons abroger l'article 745 du Code criminel. Il est difficile de croire que les députés ministériels pensent vraiment que les criminels importent plus que les victimes.

En guise de conclusion, je voudrais citer une lettre d'un électeur:

Je vous prie de transmettre nos préoccupations à la Chambre des communes cet automne. Il est temps que les prisonniers cessent de tourmenter les familles et les amis des victimes qu'ils ont tuées. Il est temps que les lois soient modifiées de manière à ce que les criminels ayant commis plusieurs meurtres ou des meurtres en série ne soient plus admissibles à une libération conditionnelle anticipée. Ces meurtriers ont tué leurs victimes de façon préméditée. Ils n'ont aucun remords et ne changeront jamais leurs habitudes ou leurs penchants.
Théoriquement, tous méritent une deuxième chance, et c'est la raison même de l'existence de la libération conditionnelle. Cependant, les criminels ayant commis plusieurs meurtres ou des meurtres en série ont franchi cette ligne. Ils ne peuvent pas revenir dans la société. Il est temps que l'on donne aux victimes le droit de remettre le plus possible de l'ordre dans leur vie après la perpétration de tels crimes haineux. Dans l'état actuel des choses, les victimes n'ont aucun droit. Seuls les criminels en ont. Il est temps d'accorder des droits aux victimes. Les criminels n'ont pas le droit de voyager et de tourmenter davantage la familles et les amis des victimes. Pourquoi ne pas réduire les difficultés et les dépenses? L'argent économisé en frais d'audience de la Commission des libérations conditionnelles, en aide juridique, en déplacements, notamment, pourrait servir à des fins plus utiles. Arrêtons de persécuter les victimes et de gaspiller l'argent des contribuables. Les criminels ayant commis un meurtre au premier degré n'ont aucun droit à la libération conditionnelle ni à des audiences à cet égard. L'article 745 du Code criminel doit être modifié maintenant. Les Olson, Bernardo et leurs semblables ont commis des crimes et devraient purger leurs peines pour que nous, les victimes, cessions d'être des victimes.


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M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, comme d'autres députés qui ont pris la parole avant moi, je voudrais dire d'entrée de jeu que je ne prends aucun plaisir à participer au débat sur le projet de loi C-45. Nous devrions plutôt étudier le projet de loi C-226. Ce dernier propose l'abolition pure et simple de l'article 745 du Code criminel tandis que le C-45 ne fera qu'empêcher les individus qui ont commis plus d'un meurtre d'obtenir une libération conditionnelle anticipée.

Il ne me plaît guère, comme c'est le cas de tous les députés réformistes, de discuter d'un projet de loi aussi faible que celui dont nous sommes aujourd'hui saisis. Il reflète la faiblesse du ministre de la Justice devant le crime et la faiblesse d'autres mesures législatives qu'il a présentées à la Chambre. Ce projet de loi va directement à l'encontre de ce que désirent les Canadiens. Il ne me plaît pas du tout de parler du projet de loi C-45 puisque nous devrions parler du projet de loi C-226.

Je résume le projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Tout d'abord, il n'interdit qu'aux individus ayant commis plus d'un meurtre de demander une révision judiciaire et une libération conditionnelle anticipée. Pour une raison ou une autre, il dit que ces individus ne pourront pas obtenir de libération conditionnelle tandis que ceux qui n'auront assassiné qu'une seule personne pourront en obtenir. Nous parlons ici de meurtre au premier degré. Pour une raison ou une autre, les libéraux estiment qu'il n'est plus si grave que cela de commettre un seul meurtre prémédité. C'est ce qu'ils laissent entendre par leur projet de loi.

(1045)

Deuxièmement, le projet de loi porte que l'individu qui demande une libération conditionnelle doit persuader un juge qu'il a une possibilité réelle de convaincre un jury d'accueillir sa demande avant que cette demande soit présentée au jury.

Le projet de loi dit aussi qu'un jury visé à l'article 745 doit décider à l'unanimité s'il y a lieu de réduire le délai préalable à la libération conditionnelle. Actuellement, une majorité de deux tiers suffit. Il y a donc un léger raffermissement de ce côté.

Encore une fois, le gouvernement dit en quelque sorte qu'une personne qui a planifié et commis seulement un meurtre prémédité n'a pas commis un crime assez grave pour qu'on lui refuse le droit à une libération conditionnelle anticipée. C'est tout à fait contraire à ce que veulent les Canadiens.

Le point que le Parti réformiste et moi-même voulons faire ressortir, c'est que la seule solution satisfaisante est l'abolition de l'article 745. Pourquoi perdre notre temps, comme nous l'avons fait hier et comme nous le faisons encore aujourd'hui, à débattre ce projet de loi très boiteux qui n'abolit pas l'article 745?

Que doivent faire les Canadiens pour faire comprendre au gouvernement leur point de vue sur cette question? Ils ont tenu de grandes manifestations, signé des pétitions et fait des pressions auprès du ministre de la Justice et des députés libéraux. Je parie qu'il n'y a pas un député libéral qui n'a pas entendu des électeurs réclamer l'abolition pure et simple de l'article 745 du Code criminel. Je parie qu'il n'y en a pas un seul, monsieur le Président, y compris vous-même. Ils ont tous entendu ce que veulent les Canadiens, mais pourquoi n'ont-ils pas écouté?

Il ne suffit pas d'essayer de rafistoler l'article 745. Nous devons l'abolir. Je dois le dire le plus clairement possible parce que c'est ce que réclament les Canadiens.

Lors d'une assemblée tenue en juin, 98 p. 100 des délégués réformistes ont dit être en faveur de l'abolition de l'article 745 du Code criminel. Je crois que ce pourcentage reflète assez bien l'opinion de l'ensemble des Canadiens à ce sujet, même s'il n'y correspond certainement pas exactement. Le pourcentage n'est peut-être pas aussi élevé pour l'ensemble de la population. Toutefois, dans certaines circonscriptions, il est certainement très élevé.

Les députés qui ont pris le temps de faire un sondage parmi leurs électeurs ont trouvé un niveau d'appui extrêmement élevé en faveur de l'abolition de l'article 745. Ce que nous avons vu à l'assemblée du Parti réformiste est un reflet assez juste de ce que les Canadiens pensent de cette question. Il est intéressant de signaler que les réformistes ne sont pas les seuls à demander l'abolition de l'article 745 mais que les victimes de violence, l'Association canadienne des policiers et la majorité des Canadiens la réclament également.

Durant le débat sur le projet de loi C-68 concernant le contrôle des armes à feu, le ministre a insisté à maintes reprises sur le fait que les chefs de police canadiens et l'Association canadienne des policiers appuyaient cette mesure. L'Association canadienne des policiers veut plus que le rapiéçage de l'article 745, elle réclame son abrogation. Ses représentants l'ont fait savoir clairement au ministre de la Justice et n'ont laissé aucun doute à ce sujet. Pourquoi le ministre de la Justice s'est-il rangé du côté de l'Association canadienne des policiers au sujet du projet de loi C-68, pour ensuite ignorer complètement son point de vue au sujet de ce projet de loi-ci? C'est parce que cela ne convient pas à son programme, ni à celui du premier ministre et du Parti libéral.

(1050)

Le projet de loi C-45 permet aux auteurs de meurtres au premier degré de conserver une lueur d'espoir. Le ministre de la Justice, le Parti libéral et de nombreux députés libéraux semblent y tenir. C'est curieux à quel point ces gens accordent de l'importance à cet aspect. Pour eux il était moins important que la victime de meurtre au premier degré ait pu conserver une lueur d'espoir avant que son meurtrier planifie et commette son crime. Le meurtrier n'a exprimé aucune préoccupation à ce sujet.

Le gouvernement devrait se concentrer davantage sur le fait que celui qui a commis ce meurtre au premier degré n'a nullement donné le moindre espoir à sa victime. C'est cela qui est important.

Le projet de loi C-45 conserve à ceux qui ont commis un seul meurtre au premier degré le droit d'en appeler de leur période d'inadmissibilité. Seuls ceux qui ont commis plusieurs meurtres perdraient ce droit. Comme je le disais, le fait d'enlever la vie une seule fois semble être moins grave que de le faire deux fois. Si le ministre de la Justice veut faire une distinction entre les meurtriers qui n'ont commis qu'un meurtre et ceux qui en ont commis plusieurs, il devrait proposer l'imposition de peines consécutives plutôt que concurrentes. C'est la façon de faire la différence entre les gens qui tuent une personne et ceux qui en tuent deux. Ainsi, on accorderait au moins un peu de valeur à la seconde victime d'un meurtrier ayant commis des meurtres au premier degré.


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Comme on n'a pas proposé cela et à cause d'autres omissons dans dans ce projet de loi, il importe de signaler une fois de plus la différence entre l'attitude du gouvernement et celle du Parti réformiste sur cette question. Je veux que ce soit absolument clair. Les réformistes veulent l'abrogation de l'article 745 et rien de moins. Ils veulent que les personnes coupables de meurtre au premier degré purgent une peine d'au moins 25 ans, le maximum actuel, sans possibilité de libération conditionnelle. C'est ce que réclament les réformistes et, sans l'ombre d'un doute, ce que veulent les Canadiens.

Quand les libéraux prennent la parole sur ce projet de loi, pour qui parlent-ils? C'est certain qu'ils parlent au nom du ministre de la Justice, du premier ministre et du Parti libéral. Nombre d'entre eux ne défendent pas leurs propres idées et ils ne défendent certainement pas les opinions que leur ont exprimées leurs électeurs.

Les réformistes parlent au nom de la majorité des Canadiens sur cette question, cela ne fait aucun doute. Les réformistes parlent au nom de millions de Canadiens à cet égard.

M. Keith Martin (Esquimalt-Juan de Fuca, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-45 auquel nous sommes opposés.

Nous y sommes opposés pour plusieurs raisons. La principale raison, c'est que ce projet de loi adresse un message clair aux Canadiens et aux criminels. Il dit aux Canadiens que leur vie ne vaut pas plus de 15 ans de prison. Il dit aux criminels que s'ils tuent une personne de sang froid et de façon préméditée, ils peuvent se voir infliger une peine de 25 ans, mais qu'après 15 ans leur peine pourra être réexaminée, voire révoquée.

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Il n'est pas rare que cela arrive. On m'a fait parvenir à mon bureau une longue liste d'individus qui avaient commis un meurtre au premier degré avec préméditation et qui avaient été remis en liberté après avoir purgé 15 ans de prison et des poussières.

Qui sont ces individus? Ce sont des personnes qui se sont rendues coupables d'un meurtre au premier degré pour avoir tué des policiers. Nombre d'entre eux ont tué un policier de sang froid. Tous ont tué une personne de sang froid. Il est très difficile de condamner ces personnes pour meurtre au premier degré car il faut prouver qu'il y a eu préméditation. Il ne s'agit pas d'une personne qui commet un crime passionnel. Non, dans le cas de ces individus, le meurtre a été planifié et exécuté sans vraiment penser aux conséquences.

Tant le Parti réformiste que les associations de policiers, que le Parti libéral prétend appuyer, sont opposés à ce projet de loi. La grande majorité des Canadiens s'y opposent. Ils veulent être certains que leur vie vaut davantage que celle de quelqu'un condamné à passer 15 ans en prison. Si une personne est condamnée pour meurtre au premier degré, elle doit en payer le prix.

Le Parti réformiste du Canada a été accusé de manquer de compassion, ce qui n'est tout simplement pas vrai. Les réformistes estiment que compassion et considération doivent s'appliquer à la fois aux victimes et aux criminels. Toutefois, il faut tirer une ligne quelque part et, lorsqu'une personne a commis un meurtre au premier degré, elle doit en payer le prix. La société l'exige, les Canadiens l'exigent, les associations de police l'exigent et la plupart des membres de notre parti l'exigent.

Le fait que le projet de loi C-45 ne traite pas de l'article 745 de façon précise remonte au début des années 80, lorsque le procureur général de l'époque a déclaré: «Nous allons changer l'optique du ministère de la Justice. Au lieu de nous concentrer sur la protection de la société, nous allons nous concentrer sur la réadaptation du criminel.» Le rôle principal du ministère de la Justice, contrairement à ce que le public croit peut-être, ce n'est pas la protection des citoyens innocents, mais la réadaptation des criminels.

Les faits montrent que le gouvernement et les précédents ont échoué sur les deux points. Ils ont échoué dans la protection de la société et ils ont échoué dans la réadaptation des criminels. Par exemple, tout le monde ici se rend compte que, en ce qui concerne en particulier la criminalité juvénile, les crimes violents accusent une augmentation frappante, sans aucune baisse en vue. Ce sont des faits et il est inutile de les nier.

Lorsqu'on regarde d'autres aspects de la criminalité, il est vrai que les crimes violents chez les adultes ont un peu baissé mais, d'une façon générale, la criminalité dans de nombreuses régions est effectivement en hausse. Les gouvernements n'ont pas mis en place des mesures efficaces pour prévenir la criminalité alors qu'il existe des façons de le faire.

J'ai parlé avec le ministre de la Justice avant que nous partions, en juin, et je lui ai dit de regarder ce qui se passe aux États-Unis où l'on voit des progrès importants, dans différents centres urbains, dans la prévention de l'activité criminelle. Pour empêcher l'activité criminelle future et les troubles de comportement que l'on constate chez les jeunes, lesquels conduisent fréquemment à la criminalité adulte, il faut faire de la prévention. Pour cela, il faut s'occuper des enfants lorsqu'ils sont très jeunes, 4 ou 5 ans.

Malheureusement, nous avons des gens, particulièrement dans les établissements correctionnels pour la jeunesse, qui n'ont pas les bases d'un développement moral normal. Ces bases se développent très tôt, dans les cinq ou sept premières années de vie, et c'est à ce stade que nous pourrions avoir le plus d'influence.

Aux États-Unis, à l'école, on enseigne l'alphabet aux enfants, mais on leur inculque aussi l'amour-propre, la confiance en soi, le respect des autres et les comportements appropriés face aux conflits, aux drogues, à l'alcool et à la sexualité, soit bon nombre des problèmes auxquels les adolescents sont confrontés de nos jours.

On fait aussi intervenir les parents, en grande partie des chefs de familles monoparentales et qui, fait intéressant, n'ont pas les compétences requises pour être parents. On a constaté que cet exercice offrait un double avantage. D'abord, un avantage évident pour les enfants. Ensuite, on a remarqué que les parents commençaient à acquérir les caractéristiques d'un psychisme normal qu'ils n'avaient pas développées plus tôt au cours de leur vie. Les parents ont commencé à apprendre l'amour-propre, la confiance en soi,


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l'autonomie, le sens des responsabilités et les comportements appropriés par rapport aux drogues, à l'alcool et à la résolution des conflits. Il en est résulté une diminution du nombre de troubles de comportement, de la criminalité juvénile et du taux de décrochage scolaire. Les effets de telles mesures ont donc été extrêmement favorables et n'ont pas entraîné de coûts supplémentaires pour le système.

(1100)

Je demande donc au ministre de la Justice d'exercer son leader-ship et de réunir tous les ministres de l'Éducation du pays afin qu'ils se rencontrent à Ottawa pour discuter de ce problème et des mesures qui ne coûteraient pas un sou de plus, mais auraient un impact remarquable sur la réduction de la criminalité juvénile et, par conséquent, de la criminalité adulte ultérieurement. On y gagnerait sur tous les plans.

En outre, le gouvernement a aussi manqué à son devoir de protéger la population et le projet de loi C-45 le démontre bien. Le projet de loi C-45 ne protège pas les citoyens. Il dit simplement aux criminels que s'ils tuent quelqu'un, ils n'auront pas à payer le prix de ce crime et cela est tout à fait inacceptable.

Pour vous montrer à quel point la situation peut devenir absurde, j'aimerais vous donner deux exemples. J'ai passé quelque temps dans les prisons à titre de médecin et de gardien. J'ai vu, dans un établissement correctionnel pour adolescents où je travaillais, un enfant qui avait assassiné quelqu'un de sang-froid, avec un arc et une flèche, simplement pour le voler. Quelqu'un l'avait vu commettre ce crime. L'enfant en question et son compagnon ont donc tout simplement tué aussi ce témoin.

Cet enfant est un psychopathe. Aux frais des contribuables, son avocat a été chercher un psychologue sur le continent, au centre de la province, afin que celui-ci enseigne à cet enfant comment ressentir du repentir. Ainsi, ce dernier a essayé d'afficher un remords de conscience. Quelle tragédie. Cet exercice avait pour but de faire en sorte que cet enfant, qui présentait des tendances psychopathiques, soit condamné à une peine moindre que celle qu'il méritait. Le résultat était que non seulement il allait bénéficier d'une peine moindre, mais également que les gens oeuvrant dans le système seraient moins à même de résoudre ses problèmes. Ce n'est rendre service ni au public ni au détenu.

Une autre fois, on m'a fait venir à la prison pour faire interner une personne dont l'incarcération allait prendre fin. C'était un criminel violent avec un casier judiciaire long comme le bras. Il devait être libéré le lendemain et la seule façon de le garder dans le système était de le faire interner pour des motifs psychiatriques.

Cet individu avait choisi, à maintes reprises, de faire preuve d'un manque de respect délibéré pour autrui. Il avait été prouvé qu'il constituait une menace grave pour ses concitoyens innocents. Et pourtant, le système l'aurait remis en liberté. C'était la loi, disaient les gens dans le système.

Nous sommes ici pour modifier les lois et pour nous assurer que les gens qui constituent un danger pour la société soient empêchés de lui nuire, non seulement pour le bien de cette dernière, mais aussi pour celui des individus qui se rendraient coupables d'infractions.

Nous ne pourrons sans doute pas régler tous les problèmes du système judiciaire; en effet, nous avons vu au cours des trois dernières années que le gouvernement n'était pas disposé à faire autre chose que du rafistolage au lieu de s'attaquer aux problèmes fondamentaux présents dans le système de justice pénale. Il le fait à ses risques et périls. Mais malheureusement, il met également en péril le public qui exige qu'on le respecte et qui mérite d'être protégé contre les prédateurs qui le menacent.

M. Nunziata: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Hier et aujourd'hui j'ai écouté le débat. Je remarque que bon nombre de députés libéraux ont pris la parole hier, dont plusieurs qui ont critiqué le projet de loi. Aujourd'hui, on dirait que seuls ceux qui sont opposés à cette mesure prennent la parole et que pour une raison quelconque les ministériels ne la défendent pas devant la Chambre.

Si ce débat doit déboucher sur un échange fructueux . . .

Le vice-président: Tous les députés le savent, personne n'est forcé de prendre la parole pour défendre le projet de loi.

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, je trouve l'observation de mon collègue de York-Sud-Weston très intéressante.

(1105)

Les ministériels ont décidé de ne pas intervenir dans le débat d'aujourd'hui. C'est intéressant étant donné que les modifications apportées à l'article 745 ont été proposées par un membre de l'actuel gouvernement libéral. L'initiative a été prise à un moment où l'on se demandait comment traiter le dossier de la peine de mort ou plus précisément comment s'en défaire.

Lors de ce débat, les Canadiens ont été amenés à croire que l'élimination de la peine de mort allait se traduire par l'imposition de peines d'emprisonnement d'au moins 25 ans.

Même s'il est question d'emprisonnement à vie, il est possible de demander une libération conditionnelle au bout de 25 ans. J'imagine qu'à l'époque-je n'étais pas là pour participer au débat-on devait se dire qu'une peine d'emprisonnement de 25 ans dans le cas d'un crime ayant entraîné la perte d'une vie, ce n'était pas suffisant.

Je constate que le débat se poursuit, à tout le moins dans ma circonscription, quant à savoir si le fait d'enlever délibérément la vie d'autrui ne devrait pas être considéré comme un meurtre au premier degré, si pareil acte ne devrait pas être sanctionné par la peine de mort.

Les lois canadiennes ont changé. Il fut un temps où l'on parlait de meurtre qualifié. On était condamné pour homicide si l'on n'avait pas causé délibérément la mort, mais que l'on y avait contribué. On pouvait aussi tuer quelqu'un délibérément. Il s'agissait alors d'un meurtre qualifié.

Depuis lors, les assemblées législatives ont décidé de faire une distinction. Elles ont établi une distinction entre un meurtre au premier degré et un meurtre au deuxième degré.


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C'est ce que nos tribunaux utilisent pour déterminer la sévérité de la peine qu'on doit imposer à un individu responsable de la mort d'une autre personne.

Parfois, ils ont établi qu'on n'avait pas l'intention de tuer, qu'on avait causé la mort de façon accidentelle ou involontaire. Dans ce cas-là, les individus en cause ont été reconnus coupables d'homicide involontaire coupable. Il n'y a pas de peine minimale dans le cas d'un homicide involontaire coupable. Les tribunaux peuvent imposer une peine d'incarcération quelconque ou pas.

On accusaient les gens de meurtre au deuxième degré lorsqu'ils ne méritaient pas une peine minimale de 25 ans. Du fait qu'on prévoyait dans ce cas-là une peine minimale de dix ans, on pouvait alors accuser certains individus de meurtre au deuxième degré. Il s'agissait toujours d'un meurtre avec intention. S'il n'y avait pas d'intention, c'était alors un homicide involontaire coupable.

Les assemblées législatives ont déjà laissé un faible espoir en donnant la possibilité aux tribunaux de dire qu'un individu, même s'il avait tué avec intention, ne méritait pas de purger une peine de 25 ans d'emprisonnement.

Les tribunaux se sont prévalus de cette possibilité au fil des ans. Dans ma province, il y a deux semaines, une peine minimale de 25 ans d'emprisonnement ne semblait pas justifiée dans une certaine affaire. Au lieu de reconnaître la personne en question coupable d'un meurtre au premier degré, on l'a reconnue coupable d'un meurtre au deuxième degré.

Je prétends que cela suffit. On manque vraiment de respect à l'égard du processus judiciaire, ainsi que du juge et du jury qui ont décidé au départ, après avoir examiné les faits, de reconnaître une personne coupable de meurtre au premier degré et de la condamner ainsi à une peine minimale d'emprisonnement de 25 ans, lorsqu'on dit ensuite, plus tard, qu'on ne voulait pas vraiment imposer une peine de 25 ans, mais que 15 ans d'emprisonnement suffisent.

Si le juge et le jury à l'époque où cet individu a été condamné avaient eu le sentiment qu'une peine d'emprisonnement de 25 ans était trop sévère et inappropriée, ils auraient reconnu cet individu coupable d'un meurtre au deuxième degré.

Je prétends que c'est aussi l'avis des Canadiens, qu'ils ont de moins en moins de respect pour nos tribunaux, car ils voient bien ce qui se passe de nos jours. Les tribunaux jugent qu'une personne mérite d'être condamnée à une peine d'emprisonnement minimale de 25 ans. Plus tard, cependant, on modifie cette décision.

Les Canadiens perdent confiance. Les Canadiens qui étaient là lorsqu'on a imposé une peine minimale de 25 ans pouvaient probablement accepter cette décision à l'époque. Avec le temps, 15 ans plus tard, lorsqu'ils voient cet individu demander une libération anticipée, ils perdent confiance dans le système qui leur a dit qu'on allait remplacer la peine de mort par une peine minimale d'emprisonnement de 25 ans. Je vous dis que les Canadiens se sentent trahis. Les Canadiens s'attendent que le gouvernement libéral, qui est fortement majoritaire, fasse quelque chose à ce sujet.

(1110)

Je siégeais au comité de la justice lorsqu'il a examiné le projet de loi C-41. Nous examinions la loi sur la détermination de la peine et tous les changements qui devraient y être apportés. Le gouvernement libéral avait l'occasion à ce moment-là d'examiner la question des peines consécutives et d'abroger l'article 745. Mes collègues du Parti réformiste qui siégeaient avec moi à ce comité avaient présenté ces amendements.

Non seulement les libéraux, mais également les bloquistes qui faisaient partie du comité, ont refusé de saisir cette occasion. Les amendements au projet de loi ont été rejetés à l'étape de l'étude en comité et, par conséquent, n'ont pas pu été renvoyés à la Chambre pour être débattus.

Si les députés libéraux et bloquistes sont en contact avec les gens de leur circonscription, cela m'étonne qu'ils ne se rendent pas compte que l'attitude des Canadiens a changé. Ils ont le sentiment que notre système de justice ne fonctionne pas et que la justice n'est pas rendue. Je suis convaincue que les changements proposés dans le projet de loi C-45 sont très loin de répondre aux préoccupations sérieuses des Canadiens.

Je trouve absurde que le ministre de la Justice puisse dire aux Canadiens que le meurtre haineux et violent d'une personne n'est pas aussi grave que le meurtre de deux personnes.

En m'entretenant avec des gens du milieu judiciaire, j'ai eu connaissance d'un cas-je crois que c'était aux États-Unis, mais la même mentalité existe au Canada-où une personne a été écorchée vive avant qu'on ne lui tire une balle dans la tête. Les meurtriers voulaient faire passer un message. Personne ne peut me dire que le meurtrier de cette personne a commis un crime moins horrible que celui qui a tué deux personnes parce qu'il y avait deux personnes à la maison quand il s'est déchaîné.

Ce genre de facteur est pris en considération quand les criminels passent en cour pour la première fois pour répondre à des chefs d'accusation. Le juge et les membres du jury examinent alors tous les éléments de preuve avant de rendre leur sentence. C'est ce genre de facteur qui détermine si une personne est trouvée coupable de meurtre au premier ou au deuxième degré. C'est tout ce qui est nécessaire. L'article 745 du Code criminel n'a aucune raison d'être. Il n'y a aucune raison de donner à un détenu une chance d'être libéré plus tôt lorsque le tribunal a déterminé que la sentence était juste en se basant sur les faits entourant le crime original.

Ce n'est pas la vengeance mais la justice que les Canadiens recherchent. Ils ne veulent pas se montrer injustes ou faire quelque chose d'injustifié. Ils veulent que les tribunaux et leurs décisions soient respectés.

L'article 745 du Code criminel peut invalider des mois de témoignages et de preuves présentées au tribunal. Il peut invalider les heures passées par le jury à déterminer si l'accusé est coupable de meurtre au premier degré appelant une peine minimale de 25 ans de prison ou de meurtre au deuxième degré appelant un minimum de 10 ans de prison. Cet article du Code criminel ignore tout ce temps et tous ces efforts, ces réflexions et ces preuves. Cela ne devrait pas être le cas.

Je me joins à mes collègues réformistes et à certains députés d'en face, particulièrement celui qui a constaté le manque de détermination du Parti libéral à cet égard et qui a choisi de siéger comme


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indépendant. Je crois que cette personne a compris que le Parti libéral n'avait pas d'objectif à long terme. Il ne semble pas désireux de continuer à représenter et à respecter la volonté du public canadien qui l'a élu.

(1115)

Il est intéressant de noter que ce collègue a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Comme beaucoup d'entre nous, il est troublé et préoccupé par le fait qu'un comité de la Chambre a choisi d'écarter son projet de loi et a refusé de le ramener à la Chambre pour discussion après qu'il ait franchi l'étape de la deuxième lecture.

Je suis d'avis que le temps est venu pour le gouvernement libéral de montrer au peuple canadien qu'il a le courage et la volonté de faire ce qui est juste pour le public canadien, au lieu de simplement se préoccuper d'une disposition législative qui s'est avérée inappropriée et qui n'a aucune raison d'être. Au lieu d'examiner s'il y a lieu d'apporter des amendements, nous devrions étudier le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de York-Sud-Weston, qui abolirait cet article. J'appuie à 100 p. 100 un débat sur ce projet de loi d'initiative parlementaire, qui vise à abolir l'article 745.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir participer aujourd'hui au débat à l'étape du rapport sur le projet de loi C-45.

Face à une question de cette importance, je me dois d'intervenir; mes électeurs n'en attendent pas moins de moi. Ils sont très inquiets à l'idée que la projet de loi à l'étude vienne modifier l'article 745 du Code criminel, une disposition offrant une lueur d'espoir.

Une petite remarque pour commencer. Je trouve bien étrange que pas un député ministériel ne prenne part au débat sur une question aussi importante. C'est faire preuve de mépris envers la Chambre et envers les Canadiens que de mettre un projet de loi à l'étude sans prendre la peine de justifier les modifications proposées. La population devrait s'intéresser de près à ce qui a donné lieu à ces modifications. Les ministériels ne veulent pas prendre part au débat, et je pense qu'ils ont leurs raisons.

L'espoir de libération anticipée que donne l'article 745, visé par le projet d'amendement du gouvernement, m'inquiète beaucoup. On a signalé plusieurs fois déjà le fait que la disposition ne s'appliquerait pas aux personnes qui commettent un seul meurtre, seulement à celles qui en commettent plusieurs. Je n'entrerai pas dans les détails, puisque le député qui a pris la parole avant moi a été très exhaustif. J'ajouterai simplement que la mesure n'est pas rétroactive. C'est dire qu'elle ne s'appliquera pas à des tueurs comme Clifford Olson, le genre de personne que nous voudrions justement ne pas voir devenir admissible à une libération anticipée. Olson est l'auteur des crimes les plus odieux qui aient jamais été commis dans notre pays, mais il ne serait pas visé.

Le mieux serait de faire disparaître l'article au complet. Je suis d'accord avec mon collègue de York-Sud-Weston, qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à ce sujet: il faut faire disparaître cet article.

Il y a un principe qui sous-tend toute la réforme du droit pénal, et c'est au parti libéral qu'on le doit. George Orwell saurait très bien ce que c'est. Il y a une ambiguïté. Que faut-il entendre au Canada quand il est question d'une peine d'emprisonnement à vie? C'est un gouvernement libéral qui a supprimé la peine capitale en 1976 et l'a remplacée par l'actuelle peine d'emprisonnement à perpétuité. Une peine d'emprisonnement à perpétuité signifie qu'un meurtrier ne peut demander une libération conditionnelle avant 25 ans d'emprisonnement. Il ne s'agit donc pas de l'emprisonnement à vie, mais bien de la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle au bout de 25 ans.

Mais l'ambiguïté persiste. L'article 745 donne un faible espoir de rédemption en prescrivant que, dans certaines circonstances, un meurtrier peut demander une libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans de sa peine. Qui parle de perpétuité? Il n'est absolument pas question de perpétuité. Soyons clairs. Nous revenons toujours au vieux scénario que George Orwell entrevoyait pour l'année 1984 et que les libéraux semblent avoir adopté.

Les libéraux ont aussi adopté un autre principe qu'ils ont inscrit dans la philosophie de leur parti et de leurs gouvernements depuis 30 ans et c'est la tolérance face au crime. C'est un fait bien connu. Ils sont tolérants envers les criminels. Après tout, c'est un gouvernement libéral qui a supprimé la peine capitale. Comme les sondages nous le disent, parce que les libéraux font souvent appel aux sondages, depuis 15 ans, les Canadiens nous répètent constamment qu'ils souhaitent le rétablissement de la peine capitale pour ceux qui commettent des meurtres au premier degré. Pourtant, ce n'est pas le ce que le gouvernement nous a proposé. Au contraire, les libéraux ont supprimé la peine capitale en 1976 et l'ont remplacée par le système actuel.

(1120)

C'est à peu près à cette époque aussi qu'ils ont jugé bon d'abolir la Loi sur les jeunes délinquants et d'adopter la Loi sur les jeunes contrevenants. Ils l'ont fignolée un peu, mais ce n'est qu'un autre exemple de la tolérance dont ils font preuve dans le domaine de la justice pénale. La tolérance face au crime et aux criminels.

Parmi les autres exemples, citons les libérations conditionnelles anticipées, les abus en matière de libération conditionnelle et les abus commis par la commission qui en est chargée mais qui n'est pas formée de membres compétents.

Permettez-moi de rappeler la chance que j'ai eue de visiter la prison à sécurité maximale d'Edmonton, il y a un an et demi à peu près. L'expérience a été très révélatrice. Tout le monde devrait avoir l'occasion de visiter une tel établissement.

Le directeur de la prison m'a dit qu'environ 80 p. 100 des détenus avaient des problèmes de toxicomanie. J'ai évidemment demandé ce que les autorités faisaient pour favoriser la réadaptation de ces


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individus. Ces détenus ont le droit de sortir de prison après avoir purgé leur peine. Nous avons des établissements à sécurité minimale et moyenne. S'ils s'efforcent d'améliorer leurs compétences, les détenus ont une chance de se réadapter.

Le directeur de l'établissement m'a répondu que des psychiatres, des psychologues et divers autres intervenants travaillaient avec ces personnes afin de les aider à surmonter leurs problèmes de toxicomanie. Toutefois, en même temps, les drogues entrent dans nos établissements à sécurité maximale. La consommation de drogues est une pratique courante dans les prisons à sécurité maximale, alors même que nous essayons de favoriser la réadaptation des détenus. Qu'est-ce que cela signifie? Que fait le Service correctionnel face à ce problème? Il n'interdit pas les visites familiales qui, selon les directeurs de ces établissements, sont le principal moyen utilisé pour faire entrer des drogues dans les prisons. Je doute cependant que ce soit le seul. Je pense en effet que, dans certains cas, des employés sont probablement impliqués. Il me semble que c'est là une façon d'introduire des drogues dans les prisons.

Quelle est la réponse du Service correctionnel et du ministère de la Justice face à cette situation? Ceux-ci ne veulent évidemment pas interdire les visites familiales, ni mettre en place un processus plus rigoureux de sélection des gardiens. Non. Leur solution consiste plutôt à fournir aux prisonniers de nouvelles seringues et une trousse de désinfection des seringues à l'eau de javelle pour leur éviter de contracter le virus du sida en prison. Que faut-il penser de notre système de justice pénale? Que faut-il penser du gouvernement libéral? Tout cela est très révélateur. Les libéraux se montrent trop cléments face au crime et ils persistent dans cette voie.

Quelle est la situation actuelle? Les Canadiens sont très préoccupés et ils ont raison de l'être. Ceux-ci achètent des systèmes de sécurité à un taux effarant. Ils essaient de se protéger contre les vols par effraction et ils essaient aussi de s'armer. Des Canadiens se sont rassemblés sur la colline du Parlement pour demander une réforme du système de justice pénale.

La localité agricole où je vis en Alberta forme une collectivité très tranquille, à la population très stable, qui n'a à peu près aucun problème de criminalité sur le chapitre de l'introduction par infraction. Or, l'an dernier, nous avons rattrapé le reste du Canada. Nous sommes maintenant entrés dans les ligues majeures, car nous avons subi une série d'infractions de ce genre commises en plein jour dans notre petite localité agricole. Les gens se disent maintenant qu'ils doivent se procurer un chien de garde, se doter d'un système de sécurité. Voilà les inquiétudes qu'éprouvent les gens. Ils se sentent agressés comme jamais auparavant. Je sais que les députés d'en face doivent recevoir le même genre de lettres que moi, surtout ceux qui représentent des circonscriptions rurales dont les habitants se demandent ce qui a bien pu arriver à leur collectivité.

Pour ma part, j'exploite une ferme céréalière. Nous avions l'habitude de laisser les clés sur nos machines agricoles dans les champs. Je me suis fait voler un camion sur ma ferme il y a deux ans. Voilà ce qui arrive dans notre société. J'ai reçu des lettres de gens qui réclament qu'on remette de l'ordre dans la société. Ils souhaitent que le gouvernement se montre sévère envers les criminels. Ils demandent qu'on abroge la Loi sur les jeunes contrevenants pour recommencer à zéro. Même l'appellation de jeunes contrevenants est maintenant devenue très choquante. On en est arrivé à penser que cette loi ne peut tout simplement pas être réformée, qu'il faut l'abolir et tout recommencer. Des sondages ont révélé que les Canadiens souhaitent le rétablissement de la peine de mort.

Or, tout ce qu'ils obtiennent du gouvernement et du ministre actuel de la Justice, c'est du rafistolage. Le raccommodage de l'article 745 et la réglementation des armes à feu ne peuvent pas être la solution au problème de criminalité que nous connaissons au Canada.

En fait, la réglementation des armes à feu et l'enregistrement des armes d'épaule ont été établis sur le modèle du système actuel d'enregistrement des armes de poing en vigueur depuis 1935. Ce système n'a pas donné les résultats escomptés. Autant sinon plus de crimes sont commis avec des armes de poing qu'auparavant, et cela malgré que nous ayons un système d'enregistrement censé en réprimer l'utilisation. Maintenant, les armes d'épaule doivent être enregistrées, et cela est censé garantir la paix, nous ramener aux beaux jours où le taux de criminalité était faible. Ce n'est pas ce qui va se produire. Le gouvernement ne s'en prend pas aux bonnes personnes. On se contente de rafistoler la Loi sur les jeunes contrevenants.

(1125)

Cela marchera peut-être au centre-ville de Toronto, mais j'en doute fort. Chose certaine, mes électeurs ne l'acceptent pas. Les Canadiens veulent que le gouvernement s'attaque vigoureusement au problème de criminalité que nous avons au Canada, car nous savons qu'il existe bel et bien un problème.

Je vois des députés d'en face qui hochent la tête. Certains d'entre eux ont probablement des prisons dans leur circonscription, comme le secrétaire parlementaire qui chahute. Il y a une prison dans sa circonscription, Prince Albert-Churchill. Il devrait peut-être se rendre dans cette prison, comme je suis allé à la prison à sécurité maximale d'Edmonton, pour voir quels types de problèmes s'y posent.

Les Canadiens veulent que nous agissions avec fermeté dans tout le domaine de la justice pénale, que nous leur donnions l'assurance que les familles peuvent se promener dans les rues en toute sécurité à 11 heures du soir. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Ils veulent que nous rendions le système de justice pénale plus sévère pour ne plus être exposés au risque que des criminels entrent chez eux par effraction pour voler de quoi payer leurs drogues. De toute évidence, le gouvernement ne va pas accéder aux voeux des Canadiens, mais un jour viendra où ils obtiendront les réformes nécessaires pour résoudre les problèmes de criminalité au Canada.

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens ce matin pour participer au débat sur le projet de loi C-45 et pour poser trois questions. Premièrement, que vaut une vie? Deuxièmement, quel message le projet de loi C-45 envoie-t-il aux Canadiens? Troisièmement, que pensent les Canadiens?

Il n'y a pas si longtemps, une fillette jouait dans la rue. Elle a disparu. Elle s'appelait Mindy Tran. Elle a été retrouvée morte. Il y


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a environ six mois, j'ai reçu un appel d'un homme que je ne connaissais pas. Il s'agissait de l'employeur de M. Tran, le père de Mindy, qui me disait que M. Tran avait peur de venir me rencontrer, parce qu'il venait d'immigrer au Canada et qu'il ne connaissait pas la façon exacte d'aborder un représentant élu. Je lui ai dit de me l'amener. Il a répondu: «Il veut que je l'accompagne. Cela vous convient-il?» «Bien sûr, je vous en prie, accompagnez-le.» M. Tran s'est assis à la table devant moi. Il m'a dit: «Que pouvons-nous faire pour garantir que mon autre fillette ne se fera pas tuer comme Mindy?»

On se retrouve dans une situation extrêmement difficile, lorsque le père d'une fillette se présente devant un député pour lui demander ce que fait le gouvernement pour le protéger, lui, sa famille et sa fillette. C'est grave, quand on y réfléchit bien. C'est là qu'on se demande ce que vaut une vie. Que vaut la vie de cette fillette, Mindy Tran?»

Dans la mort, Mindy Tran a mobilisé toute une collectivité comme jamais auparavant. Tous les policiers qui ont participé aux recherches pour retrouver l'auteur de ce crime ont été personnellement touchés par cette tragédie. Les voisins, les parents, les amis et tous les membres de la collectivité se sont réunis pour tout d'abord tenter de retrouver la fillette qui avait disparu. Ils ne parvenaient pas à retrouver le corps de la victime. Il leur a fallu poursuivre leurs recherches nuit et jour, 24 heures par jour, dans tous les coins de la localité. On a finalement trouvé le corps de Mindy Tran. La collectivité est encore sous le choc de cet incident.

Je pose à nouveau la question: Quelle est la valeur de cette vie? Selon ce projet de loi, elle vaut 15 ans d'emprisonnement pour le meurtrier.

On peut évaluer une vie en termes économiques, comme le font les compagnies d'assurances et les juges qui déterminent la responsabilité lorsque quelqu'un est tué dans un accident d'automobile. On estime la valeur d'un employé essentiel d'une entreprise lorsqu'une assurance société est achetée pour faire face aux dépenses de réorganisation qu'entraînera le décès de cet employé.

(1130)

Une personne a une valeur économique lorsqu'elle prend une assurance-crédit, une assurance hypothèque et d'autres choses du genre. Les compagnies d'assurances offrent de l'assurance individuelle afin que les personnes à charge aient encore nourriture, vêtements et abri en cas de décès du ou des soutiens de famille.

La vie humaine n'a pas qu'une valeur économique. Elle a aussi une valeur sentimentale qui vient des sentiments et de l'amour que nous éprouvons les uns pour les autres, soit les conjoints l'un pour l'autre ou les parents pour leurs enfants, comme dans le cas deM. Tran et de sa petite fille qui a été tuée. Comment peut-on compenser cela?

Hier, nous avons entendu l'histoire de Laurie Boyd et du traumatisme qu'a été pour ses parents le rappel de toute l'affaire lorsqu'ils ont appris que le projet de loi C-45 n'abrogerait pas l'article 745 du Code criminel parce qu'il n'avait pas pu être présenté à la Chambre.

M. Tran sait maintenant que le meurtrier de sa fille peut obtenir une libération conditionnelle. Il m'a demandé: «M. Schmidt, allez-vous laisser faire cela?». Je lui ai répondu: «M. Tran, ce n'est pas à moi de décider. Je le voudrais bien, mais ce n'est pas le cas.»

Nous avons au Canada un gouvernement élu. Ce sont ses membres qui prennent la décision et qui sont responsables. M. Tran m'a demandé si je pouvais quand même faire quelque chose. Je lui ai promis de faire mon possible.

Il s'est mis à pleurer en disant: «Est-ce là tout ce que vaut la vie de ma fille? Allez-vous essayer de faire quelque chose?» C'est la question que je pose à tous les députés. Est-ce là tout ce que vaut la vie de Mindy Tran et de l'autre personne qui a été assassinée?

La libération conditionnelle crée un deuxième traumatisme pour les victimes indirectes, pas celles qui ont été assassinées, mais celles qui entretenaient des liens émotifs avec les disparus. Ce sont elles qui vivent à nouveau un traumatisme.

Une perte de vie comporte aussi un autre coût, un coût pour le pays. Celui-ci est en effet privé des talents, des compétences et des aptitudes dont la victime aurait fait bénéficier la société, de ses talents et aptitudes incalculables, notamment lorsque la victime est un enfant. Il convient de s'interroger sur le châtiment qui convient pour ce genre de comportement.

Cela m'amène à soulever une deuxième question. Quel message le projet de loi C-45 envoie-t-il à la population canadienne? Quel message envoie-t-il aux autres criminels? Il leur fait espérer un allégement de la peine après 15 ans. Les conséquences d'un meurtre au premier degré ne sont vraiment pas très heureuses. La société a perdu un de ses membres, et l'auteur du crime se dit que la société paiera pour qu'il soit incarcéré, puis tôt ou tard remis en liberté.

Quel message cela envoie-t-il à nos jeunes? Cela les porte à croire que la vie ne vaut pas grand-chose. Elle vaut 15 ans. Les droits des victimes, de ceux qui ont été assassinés, importent peu.

La société protège les droits de l'auteur du crime. Ses droits à lui, elle les protège, mais elle ne semble guère se préoccuper des droits de la personne qui a été tuée.

Les jeunes peuvent donc se dire ceci: «Je peux commettre à peu près n'importe quel crime et m'en tirer en bénéficiant d'une relative impunité.» Où s'arrête ce genre de raisonnement? Quel effet cela a-t-il sur tous les autres crimes qui ne sont pas aussi graves que le meurtre? Au bout du compte, cela se traduit par le non-respect de la loi et l'ordre. Il s'ensuit le chaos.

Le rôle du gouvernement actuel ou de tout gouvernement est de combattre le mal et d'empêcher les mauvais éléments de la société de prendre le dessus.


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Finalement, quel exemple cela donne-t-il à nos enfants? Si c'est de cette façon que les fonctionnaires agissent et traitent le pire crime qu'une personne puisse perpétrer contre autrui, soit en imposant une peine de 15 ans, quel message envoient-ils à nos enfants?

(1135)

Je me demande pourquoi le gouvernement ne laisse pas la population donner son avis. Je n'arrive pas à croire qu'il ne laisse pas les gens parler quand je pense aux réponses aux questions suivantes que j'ai posées dans un récent bulletin parlementaire: «Qu'est-ce qui vous agace en ce qui concerne le gouvernement? Quelles sont vos préoccupations en ce qui concerne le gouvernement actuel?» Voici la réponse que j'ai entendue des centaines et des centaines de fois: «Quand allez-vous modifier le système de justice? Nous ne nous sentons pas en sécurité dans nos rues, dans nos foyers. Nous avons le sentiment qu'il est temps de prendre des mesures sérieuses à propos de la criminalité dans notre société.»

Les répondants ont fait des suggestions. Ils ont demandé pourquoi nous ne tenons pas un référendum sur la peine capitale à la grandeur du pays. «Disons clairement et sans équivoque ce que nous voulons au gouvernement.»

Hier matin, le Parlement a empêché que le projet de loi C-234 soit étudié à la Chambre. Le député de York-Sud-Weston a fort bien compris ce que ses électeurs lui ont dit. Il les a écoutés. Il a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre.

J'appuie son projet de loi. Un grand nombre de nos électeurs tiennent le même langage. Je suis convaincu que sa circonscription n'est pas un exemple isolé. Je presse donc le gouvernement de ramener ce projet de loi et de l'adopter, ce qui aurait pour effet d'abroger l'article 745 du Code criminel.

Le projet de loi C-45 est la preuve que le gouvernement n'est pas vraiment sérieux, qu'il ne fait que proposer une bien timide modification ne faisant qu'effleurer ce qui est juste et équitable. Il envoie un message symbolique dénué de toute noblesse, de toute droiture et de toute équité. Il ne devrait pas être adopté.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi. Une bonne partie de ce qu'il était important de dire a été dit par des membres de mon caucus.

Je suis très déçu que les ministériels ne participent pas au débat. Il s'agit d'un projet de loi qui suscite beaucoup d'intérêt au sein de la population. Il est réputé être un des joyaux de la couronne du ministre de la Justice. En tout cas, le ministre aimerait bien qu'il en soit un. Il est désolant que les libéraux ne participent pas au débat et cela en dit long sur le processus.

Je commencerai en parlant du processus lui-même, de ce dont il est question aujourd'hui, soit de la modification de l'article 745 du Code criminel. Nous ne devrions pas discuter de ce projet de loi, mais plutôt du projet de loi du député de York-Sud-Weston. Ce dernier a été présenté de bonne foi à la Chambre des communes, adopté en deuxième lecture-l'ensemble des députés en ont approuvé le principe-renvoyé à un comité à qui on a ordonné de faire rapport à la Chambre.

Une de mes tâches, en tant que whip, consiste à encourager les députés de mon parti à assister aux séances des comités de manière à couvrir les travaux de tous les comités. Cette tâche est très décourageante lorsque les membres de mon caucus constatent que tout le travail qu'ils consacrent à l'étude des projets de loi d'initiative parlementaire, toutes leurs propositions et leurs initiatives visant à soulever les questions importantes pour la Chambre des communes, tout cela est réduit à zéro en comité.

J'appuie sans réserve le député de York-Sud-Weston sur cette question. Son projet de loi nous donne un exemple probant. Nous en avons quelques-uns aussi dans notre caucus. La députée de Mission-Coquitlam a vécu la même expérience que le député. C'est très démoralisant. Le processus démocratique est perverti lorsqu'une mesure adoptée par les députés de tous les partis à la Chambre est renvoyée à un comité, mais que l'on constate que ce n'est qu'un moyen détourné utilisé par le gouvernement pour la faire sombrer dans l'oubli. C'est une parodie de processus démocratique et cela ne devrait jamais se faire.

Quant à l'objet du projet de loi lui-même, il convient de répéter les questions suivantes: quelle est la raison d'être du système de justice? À quoi doivent nous servir ce système de justice et le Code criminel? Quel message envoyons-nous aux Canadiens? En tant que législateurs, qu'entendons-nous de la bouche des Canadiens? Comment réagissons-nous à ce que nous entendons?

(1140)

Les gens qui viennent me voir à mon bureau me demandent, entre autres choses, quel est le coût des propositions du ministre de la Justice. Ils veulent savoir ce qu'il en coûte pour laisser des gens comme Olson et d'autres plaider de nouveau leur cause pour essayer d'obtenir une libération conditionnelle anticipée. Il y a un coût. Le projet de loi est accompagné d'une recommandation royale, mais nous ne savons pas exactement quel est le coût. Je ne crois pas que le ministre le sache non plus, mais ce coût est certainement élevé.

Ce projet de loi dit aux victimes de crime que, oui, les meurtriers auront accès à toute l'aide juridique que le système peut leur offrir. Les victimes, elles, n'ont aucune aide. Si elles le désirent, elles peuvent témoigner à l'audience, mais elles n'ont droit à aucune aide. Il y un coût financier réel associé à cette mesure législative, sans parler du coût pour les victimes.

Beaucoup de gens viennent me voir pour me dire qu'ils croyaient que les dispositions législatives que le gouvernement avaient adoptées dans les années 70 lorsqu'il a aboli la peine de mort garantissaient qu'une personne condamnée à une peine d'emprisonnement de 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle resteraient en prison pendant au moins 25 ans. À l'époque, le message que le Parlement avait envoyé aux Canadiens et au reste du monde était que le Canada accordait une importance primordiale à la vie humaine et n'accepterait rien de moins qu'une peine d'emprisonnement de 25 ans en échange d'une vie humaine. Beaucoup de gens seraient porté à dire que l'échange devrait être une vie pour une vie et qu'on devrait rétablir la peine de mort. Cependant, bien des gens ont dit:


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«J'accepterai une peine de 25 ans d'emprisonnement sans possibilité de libération conditionnelle si vous me garantissez que cet homme ou cette femme restera en prison pendant tout ce temps.»

Les statistiques montrent malheureusement qu'environ 78 p. 100 des détenus qui demandent une libération conditionnelle anticipée voient leur demande acceptée. Les Canadiens sont très mécontents de cela. Ils ne sont guère heureux de ce que ce projet de loi permettra à tous les déviants et à tous les tueurs en série encore incarcérés de poursuivre leurs démarches. En effet, le projet de loi n'ayant pas d'effet rétroactif, ces individus pourront demander une libération anticipée. Ils feront revivre l'horreur à d'autres victimes. Le projet de loi ne pourra pas empêcher les meurtriers d'agir. Il leur rendra les choses un peu plus difficiles, mais ils continueront néanmoins d'agir.

Que demandent les Canadiens? Je voudrais en donner deux exemples. Je déposerai prochainement à la Chambre une pétition lancée par des résidents de ma circonscription. Cette pétition concerne un délinquant sexuel reconnu coupable de pédophilie et actuellement emprisonné. Cet individu a gâché l'existence de bien des gens. Les auteurs de la pétition demandent plusieurs choses. Ils veulent un registre national des pédophiles. Ils veulent que les personnes condamnées pour des infractions sexuelles violentes ne puissent pas obtenir une libération conditionnelle. Ils demandent beaucoup de choses.

Le plus intéressant est qu'ils n'ont pas eu beaucoup à faire pour obtenir des signatures. Ces gens et la famille n'ont pas uni leurs efforts pour obtenir seulement 40 ou 50 signatures sur une pétition. Ils ont recueilli à ce jour 15 000 signatures et il en arrive de nouvelles par la poste à mon bureau tous les jours.

Je me demande si le gouvernement prête attention à cela. Il s'agit là d'un exemple, dans une circonscription, du sentiment profond de la population au sujet de la réforme de la justice pénale. La population nous fait savoir que les crimes graves doivent être traités avec sérieux, afin d'envoyer un message à la fois aux criminels et à leurs victimes. Les victimes doivent savoir qu'elles sont importantes, que leur situation est prioritaire et que le gouvernement entend leur assurer des recours adéquats.

Une des raisons pour lesquelles mon collègue, le député de Fraser Valley-Ouest, a déposé son projet de loi sur les droits des victimes est que ces dernières ont besoin d'une protection qui leur fait défaut actuellement.

Voilà ce qu'il en est. Nous avons une pétition de 15 000 noms, et ce n'est là qu'un exemple.

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On nous a cité plusieurs exemples. Je vous en citerai un autre dont j'ai eu personnellement connaissance. Un père et sa fille sont venus me voir au bureau de ma circonscription pour me faire part de leurs préoccupations au sujet du système de justice pénale. La jeune femme avait été kidnappée et attaquée plusieurs fois à coups de couteau par son mari dont elle était séparée. Le mari avait été mis en état d'interdiction par le tribunal. Il était connu de la police. Il avait menacé et harcelé la jeune femme depuis plusieurs mois.

Si je cite cet exemple, c'est parce que le père, assis dans mon bureau, m'a dit ceci: «Le système de justice pénale n'a pas pris cette affaire au sérieux. Que suis-je censé faire? Cet homme a attaqué ma fille, l'a frappée plusieurs de coups de couteau. Il a été accusé de voies de fait graves et a passé quelques années en prison. Que suis-je censé faire?»

Le mari venait taper à la fenêtre de cette femme avec un couteau de boucher pour la réveiller. Le père m'a dit: «Écoutez-moi bien,M. Strahl. Je vais vous dire ce que je vais faire lorsque cette bête va sortir de prison. S'il vient taper à la fenêtre de ma fille avec un couteau de boucher, je lui fais sauter la cervelle puisque le système de justice pénale refuse de s'en occuper.» Le système de justice pénale nie la gravité des faits et recommande d'obtenir une interdiction du tribunal dans ce cas-là. Recommander d'obtenir une interdiction du tribunal n'est pas suffisant. Cette femme vit dans la terreur et ce type est de nouveau en liberté.

Voici en quoi consiste le paradoxe. J'ai répondu: «Si vous faites ça pour protéger votre fille, vous aller écoper de 25 ans de prison parce que ce sera un meurtre prémédité. Vous aviez le revolver et vous avez tué le type». «Chuck, m'a-t-il dit, je m'en moque. Que suis-je censé faire si la justice pénale ne fait rien pour protéger la société et ma fille? Je serai obligé de le faire moi-même. Je ne veux pas devoir le faire moi-même. Je souhaiterais que les choses soient différentes.»

Cet exemple montre la frustration qui existe dans ce pays à l'égard de crimes graves qui ne sont pas pris au sérieux. Rien n'est plus grave qu'un meurtre. Le message n'est pas «la réinsertion des criminels est-elle possible?». Le message n'est pas «le type qui a commis un meurtre regrette-t-il son acte?». Je suis sûr qu'après coup, beaucoup de criminels regrettent ce qu'ils ont fait. Le message que nous devons adresser et que n'adresse pas ce projet de loi est que le meurtre est un crime grave. Un crime qui vaut au moins 25 années d'emprisonnement.

Le Parti réformiste a dit qu'il devrait y avoir un référendum national sur la peine capitale. Nous verrons cette question un autre jour. Pour l'instant, il faut que vous sachiez qu'un crime comme le meurtre va vous coûter la prison et que vous n'en sortirez pas avant 25 ans. Nous aurions dû abroger l'article 745, et non pas le modifier.

Je suis déçu. Je voudrais bien que le gouvernement et le ministre viennent à mon bureau entendre les gens qui me disent la vérité au sujet de ce qui se passe réellement. Les gens réclament un changement et ce dès maintenant.

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la chance de prendre la parole au Parlement sur un sujet aussi important. Dans un sens, c'est très triste de voir le gouvernement libéral éviter encore une fois de s'attaquer à un problème. Les libéraux ont passé trois ans à ne rien faire. Ce n'est pas suffisant pour régler les problèmes du Canada.

Aujourd'hui, nous avons une chance de montrer que nous allons sévir fermement contre ceux qui ont enlevé une vie humaine. Il y a des gens qui sont reconnus coupables de meurtre au premier degré et condamnés à une peine de 25 ans, et le gouvernement libéral veut les rééduquer, se montrer clément, être généreux et leur accorder la liberté après 15 ans de prison. C'est inacceptable, et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est dégoûtant. Il ne devrait pas être possible de s'en tirer ainsi, dans notre pays. Quand on a enlevé une vie humaine et que sa culpabilité a été prouvée devant la cour, il n'est


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que juste qu'on passe au moins 25 ans en prison. Pas la peine d'attendre qu'un meurtrier ait enlevé deux vies avant de le condamner à 25 ans fermes.

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Bon nombre de mes électeurs disent que ce projet de loi est encore trop indulgent et que nous aurions dû rétablir la peine capitale. Ils croient que ceux qui tuent devraient payer de leur vie. Ce sera peut-être le cas un de ces jours, mais ce ne sera pas sous un gouvernement libéral. Le gouvernement libéral n'organisera jamais de référendum sur la peine capitale, parce qu'il sait que les Canadiens se précipiteraient en masse pour voter sur cette question, et qu'ils y seraient favorables dans une majorité d'au moins 80 p. 100. Quatre-vingt pour cent des Canadiens appuieraient l'imposition de la peine capitale à toute personne trouvée coupable de meurtre au Canada.

Le gouvernement ne veut rien faire. Il est trop clément. Il ne veut pas assumer ses responsabilités.

Nous devrions examiner quelques statistiques. Les chiffres de 1994-1995 et 1995-1996 montrent que, dans un cas sur dix, les détenus en liberté conditionnelle, dont ces meurtriers qui se verront accorder la libération conditionnelle après 15 ans, récidivent de façon très grave. Cela signifie que 10 p. 100 de ces personnes qui sortent de prison iront commettre de nouveaux crimes très graves.

Je veux juste jeter un coup d'oeil au bilan du Parti libéral au chapitre des libérations conditionnelles, depuis qu'il est revenu au pouvoir. Je suis sûr que la situation était la même sous l'ancien gouvernement conservateur, qui était tout aussi mauvais. Toutefois, comme les conservateurs et les libéraux ont toujours eu à la Chambre une relation amicale qui leur permet de se livrer à un camouflage mutuel, le grand public n'a jamais su à quel point notre système de justice pénale était mauvais au Canada. Les Canadiens ne savaient pas à quel point le système de défense était mauvais, même s'il l'était à un point phénoménal. Enfin, en tant que Parti réformiste, nous mettons cela au grand jour pour que la population puisse se faire une idée.

Voyons la feuille de route des libéraux selon Statistique Canada. Environ un prisonnier fédéral sur dix ayant bénéficié d'une libération conditionnelle l'an dernier a été accusé d'un nouveau crime. Les chiffres étaient environ les mêmes pour 1994-1995. En 1995, 984 libérés conditionnels ont été traduits en justice, dont 165 pour crimes violents, soit 15 meurtres, 22 agressions sexuelles et 71 vols à main armée, des crimes commis pas des gens qui étaient sous la surveillance du système de justice pénale. Le gouvernement libéral les laisse se promener dans nos collectivités qu'ils corrompent et offensent.

Ce n'était pas mieux en 1994-1995. Quelque 1 097 libérés conditionnels ont été accusés de crimes. Cela représente 10 p. 100 du total, dont 256 criminels violents qui se sont à nouveau rendus coupables de meurtre, d'agression sexuelle et de vol à main armée.

Aujourd'hui, nous allons une fois de plus nous montrer indulgents. La seule façon d'empêcher ces meurtriers de nuire et de faire passer le message est d'être très dur avec eux. À mon avis et de l'avis de nombreux Canadiens, 25 ans, ce n'est pas assez, mais si c'est ainsi que ça se passe de nos jours, alors contentons-nous de 25 ans. Toutefois, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui ne nous donne même pas ça. Il dit en quelque sorte qu'on va essayer, mais de façon détournée, et que, pour être automatiquement condamné à 25 ans de prison, il faut d'abord avoir tué deux personnes. A-t-on jamais vu rien de plus ridicule?

J'aimerais vous parler d'une expérience que j'ai vécue dans ma circonscription, alors que je représentais à l'assemblée législative une région au sud de Calgary. Il s'agit du cas de la fille de Darlene Boyd et de celui d'une jeune femme de High River qui revenait d'une sortie à Calgary. Sur la route qui la menait à High River, elle tombe en panne d'essence. Un habitant de ma circonscription, qui se trouve être le meurtrier et qui est en train de purger une peine de prison de 25 ans, aura la possibilité de faire une demande de libération conditionnelle en février 1997. Heureusement pour le gouvernement, il a tué deux personnes. Cette mesure législative ne lui donne donc pas accès à la libération conditionnelle. Toutefois, s'il n'avait tué qu'une personne, il aurait pu être libéré sous condition. Grâce aux programmes des libéraux, il aurait eu le droit d'être traité avec bonté, d'être réadapté, de recevoir une éducation et d'être réinséré dans la société une fois devenu un citoyen remarquable. C'est comme ça que les choses se seraient passées.

Quoi qu'il en soit, cette jeune femme qui rentrait chez elle tombe en panne. Une voiture conduite par cet individu de ma localité et son copain de Calgary s'arrête pour la dépanner. Et que font-ils? Ils s'emparent d'elle et la jettent dans leur camionnette. Ils ont roulé dans les champs sur environ cinq ou six milles et là, ils l'ont violée, battue brutalement, puis tuée. Après l'avoir battue avec la clé à pneus, ils l'ont jetée hors de la fourgonnette, puis ont mis le feu à son corps afin qu'il ne reste aucune preuve de leur crime.

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Deux ou trois mois plus tard au Red Rooster de High River, ces mêmes individus qui cherchaient une autre victime ont pris comme cible la fille de Darlene Boyd, une jeune fille charmante avec un avenir prometteur, capable d'apporter une contribution à la collectivité. Ils sont entrés par la porte arrière du Red Rooster, l'ont kidnappée à la pointe du couteau, l'ont forcée à monter dans leur fourgonnette, ont parcouru environ 12 milles vers l'est de High River, dans la région de Blackie, se sont arrêtés puis l'ont violée et l'ont battue avec la clé à pneus. Elle a tenté de s'échapper, mais ils l'ont assassinée dans le champ. Ils l'ont couverte d'essence puis ont mis le feu à son corps. Ce Jim Peters aurait pu avoir droit à la libération conditionnelle, mais, heureusement pour le gouvernement, il a tué deux personnes.

De telles situations déplorables continuent de se produire. Permettez-moi d'ajouter un épilogue à mon histoire. Une ou deux fois par année, je visite les collectivités de ma circonscription pendant une demi-journée ou une journée entière. Je me trouvais donc à Blackie, à quelques milles de High River.

En arrivant au centre de la ville, je me suis arrêté chez des amis à moi, propriétaires d'un magasin de l'endroit. L'homme de la famille m'a alors déclaré: «J'aimerais bien assister à ta réunion


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aujourd'hui, Ray, mais j'ai peur de laisser mon épouse seule au magasin parce qu'un tueur rôde quelque part autour». J'ai passé quelques moments avec eux, puis je me suis rendu à l'hôtel voisin pour y dîner. Le restaurant était petit, environ 18 pieds sur 18. J'ai donc parlé à tous ceux qui s'y trouvaient. Devinez qui se trouvait à l'une des tables? Le tueur en personne, Jim Peters. Cependant, nous ne le savions pas. Mon ami avait donc de bonnes raisons d'avoir peur.

J'ai tenu une très brève réunion à l'hôtel de ville, puis chacun a déclaré qu'il devait retourner à la maison pour protéger sa famille. La tension et l'inquiétude étaient palpables dans cette collectivité.

Comme législateurs, les libéraux n'ont rien fait depuis 1993. Ils ne s'attaquent pas à ce problème cette fois-ci non plus. Ils choisissent de faire l'autruche. C'est tout à fait inacceptable pour les Canadiens. Je ne sais pas quand cette situation changera. Il faudra peut-être attendre les prochaines élections pour nous débarrasser du Parti libéral comme nous l'avons fait avec le Parti conservateur. La seule leçon que les conservateurs ont apprise, c'est que la population se débarrasse des partis qui refusent de se secouer et de faire leur travail.

Eh bien, la situation peut changer pour ce parti, cette parodie de gouvernement qui se trouve en face. Je crois que, vers la fin de 1996 ou le début de 1997, la situation changera certainement lorsque les Canadiens rendront leur jugement sur l'incompétence du gouvernement. Alors, le gouvernement sera remplacé et des politiques sensées seront peut-être adoptées dans notre pays.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les tout premiers mots que j'ai prononcés à la Chambre après les dernières élections, lorsque la plupart d'entre nous étions nouveaux à la Chambre, s'adressaient au député de Notre-Dame-de-Grâce qui avait été à la Chambre plus longtemps que pratiquement n'importe qui. J'ai parlé à l'époque d'une culture de gouvernement qui avait conduit au laisser-faire que nous connaissons depuis quelque 30 ans à l'égard des criminels.

Certains députés se souviendront que le 7 octobre 1972 a marqué un tournant dans la jurisprudence, parce que ce jour-là, le solliciteur général s'est levé à la Chambre et a déclaré qu'à partir de ce jour-là, la principale raison d'être du système de justice criminelle serait la réadaptation des prisonniers.

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C'est ce qu'il a dit, et c'est devenu la raison d'être, d'où le taux élevé de récidive que nous connaissons. Il pensait que si la méthode utilisée jusqu'à présent n'avait pas fonctionné, alors il était peut-être temps d'essayer autre chose. Par suite, au lieu que la raison d'être du ministère soit la protection de la société et la punition des infractions, on allait se concentrer sur la réadaptation. Il n'y a rien à redire à cet idéal, c'est un idéal tout à fait noble.

J'avais quelques mots à dire à ce sujet et j'ai attribué certains propos au député de Notre-Dame-de-Grâce qui se trouvait en face. Devant son air surpris, j'ai réalisé immédiatement que j'avais mal jugé la situation.

À la première occasion, je me suis excusé auprès du député d'en face, parce que j'avais tort. Au cours des deux dernières années, j'ai développé un grand respect pour le député de Notre-Dame-de-Grâce, le député qui a présenté à la Chambre ce que l'on appelle maintenant la clause de la lueur d'espoir. Je sais qu'il l'a fait parce qu'il a le coeur au bon endroit. Le problème c'est que, à mon humble avis, s'il faut parfois avoir le coeur tendre, il faut aussi faire preuve de fermeté. Il est absolument essentiel que les citoyens sachent qu'il existe un point au-delà duquel on ne doit pas aller.

Je mentionne cela parce qu'il est important de replacer la présentation de cette mesure dans le contexte de l'époque. Les lois doivent être modifiées pour s'adapter à l'esprit du temps. Dans ce contexte, en tant que nation, et tout comme la majorité des pays occidentaux, nous étions témoins de l'éclosion de la magnanimité à l'égard d'autrui. C'est dans ce contexte que nous avons aboli la peine capitale.

Comment une société civilisée pourrait-elle continuer de l'être si elle persistait dans l'accomplissement de cet acte barbare, celui de tuer quelqu'un pour justifier son existence? Je suis maintenant en faveur de la peine capitale, et je ne le serais pas si la condamnation a perpétuité signifiait réellement quelque chose. En échange de l'abolition de la peine capitale, on a accepté une peine minimale de 25 ans pour un meurtre au premier degré. C'était ça la perpétuité, un minimum de 25 ans. C'était un quid pro quo. C'est ce que le gouvernement de l'époque a utilisé pour faire accepter l'abolition de la peine capitale.

Cela nous amène donc à 25 ans. Mais comme le député de Notre-Dame-de-Grâce le disait hier, ce n'est qu'une disposition donnant une lueur d'espoir. Peu de gens en profitent. Cinquante personnes en ont profité, 50 sur un total de 175 admissibles. C'est donc environ un tiers. Les deux tiers de ceux qui ont fait une demande ont été acceptés.

La question n'est pas de savoir combien réussissent et combien présentent une demande. Lorsque quelqu'un enlève la vie à une autre personne et qu'on considère qu'il s'agit là d'un meurtre au premier degré, d'un meurtre prémédité, la peine que notre pays a prescrite, la peine que le contrat social, que nous, en tant que citoyens du Canada, avons prescrite, c'est l'emprisonnement à perpétuité, et non 15 ans. Peu importe si, au cours des 15 premières années d'emprisonnement, le criminel a reconnu ses torts.

Le fait est que nous avons conclu un marché. En tant que société, nous avons décidé de ne pas enlever la vie à un meurtrier, même s'il avait été reconnu coupable de meurtre au premier degré. Nous avons décidé de l'incarcérer pour qu'il ne puisse plus jamais causer de tort à personne.

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Il s'agissait là d'un contrat social. Nous abrogeons ce contrat social lorsque nous glissons vers ce que nous appelons la clause du faible espoir. Cela nous amène à la duplicité de la discussion d'aujourd'hui. Je m'explique.

Avec le retrait du projet de loi présenté par le député de York-Sud-Weston, qui abrogerait l'article 745, et son remplacement par


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un canard boiteux, les députés réformistes et d'autres députés libéraux qui auraient voté en faveur de ce projet de loi se retrouvent dans une position intenable.On aurait tort de voter pour cette demi-mesure. En même temps, cela permet aux libéraux d'en face de voter en faveur de la mesure pour laquelle ils n'auraient pas pu voter parce qu'ils ne souhaitent pas vraiment un changement.

Somme toute, le retrait du projet de loi d'initiative parlementaire qu'a présenté le député de York-Sud-Weston, et qui abrogeait l'article 745, établissant ainsi que «à vie signifie à vie», et la présentation de cet autre projet de loi ne donne rien qui vaille. C'est de la poudre aux yeux. Cela nous amène à nous demander pourquoi il est acceptable de tuer une personne, alors qu'il n'est pas acceptable d'en tuer deux. Cela n'a absolument aucun sens.

Il y a deux raisons pour lesquelles ce projet de loi m'irrite. Tout d'abord, nous avons renoncé à notre responsabilité, à l'accord que nous avons conclu lorsque nous avons remplacé la peine capitale par l'emprisonnement à perpétuité. En même temps, nous avons retiré un projet de loi d'initiative parlementaire qui traitait honnêtement de la question et lui avons substitué une demi-mesure qui n'est rien de moins qu'un jeu et qui n'est pas digne de la Chambre.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Madame la Présidente, ce débat est très intéressant, car les Canadiens doivent se demander pourquoi le gouvernement a décidé de présenter cette demi-mesure, alors que les Canadiens rationnels, raisonnables et réfléchis réclament bien autre chose.

Ils doivent se demander à quoi pensent le ministre de la Justice et, bien entendu, les députés libéraux à la Chambre.

Il est question ici de gens incarcérés à la suite d'un meurtre au premier degré. Ce n'est pas simplement un événement fortuit. Commettre un meurtre au premier degré, c'est tuer de façon préméditée, de sang-froid. Lorsque nous imposons une peine de 25 ans d'emprisonnement aux individus en question, nous donnons aux familles et aux amis des victimes la possibilité peut-être de reprendre peu à peu une vie à peu près normale au cours de cette période de 25 ans.

Les libéraux refusent de reconnaître que, lorsqu'une personne est tuée, sa famille, ses amis et sa collectivité pleurent sa mort.

En tant qu'êtres humains, tous les députés à la Chambre sont confrontés à un moment donné de leur vie à une tragédie personnelle, que ce soit la mort de leurs parents, la mort tragique d'enfants dans un accident ou d'autres événements de ce genre. Nous sommes soumis à ce moment-là à d'énormes pressions.

Il est incompréhensible que le ministre de la Justice, le premier ministre et les députés libéraux ne se rendent pas compte qu'il faut laisser aux gens, aux familles des victimes, à leurs amis et à leurs collectivités le temps de panser leurs plaies.

Je me demande pourquoi le ministre de la Justice et les libéraux réagissent de cette façon. Pour quelles raisons nous présentent-ils cette demi-mesure?

Il est clair qu'on doit vouloir satisfaire les défenseurs de la veuve et de l'orphelin, ceux qui disent qu'il faut aider ces individus à reprendre leur vie. Il serait bon que les victimes puissent en faire autant.

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Je reviens sur les observations de mon collègue qui m'a précédé en demandant pourquoi aucun libéral n'intervient. Pourquoi aucun député libéral ne défend cette demi-mesure plutôt molle que le ministre de la Justice nous a présentée? Je prétends que c'est parce que les libéraux veulent être en mesure d'affirmer qu'ils ont appuyé le député de York-Sud-Weston, qu'ils ont soutenu sa mesure visant à abroger l'article 745.

Je tiens à préciser très clairement que tout ceci n'est qu'un mensonge. En appuyant cette demi-mesure, les libéraux ne reflètent en rien le point de vue, les souhaits, les désirs, les attitudes et l'orientation des Canadiens face à cette question.

Si, en fin de compte, nous supprimons une peine de 25 ans pour un meurtre prémédité de sang-froid, quelle sera alors la norme ultime pour les gens qui tuent dans notre société?

L'article 745 demeure. Le ministre de la Justice apporte simplement de petites modifications de forme pour nous faire mieux avaler la pilule. Pour les Canadiens, la seule mesure acceptable, c'est l'élimination complète de cet article. Quatre-vingt-dix-huit pour cent des délégués au congrès réformiste ont voté en faveur de l'élimination complète de l'article 745. L'organisme Victimes de violence, l'Association canadienne des policiers et la majorité des Canadiens souscrivent à l'élimination de l'article 745.

Si, en tant que députés, nous ne reflétons pas le point de vue et les voeux des Canadiens, ainsi que les orientations qu'ils souhaitent prendre, que faisons-nous ici? Nous ne siégeons pas à la Chambre simplement pour combler des sièges. Nous ne sommes pas ici que pour suivre le programme libéral marqué au coin de la sensiblerie. Nous sommes censés siéger à la Chambre pour respecter et combler les voeux et les désirs des Canadiens. Ce projet de loi n'en fait rien.

Le projet de loi C-45 laisse une faible lueur d'espoir aux meurtriers, celle d'être libérés avant d'avoir purgé la totalité de leur peine qui ne prévoit aucune possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans de prison fermes. Comme je l'ai mentionné, l'enjeu ici, ce sont les familles et les amis des victimes de ces personnes qui ont décidé d'enlever la vie d'autrui de sang-froid. C'est l'acte ultime que nous pouvons poser à l'égard d'un autre être humain.

Je me demande combien de victimes ont bénéficié d'une lueur d'espoir, cette lueur d'espoir que les libéraux au coeur tendre s'apprêtent à accorder aux meurtriers.

Ça a été mentionné maintes et maintes fois, mais je me dois de le répéter. Pourquoi est-il possible de retirer la possibilité de demander une libération anticipée dans le cas où une personne a tué deux ou trois autres personnes de façon délibérée, alors qu'il n'en va pas


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de même pour un seul meurtre? S'agit-il d'une vente à rabais de vies humaines? Où est passé le processus de réflexion du ministre et des libéraux à la Chambre? Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le ministre de la Justice, par exemple, n'a pas songé à un système qui prévoit l'imposition de peines d'emprisonnement consécutives aux meurtriers. Ça simplifierait la question. Si l'on imposait des peines d'emprisonnement consécutives, Clifford Olson aurait reçu 11 fois 25 ans et, aujourd'hui, il ne serait pas en mesure de s'en prendre aux familles des victimes qui n'ont disposé que de 15 ans pour s'en remettre.

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On a déjà rappelé que c'est le gouvernement libéral au pouvoir en 1976 qui a éliminé la peine de mort et conçu l'article 745. C'est donc le retour vers le futur. On retourne 20 à l'arrière, à l'époque où les libéraux croyaient vraiment que ça allait fonctionner. Je suis d'avis que nous devrions consulter les familles des victimes. Il faut demander aux familles des victimes si ça a fonctionné.

Notre parti, sous l'habile direction du député de Fraser Valley-Ouest dans ce dossier, a obtenu le consentement de la Chambre pour que soit présentée une motion portant sur une déclaration des droits des victimes. Néanmoins, je ne crois pas que nous verrons ce jour de si tôt. Tant et aussi longtemps que le gouvernement musellera ses députés en leur ordonnant de voter de telle ou telle manière, je ne crois pas que nous verrons un déclaration des droits des victimes.

Mais l'avenir? Quel espoir avons-nous? Le 9 mai 1994, parlant du même sujet qu'aujourd'hui, j'ai déclaré ceci à la Chambre: «Samedi, avec environ 350 personnes de ma circonscription, j'ai assisté aux obsèques de la petite Stephanie Graves, 8 ans, qui a été agressée et abattue dans la région de Kimberley.» J'ai lu le poème suivant écrit pour elle. Il a été lu par sa classe à son service funèbre:

J'aime tes yeux
J'aime ton nez
J'aime ta bouche, tes oreilles, tes mains, tes orteils J'aime ton visage
C'est vraiment ce que tu es
J'aime les choses que tu dis et fais Absolument personne
Ne voit les cieux
Comme tu peux les voir à travers tes yeux Cela ne te réjouit-il pas
Comme il se doit
De savoir que personne n'est exactement comme toi
C'est pour les victimes comme Stephanie Graves et leurs familles que nous avons adopté notre position sur la question et nous affirmons que l'attitude trop molle des libéraux ne convient pas et ne réglera rien.

M. Morris Bodnar (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Madame la Présidente, j'ai trouvé cela très intéressant d'entendre le Parti réformiste accuser les libéraux d'être ultrasensibles et excessivement indulgents envers les criminels. Or, quand nous avons présenté la Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants, qui vise à augmenter les peines imposées aux jeunes qui commettent des crimes graves tels que des meurtres et à faciliter le transfert des jeunes contrevenants de 16 et 17 ans au tribunal pour adultes, c'est le Parti réformiste qui a voté contre.

C'est nous qui avons renforcé le système de justice pénale et pris des mesures plus vigoureuses contre le crime. Bien qu'il prétende vouloir améliorer le système de justice pénale, le Parti réformiste préfère voter contre les projets de loi qui permettraient de le faire. Les députés réformistes disent une chose et font le contraire.

Ils ont fait la même chose lors de l'étude du projet de loi sur la détermination de la peine. Lorsque nous avons présenté un projet de loi qui rendrait la vie plus difficile pour les criminels, qui a voté contre? Les réformistes, bien sûr. Ils disent une chose et font le contraire. C'est ce à quoi il faut s'attendre de ce parti.

Le Parti réformiste nous demande maintenant d'abroger l'article 745 de sorte qu'un détenu ne puisse pas présenter une demande de libération conditionnelle avant 25 ans. Il faut se rappeler qu'il s'agit seulement d'une demande. Cela ne veut pas dire que le détenu sera libéré à ce moment-là. Il en est de même pour ceux qui ne peuvent pas présenter de demande avant 15 ans. Cela veut simplement dire que le détenu peut présenter une demande. Cela ne veut pas dire qu'il sera libéré après 15 ans.

Je suis surpris de la réaction du Parti réformiste. Notre approche me semble raisonnable. Il est raisonnable de donner au système de justice pénale la discrétion nécessaire pour traiter les gens de différentes façons selon les circonstances particulières. Je suis extrêmement déçu que le Parti réformiste ne comprenne pas cela dans des cas particuliers.

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Je donne un exemple. Cette affaire est devant les tribunaux, mais porte sur un sujet différent. Il s'agit de l'affaire Latimer. Il est étonnant que les réformistes ne proposent pas de donner aux juges le pouvoir d'imposer un délai moins long pour devenir admissible à la libération conditionnelle. Peut-être devraient-ils proposer que, dans le cas de personnes comme Paul Bernardo, les juges puissent décider de ne jamais leur permettre d'être admissbles à la libération avant qu'ils aient servi 75 ans ou 150 ans, mais ils ne le font pas. C'est à cela qu'il faut s'arrêter.

Le député qui est intervenu avant moi parlait de peines consécutives. Une peine d'emprisonnement à vie est une peine d'emprisonnement à vie. Une peine consécutive à la vie, cela n'a aucun sens. Le criminel est emprisonné à vie ou il ne l'est pas. C'est l'admissibilité à la libération conditionnelle qui fait problème. Les juges devraient avoir le pouvoir de prescrire, au moment de la détermination de la peine, un délai d'attente plus long. Il conviendrait toutefois de se pencher sur cette question à un autre moment, en même temps que toutes les conditions d'admissibilité applicables en l'espèce.

Voilà le genre de question qui pourrait être examiné, mais les réformistes ne voient malheureusement pas si loin. Ils vont au plus


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simple, assimilant le meurtre au premier degré au meurtre prémédité. Cela correspond parfois à la réalité. Malheureusement, ils n'ont pas lu le Code criminel, car il peut aussi y avoir meurtre au premier degré sans préméditation.

Les réformistes feraient mieux de lire le Code criminel, car ils induisent le public en erreur quand ils disent que le meurtre au premier degré doit forcément être prémédité; ce n'est pas vrai. C'est une fausseté qu'ils disent à tout propose, à la Chambre. C'est ça le problème avec les réformistes. Il leur suffirait d'ouvrir le Code criminel et de lire la définition de meurtre au premier degré-c'est écrit en noir sur blanc-mais ils ne le font pas. Ils s'y refusent; ils en sont incapables. Peut-être devrions-nous leur fournir un exemplaire du Code.

Ils préfèrent continuer de tempêter contre le meurtre au premier degré sans prendre la peine de lire le Code parce que cela pourrait les desservir d'en savoir plus sur la question. Voilà le problème.

Toutes sortes de chiffres ont été avancés dans le contexte de l'admissibilité à la libération conditionnelle. Un député réformiste a parlé d'un taux de récidive de 10 p. 100 chez les libérés conditionnels. Pourquoi ne pas parler de ceux qui ne récidivent pas? Je n'accepte pas ces chiffres d'emblée; je vais les vérifier. Lorsque les réformistes se mêlent de citer des chiffres, je ne les accepte jamais comme parole d'évangile; je préfère vérifier.

Si les chiffres avancés sont exacts, cela veut tout de même dire que 90 p. 100 des libérés conditionnels tournent bien. Pourquoi ne pas en tenir compte? Un taux de réussite de 90 p. 100 est excellent dans bien des disciplines, mais, pour les réformistes, ce n'est pas suffisant. Ils préfèrent ne pas en tenir compte.

Encore une fois, les membres du Parti réformiste donnent une fausse interprétation de l'admissibilité au bout de 15 ans. Si une personne peut présenter une demande au bout de 15 ans et voit son délai d'admissibilité réduit à 17 ou 19 ans, par exemple, cela ne veut pas dire que la personne sera libérée à ce moment-là. La commission des libérations conditionnelles doit toujours décider.

Le député réformiste devrait parfaitement savoir que, depuis leur arrivée au pouvoir, en 1993, les libéraux ont resserré les exigences à respecter pour devenir membre d'une commission des libérations conditionnelles, de sorte que ce sont les gens les plus compétents qui sont nommés. La commission des libérations conditionnelles fait du bon travail à cet égard et les réformistes doivent faire confiance aux membres des commissions. Ce sont des gens compétents qui prennent leur rôle au sérieux et qui traitent les dossiers consciencieusement.

Quand, au bout de 15 ans, un détenu présente une demande aux termes de l'article 745, ce n'est pas à un juge qu'il le fait. Il ne présente pas sa demande à un membre du barreau. Dieu merci, ce n'est pas à un député réformiste non plus. Il présente sa demande à la collectivité où il a commis son crime. Ce sont les membres de cette collectivité qui déterminent si la période d'admissibilité à la libération conditionnelle sera réduite. Ce sont les membres de la collectivité.

(1225)

Aujourd'hui, les réformistes, qui disent représenter la collectivité, sont en train de nous dire qu'ils ne veulent pas que les membres de la collectivité déterminent si la période d'admissibilité devrait être réduite. Ils veulent retirer ce pouvoir aux membres de la collectivité. Je suis très étonné. Un parti qui se vante de représenter les gens ordinaires affirme: «Il ne faut pas laisser les membres ordinaires d'une collectivité prendre cette décision.» Le Parti réformiste défend une position intéressante. Encore une fois, ils disent une chose et en font une autre.

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Madame la Présidente, je suis très heureuse de participer à ce débat parce que je représente les électeurs de Surrey-Nord, qui ont été touchés par un certain nombre de crimes violents, y compris des meurtres commis en série. Clifford Olson est au nombre de ceux qui ont terrorisé nos quartiers. Je suis donc très heureuse d'avoir l'occasion d'exprimer mon point de vue sur cette mesure législative.

Le député qui a pris la parole avant moi a fait allusion à notre inaptitude à lire le Code criminel. Toutefois, celui-ci a ajouté que, dans le cas de ce projet de loi, la demande n'est pas faite à un juge mais plutôt à la collectivité. En fait, si le député veut bien lire le paragraphe 745(1), il constatera que la demande est bel et bien adressée à un juge en chef.

Le député a aussi fait allusion à l'affaire Bernardo et au fait d'accorder une certaine latitude aux juges relativement à la détermination de la peine et à la possibilité d'accorder ou non une libération conditionnelle. Si je comprends bien le projet de loi, même si un juge décide au moment du prononcé de la sentence de ne pas accorder le droit à une libération conditionnelle, le fait est que 15 ou 20 ans plus tard, une autre procédure permettrait à l'intéressé de présenter une demande d'admissibilité à la libération conditionnelle. En d'autres mots, la décision rendue à l'origine par le juge pourrait être renversée. Je ne sais pas si cette façon de faire est la solution au problème.

Je veux formuler deux observations relativement à ce projet de loi. La première a trait au contenu comme tel. Cette mesure vise à créer une sorte de présélection en vertu de laquelle les détenus n'auraient pas tous la possibilité de demander une libération conditionnelle. Ce processus pourrait réduire quelque peu le temps que les tribunaux consacrent à cette question. Toutefois, je suis portée à croire qu'en vertu d'un tel processus, une influence indue pourrait être exercée sur le jury, sinon à d'autres étapes du processus.

En fait, le détenu présentera une demande à un juge en chef, qui étudiera le cas. Sauf erreur, c'est au paragraphe 1(2) que sont précisés les points devant être pris en considération par le juge, notamment le nombre d'années d'incarcération sans possibilité de libération conditionnelle, la conduite du requérant durant l'exécution de sa peine, son caractère et la nature de l'infraction.


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Il semblerait logique de supposer qu'étant donné que, depuis 20 ans, on insiste beaucoup sur la réadaptation en milieu carcéral, cet aspect devrait être un critère bien défini dans la loi. Celui-ci serait évalué en fonction de la participation du requérant aux programmes de réadaptation et des progrès accomplis par celui-ci dans le cadre de tels programmes. Je m'écarte quelque peu du sujet.

Ce que je veux faire ressortir c'est que le juge qui évalue ces critères dans le cadre de l'étude d'une demande doit décider si la demande peut être transmise à un juge désigné dans une province et à un jury, aux fins d'étudier s'il y a lieu d'accorder une libération conditionnelle. Cette étape du processus ne serait atteinte que si le juge, dans sa sagesse, estime que le détenu peut bénéficier d'une libération conditionnelle. Dans tous les autres cas, les demandes seraient rejetées.

(1230)

Un des arguments invoqués pour ne pas admettre les déclarations de la victime devant le tribunal, c'est qu'elles pouvaient influencer le jury. Je soutiens que le même principe s'applique en l'occurrence. Un éminent juriste a fait avancer certaines causes. Je serais portée à croire qu'un jury constitué de profanes pourrait être porté à croire que ces requérants seraient peut-être admissibles à la libération conditionnelle. Il se pourrait d'un autre côté qu'il ne soit pas influencé à cet égard, mais la possibilité qu'il le soit existe. Par conséquent, je crois que cette méthode de sélection pourrait constituer une influence indue.

Une autre chose qu'il faudrait faire remarquer concerne le débat que nous avons tenu il y a un an au sujet de l'article 745. On y a apporté à ce moment-là des modifications de pure forme. Ce débat a montré que nous estimions qu'il s'agissait de demi-mesures ou de modifications de pure forme. Or, nous voici en train d'examiner les mêmes dispositions et de les modifier un peu plus.

Je suis portée à me demander pourquoi nous devons revenir sur le même genre de question. Deux explications me viennent à l'esprit. D'abord, le gouvernement n'était peut-être pas prêt à s'attaquer à l'ensemble de la situation il y a un an et à remédier pour de bon au problème. Par ailleurs, nous assistons peut-être à l'implantation graduelle de la part du gouvernement d'une solution qui ne recueille pas nécessairement la faveur populaire.

Or, quand nous, les citoyens, élisons un gouvernement, nous nous attendons à ce qu'il dirige et à ce que son action serve à préserver le type de société que la majorité des citoyens ont approuvé. Je ne crois pas vraiment que le gouvernement se rende compte que la majorité des citoyens n'approuvent pas cette mesure. Nous ne pouvons pas accepter ce genre de mesure. Une décision dichotomique s'impose. Ou bien nous acceptons cette demande visant à saisir directement le jury du dossier ou bien nous ne l'acceptons pas du tout.

Nous ne voulons pas qu'on puisse faire une telle demande. Tenons-nous en à la décision du premier juge et du premier jury qui ont passé ces individus en jugement et qui les ont condamnés à rester en prison durant 15 ans. Cela fait également comprendre aux citoyens qu'ils ne peuvent pas contourner le système et courir le risque. Ils doivent réfléchir aux conséquences de leurs actes, car ils en seront tenus responsables. Si l'on tue quelqu'un, on sera immanquablement condamné à 25 ans de prison. Cela peut en dissuader certains. Il y en a que cela ne dissuadera pas de tuer, mais je suis convaincue que le nombre des meurtres diminuera.

À l'heure actuelle, c'est comme jouer à la roulette. On court le risque, on retient les services d'un bon avocat et on court la chance de s'en tirer pas si mal.

Instituer un tel processus de sélection bat en brèche un certain nombre de principes. Il n'existe pas de demi-mesure, mais telle semble être la tendance que nous observons depuis trois ans. Nous ne semblons pas vouloir retenir la solution qui s'impose. Nous ne faisons que la moitié du chemin. Dans certains cas, nous ne faisons même pas la moitié du chemin. Et ensuite, nous remettons la question sur le tapis.

Si nous la remettons sur le tapis, c'est peut-être parce qu'après l'avoir abordée il y a un an, le gouvernement s'est rendu compte que les Canadiens n'étaient certainement pas satisfaits de la mesure qu'il avait prise à ce moment-là. Je ne sais pas si nous essayons de remédier à cela maintenant ou si nous n'assistons pas plutôt à une tentative pour implanter graduellement, au long d'une certaine période de temps, un système dont les Canadiens ne veulent pas, dans l'espoir qu'ils ne s'en aperçoivent même pas si cela se fait sur une période suffisamment longue. Le système s'implantera de façon très insidieuse et finira soudain par être bien implanté.

J'y trouve beaucoup à redire. Le processus de sélection, utilisé pour exercer un contrôle, pour faire économiser du temps ou pour quelque raison que ce soit, ne parviendra pas à faire ce qu'il est censé faire. En fait, ce système en vertu duquel un juge, quelque part, devra examiner à fond la demande du requérant en vue d'obtenir une audience devant un juge et un jury fera tout simplement double emploi. Le dossier que le juge examinera, le jury devra l'examiner lui aussi. Je suis fermement convaincue qu'au lieu de faire office de sélection, ce système aura pour effet d'intimider ou d'influencer le jury, dont les membres se diront que le juge avait de l'expérience dans le domaine en question.

(1235)

On a dit que ce système pourrait donner aux détenus condamnés à 25 ans de prison un faible espoir de voir leur peine réduite à 15 ans. Quand on accorde ainsi la libération conditionnelle, on donne plutôt aux victimes et à leurs familles un faible espoir que justice finisse par être faite.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Madame la Présidente, j'aimerais pouvoir dire que c'est un plaisir de prendre part au débat sur le projet de loi C-45, mais c'est impossible. Nous devrions plutôt être en train d'étudier la mesure d'initiative parlementaire du député de York-Sud-Weston, qui prévoyait l'abrogation de l'article 745 du Code criminel.

Le projet de loi C-45 est encore une réforme timide du système pénal. Il y a un instant, le représentant de Saskatoon-Dundurn, l'un des rares députés ministériels à avoir pris la parole dans ce débat, a dit que le Parti réformiste manquait de réalisme, qu'il était trop sévère dans la répression du crime. Je voudrais en discuter avec lui. Je souhaiterais qu'un plus grand nombre de ses collègues soient ici pour justifier ce projet de loi. Je signale que, lorsque le projet de loi du député de York-Sud-Weston était à l'étape de la deuxième lecture, 74 députés libéraux ont voté pour, ce qui nous porterait à


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conclure que beaucoup de députés d'en face ne peuvent pas appuyer le projet de loi C-45.

Autre illustration de la mollesse des mesures prises par le gouvernement, la prétendue révision de la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous avons voulu donner du mordant, un sens réel à ces modifications, mais le gouvernement a refusé.

Je songe à un incident survenu récemment à Toronto. Quatre jeunes ont entraîné une jeune fille de 13 ans dans un appartement et l'ont violée. Le chef du groupe était un garçon de 11 ans qui s'est tout simplement ri des policiers, du système de justice pénale et de la Loi sur les jeunes contrevenants lorsqu'il a été mis en demeure de répondre de son crime.

Deux garçons plus âgés s'en sont tirés avec des peines de deux ou trois ans, mais qu'est-il arrivé à ce jeune qui avait pris la tête du groupe? Rien de plus que de se faire qualifier de fieffé menteur par le juge. Quelle rigolade pour ce jeune qui est rentré chez lui sans être inquiété davantage.

Un autre incident est survenu dans ma propre circonscription, à Sydney, dans l'île de Vancouver. Deux jeunes contrevenants se sont attaqués à un adolescent qui circulait à vélo, ils l'ont jeté au sol contre la bordure de béton et l'ont battu à mort. Dans sa sagesse, le tribunal a renvoyé la cause au tribunal pour adultes. Les jeunes ont été reconnus coupables et condamnés à une peine de deux ans. Est-ce vraiment juste? Un jeune est mort à 17 ans et ses meurtriers s'en tirent avec deux ans? Que vaut ce genre de justice?

Ma collègue de Surrey-White Rock-South Langley a dit, lorsque la peine de mort a été abolie et qu'on a discuté de l'admissibilité à la libération après 25 ans, que, assurément, les opinions étaient très tranchées de part et d'autre, mais que 25 ans, c'était vraiment peu lorsqu'on a délibérément privé quelqu'un de la vie, lorsqu'on a commis un meurtre au premier degré.

(1240)

Je vous avoue tout de suite que je ne suis pas en faveur de la peine de mort. La possibilité qu'une erreur soit commise et qu'un innocent perde la vie est trop grande. Par contre, je crois qu'un individu condamné à une peine d'emprisonnement à vie devrait être incarcéré pendant toute sa vie. Il devrait passer le reste de sa vie en prison. S'il est déclaré innocent par la suite, il est alors possible de le libérer. Si son innocence n'est jamais prouvée ultérieurement, il devrait passer le reste de sa vie en prison.

À l'heure actuelle, grâce à la disposition concernant la libération d'office, les criminels condamnés à une peine d'emprisonnement de dix ans sont admissibles à la libération conditionnelle bien avant la fin de cette période. Si l'on ajoute une réduction de peine pour bonne conduite, cela signifie que l'individu purge bien souvent moins de la moitié de sa peine d'emprisonnement.

J'admets que, dans les cas de crimes non violents, une peine d'emprisonnement est non seulement coûteuse, mais aussi inadéquate, puisque les auteurs de ces crimes ne sont pas dangereux et ne représentent pas une menace pour la société. Toutefois, dans le cas des contrevenants dangereux, il faut veiller à ce que ces criminels et tous ceux qui envisagent de perpétrer un crime avec violence soient conscients du fait que leur délit pourrait avoir de graves conséquences, s'ils sont condamnés.

Le problème, c'est que la personne qui a été tuée purge réellement une peine éternelle. Elle n'a droit à aucun recours, à aucune indemnité, à rien du tout. Elle a disparu à tout jamais. Sa vie a été fauchée. Le tueur qui lui a enlevé la vie devrait également porter ce fardeau. Pour avoir commis un tel crime, il devrait être emprisonné pour le reste de sa vie.

Que dire des familles des victimes? Il est particulièrement important d'en parler, puisque cet article permet aux auteurs de meurtre au premier degré de présenter une demande de libération conditionnelle après seulement 15 ans d'emprisonnement. Ces familles ont vécu un véritable calvaire lorsque leur proche a été tué. Elles ont dû identifier le corps et entendre les détails sordides du crime qui a coûté la vie à leur être cher. Elles ont dû ensuite accepter la fatalité des événements et apprendre à vivre avec leur perte. Puis, après une brève période de quinze ans, elles doivent revivre le tout.

Pour punir les meurtriers, et surtout les auteurs de meurtre au premier degré, il faut appliquer des peines consécutives et non des peines concomitantes. Pourquoi un individu de la trempe de Clifford Olson, condamné pour avoir tué 11 enfants, devrait-il obtenir une seule peine d'emprisonnement à vie plutôt que 11 peines d'emprisonnement à perpétuité? Comment peut-on approuver cet état de chose?

Le même principe s'applique à Paul Bernardo. Cet individu a manipulé, torturé et cruellement assassiné deux jeunes femmes et peut-être plus. Il a été condamné à la prison à perpétuité. Il sera admissible à une libération conditionnelle dans 15 ans si ce projet de loi est adopté, ce qui est fort probable compte tenu de l'écrasante majorité du gouvernement.

Le député de Saskatoon-Dundurn s'est inscrit en faux contre la déclaration de mon collègue sur le taux de récidive, soit 10 p. 100 contre 90 p. 100. Dix pour cent récidivent et 90 p. 100 ne le font pas. Je m'inquiète non pas tant pour le meurtrier que pour ses victimes potentielles. Un risque de 10 p. 100 est-il acceptable? Ces gens-là ont prouvé qu'ils sont capables de tuer délibérément. Ne devrait-on pas les garder en prison compte tenu du risque qu'ils présentent de tuer quelqu'un d'autre si on les libère?

À l'été de 1987, le meurtrier Daniel Gingras a réussi à tuer deux personnes pendant qu'il bénéficiait d'une libération conditionnelle de jour temporaire.

(1245)

En 1988, Joseph Fredericks, un pédophile sadique trouvé coupable a enlevé, violé et poignardé à mort un garçon de 11 ans dans le sud de l'Ontario pendant qu'il bénéficiait d'une libération conditionnelle.


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Le projet de loi C-45 ne doit pas être adopté et l'article 745 doit être abrogé.

M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Madame la Présidente, en réfléchissant à la teneur de mon intervention à la Chambre aujourd'hui, j'ai pensé que je pourrais parler des dispositions du projet de loi à l'étude. Il y a énormément à dire à ce chapitre.

J'ai même pensé étudier en profondeur les échecs du gouvernement, depuis 15 ou 20 ans, par rapport au système de justice pénale. J'ai décidé de commencer par poser à la Chambre certaines questions au nom des électeurs de la circonscription de Skeena.

Au cours de la dernière campagne électorale, j'ai rencontré une femme de Smithers; sa fille a été poursuivie partout en Colombie-Britannique par un ancien amoureux qui, finalement, l'a sauvagement poignardée à mort.

Les autres filles de cette femme ont perdu une soeur, un membre très précieux de leur famille. C'est irréversible. Qu'est-il advenu de l'auteur de ce meurtre? Je vais dire aux députés ce qui lui est arrivé. Il a passé deux ans en prison avant de comparaître devant le tribunal. Il a été trouvé coupable et a été condamné à 10 ans.

Nous savons tous que, compte tenu de la façon dont le système fonctionne, il pourrait dès maintenant être admissible à une libération conditionnelle. Le meurtre a eu lieu en 1991 ou 1992, si je ne m'abuse. Que dois-je dire à cette femme?

Lorsque je faisais campagne, elle m'a dit ceci: «Je veux que vous alliez me représenter à Ottawa. Faites-vous élire. Je veux que vous fassiez quelque chose au sujet de notre système de justice pénale. Il nous a misérablement laissé tomber ma famille et moi. Vous n'avez pas idée du supplice que ma famille et moi avons vécu. Celui-ci n'est d'ailleurs pas terminé. Il n'a pas cessé. Je veux que vous alliez à Ottawa me représenter ainsi que ma famille et tous les autres Canadiens qui se retrouvent dans cette situation et que vous fassiez ce que vous pouvez pour que cela change.»

À un moment donné, je devrai rendre des comptes à cette femme. Elle me demandera: «Qu'avez-vous fait?» Je devrai lui dire que, malgré les efforts que j'ai déployés avec mes collègues du Parti réformiste, certains ayant travaillé très fort pour faire changer les choses, rien n'a été fait.

Que dois-je dire à la famille d'un pêcheur commercial qui a été sauvagement battu à mort à coup de bâton et de pierre? L'an dernier, une bande de jeunes voyous de Prince Rupert lui ont donné des coups de pied jusqu'à ce qu'il rende l'âme. Cela a fait les manchettes à l'échelle nationale. Comment cela peut-il se produire au Canada? Comment se fait-il qu'un groupe de jeunes garçons de 12, 14 ou 15 ans puissent faire cela à quelqu'un qui ne présentait aucune menace pour eux et qui se mêlait tout simplement de ses affaires lorsque cela est arrivé?

Que devons-nous dire à la famille de cet homme? Que devons-nous dire aux honnêtes citoyens de Prince Rupert qui sont sous le choc et tentent de trouver une explication à ce drame? Quelles sont les circonstances qui font que ce genre d'activité inhumaine peut se dérouler dans notre société?

Qu'allons-nous faire à cet égard? En somme, je dois aller dire à la population de ma circonscription et aux honnêtes citoyens de Prince Rupert que le gouvernement du Canada n'a pas encore compris. Il n'est pas encore prêt à apporter des modifications significatives.

Que dois-je dire à cette jeune femme de Terrace qui a été agressée, battue et violée chez elle, l'an dernier, au milieu de la nuit? Son agresseur a été traduit devant les tribunaux. Il a été condamné à deux ans de prison. Or, guère plus d'un plus tard, il est admissible à une libération conditionnelle; il se peut fort bien qu'il jouisse déjà d'une libération conditionnelle et qu'il soit libre de retourner à Terrace où il a commis son crime. Cela a été à l'origine de la tenue d'une manifestation monstre à Terrace cet été à laquelle j'ai participé et où les gens ont non seulement exprimé leur réprobation à cet égard, mais encore ont exigé des changements.

(1250)

Les personnes présentes à la manifestation ont pris le temps d'y assister pour montrer leur solidarité avec la collectivité en présentant ces demandes de changement. Je dois maintenant retourner devant elles et leur dire ce que le gouvernement a fait. Le gouvernement prétend qu'il a à coeur le bien-être de la société. Il prétend qu'il envisage d'apporter des changements sérieux au système de justice pénale. Mais la réalité, c'est qu'il n'a fait qu'apporter des modifications mineures à la Loi sur les jeunes contrevenants. Il n'a fait qu'apporter des modifications mineures au régime des libérations conditionnelles et au système de justice pénale. Il n'a fait qu'apporter des modifications mineures comme celle qui figure dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Et dans une manoeuvre des plus cyniques, il a imposé une loi sur le contrôle des armes à feu à la population canadienne, le projet de loi C-68, qui est une tentative sans précédent visant à convaincre les Canadiens qu'il était vraiment sérieux quand il affirmait vouloir faire quelque chose à propos du système de justice.

La réalité, c'est que le gouvernement est tout à fait nul quand il s'agit de modifier le système de justice pénale. Il n'a pas vraiment l'intention de le modifier. Il n'a pas vraiment l'intention d'exiger l'imputabilité. Il n'a pas vraiment l'intention de placer les droits des victimes devant ceux des criminels. Bref, il n'a pas vraiment l'intention de faire quelque chose de constructif dans ce domaine.

Les députés peuvent s'attendre à ce que je retourne devant mes électeurs et à ce que je leur dise ce qui s'est passé ici à la Chambre des communes. Je vais leur dire que le projet de loi qui a été présenté à la Chambre pendant que j'étais leur représentant n'était rien d'autre que du rafistolage et que les libéraux au coeur tendre n'ont encore rien compris. Ils ne comprennent pas qu'ils ne sont pas sur la même longueur d'onde que la majorité des Canadiens, qui veulent des changements maintenant et qu'ils y tiennent.


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J'ai entendu certaines des interventions faites hier par des députés d'en face qui ont dit que le gouvernement s'inquiétait encore davantage de la réhabilitation. Le gouvernement se préoccupe encore plus des droits des criminels, des droits de ceux qui commettent des crimes que de ceux des victimes. Je vais dire à mes électeurs que le dossier du gouvernement en matière de justice pénale et de droits des victimes et de leur famille n'est rien de moins qu'épouvantable. C'est une infamie nationale et les gens d'en face devraient en rougir de honte. Ils peuvent s'attendre à ce que je propage ce message aux prochaines élections.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de participer pendant quelques instants au débat à l'étape du rapport du projet de loi C-45, présenté par le ministre de la Justice. Cette mesure législative vise à modifier le Code criminel relativement à la révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

J'ai suivi le débat attentivement. N'étant pas avocat, je veux comprendre un peu mieux l'essence de ce projet de loi et les questions qui s'y rattachent. Je comprends certainement les sentiments exprimés à cet égard au cours des derniers mois. Nous avons examiné des mesures d'initiative parlementaire portant sur l'article 745. Nous avons entendu des discours du ministre de la Justice à ce sujet.

(1255)

Ce projet de loi répond au désir des Canadiens de voir cette question réglée de la façon qui servira le mieux le système judiciaire.

En écoutant le débat, j'ai constaté qu'il était conforme au modèle très typique que nous avons vu pour beaucoup d'autres mesures étudiées à la Chambre, c'est-à-dire que des positions extrêmes sont prises et continuent d'être répétées, brossant un tableau qui ne correspond pas vraiment à la réalité du projet de loi et des questions qui s'y rattachent.

Si tous les députés devaient participer au débat sur ce projet de loi, il serait très intéressant de voir combien d'entre eux adopteraient une position particulière et diraient: «Je vais prendre tout le temps dont je dispose pour parler de Clifford Olson, pour dire à quel point il est méchant à cause de ce qu'il a fait, pour expliquer pourquoi ce projet de loi n'est pas la bonne solution et pour répéter que l'article 745 devrait être complètement abrogé à cause de Clifford Olson.» Nous versons donc dans les extrêmes, nous retrouvant dans une situation où c'est un tueur en série qui est au coeur du débat.

Dans ce cas particulier, je ne crois pas qu'il y ait une seule personne à la Chambre ni même au Canada qui soit prête à défendre la nécessité d'accorder à Clifford Olson une libération conditionnelle anticipée. Je suis convaincu que tous les Canadiens seraient d'accord pour dire que Clifford Olson ne devrait jamais être libéré, point à la ligne.

Nous parlons de l'article 745 du Code criminel, qui porte sur un sujet très délicat découlant en réalité du débat sur la peine de mort tenu il y a de nombreuses années. Je vais employer un langage simple et non un langage juridique dans mes explications.

L'article 745 est un compromis qui est né de ce débat sur la peine de mort. Lorsque le Parlement du jour a décidé qu'il ne pouvait pas appuyer la peine de mort au Canada, il a adopté l'article 745, qui dit essentiellement qu'après avoir purgé 15 ans d'une peine d'emprisonnement de 25 ans, un détenu peut présenter une demande d'admissibilité à la libération conditionnelle anticipée. Ce n'est pas une demande de libération conditionnelle anticipée. C'est un processus en deux étapes. Je n'ai pas entendu beaucoup de gens parler du processus comme tel dans ce débat.

Pour que les députés comprennent, je vais expliquer le processus de la façon dont il m'a été expliqué lors de la séance d'information que nous avons eue. Un détenu présenterait une demande de révision judiciaire de son inadmissibilité à la libération conditionnelle, révision qui serait faite par un jury formé de citoyens canadiens. Des gens ordinaires seraient membres de ce jury chargé d'examiner la demande présenté par le détenu. La requête ne pourrait être transmise à la Commission des libérations conditionnelles que dans le cas où un jury composé de pairs la jugerait recevable ou s'il s'agit d'un cas où l'on pourrait dire que l'auteur de la demande affiche un véritable remords et qu'il serait inutile de l'obliger à purger le reste de sa peine.

Il est intéressant de constater que ceux qui demandent l'abrogation de l'article 745 omettent de mentionner qu'un examen judiciaire est effectué par un jury composé de pairs, de citoyens ordinaires.

Le projet de loi C-45 comporte un autre élément et il s'agit, selon moi, d'un changement important. Il ajoute une étape supplémentaire qui permettra d'éliminer les facteurs de nuisance et d'améliorer la productivité du système, puisqu'un juge devra tout d'abord décider si une demande proposée est fondée. Autrement dit, si un détenu décide de faire une demande après avoir purgé 15 ans de prison, sa demande devra d'abord être évaluéer pour voir si elle mérite d'être examinée plus en profondeur. La décision sera rendue par un juge. Il lui incombera de décider, en se fondant sur le dossier et en tenant compte des recommandations du jury au procès initial, s'il y a lieu de poursuivre l'examen de la demande.

(1300)

Des individus comme Clifford Olson verraient alors leur requête rejetée complètement. Les individus de son espèce pourraient toujours présenter une demande, mais ils n'auraient aucune chance de bénéficier d'une libération anticipée ou même de jamais recouvrer leur liberté.

La seconde étape est l'examen de la demande par un jury composé de pairs. Les simples citoyens seraient informés de tous les faits, de toutes les circonstances, et il appartiendrait à des Canadiens, nos voisins, nos amis, de décider s'il y a lieu d'examiner une demande de réduction de peine ou de libération conditionnelle anticipée.

Si la demande est jugée recevable, elle passera ensuite à l'étape de l'examen devant le commission des libérations conditionnelles. Cette approche permet un examen complet et détaillé. La question


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se résume à ceci: Y a-t-il une personne condamnée à 25 ans de prison pour meurtre au premier degré dont on aurait dû envisager de réduire la peine? C'est une question très difficile.

Nombre de députés diront qu'un meurtre au premier degré est un meurtre au premier degré, que le meurtrier a ôté la vie à quelqu'un, qu'il devrait purger la totalité des 25 ans auxquels il a été condamné, un point c'est tout.

J'ai demandé à des responsables de la justice de me parler des cas où une demande avait été faite et accordée. J'ai constaté que ce n'était pas des Clifford Olsons, des membres des Hell's Angels qui tuaient des gens et bénéficiaient d'une libération conditionnelle anticipée.

Il s'agissait dans beaucoup de cas de problèmes familiaux où un conjoint maltraité tuait l'autre par réaction ou sous le coup de l'émotion. Il y avait aussi des cas où les disputes au sein de la famille amenaient l'un des membres de la famille à en tuer un autre. C'est une chose tragique et horrible dans notre société, mais nous savons tous qu'il est des circonstances où les gens sous l'effet des pressions et du stress commettent de très graves erreurs qui les marquent pour le reste de leur vie. Ces gens éprouvent beaucoup de remords. Les garder en prison durant cette période supplémentaire ne sert ni le Canada ni la société.

On peut arriver à de meilleurs résultats en démontrant clairement, sur la base d'un examen par les tribunaux, un jury composé de leurs semblables et la commission des libérations conditionnelles, que ces gens ne sont pas une menace pour la société. Or, malgré les circonstances compliquées ou atténuantes, techniquement, ces gens ont pourtant commis un meurtre au premier degré.

Je soulève ces points pour être sûr que tous les députés se rendent bien compte qu'on ne parle pas de gens comme Clifford Olson. Il ne fait aucun doute que tous les députés de cet endroit veulent veiller à ce que de telles situations ne lient pas les tribunaux et ne soulèvent pas le type de problèmes dont il a été question ici.

Le projet de loi C-45 apporte des changements constructifs. Je l'appuie et je sais que cette Chambre l'accueillera de façon favorable car c'est la chose à faire.

M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Madame la Présidente, j'ai ici quelques notes sur ce que je voulais dire au sujet de cette modification proposée par le gouvernement, et j'y viendrai peut-être. Après avoir écouté le discours du député de Mississauga-Sud, je veux aborder de nouveaux points qui me semblent plus importants.

L'un de ces points est au coeur du problème. Le gouvernement n'écoute pas les gens. Il y a une chose que le député a dite et qui a vraiment attiré mon attention. Quand il a parlé de la peine capitale, il a dit: «Le gouvernement de l'époque a décidé.» Le gouvernement de l'époque n'est pas censé décider. Je ne sais pas ce qu'il en est du gouvernement d'en face. Je ne sais pas ce qu'il en est du Parti libéral, mais, personnellement, je n'ai pas été élu pour imposer mes idées. J'ai été élu pour écouter, pour réagir à ce que j'entends et pour transmettre les messages ici, à Ottawa.

(1305)

Le gouvernement de l'époque a décidé. Le député l'a dit en toute innocence et je ne veux pas parler de lui en particulier, mais je crois qu'une telle conception du gouvernement est absolument dégoûtante. C'est ce qui nous a entraîné dans le bourbier que nous connaissons à bien des égards et particulièrement à l'égard du système de justice pénale et à l'idée de donner une lueur d'espoir aux meurtriers après 15 ans. Le député a dit qu'il pourrait être inutile d'obliger le criminel à purger le reste de sa sentence.

En l'occurrence, les criminels dont nous parlons ont été condamnés à vie, mais ne sont pas nécessairement détenus pour la vie. L'idée de base, c'est de les mettre en prison à vie, mais ce n'est peut-être pas utile d'enfermer une personne de 20 ans et de la garder en prison durant 60 ans, jusqu'à ce qu'elle ait 80 ou 85 ans. C'est indiqué précisément qu'on pense d'abord à une période de 25 ans et qu'une décision doit être prise par la suite. Voilà où intervient l'idée de la lueur d'espoir pour ceux qui ont été sages, qui semblent avoir des remords, qui montrent qu'ils comprennent le mal qu'ils ont fait et qui veulent essayer de se réformer. C'est déjà convenu que la peine véritable, ce n'est pas 25 ans, c'est la vie.

On dit maintenant qu'ils pourront peut-être sortir après 15 ou 20 ans. Si l'on accepte cela, on pourrait peut-être ensuite envisager de ramener cela à 10 ans. Les prisons sont pleines, il n'a tué personne d'important, alors on va le libérer. Ou bien, nous allons garder ce type en prison pendant 15 ou 20 ans parce qu'il a tué 10 personnes, mais comme vous vous n'en avez tué que deux ou trois, vous n'êtes pas si méchant que ça et, pour respecter un certain ordre de grandeur, il faut que nous vous libérions avant que vous ayez purgé votre peine. J'essaye d'être ridicule parce que c'est exactement ce qu'est toute cette idée.

Dans certains cas, comme ceux de Clifford Olson et de Bernardo, 25 ans est une peine bien légère. La seule idée qu'on puisse même envisager de les libérer conditionnellement au bout de 15 ans donne la nausée.

Je suis d'accord avec le député de Mississauga-Sud que les Clifford Olson de ce monde ne seront pas libérés au bout de 15 ans, c'est vrai mais ils auront une tribune pour proférer toutes sortes de propos orduriers qui ne peuvent sortir que de cerveaux aussi dépravés que les leurs et qui vont être un nouveau supplice pour ces familles qui ont déjà subi le supplice ultime. Pourquoi leur donner l'occasion de s'en prendre à nouveau à leurs victimes? Je ne vois vraiment pas à quoi ça peut bien servir.

Le député a également parlé du magistrat qui va empêcher que cela ne se reproduise. Je connais le cas d'une jeune femme qui a été assassinée et dont les parents habitent dans ma circonscription, en Colombie-Britannique. Ce n'est pas là que le meurtre a été commis, mais c'est le domicile des parents. Bien que ce soit une affaire relevant de la province, les parents se sont adressés à moi car ils n'arrivaient pas à obtenir le moindre secours du gouvernement provincial. Leur fille avait été poignardée 43 fois par son mari. Mort


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violente et horrible s'il en est. Il avait mis le corps à l'arrière de son pick-up, s'était rendu au domicile familial où se trouvait leur fille et avait attendu que les lumières s'éteignent car elle regardait la télévision.

Il avait garé le camion, contenant à l'arrière le corps de son épouse, dans le garage. Après être entré dans la maison et avoir fait ses bagages, il s'est rendu en ville, a fermé ses comptes bancaires, s'est fait rembourser l'argent que lui devait certaines personnes, a vendu sa voiture et s'est enfui au Mexique pour, selon ses propres mots, concocter une histoire qui se tienne.

Découvert, il est extradé. De retour au pays, il consulte son avocat et se constitue prisonnier. Il reconnaît avoir poignardé sa femme mais prétend que ce n'est pas sa faute. Je ne me souviens pas du terme juridique, mais il aurait perdu momentanément conscience de la réalité. Appelé à la barre, il déclare: «Je suis un type merveilleux et je trouvais ma femme formidable jusqu'au jour où j'ai craqué parce qu'elle m'asticotait. Je l'ai toujours bien traitée.»

La poursuite a essayé de faire comparaître son ex-femme qu'il avait battue à maintes reprises. L'autorisation lui a été refusée. Le juge dans ce cas, ce magnifique magistrat qui devait s'occuper des personnes peu méritantes comme Clifford Olson, a décidé que puisque cela s'était produit depuis plus de six mois, cela ne s'appliquait pas.

(1310)

Ensuite la poursuite a dit: «D'accord, nous allons présenter quelque chose qui s'applique davantage. Nous allons faire comparaître des témoins indépendants qui ont vu l'accusé, à au moins deux occasions, battre sa victime en public, à un point tel qu'elle a dû être secourue par des passants.» L'honorable magistrat a décidé que ce n'était pas approprié non plus parce que c'était simplement des ouï-dire et que la victime n'était pas présente pour être contre-interrogée.

Voilà la justice qui, selon le député, devrait empêcher les Clifford Olson de ce pays d'avoir la possibilité de demander à sortir.

Il y a une expression. Elle n'a pas été conçue spécialement contre les membres du gouvernement, mais elle s'applique bien, c'est «libéraux au coeur tendre». C'est une généralisation qui ne s'applique pas seulement au Parti libéral, mais qui est tout à fait adaptée, surtout dans ce cas-ci. Libéraux au coeur tendre.

C'est pas si terrible. Il n'y a pas de mal à avoir le coeur tendre, à condition que ce soit à l'égard de ceux qui le méritent. Lorsque c'est à l'égard de Clifford Olson, dont les victimes sont de jeunes enfants, leurs parents, leur famille, et que l'on a une clause qui donne une lueur d'espoir à ce meurtrier de tant d'enfants, ce meurtrier qui a jeté le désarroi dans tant de familles, nous avons un problème. Actuellement, nous avons un problème de taille et ce problème c'est le Parti libéral.

Pendant des années j'ai été entrepreneur en construction. Lorsqu'il y a un défaut dans les fondations, si le problème ne touche qu'une petite zone, on peut parfois le réparer. Par contre, quand toute la fondation est pourrie, il faut la démolir. On ne peut pas la réparer. Il est impossible de réparer une chose aussi pourrie que l'article 745. Il faut le supprimer entièrement.

Récemment j'ai acheté une voiture. Je l'ai payé 25 000 $. Mais je ne me suis pas rendu au garage lorsque la voiture a été prête en leur disant: «Je vais vous donner simplement 15 000 $ parce que je veux avoir une lueur d'espoir que j'économiserai de l'argent.»

Si on impose une peine, celle que les gens de ce pays ont demandé, 25 ans c'est le minimum. Ce n'est pas le maximum. Les détenus peuvent rester en prison plus longtemps. Nous nous sommes déjà présentés devant ce magistrat qui, selon le député de Mississauga-Sud, est si honorable et va nous protéger. S'il accepte cela, pourquoi n'écoute-t-il pas cet autre magistrat qui disait que 25 ans c'est le minimum? Pourquoi le gouvernement veut-il intervenir et dire: «C'est peut-être le minimum, mais nous allons le diminuer considérablement.» Cela n'a aucun sens.

L'article 745 doit être éliminé. Une chose qui est totalement pourrie ne peut pas être réparée. Nous devons nous en débarrasser. C'est un principe général qui s'applique ici également.

Mme Sharon Hayes (Port Moody-Coquitlam, Réf.): Madame la Présidente, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-45, Loi modifiant le Code criminel (révision judiciaire de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle ) et une autre loi en conséquence.

Je tiens tout d'abord à poser une question. Que pense le gouvernement? Quelle est son intention? Je suis ici depuis trois ans seulement mais je me demande: avons-nous fait quelque progrès que ce soit dans un domaine quelconque depuis trois ans? En ce qui concerne le système de justice pénale, je me demande dans quel but exactement le gouvernement propose cette modification.

Le projet de loi C-45 est censé rendre le système de justice plus rigoureux. Je dirais qu'il s'agit plutôt d'un timide effort de relations publiques, semblable à la plupart des prétendues réformes annoncées par le gouvernement dans le but de montrer à la population canadienne qu'il bouge.

Examinons brièvement l'évolution du système de justice en ce qui concerne cette question en particulier, soit la question du meurtre au premier degré.

(1315)

Le dossier remonte à l'époque d'un autre libéral, le premier ministre Trudeau. À l'époque, dans le cadre du système de justice, les droits des criminels et le processus de leur réadaptation primaient par rapport à toute idée concernant l'importance ou la priorité à accorder à la protection des citoyens respectueux des lois.

Depuis l'époque de Trudeau, au cours des 20 dernières années, les deux partis traditionnels, tant les libéraux que les conservateurs, sont devenus de plus en plus tolérants à l'égard de la criminalité et des criminels. Malheureusement, on ne peut devenir plus tolérant à


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l'égard des criminels sans rendre la vie plus difficile à toute la société et surtout aux victimes des crimes commis par ces criminels.

Tout d'abord, on a remplacé la peine de mort part une peine d'emprisonnement à perpétuité. Par la suite, on a prévu une libération conditionnelle pour que l'emprisonnement à perpétuité ne représente pas une peine minimale de 25 ans d'emprisonnement. Comme beaucoup de mes collègues l'ont dit plus tôt, on a adopté un article donnant une lueur d'espoir d'être libéré qui accorderait automatiquement le droit à un individu de demander une libération conditionnelle anticipée après 15 ans. Les faits montrent que les chances d'être libérés sont excellentes.

Entre-temps, comme on l'a dit aujourd'hui, le système est confronté à des criminels comme Clifford Olson qui ont le droit de faire appel à un processus qui est tout à fait contraire aux fondements de la justice et qui est incompréhensible pour la majorité des Canadiens.

Aujourd'hui, avec cette modification, on pousse ce processus encore plus loin. Cette mesure vient d'un gouvernement de libéraux au coeur tendre qui pensent qu'il suffit de retirer toute possibilité de libération conditionnelle seulement aux auteurs de crimes multiples pour prouver qu'on est ferme envers les criminels. C'est tout à fait ridicule. Le gouvernement libéral prétend aujourd'hui qu'on prend des mesures en ce qui concerne le système de justice pénale. Il n'y a rien de concret et d'utile dans cette mesure, qui va plutôt à l'encontre du bien de notre société.

Je voudrais rappeler à la Chambre les récentes modifications que le gouvernement a apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants et qui étaient censées rendre le système meilleur. Là encore, il s'agissait d'un écran de fumée pour cacher le fait que les libéraux ne prennent pas le crime au sérieux. Ce sont ces modifications qui font courir un plus grand risque encore à la société de nos jours.

J'en ai déjà parlé, mais dans ma circonscription, il y a un peu plus de deux ans, il y a eu un meurtre. Mon collègue l'a mentionné. C'était un meurtre de sang-froid, alors qu'on a battu à mort un jeune à cinq coins de rue de ma maison. Les coupables étaient deux jeunes contrevenants.

Notre collectivité a vivement réagi en invitant fortement le gouvernement à apporter des modifications. Une manifestation a réuni plus de 3 000 personnes. On n'avait jamais vu cela dans ma circonscription auparavant. Il y avait plus de 3 000 personnes présentes.

Cet été, le jeune qui était alors âgé de 15 ans et qui a maintenant 17 ans a été traduit devant un tribunal pour adultes à la suite des modifications apportées par le gouvernement à la Loi sur les jeunes contrevenants. On a examiné le cas et on l'a condamné en fonction des dispositions touchant les jeunes contrevenants traduits devant les tribunaux pour adultes, là encore à la suite des modifications apportées par le gouvernement.

Le meurtrier de sang-froid de Graham Niven dans les rues de notre ville aurait été condamné à dix ans de prison aux termes de la précédente Loi sur les jeunes contrevenants. Étant donné qu'il a été traduit devant un tribunal pour adultes, il n'a été condamné qu'à cinq ans pour ce meurtre de sang-froid. Comme il avait déjà purgé deux ans de prison entre-temps, il pourra circuler librement dans les rues de Port Moody-Coquitlam dans trois ans. À ma connaissance, il n'y a pas eu de repentir de la part de ce jeune homme. Il n'a manifesté ni sentiment de culpabilité ni remords. Or, d'ici trois ans, ce jeune qui a commis un meurtre de sang-froid arpentera nos localités, nos rues, et ce, grâce aux magnifiques modifications que le gouvernement apporte sous prétexte d'améliorer notre système judiciaire. Le système ne se soucie pas de rendre des comptes ni d'en exiger. Le système ne se soucie pas de la sécurité publique qui est menacée dans les rues de nos villes.

(1320)

Je sais pertinemment que mes électeurs ne croient pas que le projet de loi C-45 soit sévère envers les criminels. Je sais pertinemment que les électeurs de mes collègues en pensent tout autant. Les Canadiens estiment que ce projet de loi n'est pas assez sévère. Une fois de plus, les libéraux font la preuve qu'ils ne sont plus en contact avec la population canadienne. Ils ne se soucient pas de connaître l'opinion des Canadiens. Ils semblent vouloir représenter l'opinion du ministère de la Justice qui est déconnecté, l'opinion d'un ministre de la Justice qui nous prouve constamment qu'il est déconnecté, qu'il ne connaît rien aux attentes et aux souhaits de la population canadienne.

M. Discepola: Seuls les réformistes sont connectés.

Mme Hayes: Mon collègue dit que seuls les réformistes sont connectés. Nous tenons à représenter nos électeurs. Pourquoi les libéraux ne se soucient-ils pas de ce que pensent leurs électeurs?

Le projet de loi d'initiative parlemantaire qu'a présenté le député de York-Sud Weston a été écarté. On ne voulait rien en savoir. Il exigeait l'abrogation de l'article 745. C'est ce que nous devons viser, au lieu de chercher seulement à le modifier un tout petit peu, comme nous l'avons fait dans le cas de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il faut apporter de véritables changements.

Soixante-quatorze députés ont appuyé ce projet de loi-là. Où sont-ils aujourd'hui? Où sont les ministériels qui devraient exiger à grands cris des changements? Il nous faut abroger l'article 745. Pour l'amour du ciel, pourquoi le ministère de la Justice règne-t-il en souverain, sans tenir compte de l'opinion des Canadiens? Ces ministériels adhèrent à toutes les priorités du gouvernement, qu'il s'agisse de la libération conditionnelle d'office, du traitement des immigrants illégaux ou de la petite minorité d'immigrants qui enfreignent la loi. Ce sont là toutes des choses que les Canadiens trouvent tout à fait honteuses. Le gouvernement n'accorde pas la priorité qu'il faudrait au système de justice pénale, pas plus qu'il tient compte de l'opinion des Canadiens.

Le député de Skeena a posé d'excellentes questions. Que disons-nous à une femme dont le mari a été assassiné lorsque nous savons qu'elle devra vivre dans la douleur le reste de ses jours, alors que le criminel aura une possibilité d'être libéré après 15 ans? Que disons-nous à des enfants dont la mère a été violée et assassinée par un récidiviste qui s'est vu accorder une libération anticipée par un


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système de justice qui ne prend pas ce crime au sérieux? Que disons-nous aux familles des victimes de Clifford Olson lorsqu'il demande une libération anticipée? Que disons-nous aux mères et aux adolescents qui habitent la même rue que le jeune contrevenant qui sera libéré dans trois ans?

Les députés libéraux qui ont pris la parole ne comprennent pas la colère des Canadiens ou leur appui massif en faveur d'un référendum sur la peine capitale. Les réformistes écoutent les Canadiens, parlent d'un référendum de ce genre et l'appuient. Comment ces députés peuvent-ils se dire représentants de la population? Ils ont réussi à rater le message. Qui écoutent-ils? Ils n'entendent pas les gens que j'entends.

Nous devrions abroger l'article 745, et non le rafistoler. Avec mes collègues, je voterai contre le projet de loi C-45.

Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Madame la Présidente, je pense que nous devrions vraiment examiner certains détails de ce projet de loi. Comme l'a dit mon collègue, nous nous contentons peut-être d'y apporter des retouches mineures.

Ce que les Canadiens trouvent frustrant, c'est qu'il faut apporter des changements majeurs et non pas seulement des retouches mineures aux lois, qu'elles touchent des questions financières et économiques ou le système de justice pénale.

Je veux répondre au député libéral qui vient de demander pourquoi nous n'avons pas appuyé le projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Si je croyais que les mesures prévues dans ce projet de loi-là pouvaient aider à réduire le nombre de crimes et d'infractions avec violence, je serais disposée à l'appuyer. Je crois que les Canadiens d'un bout à l'autre du pays auraient probablement la même réaction.

(1325)

Or, ce qu'ils constatent, c'est que le gouvernement a peut-être perdu contact avec la réalité. Le même député nous interpelle maintenant. Je ne sais pas si je devrais parler d'attaque, mais j'entends certainement beaucoup de bruit venant de ce côté. Le député nous demande: «Ne pensez-vous pas que nous écoutons les gens?» Bien sûr. Je ne serais pas assez arrogante pour prétendre que seuls les députés réformistes écoutent les Canadiens. Ce n'est simplement pas vrai.

Je sais que certains députés, probablement comme vous, madame la Présidente, ont passé l'été dans leur circonscription à écouter leurs électeurs. Les préoccupations sont les mêmes d'un bout à l'autre du pays. Admettons-le: aucun député d'un côté ou de l'autre de la Chambre ne veut voir Clifford Olson retourner vivre en liberté et côtoyer le public canadien.

Ce qui se passe, c'est que l'exécutif prétend avoir toujours raison. Je sais qu'il y a des députés libéraux d'arrière-banc qui se sentent aussi frustrés que nous. Ils ont passé l'été dans leur circonscription et écouté leurs électeurs. Les députés d'un bout à l'autre du pays savent ce que leurs électeurs veulent: ils veulent que les gens répondent de leurs actes. Ils veulent que le gouvernement réponde de ses actes. C'est leur argent que nous dépensons ici. Les Canadiens veulent s'assurer que les meurtriers eux aussi répondent de leurs crimes. Ils craignent que le projet de loi C-45, qui n'abroge pas complètement l'article 745 du Code criminel, ne soit pas suffisant.

C'est précisément ce que le projet de loi d'initiative parlementaire présenté par notre collègue, le député de York-Sud-Weston, allait faire: abroger complètement l'article 745, éliminant du coup la présentation automatique d'une demande de libération anticipée par un meurtrier qui a purgé 15 ans de sa peine.

On parle de justice et on dit que justice doit être faite. Nous pourrions tous débattre en cette Chambre de l'importance de rendre la justice. N'oublions pas ce qu'est la justice. Il se peut que le sens de ce mot se soit perdu dans toutes nos discussions théoriques.

Les universitaires, les avocats, les juges, les journalistes et les autres, qui pensent savoir ce qu'est la justice, ont peut-être oublié le sens véritable de ce mot. Les Canadiens ordinaires, eux, n'ont pas oublié, et le fait qu'ils habitent dans une circonscription réformiste ou libérale n'y change rien. Peu importe qui les représente à la Chambre des communes, les Canadiens ordinaires voient bien que le sens du mot justice s'est perdu ou, à tout le moins, affaibli.

Justice pourrait être pris au sens de ce qui est conforme à la rectitude morale, mais nous n'osons même pas parler de moralité. Quelque part, il y a une justice suprême, et ces gens qui ont pris une vie en commettant un meurtre au premier degré et qui demandent maintenant à être libérés de façon anticipée ne doivent pas oublier que leurs victimes, elles, sont mortes pour toujours. Il est pénible d'apprendre, par le truchement de la radio ou de la télé, la mort violence d'une personne aux mains de ces criminels violents. Imaginez un peu la douleur de la famille.

N'empêche que quelques années plus tard, notamment dans le cas des familles French et Mahaffy, elles sont beaucoup plus douloureusement éprouvées que moi, même si je compatis à leur douleur, qui ne les quittera jamais. Il se peut que le meurtrier ait des remords. J'ignore leurs sentiments véritables. Je sais qu'ils vivent et font leur possible. Clifford Olson s'occupe de son droit d'appel et ne ressent pas le deuil de la famille. Bien des gens dont les proches ont été tués souffrent vraiment. La mort est définitive.

La justice exige que l'on vive en accord avec ce qui est moralement bien ou équitable; certaines choses sont injustes, d'autres justes, mais il est absolument injuste d'enlever la vie d'autrui. Nous pouvons discuter à n'en plus finir en disant que cette personne a besoin d'un traitement spécial ou que telle autre mérite de sortir de prison. Il y en a qui sont vraiment réadaptés, mais il est frustrant de constater que nous les englobons tous dans une même déclaration générale.

Certains ont parlé plus tôt de coeur tendre. Ceux qui souffriront toujours de la perte d'un être cher ont droit à notre sympathie et nous devons veiller à ce qu'ils ne soient pas pris en otages par un


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groupe de législateurs qui croient en savoir plus que tout le monde et qui accordent plus d'attention aux criminels qu'aux victimes.

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Nous parlons de sens moral ou de ce qui est absolument bon ou mauvais dans notre société, mais lorsque les droits d'une victime et ceux d'un criminel s'opposent, nous devons toujours prendre le parti de la victime. Oui, les criminels ont besoin d'attention, de réadaptation et d'amour, mais une victime totalement innocente a dû payer un prix. Comme je l'ai mentionné précédemment, ceux qui ont perdu un être cher l'ont perdu pour toujours.

Je voudrais simplement revenir sur le cas de Clifford Olson un moment, étant donné que son nom a été cité à maintes reprises. Il aura été le point d'éclair de cet article 745. Clifford Olson a causé des ravages dans la vie de bien des gens qui souffrent autant aujourd'hui qu'au moment où les actes criminels ont été commis, il y a 15 ou 16 ans.

Sauf erreur, Clifford Olson a été arrêté en août 1981. Je faisais alors du camping sur la côte ouest. Ma tente était installée sur la plage à Long Beach sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Le lendemain, j'ai plié ma tente et j'ai traversé l'île pour me rendre à Vancouver. Aux actualités, j'ai entendu qu'on venait d'arrêter Clifford Olson autour de Ecluelet, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, soit à environ deux milles d'où je campais. Jeune fille, je me croyais en parfaite sécurité dans ma tente sur la plage. Jamais je n'avais pensé qu'il pouvait m'arriver quelque chose de mal.

L'ironie, c'est que ce criminel venait d'être arrêté à quelques milles d'où je me trouvais. Il avait fait monter deux jeunes filles, mais ne leur avait encore fait aucun mal. Heureusement, elles n'ont pas à payer de leur vie. Toutefois, il était libre et il se déplaçait comme bon lui semblait. Dieu sait combien d'autres personnes auraient pu compter parmi ses victimes.

Il fut arrêté à ce moment-là et maintenant, 15 années plus tard, il présente une demande de libération conditionnelle anticipée. Un aspect triste et ironique de cette mesure, qui fut déposée en 1978 par un gouvernement libéral, et plus particulièrement par le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est que le temps commence à courir à compter du moment de l'arrestation, qui fut effectuée il y a 15 ans. Comme l'a mentionné l'un de mes collègues, le temps est calculé à partir du moment de l'arrestation, de sorte que la période de 15 années est maintenant écoulée.

Comment nous sentirions-nous si nous faisions partie de la famille de l'une des victimes de Clifford Olson et que nous entendrions dire que celui-ci allait avoir la chance de se faire entendre par un tribunal? Peut-on imaginer que l'on puisse ainsi rouvrir les plaies infligées et regarder cet homme faire ses démarches devant le tribunal? Je ne peux penser à rien de pire, de plus préjudiciable, de plus dangereux, de plus effrayant et de plus mauvais que de donner à ce type une autre chance de se faire entendre par un tribunal et de parler de nouveau de tout ce qu'il a fait. Les familles des victimes n'ont pas besoin d'entendre tout cela encore une fois. Cet homme n'a pas besoin d'aller devant le tribunal.

Madame la Présidente, je ne sais pas si vous êtes au nombre des parlementaires à qui Clifford Olson a récemment écrit, mais c'est un fait que celui-ci a écrit à un grand nombre de députés de cette Chambre et qu'un condom était collé à l'intérieur de la lettre. J'aimerais que l'on se demande un instant si l'on veut que ce type ait encore la chance de se faire entendre par le tribunal? Je ne pense pas que c'est ce que l'on souhaite. Je ne pense vraiment pas que quiconque ici ait à tolérer de recevoir un condom de ce personnage.

Pourtant, le gouvernement dit: «Oui, nous allons inclure cette mesure, parce que nous devons faire preuve de compassion.»

Je termine en disant que, effectivement, nous devons faire preuve de compassion. Le fait d'abroger purement et simplement l'article 745 ne signifie pas que nous ne faisons pas preuve de compassion. Cela signifie plutôt que nous allons encore avoir en place un mécanisme pour les meurtriers et les délinquants violents qui peuvent être récupérés. Ces criminels ne sont pas tous incorrigibles. Certains peuvent être réadaptés. Certains éprouveront du remords et changeront véritablement d'attitude en prison. Ils voudront améliorer leur sort et apporter une contribution à la société pour compenser le mal qu'ils ont fait. Certains obtiendront une libération conditionnelle. Le fait d'éliminer complètement l'article 745 ne signifie pas que nous allons enfermer ces personnes et jeter la clé. Il existe une chose qu'on appelle le pardon. Je pense que ce mécanisme pourrait demeurer en place.

J'aimerais que le ministre de la Justice et ses collègues disent: «Nous voulons faire en sorte que même si nous abrogeons l'article 745, le pardon est encore possible et une personne peut être libérée en vertu de ce processus, étant entendu qu'un tel recours sera l'exception plutôt que la règle.» Je pense que ce serait une bien meilleure façon d'agir que ne le fait le gouvernement en n'abrogeant pas l'article 745 et en faisant adopter le projet de loi C-45 maintenant. C'est une erreur et cette mesure ne va pas régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

(1335)

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Madame la Présidente, en ce mois de septembre, le Parlement est saisi du projet de loi C-45 pour une raison bien précise: il existe un consensus national pour dire que l'application de l'article 745 laisse à désirer. La population ne prise pas du tout cette disposition. Comme dans bien d'autres dossiers, le gouvernement essaie de réagir, mais il refuse de rompre avec ses vieilles habitudes et de devenir un agent éclairé de changement.

Le projet de loi montre bien que le gouvernement gère mal les affaires du pays. Il ne s'agit ici pas de savoir si on est de gauche ou de droite sur l'échiquier politique. Le débat oppose plutôt les défenseurs libéraux du système, les attitudes dépassées des libéraux, d'une part, et, d'autre part, les réformistes, qui se rangent du côté des simples citoyens qui réclament avec impatience des changements. Il faut modifier nos lois, il faut attirer l'attention sur une situation qui saute aux yeux d'une population qui est témoin de la


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manière dont on applique l'article 745 et des conséquences qu'il a dans la collectivité.

Les libéraux ne quittent pas leurs ornières. Les réformistes veulent changer le système. C'est une question d'idéal, de philosophie sociale. Cette mesure trahit la faillite du libéralisme et le déphasage entre les conceptions dépassées du premier ministre et l'énorme désir de changement qui se manifeste au Canada.

Aujourd'hui, nous voyons encore d'une part l'attitude désagréable des libéraux qui croient tenir de Dieu le droit de gouverner, et celle des réformistes, qui veulent traduire les valeurs de la société canadienne et incarnent la volonté de donner un nouveau départ à notre pays.

Les statistiques sur le taux de récidive n'ont rien à voir avec l'argumentation principale, mais le nombre de crimes commis dans notre société est une question centrale. Il s'agit de prendre les mesures qui s'imposent, de prendre les mesures que souhaitent la majorité des Canadiens. Il s'agit de voir quelle image les Canadiens moyens ont d'eux-mêmes, comment les citoyens de ma circonscription interprètent ce que cela signifie que d'être Canadiens et comment la société devrait réagir à l'égard du meurtre.

Je considère que l'article 745 du Code criminel n'a pas sa place dans le droit pénal canadien. Il n'y a pas sa place en tant qu'élément instructif et constitutif de la définition des limites de l'ordre social. On peut y voir un exemple classique de gouvernement à l'ancienne imposant aux Canadiens ce qui est bon pour eux tout en restant sourd au tollé national que suscite l'article 745.

Un marché équitable avait été conclu dans notre pays lors de l'abolition de la peine de mort. Des mesures ont été adoptées à l'égard de ceux qui étaient condamnés à la prison à perpétuité. Le faible espoir d'une libération conditionnelle après 25 ans de prison constituait la contrepartie équitable de l'abolition de la peine de mort.

Ce marché équitable a été rompu par les libéraux, qui ont fait adopter des règles hypocrites en vertu desquelles la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pouvait être réduite à 15 ans seulement.

Le projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui remanie encore ces règles. Le problème, c'est qu'on n'aurait jamais dû commencer à jouer à ce jeu. Cet article devrait être abrogé, et non remanié.

Si les libéraux avaient une philosophie profondément enracinée en terre canadienne et s'ils pouvaient comprendre les victimes, ils auraient aboli l'article 745. Ils n'auraient pas remis la question sur le tapis avec cette mesure législative molle, qui ne rime à rien, le projet de loi C-45, aujourd'hui à l'étude.

Je m'élève également contre le fait que le projet de loi C-45 semble créer les catégories de bons et de mauvais meurtriers. Ceux qui tuent une personne seulement auront droit à l'examen prévu à l'article 745: ce sont les bons meurtriers, d'après le projet de loi du ministre de la Justice. Les tueurs en série, cependant, n'y auront pas droit. Ces tueurs correspondent aux mauvais meurtriers du ministre dans le projet de loi. C'est quand même incroyable que le ministre ait ainsi quantifié la vie humaine dans une mesure législative.

Le premier ministre peut-il me dire si une vie a moins de valeur que deux, trois, cinq ou dix vies? Selon le projet de loi, il faudrait accorder une lueur d'espoir à un contrevenant qui n'a tué qu'une seule personne, mais refuser toute révision aux termes de l'article 745 à ceux qui ont tué plus d'une personne.

Les libéraux ont donc établi le seuil à une vie humaine. Je trouve honteux et répréhensible que le ministre de la Justice crée ses propres catégories de meurtriers, certains méritant plus de clémence que d'autres.

(1340)

Que veut dire, de toute façon, l'expression «libération conditionnelle»? C'est le fait pour un contrevenant de purger sa peine au sein de la collectivité tout en étant supervisé. Malheureusement, la surveillance est souvent relâchée. Je m'inquiète beaucoup de la surveillance des libérés conditionnels telle que l'entendent les Canadiens et telle qu'elle est effectuée.

Une peine d'emprisonnement à vie avec possibilité de libération conditionnelle après 25 ans semblait un bon compromis, mais l'article 745 remet en question cette convention sociale raisonnable.

Mes concitoyens sont fâchés, parce qu'ils croient que l'article 745 ne devraient même pas exister, et pourtant le gouvernement veut le remanier. Le gouvernement veut donner l'impression de faire quelque chose, parce que la population est contrariée.

Ce projet de loi ne traduit pas les valeurs traditionnelles canadiennes. La protection de la société et les intérêts des victimes devraient l'emporter sur toute préoccupation légitime du contrevenant. Par conséquent, au nom de mes concitoyens, je déclare qu'il m'est impossible d'appuyer ce projet de loi.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Reprise du débat?

Une voix: Le vote.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le député était-il à la Chambre lorsque j'ai dit: «Reprise du débat».

M. Hermanson: Oui.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À votre place?

M. Hermanson: J'étais à la Chambre lorsque quelqu'un a demandé le vote. Je me suis levé, mais vous ne m'avez pas. . .

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je suis désolée, mais le vote porte sur ce que je suis en train de lire. Nous poursuivrons avec le vote.

[Français]

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.


4296

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le vote porte sur la motion no 1. Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui appuient la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Que tous ceux qui s'y opposent veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le vote sur la motion est différé. Le vote par appel nominal s'appliquera également aux motions nos 3 et 5.

La Chambre abordera maintenant le vote par appel nominal différé à l'étape du rapport du projet de loi. Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le vote par appel nominal est reporté à 22 h heures.

* * *

(1345)

[Traduction]

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

L'hon. Douglas Peters (au nom du solliciteur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-53, Loi modifiant la Loi sur les prisons et les maisons de correction, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Débat. La parole est au secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada.

Une voix: Il n'est pas ici.

Des voix: Jetez-le dehors.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La parole est au secrétaire parlementaire du ministre de la Justice.

Une voix: Recours au Règlement.

M. Hermanson: Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je crois que le député devrait s'excuser immédiatement de cette insulte à l'égard de la présidence. Veuillez avoir l'obligeance de vous rétracter. Nous traiterons du recours au Règlement une fois que nous en aurons terminé avec les observations concernant la présidence que je viens d'entendre. Le député aura-t-il l'obligeance de retirer ce qu'il a dit à l'égard de la présidence? La parole est au député de Kindersley-Lloydminster. Veuillez retirer les observations que vous avez faites concernant la présidence.

M. Hermanson: Je ne vois pas très bien de quelles observations il est question.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Concernant le fait que je ne peux pas jouer sur les deux tableaux. Auriez-vous l'obligeance de vous rétracter immédiatement?

M. Hermanson: Je me demande si la présidence a compris ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai dit: «Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux.»

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Veuillez vous rétracter immédiatement.

Une voix: C'est une honte.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Voulez-vous vous rétracter?

M. Hermanson: Je ne comprends pas pourquoi la présidence veut que je me rétracte. Je n'ai rien dit d'antiréglementaire.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je m'occuperai de cette affaire et de vos observations après en avoir discuté avec le Président de la Chambre. Je ne suis pas contente du tout.

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement au sujet de ce qui vient de se passer à la Chambre.

Ce que j'ai vu m'inquiète beaucoup. La présidence a demandé à quelqu'un de prendre la parole au sujet de la question à l'étude. Cette personne n'est pas présente à la Chambre. Quelques instants plus tôt, parce qu'un député n'était pas présent. . .

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La première personne à prendre la parole concernant ce projet de loi est un député ministériel. C'est censé être le secrétaire parlementaire du ministre.

Une voix: Il n'est pas ici.

Une voix: Recours au Règlement.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Nous allons poursuivre.

Une voix: Recours au Règlement.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le député veut-il parler de la motion du gouvernement?

Une voix: Recours au Règlement.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La parole est au député.

Une voix: Recours au Règlement.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Nous avons entendu votre recours au Règlement. Nous entendrons maintenant des observations sur ce point. La parole est au député.


4297

(1350)

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor-Sainte-Claire, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre brièvement la parole aujourd'hui pour appuyer. . .

M. Speaker (Lethbridge): Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je voudrais vous signaler que, selon Beauchesne, lorsqu'un député invoque le Règlement, le Président de la Chambre doit lui accorder la parole. Le Président doit alors prendre connaissance de la teneur du recours au Règlement avant de déterminer si celui-ci est recevable ou non.

Je vous saurais gré, madame la Présidente, de reconsidérer dès maintenant votre position à l'égard du député de Yorkton-Melville.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il un autre rappel au Règlement?

M. Breitkreuz (Yorkton-Melville): Madame la Présidente, je voudrais conclure le rappel au Règlement que j'ai soulevé tout à l'heure à propos de la procédure à la Chambre des communes. J'ai une question à vous poser. Pourquoi, alors qu'un député voulait prendre la parole, la présidence lui a-t-elle refusé ce privilège alors qu'elle l'a accordé ou qu'elle a voulu l'accorder à un autre député désirant prendre la parole? Ce député n'était pas à la Chambre, et nous n'avons pas bénéficié des mêmes privilèges que lui. Quelle procédure a été suivie à cet égard? J'aimerais entendre les explications de la Présidente.

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Chers députés, il ne s'agissait pas de recours au Règlement. Reprise du débat.

Mme Cohen: Madame la Présidente, comme le gouvernement l'a fait savoir, le projet de loi C-53 constitue un excellent exemple tant de l'engagement continu du gouvernement envers une réforme responsable de la justice pénale que de la collaboration fédérale, provinciale et territoriale.

Dans notre système correctionnel, les responsabilités sont réparties entre deux paliers de gouvernement et 13 gouvernements provinciaux et territoriaux distincts. Alors que chaque palier de gouvernement est confronté à ses propres défis particuliers, tous doivent relever un grand nombre de défis communs. Maintenant plus que jamais, il importe que nous travaillions ensemble et que nous mettions en commun notre expertise et notre expérience pour régler ces problèmes communs.

C'est un secret de polichinelle que tous les gouvernements ont connu ces dernières années une augmentation de la population carcérale et que les ressources disponibles risquent d'être insuffisantes. Par ailleurs, ces mêmes ressources de l'État sont en diminution. Si nous ne trouvons pas de solutions efficaces, ces pressions vont miner la capacité de tout gouvernement de réadapter les contrevenants et d'en faire des citoyens respectueux des lois avant de les renvoyer dans la société, ce qui est, après tout, notre objectif commun.

De 1989-1990 à 1994-1995, la population carcérale dans les établissements fédéraux a augmenté de 22 p. 100. Parallèlement, la population carcérale dans les prisons provinciales s'est accrue d'environ 12 p. 100 en moyenne. Pendant ce temps, le taux de criminalité était en fait en baisse. Pourquoi donc la population carcérale a-t-elle augmenté? En fait, cela s'explique de plusieurs façons.

Tout laisse croire qu'au niveau provincial, les tribunaux infligent davantage de peines d'emprisonnement, et ce, pour de plus longues périodes. On a noté également une hausse marquée du nombre d'accusations d'agression sexuelle et d'autres formes d'agression. Au niveau fédéral, moins de libérations conditionnelles ont été accordées et un plus grand nombre de ces dernières ont été révoquées.

(1355)

Au bout du compte, le taux d'incarcération au Canada est très élevé selon les normes mondiales. En fait, il est un des plus élevés de l'Occident. Si l'on tient compte des prisons fédérales, provinciales et territoriales, le taux d'incarcération s'élève à 130 contrevenants, jeunes et adultes, pour 100 000 habitants. Cela nous place loin devant les pays européens comme les Pays-Bas, où il est de 51 pour 100 000 habitants, ou l'Allemagne, où il est de 81 pour 100 000.

Même parmi les démocraties occidentales, il existe de nettes différences entre les cultures, les valeurs et les institutions sociales, c'est pourquoi on pourrait difficilement tenir pour acquis que les pratiques d'autres pays conviennent à notre situation particulière. Quoi qu'il en soit, puisque notre taux d'incarcération est tellement plus élevé que celui de beaucoup de nos partenaires européens, nous devons nous demander sérieusement pourquoi il en est ainsi. Certains croient, par exemple, que l'on se sert trop souvent de notre système de justice pénale pour régler des problèmes sociaux alors que des services ou des programmes sociaux, alors qu'une plus grande collaboration entre les services de santé, les services sociaux et le système de justice pénale conviendrait beaucoup mieux.

Nous devons tout particulièrement veiller à ce que notre système de justice pénale fasse l'utilisation la plus efficace possible des services de santé communautaire et des programmes sociaux pour préparer les contrevenants à se réinsérer dans leur collectivité en tant que citoyens respectueux de la loi. Les gouvernements de tous les paliers estiment depuis longtemps que les services correctionnels communautaires peuvent avantageusement remplacer l'incarcération dans le cas des contrevenants présentant peu de risques.

Aujourd'hui, les programmes communautaires s'imposent de plus en plus comme moyens efficaces et économiques de contrer la surpopulation et les coûts croissants des établissements carcéraux. Lorsqu'un contrevenant est incarcéré en raison des risques qu'il fait courir à la population, il doit rester en prison et il y reste. Aucune considération financière ne joue ici. Cela devient une question de sécurité publique. Lorsque la sécurité publique peut être assurée au moyen de la réinsertion contrôlée dans la société, cela devient la meilleure façon de réserver les deniers publics limités uniquement à l'incarcération des délinquants qui doivent vraiment être incarcérés.

4298

On met davantage l'accent aujourd'hui sur certaines mesures communautaires qui font partie intégrante du système correctionnel depuis des années, notamment les programmes de vérification et de supervision des libérations sous caution, la surveillance électronique, la détention à domicile, les programmes de solution de rechange à l'incarcération, les programmes de réconciliation de la victime et de l'infracteur, les programmes améliorés de probation et les programmes de traitement communautaires. Toutes ces mesures visent à détourner les délinquants à faible risque du système de justice pénale ou à les placer à un niveau peu élevé de contrôle à l'intérieur du système lorsque cette décision ne pose aucun danger et est conforme aux objectifs du système judiciaire.

L'intervention précoce pour détourner les délinquants du système de justice pénale avant qu'un profil de comportement criminel ne se dessine est considérée par beaucoup de gens comme une bonne façon d'éviter toute activité criminelle future et les coûts que cela entraîne pour la société. De nombreux programmes de ce genre ont été élaborés et mis à l'essai, tant de façon ponctuelle que de façon continue. Des consultations récentes ont révélé que de nombreux secteurs de compétence manifestent un intérêt renouvelé à cet égard et sont en train de mettre en oeuvre de tels programmes ou encore envisagent de le faire.

Les réformes proposées dans le projet de loi C-53 sont une excellente occasion de profiter de cet intérêt renouvelé. Ces améliorations à la législation provinciale sur les programmes de permissions de sortir fourniront aux provinces et aux territoires un cadre à la fois solide et souple pour assurer la gestion communautaire des délinquants dans les cas où de telles mesures conviennent, permettant aux délinquants qui peuvent travailler de continuer à le faire et à d'autres de suivre des traitements, des programmes d'éducation ou de formation professionnelle ou d'autres programmes au sein de la collectivité tout en étant assujettis à un contrôle correctionnel.

Comme je l'ai dit au départ, tous les secteurs de compétence sont confrontés aux mêmes problèmes en ce qui concerne l'augmentation de la charge de travail dans le secteur de la justice pénale. On cherche à résoudre le problème de diverses façons, mais les mêmes thèmes reviennent souvent. En travaillant ensemble pour améliorer notre connaissance des problèmes et pour examiner les solutions possibles, nous pourrons maximiser les résultats de nos efforts individuels, ce qui sera avantageux pour tous les secteurs de compétence.

Le Président: Évidemment, lorsque nous reprendrons le débat après la période des questions, la députée aura la parole.

Comme il est presque 14 heures, nous passons maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


4298

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

L'ORGANISATION DU TRAITÉ DE L'ATLANTIQUE NORD

M. Jesse Flis (Parkdale-High Park, Lib.): Monsieur le Président, une décision concernant l'élargissement de l'OTAN sera prise prochainement et les pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est qui souhaitent leur intégration à cet organisme attendent cette décision avec beaucoup d'intérêt. Ils souhaitent joindre l'Alliance atlantique en Europe dans l'espoir qu'elle leur apportera des garanties de sécurité et la stabilité politique et économique.

(1400)

[Français]

Il est capital pour le Canada, dans l'enceinte de l'OTAN, de favoriser la démocratisation des pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale et leur intrégration dans les institutions européennes.

[Traduction]

En outre, la création d'économies de marché libres et prospères dans la région assurera des débouchés commerciaux et des possibilités d'investissements importants au Canada, elle contribuera au renforcement de l'économie mondiale et engendrera des avantages économiques pour tous.

Toute l'Europe centrale et l'Europe de l'Est devrait être incluse dans un nouvel accord de sécurité en Europe basé sur la participation à l'OTAN. Cette approche nécessitera des initiatives diplomatiques complexes et une stratégie bien préparée. Le Canada peut contribuer de façon utile à ce processus.

[Français]

LES JEUNES DE MONTRÉAL-NORD

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je veux souligner aujourd'hui le talent et la réussite de deux jeunes de ma circonscription de Bourassa. Les succès qu'ils se sont mérités résultent de leur ténacité et de leur courage à toute épreuve.

C'est donc avec fierté que je salue Patrick Brunet, classé troisième à la Course Destination Monde de la Société Radio-Canada. Cette aventure extraordinaire illustre la capacité d'ouverture au monde de notre jeunesse.

Je tiens aussi à féliciter chaleureusement Annie Pelletier, originaire de Montréal-Nord, médaillée de bronze au plongeon de trois mètres aux Jeux olympiques d'Atlanta.

Les exploits réussis par ces jeunes resteront dans les annales. Ils démontrent clairement que, donner la chance aux jeunes de développer leurs nombreux talents, c'est encourager l'excellence et le dépassement et assurer ainsi l'avenir de notre société.

* * *

[Traduction]

LE PARTI LIBÉRAL

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, quand je compare les propos du premier ministre à ceux de mes électeurs de Lethbridge, je jurerais que nous vivons dans deux pays distincts. Le premier ministre affirme que nous vivons dans le meilleur des temps. Selon lui, nous n'avons pas à nous en faire car tout est pour le mieux. Tout baigne dans l'huile.


4299

Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire cet été. Notre époque n'est sans doute pas la plus difficile, mais les gens à qui je parle ressentent un malaise profond. Ils ont le sentiment viscéral que les choses ne vont pas aussi bien qu'elles le devraient.

À la différence du premier ministre, les gens se rendent compte que la situation au Canada pourrait être meilleure. Nous pourrions avoir mieux que le gâchis dans lequel le gouvernement a placé les forces armées; mieux que les lois qui réservent aux seuls meurtriers à répétition des peines d'emprisonnement maximales; mieux que ces plans d'unité nationale qui consistent à distribuer des drapeaux; mieux que cette dette qui va franchir le cap des 600 milliards dans quelques semaines; mieux que le taux de chômage de 9 p. 100 que nous enregistrons chaque mois depuis six ans.

À ceux qui savent au fond d'eux-mêmes que le Canada peut faire mieux que cela, je réponds ceci: Même si les libéraux se contentent de pis-aller, rien ne nous oblige à faire comme eux.

* * *

LE CANCER DE LA PROSTATE

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je veux rappeler à la Chambre que cette semaine est la semaine de sensibilisation au cancer de la prostate.

Comme mes collègues le savent peut-être, le cancer de la prostate arrive actuellement au deuxième rang pour son incidence chez les Canadiens, parmi les cancers nouvellement diagnostiqués, après le cancer de la peau avec mélanome bénin. C'est aussi la deuxième cause de décès dûs au cancer.

Au cours de la présente décennie, l'incidence de cette maladie a atteint un taux anormalement élevé. Cette forme de cancer détruira encore la santé de beaucoup de Canadiens, et les interventions de dépistage et de traitement bouleverseront leur vie ainsi que celle de leurs proches.

La population doit être sensibilisée davantage à l'existence du cancer de la prostate, et il faut faire davantage de recherche sur les moyens de prévenir et de traiter cette maladie.

La Société canadienne du cancer et le réseau canadien du cancer de la prostate méritent des éloges pour leur travail constant dans la lutte contre cette maladie.

* * *

LE PROJET DE CRÉDIT COMMUNAUTAIRE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour saluer une nouvelle initiative qui va mettre 2 millions de dollars de plus à la disposition des petits entrepreneurs de l'Ontario rural. Le projet de crédit communautaire est le résultat d'un partenariat entre la Banque de Nouvelle-Écosse et l'Ontario Association of Community Development Corporations et est un exemple des efforts d'Industrie Canada en vue d'améliorer l'accès des petites entreprises aux capitaux.

La Banque de Nouvelle-Écosse a accepté de mettre 2 millions de dollars sous forme de prêts à des taux inférieurs à ceux du marché à la disposition de huit sociétés de développement communautaire qui administreront ces prêts dans le cadre de leur réseau existant. Cette initiative permettra à des entreprises viables d'avoir accès aux capitaux à risque élevé dont elles ont tellement besoin pour démarrer ou pour étendre leurs opérations, ce qui élimine l'un des plus gros obstacles à la croissance et au développement des petites entreprises en Ontario.

(1405)

Ce partenariat entre une source de financement privé et un réseau de distribution public a un impact positif sur la création d'emplois en Ontario rural. Je félicite les commanditaires.

* * *

LE MAINTIEN DE LA PAIX

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, le 17 septembre est la Journée internationale de la paix des Nations Unies. C'est pour nous l'occasion d'être fiers des contributions du Canada aux Nations Unies, en particulier celles de Lester B. Pearson, ancien premier ministre, à qui on a décerné le prix Nobel de la paix pour avoir inventé le concept de maintien de la paix pendant la crise du canal de Suez.

Depuis, les Canadiens ont participé à de nombreuses missions des Nations Unies, entre autres en Corée, à Chypre, au Rwanda et bien entendu, dans l'ex-Yougoslavie, mission qui se poursuit encore.

L'an dernier, à l'initiative du Canada, une force d'intervention rapide pouvant réagir en temps de crise a été mise sur pied.

[Français]

Le Canada a de quoi être fier de ses performances passées et doit continuer à travailler de concert avec les Nations Unies afin de promouvoir la paix à Chypre, au Liban et en Irak, partout au monde où les droits humains et les droits internationaux ne sont pas respectés.

* * *

LES PRODUITS LAITIERS

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, la décision du gouvernement de mettre fin à la subvention pour le lait de transformation se traduit, depuis le 1er août, par une augmentation du prix des solides du lait, augmentation qui se reflétera sur le prix des produits laitiers. Les consommateurs devront en effet payer en moyenne 4 p. 100 de plus pour leurs produits laitiers, ce qui touche particulièrement les moins bien nantis.

Ce n'est là qu'une première étape, puisque les conséquences de l'abandon du subside laitier annoncé lors du dernier budget Martin continueront à être ressenties au cours des cinq prochaines années.

Il est malheureux de constater que ce sont les produits laitiers à faible teneur en gras qui sont les plus touchés, puisqu'ils contiennent davantage de solides du lait. À la limite, cela aura des répercussions sur la santé en général de la population, et cela, bizarrement, au moment même où le gouvernement fédéral se retire aussi du financement des services de santé en coupant dans ses paiements de transfert.


4300

[Traduction]

L'EMPLOI

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement avait promis des emplois, mais il n'a pas tenu sa promesse.

Le taux de chômage demeure supérieur à 9 p. 100, même après trois ans de reprise économique. J'attribue cet échec au fait que le gouvernement ne s'est pas attaqué aux problèmes du marché du travail.

Notre système d'assurance-emploi subventionne en permanence les industries saisonnières. Les charges sociales, qui tuent l'emploi comme on le sait, sont trop élevées. Nos hauts taux d'impôt sur le revenu font fuir à l'étranger les Canadiens les plus compétents et les entrepreneurs les plus dynamiques. L'impôt sur les gains en capital et l'impôt des sociétés chassent les investissements à l'étranger.

Les petites entreprises, qui constituent le moteur de la création d'emplois au Canada, sont accablées par la paperasserie administrative et les impôts excessifs. Les grandes entreprises hésitent à embaucher des travailleurs à cause de la pléthore de règlements et des salaires fixés par la loi.

Il existe un remède aux taux élevés de chômage. On a des preuves très claires de cela à l'échelle mondiale. Le gouvernement devrait avoir honte de son inertie à cet égard.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Bill Blaikie (Winnipeg Transcona, NPD): Monsieur le Président, à une époque où on se préoccupe de plus en plus de l'analphabétisme, il faut noter que cette semaine le Parti libéral est revenu sur une autre de ses promesses, lorsque le ministre des Finances a dit clairement que les libéraux n'allaient pas retirer la TPS sur les livres.

À l'époque, le ministre des Finances avait défendu sa décision en demandant à ses critiques de lui indiquer où il pourrait prendre les 140 millions qu'il perdrait. Un des endroits où le premier ministre pourrait prendre les 140 millions, c'est dans les deux milliards qui ont été transférés à l'étranger, sans payer d'impôts, du fait d'échappatoires dans le système des fiducies familiales.

À cet égard, je suis très heureux de la poursuite intentée par Cho!ces, un groupe d'action sociale de Winnipeg, qui va poursuivre le gouvernement fédéral devant les tribunaux s'il ne procède pas à un réexamen de cette décision anticipée en matière d'impôt sur le revenu, de sorte que l'argent dû au trésor public lui soit effectivement versé, ce qui permettrait de remplacer des choses comme la TPS sur les livres.

[Français]

LE DÉCÈS DE ROSE OUELLETTE

M. Benoît Serré (Timiskaming-French River, Lib.): Monsieur le Président, madame Rose Ouellette, que tous appelaient affectueusement la Poune, est décédée à l'âge de 93 ans.

Le décès de Rose Ouellette sonne le glas de l'époque glorieuse de la comédie burlesque et du vaudeville.

Pour toutes les générations qui se sont succédé au Québec depuis qu'elle a commencé sa carrière en 1916, la seule évocation du surnom la Poune suffisait à faire éclater les rires.

Cette femme était un symbole d'humilité et de simplicité, et tous ceux et celles qui ont eu la chance de travailler avec elle sont unanimes à dire que, pour elle, faire rire les gens était la chose la plus importante qui soit.

Rose Ouellette, la Poune, n'est plus, mais son souvenir demeurera en chacun de nous, et sa pensée continuera de nous rappeler que le rire et la bonne humeur sont les secrets de la longévité.

* * *

(1410)

[Traduction]

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

Mme Beryl Gaffney (Nepean, Lib.): Monsieur le Président, à la suite du référendum au Québec sur la souveraineté qui a eu lieu au mois d'octobre 1995, 48 étudiants de l'Université Bishop à Lennoxville, au Québec, ont été accusés de fraude électorale.

Figurent sur la liste des chefs d'accusation portés le 27 mai 1996 contre six étudiants de Nepean. L'amende qu'ils devront payer, s'ils ne contestent, pas s'élève à 516 $.

Les étudiants qui préfèrent ne pas payer l'amende sont censés plaider non coupables et devront comparaître devant un tribunal. Les chefs d'accusation semblent reposer sur la définition de domicile.

Ces étudiants ont pris la peine de demander aux recenseurs s'ils avaient le droit de voter et ceux-ci ont répondu par l'affirmative. Ces étudiants ont fait ce que tout le reste du pays aurait souhaiter pouvoir faire, à savoir combattre en faveur du maintien de l'unité canadienne et accomplir un geste patriotique à un moment crucial.

Une fiducie a été créée afin de collecter les fonds nécessaires à leur défense devant les tribunaux. Quiconque souhaite contribuer à la fiducie peut communiquer avec mon bureau pour obtenir de plus amples renseignements.

* * *

TEMAGAMI

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, à une époque où la protection de la biodiversité, la disparition des peuplements vieux et le développement durable soulèvent une vive préoccupation, le gouvernement de l'Ontario a donné le feu


4301

vert à l'exploitation des forêts et des mines de la réserve naturelle de Temagami.

Au cours des six dernières années, un conseil de planification composé d'autochtones et de résidants de Temagami a conçu un plan exhaustif d'utilisation des terres permettant à la fois la conservation de la vie sauvage et le développement à Temagami.

Le gouvernement de M. Harris a choisi de faire abstraction des recommandations de ce conseil, nous laissant dans l'agitation sociale, le mécontentement et avec un processus de planification chaotique. La décision du gouvernement ontarien devrait être annulée.

Temagami est un joyau environnemental exceptionnel, et non un entrepôt de liquidation.

* * *

[Français]

LE DÉCÈS DE LUCILLE TEASDALE

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, je veux aujourd'hui rendre hommage au docteur Lucille Teasdale, décédée des suites du sida le 1er août dernier. C'est durant ma formation d'infirmière que j'ai eu la chance de travailler avec cette femme extraordinaire.

Dans un monde professionnel alors presque exclusivement masculin, Lucille Teasdale, une des premières chirurgiennes au Canada, s'est mérité le respect et l'admiration de ses collègues.

Au début des années 1960, avec son mari, le docteur Pietro Corti, elle ouvre un hôpital en Ouganda. Malgré les menaces, la peur et la guerre, durant 34 ans, elle continue à dispenser des soins avec dévouement et compétence. En 1985, conséquence d'une blessure qu'elle s'est infligée au cours d'une intervention chirurgicale, elle devient séropositive. Pourtant, elle continue son oeuvre jusqu'à la fin.

Elle a donné sa vie pour soulager la douleur et la misère de ses frères africains. Sa ténacité indomptable, sa rigueur exceptionnelle et son courage font de Lucille Teasdale une grande Québécoise. Nous lui disons merci.

* * *

[Traduction]

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, lorsque les réformistes ont demandé au ministre de l'Agriculture ce qu'il allait faire pour améliorer le fonctionnement et la responsabilité de la Commission canadienne du blé, le ministre a toujours évité la question en disant qu'il fallait attendre le rapport du groupe de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest dont il avait choisi lui-même les membres. Le ministre fait maintenant fi de ses recommandations. Pourquoi?

Dans sa récente lettre ouverte aux agriculteurs, le ministre de l'Agriculture a déclaré que c'était la qualité des appuis qu'il recherchait, plus que la quantité. En d'autres termes, son opinion passera avant celle de la majorité des agriculteurs. Si le rapport unanime du groupe de consultation sur la commercialisation ne répond pas aux critères de qualité, quoi d'autre pourrait bien être acceptable? Pourquoi a-t-il même chargé ce comité d'experts d'examiner la question?

Le ministre essaie d'excuser son inaction en disant qu'il s'agit d'un différend entre des groupes d'agriculteurs. C'est faux. C'est lui qui a semé la division et qui l'alimente.

Qui devrait contrôler la Commission canadienne du blé? Les agriculteurs des Prairies ou le ministre et ses bureaucrates? La propre faiblesse du ministre, son indécision et son inertie au cours des trois dernières années vont faire disparaître un outil de commercialisation utile aux agriculteurs de l'Ouest.

Que fait-on de la promesse électorale non tenue au sujet d'un plébiscite?

* * *

[Français]

M. RICHARD LE HIR

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard): Monsieur le Président, je commence sérieusement à croire au vieil adage qui dit que lorsque l'on est trop proche de l'arbre, on en vient à ne plus voir la forêt. C'est du moins ce que l'on est tenté de croire en prenant connaissance des déclarations de M. Richard Le Hir, ex-ministre péquiste délégué à la restructuration et à la propagande.

Ce dernier a indiqué que le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard n'a plus la légitimité pour promouvoir son projet de souveraineté depuis la dernière défaite référendaire. Il a déclaré, et je le cite: «Les gagnants ont le droit de ne pas être menacés constamment avec un pistolet sur la tempe.»

(1415)

Cette fois-ci, Richard Le Hir n'a pas eu besoin d'une nouvelle série d'études et de rapports pour comprendre où est le véritable intérêt du Québec. Il a suffi que ses collègues péquistes coupent l'arbre auquel il s'était enchaîné.

* * *

L'ACTION DÉMOCRATIQUE DU QUÉBEC

M. Raymond Lavigne (Verdun-Saint-Paul, Lib.): Monsieur le Président, le chef de l'Action démocratique du Québec vient de se distancer radicalement de son ex-partenaire, Lucien Bouchard.

Mario Dumont vient en effet de demander au premier ministre péquiste du Québec d'appliquer une trêve d'au moins dix ans sur la question constitutionnelle et sur le projet de souveraineté. Je le cite: «Les Québécois ont besoin d'un répit pour unir l'ensemble de leurs forces derrière un objectif commun: l'emploi.»

Celui qui se définit maintenant comme un nationaliste québécois vient de découvrir ce que nous ne cessons de répéter depuis toujours aux députés de l'opposition officielle. La question de la séparation du Québec divise les Québécois et nuit à la création d'emplois.

Quand les députés du Bloc québécois se décideront-ils enfin à comprendre cela?

4302

[Traduction]

LA STATION CJVR MELFORT

Mme Georgette Sheridan (Saskatoon-Humboldt, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour féliciter la station CJVR Melfort, qui a été désignée le poste de musique country du Canada en 1996 dans la catégorie du marché secondaire.

Choisie parmi plus de 100 concurrents, la station CJVR a excellé dans toutes les catégories, en particulier pour sa participation dans la collectivité à l'égard du Prix de la Banque Royale 1996, en faisant la promotion de la musique country au Canada et en agissant comme hôte le dimanche de la musique country en Saskatchewan.

Le directeur général Gary Fitz attribue le succès de CJVR à ses 24 employés, qui forment une équipe solide de professionnels travailleurs et dévoués profondément attachés à la station et engagés envers leur collectivité.

CJVR se familiarise avec le cercle des gagnants grâce à sa nomination comme station radiophonique de l'année en 1995 et station de la musique country de la Saskatchewan.

Aujourd'hui, je félicite Gary, Brent et tous les autres membres du formidable personnel de CJVR.

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4302

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA CRÉATION D'EMPLOIS

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le programme d'infrastructures a été la seule mesure de création d'emplois qui a été mise de l'avant par ce gouvernement.

Le programme a eu des retombées immédiates et positives, même s'il ne s'agissait que d'emplois temporaires. Pour la mise en place d'un nouveau programme, le gouvernement du Québec a déjà exprimé deux préoccupations, à savoir que la maîtrise d'oeuvre des projets revienne au gouvernement du Québec et qu'il soit possible d'utiliser de l'argent déjà budgété, orienté vers ces programmes de création d'emplois.

Ma question s'adresse au premier ministre. Est-ce qu'il peut nous dire si son gouvernement et lui-même sont d'accord avec les préoccupations émises par le gouvernement du Québec pour la mise en place d'un nouveau programme d'infrastructures?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lors de la conférence que nous avons eue avec les gouvernements provinciaux au mois de juin, j'ai discuté avec les premiers ministres de la possibilité de continuer le programme d'infrastructures l'an prochain.

Depuis ce temps, le ministre des Finances du Canada a rencontré ou rencontrera ses collègues provinciaux pour discuter de l'opportunité et des modalités à suivre pour que cela donne des résultats. On ne veut pas que ce soit seulement un remplacement des dépenses ordinaires des municipalités.

En outre, le ministre responsable du programme d'infrastructures, le président du Conseil du Trésor, a rencontré les ministres des Affaires municipales. Je pense que le dossier progresse. C'est une offre que j'ai moi-même mise de l'avant au mois de juin. En juin, un certain nombre de premiers ministres avaient une position négative. Il semble que l'été les a peut-être fait changer d'idée.

Les ministres travaillent là-dessus et nous espérons pouvoir trouver un terrain d'entente.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, il y a un problème qui se pose à ce moment-ci, c'est que selon nos informations, ce sont le ministre des Finances et le président du Conseil du Trésor qui seraient les plus résistants à l'intérieur du Cabinet à ne pas mettre en place un programme d'infrastructures. Or, on apprend que ce sont ces deux ministres qui devront discuter de sa mise en application.

J'aimerais demander au premier ministre, étant donné que ses ministres ne sont pas tous d'accord quant à la pertinence d'une mesure comme celle-là pour stimuler la création d'emplois, est-ce qu'il entend trancher prochainement pour qu'on sache exactement à quelle enseigne loge le gouvernement?

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lorsque j'en ai parlé aux gouvernements provinciaux, le ministre des Finances était avec moi. Et lorsque j'en ai parlé devant la Fédération canadienne des municipalités, à Calgary, le président du Conseil du Trésor était à Calgary lui aussi.

Toutefois, il faut s'assurer que le programme soit administré d'une façon à créer des emplois et non seulement pour remplacer des dépenses courantes des gouvernements provinciaux ou municipaux.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le premier ministre est conscient que c'est maintenant que les Canadiens ont bien besoin d'emplois et qu'en ce sens-là, il est important que le gouvernement agisse rapidement par une mesure comme celle-là, plutôt que d'attendre un peu plus près des élections et d'avoir la tentation de s'en servir à des fins de propagande électorale? C'est maintenant qu'on a besoin d'un programme comme celui-là et c'est maintenant qu'on voudrait de l'action. Est-ce qu'il peut prendre acte?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de lui dire que maintenant, il y a un programme qui fonctionne encore et que des municipalités se servent maintenant de ce programme pour créer des emplois.

La question qui se pose est de savoir si maintenant, il doit se continuer à partir du mois d'avril.

* * *

LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.


4303

Pour camoufler le traitement injuste que subit le Québec au chapitre des dépenses fédérales en recherche et développement, le premier ministre exclut les données relatives à la capitale nationale.

Quarante-trois des quarante-quatre laboratoires ou centres de recherche fédéraux de la région de la capitale nationale sont localisés sur le territoire ontarien. Le premier ministre admettra-t-il enfin que les retombées économiques de tout genre se font sentir en très grande majorité dans l'économie ontarienne plutôt que dans celle du Québec?

[Traduction]

L'hon. Jon Gerrard (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement) (Diversification de l'économie de l'Ouest canadien), Lib.): Monsieur le Président, c'est pour des raisons historiques que les laboratoires fédéraux de sciences et de technologie ont d'abord été établis à Ottawa.

Il reste que, depuis dix ans, on s'efforce de remédier au problème. Une dizaine de laboratoires fédéraux de construction plus récente sont situés au Québec. De grands efforts sont déployés pour que l'Agence spatiale canadienne s'installe à Saint-Hubert.

Par conséquent, le pourcentage des dépenses fédérales totales consacrées aux sciences et à la technologie au Québec est à peu près égal à celui de la population de la province par rapport à la population canadienne, soit 25 p. 100 environ.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, encore une fois, le gouvernement ne sait pas lire les statistiques de Statistique Canada. Malgré tout ce qu'on a ajouté au Québec, nous sommes encore déficitaires. Nous étions à 15 p. 100, et avec tout ce qui a été ajouté extra-muros, nous sommes à 18,6 p. 100. C'est loin du 25 p. 100 de population.

Qu'attend donc le premier ministre et son gouvernement pour faire preuve d'équité à l'égard du Québec et lui donner la part des dépenses qui lui revient en recherche et développement, compte tenu de son poids démographique?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le Québec reçoit en ce moment 22,3 p. 100 de l'ensemble des dépenses en recherche et développement et il reçoit, cette année, 11,3 milliards de dollars de plus qu'il n'a payé en taxes au gouvernement fédéral.

* * *

[Traduction]

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, hier, le premier ministre a dit que le ministre de la Défense et le général Boyle avaient tout son appui.

Et cela, en dépit des révélations de l'enquête sur la Somalie, du fait que le général Boyle a trafiqué des documents et blâmé ses subordonnés et du fait que le ministre de la Défense a fermé les yeux sur ces activités.

Pourquoi le premier ministre continue-t-il d'appuyer des choses qui ne sont pas correctes au sein des Forces armées canadiennes: du camouflage, une absence d'autorité, un manque de responsabilité au sommet que représente le refus de congédier immédiatement le ministre de la Défense et le général Boyle?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai dit très clairement hier que nous sommes dans une situation extrêmement délicate et que bien des choses sont en train de changer à la Défense nationale. D'importantes compressions sont effectuées dans les dépenses de fonctionnement. Nous procédons à une réduction très marquée des effectifs militaires. Ce sont là des choses très difficiles à faire.

(1425)

J'ai dit hier que ce dont les forces armées ont besoin à l'heure actuelle, c'est d'un leadership stable. La situation actuelle découle notamment du fait que, du temps du gouvernement précédent, nous avons eu six ministres de la Défense nationale en neuf ans. Je ne crois pas qu'on règle les problèmes en changeant de ministre chaque fois que la Chambre des communes le demande. Le vrai leadership, c'est lorsque de bons ministres font du bon travail dans des circonstances difficiles. J'ai confiance dans le ministre de la Défense nationale.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la notion de défense nationale semble être pour le premier ministre de défendre le ministre et la personne que celui-ci a nommée. Il devrait défendre les intérêts des membres des Forces canadiennes qui sont gênés par les lacunes de l'autorité supérieure et qui sont en train de perdre tout respect pour le ministre de la Défense nationale. Au lieu de cela, le premier ministre ne cesse de défendre son allié politique de longue date et son chef d'état-major choisi avec soin.

Pourquoi le premier ministre défend-il ses alliés politiques plutôt que la réputation et le moral des forces armées?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, bien avant que le chef du tiers parti ne vienne siéger au Parlement, le ministre de la Défense nationale faisait déjà partie du Cabinet. C'est au nom de son expérience que je lui ai confié cette tâche très difficile. Il n'a pas demandé à l'assumer; c'est moi qui le lui ai confiée. Je lui ai dit qu'il serait longtemps en poste parce que je n'avais pas l'intention de changer de ministre chaque fois que le chef de l'opposition ou que le chef du tiers parti prend la parole à la Chambre.

En ce qui concerne M. Boyle, il ne fait pas partie de mes alliés politiques. Je l'ai connu le jour où je lui ai offert le poste de chef d'état-major sur la recommandation de mes conseillers et du ministre de la Défense nationale.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre ne fait que prouver mes dires. Je lui donne la chance de défendre la réputation et le moral des forces armées et il s'empresse de défendre simplement la réputation et le moral de ses alliés politiques.

Le premier ministre a eu tort de choisir ce ministre de la Défense nationale et il a tort d'appuyer le général Boyle. En les défendant, il


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défend, en fait, les intérêts et les alliances politiques des libéraux aux dépens des intérêts nationaux.

Les intérêts et les alliances politiques des libéraux ont-ils vraiment plus de valeur aux yeux du premier ministre que la réputation et le moral des forces armées?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est la première fois depuis longtemps qu'une enquête est en cours sur la Défense nationale. C'est normal qu'une enquête sur une grosse organisation de ce genre soit difficile. Une commission d'enquête travaille là-dessus et elle présentera un rapport.

Entre-temps, nous fermons des bases, nous réduisons les effectifs, etc. Cela se fait de façon très compétente, sans grève ni perturbation.

Bien sûr, il y a des gens qui ne sont pas d'accord. Comme le ministre de la Défense nationale l'a dit hier, tout le monde n'est pas content. Nous avions 120 généraux et il n'en reste plus que les deux-tiers. Il y avait trop de généraux et il fallait qu'il y en ait qui partent. D'autres encore devront partir. Ceux qui ne sont pas contents peuvent s'en aller. Certains devront s'en aller de toute manière. Ceux qui ne sont pas contents devraient se réjouir de partir.

* * *

[Français]

LE LIBELLÉ DE LA QUESTION RÉFÉRENDAIRE

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, hier, le ministre de la Justice, en réponse à ma question disait, et je cite: «Nous allons agir pour assurer que la question référendaire soit claire, que les conséquences soient bien connues et que tous les Canadiens aient un rôle à jouer dans la détermination de l'avenir de ce pays.»

Ma question s'adresse au ministre de la Justice. En voulant décider, par l'entremise des tribunaux du libellé de la question référendaire, le ministre se rend-il compte qu'il place sous tutelle le gouvernement du Québec, niant ainsi au peuple québécois le droit de se gouverner lui-même?

(1430)

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répété hier l'engagement que nous avons pris lors du discours du Trône, c'est-à-dire que, durant tout le processus d'un référendum, il est très important que la question soit claire et qu'on s'assure que tout le monde possède une certaine connaissance des conséquences. Comme je l'ai dit hier, il est également important pour tout le monde au Canada, tous les Canadiens et Canadiennes, d'avoir un rôle à jouer.

Tout cela est une question d'avenir pour le Canada en tant que pays. Comme je l'ai dit hier, nous allons nous assurer que notre engagement soit respecté.

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, la vice-première ministre a déclaré, le 28 février 1996, que le gouvernement fédéral n'envisageait pas tenir un référendum pancanadien sur l'accession du Québec à la souveraineté.

Le ministre de la Justice peut-il nous dire aujourd'hui si le gouvernement a changé d'idée et s'il entrevoit tenir un référendum pancanadien sur l'avenir du Québec?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ces questions découlent d'une décision qu'a rendue la Cour supérieur du Québec, où il a été établi que les questions liées au projet de souveraineté relevaient effectivement de la compétence des tribunaux et que la Constitution touchait directement à ces questions.

C'est dans cet esprit que j'ai déclaré par le passé et que j'ai répété hier, à la Chambre, que, en tant que gouvernement national de notre pays, nous allons veiller à ce que ces questions soient réglées selon les lois du pays. Nous allons veiller à ce que les aspects politiques et légaux de ces questions soient respectés et à ce que les choses se passent conformément aux valeurs qui sont chères aux Canadiens.

* * *

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, la réduction la plus dévastatrice que le ministère de la Défense nationale puisse subir, c'est celle qui a pour effet de rayer les mots «leadership», «imputabilité» et «responsabilité» du vocabulaire du quartier général du ministère de la Défense nationale.

Pendant la campagne électorale, les libéraux ont promis de rendre le gouvernement plus transparent. Or, c'est avec stupéfaction que les Canadiens ont appris que le ministère de la Défense nationale pratiquait une politique d'endiguement et que, pour la première fois de l'histoire du pays, le gouvernement fédéral a eu recours aux tribunaux pour dissimuler un document rendu public par le commissaire à l'information.

Pourquoi le premier ministre appuie-t-il la politique d'endiguement qui a été conçue pour contrecarrer le commissaire à l'information et empêcher que des renseignements soient communiqués au public?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il me semble que le député était tellement préoccupé par son propre discours, hier, qu'il n'a pas entendu la question posée par un député du Bloc québécois et qui était essentiellement la même que celle qu'il vient de poser. Je vais donc répéter ma réponse.

Le fait est que nous avons recours aux tribunaux non pas pour contester de quelque façon que ce soit la Loi sur l'accès à l'information, mais pour sauvegarder les droits d'un fonctionnaire. Nous estimons que cela est de la plus haute importance.

Je ne crois pas devoir en dire davantage, sauf pour ajouter que les tribunaux sont là pour arbitrer les différends.

Le député s'en prend au gouvernement en disant qu'il manque de transparence. Qu'y a-t-il de plus transparent qu'une enquête publique tenue en vertu de la Loi sur les enquêtes, sous les projecteurs de


4305

la télévision où les gens vont témoigner? Ça, c'est de la transparence. C'est en ça que croit que le gouvernement actuel.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, les observations du ministre passent complètement à côté du sujet. Il ne s'agit pas des droits d'un employé, mais des droits du public de prendre connaissance de renseignements rendus publics par le commissaire à l'information.

Sur le plan de la transparence et de l'imputabilité, le ministère de la Défense nationale a le pire dossier du gouvernement. Depuis que l'actuel ministre est en poste, des documents ont été perdus, altérés, détruits, cachés, et le budget de ruban masque du ministère de la Défense nationale a été dépassé de beaucoup.

Le premier ministre n'est-il pas d'accord avec le ministre de la Défense pour dire que transparence est synonyme de camouflage, et que les mots «vérité», «devoir» et «valeur» signifient ne pas se faire prendre?

(1435)

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, le député-à l'instar de son chef-a parlé de déclarations et d'éléments de preuve présentés à la commission d'enquête. C'est plutôt malheureux.

Un processus est en cours et ce processus doit être juste envers les personnes en cause. Il doit être juste envers tous ceux qui témoignent devant la commission, envers les membres de la commission et envers le public.

Le député a montré que l'équité ne tenait aucune place dans son arsenal politique, son arsenal rhétorique. Quand il s'agit des droits de la personne, le député ne fait pas preuve d'équité envers un fonctionnaire dont les droits doivent être protégés. Le gouvernement actuel protégera les droits de cet employé en demandant l'arbitrage des tribunaux.

* * *

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Justice joue la carte de la primauté du droit, «the rule of law» dit-il, mais dans le fond, sa «rule of law», c'est celle de la majorité «Canadian» qui veut imposer ses volontés au peuple québécois.

Le ministre se rend-il compte qu'il est en train de recréer le même scénario que celui de Meech, par lequel Terre-Neuve et le Manitoba ont pu imposer et décider de l'avenir du Québec?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député a tort de laisser supposer que la primauté du droit entraîne l'oppression.

Il est extrêmement important, tant pour la population du Québec que pour celle du reste du Canada, que tout ce qui se fait dans notre pays respecte les principes de droit.

La primauté du droit et la démocratie vont de pair, et la primauté du droit ne fait pas obstacle au changement. Au contraire, elle permet au changement de s'opérer de façon ordonnée. Si l'on examine cela dans un contexte démocratique, on voit que la question du député se fonde sur de fausses prémisses.

Il est inquiétant de voir le procureur général d'une province, qui est censé être le principal responsable de l'application de la loi dans la province, sortir de la salle d'audience en disant qu'il se désintéresse complètement de l'affaire et que les résultats ne changeront rien à ses plans. C'est inquiétant. Ça ne cadre pas avec les valeurs des Québécois ni avec celles du peuple canadien.

Les principes juridiques et le respect de la primauté du droit vont de pair avec la démocratie, et cela est au coeur de la question du député.

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, c'est une belle démocratie quand une province grosse comme l'Île-du-Prince-Édouard, plus petite que certains comtés québécois, peut décider de l'avenir du Québec. Ce genre de démocratie et de majorité imposée, on les connaît, ça fait longtemps qu'on les vit.

Sous ses belles allures et sous les beaux discours du ministre de la Justice se pointe une autre réalité, celle de deux poids deux mesures. Comment le ministre peut-il nous expliquer que tous les Canadiens devraient être consultés quand une province veut quitter la fédération, comme le Québec par exemple, alors qu'ils n'ont jamais été consultés quand une province voulait entrer dans la fédération, comme Terre-Neuve, par exemple? Expliquez-moi donc ça!

Le Président: Il faut toujours vous souvenir, chers collègues, que vous devez vous adresser à la Présidence. Ne m'oubliez pas.

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, tous les Canadiens doivent être consultés au sujet de cette décision, car c'est l'avenir de leur pays qui est en jeu.

Des voix: Bravo!

(1440)

M. Rock: Le député ne doit pas laisser entendre que les Canadiens ne respectent pas profondément la décision que les Québécois


4306

doivent prendre. S'il y a un autre référendum, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les persuader de voter pour le Canada. Il ne faut pas oublier que les Québécois ont voté pour le Canada à deux reprises dans le passé.

Si nous sommes vraiment motivés par les valeurs démocratiques et la volonté du peuple, nous devons envisager la possibilité d'un référendum consultatif. Le lendemain, quelques ténors du gouvernement pourraient décider unilatéralement de déclarer l'indépendance du Québec et la fin du Canada, ce qui irait à l'encontre du principe de la primauté du droit.

Lois et démocratie vont de pair, et c'est l'approche que les Canadiens veulent que nous adoptions dans ce dossier.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, hier le ministre de la Défense a parlé de respecter le processus en ce qui a trait à l'enquête sur les événements survenus en Somalie. Pourtant, le 28 août dernier, avant que le général Boyle ait témoigné et avant que le colonel Haswell ait même commencé son témoignage, le ministre a publiquement exonéré le général Boyle et fait son éloge en tant que chef d'état-major de la Défense. Ces remarques n'étaient rien de moins qu'une ingérence flagrante dans l'enquête en cours.

Comment le premier ministre peut-il tolérer cette violation du processus par le ministre qui a ordonné la tenue de l'enquête?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, l'équité est l'une caractéristiques fondamentales de la société canadienne. C'est l'équité qui fait que nous donnons à tous la chance de se faire entendre, et c'est l'équité qui fait que les droits de chacun sont respectés.

Dans le cas de la commission d'enquête sur la Somalie, les commissaires impartiaux doivent obtenir tous les documents et entendre tous les témoignages avant de rendre leur décision. Lorsque les commissaires déposeront leur rapport, ce qui devrait se faire en mars prochain, le gouvernement y donnera suite. Dans l'intervalle, il serait contre-indiqué de formuler des observations sur le processus en cours et ce serait aussi ne pas respecter ce processus.

J'invite le député à prendre en considération ses propres remontrances.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, le ministre et son ministère ont fait entrave à l'enquête. Le ministre est intervenu de façon inappropriée. Il fait comparaître en cour martiale un caporal qui voulait témoigner, et il a traîné le commissaire à l'information devant les tribunaux pour l'empêcher de faire son travail.

Le premier ministre ne voit-il pas que son ministre de la Défense a toléré, voire appuyé, la rétention d'informations et le camouflage des faits au quartier général de la Défense nationale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, notre gouvernement prône la transparence totale. C'est la première fois qu'une enquête complète est tenue. La commission a consacré huit mois à examiner toutes sortes de questions n'ayant pas trait aux événements survenus en Somalie mais plutôt aux opérations du ministère. Maintenant la commission se penche sur les événements survenus en Somalie et elle déposera son rapport en temps utile. Laissons la commission faire son travail. Je veux que tous laissent le chef d'état-major et le ministre de la Défense faire leur travail.

* * *

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Hier en cette Chambre, le premier ministre a accordé sa pleine confiance au général Boyle et à son ministre de la Défense. Pourtant, lors de son témoignage devant la Commission d'enquête sur la Somalie, le général Boyle a admis avoir violé l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information, de plus sa propre police militaire a même conclu qu'il lui avait menti.

N'y a-t-il pas un problème d'éthique qui se pose quand un premier ministre affirme aussi facilement sa confiance dans un individu qui a admis avoir violé l'esprit d'une loi et qui a fait de fausses déclarations à la police militaire?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Je le répète, monsieur le Président, nous devons faire preuve d'équité envers tous ceux qui comparaissent devant la commission d'enquête et éviter de sauter aux conclusions.

Porter des jugements prématurés, sauter aux conclusions, c'est nier un droit fondamental que possèdent les Canadiens, celui de se faire entendre dans un cadre impartial. Nous avons institué la commission d'enquête pour fournir ce cadre, et je suis convaincu que tous les Canadiens apprécient ce processus, contrairement au député d'en face.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse au premier ministre.

Le général Boyle a admis lui-même à la Commission qu'il avait manqué de communication avec ses subalternes, qu'il n'était pas au courant de l'opération cover up dans l'armée, confessant ainsi de graves lacunes.

Comment le premier ministre a-t-il pu déclarer hier, et je le cite:

Le général Boyle [. . .] fait son travail comme il doit le faire. Il doit continuer à le faire.
(1445)

Est-ce à dire que le premier ministre approuve la façon maladroite avec laquelle le général Boyle, et c'est le moins qu'on puisse dire, a fait son boulot?


4307

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le général Boyle a dit ce qui arrive à tout le monde, c'est-à-dire que dans de grandes administrations, il arrive des situations où le grand patron n'est pas au courant de tous les détails. Il l'a dit carrément à la Commission. La Commission tirera les conclusions qui s'imposent dans le contexte d'une enquête qui dure depuis neuf mois déjà.

Cela arrive à tout le monde et parfois, dans des documents, on voudrait voir certaines choses qui ne nous sont pas montrées, mais en autant qu'on prend la responsabilité du ministère et qu'on prend la responsabilité des fonctions et qu'on ne s'en éloigne pas, il faut attendre maintenant de voir ce que la Commission dira à ce sujet et au sujet de tout ce qui entoure l'enquête sur la Somalie.

* * *

[Traduction]

LE MEXIQUE

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, l'avis aux voyageurs que le ministère des Affaires étrangères a émis récemment au sujet des voyages au Mexique suscite beaucoup de confusion. Le ministre déconseille-t-il aux Canadiens d'aller au Mexique? Pourrait-il expliquer la situation et clarifier cet avis pour la gouverne des députés?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question, car il semble exister un grand malentendu à cet égard.

Le ministère des Affaires étrangères émet régulièrement des avis aux voyageurs. Cela n'a rien d'exceptionnel dans le cas du Mexique. Nous en émettons à peu près chaque mois. Nous n'avons fait que ce que nous faisons depuis plusieurs mois, c'est-à-dire signaler que certains États du Mexique connaissent une certaine agitation sociale. Nous ne faisons que conseiller aux voyageurs ou aux touristes d'éviter de voyager dans ces régions; ils devraient rester dans les zones touristiques et porter des pièces d'identité. Cela ne constitue en rien une mise en garde, et cela ne déconseille en rien d'aller au Mexique.

Je dirai aux députés qui ont reçu des demandes d'information de la part de leurs électeurs que nous serions heureux de fournir toute l'information voulue concernant cet avis aux voyageurs. Il est clair que les députés du Parti réformiste ne savent pas lire ou ne s'en soucient pas, mais je pense que la plupart des députés se préoccupent de leurs électeurs qui doivent se rendre au Mexique.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, dans les réponses que le premier ministre et le ministre de la Défense nationale ont données aujourd'hui au sujet du véritable fouillis qui règne au ministère, nous avons eu droit au summum de l'hypocrisie. Ils ont dit: «Laissez la commission décider.»

Le ministre de la Défense nationale lui-même a essayé de faire nommer un copain du gouvernement comme commissaire. Les plus hauts gradés de l'armée et les hauts fonctionnaires du ministère ont été impliqués dans la falsification des documents communiqués à la commission. Le gouvernement lui-même a accordé une aide juridique à certains participants, mais non à d'autres.

Ma question s'adresse au premier ministre. Si le premier ministre croit qu'il faut laisser la commission faire son travail, pourquoi ne congédie-t-il pas le ministre de la Défense nationale et le général Boyle, qui n'ont pas laissé la commission faire ce travail?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la commission siège depuis maintenant sept ou huit mois. Jour après jour, elle a posé des questions dans des audiences retransmises à la télévision nationale. Les avocats posent des questions. Ils mettent les fonctionnaires sur la sellette comme s'ils avaient affaire à des criminels. Tout se passe au grand jour. Nous ne pourrions pas avoir de gouvernement plus transparent. Les trois commissaires ont été nommés, mais je n'en connais qu'un seul personnellement. L'un d'eux est un juge qui a été nommé par un autre gouvernement. Je ne le connais pas du tout, et je ne l'ai jamais rencontré. Personne ne peut prétendre que la commission n'est pas indépendante, transparente et dotée de toutes les ressources nécessaires. En fait, l'examen de cette affaire est en train de devenir très coûteux.

Nous tenions à aller au fond de l'affaire somalienne, comme la Chambre le voulait. On y a déjà mis sept mois, et il faudra encore probablement de longs mois. Même l'affaire du Watergate, aux États-Unis, s'est réglée en six ou sept semaines.

(1450)

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre n'a répondu à aucune de mes questions. S'il s'agit d'une enquête transparente et si nous devons laisser la commission accomplir son travail, pourquoi n'a-t-il rien dit lorsque le ministre de la Défense a essayé d'influencer le choix des commissaires? Pourquoi n'a-t-il rien dit lorsqu'on a essayé de falsifier les documents soumis à la commission? Pourquoi n'a-t-il pas réagi lorsqu'on a accordé une aide juridique à certains participants et pas à d'autres?

Le premier ministre est bien près de tremper dans les manoeuvres de camouflage auxquelles se livrent les militaires.

Le Président: Chers collègues, dans nos questions et nos réponses, nous en sommes presque au point d'employer des termes non parlementaires et de faire des procès d'intention.

J'invite le député à choisir très judicieusement les termes qu'il emploie. Je n'ai entendu aucune question, mais j'ai vu le premier ministre s'apprêter à faire une réponse quelconque. Je n'ai pas entendu la question. S'il y a une question, je voudrais que le député. . .

M. Harvard: Il n'y en a pas.

Une voix: La vérité blesse, n'est-ce pas?

Le Président: À l'ordre. Je demande au député de poser immédiatement sa question.


4308

M. Manning: Monsieur le Président, pour garantir qu'il n'y ait pas de camouflage dans l'enquête sur l'affaire somalienne, le premier ministre est-il disposé à donner à la Chambre l'assurance que les résultats de l'enquête seront intégralement rendus publics avant les prochaines élections?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le chef du tiers parti a besoin de plus qu'une nouvelle coiffure.

Il va sans dire que le rapport sera déposé, une fois terminé. Mais à voir comment le chef du tiers parti se comporte à la Chambre aujourd'hui, je crois que, aux prochaines élections, il pourra compter sur un soutien bien proche de celui qu'obtient un autre chef réformiste aux États-Unis, M. Perot, c'est-à-dire 5 p. 100.

* * *

[Français]

LE FONDS DE PRODUCTION TÉLÉVISUELLE

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, soyez patient, ce n'est pas encore mercredi.

En annonçant le Fonds de production télévisuelle dont 75 p. 100 du budget provient de Patrimoine Canada, la ministre nous apprenait que, dorénavant, son ministère siégerait au conseil d'administration du Fonds, et cela constitue un geste sans précédent dans les annales d'un ministère à vocation culturelle.

(1455)

Ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine. En quoi la ministre du Patrimoine croit-elle améliorer la situation de la production culturelle en faisant disparaître la longue tradition d'indépendance vis-à-vis du pouvoir public dans l'attribution des fonds aux créateurs?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je pense que la décision d'annoncer ce fonds de programmation a été non seulement accueillie par le gouvernement du Québec, mais la ministre de la Culture a dit que c'est un bon pas dans la bonne direction pour la culture au Québec.

M. Gaston Leroux (Richmond-Wolfe, BQ): Monsieur le Président, si c'est un bon pas dans la bonne direction, ma question supplémentaire à la ministre est la suivante. Parlant de direction, le nouveau conseil d'administration du fonds sera, à toutes fins pratiques, celui des câblodistributeurs.

La ministre demandera-t-elle que dans les faits, elle mette Téléfilm Canada sous la tutelle des câblodistributeurs et transfère ainsi le pouvoir décisionnel de Montréal vers Toronto?

L'hon. Sheila Copps (vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, non, au contraire, ce que nous avons réussi à faire avec un nouvel investissement de 100 millions de dollars, on a été capable de tirer des bénéfices économiques pour les producteurs indépendants, dont la majorité siègent à Montréal, de 650 millions de dollars. Cela représente 10 000 emplois dans une industrie culturelle qui est aussi importante à Montréal qu'à Toronto, à Vancouver et à travers tout le pays.

* * *

[Traduction]

L'AGRICULTURE

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, le processus de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest, mécanisme imaginé par le ministre de l'Agriculture et si cher à ce dernier, a publié un rapport qui, au grand désespoir du ministre, est favorable à nombre de réformes que les réformistes préconisent depuis le début pour moderniser le système de commercialisation du grain. C'était là une bonne nouvelle pour l'économie des Prairies. La mauvaise nouvelle, c'est que le ministre envoie des signaux qui donnent à penser que, pour l'essentiel, il ne tiendra pas compte de ce rapport ayant coûté des millions de dollars.

Le ministre a-t-il l'intention de se dérober à ses responsabilités de chef de file, comme il en a l'habitude, en ne tenant pas compte des recommandations du groupe dont il a lui-même choisi les membres?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, ces derniers mois, j'ai écouté très attentivement les préoccupations que les agriculteurs et d'autres intervenants ont exprimées au sujet de la commercialisation du grain.

Je voudrais parler d'un article publié plus tôt ce mois-ci dans un journal du sud-ouest de la Saskatchewan. L'auteur de l'article fait rapport d'un sondage qu'il a effectué. Il écrit ceci: «La conclusion la plus importante, c'est que 60 p. 100 des personnes interrogées s'opposent à un système de commercialisation double et sans restriction. De plus, 64 p. 100 s'opposent à ce que les agriculteurs commercialisent librement leur grain aux États-Unis.» Dans un autre ordre d'idées, l'auteur dit ceci: «Il est clair que la plupart des détenteurs de carnets de permis de cette circonscription souhaitent le maintien d'un guichet unique de commercialisation du blé.» L'auteur est le député fédéral de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia.

Des voix: Oh, oh!

Une voix: Incroyable.

M. Goodale: Le député voudra peut-être consulter son voisin. En attendant, j'écouterai attentivement toutes les recommandations qui me seront soumises.

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, le sondage mentionné par le député révèle aussi que les producteurs sont en faveur d'un système de commercialisation double pour l'orge, ce que le ministre s'est bien gardé de dire.

À la Chambre, le ministre a dit qu'il faisait énormément confiance au processus qu'il a lui même institué et dont il a choisi les participants. Maintenant, il laisse carrément tomber le rapport qui en est issu.

Le ministre a leurré les agriculteurs en leur disant d'attendre les conclusions du processus. Maintenant il donne l'impression qu'il ne tiendra pas compte des recommandations unanimes issues du pro-


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cessus qu'il a lui-même établi. Comment un ministre peut-il justifier une démarche aussi coûteuse, embrouillée et peu concluante?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, si l'opinion du député de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia n'impressionne pas le député, permettez-moi de lui parler d'un autre document.

Son auteur dit que la responsabilité première du ministre de l'Agriculture et du gouvernement fédéral consiste à démocratiser les activités de la Commission canadienne du blé. L'auteur dit ensuite que toutes les autres questions concernant la commercialisation devraient être soumises au nouveau conseil d'administration. L'auteur de ce document qui a été présenté dans le cadre du processus de consultation sur la commercialisation du grain de l'Ouest est le député fédéral de Kindersley.

* * *

(1500)

LES ÉLECTIONS EN BOSNIE

M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Le week-end dernier, les Bosniaques ont participé à des élections importantes dans leur pays. Cet événement a été suivi avec intérêt par les Canadiens, qui attendent avec impatience de voir la mise en oeuvre fructueuse du processus de paix dans ce pays.

Le ministre pourrait-il informer la Chambre de la position du gouvernement sur le résultat de ces élections et nous parler aussi de la contribution des Canadiens à cet événement démocratique important?

L'hon. Christine Stewart (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique), Lib.): Monsieur le Président, le Canada est très heureux d'avoir pu participer à la surveillance des élections la semaine dernière. Nous sommes heureux que le scrutin se soit déroulé sans manifestation de violence et sans obstruction systématique.

Nous espérons que l'accord de Dayton pourra maintenant être mis en oeuvre, et la communauté internationale doit être là pour y voir.

Comme je l'ai dit, le Canada était là et continuera d'être là. Nous sommes très heureux du résultat des élections.

* * *

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

En 1992 et en 1994, le Parti libéral et le caucus libéral ont promis de soustraire les livres et les autres imprimés à la TPS, reconnaissant ainsi les sérieuses répercussions de cette taxe sur l'alphabétisation, sur les étudiants, les librairies et les éditeurs.

Étant donné que, loin de tenir sa promesse, le gouvernement libéral, par la voie de l'harmonisation, hausse maintenant les taxes sur les livres dans trois provinces atlantiques, je demande au premier ministre quand le gouvernement tiendra sa promesse de soustraire les livres à la TPS.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme le sait le député, le taux de la TPS est resté le même. Nous n'avons augmenté la taxe sur aucun article.

Quant à la taxe sur les livres, nous avons déclaré que nous étions disposés à examiner toutes les possibilités. Cependant, dans le cadre de cet examen, il nous faut répondre à une série de questions. Tout d'abord, est-ce là le meilleur usage des 140 millions de dollars que coûterait la mesure? De plus, est-ce le meilleur moyen d'encourager l'alphabétisation?

Nous sommes en train d'examiner ces questions. Nous ne prendrons pas une décision précipitée tout simplement pour plaire au député.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: J'attire l'attention des députés sur la présence à notre tribune de Son Excellence G. L. Peiris, ministre de la Justice et des Affaires constitutionnelles et sous-ministre des Finances de la République socialiste démocratique de Sri Lanka.

Des voix: Bravo!

Le Président: Hier, dans le tourbillon de nos activités-et je sais que je devrais être alerte et prêt à toutes ces choses-j'ai oublié que nous avions avec nous notre 20e groupe de pages.

Nous avons avec nous nos pages pour 1996 et je vous invite à vous unir à moi pour leur souhaiter la bienvenue parce qu'ils feront partie de notre famille tout au long de la prochaine année.

Des voix: Bravo!

* * *

(1505)

[Français]

QUESTION DE PRIVILÈGE

LE DÉPUTÉ DE GLENGARRY-PRESCOTT-RUSSELL

Le Président: Mes chers collègues, j'ai reçu un avis concernant une question de privilège de l'honorable député de Laurier-Sainte-Marie. Elle sera suivie d'un rappel au Règlement de la part d'un autre député.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, hier, le député de Glengarry-Prescott-Russell a fait une annonce publicitaire au cours de la période de déclarations des députés. Je note en passant les contradictions entre un député qui prône souvent la règle du droit et qui organise une manifestation pour appuyer ceux qui violent les lois d'une province. Disons que certains se réclament de la démocratie et de la règle de droit quand

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ça fait leur affaire. On peut appeler ça du «fairplay», mais en français, de temps à autre, on traduit «fairplay» par hypocrisie.

Il n'en demeure pas moins. . .

Le Président: À l'ordre. Le mot «hypocrisie» est comme l'autre mot qui a été utilisé aujourd'hui et au sujet duquel j'aurais dû intervenir. J'aimerais que vous n'utilisiez pas le mot «hypocrisie», s'il vous plaît.

M. Duceppe: Monsieur le Président, je ne l'ai pas adressé à mon collègue. Je constatais que cela se traduit de temps à autre un peu par autre chose.

Or, ce que je soulève, c'est que du moment que le député a indiqué en cette Chambre le numéro de téléphone où on pouvait se procurer les billets pour le concert rock en appui à ceux qui ont violé la loi du Québec, le plan C, au même moment, il nous indique également le prix des billets.

Je vous soumets qu'une telle pratique est inacceptable, sinon, on risque de transformer la Chambre des communes en un vaste marché aux puces, en quelque sorte, où certains pourraient faire des annonces publicitaires.

Le Président: Je remercie l'honorable député. À mon avis, au lieu d'entamer un petit débat ici, il faut simplement demander ceci au député.

[Traduction]

Je laisse aux députés beaucoup de liberté dans leurs déclarations à la Chambre et j'entends continuer de le faire. Les députés se souviendront cependant que leurs déclarations ne doivent pas avoir pour but d'assurer des gains commerciaux. Aussi, j'espère qu'ils s'abstiendront à l'avenir de faire des déclarations qui permettraient à certains groupes de réaliser des gains d'ordre monétaire.

Je prends bonne note de l'intervention et je n'en dirai pas davantage. Je ne crois pas qu'une réponse soit nécessaire. Il n'y a pas matière à soulever la question de privilège. Je rendrai une décision à ce sujet. J'espère que nous n'aurons plus de message à caractère commercial de ce genre à l'avenir.

* * *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE DÉPUTÉ DE LAURIER-SAINTE-MARIE

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, le député de Laurier-Sainte-Marie, qui vient de prendre la parole, a déclaré que, parce le territoire de l'île-du-Prince-Edouard est moins étendu que celui de certaines circonscriptions du Québec, cette province ne devrait pas jouir des mêmes droits et privilèges que les autres provinces. Ces propos trahissent une ignorance de ce qu'est le Canada.

Le Président: Nous nous engageons dans un débat d'opinions. Je vous invite à toujours bien choisir vos mots. J'estime que, s'il y a matière à conflit, il n'y a pas matière à un recours au Règlement.

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, le député de l'autre côté a invoqué quelque chose comme un point de privilège dans un commentaire à mon sujet. Je suppose que me défendre contre cette accusation constituerait aussi un point de privilège.

(1510)

Le Président: Si la question de privilège avait été soulevée, et j'ai décidé que ce n'était pas le cas, j'aurais donné la parole au député.

J'ai écouté ce que le député de Laurier-Sainte-Marie avait à dire. J'ai décidé que la question de privilège n'était pas fondée. J'aimerais, si vous le voulez bien, que l'affaire en reste là.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR LES PRISONS ET LES MAISONS DE CORRECTION

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-53, Loi modifiant la Loi sur les prisons et les maisons de correction, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi C-53 vise à modifier la Loi sur les prisons et les maisons de correction.

Tout d'abord il est important de préciser qu'il a pris forme, ce projet de loi, en rapport avec un groupe de travail formé en 1993. Le projet de loi fait suite aux recommandations d'un groupe de travail fédéral-provincial et territorial, il est important de le souligner, qui avait été mis sur pied par les responsables des services correctionnels afin de recommander des modifications à apporter à la Loi régissant les permissions de sortir pour les contrevenants sous la responsabilité provinciale ou territoriale.

Des modifications ont été apportées par les ministres de la Justice, en mai dernier, soit mai 1996. Ces modifications ont été proposées en réponse aux demandes des provinces et des territoires. Elles visent à remédier à des lacunes et à donner aux provinces et territoires une flexibilité accrue pour l'administration de leurs programmes de permission de sortir.

Cela faisait quelque temps que les autorités provinciales et territoriales exprimaient la nécessité d'une mise à jour de la Loi sur les prisons et les maisons de correction.

La première lecture de ce projet de loi s'est effectuée le 18 juin 1996. À partir de ce moment le Bloc québécois a pris connaissance en profondeur des tenants et aboutissants possibles du projet de loi. Maintenant, le Bloc proposera des améliorations en comité parce qu'on pense que le projet de loi passera l'étape de la deuxième lecture, comme c'est un peu la coutume, parce que dans l'ensemble le projet de loi semble quand même potable. Cependant, le Bloc aurait-du moins je le suggérerai au Bloc, naturellement on en a un


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peu parlé-trois points qu'il importerait, à mon avis, de regarder de plus près, modifier si cela est possible, mais regarder de plus près. Il y a des éléments importants qui sont à mon avis un peu laissés pour compte.

Le principe de la protection de la société, qui est le critère déterminant dans la Loi fédérale sur les libérations conditionnelles, est absent des principes généraux à cette loi. Il est inclus comme un élément parmi tant d'autres à l'article 7.1 du projet de loi.

À mon avis, c'est un peu un manque au niveau de l'éthique que d'arriver et prétendre que la protection de la société maintenant, dans le décorum de fabrication des lois, est relégué au second rang. À ce moment-là il faut s'interroger pour savoir ce qu'on met en premier lieu, si ce n'est pas, dans une loi régissant des lois, la protection de la société.

(1515)

Tous les gestes qu'on pose, toutes les législations sur lesquelles on vote sont soit pour améliorer le sort d'une société ou pour mieux la protéger, ce qui revient au fond à améliorer le sort de la société. Quand on prend, comme c'est le cas, le terme «protection de la société» et qu'on le relègue à travers d'autres articles secondaires dans le projet de loi, il m'apparaît un peu dangereux de penser comme cela.

Vous savez, tous les bons écrits débutent d'abord par des pensées, mais quand on n'a même pas la bonne pensée, il faut s'interroger sur ce qui sortira à l'écrit plus tard. Donc il apparaît important à ce moment de faire attention, quand on utilise le terme «protection de la société», de bien l'insérer dans les principes généraux de base de la loi, entre autres du projet de loi C-53. C'est une chose à mon avis que les proposeurs devraient entériner assez facilement, sans trop de difficulté.

Je passe à un deuxième élément que j'appelle la subtilité libérale. Je dis qu'il serait préférable de modifier l'appellation «lieutenant-gouverneur» par «lieutenant-gouverneur en conseil», c'est ce que je proposerais, donc plus spécifiquement le cabinet des ministres d'une province. Cette appellation représente la réalité et laisse l'entière discrétion aux gouvernements provinciaux en ce domaine. L'appellation actuellement utilisée dans le projet de loi porte à confusion.

En inscrivant «lieutenant-gouverneur», cela veut dire qu'une seule personne nommée par le premier ministre du Canada, si on se rappelle bien, déterminera ou non ou aura du moins un gros mot à dire sur le sort des libérés conditionnels. Alors qu'on prévoit la décentralisation, qu'on parle de décentralisation actuellement au Parti libéral, le Bloc québécois, par ma parole, donnera encore aux gens du Parti libéral une belle chance de faire valoir ce qu'ils disent, c'est-à-dire la décentralisation donnée au conseil des ministres de chacune des provinces, le loisir de déterminer à la place du lieutenant-gouverneur certaines décisions qui appartiendraient, selon le texte de loi, au lieutenant-gouverneur.

Donc, c'est une belle occasion pour les proposeurs d'arrêter de dire simplement qu'on délègue et qu'on redistribue aux provinces et de le faire en rajoutant simplement un mot, le mot «conseil», après «lieutenant-gouverneur». Cela ne devrait pas non plus être difficile. Nous au Bloc québécois ne considérons pas que c'est difficile de déléguer aux provinces, naturellement, mais enfin, on verra bien. Laissons la chance au coureur à ce niveau.

Le troisième élément est un petit peu moins banal et un petit peu plus long également à expliquer. À l'alinéa 7.4(1), la durée des libérations conditionnelles est prolongée de 15 jours à 60 jours. J'avoue que j'ai un petit peu de difficulté à vivre avec cet élément et il faudra, au Bloc québécois, travailler sur le dossier pour arriver à présenter une forme appréciable de modifications, parce que telle qu'elle est là, avec l'expérience que j'ai dans le milieu, avec les contacts aussi que j'ai et qui m'ont parlé de ce nouvel aspect, je constate que cela n'a rien pour améliorer la qualité-on revient justement à ce qu'on disait tout à l'heure-de la protection de la société.

Le principe veut dire qu'on donne à un individu une libération conditionnelle et que chaque 15 jours il doit venir se rapporter pour qu'on fasse des vérifications, s'informer si tout va bien, suivre l'évolution des dossiers. Il faut aussi que l'individu évolue, qu'il apprenne à vivre dans la société, à travers cela, etc.

Donc chaque deux semaines on fait un suivi. C'est actuellement le cas. La nouvelle loi préconise qu'on le fasse chaque 60 jours. La période de temps est donc quatre fois plus longue, alors que déjà il s'en échappe. Je vais vous donner des statistiques intéressantes. J'ai des statistiques pour beaucoup d'années, mais en raison du temps je vais seulement m'en tenir à celles du 1er avril 1995 au 31 mars 1996.

On voit que le pourcentage dans la catégorie libérations conditionnelles terminées avec succès est de 73 p. 100. C'est donc dire que 73 p. 100 des gens libérés conditionnellement ont réussi. C'est plaisant, mais ce qui fait peur, c'est l'autre 27 p. 100.

(1620)

Cependant, il faut bien spécifier que les 27 p. 100 qui restent doivent être divisés en deux. Il y a des gens qui ont échoué leur libération conditionnelle pour des raisons techniques. Cela veut dire qu'un individu par exemple pour qui il était interdit de se trouver dans un bar, dans un débit de boisson, y a été vu, donc, on l'a ramené à l'intérieur de la prison parce qu'il a commis un manquement. Il n'a jamais commis un crime, il faut s'entendre. Ce n'est pas un crime que de se trouver dans un débit de boisson, alors que c'est interdit en libération conditionnelle; c'est seulement un manquement à la libération conditionnelle, donc c'est une faute technique. Il n'y a aucun danger pour la société.

Dix-sept pour cent des gens ont eu un manquement à ce niveau. Il en reste 10 p. 100 pour qui la libération conditionnelle a été arrêtée parce qu'ils ont commis un crime. Imaginez! C'est là que je fais le lien entre les 15 et les 60 jours. On voyait ces gens-là tous les 15 jours et on n'a pas pu déceler le moment où ils seraient appelés à commettre un crime. Dix pour cent comme ça; 10 p. 100, lorsqu'on parle de 2 500 personnes, cela fait beaucoup.

Imaginez donc le résultat, qui ne peut pas être meilleur, à mon avis, si on prend cette période de 15 jours et qu'on la multiplie par quatre. J'ai bien du mal à penser que le sort de la société sera amélioré, que même le sort de l'individu traité sera amélioré et que, par conséquent, la protection des citoyens sera améliorée.

À moins qu'on trouve une recette miracle, et pourtant, on en a essayé plusieurs à l'intérieur des murs des prisons, je vous le garantis, ce n'est pas en laissant les individus qui ont besoin d'un encadrement oisifs qu'on va régler un problème. Il est bien certain


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qu'il ne faut pas les surencadrer, alors qu'ils ont besoin d'un peu d'oisiveté, par exemple, pour s'insérer dans une société, pour s'amalgamer un peu à tout le processus d'une société normale. Il faut les suivre.

À l'heure actuelle, on évalue qu'à deux semaines, tous les 15 jours, cela nécessite un certain nombre de personnel, une quantité de personnel, mais on obtient quand même des résultats. Si on prend cette même période et qu'on la multiplie par quatre, on aura sauvé au chapitre du nombre de personnes qui travaillent pour le solliciteur général, soit qu'il y aura un peu moins d'agents de libération conditionnelle pour suivre les dossiers. Par contre, à mon avis, c'est la société qui y perd. C'est aussi l'individu à qui il faut donner un coup de main pour être reconduit dans la société, pour être suivi dans la société. Lui non plus, on ne le sert pas. On ne le sert pas du tout, on le laisse un peu plus à lui-même et c'est toute une société qui paie pour cela.

Une amélioration, cependant, est notée favorable et assez évidente. Il s'agit du paragraphe 7.6 que je prends le temps de lire, il est très court:

7.6 (1) L'autorité compétente qui suspend, annule ou révoque la permission de sortir du prisonnier, ou la personne qu'elle peut désigner, peut autoriser l'arrestation et l'incarcération de celui-ci par mandat ou par avis de suspension, d'annulation ou de révocation.
Pour faire une petite histoire courte sur la façon dont cela se passait auparavant, imaginons un individu qui a dans ses conditions de libération de ne pas se trouver dans un débit de boisson et qu'il soit vu dans un tel débit. Lorsque l'individu, tous les 15 jours, venait devant son agent, s'il était évalué par l'agent, il fallait qu'il passe devant le comité des libérations pour évaluer s'il y avait ou non infraction dans la reconnaissance de ses conditions; le groupe en question décidait que, oui, il y avait infraction. À ce moment-là, si l'individu n'est pas là par exemple, il est reconnu avoir été mis en infraction, mais c'est un document, un rapport du comité qui sort. Ce rapport dit qu'un tel est mis en infraction, maintenant il n'est plus éligible à être en libération conditionnelle, mais il n'est plus là.

(1625)

On essayait de remettre ça aux policiers et les policiers disaient que ce n'était pas un mandat et qu'ils ne pouvaient pas l'effectuer, c'est seulement un rapport de commission. Ça ne vaut rien pour les exécutants de la loi, ça ne vaut rien pour eux.

Avec ce nouveau changement, le document du comité en question a force de mandat, force de loi. Il pourra être remis à une instance policière et les policiers pourront procéder, dans les plus brefs délais, à l'arrestation de l'individu qui est en infraction, c'est-à-dire qui commet une faute dans le cadre de ses conditions de libération conditionnelle.

À mon avis, sommairement, c'est aussi celui de quelques membres du Bloc, c'est là l'essentiel. On s'est penché sur le dossier et il faudra s'y pencher encore pour peaufiner un peu une présentation devant le comité qui étudiera le projet de loi C-53 en deuxième lecture. Le Bloc se penchera, tout au moins, sur les trois éléments dont je viens de vous faire part afin de vérifier s'il serait possible de bonifier, d'améliorer un petit peu le projet de loi.

Vous avez compris que le Bloc québécois donne son aval, en principe, au projet de loi C-53. Mais cela ne veut pas dire qu'on laisse tomber pour autant les trois éléments dont je viens de parler, surtout le dernier, qui m'apparaît comme étant l'endroit où ça va bloquer si quelque chose bloque. C'est là qu'il y aura peut-être des frictions entre les deux partis parce que de 15 jours à 65 jours c'est un peu trop long.

Quant au premier élément, il s'agit simplement d'insérer le terme «protection de la société» dans les principes généraux de la loi au lieu de l'insérer un peu plus loin, de le reléguer aux oubliettes. J'imagine que ça devrait être assez facile pour les proposeurs d'entériner une telle proposition. Et l'autre, il s'agit d'ajouter «conseil» à «lieutenant-gouverneur», ce qui permettrait aux provinces de décider entièrement plutôt que de laisser seulement le lieutenant-gouverneur décider.

C'est en partie les grandes lignes que le Bloc voit pour vraiment améliorer le projet de loi C-53. Tant qu'à l'adopter, profitons-en, les livres sont ouverts, on en profitera pour rajouter les bonnes phrases aux bonnes places. Là-dessus, le Bloc donne son aval de principe, donne son accord de principe à la deuxième lecture du projet de loi C-53.

[Traduction]

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole sur le projet de loi C-53. Je ne peux pas dire que mon parti et moi-même soyons d'accord avec le projet de loi. Nous ne le sommes pas. Toutefois, cela me donne une nouvelle chance de discuter de certaines préoccupations majeures dont les Canadiens m'ont fait part au cours de l'été et auparavant. Ce n'est pas seulement dans ma circonscription que les gens sont très troublés par les questions de justice pénale. Cette préoccupation existe dans toutes les circonscriptions du pays.

Les députés d'en face savent parfaitement que le système de justice pénale a des problèmes et qu'il a besoin d'une réforme sur bien des plans.

Le projet de loi C-53 vise à modifier la Loi sur les prisons et les maisons de correction. Il ajoute un énoncé sur les programmes de permissions de sortir et en précise l'objet, et il autorise les provinces à créer d'autres programmes de ce genre.

L'objet et les principes proposés dans le projet de loi sont presque identiques à ceux qui sont établis dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, à une exception près toutefois, et qui n'est pas sans importance. Le principe selon lequel la protection de la société doit être le critère prépondérant en tout temps n'est pas repris dans ce projet de loi. Si la protection de la société doit être le critère prépondérant dans la détermination de la libération conditionnelle en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, on voit mal pourquoi cela ne serait pas aussi le critère prépondérant dans la détermination des permissions de sortir en vertu d'un programme provincial.

Le Parti réformiste s'oppose à ce projet de loi parce qu'il donne plus d'importance à la rééducation et à la réintégration des criminels qu'à toute notion de protection de la société.


4313

(1530)

Il y a longtemps que le Canada aurait dû faire des modifications de fond dans notre processus judiciaire libéral. La protection de la société doit une fois de plus être le critère prépondérant lorsqu'on parle de libérer des délinquants dans la collectivité.

Même actuellement, avant l'application de ce projet de loi, des délinquants libérés récidivent et font un tort considérable aux collectivités dans lesquelles ils ont été placés, souvent à l'insu des membres de ces collectivités.

Permettez-moi de dire ce qui est devenu une évidence douloureuse pour une grande majorité de Canadiens. Le système de justice pénale, y compris les services correctionnels, les commissions de libération conditionnelle, les services d'administration des tribunaux et la Loi sur les jeunes contrevenants, ne répond pas aux attentes de la majorité de nos concitoyens.

Aujourd'hui, les gens remettent en question tout le processus et ont perdu confiance dans la capacité du gouvernement de garantir la sécurité personnelle et de protéger la propriété privée.

J'ai eu l'occasion de faire du porte-à-porte dans toute ma circonscription. Le deuxième grand point, pour mes électeurs, c'est la justice pénale et la sécurité.

Ce n'était pas nécessairement eux qui avaient été victimes, mais c'était peut-être un voisin ou un ami dont ils parlaient. De toute façon, ils étaient inquiets.

Ils estiment que le système de justice pénale ne les protège pas adéquatement. De ce fait, la plupart des Canadiens ne croient plus les promesses des criminologues de l'État providence. Ils ne croient plus que le crime diminue avec l'augmentation des dépenses sociales et de la redistribution des richesses par le gouvernement.

C'est ce qui semble être la base de fonctionnement de notre système de justice pénale. Les critiques du système actuel prétendent que l'une des menaces les plus immédiates pour la société canadienne, c'est le système de justice pénale qui n'est plus efficace et qui ne dissuade plus de commettre des crimes, parce que l'on n'a plus la volonté de punir et de corriger les comportements criminels.

On fait remarquer que trois décennies d'expériences correctionnelles, en vertu desquelles des criminels violents et récidivistes ont été forcés contre leur gré de participer à des programmes de réadaptation, se sont révélées coûteuses et en grande partie inefficaces.

C'est ce qui se passe à l'intérieur. Qu'il me suffise de dire qu'il existe beaucoup d'inquiétudes en ce qui concerne la libération anticipée de délinquants violents et récidivistes.

Les Canadiens sont consternés de voir que, en ce qui concerne la détermination de la peine, les principes de la vérité et de l'honnêteté ne semblent plus s'appliquer dans notre système de justice. Combien de fois avons-nous entendu un juge déclarer «huit ans» et la commission des libérations conditionnelles répliquer «libération une fois le tiers de la peine purgé, soit dans deux ou trois ans»?

Cela ne constitue pas une juste détermination de la peine. La population canadienne aimerait voir les coupables purger entièrement les peines qui leur sont attribuées. À cause de la négociation de plaidoyer et de la libération conditionnelle, l'écart entre les apparences et la réalité des peines a suscité un grand désir de voir le système modifié en profondeur, surtout en ce qui concerne l'exécution exacte des peines et la législation concernant les crimes avec violence.

J'ai visité l'Ohio cet été. Dans la région où je me trouvais, il y a une prison où 5 000 prisonniers de l'État sont incarcérés. En parlant avec le sous-directeur de cet établissement, j'ai appris qu'il se préparait à la mise en application d'une mesure législative récemment adoptée par l'assemblée législative de son État, qui exigeait l'exécution exacte des peines. L'exécution exacte des peines. Ces gens se préparaient à garder les prisonniers en prison.

(1535)

Ils ont constaté qu'il en coûte moins de garder les prisonniers en prison que de les libérer et de les voir récidiver si l'on tient compte de tous les coûts, y compris ceux des municipalités et des tribunaux, ainsi que le coût des enquêtes et de tous les autres éléments connexes; c'est aussi ce qui nous inquiète ici au Canada.

Les critiques soulignent aussi les problèmes constatés au sein du système correctionnel et notamment la libre circulation de drogues illégales dans les établissements. Ce matin, j'ai assisté à une conférence de presse où justement quelqu'un a soulevé ce point. Les ensembles de stérilisation des seringues et les condoms étaient à l'ordre du jour et ils le sont aussi dans nos pénitenciers fédéraux. Si c'est ainsi que le Service correctionnel du Canada réagit à un problème dans ses établissements, alors nous serons confrontés à un grave problème lorsque les délinquants sont remis en liberté.

Ils seront toujours toxicomanes, ce qui les poussera à commettre des actes criminels. Les risques que cela représente pour la santé tant des détenus que du personnel carcéral vont aller en augmentant de façon énorme comme on peut le constater dès aujourd'hui et comme le révèlent les dernières statistiques qui indiquent une augmentation de 46 p. 100 du sida et du VIH dans les prisons.

Le programme de visites est la source du problème de drogue existant dans nos prisons. Autrement dit, les gens profitent des restrictions imposées par la Charte en matière de fouilles et de saisies. Un garde ne peut pas décider au hasard de fouiller un individu. Il doit le croire sur parole et avoir des raisons valables pour le fouiller.

Les critiques dénoncent également l'absence de programmes d'emploi valables dans le système actuel. Les programmes de formation professionnelle sont remplacés par des programmes de développement des aptitudes cognitives, et des cours de raisonnement moral et de gestion de la colère. Le travail n'est pas obligatoire.

J'ajouterais au sujet des certificats décernés à l'issue d'un cours de développement des aptitudes cognitives ou de gestion de la colère qu'un grand nombre de prisonniers à qui j'ai parlé et qui, lorsqu'ils recouvrent leur liberté, se mettent sérieusement à chercher du travail, présentent ces certificats à des employeurs éven-


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tuels et, invariablement, la réponse est toujours: «Qu'est ce que vous savez faire?» Le Service correctionnel du Canada ne prépare pas les contrevenants pour le marché du travail au moment de leur libération. Je pense que c'est une honte.

Le gouvernement libéral ne cesse de parler de sa compassion et pourtant, dans les institutions fédérales, les détenus ne reçoivent pas de formation de base à cause de ces cours mirobolants qu'on lui a substitués.

Les détenus ne sont pas forcés de travailler. Les commodités qu'on leur offre aux frais du contribuable constituent un autre problème. Ils peuvent profiter d'avantages extraordinaires dont de nombreux citoyens respectueux des lois ne jouissent pas, notamment l'accès à des terrains de golf, le remboursement de la TPS, le câble, les services de l'aide juridique, des lieux de travail somptueux, des services de counselling gratuits, des services médicaux et dentaires complets sans délai, des cours universitaires gratuits, ainsi que la capacité de refuser de travailler.

Les gens ont réellement le sentiment qu'en rendant les conditions de détention trop agréables, on a réduit l'effet dissuasif de l'emprisonnement. Beaucoup de gens se préoccupent des droits des détenus. On retrouve des intervenants, des avocats et des groupes de défense des droits des détenus qui, à l'intérieur et à l'extérieur des prisons, s'en prennent à tous ceux qui s'élèvent contre les conditions actuelles ou le maintien du statu quo.

On condamne tous ceux qui le font et on les pointe du doigt. On les accuse d'être dépassés. Il est inhumain de penser autrement.

(1540)

Le grand public ne partage pas le point de vue de ces nababs bruyants. Les gens critiquent même le système et les intervenants qui essaient de le libéraliser. Pour ma part, je crois que ces critiques sont justifiées. Le taux de récidive au Canada se situe entre 50 et 85 p. 100 selon à qui on parle. Contrairement aux prétentions selon lesquelles la criminalité est en baisse, les activités criminelles de nos jours sont trois fois plus importantes qu'il y a 30 ans.

Les prisons sont remplis à pleine capacité ou presque et parfois, on prétend qu'il y a surpopulation. Il faut prévoir de nouveaux établissements de correction, car autrement, on va libérer un plus grand nombre de détenus ou leur accorder davantage de permissions de sortir.

Les permissions de sortir sont le fond du projet de loi C-53, la mesure dont la Chambre est maintenant saisie. En ce qui concerne cette mesure législative, les réformistes sont guidés par la politique de notre parti qui figure dans le livre bleu, dans la partie A sur la justice, où on dit:

Le Parti réformiste souscrit à un système judiciaire qui fait passer la punition du crime et la protection des citoyens honnêtes et de leurs biens avant tout autre objectif.
Je voudrais continuer de parler quelques instants de ce que nous entendons faire. La principale priorité de notre système de justice pénale devrait être la protection des Canadiens respectueux des lois et de leurs biens. Je sais que nous pouvons lire dans certains documents présentés par nos vis-à-vis que c'est le principal objectif ou le mandat des mesures législatives qu'ils adoptent. Dans ce cas particulier, on n'en parle pas du tout.

Qu'est-il arrivé à notre système? Il est devenu de plus en plus libéral, d'où les préoccupations exprimées par l'ensemble de la population canadienne. Cette année, dans la seule ville de Calgary où j'habite, cinq pédophiles environ étaient à l'oeuvre en l'espace de deux ou trois semaines, plusieurs d'entre eux après avoir obtenu une permission de sortir. Qui plus est, l'un d'eux avait même été ainsi libéré après avoir refusé d'être traité au pénitencier. Dans les trois mois qui ont suivi son départ de High River, une petite localité située au sud de Calgary, il s'est rendu à Calgary et c'est là, dans ma circonscription, qu'il a agressé une autre jeune fille.

Il faut avoir cela à l'esprit quand des délinquants du genre des pédophiles sont relâchés dans la communauté. Ce projet de loi ne répond aucunement à ces préoccupations. Bien au contraire, il accorderait des permissions de sortir plus tôt et pour de plus longues périodes aux gens qui sont incarcérés.

Les réformistes tiennent absolument à faire passer les droits des victimes avant ceux que posséderaient les criminels. Notre parti souscrit entièrement à la déclaration des droits des victimes qu'a proposée le député de Fraser Valley-Ouest, un réformiste, déclaration qui, je le rappelle, a été présentée à la Chambre et adoptée par le parti ministériel, le gouvernement libéral. C'est bien de l'étudier, il faut ensuite la mettre en application.

Puisque le projet de loi C-53 équivaudrait à mettre la réadaptation des prisonniers sur un pied d'égalité avec la protection de la société, les réformistes s'opposent à cette mesure législative qui fait passer les droits des criminels avant ceux des victimes.

Le projet de loi C-53, un prolongement de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, augmenterait la portée et le nombre des programmes canadiens de mise en liberté provisoire. En avons-nous besoin d'autres?

(1545)

Aux États-Unis, l'Institut national de la Justice a réalisé une étude qui montre que les coûts liés à l'incarcération étaient inférieurs de moitié à ceux qu'entraîne la libération et qu'en raison du taux de récidive, les enquêtes et les poursuites qui s'ensuivent font doubler la note. Voilà les faits.

Or, le gouvernement que voici a l'intention d'adopter d'autres mesures législatives de façon à faire sortir plus de gens, puisque tel est, selon toute apparence, l'objet de ce projet de loi. Il n'a jamais étudié comme il faut la question du coût de la criminalité. Avant d'adopter encore d'autres lois, nous ferons mieux de faire des recherches afin de déterminer la vraie nature du problème et les coûts qu'il entraîne. Mais cela ne semble pas être la façon de faire ou l'intention du gouvernement fédéral.

L'expérience a montré que le programme d'absence temporaire, notamment pour les auteurs de crimes violents, graves et multiples, risque de mettre la sécurité publique en danger. Il suffit d'examiner le cas de Daniel Gingras. Je ne dis pas que Daniel Gingras sera


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libéré de nouveau ou qu'un scénario de ce genre se répétera, mais c'est fort possible. Cela s'est produit à ce moment-là parce qu'il avait reçu la permission de sortir pour son anniversaire, permission qu'il revenait au Service correctionnel du Canada de lui accorder. Il s'est échappé lorsqu'il se trouvait au West Edmonton Mall. Il a par la suite violé et tué deux personnes, d'innocentes victimes.

La notion d'absence temporaire illustre le peu de vérité et d'honnêteté qui caractérise la détermination de la peine. Beaucoup de Canadiens estiment que cette approche est fautive, surtout que les criminels ont une dette envers la société et qu'ils devraient la payer en purgeant la totalité de leur peine, sans interruption. Est-ce trop demander? Les Canadiens en demandent-ils trop lorsqu'ils disent: «Si un homme est condamné à une peine de 15 ans, il devrait purger 15 ans»? Je ne le crois pas. Il est grand temps que le gouvernement commence à écouter ce que disent les gens de partout au Canada au sujet de la libération anticipée.

Les programmes d'absence temporaire sont un prolongement d'une philosophie correctionnelle favorisant le statu quo et soutenant que, tout d'abord, la plupart des criminels commettent des infractions parce qu'ils sont eux-mêmes des victimes et, ensuite, que la criminalité est surtout le fruit ou le résultat des conditions sociales et que le remède le plus efficace contre la criminalité est l'intervention de l'État par des programmes comme des prestations d'aide sociale plus élevées et d'autres expériences d'ordre social.

Le châtiment n'est mentionné nulle part dans tout ce scénario. Le traitement des détenus dans les prisons montre à l'évidence que le châtiment ne fait pas partie du scénario.

Absence temporaire est une autre de ces expressions qu'affectionnent les criminologues de l'État providence. Mise en liberté sous condition, liberté surveillée, libération d'office, service communautaire, mesures de rechange sont autant d'expressions qui partent du même principe. Elles partent du principe selon lequel le but de l'emprisonnement est la réadaptation et que la meilleure façon de mesurer la réussite du processus de réadaptation est en fonction de la conduite du détenu en prison. Or, sa conduite en prison ne sera certes pas la même qu'en dehors. Sa marge de manoeuvre sera quelque peu restreinte.

Le meurtrier qui a abattu le policier a fait le bon garçon durant huit ans. Il n'a commis aucune infraction grave. Il a peut-être fumé quelques joints, parce qu'il est si facile de se procurer de la drogue en prison, mais dans l'ensemble il s'est bien comporté. Cette façon de penser, cette idéologie n'est pas acceptable aux yeux de la plupart des Canadiens.

(1550)

Le problème, c'est que l'on fait très peu de cas du crime, et de ses répercussions sur les victimes, pour lequel la société avait jugé nécessaire d'incarcérer le contrevenant.

Le parti réformiste comprend les personnes qui s'opposent au statu quo dans le système correctionnel et de libération conditionnelle, soutenant que la dissuasion est plus rentable, du point de vue de la réduction de la criminalité, que les programmes de mise en liberté provisoire et les mesures législatives telles que le projet de loi C-53. Il n'est pas question de dissuasion dans le projet de loi C-53, pas plus que de responsabilité d'ailleurs.

Les principaux instruments de dissuasion sont la certitude d'être puni et la sévérité du châtiment. La dissuasion prévient la criminalité parce que les contrevenants éventuels sont portés à commettre moins de crimes, compte tenu du risque d'être puni et de la sévérité du châtiment.

L'une des choses que l'on enseignait aux recrues quand je suis entré dans la police, il y a 25 ans, c'est que la présence d'un policier en uniforme qui sillonne le quartier en auto-patrouille identifiée, faisant le tour des parcs et des terrains de jeu, avait un effet dissuasif. La loi était claire. Si l'on surprenait un pédophile avec les enfants, on l'embarquait. C'était ça l'effet dissuasif. Il aurait été arrêté, inculpé et détenu jusqu'à son procès, puis incarcéré, s'il était reconnu coupable. C'était de la vrai dissuasion. La certitude d'être puni et l'intérêt manifeste que l'organe chargé de faire respecter la loi portait aux normes et à la sécurité de la collectivité avaient un effet dissuasif.

Cela n'existe plus aujourd'hui. Les pédophiles qui se trouvaient dans ma ville cet été n'avaient rien à craindre sur ce plan. Enfin, grâce aux efforts de la collectivité, il y en a un de moins, parce qu'il devenait agressif en marchant parmi les enfants dans une pataugeoire.

Logiquement, le nombre de gens disposés à commettre des crimes diminue à mesure que le risque de châtiment augmente.

Un autre incident s'est produit pendant que j'enquêtais sur des crimes graves à Calgary. Victime de cinq vols, le propriétaire d'un magasin, une pharmacie, a finalement déclaré au tribunal un jour: «Qu'on n'essaie jamais de commettre un autre vol dans mon magasin. J'attends le prochain voleur. Je suis prêt.»

Or, quelqu'un a été assez téméraire pour relever le défi et tenter un sixième vol. Mais il ne savait pas que le pharmacien avait une arme à feu derrière son comptoir. Après avoir franchi la porte, il a été chassé hors de la pharmacie et abattu.

Ça, c'est un moyen de dissuasion. Le propriétaire du magasin a été accusé et a dçu se présenter devant le tribunal. Le jury a rendu un verdict de non-culpabilité. Il n'y a pas eu de vol dans les pharmacies de Calgary depuis deux ans. C'est un moyen de dissuasion.

Les propriétaires de commerce et de résidence en ont assez d'un système de justice pénale qui ne prévoit aucune mesure de dissuasion ni aucun châtiment.

(1555)

Comme autre solution à la philosophie correctionnelle du statu quo, que reflète simplement le projet de loi C-53, nous proposons une révision complète et immédiate du régime correctionnel, du système des libérations conditionnelles et du mode de détermination de la peine. Plus précisément, nous proposons que les auteurs de multiples crimes graves et violents purgent vraiment leurs pei-


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nes. Ces criminels purgeraient 90 p. 100 des peines imposées par les tribunaux.

La peine imposée s'appliquerait complètement dans le cas de tout individu condamné pour un acte criminel ou autre crime considéré violent ou grave en vertu des dispositions du Code criminel.

C'est une exécution véritable de la peine qui s'impose, plutôt que des programmes de permissions de sortir, car les détenus coupables de crimes avec violence et de délits graves ne purgent qu'une fraction de leur peine en prison par rapport à la peine à laquelle ils ont été condamnés à leur procès. L'exécution véritable de la peine prolongera la durée de l'incarcération des délinquants dangereux.

Au Canada, un délinquant qui a purgé le tiers de sa peine de prison ou sept ans, en retenant la moindre de ces deux périodes, devient admissible à la libération conditionnelle totale. Cela est appelé à changer. Dans le cas des détenus qui n'ont pas été remis en liberté conditionnelle après avoir purgé les deux tiers de leur peine, la loi permet de les mettre en liberté pour purger le dernier tiers de leur peine dans la collectivité.

S'ils étaient tenus de purger au moins 90 p. 100 de leur peine, les auteurs de crime avec violence et de délits graves demeureraient plus longtemps incarcérés, ce qui permettrait de prévenir les crimes que des criminels mis en liberté par anticipation risqueraient autrement de commettre. Bref, le projet de loi C-53 veut élargir les possibilités de libération anticipée en élargissant le programme des permissions de sortir.

Les chiffres de la Commission nationale des libérations conditionnelles confirment que même les auteurs des crimes les plus violents et les plus graves purgent en moyenne la moitié seulement de leur peine de prison. Une des études de la commission a révélé que les individus trouvés coupables de tentative de meurtre, par exemple, avaient été incarcérés durant 48 mois en moyenne alors que la durée moyenne des peines de prison prononcées par le tribunal était de 94 mois. Quant aux détenus coupables d'homicide involontaire, ils avaient purgé en moyenne 44 mois de prison alors que la peine initiale à laquelle le tribunal les avait condamnés s'élevait en moyenne à 84 mois. Dans les cas de viols ou de voies de fait graves, le contrevenant type était libéré après avoir purgé 49 mois d'une peine de 79 mois d'emprisonnement. On voit donc que la peine n'est pas réellement appliquée.

Au lieu d'élargir les programmes de permissions de sortir et d'accorder la priorité aux droits des criminels plutôt qu'aux intérêts des victimes et des citoyens respectueux de la loi, le gouvernement devrait songer à imposer des peines plus longues aux contrevenants violents, peines qui feraient baisser la taux de criminalité en empêchant ces contrevenants de récidiver. S'ils sont obligés de purger 90 p. 100 de leur peine, ils passeront presque deux fois plus de temps en prison qu'ils ne le font actuellement, ce qui éliminera les crimes qu'ils commettraient probablement s'ils étaient en liberté. Je le répète, le taux de récidive s'élève à environ 70 p. 100, comme vous le diraient la plupart des directeurs d'établissement carcéral.

Deux crimes violents et on jette la clé. Les réformistes proposent également une loi qui s'appliquerait aux criminels violents et aux délinquants sexuels à partir de deux crimes violents. À notre avis, toute personne reconnue coupable d'un crime violent pour une deuxième fois devrait être condamnée à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de mise en liberté ou de libération conditionnelle anticipée.

Nous croyons que l'application d'une loi sévère à partir de deux crimes violents se traduirait par une lutte plus vive et plus réaliste contre la criminalité et enverrait les auteurs de crimes multiples en prison, comme il se doit.

Ceux qui s'opposent à ce genre de loi soulèvent la question des frais qu'entraîne l'incarcération de ces individus. En fait, bon nombre d'entre eux vont même invoquer ces frais pour plaider en faveur des programmes de permissions de sortir. Ces gens soutiennent qu'il coûte moins cher d'accorder des permissions de sortir aux prisonniers que de les superviser lorsqu'ils profitent d'une absence temporaire prolongée. J'ai deux choses à dire à ce sujet.

Premièrement, contrairement à ce que prétendent les partisans de la criminologie fondée sur l'État providence, la loi s'appliquant à partir de deux crimes violents contribuerait à réduire les coûts sociaux, en éliminant les nombreux procès que subissent les récidivistes.

(1600)

En tant que policier, j'ai vu la porte tournante. Je pense, par exemple, à l'époque où j'étais à la section des vols qualifiés du service de police de Calgary et à la façon dont les contrevenants circulaient dans le système. On les arrêtait, on les condamnait, on les mettait en prison et, deux ou trois ans plus tard, on arrêtait les mêmes contrevenants pour les remettre en prison. C'est ça, la porte tournante, et c'est la réalité. Souvent, ils étaient en liberté conditionnelle. Entre 70 et 75 p. 100 d'entre eux étaient des toxicomanes. Même s'ils avaient passé du temps derrière les barreaux, ils ne s'étaient pas débarrassés de leur toxicomanie à cause de la facilité avec laquelle on peut se procurer de la drogue dans le système carcéral. Les Canadiens veulent une réforme de notre système.

Cette question va au-delà des statistiques et des projections de coûts. La nécessité de contrôler les crimes de violence concerne ce que nous sommes et ce que nous espérons devenir en tant que société. Les Canadiens méritent de se sentir en sécurité le soir dans leur foyer et le matin lorsqu'ils envoient leurs enfants à l'école. Les Canadiens ne veulent pas vivre quotidiennement dans la peur, tenus en otages par quelques individus sans foi ni loi.

Malgré tout ce qui a été dit, nous sommes conscients des problèmes que pose l'application des lois dites «des trois prises» aux États-Unis. Les critiques de ces lois parlent souvent de l'écart qui existe en ce qui concerne la gravité des crimes visés par ces lois. On répète souvent l'histoire d'un homme de la Californie qui a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle pour avoir volé une tranche de pizza.

Qu'on ne se méprenne pas au sujet de la question dont nous parlons aujourd'hui. Le Parti réformiste a une solution de rechange aux mesures législatives comme le projet de loi C-53. Je signale que beaucoup des propositions dont je parle ici aujourd'hui seront soumises à l'approbation finale de notre caucus. Le plan du Parti réformiste renferme une définition claire de ce qui constitue un crime de violence. Il y a peu ou pas de chance qu'un voleur de pizza se voit infliger une peine d'emprisonnement à perpétuité obligatoire


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sur déclaration de culpabilité comme cela s'est produit en Californie.

Nous proposons également des peines d'emprisonnement rigoureuses. Nous voulons revenir à l'imposition de conditions difficiles. Nous pensons que le temps purgé en prison ne devrait pas donner à un criminel l'envie d'y retourner. Un ancien détenu ne devrait pas vouloir retourner en prison. Les commodités actuellement permises, comme la télévision par câble et en couleurs, les études universitaires financées par les contribuables, les installations sportives somptueuses, les repas spéciaux et les congés payés, devraient être éliminées. Ça fait toute une liste!

Une voix: Le Régime de pensions du Canada?

M. Hanger: Oui, le Régime de pensions du Canada figure probablement aussi sur la liste. Ça fait une sacrée liste pour des gens qui ont commis des infractions et se sont retrouvés en prison. Ces droits devraient leur être retirés sans attendre.

Le Service correctionnel du Canada dépense plus d'argent que jamais pour offrir aux détenus des programmes de réadaptation en grande partie inefficaces. Le programme de traitement de la toxicomanie en est un. En 1994, cinq millions de dollars ont été consacrés au traitement de la toxicomanie. À quoi ça a servi? Les drogues circulent toujours dans les prisons. Les détenus sortent de prison avec la même accoutumance à la drogue qu'ils avaient à leur arrivée, car les drogues sont toujours disponibles dans les établissements. Tels sont les faits.

Pourquoi le gouvernement libéral ne s'attaque-t-il pas à ces problèmes?

La même chose pour les délinquants sexuels. Le budget du Service correctionnel pour 1993-1994 prévoyait un total de 98 millions de dollars pour les programmes dits d'éducation et de croissance personnelle, de perfectionnement professionnel et d'emploi, d'épanouissement spirituel, social et culturel et les programmes répondant à des besoins spéciaux.

Nous, réformistes, affirmons que le gouvernement a la responsabilité de garantir des soins minimums à l'ensemble des détenus: le logement et la nourriture de base, les soins médicaux de base, l'habillement et un cadre de réadaptation fondé sur l'initiative du détenu. Nous reconnaissons aussi que la réadaptation des détenus doit être fondée sur les encouragements et le mérite. Il faut la mériter.

(1605)

Un système d'initiatives garanti déterminera le niveau de discipline. Nous proposons que le cadre de ce système soit établi de manière qu'il présente un lien évident entre la gravité du crime et la volonté de réadaptation manifestée.

Autrement dit, c'est un programme d'autoréadaptation. Selon notre modèle, les permissions de sortir seraient rares, surtout pour les délinquants violents. Les délinquants violents ayant commis des crimes graves, qui sont considérés comme dangereux ou qui purgent une véritable peine de prison à vie seraient gardés dans les institutions à sécurité maximale.

Le programme serait régi par les principes suivants: travail manuel intensif sans salaire ni formation; pas de visites conjugales; devoir de diligence minimal; visites avec séparation très limitées; divertissements et communications.

Voilà pour la prison à sécurité maximale. Nous suggérons que les prisons à sécurité moyenne logent les délinquants non violents, et seulement ceux qui ont démontré leur volonté de participer aux programmes de réadaptation hors des institutions à sécurité maximale.

Ces placements ne seraient pas permanents. Toute mauvaise conduite ou diminution de la bonne volonté du détenu entraînerait un retour à la prison à sécurité maximale.

Actuellement, on fait exactement l'inverse. La pression exercée tend à faire passer les détenus à un degré de sécurité moins élevé chaque fois qu'on réévalue le risque qu'ils posent. Voilà ce qui se passe actuellement. On modifie l'évaluation du risque pour faire passer les détenus de la sécurité maximale à la sécurité moyenne, et on la modifie encore pour les faire passer dans une institution à sécurité minimale. C'est ce qui est en train de se passer.

Le programme devrait consister essentiellement en ce qui suit. Les détenus devront travailler dans des ateliers d'imprimerie, de menuiserie, d'usinage et de couture. Certaines de ces choses existent maintenant, mais, dans beaucoup d'institutions, on est en train de supprimer les ateliers d'usinage. Par quoi les remplace-t-on? Par des cours de rattrapage scolaire. Les prisonniers pourront parfaire leur éducation, à condition qu'ils respectent le règlement carcéral.

Par ailleurs, il faut redonner davantage de pouvoirs au personnel qui dirige les prisons. Nous suggérons qu'une rémunération minimum commence à ce niveau. Nous permettrions également qu'un détenu puisse accumuler son salaire dans un fonds de fiducie, jusqu'à concurrence de 5 000 $, pour qu'il ait suffisamment d'argent lors de sa libération.

À quoi a-t-il droit à l'heure actuelle? À 80 $ après avoir purgé une peine assez longue. Il a 80 $ dans sa poche quand il franchit le seuil de la prison. Est-ce suffisant? Que va-t-il faire s'il ne trouve pas de travail tout de suite? Il va récidiver.

Il faut lui ôter ce choix. Il ne faut même pas qu'il puisse y penser. Il faut qu'il puisse faire quelque chose de productif en prison. Les détenus seraient obligés de travailler. À ce moment-là, ils pourraient avoir plus ou moins accès aux loisirs et avoir droit de communiquer avec l'extérieur s'ils le méritent.

En ce qui concerne les installations à sécurité minimum, nous proposons qu'elles soient gérées de la façon suivante. On n'y logerait que des criminels non violents et ceux qui se mériteraient ce privilège, à condition toujours qu'ils ne soient pas violents.

Les équipes de travail et les programmes d'apprentissage seraient centrés sur l'acquisition d'un métier. Les détenus seraient obligés de participer d'une manière ou d'une autre à un programme d'emploi. Il y aurait un système de semi-liberté pour faciliter l'emploi dans le secteur privé.

Soixante pour cent de la rémunération des détenus servirait à payer leur logement et leurs repas. La victime du crime pour lequel la personne a été condamnée recevrait 20 p. 100 et les derniers 20 p. 100 seraient placés en fiducie pour la famille du détenu ou pour le


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détenu lui-même au moment de sa libération. Il y aurait des privilèges accrus, en particulier des visites conjugales et il ne serait qu'au niveau de sécurité minimum.

(1610)

De plus, le Parti réformiste estime que l'on devrait envisager les réformes suivantes: retrait du droit de vote, pas d'enfants en prison. J'ai entendu dire maintes et maintes fois: «Je suis allé voir papa en prison.» Jusqu'où irons-nous et combien de visites conjugales tolérons-nous? Est-ce un endroit où l'on veut amener des enfants? Pas de pornographie, pas de télévision ni de stéréo personnels. Toutes ces choses sont prévues dans les directives du commissaire. Cependant, elles ne sont pas appliquées.

Le Parti réformiste estime que ce sont les points sur lesquels le projet de loi C-53 devrait se concentrer et non sur un programme d'absence temporaire, en vertu duquel les droits des prisonniers ont plus d'importance que la protection de la société. Il faut se demander pourquoi on nous présente ce projet de loi? Il semblerait que ce soit pour des raisons financières. Autrement dit, il est trop coûteux de garder les gens en prison.

Le Parti réformiste estime qu'un système gradué de responsabilité doit être envisagé, de façon à remettre le principe de la responsabilité individuelle dans le système carcéral. Les détenus ne devraient pas avoir plus le droit que les autres Canadiens de considérer leur position comme garantie.

La vision du Parti réformiste pour l'avenir des services correctionnels canadiens est celui du comportement responsable et de la collaboration, lesquelles conduisent à des privilèges et peut-être au transfert des détenus méritants vers des installations moins restrictives. Tout mauvais comportement ou toute infraction signifierait la perte de privilèges et même le retour à une incarcération plus sévère.

Les Canadiens veulent des réformes plus substantielles du secteur carcéral. Il est regrettable que ces principes ne figurent pas dans le projet de loi C-53.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Nous allons maintenant procéder à la prochaine étape du projet de loi C-53 où les discours peuvent durer un maximum de 20 minutes et faire l'objet d'une période de questions ou observations de 10 minutes.

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de parler aujourd'hui du projet de loi C-53 qui est maintenant rendu à l'étape de le deuxième lecture.

Le projet de loi contient des modifications de l'actuelle loi sur les prisons et les maisons de corrections. Ces modifications permettront de resserrer et de moderniser le cadre législatif régissant le programme de permission de sortir applicable aux délinquants sous responsabilité provinciale et territoriale.

Je crois que le député de Calgary-Nord-Est n'a pas compris ça. J'espère que les députés du Parti réformiste feront comme les députés du Bloc québécois et appuieront le projet de loi.

Le projet de loi sera profitable aux provinces et aux territoires, car il fournira un cadre législatif plus souple leur permettant d'adapter les dispositions à leurs besoins particuliers. Cette mesure constitue une réponse sensée aux préoccupations croissantes formulées par les provinces et les territoires. Elles estiment que le cadre législatif actuel du programme de permission de sortir pour les délinquants sous responsabilité provinciale et territoriale est trop rigide et désuet.

À noter que bon nombre des réformes proposées dans le présent projet de loi, comme l'ajout de nouveaux types de permissions de sortir et l'augmentation de leur durée, ont été adoptées en 1992 pour les détenus sous responsabilité fédérale, lors de la promulgation de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

[Traduction]

Le député de Calgary-Nord-Est répète encore une fois que nous devrions moderniser tout le système correctionnel. Cela a été fait en 1992. Les provinces et les territoires ont reconnu la nécessité d'apporter des changements similaires pour les détenus sous leur responsabilité. C'est ce dont traite le projet de loi C-53. Cette mesure ne traite pas de la panoplie de préoccupations soulevées par le député. Celui-ci ne saisit pas bien la question.

Ces modifications ont été élaborées en complète consultation avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Elles ont été approuvées par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice en mai dernier, et je dois dire qu'il s'agit là d'un excellent exemple de collaboration fédérale, provinciale et territoriale.

(1615)

[Français]

Comme les députés le savent, la Loi sur les prisons et les maisons de correction est une loi fédérale qui régit la façon dont les peines prévues dans le Code criminel et d'autres lois sont administrées.

Cette compétence fait partie intégrante de la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de droit pénal. Par contre, c'est à nos partenaires des provinces et des territoires qu'il incombe de faire appliquer la loi. Nous devons donc veiller à leur donner suffisamment de souplesse pour adapter les dispositions à leurs propres besoins, sans leur imposer de restrictions excessivement sévères.

C'est dans ce but qu'a été créé un groupe de travail fédéral-provincial-territorial pour élaborer les modifications présentées aujourd'hui devant la Chambre des communes.

Comme je l'ai déjà indiqué, le projet de loi propose des modifications à des aspects importants de la Loi sur les prisons et les maisons de correction.

Premièrement, on propose d'ajouter un énoncé d'objet et de principe pour guider le fonctionnement du programme de permissions de sortir, énoncé qui n'existait pas pour le régime provincial. Il est fondé sur l'énoncé d'objet et de principe créé encore une fois en 1992 dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui s'applique aux libérations conditionnelles et aux permissions de sortir des délinquants sous responsabilité fédérale.

Selon l'expérience fédérale, cet énoncé s'est révélé fort utile pour ce qui est d'ajouter aux programmes de mise en liberté sous condition un élément réel et apparent d'uniformité et d'intégrité. Compte tenu de l'attention soutenue accordée aux décisions en matière de mise en liberté et de la responsabilisation accrue des


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décideurs à ce chapitre, de tels énoncés fournissent une orientation précieuse aux responsables du système, ainsi qu'au public.

Deuxièmement, les modifications permettront de faire passer de 15 à 60 jours la durée maximale des permissions de sortir. Ce changement vise à refléter la réalité actuelle et à fournir aux autorités correctionnelles la souplesse dont elles ont besoin pour gérer leur population carcérale. Le projet de loi contient également une disposition expresse prévoyant le renouvellement des permissions de sortir. Cette disposition est accompagnée d'une garantie importante, c'est-à-dire l'obligation de procéder à un réexamen du dossier avant d'accorder un renouvellement.

Troisièmement, le projet de loi permettra d'habiliter les administrations à créer de nouveaux types de permissions de sortir qui viendront s'ajouter aux sorties autorisées pour des raisons médicales ou humanitaires, ou en vue de la réadaptation d'un délinquant, pour autant qu'elles soient conformes à l'énoncé d'objet et de principe du programme de permissions de sortir prévu dans le projet de loi. Les administrations pourront ainsi gérer comme il leur convient et selon leurs propres besoins le programme de permissions de sortir.

Quatrièmement, les réformes donneront aussi aux administrations le pouvoir de restreindre l'admissibilité simultanée à certains types de permissions de sortir et à la libération conditionnelle. Ce pouvoir vise à rendre plus rigoureux les critères d'admissibilité à la mise en liberté sous condition, c'est-à-dire à réduire les possibilités pour les délinquants de passer facilement du programme de libération conditionnelle au programme de permissions de sortir, et vice versa.

Enfin, le projet de loi ajoutera d'autres mesures de protection importantes pour la population. Les modifications établiront des critères précis d'annulation, de cessation ou de révocation d'une permission de sortir et fourniront le pouvoir d'appréhender et de réincarcérer un délinquant. Le projet de loi prévoit en outre la transmission électronique d'un mandat d'arrestation n'importe où au Canada.

Ces réformes ont en outre l'avantage de permettre à un agent de la paix, qui a des motifs raisonnables de croire qu'un mandat d'arrestation a été émis à l'égard d'un délinquant en permission de sortir, de l'arrêter sans mandat et de le maintenir sous garde pour une période pouvant aller jusqu'à 48 heures, en attendant que le mandat soit transmis et exécuté. Ces mesures fourniront l'autorisation nécessaire pour réincarcérer certains délinquants, quand il le faut.

(1620)

[Traduction]

Il importe de souligner qu'il ne faut pas voir, dans l'amélioration des dispositions législatives concernant le programme de permissions de sortir que ce projet de loi permettra d'apporter, une façon de minimiser l'importance de la libération conditionnelle. Pour les provinces et les territoires, tant les libérations conditionnelles que les permissions de sortir constituent des outils importants pour la réinsertion sociale des délinquants. En fait, les changements proposés permettront à chaque administration de décider où se situera le point d'équilibre entre ces deux formes de mise en liberté sous condition. Cette structure accorde à ces administrations la souplesse que celles-ci souhaitaient avoir.

Il importe aussi de souligner que le processus de libération conditionnelle peut parfois exiger beaucoup de temps et convient mieux aux délinquants admissibles qui purgent une peine d'au moins six mois. Les permissions de sortir, d'un autre côté, conviennent à la gestion des courtes peines, c'est-à-dire celles de moins de six mois.

Elles sont particulièrement appropriées pour les administrations qui n'ont pas leur propre commission des libérations conditionnelles, ce qui est le cas d'un bon nombre de provinces. Dans de tels cas, il est essentiel que les administrations en question établissent un programme de permissions de sortir solide et crédible. Voilà exactement ce que le présent projet de loi permettra aux provinces et aux territoires de faire.

Il se trouvera peut-être des détracteurs pour dire que les réformes rendront le système plus indulgent à un moment où l'opinion publique réclame de nouvelles restrictions. Je répondrais que les réformes prévoient des paramètres plus stricts et des contrôles plus rigoureux pour ce programme.

[Français]

Au risque de me répéter, les modifications ont pour effet d'énoncer clairement les critères à appliquer pour mettre fin à la liberté d'un délinquant et le réincarcérer. Elles rendent en outre obligatoire le réexamen du cas comme condition préalable au renouvellement d'une permission de sortir.

Je ne saurais trop insister sur le fait qu'en apportant ces changements nous gardons présent à l'esprit la protection de la population.

Les réformes constituent un effort pour moderniser la loi, comme on l'a fait dans le cas des détenus sous responsabilité fédérale en 1992, et la faire concorder avec les pratiques actuelles en vigueur dans la plupart des provinces.

Les modifications rendront également le système plus cohérent, étant donné que certains éléments importants comme l'énoncé de l'objet et des principes du programme de permissions de sortir seront pour la première fois précisés dans la loi.

En terminant, permettez-moi de revenir sur la nécessité de prendre des mesures efficaces concernant les lacunes et les rigidités de la loi actuelle. Les réformes proposées constituent une réponse efficace aux préoccupations de toutes les administrations intéressées. Voilà une initiative qui s'inscrit logiquement dans le cadre de la collaboration fédérale-provinciale-territoriale sur une question d'intérêt mutuel.

Il s'agit d'un ensemble de réformes sensées et équilibrées qui donnera à chaque administration la souplesse nécessaire pour adopter son programme de permissions de sortir à ses besoins, tout en maintenant un consensus national sur les éléments clés, et en particulier la protection de la population canadienne.


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Il est de l'intérêt de tous les députés de faire en sorte que l'on réponde aux préoccupations des Canadiens de la manière la plus efficiente et la plus efficace. C'est en tout cas ce qu'il faut lorsqu'il s'agit de la sécurité publique. Et c'est là l'un des principes qui sous-tendent ce projet de loi.

J'aimerais prendre l'occasion pour remercier les députés du Bloc québécois qui appuieront ce projet de loi et j'aimerais également prendre le temps, si je le peux, de répondre à la question du député de Calgary-Nord-Est qui a posé, dans son allocution, la question suivante:

[Traduction]

«Pourquoi ce projet de loi est-il déposé à ce moment-ci?» Il a laissé croire au public que c'était pour des raisons d'ordre budgétaire. Si le député avait suivi les travaux du groupe de travail fédéral-provincial-territorial, il saurait que ce groupe a été mis sur pied par les responsables des services correctionnels et qu'il recommande des changements aux lois régissant les programmes provinciaux de permissions de sortir, qui ont traditionnellement visés les délinquants purgeant des peines de moins de deux ans. Les changements proposés ont été approuvés par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice en mai dernier. Des modifications semblables ont été apportées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, en novembre 1992.

C'est à la demande des premiers ministres provinciaux, qui sont responsables de la justice dans leurs provinces, que nous proposons aujourd'hui les changements nécessaires. Ces changements permettront d'ajouter des mesures de protection supplémentaires dans le système, dans l'intérêt de la sécurité publique.

(1625)

Par exemple, les nouvelles dispositions législatives établiront des critères précis qui seront utilisés par les autorités provinciales pour l'annulation, la cessation ou la révocation d'une permission de sortir, ainsi que pour appréhender et réincarcérer un délinquant. Comme je l'ai mentionné, les prisons provinciales gardent les délinquants qui purgent des peines de moins de deux ans.

L'exposé du député de Calgary-Nord-Est était désordonné et manquait de rigueur, ce qui montre bien que les réformistes ne savent pas cibler leurs efforts lorsqu'ils doivent discuter de questions touchant la justice pénale. Je les invite à réviser leur position et à appuyer le projet de loi C-53 aujourd'hui.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir à mon tour sur le projet de loi C-53 dont nous sommes saisis aujourd'hui. La position de l'opposition officielle ayant été clairement établie par mon collègue et ami, l'honorable député de Manicouagan, je me bornerai à reprendre quelques éléments qu'il a cités tout à l'heure et que j'enrichirai sûrement de quelques chiffres qu'a eu la grâce de me transmettre ma collègue de Windsor-Sainte-Claire tout à l'heure, qui les a elle-même cités dans son texte.

L'article 7 du projet du loi nous parle des conditions où doivent s'appliquer les programmes de permission de sortir ou d'absence temporaire, suivant le jargon mieux connu du milieu.

Il ne faudrait pas oublier que, lorsqu'une cour de justice impose une sentence d'emprisonnement, le but premier de la sentence d'emprisonnement est un but de protection de la société, et le deuxième but est un aspect carrément punitif, il ne faudrait pas l'oublier. L'aspect réhabilitation vient en troisième lieu, lorsqu'on est sûr que la société est protégée, qu'un individu est puni pour un acte fautif dont il a été reconnu coupable ou dont il s'est lui-même reconnu coupable. Ensuite vient le temps de la clémence et de la réhabilitation. Il ne faudrait pas escamoter ces deux premiers éléments: la protection de la société et l'aspect punitif. Il y a, à mon avis, un manquement dans l'article 7 où on devrait faire ressortir davantage un des principes du «sentencing» selon lequel la société a le droit et même le devoir aussi de se protéger.

Cela étant dit, de couler dans des dispositions législatives les règles qui devront guider l'autorité compétente en matière d'absence temporaire ou de permission de sortir m'apparaît être un progrès. Au moins on aura des lignes directrices qui pourront servir de balises beaucoup plus précises à ce qui existe actuellement en ce qui a trait aux permissions de sortir.

Deuxièmement, on précise dans le projet de loi les motifs de révocation de la permission de sortir ou de l'absence temporaire. Encore là, c'est sûrement une amélioration que nous aurons l'occasion d'examiner en commission parlementaire, mais l'article 7 du projet de loi énumère les conditions dans lesquelles la révocation de la permission de sortir peut être effectuée.

Évidemment, en donnant le pouvoir d'accorder des permissions de sortir ou de les révoquer, on ne peut pas attribuer le jugement ou la science infuse à ceux et celles qui auront à juger si une permission de sortir doit ou ne doit pas être donnée. L'absence temporaire doit s'appliquer, bien sûr, tout le monde ou presque s'entendra sur le fait que ces personnes, pour leur propre réhabilitation, alors qu'elles ne sont plus un risque pour la société, alors qu'elles peuvent donner une contribution à la société pour réparer des erreurs qui peuvent arriver au cours d'une vie, peuvent en bénéficier.

Il est à souhaiter que les commissions qui auront à juger de la libération d'une personne, de la remise en liberté provisoire ou de l'absence temporaire se servent de leur jugement. Ne nous faisons pas d'illusion, on n'est pas dans un monde idéal, il y aura toujours des erreurs. Ce ne sont pas des erreurs qui sont souvent éparses, qui ne sont pas la règle générale, qui doivent nous faire oublier le but premier qui est visé dans ce projet de loi ci, qui traite spécifiquement de réhabilitation et aussi de désengorger le système carcéral.

(1630)

Ma collègue, l'honorable députée de Windsor-Sainte-Claire, parlait tout à l'heure d'un taux d'emprisonnement au Canada de 130 personnes pour 100 000 de population, alors que le taux des pays occidentaux, les États-Unis exceptés, est un taux qui peut varier, par exemple, de 51 pour 100 000 aux Pays-Bas et de 81 pour 100 000 en Allemagne, donc des taux beaucoup plus élevés.

Il semble que malgré une diminution de la criminalité au Canada, il y ait une tendance assez forte pour les tribunaux à donner des


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sentences d'emprisonnement ferme beaucoup plus exemplaires et beaucoup plus souvent, particulièrement en matière de violence conjugale.

On sait qu'il y a une pression sociale, et c'est bon qu'elle soit là, pour une tolérance zéro en matière de violence conjugale. Alors, nos juges, sensibles à l'opinion publique, sont généralement beaucoup plus sévères. Et c'est le reflet d'une évolution sociale que je salue. Là, comme dans l'usage d'alcool ou de drogues, c'est la tolérance zéro que nous devrions rechercher.

Bien sûr, en comité, nous verrons à faire préciser la portée de l'article 7.2 qui dit que c'est le lieutenant-gouverneur de la province qui désigne, qui est l'autorité compétente pour voir aux permissions de sortir dans chacune des provinces.

Mon collègue de Vaudreuil vient de le mentionner, au Québec, on a un nouveau lieutenant-gouverneur. Le lieutenant-gouverneur, bien qu'étant nommé par le gouvernement fédéral, bien qu'étant théoriquement nommé par le gouverneur général, est en fait désigné sur recommandation du premier ministre fédéral. Et bien que le lieutenant-gouverneur agisse, aussi théoriquement, sous recommandation du Cabinet provincial, il n'est pas légalement tenu d'agir sur recommandation du Cabinet provincial.

Une bonne vieille cause de 1938, dans un renvoi à la Cour suprême, dans in re Power of disallowance and reservation, a clairement établi que les conventions constitutionnelles qui peuvent priver la Couronne de l'exercice de certains droits ne tiennent pas, lorsque ces droits, qui sont réservés à la Couronne, sont effectivement exercés malgré les conventions constitutionnelles.

On vient d'en vivre un débat au Québec. On se demandait ce que si le représentant de la Couronne, dans une hypothèse A ou un plan B, ne pourrait pas intervenir pour empêcher l'exercice du droit démocratique de la population ou de l'Assemblée nationale qui représente la population. J'ose espérer que cela ne se produira pas.

L'insertion à l'article 7.2 des mots «en conseil» après lieutenant-gouverneur, donc si on parlait de l'expression «lieutenant-gouverneur en conseil», on voudrait tout simplement dire qu'il faudrait une décision du Cabinet signée par le lieutenant-gouverneur pour dési-gner les personnes responsables de l'octroi des permissions de sortir. Là, on serait dans le respect des compétences provinciales.

C'est ce que mentionnait le député de Vaudreuil lorsqu'il a parlé du chevauchement qui existait en matière de droit criminel au Canada, chevauchement qui n'est pas aussi clair qu'on pourrait le penser. Les articles 91(29) et 92(14) de la Constitution canadienne, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, rebaptisé Loi constitutionnelle de 1867, comme s'il n'avait jamais porté un autre nom, ce BNA Act de 1867 donne l'autorité au Parlement fédéral d'établir les peines, donne l'autorité d'établir un Code criminel, des lois connexes, bien sûr, et charge, d'autre part, l'autorité provinciale de voir à l'administration de la justice.

Mais quelle administration de la justice? En matière civile, c'est clair, cela relève de la province. Cela n'a pas été contesté jusqu'à présent, bien que certains prétendent qu'il existerait un domaine de droit civil de juridiction fédérale à ce stade-ci de l'évolution du droit. On n'est quand même pas rendu très loin à ce niveau-là.

Au niveau de l'application du droit criminel, l'administration provinciale est-elle une administration constitutionnalisée découlant de l'application de l'article 92(14) ou est-elle une administration déléguée relevant d'une délégation de pouvoir que les procureurs généraux des provinces recevraient de par le Code criminel, donc que le Parlement fédéral pourrait révoquer n'importe quand?

C'est pour vous dire que dans le système fédéral que nous connaissons, après 126, 127 ans, et j'en passe, d'évolution, d'interprétation, de discussions, on est encore dans les zones grises, on est encore dans le «no man's land», on est encore à se demander qui a compétence sur quoi.

(1635)

Le projet de loi C-53 est un pas en avant ou un pas de côté, en tout cas un pas, sûrement pas un pas en arrière, dans cet équilibre que nous devons constamment rechercher pendant que nous sommes toujours dans ce système entre le partage des pouvoirs entre le fédéral et le provincial. Une plus grande coordination pourra être possible grâce à l'adoption de C-53.

La flexibilité que le projet de loi donne devrait permettre de laisser dans nos prisons les gens qui méritent vraiment d'y rester, qui sont un danger pour la société, un danger pour eux-mêmes et qui n'ont pas mérité une absence temporaire ou une permission de sortir. Parce que cela se mérite, ce n'est pas un droit acquis que ce droit-là.

Il reste un élément, mon collègue de Manicouagan l'élaborait avec beaucoup d'éloquence, je le ferai sans doute avec moins d'éloquence. Mon collègue est un familier du milieu, non pas pour avoir servi une sentence lui-même mais pour avoir travaillé dans le domaine correctionnel. Lorsqu'il parlait de la modification qui touche le délai de 15 jours à 60 jours, il a touché un point névralgique que nous aurons à étudier. Mon opinion n'est pas faite à ce stade-ci, mais j'ai des interrogations.

Si une personne qui bénéficie d'une permission de sortir et qui doit à l'heure actuelle se rapporter aux 15 jours se retrouve dans la situation où elle n'a plus à se rapporter aux 15 jours mais aux 60 jours, donc 45 jours de plus, quatre fois plus de temps avant qu'elle ne se rapporte, est-ce qu'il n'y a pas un danger de perdre le contrôle, à tout le moins de perdre le suivi par les agents du service par rapport à cette personne? Je pense que le danger est présent.

Si des manquements aux conditions de permissions de sortir ont été constatés, est-ce qu'il ne sera pas trop tard après 60 jours pour remettre la personne sur la piste? Est-ce qu'on ne devra tout simplement pas révoquer la permission de sortir? Je pense que le suivi aux 15 jours, bien qu'étant une mesure administrative qui à première vue peut paraître lourde, est, du moins à première vue, préférable à une extension à 60 jours sans avoir fait une étude au préalable. Je présume qu'une certaine ouverture d'esprit permettra d'étudier cette question en commission parlementaire.

J'ai une dernière interrogation. Ce n'est pas une position, c'est une interrogation, relativement aux manquements, donc aux violations de remise en liberté par voie de permissions de sortir. À l'heure actuelle et sous l'empire du projet de loi C-53, lorsqu'il y a


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un manquement, un agent de la paix ne peut pas procéder, même s'il le constate en flagrant délit de manquement, ne peut pas procéder à une arrestation.

Ainsi donc, si un agent de la paix me voyait alors que je suis soumis à des conditions de libération de permissions de sortir qui m'empêchent d'être ailleurs qu'à mon domicile entre 20 heures et8 heures le lendemain matin, si on me trouvait dans un bar en pleine nuit, l'agent de la paix ne pourrait faire qu'un rapport que j'ai manqué à mes conditions, il ne peut pas m'arrêter.

Dans certains cas, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de doser les pouvoirs de l'agent de la paix? Un projet de loi d'initiatives parlementaires a déjà été déposé à cet effet. Je ne sais pas où il en est rendu à l'ordre du jour de cette Chambre, mais nous devrions aussi nous pencher sur la possibilité d'une intervention rapide, parce que le plus rapidement on intervient, le moins il y aura de déraillement. C'est ce qui me fait peur dans les 60 jours, ces deux mois at large où il sera très difficile de suivre les individus. On connaît le problème des compressions budgétaires que l'on vit à tous les niveaux.

Si on coupe les ressources en personnel, on va couper le suivi. La personne qui a besoin d'aide en aura de moins en moins et elle risque fort d'être tentée de tester les limites de l'élasticité des conditions de sa remise en liberté par voie de permissions de sortir ou d'absences temporaires.

Je soumets que ce sont des choses qui pourront être étudiées en comité. Nous allons insister pour qu'elles soient étudiées. Comme le secrétaire parlementaire a eu la grâce de rester ici pendant les exposés de l'opposition officielle, qu'il a pu prendre bonne note de nos remarques, il pourra véhiculer ces remarques et savoir sur quoi nous nous interrogeons.

Au stade de la deuxième lecture, nous appuierons bien sûr le projet de loi C-53.

(1640)

[Traduction]

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de parler du projet de loi C-53.

Contrairement à ce qu'a déclaré mon collègue libéral, le secrétaire parlementaire, je pourrais le surprendre et déclarer que je voterai en faveur de ce projet de loi. Effectivement, je ne suis pas convaincu, je veux obtenir des garanties; cela n'est que raisonnable étant donné que la Chambre entend adopter une mesure législative qui touche un domaine de compétence provinciale. Les gens comme moi veulent être rassurés et savoir que nous ne sommes pas trop libéraux en accordant des permissions de sortir pour de plus longues périodes.

Cet aspect de la question préoccupe ma collectivité au plus haut point. Les localités de Langley, Abbotsford et Aldergrove, où la criminalité avait été très rare jusqu'à récemment, on été témoins de cinq meurtres d'un seul coup la semaine dernière, de l'assassinat d'une jeune fille de la région il y a quelques mois, et la liste continue ainsi. Les gens de ma région ne sont pas habitués à ce genre de chose, mais maintenant, cette réalité les submerge.

Pour me lever ici à la Chambre des communes et déclarer que oui, je pourrais approuver la prolongation des permissions de sortir au niveau provincial, je dois être absolument convaincu que j'agis dans l'intérêt des gens de ma région et dans le but de mieux les protéger. Dans mon intervention aujourd'hui, je parlerai des garanties que je recherche.

Je sais que le groupe de travail fédéral-provincial chargé de l'étude de ces questions a demandé au gouvernement fédéral pourquoi nous n'adoptions pas une norme nationale en matière de permissions de sortir. Je suis d'accord avec l'idée des normes nationales. Je souhaite une norme nationale sur les droits des victimes. Le gouvernement nous a assuré qu'il abordera cette question cet automne. J'ai bien hâte d'étudier une telle mesure.

Si les droits des victimes requièrent une norme nationale, peut-être cela vaut-il aussi la peine d'en avoir une pour les permissions de sortir accordées partout au Canada.

En parlant de norme nationale, on envisage de faire passer la durée des permissions de sortir de 15 à 60 jours. Je me pose vraiment des questions à ce sujet. Dans ma localité, des gens à qui on avait accordé une permission de sortir se sont comportés d'une façon qui dépasse l'imagination. J'aimerais bien savoir pourquoi on veut faire passer la durée des permissions de sortir de 15 à 60 jours. Cela veut dire 45 jours de plus. Je sais bien que cette mesure vise notamment à réduire la bureaucratie. Encore faut-il me convaincre que ces 45 jours de plus constituent une mesure de protection à l'égard des victimes potentielles.

On parle d'une autorité compétente qui aurait le pouvoir de suspendre, d'annuler ou de révoquer une permission de sortir. Je ne m'y oppose pas. Pour ce qui est du système de surveillance électronique dont est doté le gouvernement provincial, c'est une idée qui ne me plaisait pas au départ. Pour y avoir réfléchi à quatre reprises, je commence à m'y faire de plus en plus.

On parle d'une autorité compétente chargée de l'arrestation et de la remise en détention des contrevenants. Je n'y trouve rien à redire non plus.

Qu'est-ce qui différencient les détenus provinciaux et fédéraux, les pénitenciers provinciaux et fédéraux? Si quelqu'un encourt une peine supérieure à deux ans, ne serait-ce que deux ans et un jour, il est envoyé à un pénitencier fédéral. S'il reçoit une peine de moins de deux ans, cela veut-il dire qu'il n'est pas un condamné si mauvais? Est-il le genre de gars qui se destine à la grande taule et qui ne fait que s'y préparer ou est-ce réellement quelqu'un qui est déjà endurci?

(1645)

Cela se produit dans ma région. J'ai rencontré plusieurs détenus qui se trouvent dans une des prisons locales entouré d'une clôture haute de quatre pieds. Ils sortent le jour, sans surveillance. Ils doivent y retourner le soir. Ce sont là des détenus de pénitenciers fédéraux qui retourneront bientôt dans la société. Un détenu à qui j'ai parlé m'a dit: «Je ne suis pas un si mauvais gars. J'ai été condamné pour agression sexuelle.» Je lui ai demandé: «Tu n'as écopé que de deux ans et un jour? Est-ce là la peine que tu as reçue?» «Non, elle était de trois ans.» «Avais-tu déjà été condamné pour d'autres infractions?» «Oui, 35 autres.»


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Le simple fait que quelqu'un soit détenu dans une prison provinciale ne veut pas dire qu'il remportera le prix annuel de gentillesse. Dans bien des cas, les détenus des prisons provinciales ne sont pas des gens très gentils.

Ils n'en sont pas à leurs premières armes. Ils ne sont pas seulement des vendeurs de drogues. Lorsque nous prolongeons les absences temporaires de 15 à 60 jours, nous devons être sûrs d'avoir affaire aux bonnes personnes. Il y a des bons, si on peut qualifier un criminel de «bon», et des vrais méchants. Il y en a à tous les degrés entre les deux.

Le système provincial a certains avantages dont le système fédéral pourrait profiter, par exemple, la probation prolongée, que le système fédéral pourrait utiliser au lieu de la libération d'office et de l'expiration du mandat, où les détenus sont libérés, peu importe le crime qu'ils ont commis. Il faut prévoir une période de probation prolongée pour les contrevenants. Je raconte souvent cette histoire et je ne m'étendrai pas trop là-dessus. Dans ma région, un homme a forcé une femme d'Aldergrove, en Colombie-Britannique, à aller chercher une tondeuse à gazon dans la remise de jardin. Il l'a frappée sur la tête avec un marteau, il l'a violée et il l'a laissée pour morte. Il lui a injecté de la cocaïne. Il a été condamné à six ans de prison et il a pu sortir après deux ans.

Sa date de libération d'office approchait et on s'est dit qu'il allait sortir de toute façon. Avant que cette date n'arrive, cet homme a poignardé Angela Richards à 26 reprises et il l'a tuée dans ma circonscription.

Ne commettons pas d'erreurs ici, même si nous commençons à accommoder les gouvernements provinciaux. Nous avons pour devoir et pour priorité d'assurer la protection et la sécurité des Canadiens respectueux des lois.

Les provinces utilisent un programme de surveillance électronique dont on se sert dans le cas des permissions de sortir au sein du système provincial. J'aime assez ce programme, en fait. Il peut s'appliquer à certains détenus sous responsabilité fédérale. L'individu est surveillé par un ordinateur central. Un appareil de contrôle branché sur le téléphone des individus maintient constamment le contact avec le détenu ou la personne vivant dans la maison grâce à un bracelet que porte l'individu à la cheville. Lorsque l'individu s'éloigne de l'appareil de contrôle, la communication est interrompue. L'ordinateur central est avisé. On vient alors chercher l'individu et on le ramène en cellule. Lorsqu'on utilise ce processus dans le cadre d'un programme de permissions de sortir, cela peut être très utile.

Je vais vous faire part d'une petite histoire. L'autre nuit, j'ai patrouillé avec du personnel du Service correctionnel du Canada. Nous cherchions à surveiller des individus branchés au système de contrôle électronique. On a pris pour la première fois un individu en train de vendre de la cocaïne. Quelque chose ne fonctionnait pas, car la transmission entre son téléphone et son bracelet porté à la cheville ne se faisait plus. On est allé chez lui pour voir ce qu'il en était. Avait-il disparu ou était-il encore dans la maison?

(1650)

On a pu constater que sa maison valait probablement entre 3,5 millions et 4 millions de dollars. C'était la première fois qu'il se faisait prendre à vendre de la cocaïne. Il a été incarcéré dans une prison provinciale. Je le répète, sa maison valait quatre millions de dollars environ. Il avait une immense piscine qui couvrait la moitié de la superficie de notre enceinte. Il y avait là également de belles fleurs tropicales. C'était une très belle maison. Le garage pouvait contenir quatre automobiles et il était assez grand pour que des camions viennent y charger de la cocaïne et de l'héroïne.

On a découvert la cause du problème. La maison était trop grande. Il se promenait dans une maison qui était si immense que le signal était interrompu. Ils ont été obligés d'installer un récepteur plus puissant. L'homme en question bénéficiait du même genre de permission de sortir que celui dont nous parlons ici.

Dans la cour, il y avait plusieurs automobiles, de belles automobiles toutes neuves, et beaucoup de jeunes gens tout autour. Qui étaient-ils? Que faisaient-ils là? Ils ne pouvaient tout de même pas vendre de la drogue. C'était la première fois que le gars se faisait prendre. Ça ne pouvait pas être ça.

Alors que je m'apprêtais à partir, il m'a confié: «Ce machin électronique fonctionne à merveille. C'est une bonne idée que le gouvernement provincial a eue là. Si jamais vous voulez en avoir un et que vous êtes pris pour rester à la maison, c'est une maison comme celle-ci qu'il faut avoir.»

Le défaut de cette solution, c'est que cette maison a probablement été construite au prix des rêves déçus de nombreux parents. Je suis à peu près certain que sa construction a été financée à même la vente de drogue, dont des jeunes filles qui se prostituent à Vancouver ont probablement fait les frais.

Je me demande si le message que nous envoyons en accordant ces permissions de sortir est le bon. Est-ce la chose à faire? Il y aurait lieu d'y réfléchir avant d'autoriser des sorties à peu près sans supervision d'une durée maximale qui passerait de 15 jours à 60 jours.

C'est bien beau les sorties, mais il faudrait commencer par lui prendre sa maison. Il ne devrait pas pouvoir retourner là-bas. Je saisirais sa maison et ses biens, puis je convertirais la maison en foyer d'accueil pour jeunes drogués ou en maison de transition. Il ne faut pas se contenter de réadapter. Le bonhomme va bénéficier d'une permission de sortir de 15 à 60 jours pour s'acclimater à la vie en société. Il est déjà acclimaté. Le problème, c'est qu'il fait le commerce de la drogue dans la société. C'est à ce problème qu'il faut nous attaquer.

Que savons-nous au sujet de la réadaptation? J'ai appris récemment, par l'entremise d'un député, qu'il y a des prisons qui ont leur propre terrain de golf. Les détenus apprennent à devenir de bons golfeurs. Réadaptation habilitation oblige, je suppose. Réadaptation oblige, je suppose. Le député m'a assuré que le terrain de golf servait à des fins de réadaptation. On peut, je suppose, considérer que le terrain de golf fait partie du programme de réadaptation de la prison. Je ne joue pas au golf. C'est trop cher. Tout d'abord, je n'ai jamais eu besoin de golf aux fins de réadaptation.

J'ai demandé au directeur de la prison de justifier l'existence du terrain de golf. Il dirigeait les programmes correctionnels de la région du Pacifique. Il a répondu: «En fait, le terrain de golf de Ferndale a été aménagé par les détenus, qui ont alors acquis des connaissances en matière d'aménagement paysager. C'était un enseignement très utile.» De grâce! Il ne s'agit pas d'un enseignement utile. Ces détenus n'ont rien appris, on les a fait aménager un terrain


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de golf pour éviter qu'ilsse tournent les pouce, comme ils le font en prison.

Quand on parle de permissions de sortir, comme dans le projet de loi C-53, et de réadaptation par suite de sorties plus longues, il faut définir ce qu'est la réadaptation. Si, pour les libéraux, la notion de réadaptation signifie l'aménagement de terrains de golf, ils sont sur la mauvaise piste.

(1655)

Que pensent les détenus de la réadaptation? J'ai vu sur un babillard dans une prison canadienne une note concernant un programme de développement des aptitudes cognitives et la réadaptation du détenu. Je pense que c'était à la prison de sécurité maximale de Kent, où se trouvent les pires criminels. Voyons un peu ce que les détenus qui ont rédigé cette note à l'aide de leurs ordinateurs avaient à dire sur ces cours.

Ils se sont interrogés sur la signification du programme de développement des aptitudes cognitives. «Ce programme de dix séances fait partie d'une autre série de programmes inutiles qui ont été mis au point par un groupe d'étudiants en criminologie drogués et désabusés qui, après avoir utilisé tous les fonds que le ministère de l'Éducation a mis à leur disposition, ont décidé qu'ils essaieraient de s'abreuver pendant un certain temps à l'auge d'un milliard de dollars du Service correctionnel du Canada.» C'était le préambule d'un commentaire des détenus de Kent.

Quand on parle de réadaptation et de permissions de sortir dans les établissements provinciaux et fédéraux, il faut comprendre que cela s'applique à la réadaptation et alors, il faut se demander ce que signifie la réadaptation. Il est important que le gouvernement libéral se penche sur cette question.

Poursuivons encore. Le tableau ne peut être totalement mauvais pour ces détenus. Ils disent: «Ces séances s'adressent à ceux qui ont déjà suivi le programme de développement des aptitudes cognitives, mais qui, pour différentes raisons, sont inscrits comme étant faibles du côté cognitif.» C'est un commentaire positif, j'imagine. «Si vous appréciez le café et un autre endroit pour sommeiller le matin, ce programme est pour vous.» «Pour obtenir plus de renseignements, adressez votre demande au service des programmes, à l'attention de Bozo le clown.»

Voilà ce que des détenus au Canada pensent de la réadaptation. Ce n'est pas le cas de tous, mais c'est ce que certains en pensent. C'est ce que les gardiens et les membres du personnel des prisons m'ont dit que pensaient les détenus. Nous devons comprendre et garder à l'esprit la nécessité de faire concorder la réadaptation nécessaire pour un individu et les permissions de sortir.

Je veux avoir des assurances que nous sommes protégés quand des détenus bénéficient de permissions de sortir. Le projet de loi s'y emploie dans une certaine mesure, et je le reconnais. Voilà pourquoi il se peut bien que je vote en faveur du projet de loi, à moins que je ne réussisse à découvrir un véritable problème.

Pourquoi est-il nécessaire de porter de 15 à 60 jours la période maximale d'une permission de sortir? Que voulons-nous faire réellement? Essayons-nous de réintégrer le détenu dans la société durant une période plus longue? Est-ce que cela fonctionne? J'aimerais bien. Si cela donnait de bons résultants, Carol Goldy, dans ma circonscription, n'aurait pas été poignardée six fois par son mari qui est déjà en liberté et qui fait l'objet d'une ordonnance d'interdiction de communiquer.

Il y a un gars, un père adoptif, qui a agressé sexuellement ses enfants et qui bénéficiait lui aussi d'une permission de sortir. Il y a une autre femme dans ma circonscription qui s'est enfuie de sa maison pour échapper à son mari dont elle était séparée et qui bénéficiait d'une permission de sortir. Il a tenté de mettre le feu à la maison. Il y a encore cette femme dont le mari a tué le fils de cinq ans pour se venger. Il était en liberté. La liste continue indéfiniment. Il y a aussi ce délinquant sexuel qui avait plaidé coupable à treize chefs d'accusation d'agression sexuelle. Les policiers ont découvert un calendrier détaillant plus de 1 000 contacts sexuels avec des enfants.

Nous ne pouvons pas tolérer qu'un détenu, pendant une permission de sortir, que ce soit pour 15 jours ou 60 jours, inflige d'autres dommages à des Canadiens respectueux des lois ou à des victimes qui ont déjà souffert d'actes criminels à un moment ou l'autre. Il faut garder cela à l'esprit. Si on peut me convaincre que ce projet de loi protège les intérêts supérieurs des Canadiens respectueux des lois, je pourrai peut-être voter en faveur.

(1700)

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de passer aux questions et observations, conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Davenport-L'environnement; l'honorable député de Bourassa-L'immigration; l'honorable député de Kamouraska-Rivière-du-Loup-La Société des aéroports de Montréal.

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je vais tenter d'apaiser les craintes du député de Fraser Valley-Ouest au sujet de la durée maximale d'une permission de sortir, qui passe de 15 à 60 jours, puisqu'il m'a adressé ses commentaires à deux ou trois reprises.

Le député n'est pas sans savoir que les permissions de sortir sont généralement accordées par les autorités provinciales dans le but de gérer la population carcérale. Elles sont généralement accordées pour des raisons médicales, notamment lorsqu'un détenu doit subir un traitement médical à l'extérieur du centre de détention. Les permissions peuvent également être accordées pour des raisons humanitaires. Avant de porter la durée maximale à 60 jours, nous avons consulté les travailleurs de première ligne.

On reproche très souvent aux dirigeants politiques de légiférer sans tenir compte des aspects des mesures législatives qui touchent les travailleurs de première ligne. Ce sont ces travailleurs qui nous ont demandé de porter à 60 jours la durée maximale des permissions de sortir, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, lorsqu'une personne est condamnée à une longue peine d'emprisonnement, il existe un mécanisme, celui de la Commission nationale des libérations conditionnelles, qu'appliquent la plupart des provinces. Ce mécanisme sert en général à gérer la libération des détenus. Toutefois, lorsque la peine est courte, disons une peine d'emprisonnement de six mois, ce processus est trop lourd. Les travailleurs ont donc demandé que la loi soit modifiée.


4325

Une permission de 60 jours permet, par exemple, à un détenu de subir un traitement à l'extérieur de la prison ou de suivre des programmes d'une durée déterminée qui auraient dépassé la période maximale de 15 jours d'une permission de sortir, qui semblait trop restrictive.

Je tiens à préciser au député de Fraser Valley-Ouest qu'il existe une nouvelle mesure de sauvegarde dans la loi. Une nouvelle disposition prévoit une ré-évaluation du dossier du contrevenant avant tout renouvellement de sa permission de sortir. J'espère que cela rassure le député. Il est à espérer que nous saurons le convaincre de voter en faveur de ce projet de loi.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, je réserve ma décision. Je voudrais entendre le reste du débat.

Je le répète, j'ai entendu que les détenus sortaient effectivement pour des raisons médicales. Mais ils sortent aussi pour des fins de réadaptation. La conception que le gouvernement se fait de la réadaptation et la mienne sont peut-être bien différentes. Lorsqu'un député d'en face vient me dire que le terrain de golf en prison, c'est de la réadaptation, je peux dire que nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. Ohé! Il y a quelqu'un, en face? Ce genre de réflexion fait problème.

Je préfère en entendre un peu plus avant de me prononcer.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, avant d'être élu, j'ai travaillé cinq années dans une prison, et je le dis avec humour parce que c'est assez curieux. Cinq années où, chaque jour, on prenait le détenu, on l'accompagnait au tribunal et là on entendait toutes les histoires invraisemblables de ce qui peut se passer: du vol à l'étalage pour nourrir une famille jusqu'aux crimes les plus crapuleux, en passant par les extorsions, la drogue, des gros dossiers de transport de drogue à coup de tonne sur la Côte-Nord. Ce n'est pas à peu près, là, on ne fait pas les choses à moitié chez nous. Alors je les ai entendus pendant cinq ans de temps.

Quand j'ai été élu, le 25 octobre, j'ai entre autre dit à mon épouse qu'il y aura un changement, que je n'entendrai plus des grandes histoires de meurtre. Ça ne se peut pas. On s'en va à la Chambre des communes; on ne s'en va pas là pour raconter des histoires, on s'en va là pour travailler, pour améliorer le sort d'une société à laquelle on croit.

(1750)

Eh bien, je me suis encore trompé. Chaque fois qu'un député du Parti réformiste se lève concernant un dossier criminel, c'est toujours pour raconter l'histoire qui s'est passée et le crime crapuleux qui a été perpétré dans son coin. Je respecte beaucoup les députés réformistes, mais d'autres choses se produisent. On parle toujours de 10 p. 100 d'échec, mais il y a un taux de réussite de 90 p. 100 dans les services de réinsertion sociale. Cela veut dire que 90 p. 100 des gens qui s'en vont dans un processus de réinsertion sociale réussissent.

Je sympathise avec les victimes de crimes, bien sûr. Tout le monde sympathise avec elles. Il ne serait pas logique de faire le contraire. Mais quand on croit à un système qui est fonctionnel, à un moment donné, on arrête de parler d'une minorité et on dit: «On va embarquer dans un processus pour corriger cela.»

C'est à partir de là qu'on dit qu'il faut donner des éléments pour apporter du positif, changer les projets de loi, les bonifier. Il ne faut pas dire qu'on est contre et se justifier en se mettant à raconter l'histoire d'un tel qui s'est passée dans le coin, la longueur du poignard et le sang qui coulait par terre. Alfred Hitchcock ne s'est pas rendu à ce point. Il faut arrêter un peu.

J'aimerais demander au député de Fraser Valley-Ouest quelle est la recette du Parti réformiste pour un système idéal de réinsertion sociale, en deux ou trois lignes? Quelle est la recette?

[Traduction]

M. White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, c'est une chose que mon collègue devrait bien comprendre. Dans ma localité, nous sommes très inquiets de ce qu'on libère des criminels. Si le député n'aime pas que je vienne parler ici des cinq meurtres qui ont été commis la semaine dernière dans ma localité, tant pis.

J'ai expliqué quelque peu ce que l'on considère aujourd'hui comme un délit relativement mineur, à savoir la vente de drogues. Je ne le trouve pas si mineur que cela, mais j'en ai effectivement parlé. C'est un peu trop facile de dire ici que chaque fois qu'un réformiste prend la parole à la Chambre, c'est seulement pour parler de meurtriers. Mais j'ai parfaitement le droit de le faire et le député n'a rien à y redire.

Pour ce qui est de la réadaptation des criminels, le système libéral n'en offre aucune, sauf pour ce qui est des personnes condamnées à l'emprisonnement pour toxicomanie et alcoolisme. Il n'y a pas de prison au Canada qui s'occupe exclusivement d'analyser et de comprendre le problème des délinquants sexuels. Il n'y en a aucune.

Si l'on veut consacrer davantage de temps à la réadaptation des détenus, on devrait commencer par créer de meilleurs programmes, car même le vérificateur général dit que les programmes existants ne sont pas bons.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi C-53 qui vise à modifier la Loi sur les prisons et les maisons de correction. Il énonce les principes concernant le programme de permissions de sortie. Il faut noter que ces principes sont similaires à ceux prévus dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Il habilite les autorités provinciales compétentes à mettre en place d'autres formes de permissions de sortir. Le projet de loi C-53 établit également les motifs de suspension, d'annulation ou de révocation des permissions de sortir.


4326

(1710)

Enfin, ce projet définit le pouvoir d'arrêter et d'incarcérer les délinquants fautifs. Ce projet m'apparaît comme étant une initiative intéressante en raison de ses dispositions et de la latitude qu'il offre aux provinces en cette matière.

Je tiens cependant à mentionner que j'appartiens à l'école de ceux et celles qui croient davantage à la réhabilitation sociale de ceux qui commettent des délits qu'à l'emprisonnement, sauf dans des cas bien précis comme, par exemple, dans les cas de criminels dangereux et en cas de violence conjugale et dans d'autres cas limités.

Je m'inquiète d'ailleurs de la surpopulation qui caractérise actuellement nos prisons. Le Canada présente effectivement le deuxième plus important taux d'incarcération au monde, après les États-Unis. Est-il besoin de mentionner que chez nos voisins du Sud, l'incarcération est de plus en plus fréquente sans que la criminalité diminue pour autant.

Considérant l'ampleur du problème, l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec a bel et bien raison de s'inquiéter. Il existe des alternatives à l'emprisonnement dans notre société. Il serait bénéfique pour tous les citoyens de s'y arrêter afin d'explorer les différentes avenues dans ce domaine.

Malgré cela, j'appuie ce projet de loi qui, tout en énonçant des principes visant à maintenir une société plus juste, paisible et sûre, favorise la réadaptation et la réinsertion sociales des délinquants. Comme d'autres collègues l'ont signalé, ces deux concepts ne sont pas toujours faciles à administrer. D'une part, il s'agit de protéger la société et d'autre part, il faut favoriser la réadaptation des prisonniers.

J'appuie également le projet de loi C-53 en raison du fait que, tout en établissant un cadre national de réglementation de libérations conditionnelles, il offre une certaine flexibilité aux provinces. En effet, ce projet de loi sur les prisons et les maisons de correction permet aux provinces de formuler leur propre politique concernant les permissions de sorties, autres que celles octroyées pour des questions médicales, humanitaires ou pour la réadaptation du prisonnier.

L'allongement de la permission de sortie conditionnelle passant de 15 à 60 jours répond en effet à un souhait exprimé par les provinces. Cette mesure contribuera entre autres à désengorger les prisons au pays.

Sur le plan financier, le désengorgement des prisons par l'allongement de la permission de sortie conditionnelle réduira les dépenses gouvernementales liées à l'incarcération. Malgré la réticence que certains collègues ont exprimée cet après-midi, je pense que la prolongation de ces permissions de sorties de 15 à 60 jours constitue un facteur positif.

En dépit de cette position, il faut noter que la prolongation de la durée suscite certaines inquiétudes, notamment chez les agents de prisons canadiennes. Par exemple, ces derniers craignent que les détenus en libération conditionnelle constituent un danger public. Il serait donc important que le comité qui étudiera ce projet de loi puisse entendre leur point de vue et celui de ceux et celles qui travaillent de près avec eux, ainsi que le point de vue des victimes.

Un autre aspect qui mérite une attention toute particulière est celui du lieu de résidence des détenus libérés sous conditions. Certes, s'ils sont libérés pour causes médicales, on peut penser que les détenus en liberté conditionnelle se rendront dans un hôpital.

(1715)

Mais où ira celui ou celle qui sera libéré pour des raisons humanitaires ou de réadaptation? Il est important de mentionner ici que les prisonniers purgeant une sentence supérieure à deux ans sont régis par le système fédéral. En vertu de cette législation, les détenus libérés sous condition sont logés dans des maisons de correction.

Il faut également souligner qu'un des aspects peu abordé dans le projet de loi C-53 est le principe de la protection de la société. Ce principe uniquement effleuré devrait être plus explicitement élaboré.

Il serait aussi intéressant de s'interroger sur la pertinence d'inclure dans cette législation une disposition spécifique concernant le droit des victimes en cause. Cette prise en compte des individus ayant souvent vécu des situations dramatiques devrait pouvoir être entendue par les autorités affectées afin de plaider leur cause pour modification ou annulation de la libération s'il y a lieu.

Je profite de cette occasion pour souligner l'excellent travail accompli depuis 30 ans par les Maisons de transition de Montréal Inc., et particulièrement par leur directeur général, M. François Bérard. La Maison de transition Saint-Laurent, située dans mon comté de Bourassa à Montréal-Nord, fait partie de cet organisme. Elle offre des services de soutien, notamment le gîte et le couvert, aux personnes contrevenantes et facilite leur réintégration sociale. Elle peut accueillir une trentaine de personnes. Je souhaite qu'elle puisse disposer de plus d'argent, plus de financement pour en accueillir un plus grand nombre parce que les résultats que j'ai constatés sont très positifs.

À la suite des ententes de service avec les gouvernements fédéral et provinciaux, les maisons de transition et, plus particulièrement la Maison Saint-Laurent, accueillent des détenus référés dans le cadre d'une libération conditionnelle. J'ai visité cette maison où j'ai pu rencontrer des résidants, des bénévoles, ainsi que des professionnels d'une grande qualité. Je peux témoigner des efforts faits pour aider ces détenus et je les en félicite.

J'aimerais également rappeler qu'en 1994-1995, les gouvernements fédéral et provinciaux ont dépensé 1,9 milliard de dollars dans les prisons, dont 44 000 $ par année pour chaque prisonnier au niveau fédéral et 39 000 $ au niveau provincial. Pourquoi en coûte-t-il 5 000 $ de plus pour loger et nourrir un prisonnier au niveau fédéral? Est-ce que le fédéral gère moins bien ses institutions carcérales que les provinces?

Je ne suis pas d'accord avec le collègue qui dit que c'est le fédéral qui gère mieux les centres de détention. En tout cas, je profite également de cette occasion pour mentionner l'existence du Centre de détention pour immigrants. Vous savez que je suis le critique en matière de citoyenneté et d'immigration. J'ai pu visiter des centres


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de détention pour immigrants à Montréal, à Mississauga et à Vancouver.

Dans certains cas, il s'agit de véritables prisons où il y a des gardiens de sécurité fournis par des agences privées. Cependant, il n'y a pas de règlement clair. On procède à des arrestations sans mandat. On ne sait pas quand un détenu est éligible pour une libération ou pour une permission d'absence. Parfois des hommes, des femmes et des enfants vivent ensemble et mêlés dans le même établissement.

(1720)

Il n'y a aucun contrôle judiciaire quant à ces arrestations faites normalement par des agents d'immigration, ni de la part de la CISR qui est, elle aussi, un tribunal parajudiciaire. Parfois les conditions dans ces centres de détention pour immigrants sont inacceptables. J'ai constaté ces mauvaises conditions aussi bien à Montréal, sur la rue Saint-Jacques, qu'à Mississauga, près de l'aéroport, ou à Vancouver, près de l'aéroport également. Parfois ces personnes ne savent pas pourquoi elles ont été arrêtées. Elles ne savent pas pour combien de temps, ni quand elles seront éligible à une libération ou à une expulsion du pays.

J'ai même rencontré une jeune kurde, à Mississauga, qui avait été arrêtée à l'aéroport de Toronto parce qu'on croyait qu'il s'agissait d'une personne dangereuse. Quand je l'ai visitée, elle a commencé à pleurer puis m'a dit: «Je ne sais pas pourquoi j'ai été détenue. Je n'ai jamais participé à des mouvements subversifs, même si je suis une Kurde qui vient de. . .», je pense qu'elle venait de la Turquie.

Alors j'ai demandé pourquoi elle était là. On m'a dit: «Elle est là parce que personne ne s'intéresse à elle», etc. Mais ce ne sont pas des justifications. On ne savait pas quand elle serait renvoyée devant l'arbitre qui pourrait ordonner sa libération.

Dans ces centres de détention, on viole parfois des droits fondamentaux reconnus dans la Charte des droits, qu'elle soit canadienne ou provinciale. Pourquoi arrêter des mineurs? Ils doivent vivre ensemble, homme, femme et enfants. Malheureusement, les journaux n'en parlent pas. J'ai déjà demandé à la ministre de l'Immigration de mener une enquête publique sur ces centres de détention pour immigrants. Malheureusement, les résidents de ces centres étant tous des étrangers, ils ne connaissent pas les lois du Canada. Ils n'ont souvent pas accès à un avocat ou à une défense appropriée. Ils s'en vont du pays. Alors ils ne portent pas plainte.

Je pense qu'il s'agit d'un secteur où on doit faire la lumière. Ce n'est pas digne d'une société démocratique comme la nôtre qu'il y ait des gens qui vivent dans des conditions inacceptables.

À l'instar de mes collègues bloquistes de Manicouagan et de Bellechasse, j'aimerais terminer en vous disant que je suis en faveur de ce projet de loi qui réduit les coûts liés à l'incarcération et, d'autre part, qui accorde aux provinces plus de pouvoir et de flexibilité dans la mise en place de leur propre programme de permissions de sortir.

Par conséquent, je voterai en faveur du principe de ce projet de loi en deuxième lecture.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, j'ai été interloquée par les propos du débuté qui a déclaré, à la suite du député réformiste qui vient de prendre la parole, que, chaque fois qu'un réformiste intervient, c'est pour parler de meurtre.

J'aimerais que le député bloquiste me dise s'il faut s'abstenir de parler des terribles épreuves et préoccupations d'honnêtes citoyens et des crimes dont ils ont été victimes. J'aimerais savoir s'il trouve justifié que nous en tenions compte, lorsque nous parlons des programmes, des libérations conditionnelles anticipées et des libertés dont jouissent les criminels.

[Français]

M. Nunez: Monsieur le Président, je pense qu'il est légitime que la députée du Parti réformiste mentionne des cas de meurtre, mais je pense que ce qui n'est pas légitime, c'est que ce soit toujours ces cas de meurtre qui soient mentionnés du côté du Parti réformiste.

(1725)

Par exemple, dans le cas d'immigrants, que je connais, ils exagèrent très souvent. Cependant le taux de criminalité des immigrants est inférieur aux gens nés ici et ils ne s'arrêtent qu'à ces cas extrêmes.

Comme le député de Manicouagan l'a dit tantôt, la réhabilitation sociale a produit de bons résultats dans la plupart des cas. Ce n'est pas tous les cas de détenus qui sont des criminels dangereux ou des personnes très dangereuses. Je pense que c'est le problème que nous avons avec le Parti réformiste, ils ne s'arrêtent qu'aux cas extrêmes. C'est la pensée de la droite, pas seulement ici, mais dans d'autres pays, on l'a vu également.

On ne laisse aucune place la réhabilitation. On ne veut pas que les détenus aient quelque droit que ce soit. Ils sont des citoyens; ils sont protégés par la Charte; ils ont certains droits qu'il faut protéger également. C'est ce que je pense des députés qui ne parlent que de tout ce qui est extrême, et qui n'ont aucune modération dans leurs propos.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je ne parlerai pas d'un cas extrême, mais bien d'une affaire dont j'ai pris connaissance dans le journal local, samedi soir. J'aimerais que le député me dise ce qu'il en pense.

Il y a eu entrée par effraction et vandalisme dans une enceinte de mise aux enchères. Des agents de la GRC sont arrivés sur les lieux et ont arrêté un individu de 20 ans qui voulait simplement s'amuser. Selon la police, l'individu bénéficiera probablement d'une condamnation avec sursis parce qu'il s'agissait après tout d'une infraction relativement mineure.

La valeur des dommages n'était pas très élevée. Le propriétaire de l'enceinte de mise aux enchères estimait toutefois qu'au lieu

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d'engager un procès coûteux et de peut-être condamner l'individu à deux jours de prison ou à une amende de 100 $, il valait peut-être mieux recourir au travail communautaire pour régler ce genre de problème.

Voici ce qu'il a proposé comme travail. Un grand nombre de camions-cages se rendent à son enceinte de mise aux enchères. Or, le nettoyage d'un camion-cage, après un voyage de 1 000 milles avec 100 bêtes à bord, n'est pas nécessairement une tâche très agréable.

Il a dit qu'on pourrait imposer une punition bien plus efficace en obligeant le coupable à participer, pendant trois mois, au nettoyage des camions-cages de l'enceinte de mise aux enchères. Selon lui, l'auteur du méfait y réfléchirait probablement à deux fois avant de vandaliser à nouveau l'enceinte de mise aux enchères.

Le député trouve-t-il ce genre de châtiment équitable pour ce crime et, à son avis, l'individu tirerait-il une leçon de cette expérience?

[Français]

M. Nunez: Monsieur le Président, comme je l'ai dit tantôt, il y a des cas qui sont très graves. Ce n'est pas à nous de juger de la gravité. Il y a un système judiciaire; il y a des juges et c'est à eux d'imposer la peine qui convient dans de tels cas.

Mais de généraliser de telles situations, c'est ce que je trouve dangereux. Je pense que les cas extrêmes sont très minimes. Je suis content parce que, d'après les statistiques que j'ai connues dernièrement, au cours des dernières années, le taux de criminalité diminue au Canada, heureusement.

Je pense que c'est très positif et que l'opinion publique devrait le savoir. Je pense également que, dans ces situations, les journalistes ont une très grande responsabilité. Quand ils s'arrêtent à raconter des histoires terribles, je pense qu'ils ne rendent pas service à la société. Parfois, ils ne montrent pas une certaine prudence ou une certaine mesure.

J'aimerais raconter à mes collègues réformistes des cas de réhabilitation extraordinaire, comme ce que je vis dans mon comté de Bourassa à la Maison de transition Saint-Laurent.

Je les ai rencontrés. Je ne suis pas au courant de leur histoire criminelle, mais ils me semblaient être des gens qui voulaient changer, qui voulaient se réhabiliter et qui étaient plein d'énergie pour recommencer une nouvelle vie et cela m'a beaucoup encouragé à poursuivre mes efforts pour aider ces gens, les détenus de la Maison de transition Saint-Laurent, dans Montréal-Nord.

[Traduction]

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, avant de commencer, je voudrais que vous me disiez de combien de temps je dispose avant l'étude des initiatives parlementaires.

Le président suppléant (M. Kilger): Compte tenu de l'heure, vous disposeriez d'environ une minute. Étant donné qu'un député veut poursuivre le débat sur ce projet de loi, si la Chambre y consent, je suis tout à fait disposé à faire comme s'il était 17 h 30.

Des voix: D'accord.

Le président suppléant (M. Kilger): Comme il est 17 h 30, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

______________________________________________


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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI PORTANT DISSOLUTION DE LA COMPAGNIE DU CHEMIN DE FER DE NIPISSING À LA BAIE DE JAMES

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.) propose: Que le projet de loi S-7, Loi portant dissolution de la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, si vous le demandez, vous constaterez que la Chambre est prête à donner son consentement unanime à l'égard de la motion suivante. Je propose:

Que, nonobstant le Règlement et les usages de la Chambre, le projet de loi S-7, Loi portant dissolution de la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James, soit maintenant étudié à l'étape de la deuxième lecture et que la Chambre entreprenne de disposer du projet de loi à toutes les étapes, y compris celle du comité plénier.
(La motion est adoptée.)

M. Wood: Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-7, Loi portant dissolution de la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James. Ce projet de loi vient du Sénat où il a franchi les trois étapes le même jour.

Je demande le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi S-7 soit adopté. Toutefois, je voudrais prendre quelques instants pour expliquer brièvement en quoi consiste ce projet de loi à ceux qui ne le connaissent pas.

La Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James a été constituée en 1884 sous le régime du chapitre 80 des Lois du Canada. Elle a acheté des terres pour construire un chemin de fer. Cependant, en dépit de plusieurs prorogations de délai, la ligne n'a jamais été construite. La dernière prorogation de délai est venue à terme en 1908, mais la compagnie n'a jamais été officiellement dissoute. Elle n'a présenté aucun document au gouvernement fédéral malgré de nombreuses demandes et a abandonné toute responsabilité à l'égard de ces terrains.

On n'a trouvé aucun compte rendu de réunion concernant les affaires de la compagnie ni aucun actionnaire. Finalement, la province a construit un autre chemin de fer, qui suit une route presque identique.

Le projet de loi S-7 a été présenté par le sénateur Kelleher à la demande de la Ville de North Bay, située dans la circonscription de Nipissing, que je représente. Le conseil municipal a adopté à l'unanimité une résolution demandant la dissolution de la Compagnie du

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chemin de fer de Nipissing à la Baie de James. La raison de cette demande, c'est que la compagnie possède un terrain d'une superficie d'environ 4 000 pieds carrés situé en-deçà des limites de la ville. Si la compagnie est dissoute, le terrain revient à la Couronne, et la ville peut alors tenter d'en faire l'acquisition.

Je dois signaler que cette action ne se heurte à aucune opposition de la part des résidents de North Bay. Il reste que la Chambre doit abroger la loi vieille de 112 ans qui créait la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James afin que ce petit terrain soit rendu à la Couronne.

[Français]

M. Paul Mercier (Blainville-Deux-Montagnes, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi S-7, comme mon collègue vient de le rappeler, a pour objectif fondamental de dissoudre la Compagnie de chemin de fer de Nipissing. Cette dissolution a été demandée notamment par la ville de North Bay, sur le territoire de laquelle elle possède des terrains, nécessairement inoccupés et inutilisés, puisque le chemin de fer n'a jamais été construit, alors qu'il aurait dû l'être avant 1908, dernier délai.

(1735)

On peut se demander si, de par le Canada, il existe encore d'autres terrains qui sont ou ont été longtemps inutilisables parce que le gouvernement ne songeait pas à les débloquer.

Dans mon comté, à Blainville, en tout cas, j'en connais un exemple. Le camp Bouchard qui couvre 20 p. 100 du territoire de la municipalité appartenait, jusqu'il y a quelques années, à la Défense nationale. Le camp avait été doté pendant la guerre, à des fins de fabrication de munitions, de toute l'infrastructure d'une petite ville. Toutes ces installations qui auraient pu constituer un magnifique parc industriel pour la ville, ont été scandaleusement négligées, au point que finalement il a fallu les dynamiter, avant de revendre le terrain à Blainville dont j'étais alors maire. C'est là un exemple de plus de l'impéritie fédérale dont nous avons un autre exemple aujourd'hui.

Il faut savoir gré au sénateur et au député de Nipissing, sans l'initiative de qui le gouvernement aurait sans doute encore mis longtemps avant de se rendre compte qu'il n'y a pas lieu de continuer à bloquer un terrain réservé pour une ligne de chemin de fer, lorsque 88 ans après la date limite fixée pour le construire, de chemin de fer il n'y a point.

Le Bloc québécois est donc en faveur du projet de loi S-17.

[Traduction]

(La motion est adoptée, le projet de loi est lu pour la deuxième fois et étudié en comité; rapport est fait du projet de loi, qui est agréé, lu pour la troisième fois et adopté.)

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée.


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MOTION D'AJOURNEMENT

(1740)

[Traduction]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

L'ENVIRONNEMENT

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, le 19 juin dernier, j'ai demandé à la ministre des Ressources naturelles de faire savoir à la Chambre si son ministère respectait les objectifs mentionnés dans le livre rouge quant à la réduction des émissions de gaz carbonique qui provoquent des changements climatiques. La promesse faite dans notre livre rouge est claire: réduire les émissions de gaz carbonique de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 1988 d'ici l'an 2005.

Comme le démontre une étude récente d'Environnement Canada sur le bassin du Mackenzie, les changements climatiques ont déjà des répercussions au Canada. Cette étude, qui a duré six ans, démontre que le bassin du Mackenzie, dans le nord-ouest du Canada, s'est réchauffé d'une moyenne de 1,7 degré Celsius au cours des 100 dernières années. Les chercheurs ont constaté une baisse record du niveau du Grand lac des Esclaves, des zones localisées de fonte du pergélisol ainsi qu'une érosion accrue et des glissements de terrain plus nombreux attribuables au nombre record d'incendies de forêt dans la région. Ils ont également conclu que la zone couverte par les glaces de l'océan Arctique avait diminué de 5 p. 100 entre 1978 et 1995.

Jusqu'à maintenant, la réaction du ministère des Ressources naturelles aux changements climatiques a été le programme d'action national sur les changements climatiques et le programme de mesures volontaires et d'enregistrement des industries.

Le même ministère estime que, en l'an 2000, les émissions de dioxyde de carbone au Canada seront supérieures de 13 p. 100 à celles de 1990.

Il est évident que les mesures volontaires ne permettront pas de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre, et encore moins de les réduire de 20 p. 100 par rapport aux niveaux de 1988, comme il est promis dans le livre rouge. Nous avons donc beaucoup de pain sur la planche si nous voulons respecter notre engagement international et la promesse faite dans notre livre rouge.

On peut faire quelque chose. Le plan énergétique rationnel élaboré par Sierra Club of Canada et Informetrica offre un modèle permettant de réduire les émissions de dioxyde de carbone tout en créant des emplois pour les Canadiens. Informetrica conclut que la mise en oeuvre de la totalité du plan créerait plus de 550 000 années-personnes d'emploi d'ici l'an 2000. En outre, le ministère des Ressources naturelles a conclu que ce plan ferait chuter la demande d'énergie pour utilisation finale d'environ 13 p. 100 d'ici l'an 2010, ce qui se traduirait par une réduction des émissions de dioxyde de carbone de 22 p. 100.

Dans l'état actuel des choses, nous semblons poursuivre des buts contradictoires. Nous avons des subventions qui perpétuent notre dépendance à l'égard de sources d'énergie non renouvelables, lesquelles contribuent à accroître les émissions de dioxyde de carbone. Par ailleurs, les subventions au secteur de l'énergie renouvelable,


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bien qu'elles aient légèrement augmenté dans le dernier budget, sont bien peu, comparativement à celles dont jouit l'industrie de l'énergie non renouvelable tirée des combustibles fossiles. La transition des sources d'énergie non renouvelables, qui produisent des émissions de dioxyde de carbone, aux sources d'énergie renouvelable semble faire l'objet de peu de planification. Il faudra pourtant effectuer la transition parce que le changement du climat et l'épuisement des ressources nous y contraindront.

Dans sa réponse à ma question, le 19 juin, la ministre a souligné que le gouvernement est déterminé à stabiliser les émissions de dioxyde de carbone au niveau de 1990 en l'an 2000. Elle n'a cependant pas pris d'engagement clair quant aux autres réductions annoncées dans le livre rouge. On parle partout dans le monde de stabiliser les émissions de dioxyde de carbone et même de les réduire après l'an 2000, mais le Canada ne semble même pas pouvoir atteindre le premier de ces objectifs.

(1745)

La secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles peut-elle dire à la Chambre si son ministère est à jour en ce qui concerne la promesse du livre rouge de réduire de 20 p. 100, par rapport aux concentrations de 1988, les émissions de gaz carbonique d'ici l'an 2005?

Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire de la ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, en réponse à la question du député qui désire savoir si nous respecterons le calendrier de nos engagements à l'égard des changements climatiques, conformément au livre rouge, je peux lui dire que nous faisons des progrès. Je reconnais également que la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 d'ici l'an 2000 et des réductions supplémentaires après l'an 2000 ne sont pas choses faciles.

L'évolution climatique est une question complexe à laquelle il n'y a pas de solutions simples. Très peu de pays seront en mesure de stabiliser leurs émissions d'ici l'an 2000. Le problème se situe dans la nature même des économies modernes et dans le mode de vie des consommateurs. Nous devons modifier la façon dont nous vivons et dont notre industrie fonctionne. Allumer la lumière, chauffer nos maisons et conduire pour venir au travail, tout cela produit des gaz à effet de serre. Il faut donc faire des changements fondamentaux dans notre façon de vivre. Cela prendra du temps, et aucun gouvernement ou secteur de l'économie ne peut, tout seul, résoudre le problème.

C'est pour cela que l'engagement pris dans le livre rouge au sujet de l'évolution climatique dit que le gouvernement fédéral travaillera avec les gouvernements provinciaux et urbains, ainsi que les principaux intéressés, en vue de réduire les émissions de dioxyde de carbone. Nous agissons dans le cadre d'une initiative fédérale-provinciale connue sous le nom de Programme national d'action sur le changement climatique. Ce programme se fonde sur le développement durable, c'est-à-dire sur un équilibre entre les impératifs environnementaux et les impératifs économiques.

Le programme national d'action encourage une série d'approches: des mesures volontaires, des mesures réglementaires et des instruments économiques. Une des principales mesures volontaires, c'est l'engagement et l'enregistrement volontaires, un programme conçu pour obtenir des secteurs privé et public qu'ils adoptent volontairement des plans susceptibles de réduire les effets sur le climat. Ces plans sont enregistrés pour que le public puisse les examiner. Cette méthode permet aux compagnies de prendre des initiatives qui sont les mieux appropriées à leur situation particulière.

Plus de 580 sociétés et organismes se sont déjà enregistrés. Ils sont responsables d'environ 70 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre que génèrent les activités industrielles et commerciales. Nous avons accordé une place importante au changement climatique dans le programme des entreprises canadiennes. Les dirigeants savent qu'il y a un problème et ils mettent en oeuvre des programmes et des mesures de réduction.

Le ministère des Ressources naturelles a lui-même plusieurs programmes visant à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Il a établi un règlement régissant l'efficacité énergétique des appareils et des moteurs électriques, instauré des programmes destinés à apprendre aux conducteurs des façons d'économiser le carburant et mis en oeuvre toute une gamme de programmes visant à favoriser l'efficacité énergétique dans les édifices. Dans le dernier budget, on a annoncé des modifications aux dispositions fiscales de façon à encourager les investissements dans certaines formes d'énergie renouvelable. Des consultations sont en cours au sujet des propositions de mesures fiscales visant à promouvoir les investissements dans des industries à haut rendement énergétique.

Les mesures prises par le gouvernement fédéral peuvent vraiment changer quelque chose. Ainsi, d'ici l'an 2000, notre nouveau règlement régissant l'éclairage commercial réduira chaque année les émissions d'une quantité équivalente à la somme de dioxyde de carbone produite annuellement par un million d'automobiles.

En outre, le gouvernement fédéral donne lui-même l'exemple dans ce domaine. D'ici l'an 2005, nous comptons réduire de 20 p. 100 par an les émissions de gaz à effet de serre que nous produisons nous-mêmes, grâce à l'initiative d'écologisation des opérations gouvernementales concernant les édifices et les flottes de véhicules automobiles du gouvernement.

Or, le gouvernement fédéral ne peut suffire à la tâche. Tous les Canadiens sont responsables du problème qui découle des émissions de gaz à effet de serre. La stabilisation et la réduction des émissions, c'est l'affaire de tous: gouvernements, industrie et monde des affaires, sans oublier le public.

(1750)

Quand et comment stabiliserons-nous les émissions, tel sera le sujet de la prochaine réunion conjointe des ministres provinciaux et fédéraux de l'énergie et de l'environnement, qui est prévue pour le début de décembre. À ce moment-là, les ministres examineront les progrès qui ont été faits jusqu'à présent dans le cadre du programme national d'action sur le changement climatique et recommanderont de nouvelles mesures.

[Français]

L'IMMIGRATION

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, le 8 mai dernier, je posais une question à la ministre de la Citoyenneté et


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de l'Immigration à propos du ressortissant salvadorien Victor Regalado qui avait obtenu, en 1982, le statut de réfugié. Ce statut lui a été retiré par la suite par le gouvernement sous prétexte qu'il constituait un danger pour la sécurité nationale du Canada.

Le traitement de ce dossier est un exemple typique de négligence et de manque de compassion des ministres successifs, depuis 1982, et des fonctionnaires de l'Immigration responsables de ce cas. Comment expliquer qu'une personne puisse vivre ici 14 ans, étudier, travailler, fonder une famille, avoir des enfants, sans qu'il n'ait aucun statut? Si cela ne constitue pas de la négligence et de l'irresponsabilité, je me demande bien ce que c'est.

Finalement, grâce à mes nombreuses interventions, particulièrement en Chambre, ainsi qu'à celles de plusieurs organismes et personnalités, Victor Regalado, une fois expulsé du Canada, a pu revenir pour déposer une demande de résidence permanente au Canada après que le gouvernement du Québec lui ait accordé un certificat de sélection. Je demande à la ministre d'agir dans ce dossier avec la plus grande célérité possible. M. Regalado a déjà assez souffert de cette situation pénible.

J'espère aussi que le Service canadien du renseignement de sécurité présentera ses explications et ses excuses à M. Regalado à propos du certificat attestant qu'il constitue un danger pour le Canada. Cette façon de procéder, en tenant des dossiers secrets sur des individus aussi pacifiques et respectueux des lois tels queM. Regalado, n'est pas digne d'un pays démocratique.

J'aimerais saluer le courage, la détermination et la persévérance que M. Regalado a démontrés pendant les 14 ans qu'il a vécus au Canada. J'en profite en même temps pour le féliciter pour les grandes batailles en faveur de la justice sociale, de la liberté et de la démocratie qu'il a menées dans son pays d'origine, le Salvador. Je lui souhaite beaucoup de succès dans ses activités futures et qu'il puisse enfin mener une vie normale avec sa famille.

Je tiens également à souligner le travail inestimable fait par la Ligue des droits et libertés du Québec dans ce dossier.

Par ailleurs, j'aimerais profiter de cette tribune pour dénoncer les agissements et les comportements inacceptables des agents d'immigration en poste à l'Ambassade du Canada au Chili. En effet, l'imposition à nouveau des visas obligatoires aux visiteurs chiliens le 5 juin dernier fait en sorte que ces ressortissants qui veulent venir au Canada pour rendre visite à leur famille, ou par affaire, ou bien à titre de touristes se retrouvent devant une bureaucratie lourde. Ils sont obligés de remplir des formulaires, de passer des entrevues et de présenter des documents, de revenir parfois de loin pour déposer des documents additionnels, de défrayer des coûts, etc.

Qui plus est, les agents d'immigration font montre d'une sévérité incroyable dans l'octroi des visas. En tant que député d'origine chilienne, j'ai été appelé à intervenir à plusieurs reprises, soit auprès de la ministre ou directement auprès de l'ambassadeur, pour tenter de les convaincre d'agir avec plus de jugement et d'équité, notamment dans des cas de visiteurs qui avaient antérieurement obtenu des visas pour venir visiter des membres de leur famille établie au Canada. Je suis donc en mesure d'affirmer qu'il existe un grand malaise parmi la communauté chilienne du Québec et du Canada en raison de cette situation.

Cette sévérité démontrée dans l'octroi des visas n'est pas à la hauteur des relations excellentes entre les deux pays ni du commerce et de la coopération croissante entre le Canada et le Chili.

Il faut signaler que le Président du Chili viendra au Canada du 1er au 4 octobre. Il signera entre autres un accord commercial destiné justement à faciliter les investissements et les échanges des biens et services entre les deux pays, mais le problème de la mobilité des gens reste entier.

(1755)

Je souligne enfin que le Chili n'exige pas de visa pour les Canadiens qui se rendent dans ce pays d'Amérique du Sud. Je demande à la ministre de revoir cette situation et de prendre les mesures nécessaires pour faciliter la mobilité des personnes entre les deux pays.

[Traduction]

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je considère comme un privilège de pouvoir répondre à la question du député de Bourassa au nom de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Je trouve plutôt curieux que le député ait demandé qu'on aborde cette question dans le cadre du débat d'ajournement. La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a été très directe dans sa réponse initiale à ses questions. Sa position et celle de son ministère sont claires.

Les mesures qui ont été prises sont conformes à la Loi sur l'immigration et à ses règlements d'application. C'est aussi simple que cela. Il n'y a rien de draconien ni de mesquin dans les actions du gouvernement dans ce cas-ci. Nous nous acquittons simplement de notre tâche en fonction des règles qui existent. Nous avons un bon système d'immigration. Il a bien servi notre pays au fil des ans et continue de le faire.

Il nous incombe de défendre l'intégrité du système. Il s'agit alors de respecter les lois et les règlements qui le gouvernent. Je ne vois pas pourquoi dans ce cas-ci, on devrait faire fi des lois et des règlements touchant l'immigration. Il n'incombe pas au gouvernement de choisir les lois qu'il met en vigueur et celles dont il fait fi.

Je sais que le député de Bourassa voudrait bien que je donne davantage de détails dans le cas présent, mais je ne peux le faire. La Loi sur la protection des renseignements personnels ne me le permet tout simplement pas.

Après avoir rencontré M. Regalado et avoir lu les journaux, le député sait que M. Regalado a quitté le Canada comme la loi le prévoyait et qu'il est maintenant rentré au pays en vertu d'un permis ministériel qui lui donnera le temps de demander un statut de résident permanent. Comme toute autre personne qui demande

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d'obtenir ce statut au Canada, M. Regalado devra respecter toutes les exigences en matière d'immigration s'il veut être admis.

Le gouvernement agit avec compassion, compréhension et équité dans ce cas-ci. Il respecte parfaitement l'esprit et la lettre de l'Accord Canada-Québec.

[Français]

LA SOCIÉTÉ AÉROPORTS DE MONTRÉAL

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, le 29 mai 1996, j'ai posé une question au ministre des Transports concernant sa responsabilité, et je cite: «Aéroports de Montréal doit collaborer avec le ministre en vue de répondre à toutes les questions, toutes plaintes et tous commentaires publics relativement à l'aéroport.»

À la suite de cette question, le ministre de l'Environnement a écrit dans une lettre qu'il était ouvert à ce qu'il y ait des études d'impact sur la question des transferts des vols internationaux de Mirabel vers Dorval.

Donc il ne reste au ministre qu'à utiliser son pouvoir donné dans la loi, soit de demander à ADM de collaborer en vue de répondre à toutes les questions, toutes les plaintes et tous les commentaires publics relativement à l'aéroport. Le ministre a donc pleine responsabilité. Il ne peut pas se mettre la tête dans le sable et doit obtenir d'Aéroports de Montréal des précisions sur les impacts qu'il y aura tant au niveau économique qu'au niveau environnemental de la situation qu'on vit présentement.

Tous les intervenants de la région de l'aéroport de Montréal veulent que la lumière soit faite sur cette situation et aussi les intervenants de l'ensemble du Québec parce que c'est une décision économique majeure.

Les représentations qui ont été faites par les députés de Blainville-Deux-Montagnes, de Laurentides et d'Argenteuil-Papineau vont dans ce sens là. Depuis peu la preuve est faite que l'inaction du ministère des Transports contribue à l'imbroglio juridique qu'on rencontre présentement.

Il y a eu un accueil favorable en cour des représentations de la Coalition pour le maintien des services à Mirabel. De plus en plus dans l'avenir, si le ministre ne prend pas la voie de la solution politique, c'est-à-dire de permettre qu'il y ait des audiences sur la décision d'Aéroports de Montréal, on va s'enliser dans l'inaction et dans la paralysie de la situation parce que les cours de justice vont prendre beaucoup de temps à prendre une décision. Cela va nuire à l'avenir des aéroports de Montréal, autant celui de Dorval que de Mirabel.

Est-ce que le ministre, après les mois qui sont passés, va en venir finalement à appliquer la recommandation que le ministre de l'Environnement faisait sienne, c'est-à-dire qu'il y ait une étude d'impact, qu'il y ait une étude d'évaluation de l'ensemble de la situation, qu'on ait des audiences publiques, de telle sorte que le public puisse savoir quelle sera la meilleure solution pour la question des vols internationaux?

Est-ce que la décision qu'Aéroports de Montréal a prise un peu en catimini va être maintenue ou si on pourra savoir exactement quels sont les impacts de cette décision?

[Traduction]

M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, au nom du ministre des Transports, je considère que c'est un privilège de répondre à la question du député de Kamouraska-Rivière-du-Loup qui concerne Aéroports de Montréal.

Transports Canada a mis en place un mécanisme pour s'assurer qu'ADM respecte les conditions et modalités de tous les accords qu'il a conclus avec le ministère.

Le député dit qu'ADM n'a pas coopéré dans le cadre son projet visant à modifier les vocations des aéroports internationaux de Dorval et Mirabel, mais à notre connaissance, ADM a mis à la disposition du public toutes les études sur lesquelles il s'est fondé pour réorganiser les activités aux aéroports de Mirabel et de Dorval.

Aéroports de Montréal a aussi tenu de nombreuses séances d'information avec les différentes municipalités situées à proximité des aéroports mentionnés par le député. Le public a été invité à assister à ces séances d'information et à y exprimer ses préoccupations.

Transports Canada a répondu à chaque plainte ou question qui lui a été soumise et, au besoin, a donné le nom, l'adresse et le numéro de téléphone d'une personne-ressource d'ADM en mesure de fournir l'information nécessaire. Toute l'information demandée à ce jour est généralement disponible auprès d'ADM et a déjà été rendue publique par cet organisme.

Actuellement, compte tenu de l'information qu'ADM a mise à notre disposition, nous ne croyons pas que les dispositions des accords que nous avons conclus avec cet organisme aient été enfreintes.

Si le député a des preuves montrant qu'ADM ne les a pas respectées, nous serons heureux de les accepter et de les examiner immédiatement.

En ce qui concerne les répercussions environnementales de la décision d'ADM, le ministre des Transports n'est pas habilité, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, à entreprendre ou à exiger une évaluation environnementale des plans d'Aéroports de Montréal pour Dorval et Mirabel.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique pas à tous les projets concernant les aéroports administrés par les administrations aéroportuaires locales. L'évaluation est déclenchée lorsqu'il y a un projet, tel que défini dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, où l'on se trouve en présence d'une participation fédérale ou d'une des circonstances prévues à l'article 5.0 de la loi. Ces circonstances comprennent, par exemple, un financement fédéral, une licence ou un permis fédéral ou une décision prise en vertu d'une concession.

Le transfert des vols internationaux de Mirabel à Dorval ne se rapporte à aucune de ces circonstances.

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[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de procéder à l'ajournement de la Chambre, je tiens à rappeler à la Chambre que durant les délibérations sur l'ajournement, tant du côté des députés de l'opposition que du côté des secrétaires parlementaires qui donnent la réplique au nom du gouvernement, que l'on doit s'en tenir aux règles du jeu, soit que l'intervention des députés qui posent la question dure un maximum de quatre minutes et que les secrétaires parlementaires qui présentent les répliques du côté du gouvernement s'en tiennent au maximum de deux minutes.

La motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain à 14 heures, conformément à l'article 24 du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 03.)