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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 29 mai 1995

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LA LOI SUR L'AMÉLIORATION DE LA MISE EN OEUVRE DEL'IMMIGRATION

    Projet de loi 316. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 12867

AFFAIRES COURANTES

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

    Projet de loi C-91. Motion 12876
    M. Chrétien (Frontenac) 12885

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE PERSONNEL D'INTERVENTION D'URGENCE

JACQUES VILLENEUVE

L'IMMIGRATION

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12891

L'ENLÈVEMENT D'ENFANTS

LA SEMAINE NATIONALE POUR L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES.

LE PRIX «READER'S DIGEST LEADERSHIP IN EDUCATION AWARD»

LES CASQUES BLEUS

L'INTÉGRITÉ POLITIQUE

LE CRTC

LA VIOLENCE DANS LA FAMILLE

LES 500 MILLES D'INDIANAPOLIS

LES ÉLECTIONS EN ONTARIO

LA PAUVRETÉ

LE PARTI RÉFORMISTE DU CANADA

LA BOSNIE

LE PARTI QUÉBÉCOIS

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

QUESTIONS ORALES

LA BOSNIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12895
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12895
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12896
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12896
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12896
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12896
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12897
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12897

LES JETS DE WINNIPEG

LA BOSNIE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 12898

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 12899

L'INFRASTRUCTURE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12899
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 12899

LA POLITIQUE MONÉTAIRE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 12899
    M. Martin (LaSalle-Émard) 12900

LES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

LES AFFAIRES INDIENNES

L'INFRASTRUCTURE

L'EMPLOI DES JEUNES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 12902

LA CHAMBRE DES COMMUNES

LA DÉSIGNATION D'UN DÉPUTÉ PAR SON NOM

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE

AFFAIRES COURANTES

LE RAPPORT DU BIBLIOTHÉCAIRE PARLEMENTAIRE

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

LANGUES OFFICIELLES

PÉTITIONS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'AIDE AU SUICIDE

LA JUSTICE

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 12904

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS AU FEUILLETON

PÉTITIONS

L'AIDE AU SUICIDE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

    Projet de loi C-91. Reprise de l'étude de la motion 12905
    Report du vote sur la motion 12908

LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

    Projet de loi C-82. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 12908

AFFAIRES COURANTES

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

    Projet de loi C-82. Reprise de l'étude de la motion portant deuxième lecture 12912
    Report du vote sur la motion 12918

LA LOI PORTANT MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR LE COMMERCE INTÉRIEUR

    Projet de loi C-88. Reprise de l'étude de la motion de deuxième lecture 12918
    M. Harper (Simcoe-Centre) 12918

DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE

    Mme Stewart (Northumberland) 12942
    M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca) 12960

12867


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 29 mai 1995


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LA LOI SUR L'AMÉLIORATION DE LA MISE EN OEUVRE DE L'IMMIGRATION

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 12 mai, de la motion: Que le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la Loi sur le transfèrement des délinquants, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Mac Harb (secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le député de son initiative. Je sais tout le travail que lui a demandé la présentation de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Ses électeurs ont beaucoup de chance de l'avoir comme député. Il travaille fort, et je lui souhaite tout le succès possible.

Ce projet de loi concerne les immigrants et les réfugiés qui sont au Canada et qui ont un dossier criminel. À première vue, cette mesure permettrait au gouvernement d'expulser ces réfugiés ou ces immigrants immédiatement après leur condamnation à la condition que des mesures soient prises pour que soit transféré aux provinces le pouvoir de s'occuper de cette question.

A priori, ce projet de loi a beaucoup de bon sens. Il est précis et fort à propos. Quand on y regarde de plus près, toutefois, on se rend compte qu'il crée beaucoup de confusion.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déjà fait savoir publiquement qu'il appuie l'objet et l'esprit du projet de loi, mais il a soulevé un certain nombre de préoccupations que je voudrais rappeler ici. Par exemple, le 1er novembre 1994, le ministre a déposé un document intitulé: À l'aube du XXIe siècle: Une stratégie de l'immigration et de la citoyenneté. Lorsqu'il a déposé ce document, le ministre a présenté un certain nombre d'observations, mais je n'en citerai que quelques-unes qui, je le crois, intéressent le projet de loi dont nous sommes ici saisis.

(1105)

Le ministre de l'Immigration a dit: «Un certain nombre de changements administratifs seront envisagés en ce qui concerne les dispositions de la loi relatives au contrôle et à l'exécution. Ainsi, à l'heure actuelle, seuls les agents d'immigration peuvent émettre une ordonnance d'expulsion. On envisage d'autoriser les juges à émettre une ordonnance d'expulsion au moment où ils rendent leur sentence, ce qui éviterait la nécessité d'entamer une procédure distincte.»

Il a enchaîné en disant: «Nous pouvons aussi penser à d'autres améliorations qu'il serait possible d'apporter au système, notamment à la recommandation qui a été faite par quelques chefs de police de permettre aux juges de ne pas recommander, mais plutôt d'ordonner l'expulsion lorsqu'ils rendent leur sentence. Cela allégerait le fardeau du système et permettrait que chaque cas soit traité au complet au bon moment en laissant aux avocats le temps de réagir à l'ordonnance du juge, plutôt qu'à sa recommandation, ce qui nécessite le renvoi devant les services d'immigration, un tribunal d'appel de l'immigration, et le reste.»

Autrement dit, le ministre est prêt à essayer d'alléger le processus et à faire en sorte qu'il soit plus facile pour le système judiciaire d'expulser des gens qui ont des antécédents criminels et qui se trouvent ici à titre de réfugiés ou d'immigrants ayant obtenu le droit d'établissement.

Il a poursuivi en disant que, en tant que parlementaires, nous devions nous intéresser à cette question et l'examiner pour déterminer les modifications pertinentes et justes à apporter. Le ministre appuie l'esprit et l'intention du projet de loi C-316. Toutefois, je voudrais dire un mot des préoccupations du ministère de la Justice et de celles du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

L'immigration relève du gouvernement fédéral pour ce qui est des délibérations et de l'administration du système judiciaire. Si la responsabilité de ces questions était confiée aux provinces, cela poserait un certain nombre de problèmes. Le ministère chargé de l'immigration proprement dite est différent de celui qui est chargé de l'administration d'autres aspects pertinents de l'immigration.

Si ce dossier était transféré aux provinces, comme le prévoit le projet de loi C-316, force nous serait, dans certains cas, de donner une formation aux juges et aux avocats. Cela entraînerait d'autres retards. Il est arrivé à maintes et maintes reprises que des affaires pendantes devant les tribunaux soient abandonnées à cause de retards jugés excessifs. Cela entraînerait également une augmentation du nombre d'appels. Or, nos tribunaux provinciaux sont déjà surchargés.

En ce qui concerne le système judiciaire provincial, nous savons que les procureurs peuvent faire des recommandations fondées sur des facteurs qui n'ont rien à voir avec l'immigration proprement dite, mais qui touchent d'autres aspects du système judiciaire, comme le marchandage de plaidoyers. Les juges exigeraient alors des preuves au-delà du doute raisonnable, ce qui compliquerait la tâche de prouver la véracité des faits devant les tribunaux.


12868

Cette mesure législative va vraiment à l'encontre de la Charte des droits lorsqu'il y a contestation. qu'elle conteste à plusieurs occasions. Un certain nombre de dispositions de la Charte pourraient être contestées, comme l'alinéa 11h) qui traite de double punition. On pourrait soutenir que l'expulsion est une forme de punition qui s'ajoute à toute autre peine. Et cette punition s'appliquerait exclusivement aux non-citoyens.

(1110)

L'article 12 porte sur les peines cruelles et inusitées. On pourrait invoquer qu'expulser un résident permanent va à l'encontre des normes de convenance du fait qu'on prive ainsi une personne de son droit de vivre parmi les siens.

À l'article 15, il est dit que la loi s'applique également à tous. On pourrait plaider dans ce cas que la loi ne traite pas pareillement les résidents permanents et les citoyens canadiens. Deux personnes reconnues coupables de la même infraction pourraient subir des conséquences différentes selon leur statut d'immigrant.

À l'examen des recommandations formulées par le ministère de la Justice et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, je voudais, même si l'objet de la mesure législative est bon en soi, inviter mon collègue à réexaminer le texte en se rappelant que tout ce qui est présenté à la Chambre doit être conforme à la Charte des droits et libertés et obéir aux critères fixés par le ministère de la Justice et le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté.

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais rappeler aux députés qui voudraient avoir la parole de ne pas se fier aux listes qui pourraient circuler, mais plutôt de se lever pour faire connaître leur intention.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir parler de ce projet de loi qui, s'il est suffisamment amélioré et s'il est adopté, pourrait constituer une première mesure valable pour assurer l'expulsion rapide des criminels nés à l'étranger.

Je reconnais le beau travail que l'Association canadienne des policiers a fait au sujet de ce projet de loi. J'apprécie le fait que mon collègue du Parti libéral a eu suffisamment de courage pour le parrainer. De toute évidence, le ministre de l'Immigration n'approuve pas les objectifs de ce projet de loi. Autrement, ces mesures auraient été ajoutées au projet de loi C-44, lorsqu'on a débattu ce projet de loi.

Le ministre connaissait les recommandations de l'Association canadienne des policiers, mais il a décidé de ne pas y donner suite. Il a préféré ignorer ces mesures pleines de bon sens qui signifiaient, en langage clair, une fois les termes juridiques expliqués par un avocat compétent, que l'on veillerait à ce que les personnes qui ne sont pas citoyens du Canada et qui commettent des crimes graves au Canada fassent deux arrêts en quittant la salle d'audience: le premier, à la prison, et le second, à l'aéroport, où, à moins qu'Immigration Canada ne les laisse s'enfuir, comme ce fut le cas la semaine dernière, elles seront retournées dans leur pays.

Ce projet de loi comporte de nombreuses lacunes, des lacunes graves, qu'il faudra étudier attentivement et régler si l'on veut qu'il soit adopté. Je suppose que mon collègue a l'intention de remédier à ces lacunes. J'espère que ce projet de loi n'est pas que de la poudre aux yeux, ce genre d'exercice futile auquel le ministre de l'Immigration aime bien se livrer.

Au cours de la dernière heure de débat, mon collègue de Cariboo-Chilcotin a admirablement bien parlé des problèmes que pose ce projet de loi. Je pense qu'il est inutile de rajouter quoi que ce soit à ce sujet, car cela ne donnerait rien. Cependant, avant d'aller plus loin, il faut examiner la situation générale des cas d'expulsion. Il faut comprendre ce que le Parti réformiste cherche à obtenir par la politique d'expulsion.

La position du Parti réformiste sur les criminels qui n'ont pas la citoyenneté est claire, simple et conforme aux voeux de la majorité des Canadiens. C'est une chose que le ministre de l'Immigration aurait de la difficulté à comprendre. Notre politique sur les criminels qui n'ont pas la citoyenneté ne serait pas établie après consultation avec des spécialistes du droit des réfugiés ou d'autres intéressés, mais avec nos membres, nos électeurs et l'ensemble des Canadiens.

Je suis sûr que mon collègue, l'auteur du projet de loi, comprend comment les Canadiens perçoivent les questions d'immigration. J'ai cru comprendre que beaucoup de simples députés libéraux sentent que leurs électeurs sont mécontents. C'est dommage, mais ils n'y peuvent rien. Ils doivent suivre la ligne du parti.

(1115)

Nous croyons que les gens qui n'ont pas réclamé la citoyenneté canadienne ou qui ne vivent pas au Canada depuis assez longtemps pour la demander et qui commettent une infraction grave violent les termes d'un contrat moral conclu avec les Canadiens.

Le Parti réformiste croit que l'immigration au Canada est un privilège et non un droit. Nous croyons que les Canadiens, les citoyens du Canada, ont collectivement le droit de déterminer qui peut entrer au Canada, combien de personnes peuvent y entrer et dans quelles conditions.

Un nouveau venu qui entre dans notre pays devient partie prenante d'un contrat moral avec le Canada. Ce contrat comporte plusieurs dispositions. La plus importante, c'est que ce nouveau venu respecte les lois canadiennes. Il n'y a rien qui choque autant mes électeurs que d'entendre dire que des immigrants récents ont commis un crime. Cela les rend fous furieux, et avec raison. Collectivement, les Canadiens ont le droit d'être révoltés lorsqu'on offre à une personne ce magnifique cadeau qu'est le statut de résident et que celle-ci en profite pour transgresser nos lois.

Nous constituons une nation qui se définit par ses lois. Quiconque immigre au Canada se doit de respecter ces lois. C'est une exigence minimale. Ceux qui se moquent de cette exigence


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et violent le contrat moral qu'ils ont conclu avec les Canadiens, qui abusent de la générosité des Canadiens en transgressant leurs lois, devraient être expulsés rapidement et pour toujours.

Je défie le gouvernement, le ministre de l'Immigration et le premier ministre de sonder les Canadiens, de leur demander s'il ne faudrait pas ordonner aux nouveaux arrivants qui violent la loi de quitter le pays rapidement et définitivement. Monsieur le Président, je parierais la pension de Sergio Marchi que c'est la volonté des Canadiens.

Des voix: Règlement!

Une voix: Soyez raisonnable. Vous n'êtes plus un nouveau venu à la Chambre.

Le président suppléant (M. Kilger): Nous avons été absents pendant une semaine, mais les députés se souviennent sûrement que les traditions et les règles en vigueur à la Chambre exigent que nous interpelions un député par le nom de sa circonscription ou un ministre par le nom de son ministère. La parole est au député de Calgary-Nord-Est.

M. Hanger: Monsieur le Président, je tiendrai compte de cette observation.

Un faible pourcentage des crimes au Canada est le fait d'immigrants. Ces derniers sont sous-représentés dans les prisons canadiennes. C'est un fait éloquent. Cela traduit la gratitude des immigrants. Mais quelle que soit la population en cause, il y a toujours des individus qui ne respectent pas la loi.

Malheureusement, des immigrants viennent régulièrement me voir pour me demander de faire quelque chose pour lutter contre la criminalité au sein de leurs collectivités. Si nous expulsons des criminels nés à l'étranger, nous n'attaquons pas les immigrants. Nous les protégeons. Étant donné que les immigrants viennent au Canada pour améliorer leur sort et que la grande majorité d'entre eux sont respectueux des lois, il faut veiller à ne pas laisser entrer au Canada le problème créé par les crimes que de nombreux immigrants ont commis dans leur pays d'origine. C'est notre devoir.

Un immigrant qui viole la loi mérite-t-il d'être puni deux fois? Non. Devrait-il purger une peine plus longue, parce qu'il est immigrant? Absolument pas. Toutefois, un délinquant étranger ne fait pas que violer la loi canadienne, dont il doit d'ailleurs répondre devant notre système de justice pénale. Il viole aussi un contrat moral: il brise la promesse qu'il a faite de respecter la loi du pays qu'il a adopté et qui l'a adopté.

Par suite de cette violation de contrat, le Canada peut refuser de l'inclure dans sa famille nationale. Nous avons le droit de considérer la période qui sépare la date où un étranger arrive au Canada de celle où il reçoit la citoyenneté comme une période de probation. Si l'immigrant viole la loi pendant cette période, rien n'oblige le Canada à l'accueillir plus longtemps.

Le Parti réformiste appuie l'expulsion après une condamnation. Nous appuierons ce projet de loi, si les lacunes qu'il présente sont comblées pendant l'étude en comité. Nous collaborerons avec le parrain de ce projet de loi pour aplanir ses problèmes qui, dans l'état actuel, sont énormes.

Aujourd'hui, permettez-moi de soulever brièvement un de ces gros problèmes qui a trait aux accords de réciprocité avec d'autres pays.

(1120)

Selon ce projet de loi, le juge d'un tribunal criminel peut ordonner l'expulsion uniquement vers un pays avec lequel nous avons conclu un accord de collaboration. En d'autres termes, nous ne pouvons expulser un immigrant dans son pays d'origine que si ce dernier accepte de le reprendre.

Le problème, c'est qu'un grand nombre de criminels nés à l'étranger viennent justement de pays qui refusent habituellement de reprendre leurs ressortissants. Quelle solution le projet de loi apporte-t-il à ce problème, soit le prétendu problème relatif aux documents de voyage? Absolument aucune, bien au contraire. C'est inacceptable. Le problème reste pratiquement entier.

Je reconnais qu'il ne revenait pas uniquement au parrain de la mesure de trouver la solution. Le gouvernement peut régler le problème. L'incapacité d'obtenir des documents de voyage ne peut servir d'excuse pour dire qu'une expulsion est impossible.

Le Parti réformiste informe aujourd'hui le gouvernement qu'il n'acceptera plus l'excuse selon laquelle il est impossible d'obtenir des documents de voyage. L'aide étrangère que nous consentons est trop importante pour que nous acceptions cette excuse. Si un pays refuse de reprendre ses ressortissants qui commettent des crimes au Canada, le ministre de l'Immigration devrait recommander au ministre des Affaires étrangères que toute l'aide étrangère accordée au pays en question soit suspendue tant que ce dernier ne modifie pas sa position.

Pas d'expulsion, pas d'aide étrangère; la solution est simple. La plupart de nos problèmes en matière d'immigration peuvent être facilement réglés. Il faut seulement un peu de volonté politique.

Je remercie le député d'avoir présenté ce projet de loi. J'espère que son initiative suscitera des réactions au sein de son caucus. J'espère aussi que nous pourrons faire comprendre au ministre de l'Immigration qu'il faut appliquer plus rigoureusement notre politique d'immigration. Il ne l'a pas compris jusqu'à maintenant.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): L'honorable député de Roberval désire invoquer le Règlement. Je vous demande de patienter un instant, car je veux faire une vérification.

(1125)

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de soulever mon rappel au Règlement. C'est que je cherche à obtenir le consentement unanime de la Chambre, vous l'aurez compris, puisque je sais que normalement, dans l'ordre de nos travaux-je m'explique brièvement-une demande de débat d'urgence peut être faite après la


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période des affaires courantes ordinaires, soit vers 15 h 15 cet après-midi.

Cependant, compte tenu de l'importance du sujet qui est en cause et de la nécessité de préparer nos travaux, si tant est que la Chambre acceptait de se rendre à la proposition que je voudrais faire, je pense qu'on pourrait peut-être trouver le consentement unanime de cette Chambre pour envisager la motion suivante: «Que la Chambre prenne en considération la situation des Casques bleus canadiens en Bosnie-Herzégovine.»

Compte tenu de la situation extrêmement grave qui subsiste, il serait important que, dès maintenant, la Chambre soit saisie de cette demande de débat d'urgence, qui pourrait avoir lieu à 18 heures pour une période de trois heures, selon des modalités à déterminer avec le gouvernement. Mais il serait important que, dès maintenant, on soit fixé sur cette nécessité.

Alors, je demande à mes collègues de la Chambre s'ils seraient d'accord pour donner ce consentement unanime pour qu'on sache d'ores et déjà qu'il y aura un débat sur cette question extrêmement importante de la situation des Casques bleus à 18 heures, ce soir.

Le président suppléant (M. Kilger): Tout d'abord, je tiens à remercier l'honorable député de Roberval de sa patience, afin que je puisse m'assurer de la réglementation comprise dans le processus. Je reconnais l'honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, sur le même recours au Règlement. Je vois bien l'attitude de l'honorable député, mais je suis bien surpris qu'il ne m'ait même pas averti de sa proposition de ce matin.

[Traduction]

Je suis prêt à en discuter avec lui. Nous sommes toujours disposés à avoir de ces discussions avec les députés d'opposition quand ils ont des suggestions à faire concernant les travaux de la Chambre. Il n'y a cependant pas eu, que je sache, de discussions du genre à ce sujet ce matin.

En temps normal, le député et d'autres voudront peut-être demander, à 15 heures, qu'on tienne un débat d'urgence en invoquant l'article 52 du Règlement. Il est parfaitement correct de le faire, et le Président examinera alors si les circonstances justifient la tenue d'un tel débat.

Demain est un jour réservé à l'opposition. Ce jour a été désigné comme tel, et on pourrait très bien en profiter pour discuter de ce sujet-là si l'opposition le voulait. La Chambre a amplement l'occasion de s'engager dans un tel débat. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de mettre de côté, comme le député ne le suggère d'ailleurs pas, les travaux au programme pour aujourd'hui à la Chambre. Je suggère de passer maintenant au programme prévu.

Le président suppléant (M. Kilger): Avant de donner la parole au député de Calgary-Centre, je voudrais rappeler à la Chambre de faire montre de prudence. Je n'ai pas l'intention de m'engager dans ce débat pour le moment. J'inviterai dès que possible la Chambre à se prononcer sur la demande de consentement unanime présentée par le député de Roberval. Je ne veux pas préjuger de la décision de la Chambre à cet égard.

Je donne la parole au député de Calgary-Centre pour faire une brève intervention.

M. Silye: Monsieur le Président, je voudrais que vous tiriez une chose au clair, à savoir si le Règlement permet de soulever une autre question pendant l'heure réservée à l'étude des mesures d'initiative parlementaire. Ne devons-nous pas nous en tenir au programme prévu pour cette heure, pour ensuite demander le consentement unanime? Je conteste simplement le choix du moment pour faire une telle demande.

Le président suppléant (M. Kilger): C'est exactement sur ce point que je voulais obtenir plus d'informations en invitant le député de Roberval à être patient avant d'obtenir la parole.

On m'a assuré qu'on peut demander le consentement unanime n'importe quand, et la Chambre se prononcera sur la question quand elle surgira.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je ferai remarquer que le député de Red Deer a déjà demandé au gouvernement de permettre à la Chambre de tenir un débat d'urgence sur la situation en Bosnie.

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais d'abord m'occuper de la question dont la Chambre est saisie à la suite de l'intervention du député de Roberval.

[Français]

Vous avez entendu les propos de l'honorable député de Roberval, qui demande le consentement unanime de la Chambre. Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Non.

Alors, nous reprenons le débat.

(1130)

[Traduction]

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole ce matin au sujet d'une mesure d'initiative parlementaire, le projet de loi C-316.

Je sais que le problème en question a fait l'objet de débats considérables dans les grandes villes canadiennes, mais il ne faut pas s'y tromper: le problème ne préoccupe pas que les grandes villes. Je représente les habitants de Souris-Moose Mountain, circonscription rurale du sud-est de la Saskatchewan. La criminalité les inquiète beaucoup, tout comme les autres Canadiens.

Les habitants de ma circonscription sont d'honnêtes gens. Ils travaillent fort tous les jours pour que leurs enfants aient un bel avenir au Canada. Nous ne sommes pas tellement différents des citadins de Toronto, de Montréal ou de Vancouver. Nous rêvons de l'avenir et nous avons de grands espoirs pour nos enfants.


12871

Nous vivons dans le plus beau pays du monde, nous en sommes convaincus, et nous ne voulons pas que cela change.

Les meurtres de Georgina Leimonis et du policier Todd Baylis méritent la plus grande réprobation. Le plus triste, c'est que ce ne sont pas des incidents isolés. Nous devrions pouvoir mettre un terme à ces crimes. Nous devons collaborer pour atteindre un juste équilibre entre la protection des droits et des libertés, d'une part, et la sécurité, d'autre part, pour que nous puissions vivre et élever nos familles et nous promener dans les rues sans avoir rien à craindre.

Je félicite le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration qui a fait un travail admirable, depuis un an et demi, apportant des réformes et prenant des mesures qui ont déjà amélioré considérablement notre système d'immigration et d'expulsion et continueront de le faire.

Les mesures prévues au projet de loi C-44 ont limité les droits d'appel des auteurs de crimes graves dans le cadre du régime d'immigration. Toutefois, il semble qu'on puisse encore restreindre davantage les droits des personnes reconnues coupables d'une infraction criminelle grave. Les criminels parviennent encore à contourner les tribunaux et la Loi sur l'immigration.

Les criminels peuvent loger de nombreux appels tant à l'intérieur du système juridique qu'aux termes de la Loi sur l'immigration. Le projet de loi C-316 permettra encore aux criminels d'interjeter appel dans le cadre du système juridique. Il ne fera que limiter les appels qu'ils peuvent loger aux termes de la Loi sur l'immigration. N'oubliez pas que nous parlons de personnes ayant été reconnues coupables d'une infraction criminelle grave.

Le projet de loi s'applique aux personnes déclarées coupables d'une infraction punissable de 10 ans d'emprisonnement ou plus. Les mesures prévues dans le projet de loi accéléreraient le renvoi des criminels en autorisant le tribunal, en sus d'imposer toute autre peine, de prononcer une ordonnance de renvoi contre une personne ne détenant pas la citoyenneté canadienne.

Cela ferait économiser de l'argent aux contribuables canadiens, car on n'aurait plus à tenir deux audiences, une pour régler la question de l'immigration et l'autre pour déterminer la peine. Au lieu de deux audiences, les tribunaux seraient appelés à déterminer la peine et à prendre une décision en ce qui concerne le renvoi du criminel. Cette mesure ne nous permettra pas seulement d'économiser de l'argent; dans le cas de Todd Baylis, elle aurait sans doute aussi permis de lui sauver la vie. Nous croyons fermement en la liberté au Canada, mais cette liberté ne peut aller jusqu'à menacer notre sécurité.

Certains ont réprouvé ce projet de loi, parce qu'ils estiment que les personnes n'ayant pas la citoyenneté canadienne se trouvent à être plus pénalisées que les Canadiens et à être traitées différemment. Bien sûr, on peut dire la même chose d'autres lois actuellement en vigueur. Les personnes qui n'ont pas la citoyenneté canadienne ne peuvent pas voter. Aux termes de la loi actuelle, ces personnes peuvent déjà être renvoyées.

Le projet de loi C-316 n'apporte qu'un seul changement: désormais, la détermination de la peine dans le cas d'infractions criminelles et les décisions concernant le renvoi d'immigrants ne relèveront que des tribunaux et non plus de deux organismes distincts, les tribunaux et les responsables de l'immigration. En supprimant cette étape supplémentaire, on risque de commettre moins d'erreurs, on limite l'intervention des bureaucrates et l'on empêche les criminels de contourner le système.

(1135)

Permettez-moi de citer un seul incident. L'individu qui venait de la Californie, M. Ng, a abouti à Calgary, où il est resté cinq ou six ans pendant que les contribuables en faisaient les frais. Le mécanisme proposé par mon collègue allégerait, je l'espère, le fardeau fiscal excessif que les particuliers doivent assumer pendant que de dangereux criminels se servent de la loi actuelle comme d'un bouclier.

Ce projet de loi a l'appui de l'Association canadienne des policiers et de l'association des policiers du Grand Toronto. Cela est certes significatif. Ce sont les policiers qui affrontent quotidiennement ces problèmes. Ils s'efforcent de rendre nos rues plus sûres. Nous ferions bien de leur donner un coup de main.

Une autre disposition du projet de loi qui assure un traitement juste des personnes qui ne sont pas encore des citoyens canadiens est celle prévoyant que la loi ne s'applique pas aux personnes qui sont arrivées au Canada avant d'avoir atteint l'âge de 16 ans et qui n'ont pas été déclarées coupables d'infractions criminelles dans les cinq années précédentes. Cette disposition est très importante. Nous assumons la responsabilité des personnes qui ont été élevées au sein de notre société, qu'elles aient ou non la citoyenneté canadienne.

Avant de terminer, je me permets d'évoquer deux ou trois questions qui ont surgi à l'égard de la ligne de parti. Dans le cadre de ce projet de loi, nous avons la possibilité d'oublier la ligne de nos partis respectifs pour appuyer des initiatives qui ont beaucoup de bon sens pour tous les contribuables.

Le député de Cambridge a eu beaucoup de mal avec ce projet de loi et je suis persuadé qu'il est disposé à considérer tout amendement qui serait de nature à le renforcer, de telle sorte que les personnes qui ne comprennent pas que c'est pour eux non seulement un droit, mais encore un privilège de vivre ici et qui abusent du droit comme du privilège, sachent que nous ne voulons pas d'eux comme compatriotes. Il serait de beaucoup préférable qu'ils retournent dans leur pays d'origine.

En ce qui a trait au volet concernant la criminalité, nous éprouvons de réels problèmes. Comme le comité sera saisi d'un certain nombre d'amendements, nous allons traiter de l'aspect qui touche l'expulsion. Toutefois, j'ai d'importantes réserves à émettre lorsqu'on propose de punir les pays d'où nous viennent des éléments criminels en les privant de notre aide extérieure. Je n'approuve pas cela.

Je crois que le projet de loi d'initiative parlementaire du député de Cambridge est un bon projet de loi. Il nous a permis de songer à la manière dont nous pourrions améliorer notre société.

Enfin, je tiens à dire que j'appuie et félicite mon collègue, le député de Cambridge pour du travail bien fait. Il a certes à coeur l'intérêt supérieur de ses électeurs et de son pays. J'exhorte tous les députés à examiner très attentivement l'objet de ce projet de loi. Nous voulons que nos rues soient vraiment sûres. Nous voulons que notre société soit telle que notre pays continue d'être, de l'avis des Nations Unies, l'endroit au monde où il fait le mieux vivre.


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[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui dans le cadre du débat sur le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la Loi sur le transfèrement des délinquants.

Je félicite mon collègue, le député libéral de Cambridge, pour son implication dans ce dossier. La question de la criminalité nous préoccupe au plus haut niveau, mes collègues du Bloc québécois, moi-même, comme l'ensemble de la population aussi, je pense. Nous disons que l'État a l'obligation, et le droit également, de protéger les citoyens contre les criminels, qu'ils soient nés ici ou d'origine étrangère.

(1140)

Le projet de loi C-316 veut améliorer l'exécution de l'expulsion des auteurs de crimes violents et transférer les pouvoirs du ministère de l'Immigration vers les tribunaux. Le député, pour justifier son initiative parlementaire, mentionne deux meurtres survenus à Toronto, l'année dernière, qui ont ému l'opinion publique, y compris le Bloc québécois, et nous avons déploré ces deux meurtres d'une jeune femme et d'un policier. Mais nous ne croyons pas que ce projet de loi se justifie dans les circonstances actuelles. Je pense que ce projet de loi va créer plus de problèmes qu'il n'en prétend résoudre. J'ai vu que le député faisait une exception pour ne pas expulser, par exemple, les jeunes immigrants, de moins de 16 ans, venus ici en bas âge. C'est un excellent principe, mais dans un mauvais projet de loi.

Je le dis souvent, les jeunes venus ici en bas âge sont plutôt les produits de la société canadienne, ils ne sont pas les produits de la société d'origine. Ce sont les problèmes que nous avons ici, la pauvreté, la misère, qui engendrent parfois la criminalité et nous devons combattre ces problèmes à leur base même.

Il y a quelques mois, nous avons débattu ici, en cette Chambre, du projet de loi C-44. Nous savons que la loi actuelle accorde déjà au ministère de l'Immigration tous les pouvoirs pour expulser des criminels qui ont commis des actes criminels ici, au Canada, ou pour empêcher la venue de criminels étrangers. Le projet de loi C-44 est venu accorder des pouvoirs supplémentaires au ministère de l'Immigration et particulièrement au ministre.

Vous le savez, et mon collègue le sait parce qu'il siège au sein du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration avec moi, presque tous les organismes sont venus témoigner contre ce projet de loi C-44, sauf l'Association des policiers. On comprend pour des raisons connues pourquoi l'Association des policiers adopte toujours cette position contre la criminalité.

Une des observations, lorsqu'on discutait du projet de loi C-44, c'est que le projet de loi voulait imposer une double pénalité pour les mêmes délits, c'est-à-dire punir deux fois une personne pour le même délit. Cela est inacceptable dans n'importe quel système juridique, ici ou à l'étranger. Dans le projet de loi C-316, cette évidence est encore plus claire: on veut punir une personne deux fois, surtout par les tribunaux. Les tribunaux vont d'abord punir l'infraction et ensuite ajouter une peine supplémentaire: l'expulsion.

Jusqu'à maintenant, l'expulsion, le renvoi des immigrants est un processus administratif, cela relève du ministère de l'Immigration. Et selon le projet de loi de mon collègue, cela devrait relever des tribunaux. Vous savez, comme moi, que les tribunaux n'ont pas toute la compétence pour trancher des questions où la vie humaine est en danger. Il y a des questions de vie ou de mort où il s'agit d'appliquer, par exemple, la Convention internationale de Genève qui impose des obligations spécifiques aux pays signataires tels que le Canada.

La loi actuelle permet un processus où les personnes accusées peuvent utiliser les mécanismes juridiques. Avant d'expulser une personne, il faut qu'il y ait une décision d'un arbitre, et sa décision peut être portée en appel devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

(1145)

Le projet de loi aborde également la question du transfert des criminels du Canada vers l'étranger. C'est vrai qu'actuellement, il y a des traités bilatéraux qui permettent ce transfert s'il est demandé par l'auteur du crime; s'il y a un accord bilatéral, ces gens sont renvoyés dans leur pays d'origine. Mais il ne s'agit pas de traités que tous les pays veulent signer. En effet, pourquoi un pays d'origine paierait-il la prison pendant des années pour un crime qui n'a pas été commis dans son propre pays? Dans ce sens, je ne vois pas le réalisme de ce projet de loi.

Le projet de loi veut également pénaliser les membres de la famille de l'auteur du crime. Comme je suis avocat de formation, je sais que cela répugne aux principes les plus universels de droit. C'est inacceptable. Pourquoi des enfants de deux ou trois ans ou l'épouse paieraient-ils pour des crimes commis par leur mari? À mon avis, on pousse trop loin cette philosophie qui est en train de se développer au Canada contre les criminels immigrants.

J'ai lu avec attention les interventions et j'ai écouté mes collègues plus tôt. Personne n'a dit en cette Chambre que la criminalité parmi les immigrants est inférieure à celle des personnes nées ici. Des statistiques nous disent que le pourcentage d'immigrants dans les prisons canadiennes est inférieur à celui des Canadiens, en considérant leur poids relatif dans la population. Alors punir une personne par association est inacceptable et également inhumain.

J'ai vu que les députés du Parti réformiste ont de sérieuses réserves à cet égard; j'ai vu également que des députés du Parti libéral appuient ce projet de loi. J'ai vraiment suivi avec beaucoup d'attention le discours de la secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et je partage son analyse.

Je crois que ce projet de loi soulève beaucoup de questions constitutionnelles et beaucoup de questions contre la Charte canadienne des droits et libertés. Il va à l'encontre des articles suivants, que je n'aurai pas le temps de lire, soit l'article 11, qui prévoit que tout inculpé a le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable; l'article 12, qui stipule que chacun a droit à la protection


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contre tous traitements ou peines cruels et inusités; et l'article 15, le plus important, qui reconnaît que toute personne a droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment des discriminations fondées sur la race, la religion, la nationalité, etc.

Pour ce seul motif, ce projet de loi ne peut pas être accepté. Mais il y a aussi d'autres raisons qui sont très puissantes pour rejeter ce projet de loi. Il y a toujours des considérations humanitaires que n'importe quelle personne peut faire valoir. Alors, la loi actuelle, de même que le projet de loi C-44 qui est devant le Sénat en ce moment, prévoit qu'une personne peut toujours faire valoir des considérations d'ordre humanitaire. Mais ce projet de loi empêche que ces considérations puissent être mises de l'avant.

La loi actuelle est déjà suffisante. En fait, le ministre de l'Immigration et ses fonctionnaires empêchent chaque jour des centaines de personnes qui veulent entrer au Canada et qui ont un dossier criminel de venir ici. Chaque jour, il y a des expulsions et des renvois de dizaines de personnes vers l'étranger. Le ministre a déjà ce pouvoir et, dans ce sens, à mon avis, ce projet de loi est totalement inutile, et je vais voter contre.

(1150)

[Traduction]

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, comme vous le savez, le projet de loi C-316 est un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par le député de Cambridge. En résumé, il est proposé dans le projet de loi que les juges des tribunaux provinciaux aient le pouvoir d'ordonner le renvoi au moment de la détermination de la peine.

À première vue, la proposition semble être sensée. Le projet de loi aurait pour but et pour effet de simplifier le processus administratif en supprimant la nécessité de la tenue d'une enquête sur le renvoi. À la place de cette dernière, le délinquant né à l'étranger ferait l'objet d'une ordonnance de renvoi au moment de la détermination de la peine et serait, on l'espère, expulsé sans incident à la fin de sa peine.

L'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police ont réclamé ce genre de modification législative. Le système actuel comprend un certain nombre de lacunes permettant à des criminels nés à l'étranger d'entrer dans la clandestinité entre le moment où ils ont purgé leur peine et celui où ils sont convoqués à une enquête relative à l'expulsion.

Le ministre est sensible aux préoccupations soulevées par l'Association canadienne des policiers. Il a parlé de la possibilité d'une telle modification à deux reprises. Le 1er novembre 1994, il a déposé un document intitulé À l'aube du XXIe siècle: Une stratégie de l'immigration et de la citoyenneté. Dans ce document, le ministre a soulevé un certain nombre de possibilités de modifications législatives:

Des modifications à la Loi sur l'immigration seront envisagées afin de renforcer les dispositions de contrôle et d'exécution de la loi. À l'heure actuelle, les ordonnances d'expulsion ne peuvent être émises que par un agent d'immigration. On pense à autoriser les juges à émettre des ordonnances d'expulsion en même temps qu'ils prononcent la condamnation, plutôt que de le faire séparément.
C'est à la page 59 du document. Il a de nouveau évoqué cette possibilité dans son discours à la Chambre à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-44:

Nous pouvons aussi penser à d'autres améliorations qu'il serait possible d'apporter au système, notamment à la recommandation qui a été faite par quelques chefs de police de permettre aux juges de ne pas recommander, mais plutôt d'ordonner l'expulsion lorsqu'ils rendent leur sentence. Cela allégerait le fardeau du système et permettrait que chaque cas soit traité au complet au bon moment en laissant aux avocats le temps de réagir à l'ordonnance du juge relative à l'expulsion, plutôt qu'à sa recommandation, ce qui nécessite le renvoi devant les services d'immigration, un tribunal d'appel de l'immigration, et le reste.
À la lumière de ce qui précède, on peut dire sans risque de se tromper que le ministre souscrit à l'esprit et à la lettre du projet de loi C-316. Cependant, un certain nombre de questions ont été soulevées non seulement par le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté, mais encore par le ministère de la Justice et le solliciteur général.

Arrêtons-nous à quelques préoccupations exprimées par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Le projet de loi soulève toutes sortes de questions constitutionnelles assez sérieuses. La Cour suprême a déclaré qu'une expulsion ne constituait pas une forme de peine, mais était plutôt le résultat d'une décision administrative. Le projet de loi C-316 changerait la situation. En incluant l'expulsion parmi les peines possibles, on en fait automatiquement une sanction pénale.

Pas moins de trois articles de la Constitution pourraient être invoqués contre une telle sentence. Ainsi, l'article 15 confirme l'égalité devant la loi. On pourrait alléguer que les juges auraient le choix entre deux niveaux de sentence si le projet de loi C-316 était adopté: un pour les citoyens et un autre pour les non-citoyens. De deux personnes commettant le même crime, l'une pourrait se voir imposer une peine plus sévère que l'autre.

L'article 11 porte sur les doubles sentences. On pourrait alléguer que l'expulsion du Canada est une peine qui s'ajoute à une autre peine. Les non-citoyens risqueraient d'être punis deux fois pour le même crime.

L'article 12 porte sur les peines cruelles ou inusitées. On pourrait soutenir que l'expulsion d'un résident permanent équivaut à lui refuser à vie le droit d'être avec sa famille et ses amis, de gagner sa vie ou de communiquer librement dans le cadre de ses activités quotidiennes.

(1155)

Voyons maintenant certaines des réserves du ministère de la Justice. Si le projet de loi était adopté, il se pourrait que les cas les plus simples s'embourbent dans des arguments constitutionnels, durent des années et coûtent aux contribuables des centaines de milliers sinon des millions de dollars.


12874

Si le projet de loi était adopté, nous enlèverions aux agents expérimentés du ministère fédéral de l'Immigration la responsabilité de l'expulsion de criminels potentiellement dangereux pour la confier aux procureurs et aux juges provinciaux. Nous ne devons pas amoindrir la responsabilité fédérale dans un domaine aussi important que l'expulsion de criminels violents.

Il faudrait investir temps et argent pour préparer des avocats et des juges à s'occuper de dossiers de l'immigration. Les obligations internationales du Canada en matière d'immigration ne sont pas bien connues des juges qui entendent les causes criminelles.

Le marchandage de plaidoyers pourrait devenir une façon pratique pour les gens qui ne devraient pas être dans le pays d'y rester. Il y aurait également un nombre accru d'appels devant nos tribunaux déjà surchargés.

L'expulsion peut être un processus complexe qui nécessite des documents de voyage et une bonne collaboration entre les pays. Ce sont des questions qui doivent être traitées par le ministère de l'Immigration, et c'est d'ailleurs ce ministère qui continuera de se charger de l'expulsion de toutes les personnes qui sont entrées au Canada illégalement, qui ont été reconnues coupables de crimes graves dans d'autres pays ou qui ont enfreint la Loi sur l'immigration de quelque autre façon.

Les juges ont besoin d'une preuve au-dessus de tout soupçon raisonnable avant de rendre une ordonnance. Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-316 ne résisterait pas à une contestation en vertu de la Charte. La Cour fédérale a établi que l'expulsion n'est pas une forme de châtiment, mais bien une décision administrative prise par le Canada.

Examinons un peu certaines des préoccupations soulevées par le solliciteur général. Le but de la Loi sur le transfèrement des délinquants est de permettre que des arrangements soient pris entre les États pour que les non-Canadiens qui purgent une peine puissent être transférer dans leur pays afin d'y purger leur peine. Cette loi ne vise pas à appuyer les ordonnances rendues par les tribunaux.

Le projet de loi C-316 propose que la loi soit modifiée pour permettre au Canada de renvoyer tout criminel étranger qui purge une peine dans une prison canadienne. Les pays étrangers n'ont aucun intérêt à conclure avec le Canada des traités en vertu desquels ils devraient assumer eux-mêmes les coûts liés à l'emprisonnement de leurs ressortissants qui ont commis des crimes au Canada.

Le gouvernement veut s'assurer qu'on ordonne le renvoi de tous les criminels dangereux étrangers. Nous voulons également nous assurer que les questions humanitaires qui sont un élément important de notre système d'immigration s'appliquent de façon uniforme à toutes les personnes faisant l'objet d'une ordonnance de renvoi.

Le projet de loi C-44 vise à interdire aux criminels dangereux d'aller en appel devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en espérant ainsi empêcher ou retarder leur renvoi du Canada. Il vise aussi à empêcher que les criminels qui font l'objet d'une ordonnance d'expulsion soient libérés sans surveillance des prisons canadiennes en attendant de pouvoir quitter le Canada.

Beaucoup des problèmes que cette mesure législative semble régler ont déjà été réglés dans le projet de loi C-44. Le système fonctionne, mais il pourrait être beaucoup plus efficace qu'il ne l'est actuellement. Le député de Cambridge fait clairement ressortir la nécessité d'apporter des changements. Nous prenons des mesures, mais nous devons examiner attentivement toutes les possibilités qui s'offrent à nous. Trop souvent, il y a une différence entre ce qui a l'air bon et ce qui est pratique en réalité.

(1200)

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre part aujourd'hui au débat sur le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la Loi sur le transfèrement des délinquants, présenté par le député de Cambridge.

Le Canada est sans nul doute l'un des pays les plus accueillants du monde en ce qui concerne les immigrants dans la catégorie de la famille ou dans la catégorie des entrepreneurs ainsi que les personnes fuyant la persécution dans le monde. Cette tradition a valu aux Canadiens de se voir décerner la médaille Nansen par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, en reconnaissance des efforts remarquables accomplis par la nation tout entière afin de venir en aide aux réfugiés.

Nous voulons tous préserver cette tradition. Cependant, il est devenu évident ces dernières années que le système qui avait été conçu de sorte à être juste, humain et ouvert, est aujourd'hui débordé par le nombre de requérants qui attendent de venir au Canada. Le système a montré des signes de faiblesse. Des fissures ont commencé à apparaître. Des immigrants et des réfugiés ont vu leur demande acceptée quand elle n'aurait peut-être pas dû l'être. Beaucoup d'immigrants venus au Canada enfants se sont peut-être retrouvés à l'adolescence ou au début de la vingtaine au milieu d'une récession et sans débouchés.

En période de crise économique, les gens se sentent frustrés, et toute société connaît une augmentation du taux de criminalité. Plusieurs crimes horribles et spectaculaires mettant en cause des non-citoyens ont fait l'objet d'amples reportages dans les journaux. Je pense à la mort tragique par balles de l'agent Todd Baylis et à celle de Georgina Leimonis. Les Canadiens ont commencé à se demander ce qui n'allait pas. Pourquoi ces jeunes gens, au casier judiciaire bien rempli, sont-ils passés au travers des mailles du filet?

Lorsqu'il a été élu, ce gouvernement a promis de renforcer la sécurité des Canadiens chez eux et dans la rue. Afin de donner suite à cette promesse et de s'attaquer aux problèmes mis en relief par ces crimes spectaculaires, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a présenté le projet de loi C-44. Ce projet de loi prévoit des mesures en vue d'éliminer les faiblesses qui ont fait leur apparition dans les systèmes d'immigration et d'expulsion.

Mon collègue de Cambridge a été ému par les lettres et les démarches des habitants-jeunes et vieux-de sa circonscription et il a donc pris l'initiative de voir ce qu'il y avait moyen de

12875

faire et de proposer des mesures législatives pour faire face à la situation.

Les points saillants du projet de loi C-316 peuvent être résumés comme suit. La mesure législative proposée a pour but d'améliorer la façon dont se fait l'expulsion des délinquants violents qui ne sont pas des citoyens. Le projet de loi autorise les tribunaux à ordonner, en plus de la peine imposée, le renvoi de toute personne déclarée coupable d'une infraction punissable d'une peine de 10 ans ou plus alors qu'elle n'a pas encore la citoyenneté canadienne. Le projet de loi accélère le processus d'expulsion et permettra ainsi aux contribuables canadiens d'économiser des sommes importantes.

Il ne s'applique pas à ceux qui sont arrivés au Canada avant 16 ans et qui n'ont pas été déclarés coupables d'infractions criminelles dans les cinq années précédentes. En notre qualité de Canadiens, nous devons assumer la responsabilité de ceux qui grandissent au sein de notre société.

Les délinquants étrangers pourraient être renvoyés dans leur pays d'origine s'il existe des conditions réciproques de mise en liberté sous condition et si les tribunaux l'ordonnent. À l'heure actuelle, un délinquant est transféré uniquement s'il consent au transfèrement.

J'ai, moi aussi, reçu l'avis de mes électeurs à ce sujet. Bon nombre d'entre eux ont été profondément outrés par les meurtres insensés du policier Baylis et de Mlle Leimonis. J'appuie l'esprit général de ce projet de loi et je crois qu'il est conforme à nos politiques en matière d'immigration et de justice.

Je crains que, dans certains cas, les personnes à la charge de ces immigrants ne soient aussi sujetties au renvoi. C'est un aspect que l'on pourra peut-être examiner au cas par cas, à mesure que les conséquences pratiques seront évaluées.

Si j'ai bien compris, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pourra examiner ultérieurement les dispositions permettant à un juge de renvoyer des délinquants. Certains de nos collègues doutent de la constitutionnalité de cette disposition et certains affirment que cette façon de traiter les délinquants créerait une discrimination entre les citoyens canadiens et les personnes n'ayant pas encore la citoyenneté. De toute façon, celles-ci sont passibles de renvoi en vertu des politiques actuelles de l'immigration. Ce projet de loi propose simplement de rendre le processus plus rapide et plus économique en donnant à d'autres instances le pouvoir d'ordonner le renvoi. Je recommande toutefois que des mesures de prévention soient intégrées à la loi pour éviter les marchandages de plaidoyers qui préviendraient l'ordonnance de renvoi. J'aimerais aussi que certaines dispositions obligent à traiter séparément le renvoi et la peine.

J'appuie certainement l'ajout d'une disposition qui exclut les personnes qui sont arrivées au Canada avant l'âge de 16 ans et qui n'ont pas été déclarées coupables d'infractions criminelles dans les cinq années précédentes. Cette mesure est juste et conforme aux principes de notre politique d'immigration. Je pense ici à la situation de Clinton Gayle, qui est arrivé très jeune au Canada et qui a pourtant fait l'objet d'une ordonnance de renvoi pendant plus de deux ans. M. Gayle a eu le temps de créer des liens au Canada pendant qu'on déterminait qu'il devait être renvoyé. Les ordonnances de renvoi devraient être exécutées immédiatement.

Le projet de loi dont la Chambre est saisie ne parle pas explicitement de l'exécution et du processus. On peut donc conclure que si un délinquant est sous garde, qu'il a été condamné et qu'il fait l'objet d'une ordonnance de renvoi, il ne sera pas remis en liberté. L'expulsion des indésirables qui ne respectent pas les lois de notre pays et menacent notre sécurité doit être faite rapidement, sûrement et immédiatement.

Le président suppléant (M. Kilger): La période réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée.

(1205)

Conformément à l'article 93 du Règlement, l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

_____________________________________________


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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Vendredi j'ai envoyé une lettre au premier ministre, au chef de l'opposition officielle et au bureau du Président pour demander un débat d'urgence sur la situation en Bosnie. Je pense que les Canadiens sont absolument furieux de l'inaction du gouvernement et du manque total de renseignements qui leur sont fournis.

Je prends la parole pour demander le consentement unanime afin de suspendre les travaux de la Chambre et de commencer immédiatement un débat d'urgence sur cette question. Des soldats canadiens sont tenus en otages et sont en situation de danger imminent. Il est donc essentiel que le Parlement discute immédiatement de cette question.

Je sais très bien que le Bloc québécois a demandé le consentement unanime pour commencer le débat à 18 heures, mais étant donné l'urgence de la situation je ne pense pas que nous devrions attendre plus longtemps. Nous avons besoin de commencer le débat maintenant et c'est pour cela que je demande une décision tout de suite.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je ne sais pas si le député a entendu ce que j'ai dit plus tôt, en réponse au leader à la Chambre de l'opposition officielle qui a pris la parole il y a environ un demi-heure et a fait à peu près la même demande.

Je sais très bien que le député considère la situation urgente. L'article 52 du Règlement de la Chambre des communes prévoit que tout député peut demander au Président d'ordonner un débat d'urgence. Tout député aura cette possibilité à 15 heures cet après-midi. C'est-à-dire dans trois heures seulement. Je suis sûr que le député peut attendre jusque-là.

12876

Nous avons un certain nombre de projets de loi gouvernementaux urgents dont la Chambre doit débattre aujourd'hui et les députés sont ici pour en parler.

M. Silye: Les pensions des députés.

M. Milliken: Le député dit les pensions des députés. Ce n'est pas un des projets de loi à l'ordre du jour aujourd'hui et il le sait très bien.

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre! Je ne voudrais pas créer un précédent en permettant que, lorsqu'un député demande le consentement unanime pour une question, on se lance dans un débat avant que la question ne soit soumise à la Chambre.

Je sais que le sujet en question est considéré comme étant de grande importance. C'est la deuxième fois aujourd'hui que nous en parlons et il est probable que nous en reparlerons encore plus tard, ou peut-être tout de suite si tel est le choix de la Chambre.

Je pose donc tout simplement la question à la Chambre à la suite de l'intervention du député de Red Deer. Y a-t-il consentement unanime pour un débat d'urgence immédiatement.

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

L'ordre du jour appelle: Initiatives ministérielles:

Le 29 mai 1995-Le ministre de l'Industrie-Deuxième lecture et renvoi au Comité permanent de l'industrie du projet de loi C-91, Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada.
L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.) propose:

Que le projet de loi C-91, Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada, soit renvoyé maintenant au Comité permanent de l'industrie.
-Monsieur le Président, je suis fier d'amorcer le débat sur la motion consistant à renvoyer le projet de loi C-91, Loi sur la Banque de développement du Canada, au comité avant la deuxième lecture.

Je suis persuadé que les membres du comité influenceront, par la force de leurs idées et de leurs convictions, cette mesure législative qui dote la Banque fédérale de développement d'un nouveau mandat, sous le nom de Banque de développement du Canada.

Le projet de loi C-91 vise à ce que l'aide gouvernementale dans le domaine du financement commercial devienne plus efficace et plus conforme aux besoins de la petite entreprise.

[Français]

Le projet de loi réaffirme le mandat de la banque qui est de fournir des services de gestion, de consultation et de formation aux entrepreneurs canadiens. Qu'il s'agisse du fardeau fiscal ou de la déréglementation, du perfectionnement des compétences ou de l'acquisition de technologies, les petites entreprises sont confrontées à une vaste gamme de défis. Mais le plus pressant d'entre eux demeure sans aucun doute la nécessité d'obtenir un financement suffisant et des services de consultation appropriés en matière de gestion commerciale.

Sans financement et services de consultation adéquats, les petites entreprises ne peuvent se lancer à la conquête ni du marché national ni des marchés internationaux.

(1210)

Il est essentiel que les petites entreprises aient accès tant au financement par emprunt qu'au financement par actions, et ce, à toutes les étapes de leur croissance, mais tout particulièrement au cours de la phase initiale.

Considérons les défis auxquels les petites entreprises se trouvent confrontées lorsqu'elles recherchent un financement par emprunt ou par actions, sous l'angle de quatre lacunes dans les services qu'offrent actuellement les marchés financiers canadiens.

La première est celle du risque, et elle résulte de la réticence de plusieurs établissements de crédit à fournir des prêts à certaines petites entreprises, même à des taux d'intérêt qui tiennent compte du risque plus élevé associé à ces prêts.

La deuxième lacune est celle de l'importance du prêt. Que le client demande un prêt de un million de dollars ou un prêt de 50 000 $, les dépenses encourues par une banque ou les détenteurs d'un capital-risque pour préparer et évaluer les plans d'entreprise et les propositions financières, ainsi que pour suivre les progrès de l'entreprise demeurent généralement constantes.

La troisième lacune est celle de la connaissance. Souvent, les institutions financières ne sont pas familières avec la nature d'une industrie naissante au sein de la nouvelle économie. Elles ne possèdent pas encore de méthode éprouvée pour évaluer le risque associé au fait de consentir un prêt aux nouvelles industries ou d'y investir.

Enfin, la quatrième lacune est celle de la souplesse. Les prêteurs sont souvent réticents à fournir aux entreprises prometteuses un financement dont les conditions soient souples. Les prêteurs traditionnels exigent habituellement une suite de paiements répartis sur toute la durée du prêt. Ce type de financement peut se révéler accablant pour les entreprises qui en sont au stade de développement d'un produit, parce qu'elles n'ont pas encore atteint le point où les revenus des ventes sont suffisants pour rembourser la dette.

Ces quatre lacunes sont un résultat de l'évolution rapide de notre économie. En relevant les défis d'un marché fondé sur les connaissances, la petite entreprise a innové de maniêre beaucoup plus rapide que les institutions financières traditionnelles.

[Traduction]

Les petites entreprises canadiennes doivent agir rapidement afin d'innover et s'assurer une partie des nouvelles possibilités d'affaires. L'ensemble de l'économie canadienne repose sur les compétences de ces petites entreprises et sur leur sens de l'entreprise pour soutenir la croissance économique et créer des emplois.


12877

Voilà l'exemple d'une situation où le gouvernement fédéral peut faire la différence sur le marché. Personne ne propose qu'il remplace les institutions financières du secteur privé pour satisfaire les besoins du marché, mais c'est justement dans des situations comme celles que j'ai décrites que le gouvernement peut faire office de chef de file. Nous avons besoin de leadership pour prouver qu'il est possible de répondre aux besoins des petites entreprises dans une économie fondée sur les connaissances. Il existe une institution gouvernementale possédant l'expérience et les compétences pour fournir un tel leadership: la Banque fédérale de développement.

Mes collègues savent sans doute que la banque atteindra bientôt son plafond légal de 3,2 milliards de dollars en actif et en passif. Si ce plafond n'est pas modifié, la banque devra diminuer le crédit qu'elle accorde et refuser son aide à des entreprises qui, autrement, seraient en mesure de créer des emplois. La nouvelle loi éliminerait le plafond actuel du capital et du passif de la banque mais cette dernière ferait l'objet d'un examen législatif tous les 10 ans, ce qui est conforme aux exigences imposées aux banques à charte en vertu de la Loi sur les banques.

Mes collègues se souviendront que dans le budget de 1995 le ministre des Finances déclarait que la banque élaborerait de nouvelles alliances stratégiques avec les organismes régionaux pour que le financement des entreprises s'effectue de façon coordonnée. Le nouveau mandat de la banque favorisera les partenariats et permettra une collaboration accrue de cette dernière avec les organismes régionaux et d'autres institutions financières fédérales comme la Société pour l'expansion des exportations.

[Français]

Je voudrais aborder le sujet du développement régional en démontrant l'importance de la Banque fédérale de développement au Québec. Son siège social est situé à Montréal et près d'un cinquième de ses bureaux se trouvent au Québec.

(1215)

En 50 ans, la BFD a fourni plus de 4,5 milliards de dollars en prêts aux PME québécoises. Actuellement, le portefeuille de prêts pour le Québec atteint 1,1 milliard de dollars et comprend 3 600 clients. Au cours des cinq dernières années, les clients de la BFD ont créé 8 500 nouveaux emplois et plus de 9 000 entrepreneurs du Québec ont bénéficié des services de gestion-conseils de la BFD.

[Traduction]

Les résultats obtenus ailleurs au Canada sont tout aussi impressionnants. Les ententes que nous passons avec les organismes régionaux en coopération avec les provinces et les territoires permettront d'éviter des chevauchements et des doubles emplois coûteux.

Enfin, la Chambre doit bien comprendre que le projet de loi C-91 représente un élément essentiel de notre engagement à faire preuve de leadership dans la création d'un climat commercial propice à la croissance des petites entreprises, à l'innovation et à la création d'emplois. Je crois que les approches innovatrices que la Banque de développement du Canada adoptera après l'entrée en vigueur de la loi montreront aux banques à charte canadiennes qu'en offrant leurs services à la petite entreprise canadienne elles s'assurent un avenir prometteur.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur le projet de loi C-91, qui s'intitule Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada. J'attire dès à présent votre attention sur le fait qu'on parle de maintenir la Banque fédérale de développement. On verra tantôt, à la suite de mon exposé, combien on maintient peu la Banque fédérale de développement.

Nous nous opposons à ce projet de loi et ce, pour trois grandes raisons en ce qui me concerne, en tant que critique de l'industrie, et aussi pour une autre raison, sur laquelle mes collègues élaboreront davantage, celle qui porte sur le développement régional. Les trois grandes raisons qui nous amènent, dans un premier temps, à nous opposer à ce projet de loi portent sur le changement de nom, de Banque fédérale de développement à Banque de développement du Canada, sur le changement de statut ou de mission de la nouvelle Banque de développement du Canada par rapport à la Banque fédérale de développement et, enfin, sur la mise en place de nouveaux instruments de financement dits hybrides, sur laquelle nous élaborerons davantage.

Donc, premièrement, je traiterai du changement de nom, de Banque fédérale de développement à Banque de développement du Canada. Il faut savoir que cette question avait été abordée au Comité permanent de l'industrie par la voix du secrétaire parlementaire. Celui-ci avait préconisé cette proposition un peu à l'improviste et, par courtoisie, la proposition avait été retenue par les membres du comité, je pense pour ne pas entrer en conflit, car même nos collègues libéraux avaient l'air mal à l'aise. La proposition du secrétaire parlementaire était de dire que la Banque fédérale devrait changer de nom pour s'appeler la Banque canadienne de la petite entreprise.

Vous conviendrez que les gens avaient, par respect, accepté cette proposition. Si vous lisez le document, le rapport du comité, vous verrez qu'aucune allusion n'y est faite. Cette recommandation arrive comme un cheveu sur la soupe et tout le monde avait jugée trop restrictive l'appellation de Banque canadienne de la petite entreprise. Dans le domaine des affaires, la Banque fédérale de développement fait du financement dans d'autres domaines que celui de la petite entreprise et c'était, à l'évidence, trop restrictif et quasi rejeté, mais accepté par courtoisie.

Nous arrivons maintenant avec l'autre extrême qui s'appelle la Banque de développement du Canada. On passe de la petite entreprise-on fait des changements-au développement du Canada tout entier. Et c'est là tout aussi extrémiste. Je pense que le développement du Canada n'est pas une question de banque, comme le développement du Québec. Tout cela pour dire que la terminologie auparavant utilisée, Banque fédérale de développe-


12878

ment, était bien connue, respectée dans le milieu canadien et québécois et on ne voit pas l'utilité de changer son nom. Il s'agit là surtout de dépenses et d'argent et d'énergie tout à fait inutiles, quand on connaît les coûts que cela va entraîner sur le plan de la paperasse et des changements au niveau des panneaux d'identification, etc. Donc, ce sont des dépenses inutiles et une perte d'énergie.

On n'est pas plus avancés avec la Banque de développement du Canada qu'on l'était avec la Banque canadienne de la petite entreprise.

(1220)

Le deuxième objet de critique, et c'est fondamental, est le changement de mission qui est sous-entendu dans le supposé maintien de la Banque fédérale qui devient la Banque de développement du Canada. Ceci se fait sans débat, et en plus, sans consultation. Cela vient de nulle part, sans mandat non plus. Personne n'a demandé au gouvernement fédéral de changer le nom de la Banque fédérale de développement. C'est fait de façon anodine, en catimini, administrativement comme on se complaît à le faire dans ce gouvernement et c'est peut-être là le Canada de demain, l'administration à la petite semaine, en catimini, en cachette. On arrive avec une proposition semblable qui ne découle en rien des débats du Comité de l'industrie dont je suis vice-président. Il n'y a aucune recommandation à cet effet.

La Banque fédérale de développement avait antérieurement un mandat très spécifique d'intervention de dernier recours auprès de la PME. Sa préoccupation première était le développement de la PME, et c'était explicite à l'article 20b) qui, parlant des personnes morales emprunteuses, disait: «elle ne peut trouver ailleurs, à des conditions raisonnables, les crédits ou le financement requis.»

Dans le jargon, c'était cela qui amenait la Banque fédérale à être qualifiée de banque de dernier recours. L'emprunteur, ayant subi un ou deux refus auprès des institutions traditionnelles, se voyait, si le dossier était bon, octroyé un prêt par la BFD suite à la satisfaction de ces conditions.

À l'époque, la Banque fédérale n'avait que des préoccupations de développement économique par le biais de l'aide à la PME. On voit, à l'article 4(2) de la nouvelle Loi sur la Banque de développement du Canada, que la banque a pour mission de soutenir l'esprit d'entreprise au Canada. Dans la poursuite de sa mission, la banque attache une importance particulière aux besoins des petites et des moyennes entreprises.

On est loin de la banque de dernier recours qui porte son attention uniquement sur le développement de la PME au Canada. Là on l'étend, on verra tantôt, et mes collègues vont s'en charger, avec les articles 20 et 21 de ce projet de loi, combien on se permet d'intervenir d'emblée dans tout ce qu'il en est du développement du Canada, c'est le cas de le dire sur le dos des provinces, au mépris des gouvernements provinciaux, notamment celui du Québec, en faisant du développement régional sur le dos du Québec, en faisant affaire de façon anticonstitutionnelle ou presque avec des intervenants, des créatures québécoises.

En présentant les choses de façon alléchante, on sait d'avance ce que le gouvernement du Canada fera en disant aux institutions, aux créatures québécoises: Si vous voulez avoir notre argent, vous n'avez qu'à demander l'équivalent au gouvernement du Québec; si lui n'accepte pas, nous nous retirons du dossier. On connaît ce genre de stratagème, surtout à la veille du référendum.

Dans le Canada de demain, si les Québécois s'avisaient de voter non au prochain référendum, c'est le genre d'instrument de centralisation qui les attend dans le Canada de demain.

Aujourd'hui, avec le projet de loi C-91, la Banque, qui est devenue banque de financement complémentaire-parce qu'elle n'est plus de dernier recours-aux autres banques traditionnelles sur le marché, pourra conclure des accords, et c'est prévu par la loi, avec n'importe quel organisme afin de devenir leur mandataire dans la prestation de services, de programmes et de financement. Elle pourra de plus mettre en place des consortiums de prêts. On est loin du développement de la PME. Elle pourra mettre en place des consortiums de prêts avec divers partenaires, tant privés que publics.

À notre avis, le rôle complémentaire de la Banque de développement du Canada ne devrait être exercé que pour pallier les lacunes du marché et ainsi bonifier la situation. Il importe de préciser quel est son rôle premier, sa mission, versus l'importance particulière, comme prévu à la loi, aux besoins des petites et moyennes entreprises.

Avant de terminer, j'ajouterais un mot sur les nouveaux modes de financement dits hybrides. Cela veut dire que la Banque fédérale, s'alimentant antérieurement de fonds gouvernementaux, pourra aller puiser à même des fonds privés.

(1225)

Aucune mention à ce sujet pour attirer les capitaux privés ne dit qu'il y aura un taux de rendement fixe. Donc, on soumet potentiellement la nouvelle banque à une maximisation de profits pour donner des taux de rendement les plus intéressants possible. Cela fait dévier dans toute son entité la nouvelle banque de l'ancienne banque qui, elle, fonctionnait à taux fixe et pouvait se préoccuper uniquement de développement économique.

J'attire votre attention sur l'article 36 concernant la confidentialité des informations que détiendra cette banque. On y dit qu'elle doit se soumettre à la confidentialité.

Il faut se rappeler que le comité a préconisé qu'il y ait cueillette d'informations systématique auprès de toutes les institutions financières au Canada, et ce, supervisée par la Banque du Canada, Statistique Canada et le surintendant aux Institutions financières. Et l'on souhaite qu'il y ait une provision dans la loi qui prévoit que la nouvelle banque pourra collaborer à des enquêtes encouragées par le Parlement.


12879

Je note au passage que l'Association des banquiers, et c'est là l'indice qui nous fait croire que le gouvernement a des plans très précis, s'oppose à ce projet de loi. On sait combien, normalement, les banquiers et le gouvernement libéral s'entendent; cette fois-ci, ils ne s'entendent pas. Pourquoi? Sans doute parce qu'il faut avoir à l'esprit que le gouvernement a d'autres intentions, très nettement politiques et non économiques, et ce, visant notamment le Québec, pour influencer la décision référendaire et, dans un deuxième temps, prendre toute la place en ce qui touche le développement économique au Canada pour en faire un pays centralisé et de plus en plus unitaire.

C'est parmi les raisons qui nous feront voter contre ce projet de loi.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Je voudrais brièvement rappeler à la Chambre que, conformément à l'article 73 du Règlement, en vertu duquel nous menons actuellement nos travaux, les députés disposent de 10 minutes pour leurs interventions, sans questions ni commentaires.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat. Ce n'est pas la première fois que je me demande si c'est le fait d'avoir été élus qui fait de nous des investisseurs en capital risque. Pourquoi, du fait que nous avons été élus, en venons-nous à penser que nous devrions imposer notre point de vue au secteur privé? Pour le moment, je voudrais limiter mes commentaires à cette hypothèse fondamentale.

Quand nous nous réunissons pour délibérer en vue de créer des lois et des organismes, nous devrions toujours avoir, comme principe fondamental, de ne faire participer le gouvernement à aucune affaire dont s'occupe ou dont pourrait s'occuper l'entreprise privée. À mon avis, nous ne devrions en aucune façon participer à la création d'une société d'État qui livrera concurrence aux entreprises existantes, comme nous le faisons actuellement.

Nous n'aimons peut-être pas les banques. Les Canadiens ne se lèvent probablement pas, le matin, en remerciant le ciel de leur avoir donné la Banque Royale, la Banque Toronto-Dominion ou quelque autre banque que ce soit. Cependant, au Canada, nous avons déjà des institutions bancaires en pleine maturité, qui fonctionnent très bien et qui sont très compétentes.

Quand nous examinons le projet de loi du point de vue de ce que l'établissement de la société d'État dans le secteur financier de notre pays fera pour accroître la compétitivité des entreprises canadiennes, favoriser l'esprit d'entreprise, donner naissance à de nouvelles entreprises ou, d'une manière ou d'une autre, améliorer le niveau de vie au Canada, nous constatons que cette mesure législative ne fait absolument rien à ce sujet. Elle ne fait que créer un organisme bureaucratique de plus.

Cela dit, je ne critique pas les raisons ou les motifs ayant donné lieu à cette initiative. Il fut un temps, il n'y a pas si longtemps, où les habitants de l'Ontario et du Québec, en particulier, trouvaient que la récession portait un coup terrible aux entrepreneurs et aux gens d'affaires, surtout aux petites entreprises. Dans l'Ouest, et notamment en Alberta, nous avons été confrontés à cette situation 10 ou 12 ans plus tôt.

(1230)

Le Comité de l'industrie, dans son rapport sur les petites entreprises auquel nous avons consacré des mois et des mois, visait à faire en sorte que les établissements bancaires deviennent beaucoup plus attentifs aux besoins des entreprises canadiennes, notamment les petites et moyennes entreprises. En quoi la Banque fédérale de développement nouvelle version répond-elle à cet objectif?

Le rôle de l'opposition consiste à s'opposer aux mesures législatives présentées par le gouvernement. Il s'agit d'améliorer les textes de loi. Il s'agit de signaler les lacunes des projets de loi du gouvernement. Si l'on envisage les choses sous cet angle et si l'on s'interroge sur l'objet de ce projet de loi modifiant la Banque fédérale de développement, il faut tout d'abord toucher un mot sur son mandat.

Faisons-nous l'avocat du diable et demandons-nous quel est le mandat de la nouvelle Banque fédérale de développement, rebaptisée la Banque de développement du Canada. Selon un communiqué rédigé par le ministre, le mandat de la nouvelle banque est de formuler et d'apporter des réponses novatrices aux besoins de la petite entreprise en matière de financement et de gestion. S'il y a une déclaration d'intention qui fait l'unanimité, c'est bien celle-là. Comment pourrions-nous contester ce truisme?

Je suis moi-même un petit entrepreneur. Le Parti réformiste est tout à fait disposé à aider la petite entreprise et à collaborer avec elle. Nous ne sommes pas là pour rendre la vie dure aux entreprises existantes, quand bien même s'agirait-il des toutes puissantes banques. Les banques existent déjà.

Il est inutile que les contribuables canadiens soutiennent aussi peu soit-il une autre société d'État au Canada, car c'est ce que sera ce nouvel organisme. Nous essayons en ce moment même de nous débarrasser des sociétés d'État. On n'a qu'à penser à la privatisation du CN et à celle d'Air Canada récemment. Pourquoi donc voudrions-nous en établir une dans le secteur bancaire?

J'ai déjà précisé que de nombreux Canadiens que nous représentons de ce côté-ci pensent qu'on ne doit pas réinventer la roue. Je suis persuadé que c'est également la position de nombreux électeurs de nos vis-à-vis. Il ne faut pas consacrer nos énergies à la création d'une chose déjà existante.

Il s'agit alors de savoir si le nouvel organisme va jouer un rôle différent. J'ai essayé de savoir si ce serait le cas ou non. J'ai fouillé dans les archives où j'ai trouvé ce discours que M. François Beaudoin a prononcé devant la Chambre de commerce de l'agglomération urbaine de Montréal, le 25 octobre 1994.M. Beaudoin est maintenant le président-directeur général de la nouvelle Banque de développement du Canada. Il a précisé, à juste titre, qu'il y avait trois secteurs en voie de développement de notre économie qui méritaient qu'on s'y attarde: les marchés


12880

d'exportation, la nouvelle économie et les fonds de roulement. Selon lui, ce sont les trois domaines dans lesquels les entreprises ont vraiment besoin d'un appui important.

Il affirme qu'à peine 900 entreprises représentent 85 p. 100 des exportations du Canada. La majeure partie de nos exportations se font dans les secteurs du bois d'oeuvre et de l'automobile. Cela montre très clairement que nous devrions encourager beaucoup plus l'esprit d'entreprise en ce qui concerne les exportations. Que va donc faire cette nouvelle banque que ne fait pas déjà, à l'heure actuelle, la Société pour l'expansion des exportations? Nous pouvons déjà compter sur cette société. Son mandat consiste justement à faire cela.

(1235)

Il est très facile d'appuyer la partie du nouveau mandat de la Banque de développement qui a pour objectif central l'incubation d'entreprises et la formation des chefs d'entreprise. Cette nouvelle banque n'est rien de plus qu'un organisme plus gros que celui qui existait déjà.

Le projet de loi accorde un actif de près de 20 milliards de dollars à la Banque de développement, qui est une société d'État que le gouvernement fédéral finance et soutient, en fin de compte. Or, le portefeuille total de toutes les banques au Canada en ce qui concerne les petites entreprises est de l'ordre de 40 milliards de dollars. Selon les banques, en fonction des prêts de qualité, l'argent disponible est supérieur au total des prêts demandés.

La dernière chose au monde que nous souhaitons, c'est que les banques existantes au Canada disent aux gens qui viennent s'adresser à elles pour obtenir un prêt que leur idée est excellente, mais qu'elle est risquée et qu'ils doivent donc s'adresser à la nouvelle Banque de développement du Canada pour obtenir de l'argent. Ainsi, le gouvernement va être responsable de tous ces prêts alors que ce devrait être la tâche des banques à charte. Ce sont elles qui ont la capacité et l'expérience nécessaires pour faire tout ce qui est déjà fait. Il nous incombe de nous assurer qu'elles remplissent bien leur rôle et non de créer une institution de crédit complémentaire.

La Banque fédérale de développement veut notamment offrir des prêts destinés à financer le fonds de roulement, en fonction des comptes débiteurs et du stock. Eh bien, sur quelle planète vit-elle? Est-ce que ce ne sont pas toutes les banques qui offrent des prêts d'exploitation en fonction des comptes débiteurs et du stock?

La grande majorité des prêts consentis à l'heure actuelle par la Banque fédérale de développement, c'est-à-dire 53 p. 100, varient entre 100 000 $ et 500 000 $. Les prêts de moins de 25 000 $ ne représentent que 1,2 p. 100 du portefeuille total de la Banque fédérale de développement qui est une pépinière de petites entreprises. Ces petits prêts sont extrêmement risqués et très coûteux. Bien entendu, les banques ne veulent pas s'en charger. Cependant, nous, à la Chambre, devrions faire bien attention de ne pas accroître la responsabilité financière des contribuables canadiens pour que les banques puissent plus facilement se décharger de leurs responsabilités sur la banque financée par le gouvernement.

M. Barry Campbell (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour faire part à la Chambre de mon appui au projet de loi C-91, Loi sur la Banque de développement du Canada. Cette mesure constitue une nouvelle étape dans l'évolution d'une institution qui a une longue expérience dans l'art d'aider l'entreprise canadienne à composer avec les changements économiques.

Il y a 51 ans, la Banque d'expansion industrielle a été créée pour aider les industries de guerre à se convertir à de fins pacifiques à la fin des hostilités. Ces entreprises avaient besoin d'un service spécial, parce qu'il leur était presque impossible d'obtenir un prêt à terme. À cette époque, la Loi sur les banques interdisait aux banques à charte d'accorder des prêts sans garantie hypothécaire.

Au début, la plupart des entreprises qui ont obtenu des prêts de la Banque d'expansion industrielle étaient des ateliers d'usinage, des scieries, des manufactures de textile et de vêtements, des minoteries et des usines de pièces d'automobile. Autrement dit, la banque veillait à l'épanouissement des industries de pointe de cette époque, dans un pays qui voulait tirer parti de ses immobilisations du temps de guerre pour relever de nouveaux défis.

À mesure que l'économie du pays évoluait, la clientèle de la banque se transformait progressivement. La monde des affaires a commencé à profiter des occasions que lui offrait le boom de l'après-guerre. La banque a alors commencé à prêter, entre autres, à des grossistes, des détaillants, des restaurateurs et des hôteliers.

Dans les années 50 et 60, la banque a commencé à ouvrir des succursales ailleurs que dans les grands centres. C'était une décision audacieuse à l'époque. Les banques à charte se sont intéressées de près à l'expérience. Ayant tout juste 20 ans d'existence, la Banque d'expansion industrielle avait 22 succursales aux quatre coins du Canada.

(1240)

[Français]

En 1971, la Banque a commencé à fournir aux entreprises des conseils réguliers sur la façon de gérer efficacement leurs affaires. La Banque est ainsi devenue le premier organisme national à fournir aux propriétaires de petites entreprises des services de gestion tels la consultation, la formation et la planification.

En 1975, la Banque fédérale de développement a été créée à titre de société de la Couronne. Désormais, on ne pourrait plus compter sur les subventions gouvernementales pour exécuter les opérations bancaires. Le nouvel organisme a également décidé de relever le défi de fournir aux entrepreneurs du capital-risque. Aujourd'hui, la Banque possède des bureaux dans l'ensemble des provinces et des territoires. Elle emploie 900 personnes qui fournissent à la fois des services financiers et de gestion aux petites et moyennes entreprises canadiennes.


12881

L'an dernier, le financement par actions de la Banque s'est accru de 45 p. 100, pour atteindre un total de 80 millions de dollars. La Banque s'est taillée, au fil des ans, une solide réputation en matière de service à la clientèle. Dans le cadre du sondage le plus récent, 97 p. 100 des clients de la Banque ont déclaré qu'ils s'adresseraient encore à la Banque, et le même pourcentage des clients recommanderait la Banque à d'autres personnes.

[Traduction]

Il est devenu évident que la BFD doit continuer d'évoluer pour répondre aux besoins changeants de l'économie. Cette évolution qui s'impose a fait l'objet de discussions abondantes. Dans son rapport Pour financer le succès de la PME, le Comité permanent de l'industrie a recommandé que la BFD «soit confirmée dans son rôle de prêteur complémentaire aux petites et moyennes entreprises, mais que ce rôle soit recentré. On devrait aussi lui permettre de recourir à de nouveaux instruments financiers pour mieux accomplir sa mission».

Le comité de travail sur la petite entreprise a souligné que les programmes financés par le gouvernement devraient être recentrés pour combler les lacunes actuelles de financement par le secteur privé. Parmi ses recommandations figure celle-ci: «Appliquer le mandat de la BFD pour s'assurer que ses activités permettent de combler les lacunes de financement et d'accorder des fonds à de petites entreprises de toutes les régions du pays, y compris les très petites entreprises qui ont besoin de prêts de moins de 100 000 $, ainsi que de combler les lacunes dans les besoins de prêts et de fonds de roulement dans les régions et les secteurs.» Le comité a déclaré que ces objectifs devraient se poursuivre en fonction du recouvrement intégral des coûts.

La Loi sur la Banque fédérale de développement n'a pas été modifiée depuis son adoption en 1974. Il convient de la mettre à jour pour tenir compte des progrès du marché, comme le recours à des instruments financiers qui n'existaient pas en 1974. En outre, le plafond et les ratios financiers de la banque qui sont prévus par la loi sont presque atteints. Pour répondre au volume prévu des transactions, nous devons agir rapidement afin d'obtenir le pouvoir autorisé par la loi d'augmenter le capital de la banque. Si l'on ne modifie pas sous peu le plafond des prêts de la banque, elle risquera bientôt de devoir limiter le crédit qu'elle accorde aux entreprises.

Aux termes de son mandat élargi, la Banque de développement du Canada sera mieux placée et mieux équipée pour répondre aux besoins précis des petites entreprises, car ses moyens de financement seront novateurs. Elle interviendra lorsque le marché ne permettra pas à des entreprises commerciales prometteuses d'accéder à un financement.

Selon son nouveau mandat et dans le cadre de ses programmes de prêts et de capital de risque, la banque continuera de s'en tenir à des prêts et des placements modestes. Elle augmentera le financement du quasi-capital et des fonds de roulement. Elle se concentrera aussi davantage sur les entreprises à forte intensité de connaissances, sans pour autant abandonner ses activités traditionnelles.

La Loi sur la Banque de développement du Canada offrira à la banque la capacité et les ressources nécessaires pour se tenir au fait des besoins changeants, à une période où les petites entreprises du Canada doivent avoir la souplesse qu'elle peut leur offrir.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de me lever en cette Chambre pour parler du projet de loi C-91, ce projet de loi qui veut changer la fonction, le mandat de la Banque fédérale de développement et même changer son nom, pour qu'elle devienne la Banque de développement du Canada.

J'ai des questions à poser sur ce projet de loi. C'est un peu inquiétant, parce que la Banque fédérale de développement, telle qu'elle existe actuellement, fonctionne bien, fonctionne très bien.

(1245)

J'ai rencontré le président, à Québec. On sait que la Banque fédérale de développement prête près d'un tiers de son argent, environ 1,3 milliard, au Québec. Finalement, cela fonctionne très bien comme banque de dernier recours. De plus, la Banque fédérale de développement, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, offre des cours de formation aux personnes désireuses de démarrer des entreprises. Ce sont d'excellents cours qui ont été utilisés par bon nombre d'entrepreneurs québécois. De plus, la Banque fédérale de développement s'autofinance, c'est une banque qui ne coûte rien au public canadien.

Le projet de loi C-91 veut changer le mandat de la Banque et modifier en profondeur la structure du capital de la Banque. Alors que la Banque avait un plafond statutaire d'environ 3,2 milliards, on propose de l'abolir complètement et de faire en sorte que cette nouvelle banque puisse emprunter sans limite. J'aurai l'occasion de reparler de cette question. Ce changement de mandat, ce changement de la structure du capital est inquiétant parce qu'il ouvre la porte à la Banque fédérale de développement d'entreprendre des partenariats avec d'autres organismes et d'autres banques.

Il y a donc une modification en profondeur de la structure du capital de la Banque et un changement du mandat de la Banque. Actuellement, le mandat est de répondre à des cas de derniers recours. La Banque fédérale de développement prête à des entrepreneurs, des gens d'affaire qui ne peuvent emprunter de banques par les moyens traditionnels, normaux, et cela répond à un besoin. Mais en changeant le mandat, la Banque fédérale de développement n'aura plus nécessairement un mandat de dernier recours, mais aura comme mandat de soutenir d'autres projets sous forme de partenariat, de financement complémentaire dans d'autres projets. Cela remet en question son mandat initial de servir de dernier recours à des entreprises.

Cela est inquiétant, car on se demande qui fera ce travail si la Banque fédérale de développement ne le fait pas. Si la Banque fédérale de développement change son mandat et devient de plus en plus un partenaire avec d'autres banques, qui remplira ce mandat que la Banque fédérale de développement remplit actuellement très bien? C'est comme si tous les cas de dernier recours seront ignorés.

Mais là n'est pas la question la plus inquiétante de ce projet de loi. C'est plutôt connaître le mobile de ce projet de loi. Pourquoi propose-t-on de changer la structure du capital de la Banque et son mandat? Pourquoi enlève-t-on le plafond d'emprunt et lui


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dit-on de ne plus être une banque de dernier recours mais de devenir partenaire avec d'autres banques dans d'autres projets, avec d'autres organismes dans des projets de PME? Il semble que cela vise surtout des projets de PME et d'exportation. On a raison de chercher le mobile de ce changement.

(1250)

Avons-nous vraiment l'intention d'aider les PME ou s'il s'agit plutôt d'entrer en compétition avec les institutions financières existantes? C'est une question qui se pose parce que ce projet de loi permet à la Banque fédérale de développement, sous son nouveau mandat, d'entrer directement en compétition avec des institutions financières existantes. C'est inquiétant.

En fait, est-ce le rôle du gouvernement fédéral d'entrer en compétition avec l'entreprise privée? C'est d'ailleurs ce qu'a tenté de faire ce gouvernement avec un autre projet de loi, le projet de loi C-52, présenté par le ministre des Travaux publics et dans lequel il se donnait le pouvoir de compétitionner directement avec les entreprises de génie et d'architecture. Curieusement, ce projet de loi a été retiré lorqu'on a ouvert le feu sur le gouvernement après s'être aperçu que ces entreprises de génie et d'architecture étaient concentrées au Québec. On s'est aperçu que 90 p. 100 des entreprises avec lesquelles le gouvernement compétitionnerait étaient situées au Québec. Le gouvernement a retiré le projet de loi à cause de cela.

Mais le gouvernement revient maintenant avec la Banque fédérale de développement avec un mandat semblable mais plus élargi encore parce que, là, on ne parle plus uniquement d'un secteur, soit le génie et l'architecture, on parle de presque n'importe quel partenariat, n'importe quel développement économique. Et si on prend la peine de lire la définition du mandat aux articles 20 et 21, on s'aperçoit qu'il est très large. On s'aperçoit qu'il n'y a pas de limite, aucune limite au mandat de cette nouvelle banque.

Voilà qui est inquiétant parce que nous savons que le développement des PME au Québec est parmi les plus performants au Canada. On sait déjà très bien que s'il y a un secteur dans lequel le Québec a eu un développement impressionnant et a pris une certaine longueur d'avance, c'est dans le secteur des PME.

Nous avons mis sur pied des fonds, par exemple le Fonds de solidarité de la FTQ et de la CSN, ainsi que des programmes des caisses populaires, de nombreux programmes au Québec pour développer les PME. C'est un secteur très actif. Pourquoi donc le Canada change-t-il le mandat de la Banque fédérale de développement pour entrer dans ce secteur? Est-ce qu'on veut concurrencer les caisses populaires du Québec? Est-ce qu'on veut concurrencer l'activité des fonds de solidarité de la FTQ et de la CSN?

Dans le fond, est-ce qu'on peut passer par-dessus le pouvoir provincial qui a déjà mis sur pied tout un programme de régionalisation, de développement régional pour, encore une fois, augmenter la visibilité du gouvernement fédéral, au Québec comme ailleurs au Canada d'ailleurs, mais surtout au Québec? Est-ce que ce projet de loi cache une intention visée, délibérée de vouloir affaiblir maints et maints programmes en territoire québécois, autant par les banques et les fonds de solidarité que les programmes mis sur pied par le gouvernement québécois lui-même?

Ce sont des questions qui peuvent se poser par rapport à ce projet de loi C-91. Il n'y a pas de besoin criant pour ce nouveau mandat à la Banque fédérale de développement. Il n'y a pas de mandat criant, alors que son mandat actuel fonctionne très bien. On peut se demander si ce projet de loi, au-delà de sa visée économique, a une visée profondément politique. Dans la fond, c'est la raison pour laquelle je m'oppose personnellement à ce projet de loi. C'est que, dans le fond, ce projet de loi a une visée strictement politique. Et venant du Québec, venant du comté de Québec-Est, je me rends compte que la Banque fédérale de développement, cette nouvelle banque, ne serait pas utile pour nous. Il vaut mieux la garder telle qu'elle existe actuellement.

(1255)

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, nous cherchons à déterminer si le projet de loi C-91 doit être renvoyé au comité avant la deuxième lecture. À bien des égards, cette mesure paraît positive, puisqu'elle ouvre le débat et nous permet d'aborder des questions qui ne seraient pas soulevées autrement, à cause des conventions respectées à la Chambre des communes. J'espère qu'il en sera ainsi et qu'on ne profitera pas de l'occasion pour limiter le nombre d'amendements proposés ou encore les discussions qui auraient pu se dérouler à la Chambre.

J'ai quelques réserves au sujet du projet de loi C-91 que nous devrions examiner avant de renvoyer la mesure législative au comité. À mon avis, changer le nom de cette banque ne rime à rien. Il faudra engager des frais pour imprimer le nouveau papier à en-tête, remplacer les affiches et ainsi de suite. Quel effet ce changement de nom aura-t-il sur l'objet, le mandat et les activités de la banque? Aucun, d'après moi.

Le projet de loi tend à créer une société d'État dont le capital est constitué à partir d'un certain nombre d'instruments. Il y a des actions ordinaires d'une valeur nominale de 100 $ chacune. Les actions privilégiées sont en nombre illimité, tout comme les actions ordinaires. Les acheteurs peuvent détenir des actions sans valeur nominale. Des instruments hybrides de capital constitueront les capitaux propres de la banque. On mentionne que des crédits seront affectés au capital de la banque par le Parlement, sans pour autant en préciser la somme exacte. On parle également de bénéfices non répartis et d'un surplus d'apport ne pouvant dépasser 1,5 milliard de dollars.

Le projet de loi renferme d'autres dispositions que je tiens à mentionner à la Chambre, notamment les articles 21 et 22, et surtout l'alinéa 22 e). L'article 22 prévoit les pouvoirs subsidiaires, mais l'alinéa 22 e) est particulièrement intéressant. La banque peut acquérir, détenir, échanger, louer, vendre ou céder de quelque autre façon des droits sur des biens meubles ou immeu-


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bles et garder et utiliser le produit de la cession. Une disposition de ce genre soulève des questions très intéressantes. Combien de biens immobiliers la nouvelle Banque de développement du Canada sera-t-elle disposée à acquérir? Va-t-elle dévier de la tradition et cesser de louer des biens immobiliers pour y mener ses activités ou va-t-elle créer une série de filiales dans tout le pays?

D'autres articles du projet de loi accordent aussi au conseil, au ministre des Finances et au Cabinet des pouvoirs qui appartiennent de droit au Parlement canadien.

L'article 27 accorde des pouvoirs très précis au conseil, et je cite:

Avec l'agrément du gouverneur en conseil, donnés sur recommandation du ministre des Finances, le conseil peut, par règlement administratif:
a) énoncer les droits, privilèges, restrictions et conditions se rattachant aux actions privilégiées, créer une ou plusieurs catégories supplémentaires d'actions privilégiées et, de façon générale, déterminer les droits et obligations des porteurs d'actions privilégiées, notamment en:
(i) restreignant le droit des actionnaires à des dividendes ou remboursements précis, qu'ils soient fixes ou variables,

(ii) autorisant l'achat ou le rachat des actions par la Banque, soit au gré de celle-ci, soit à la demande de l'actionnaire en cause,

(iii) restreignant ou élargissant les droits des actionnaires de quelque autre façon;

Telle est la deuxième catégorie d'actions constituant le capital de cette banque qui donne vraiment au conseil le pouvoir de déterminer comment la banque sera structurée. Un pouvoir de ce genre ne devrait pas être accordé à un Cabinet. Il devrait être réservé au seul Parlement parce que, grâce à cette disposition, cette banque peut, par l'intermédiaire du ministre des Finances et du Cabinet, endetter les contribuables canadiens pour 18 milliards de dollars. C'est un fait.

Quel est l'actionnaire dont il est question à l'article 27? Il s'agit du gouvernement fédéral. C'est au gouvernement fédéral qu'on dira désormais qu'il a ou non le droit de posséder ces actions privilégiées, qu'il peut ou non toucher des dividendes, et quels dividendes au juste. C'est ça qui fait problème.

(1300)

Le projet de loi renferme d'autres dispositions auxquelles nous devrions nous intéresser directement et sérieusement. Je pense, en particulier, aux paragraphes 18(4) et 18(6).

Le paragraphe 18(4) prévoit que la banque peut conclure tout genre d'opération pour assurer sa gestion financière, y compris tout instrument financier ou toute entente destinés à la gestion des risques financiers, tels une entente en matière de taux d'intérêt ou d'échange de devises, une option ou un contrat à terme normalisé.

Autrement dit, il s'agit de produits dérivés, qui permettent au personnel de la banque de spéculer sur des contrats à terme et des options avec ce qui devrait être considéré comme sacré, l'argent des contribuables. Compte tenu de la nature du marché des contrats à terme et du marché des options, il s'ensuit que la banque spécule avec les deniers publics ou qu'elle peut le faire.

Nul doute qu'on dira que ces produits ne servent qu'à réduire les risques inhérents aux fluctuations des taux d'intérêt et des devises. Si le projet de loi prévoyait des limites, la question pourrait être moins préoccupante. Mais comme il n'y a pas de limites, rien n'empêche le gestionnaire, le président ou la personne responsable d'entrer directement sur le marché. Cela devrait nous préoccuper tous. Pensons seulement à ce qui est arrivé à la Banque Barings.

Le projet de loi comporte d'autres dispositions qui devraient nous préoccuper beaucoup. À l'article 21, il est question du ministre compétent. Qui est le ministre compétent? À l'heure actuelle, c'est le ministre de l'Industrie. Il est possible que le Cabinet désigne un autre ministre. Par exemple, le Bureau fédéral de développement régional pour le Québec est un des organismes de développement régional. Le ministre de l'Industrie a dit ce matin qu'un des objectifs du nouveau mandat était d'englober le développement régional et des programmes semblables.

Ne serait-il pas intéressant que, pour certaines choses, le ministre du Développement des ressources humaines soit le ministre compétent chargé de la banque, que, dans d'autres cas, ce soit le ministre responsable du Bureau fédéral de développement régional ou le ministre de l'Industrie, et ainsi de suite? Rien dans le projet de loi ne prévient ce genre de choses.

La question évidente qu'on doit se poser, c'est qu'est-ce que cette banque peut faire de plus que les autres? Ou encore, qu'est-ce que les autres banques peuvent faire de plus que cette banque? S'il n'y a pas de différences notables, pourquoi donc faisons-nous tout cela?

Certains arguments précis méritent également qu'on s'y arrête. La banque serait, paraît-il, complémentaire des institutions financières en place, tout particulièrement des banques. Cependant, le mot «complémentaire» n'est pas défini. Dans le projet de loi, la seule référence à la complémentarité dans la loi actuelle est l'article où il est dit que la banque doit être la banque de dernier recours. En d'autres mots, la personne qui demande un prêt doit s'être d'abord vu refuser un prêt par une autre institution.

Est-ce que la complémentarité signifie que la banque consentira des prêts devant servir de capital de fonctionnement? Est-ce que cela signifie que la banque acceptera des dépôts? Que fera la Banque de développement du Canada que d'autres banques ne font pas? Selon moi, elle ne fera rien de moins et rien de plus que les institutions commerciales qui existent déjà et nous n'en avons pas besoin.

Je voudrais poser deux autres questions. Tout d'abord, est-ce que la banque pourra étendre son réseau de bureaux? Deuxièmement, ce qui est plus important, pourquoi y a-t-il des instru-


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ments hybrides de capital? Cela n'est pas défini dans la loi. Ce n'est pas défini clairement. Lorsqu'on a demandé à certains fonctionnaires ce que cela signifiait, ils ont été incapables de répondre et encore moins d'expliquer pourquoi ces instruments étaient différents de tout le reste de la structure de capital prévue dans les autres articles du projet de loi.

(1305)

On dit aussi que les actions ordinaires, les actions privilégiées et les instruments hybrides de capital ne sont pas donnés au gouvernement, mais peuvent être donnés à des particuliers ou à des personnes autres que le gouvernement. Qu'est-ce que cela signifie?

Nous devons répondre à ces questions avant de pouvoir sérieusement soumettre le projet de loi à la Chambre.

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais apporter ma contribution au débat sur le renvoi du projet de loi C-91 à un comité avant la deuxième lecture.

Avant tout cependant, je voudrais revenir sur un ou deux points qu'a soulevés le député d'Edmonton, qui, au début de son intervention, s'est interrogé sur la nécessité d'avoir une banque comme la Banque fédérale de développement, alors qu'il existe déjà des banques pour servir la communauté.

La question qu'il se pose est juste et je veux y répondre. L'existence même de cette banque montre que le système bancaire actuel ne satisfait pas aux besoins des petites et moyennes entreprises. Sinon, nous n'aurions pas besoin de cette banque. Les banques actuelles ne satisfont pas aux besoins financiers en matière de ligne de crédit ou autre.

En tant que petit entrepreneur, je sais-et le député qui était lui aussi un petit entrepreneur le sait également-que beaucoup de bonnes idées ne voient jamais le jour souvent faute de financement, faute de fonds ou de l'aide financière de la communauté. Par exemple, les petites entreprises commencent avec une ou deux personnes, puis elles s'étendent à 100, voire 200 employés. En tant que gouvernement, nous devons toujours voir le long terme. Nous devons veiller à avoir l'infrastructure financière nécessaire pour donner aux petites entreprises la possibilité de prendre de l'expansion et de créer des débouchés, de créer des emplois.

Comme le député le sait, actuellement, ce sont les petites entreprises qui créent des emplois. Nous voulons nous assurer que l'infrastructure est en place pour leur permettre de continuer à le faire. Le député sait que souvent, de bonnes idées ne voient pas le jour au Canada faute de financement.

Nous pouvons adopter la politique de l'autruche et dire: «Tout va bien. Tout est parfait. Les gens d'affaires pourront obtenir le financement nécessaire, que leur entreprise soit petite ou moyenne. Ils obtiendront l'argent lorsqu'ils en auront besoin pour financer une très bonne idée qui a de l'avenir», mais cela ne correspond pas à la réalité.

La réalité, c'est qu'un organisme comme la Banque fédérale de développement doit veiller à ce que les idées qui ont de l'avenir et qui offrent de grandes possibilités soient mises en application. Le gouvernement comprend tout ce que de telles idées offrent non seulement à court terme, mais aussi à long terme sur le plan de la création d'emplois et d'une économie forte, dynamique et vibrante. Voilà ce que nous devons faire en notre qualité de gouvernement.

Nous ne pouvons pas faire l'autruche et dire: «Tout va bien. Laissons faire les grandes banques et les institutions financières. Elles s'occuperont de la petite entreprise. Elles assureront le financement. Elles financeront les nouvelles idées dans le contexte des nouvelles économies.» Cela ne correspond pas à la réalité.

L'innovation a toujours été la marque de commerce de la Banque fédérale de développement. Le secret de la réussite de la banque a été la coopération étroite entre celle-ci et les entrepreneurs de tous les coins du pays. La banque est toujours demeurée à la fine pointe de l'évolution rapide des marchés et des principales tendances comme l'utilisation de la technologie de l'information. Elle a toujours cherché à offrir de nouveaux services adaptés aux besoins de plus en plus nombreux et complexes des entrepreneurs.

Par exemple, il y a un an, la BFD a mis en oeuvre un programme de financement de 50 millions de dollars, le fonds de roulement pour la croissance. Le député sait bien que l'un des problèmes des petites entreprises, c'est qu'elles ont du mal à assurer leur fonds de roulement, qui est pourtant essentiel à leur réussite et à leur croissance.

Les députés se souviendront que, l'année dernière, l'économie a connu un début de reprise. Après plusieurs années de récession, de nombreuses entreprises n'avaient pas les fonds nécessaires pour profiter des nouvelles occasions. Leur marge brute d'autofinancement ne leur permettait pas de financer les possibilités qui s'offraient à elles.

La BFD utilise son fonds de roulement pour des prêts d'expansion qui s'ajoutent au financement fourni par les institutions de prêts ordinaires, celles qui, selon le député, devraient être capables de fournir cet argent, mais n'accordent pas des marges de crédit suffisantes pour permettre l'expansion d'une société.

De plus, les conseillers de la BFD travaillent avec les propriétaires d'entreprises pour faire en sorte que leur plan d'expansion soit bien administré. Le montant maximal accordé en vertu de ce programme est de 100 000 $ et les calendriers de remboursement sont souples et adaptés aux besoins individuels.

(1310)

Un autre exemple d'innovation de la part de la BFD est le projet pilote appelé «capital patient». C'est un capital qui est accordé dans les situations où le rendement n'est pas immédiat, lorsqu'il risque de prendre non pas une année ou deux, mais beaucoup plus de temps. On répond ainsi aux besoins des compagnies qui n'ont pas nécessairement les ressources financières nécessaires pour le service de leur dette pendant les étapes de développement. C'est un problème en particulier pour les nouvelles sociétés dans le secteur de l'économie basé sur la connaissance, car ces sociétés n'ont souvent pas d'actifs tangibles à donner en garantie.

Dans ce secteur, il y a des barrières incroyables au financement parce que la valeur des entreprises est difficile à estimer. Il est très difficile pour beaucoup de gérants de banque de considé-


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rer autre chose que des actifs fixes et tangibles et ils sont incapables d'estimer les actifs basés sur la connaissance, le génie, la conception et tout ce qui concerne les logiciels. Il est très difficile d'en saisir la valeur et d'en assurer le financement. Ce ne sont pas des biens tangibles, d'où la difficulté de financer tout cela.

La Banque fédérale de développement offre des types de financement sous forme de quasi-capital dit «patient», ce qui permet aux entreprises de se procurer les capitaux dont elles ont besoin et d'échelonner ensuite les remboursements. C'est ainsi que le remboursement de ce genre de capital peut être reporté jusqu'à trois ans, c'est-à-dire le temps qu'une entreprise ait généré assez de revenus et qu'une redevance sur les ventes puisse être fixée.

En collaboration avec la Banque Royale et la Société Innovation Ontario, la Banque fédérale de développement a lancé ce programme de capitaux dits «patients» à Kitchener-Waterloo. Nous espérons que l'initiative sera couronnée de succès de façon que la BFD puisse étendre ce service à tout le pays. La banque contribuera ainsi à surmonter l'obstacle que constitue le manque de flexibilité, un des quatre facteurs qui empêchent les petites entreprises d'obtenir le financement dont elles ont besoin.

Par manque de flexibilité, on entend l'ensemble des problèmes auxquels les petites entreprises sont confrontées lorsque des établissements prêteurs ordinaires exigent une suite de paiements pour la durée du prêt. Cela peut se révéler impraticable dans le cas, par exemple, d'entreprises viables, mais dont la phase de développement n'a pas encore permis de générer une marge brute d'autofinancement suffisante.

La BFD a déjà apporté des solutions novatrices en offrant des types de financement en quasi-capital sous forme de prêts à long terme à rembourser selon des modalités adaptées aux besoins. C'est précisément ce dont les petites entreprises du Canada ont besoin pour obtenir des capitaux et c'est ainsi que la BFD consent des prêts.

Les quatre autres obstacles dont le ministre a parlé ont également été pris en compte par la BFD. Le ministre a mentionné le facteur risque. Les institutions financières ordinaires, auxquelles le député voudrait tout ramener, n'aiment pas fixer un taux d'intérêt compensatoire sur les prêts à court terme et à grand risque. Elles ont tendance à s'en tenir à des plafonds de taux à exiger.

Cela représente des avantages pour les entreprises qui peuvent garantir le financement. Elles paieront rarement plus que le taux préférentiel auquel on ajoute 2 p. 100. Toutefois, bien des entreprises sont prêtes à payer bien davantage pour tenir compte du risque accru que prend l'institution prêteuse.

La troisième lacune structurelle du financement ordinaire dont a parlé le ministre concerne la taille. Je suis persuadé que bon nombre de députés qui ont déjà été en affaires savent de quoi il s'agit. Cela a trait aux frais généraux qu'un prêteur doit engager pour gérer tout prêt, grand ou petit. En effet, les frais administratifs liés à un prêt sont les mêmes aux yeux d'un prêteur, qu'il s'agisse d'une somme de 50 000 $ ou de cinq millions de dollars. Compte tenu des bénéfices que l'établissement prêteur peut réaliser dans les deux cas, il ne fait pas de doute qu'on sera porté à s'occuper d'abord des gros clients.

Or, on peut citer des centaines de cas de petites entreprises canadiennes qui ont fini par devenir de gros clients. Le prêt de 50 000 $ d'aujourd'hui peut se transformer demain en prêt de cinq millions de dollars. La BFD a été créée précisément pour répondre aux besoins des petits clients.

Le quatrième obstacle dont le ministre a parlé à propos des institutions de prêts concerne les connaissances. Cet obstacle est étroitement lié aux autres mais porte plus particulièrement sur ce que le prêteur comprend à la nature de la nouvelle économie.

Dans quelle mesure le prêteur tient-il compte des éléments d'actif qui quittent l'immeuble chaque soir? Je parle ici des ressources humaines, de l'ingéniosité, de la créativité des ingénieurs, de la vision des équipes de conception, des compétences fondamentales des propriétaires en matière de gestion d'entreprise. Dans l'économie basée sur la connaissance, ce sont peut-être les éléments d'actif les plus précieux.

(1315)

Comment les prêteurs peuvent-ils évaluer la viabilité des nouveaux types d'entreprises? Sur quels critères se basent-ils pour comparer la performance économique des jeunes compagnies dans le tout nouveau secteur des technologies environnementales? Par exemple, comment peuvent-ils mesurer les avantages et les risques potentiels d'un nouveau logiciel?

Les industries qui voient le jour dans la nouvelle économie ont du mal à obtenir un financement adéquat parce qu'elles sont basées sur la connaissance et ne possèdent pas nécessairement des éléments d'actif sur lesquels tabler, si les choses tournent mal.

L'équipe de la BFD s'est donné pour tâche de comprendre les besoins de la nouvelle économie. Ses clients ont changé à mesure que changeait la base industrielle du Canada. C'est justement à cause des obstacles qui existent actuellement que nous avons besoin de la BFD. C'est pourquoi j'appuie ce projet de loi, pour donner à nos petites et à nos moyennes entreprises l'infrastructure nécessaire pour répondre à leurs besoins financiers et créer plus d'emplois pour les Canadiens ainsi que plus de débouchés.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, mes collègues ont bien expliqué avant moi la teneur du projet de loi C-91. Je me contenterai donc de résumer brièvement qu'il vise principalement à transformer la Banque fédérale de développement, communément appelée la BFD, pour qu'elle devienne la Banque de développement du Canada.

Pour mettre sur pied cette nouvelle instance, le gouvernement ne modifie pas la Loi sur la BFD; il introduit carrément une nouvelle loi, c'est-à-dire le projet de loi C-91.

J'aborderai trois aspects de ce projet de loi. Le mandat de la BFD, tel qu'on le connaît actuellement, sera élargi. La BFD transformée ne sera donc plus seulement une institution financière chargée du financement de dernier recours. Il sera à présent possible pour la nouvelle Banque de développement du Canada


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d'offrir du financement complémentaire aux autres institutions financières.

Comme deuxième point, la Banque de développement du Canada pourra plus facilement conclure des accords avec des partenaires privés et publics, au niveau provincial ou fédéral, pour mettre en place des consortiums de prêts.

Troisièmement, la banque aura aussi des instruments financiers, par exemple des actions, qui lui permettront d'augmenter son capital sans avoir à recourir à des fonds gouvernementaux.

Je me concentrerai donc sur l'aspect des conséquences désastreuses de cette modification sur le développement régional. Il semble malheureusement que par le truchement du développement régional le projet de loi C-91 est la nouvelle trouvaille du gouvernement fédéral pour s'immiscer une fois de plus dans les affaires des provinces.

Comme de nombreux autres domaines, il n'est pas clairement tranché si le développement régional relève des provinces ou du gouvernement fédéral. Certaines provinces, comme le Québec, revendiquent depuis belle lurette la pleine compétence dans ce secteur. Comme on peut s'en douter, le fédéral a toujours refusé de reconnaître le développement régional comme étant une compétence strictement provinciale.

À chaque négociation constitutionnelle, cette revendication a été balayée du revers de la main. Le gouvernement fédéral s'était toutefois engagé auprès du gouvernement du Québec à limiter ses interventions en régions par des ententes cadres Québec-Canada.

(1320)

L'Entente de développement économique et régional touchant le Québec est arrivée à échéance en décembre 1994. Le fédéral a refusé de la renouveler. De façon à être encore plus visible en région, les articles 20 et 21 du projet de loi permettront à la Banque de développement du Canada de signer directement des accords avec les autres ministères fédéraux, avec des organismes régionaux comme les CRD, éventuellement les corporations de développement économique, et même avec des individus.

Si la Banque peut faire affaire directement avec les intervenants locaux, elle peut nuire aux plans stratégiques provinciaux en encourageant, par exemple, les CRD à modeler leurs priorités en fonction d'Ottawa pour obtenir de l'argent. On néglige donc les efforts de concertation des gouvernements provinciaux et des gens du milieu. Le fédéral arrive, encore une fois, avec ses gros sabots: «Faites de la place, moi j'arrive dans votre milieu avec mon pouvoir de dépenser.»

Je vous rappelle qu'avec ce fichu pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral dépasse, à l'heure où je vous parle, les 550 milliards de dettes. Je vous rappelle également que ces 550 milliards de dollars de dettes ont été contractées principalement, pour ne pas dire presque en totalité, dans les 25 dernières années, et regardez qui a dirigé ce pays durant les 25 dernières années, sauf pour neuf années. On a reconnu qu'il s'agissait de gouvernements originant du Parti libéral du Canada. C'est ce que ça donne, le pouvoir de dépenser. On se mêle de tout et on dépense souvent à mauvais escient. Regardez seulement les faits. Ici, une peccadille de changement de nom va coûter des dizaines et des dizaines de millions de dollars aux contribuables canadiens.

M. Nunez: C'est une honte!

M. Chrétien (Frontenac): C'est une honte, effectivement. Ce qui est encore plus dommage, c'est que le fédéral va, encore une fois, servir la médecine du mur à mur à toutes les régions du Canada. Des fonctionnaires bien intentionnés vont décider, à partir d'Ottawa, ce qui est bon pour les régions et d'autres fonctionnaires pleins de bonne volonté vont appliquer ces décisions qu'Ottawa aura dictées.

On parle de la décentralisation comme de la voie de l'avenir et le projet de loi C-91 démontre une volonté du fédéral de faire fi de la régionalisation. Le gouvernement du Québec, par exemple, travaille à décentraliser les pouvoirs et à donner l'argent nécessaire pour que les régions puissent exercer ces pouvoirs. Le projet de loi C-91 va aveuglément dans la direction opposée. En ces temps de coupures, l'argent se fait de plus en plus rare. Le fédéral, avec le projet de loi C-91, choisit une solution moins rentable, parce qu'elle lui permet une meilleure visibilité. C'est triste pour les contribuables.

Le fédéral préfère se désengager financièrement des programmes sociaux et utiliser les impôts des contribuables pour chevaucher inutilement les structures québécoises qui interviennent auprès des PME. Ces choix politiques ne sont pas faits dans l'intérêt des régions, ils sont faits plutôt pour servir l'intérêt du gouvernement fédéral. Je m'opposerai donc au projet de loi C-91, par souci de respect pour le travail effectué par le gouvernement du Québec et les intervenants régionaux et par respect également pour les choix qu'ils ont faits. Utiliser tous les moyens pour augmenter sa popularité auprès de la population n'est, à mon sens, aucunement justifiable.

(1325)

À titre d'exemple, je pourrais rappeler les chevauchements qui coûtent énormément cher aux contribuables qui sont toujours les mêmes à se faire presser par le tordeur. On paie nos impôts municipaux, scolaires, provinciaux et fédéraux. Prenez comme exemple la formation de la main-d'oeuvre. La formation de la main-d'oeuvre devrait être de juridiction provinciale. Pourtant, le gouvernement fédéral, uniquement au Québec, par ce chevauchement, dépense 265 millions de dollars totalement inutilement en frais d'administration. On se pile littéralement sur les pieds.

Je veux bien que le fédéral s'immisce, qu'il fasse le jars avec son fameux pouvoir de dépenser, mais qu'il ait au moins la décence de payer ses dettes. Il a fallu, en cette Chambre, faire une lutte acharnée avec ce gouvernement pour qu'il paie sa part du référendum de 1992, engagement que le premier ministre précédent avait d'ailleurs pris et que le premier ministre actuel voulait renier.

La crise autochtone au Québec a coûté des centaines de millions de dollars, on est encore en train de négocier la part du fédéral. Donc, monsieur le Président, soyez assuré que le Bloc


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québécois s'opposera à ce projet de loi que nous jugeons totalement inutile.

[Traduction]

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, les observations du député de Vancouver-Sud en réponse au discours que mon collègue d'Edmonton-Sud-Ouest a prononcé m'ont beaucoup intéressé. Il a déclaré que les libéraux avaient le sentiment que nous devions avoir au Canada l'infrastructure financière voulue pour créer une économie forte, vivante et dynamique. C'est exactement le problème auquel le Canada est confronté à l'heure actuelle. Les libéraux ont la même position depuis 25 ans. Ils pensent que si le gouvernement n'agit pas en ce sens, personne ne le fera probablement.

Les libéraux ne cessent de présenter des projets de loi comme celui-ci grâce auquel on va s'ingérer encore davantage dans les affaires des citoyens ordinaires de façon insidieuse.

Je voudrais aborder cette question du point de vue du simple bon sens. Je trouve que les discours prononcés à la Chambre n'ont pas le bon sens qui marque les discussions que les gens ont dans les cafés-restaurants, dans leur salon ou autour de la table de cuisine. On utilise très rarement l'anglais ou le français ordinaire que parlent les gens. Il semble que nous finissions toujours par avoir des discours dans lesquels on se sert de mots extrêmement relevés pour décrire une impasse, dans bien des cas.

Je tiens à dire à mon collègue de Vancouver-Sud que lorsque les libéraux utiliseront cette loi, ainsi que d'autres lois, pour établir une infrastructure financière destinée à créer une économie forte, vivante et dynamique, ils feraient bien de voir ce qu'est le capital et d'où il vient.

Pour les libéraux et pour beaucoup de gens qui pensent de la même façon, la fiscalité sert à recueillir des capitaux qu'on pourra redistribuer en fonction des priorités établies par ceux qui sont censés détenir le savoir en la matière.

À l'instar de beaucoup de gens dans ma circonscription, je crois qu'en fait, les grandes banques laissent tomber les petites entreprises. Je pense qu'elles ont peut-être de bonnes intentions, et chose certaine, elles font énormément de publicité et jettent beaucoup de poudre aux yeux, mais le principal problème, c'est l'absence d'une concurrence réelle dans le secteur bancaire, à l'heure actuelle. Je suggère de faire en sorte que la loi crée une véritable concurrence entre les banques afin de constituer une mise en commun des capitaux, ce que ne fait pas le projet de loi C-91.

(1330)

On sait que les banques veulent pouvoir offrir des services bancaires non traditionnels. Elles pratiquent déjà le courtage et elles cherchent maintenant à intégrer le marché des assurances. Les banques sont conscientes du fait que, même si des sommes incalculables passent quotidiennement dans leurs coffres, elles ne peuvent en extraire qu'un pourcentage négligeable. C'est pour cette raison qu'elles s'intéressent aux assurances, au courtage et que sais-je encore.

Le problème, c'est que les banques ne font pas face à une véritable concurrence qui les oblige à conquérir le marché. Je me fonde ici sur le bon sens des gens ordinaires. Si je me promenais sur la rue Baker dans ma localité, à Cranbrook ou encore à Invermere, Fernie, Creston, Golden ou dans une autre localité de ma communauté et que je demandais aux entrepreneurs locaux de me dire quel est le problème le plus sérieux qu'ils éprouvent, ils me répondraient presque invariablement que c'est l'accès à un fonds de roulement suffisant. Ils éprouvent constamment des problèmes de financement.

Le gouvernement devrait envisager de créer, et cette possibilité pourrait être examinée par le comité lorsqu'il étudiera le projet de loi C-91, un fonds commun d'investissement indépendant constitué de dollars réels et non pas de l'argent arraché aux entreprises et aux particuliers par voie de ponction fiscale ou de l'argent que le harcèlement réglementaire fait perdre aux entreprises, mais de dollars réels que les gens verseraient dans un fonds d'investissement.

Voyons les raisons qui font que les entreprises ont de la difficulté à maintenir un capital de base. Ces entreprises paient des taxes scolaires et municipales. Elles doivent souvent payer des taxes pour l'eau, les égouts, la cueillette des ordures et les impôts provinciaux. Dans ma propre province, la Colombie-Britannique, ceux qui ont l'audace d'avoir trop d'argent, et il peut s'agir d'argent qu'ils ont emprunté et réinvesti dans l'équipement de leur entreprise, doivent payer de l'impôt sur les fonds investis dans des activités qui créent des profits. Puis il y a l'impôt fédéral sur le revenu.

Il y a le coût de l'observation de la TPS, dont nous pourrions bien sûr parler brièvement en tant que question connexe. Ce gouvernement, qui a été porté au pouvoir pour avoir dit aux Canadiens qu'il allait abolir la TPS, n'a encore rien fait. Il y a donc le coût de l'observation de la TPS, sans oublier le harcèlement réglementaire. La réglementation municipale, provinciale et fédérale a sa raison d'être, mais l'application des règlements devient bien souvent une forme de harcèlement pour les entreprises.

Pourquoi beaucoup d'entreprises ont-elles de la difficulté à conserver leurs fonds? Jetons un coup d'oeil à la liste. Leur argent sert à payer les taxes scolaires, l'impôt foncier, la taxe d'eau, les égouts, la collecte des ordures, l'impôt provincial, l'impôt fédéral, le coût de l'observation de la TPS et quoi encore. Les petites entreprises peuvent bien avoir de la difficulté à conserver leur capital. Tous les gouvernements exercent leur ponction fiscale pour avoir plus d'argent, plutôt que d'aller au plus simple en réduisant les dépenses.

Ce projet de loi sera renvoyé à un comité. C'est très bien qu'il ait été présenté à la Chambre et, en vertu de l'entente conclue entre le gouvernement et les partis d'opposition, il sera maintenant soumis à un comité. Mes très compétents collègues du Parti


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réformiste auront la chance de faire comprendre le bon sens au comité, afin qu'il agisse et prenne les moyens de faire de ce projet de loi quelque chose d'intéressant car, franchement, je trouve que cette mesure est un peu discutable dans l'état actuel des choses. Ils réussiront à condition que le Comité de l'industrie ne recommence pas le manège employé par le Comité du développement des ressources humaines. Nous pouvons appliquer un processus ouvert, constructif et productif. J'encourage tous les députés qui siégeront à ce comité à faire en sorte que le processus se déroule de cette manière.

(1335)

Je le répète, les libéraux croient que si le projet de loi en vaut la peine, le gouvernement se doit de l'adopter. Le Parti réformiste croit que le gouvernement doit cesser de s'imposer dans la vie des Canadiens et des gens d'affaires. Il doit cesser de s'en prendre à leur portefeuille et les laisser faire ce qu'ils font le mieux, c'est-à-dire faire des bénéfices, les réinvestir et assurer la bonne marche de l'économie canadienne.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi C-91 visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada, déposé le 15 mai dernier par le ministre de l'Industrie. Selon ses auteurs, ce projet a pour objet de rationaliser et de moderniser la banque, en plus de changer son nom.

Comme on le sait, le rôle de la Banque fédérale de développement est de promouvoir et d'aider les entreprises qui sont soit à l'étape de démarrage ou à tout autre stade de développement. Elle a été fondée en 1944 sous le nom de Banque de développement industriel. En 1974, elle a été constituée sous son nom actuel comme société d'État en vertu d'une loi adoptée par le Parlement.

La Banque fédérale de développement offre trois types de services aux entreprises: le service financier, le service de financement par capital de risque et des services de gestion-conseils, soit consultation, planification ou information.

Ce projet de loi élargit le mandat de la Banque, de sorte qu'elle ne sera plus seulement une institution financière chargée du financement de dernier recours, mais elle sera dorénavant autorisée à offrir du financement complémentaire aux autres institutions financières. Elle pourra également constituer des filiales.

De plus, l'article 21 du projet de loi permet au ministre de l'Industrie d'utiliser la Banque pour soutenir l'esprit d'entreprise au Canada. L'article 20 accorde une grande latitude à la Banque pour négocier des ententes avec d'autres ministères fédéraux ainsi que des organismes provinciaux et locaux pour réaliser son mandat spécifique et tout autre mandat que pourrait lui confier le ministre en vertu de l'article 21.

Ma première critique a trait au fait que je ne vois aucune justification pour changer son nom. C'est seulement du gaspillage.

Cependant, la critique majeure que j'adresse à ce projet de loi est sans doute l'ingérence additionnelle du gouvernement fédéral dans le développement régional à travers le Canada. Au Québec seulement, cette intervention s'effectue à travers le Bureau fédéral de développement régional au Québec qui devient le bras livreur de tous les programmes fédéraux. Ce bureau a pour mandat d'accroître la concertation entre les intervenants fédéraux au Québec. Ce bureau a déjà entrepris des démarches auprès de ces structures québécoises de concertation et prétend même obtenir un siège à la table de concertation de Montréal.

Le projet de loi C-91 constitue donc une autre offensive centralisatrice du gouvernement fédéral qui provoque des dédoublements coûteux et inutiles.

(1340)

Il évacue complètement le rôle des gouvernements provinciaux en matière d'aide à la PME. Cette attitude est contraire aux affirmations du gouvernement libéral qui prétend vouloir abolir les chevauchements et les dédoublements avec les provinces.

L'article 20 du projet de loi permet à la BFD de conclure des accords directement avec des personnes ou des organismes. Cela signifie qu'elle pourra signer des accords, entre autres, avec les conseils régionaux de développement.

Or, au Québec, la Loi sur le ministère du conseil exécutif du Québec interdit aux organismes qui relèvent d'une loi provinciale de conclure des accords avec le gouvernement fédéral sans autorisation du ministre. Encore une fois, le gouvernement fédéral fait fi de l'existence et des responsabilités du gouvernement du Québec en se donnant le pouvoir d'agir sans concertation avec les provinces.

En matière de développement régional, l'offensive centralisatrice du gouvernement Chrétien va directement à l'encontre de la politique québécoise de régionalisation. Le fédéral a toujours refusé de reconnaître le développement régional comme étant de compétence strictement provinciale. Chacune des négociations constitutionnelles a fait fi de cette revendication. Il s'était néanmoins engagé auprès du gouvernement du Québec à limiter ses interventions en région par des ententes cadres Canada-Québec. Toutefois, l'entente de développement économique et régional est arrivée à échéance en décembre 1994 et le gouvernement fédéral a refusé de la renouveler.

L'intervention fédérale en matière de développement régional devient éparse, sans concertation avec le gouvernement du Québec, concurrence les programmes québécois tout en essayant d'augmenter la visibilité du gouvernement fédéral en région et utilise le bureau fédéral du développement régional pour fixer les normes canadiennes des différents ministères.


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Ce qui me choque énormément, c'est que le gouvernement fédéral se désengage financièrement des programmes sociaux et utilise les impôts des contribuables pour chevaucher inutilement les structures québécoises qui interviennent auprès des PME. Par contre, il refuse d'accéder à la demande du Québec, des organisations syndicales et patronales et de l'ensemble des acteurs économiques et sociaux de se retirer de la formation de la main-d'oeuvre.

Dans mon comté de Bourassa qui se caractérise par une multitude de très petites entreprises, la Banque fédérale de développement s'est impliquée dans plusieurs projets qui ont créé ou maintenu des emplois. Cependant, certains entrepreneurs me disent que cette institution prend trop de temps pour examiner et répondre à leurs demandes, ou qu'elle exige trop de garanties.

Il faudrait aussi qu'elle donne davantage de services conseils et en particulier qu'elle offre plus de service de consultation et de formation aux étudiants qui désirent exploiter une petite entreprise pendant l'été. Le gouvernement lui accorde déjà des subventions assez importantes pour remplir cette partie de son mandat. J'espère que la BFD sera toujours différente des autres institutions financières en ne cherchant pas à maximiser ses profits mais seulement à recouvrir ses coûts.

Le Bloc québécois veut que la BFD n'entre pas en compétition avec d'autres outils de développement que se sont donnés les Québécois tels que le Fonds de solidarité de la FTQ et les caisses populaires, et ait suffisamment de moyens pour appuyer les entreprises québécoises.

Je profite de cette occasion pour souligner le travail remarquable accompli par le Fonds de solidarité de la FTQ au cours de ses dix années d'existence. J'ai participé à la dernière assemblée annuelle où on a célébré également le 10e anniversaire de sa création. Le Fonds de solidarité a investi et aidé des centaines d'entreprises et créé ou sauvé plus de 25 000 emplois au Québec. Je rends hommage à ses dirigeants, Louis Laberge, Fernand Daoust, Claude Blanchet. Je ne voudrais pas que la Banque fédérale de développement vienne doubler le travail exceptionnel déjà accompli par le Fonds de solidarité.

L'effet que pourrait avoir le projet de loi C-91 est fort inquiétant quant au maintien du rôle de la Banque comme instrument de développement économique.

(1345)

Tout d'abord, la Banque n'est plus confinée dans son rôle de prêteur de dernier recours et pourra offrir du financement complémentaire. Le danger, c'est que la Banque oriente davantage son activité vers le financement complémentaire plutôt que le financement de dernier recours.

Il faut que le projet de loi stipule clairement que le rôle premier de la Banque est d'offrir du financement de dernier recours. L'article 21 donne au ministre toute la latitude pour détourner le mandat de la Banque vers des interventions qui n'ont rien à voir avec son activité première. Une telle mesure est inacceptable puisqu'elle pourrait empêcher la Banque de se concentrer dans ce qu'elle fait le mieux, soit le financement de dernier recours.

L'article 36 du projet de loi restreint l'accès aux renseignements sur les clients de la Banque. Cette pratique est courante pour une institution financière. Il serait utile d'y ajouter un paragraphe stipulant que le Parlement pourrait avoir accès à ces renseignements dans le cadre d'une enquête parlementaire.

À l'instar des autres collègues du Bloc québécois qui m'ont précédé, je me prononce contre ce projet de loi.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de parler du projet de loi C-91 et de la motion visant à le renvoyer au comité avant la deuxième lecture.

Je sais que d'autres députés, y compris ceux d'Edmonton-Sud-Ouest, d'Okanagan-Centre et de Kootenay-Est, ont déjà parlé de la teneur du projet de loi qui sera renvoyé au comité et de ce qu'ils espèrent accomplir au sein du comité, ainsi que des points forts et des points faibles de ce projet de loi, qui traite de la Banque fédérale de développement.

Je voudrais examiner la question sous un angle légèrement différent. Cette motion vise à renvoyer le projet de loi au comité avant la deuxième lecture. Comme les députés le savent, cette nouvelle façon de faire vient d'être adoptée au cours de la présente 35e législature. Nous faisons l'essai d'une nouvelle méthode d'adoption des lois à la Chambre.

Le Parti réformiste approuvait le renvoi de projets de loi à des comités avant la deuxième lecture, car les libéraux avaient promis que cette nouvelle façon de procéder donnerait amplement le temps de débattre et de discuter les modifications de fond en comité avant l'approbation en principe des projets de loi au cours du débat en deuxième lecture.

Je voudrais lire ce que dit le Règlement à propos du renvoi de projets de loi à des comités avant la deuxième lecture. Le projet de loi C-91 fait partie de cette catégorie. Le paragraphe 73(1) du Règlement dit ceci:

Immédiatement après la lecture de l'ordre du jour portant deuxième lecture d'un projet de loi d'intérêt public, un ministre de la Couronne peut présenter, après avoir avisé les représentants des partis d'opposition, une motion tendant au renvoi immédiat de ce projet de loi à un comité permanent, spécial ou législatif. L'Orateur soumet sur-le-champ la motion à la Chambre et les délibérations qui s'ensuivent sont soumises aux conditions suivantes:
Dans le cas du projet de loi C-91, ces dispositions ont été respectées. Le ministre a bel et bien demandé que le projet de loi soit renvoyé au comité avant la deuxième lecture et les autres partis ont été consultés.

L'alinéa 73(1)b) du Règlement dit que «la motion ne peut faire l'objet d'amendement».

Selon cette disposition, nous ne pouvons proposer le moindre amendement en débattant la motion aujourd'hui. Si je comprends bien, il en est ainsi parce que nous ne traitons pas de l'idée maîtresse du projet de loi. Nous discutons simplement de la procédure et devons décider s'il convient de renvoyer le projet de


12890

loi au comité avant la deuxième lecture. Le Règlement interdit la présentation d'amendement à cette motion.

Aux termes de l'alinéa 73(1)c), aucun député ne peut parler plus d'une fois, ni pendant plus de 10 minutes. L'alinéa 73(1)d) prévoit qu'après 180 minutes au maximum, c'est-à-dire trois heures, le Président interrompt le débat et met la motion aux voix sans autre débat.

Nous n'en sommes pas au débat en deuxième lecture actuellement. Nous débattons une motion visant le renvoi du projet de loi C-91 au Comité permanent de l'industrie. Ce comité sera chargé d'étudier la mesure, d'entendre des témoins, de proposer des amendements et de débattre énergiquement la valeur du projet de loi C-91, afin de déterminer s'il est bon ou mauvais, s'il faut l'amender considérablement ou s'il est préférable de le rejeter. Je suis certain que le comité se penchera sur ces questions.

(1350)

Par ailleurs, je me demande vraiment s'il faut croire le gouvernement, quand il déclare qu'il invitera le comité à tenir un débat ouvert et exhaustif avant la deuxième lecture. Si nous acceptons cette façon de procéder, nous n'aurons pas de débat en deuxième lecture.

Nous ne pouvons procéder à un débat en profondeur actuellement, puisque nous disposons seulement de 180 minutes. Nous ne pouvons proposer le moindre amendement parce que nous sommes saisis d'une motion, et non du projet de loi. Si nous n'avons pas de débat en deuxième lecture, nous devons absolument garantir que le comité fonctionne bien, qu'il soit prêt à accepter des amendements, qu'il prenne le temps d'étudier le projet de loi et qu'il n'effectue pas son étude à toute vitesse, sans faire une analyse appropriée, sans entendre un nombre suffisant de témoins et sans prendre le temps d'étudier la mesure article par article.

Je ne m'inquiète ni du projet de loi C-91 ni du Comité de l'industrie. Ce qui m'inquiète, c'est ce qui s'est passé au Comité des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées, qui a été chargé d'étudier un projet de loi dans des circonstances semblables. Le député de Kingston et les Îles a déclaré que le comité avait étudié le projet de loi pendant cinq mois. Eh bien, laissez-moi vous dire ce que le comité a fait pendant cinq mois.

Sauf erreur, les membres du comité auraient décidé d'entendre seulement quatre des témoins proposés par le Parti réformiste. Tous les autres témoins avaient été proposés par le gouvernement. Je ne trouve pas ce processus très ouvert. Le Bloc avait peut-être proposé quelques témoins. Je n'en suis pas sûr. La comparution de témoins devant le comité a certes été limitée. Cela ne me paraît certes pas conforme à l'esprit de l'article 73 du Règlement. Cela ne respecte certainement pas l'esprit du livre rouge. La crédibilité de ce document nous paraît vraiment compromise, à en juger par toutes les promesses non tenues dont le nombre s'accroît rapidement. Le gouvernement les abandonne les unes après les autres presque chaque jour.

Le projet de loi a été renvoyé au comité, qui a refusé d'entendre nos témoins. On nous a laissé mijoter longtemps, et puis soudain, nous sommes passés à l'étude de la mesure article par article. Nos députés ont proposé des amendements, certains avant l'étude article par article, et d'autres le jour même où a débuté cette étude. Le président a refusé ces amendements, contrairement à l'article 62 du Règlement, sous prétexte qu'ils avaient été proposés dans une seule langue officielle. J'espère que cela ne se produira pas dans le cas du projet de loi C-91.

Je crois comprendre que le Comité de l'industrie fonctionne un peu mieux que le Comité des droits de la personne. Cette expression a presque l'air d'un oxymoron, quand on songe à ce qui s'est passé au comité l'autre jour.

Le président a pris une décision contraire à l'article 62 du Règlement et a refusé même de songer à mettre en discussion les amendements proposés par mes collègues réformistes. Le comité a commencé par refuser d'accepter les amendements proposés sans préavis, en alléguant qu'il fallait les présenter à l'avance. C'est évidemment contraire aux règles et à l'esprit de la motion que de renvoyer ces projets de loi à un comité avant qu'on les ait approuvés en deuxième lecture.

Il y avait d'autres problèmes. On a soudainement adopté une motion ayant pour effet de limiter à cinq minutes le débat sur chaque article. J'espère que cela ne se produira pas dans le cas du projet de loi C-91, car cela réduit le processus d'étude en comité à une véritable comédie. Ces cinq minutes incluaient la lecture de l'article, dont certains faisaient toute une page, et ce délai était même parfois insuffisant pour en terminer la lecture. L'article une fois lu, les trois partis disposaient de beaucoup moins que cinq minutes pour parler de chaque article. On peut difficilement parler d'un véritable débat. Cela n'est pas conforme à l'esprit de l'article 73 du Règlement. Ce n'est pas pour cela que le Parti réformiste a appuyé les modifications au processus d'étude en comité.

Je suis convaincu que cela ne se produira pas dans le cas du projet de loi C-91. Si cela se reproduit, ça prouvera que le gouvernement n'était pas de bonne foi quand il a proposé les modifications au Règlement, mais qu'il y voyait un moyen d'abréger le débat sur les projets de loi, spécialement sur des mesures litigieuses comme le projet de loi C-64, et d'empêcher la Chambre d'étudier une telle mesure lors d'un débat de deuxième lecture. La question est très grave et c'est pourquoi nous en saisissons la Chambre.

(1355)

En outre, le président de ce comité a refusé d'entendre des rappels au Règlement. Monsieur le Président, je sais que, à la Chambre, vous n'avez jamais refusé de le faire. Le vice-président et les présidents suppléants non plus. Malgré ce que dit le Règlement, le président du Comité des droits de la personne a refusé d'entendre ces rappels. C'est une nouvelle atteinte au Règlement et à la procédure ordinaire que nous suivons à la Chambre.

J'espère donc que, lorsque le projet de loi C-91 sera renvoyé au comité avant la deuxième lecture, le président du comité n'adoptera pas un comportement aussi outrageant. Je suis per-

12891

suadé qu'il n'en sera rien, car je crois savoir que ce comité travaille dans un bien meilleur esprit de collaboration.

Dans cet autre comité, le président, si sa décision sur un rappel au Règlement était contestée, dirait: «Le comité est-il d'accord pour que nous poursuivions? Ma décision est-elle maintenue?» Et les libéraux s'empresseraient d'appuyer la présidence, et le débat n'aurait pas lieu.

Le débat sur la Banque fédérale de développement est important. Peut-être tout aussi important que celui sur l'équité en matière d'emploi, bien que le projet de loi sur cette dernière question soulève certainement les passions davantage. Quoi qu'il en soit, tous les projets de loi sont importants. Si la Chambre en est saisie, nous devons pouvoir compter qu'elle les étudiera sérieusement, que les règles qui doivent s'appliquer à la Chambre et aux comités seront suivies.

J'exhorte le gouvernement libéral à se demander s'il est vraiment disposé à tenir un débat honnête au comité avant l'étape de la deuxième lecture. Si l'on invoque l'article 73 du Règlement pour renvoyer des projets de loi au comité avant le débat à l'étape de la deuxième lecture, j'exhorte le gouvernement à ne plus jamais appliquer des mesures draconiennes pour limiter à cinq minutes ou moins le débat sur un article particulier des projets de loi étudiés. Les choses ne peuvent se passer ainsi, car le processus législatif en perd alors toute sa crédibilité, les députés s'en trouvent avilis, mais, surtout et avant tout, c'est injuste.

Nous accepterons en toute bonne foi que le projet de loi soit renvoyé au comité avant la deuxième lecture. Je m'attends à ce que le débat soit de plus haut niveau que celui qu'a tenu le Comité des droits de la personne. Non seulement je m'y attends, mais j'espère que la Chambre l'exigera. Les députés méritent d'être entendus et d'avoir l'occasion d'exprimer adéquatement leur point de vue, afin que la question soit mise aux voix à la suite d'un débat libre et exhaustif. Voilà ce que je recommande pour l'étude du projet de loi C-91.

[Français]

Le Président: Mon collègue d'Abitibi prendra la parole immédiatement après la période des questions orales.

Comme il est 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre procédera aux déclarations de députés selon l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


12891

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE PERSONNEL D'INTERVENTION D'URGENCE

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, je m'inquiète énormément de la situation actuelle en ce qui concerne la déclaration obligatoire des maladies infectieuses au Canada. Tous les jours, les pompiers, les policiers et les ambulanciers mettent leur vie en jeu lorsqu'ils prodiguent des soins dans des conditions insalubres à des patients qu'ils ne connaissent pas. Par conséquent, ils sont exposés à un nombre grandissant de maladies dangereuses, contagieuses et parfois même mortelles.

Est-ce trop demander que de veiller à ce que ces braves gens soient avisés de leur exposition possible à des maladies infectieuses? Est-ce trop demander que de veiller à ce que les membres du personnel d'intervention d'urgence aient droit, eux aussi, à un traitement précoce? Est-ce trop demander que de veiller à ce que leur famille, leurs amis et tous ceux qui viennent en contact avec eux soient protégés contre ces maladies?

La réponse est évidente. Je prie le gouvernement de s'assurer, par l'entremise de Santé Canada, d'uniformiser les protocoles de déclaration obligatoire, avec la collaboration des provinces qui ont adopté les lignes directrices nationales. L'identité des patients peut être protégée et elle le sera. La santé de notre personnel d'intervention d'urgence peut et doit être, elle aussi, protégée.

Les Canadiens ne méritent rien de moins.

* * *

[Français]

JACQUES VILLENEUVE

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, le pilote de course Jacques Villeneuve a brillamment remporté, en fin de semaine, la 79e édition de l'épreuve des 500 milles d'Indianapolis.

Surmontant une pénalité de deux tours, Jacques Villeneuve a réussi à combler son retard et à rejoindre puis à dépasser tour à tour chacun des autres pilotes pour ensuite se hisser à la tête jusqu'à la fin de cette course.

À sa deuxième présence seulement sur cet anneau américain, le pilote de 24 ans a ainsi pu savourer sa première victoire. Les Québécois se souviennent de son père Gilles, pilote de Formule I et de sa brillante victoire lors du Grand Prix de Montréal. Ils se rappellent également avec tristesse sa mort tragique en 1982, lors d'essais sur piste en Belgique.

Les Québécois entendent bien maintenant suivre avec passion les exploits de Jacques Villeneuve qui a posé cette fin de semaine les premiers jalons d'une carrière en course automobile que nous lui souhaitons longue et heureuse.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de l'Immigration dit qu'il va arranger le système de détermination du statut de réfugié. Examinons donc un cas typique.

J'ai la liste des critères de sélection établis par le ministre pour l'admission accélérée des réfugiés colombiens au Canada. Voici les gens qui, de l'avis des libéraux, sont en danger en Colombie: les policiers, les militaires, les membres du système judiciaire, les militants pour la paix et pour les droits de la personne, les activistes politiques, les anciens guérilleros, les syndicalistes, les paysans soupçonnés de faire la guérilla ou d'appartenir à un parti politique, les femmes, les jeunes sans-abri soupçonnés d'activités criminelles, les journalistes couvrant des questions politiques ou criminelles, les homosexuels, les transfuges d'organisations criminelles, les membres de familles riches, les prostituées.


12892

Monsieur le ministre, veuillez dire aux Canadiens stupides que nous sommes s'il restera quelqu'un en Colombie lorsque nous aurons accueilli tout ce monde-là ou si les Canadiens devraient demander à émigrer en Colombie. À propos, les libéraux n'auraient-ils pas oublié de porter sur leur liste le nom du marchand de café, Juan Valdez?

* * *

L'ENLÈVEMENT D'ENFANTS

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, l'enlèvement d'enfants est un grave problème au Canada. Chaque année, des milliers de nos précieux jeunes enfants sont portés disparus. Soit qu'ils se sont perdus, qu'ils ont fait une fugue ou qu'ils ont été enlevés par des parents ou des étrangers.

Child Find Canada nous donne l'espoir de retrouver nos enfants chéris et d'empêcher la disparition de bien d'autres enfants.

Pendant le mois de mai se tient la campagne du ruban vert de l'espoir, qui vise à sensibiliser la population canadienne au grave problème de l'enlèvement d'enfants.

Le 25 mai, Journée nationale des enfants disparus, nous a rappelé que des enfants manquent toujours à l'appel et qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.

[Français]

Nos enfants sont importants pour l'avenir. Il faut les protéger. Le Réseau Enfants Retour est indispensable à la sauvegarde de nos enfants. Pourtant, la responsabilité de trouver les enfants et de les protéger reste à toute la collectivité. Prenons nos petits à coeur.

* * *

[Traduction]

LA SEMAINE NATIONALE POUR L'INTÉGRATION DES PERSONNES HANDICAPÉES.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, qui commence aujourd'hui, a trait à l'éducation, qu'il s'agisse des études en milieu scolaire, de la formation professionnelle ou de la formation en cours d'emploi.

Les établissements d'enseignement et les nouvelles technologies qui favorisent le processus d'apprentissage devraient être accessibles aux personnes handicapées. Rappelons-nous que la technologie a permis au physicien Stephen Hawking, en dépit de son handicap, de faire profiter à l'humanité tout entière de ses brillantes idées scientifiques.

La technologie a permis à nombre de Canadiens handicapés de mettre leurs talents particuliers au service du pays et, chaque année, l'un de ces Canadiens reçoit la bourse de recherches de la flamme du centenaire en reconnaissance de sa contribution.

Tous les Canadiens en profitent lorsque ces personnes handicapées sont pleinement intégrées dans nos foyers, nos écoles, nos lieux de travail et les sports. Cette semaine spéciale nous rappelle à tous le rêve national que nous nourrissons pour nos personnes handicapées et la volonté de réaliser ce rêve.

Je me réjouis que le gouvernement soit encore plus déterminé à abattre les barrières qui limitent la participation et à fournir les outils pour faciliter l'intégration.

* * *

LE PRIX «READER'S DIGEST LEADERSHIP IN EDUCATION AWARD»

M. Bob Wood (Nipissing, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux, au nom de la circonscription de Nipissing, de féliciter le directeur et le directeur adjoint de l'école publique Sunset Park, Rick Ferron et John Stephens, qui ont remporté le prix «Reader's Digest Leadership in Education Award» de 1995.

Ces deux hommes ont été choisis parmi 197 candidats de tout le pays qui ont été proposés en raison des efforts qu'ils déploient pour créer une communauté vivante où des agences de services sociaux viennent à l'école conseiller les élèves à risque et leurs familles dans un milieu chaleureux et positif. La méthode des deux lauréats repose sur le dicton africain qui dit qu'il faut un village pour élever un enfant.

Chacun d'eux recevra un prix de 5 000 $ et l'école recevra 10 000 $. Le prix, créé en 1989, est vu comme étant l'une des plus grandes distinctions accordées par un organisme non gouvernemental qui n'est pas du domaine de l'éducation.

Dès que l'initiative lancée à l'école Sunset Park a été connue, des chercheurs de haut calibre spécialisés en pédagogie dans la province se sont précipités pour l'appuyer et l'ont proposée comme modèle au reste du pays.

* * *

[Français]

LES CASQUES BLEUS

M. Réjean Lefebvre (Champlain, BQ): Monsieur le Président, plus de 370 Casques bleus et observateurs militaires de l'ONU sont retenus en otage ou encerclés par les Serbes bosniaques. Dix-sept d'entre eux sont littéralement utilisés comme boucliers humains.

(1405)

Nous désirons exprimer notre vive inquiétude pour les Casques bleus québécois et canadiens qui sont parmi ces otages et nous exprimons notre profonde compassion à leurs familles qui vivent avec angoisse et appréhension ces moments difficiles.

Parmi les 2 100 militaires canadiens actuellement déployés dans l'ex-Yougoslavie, dix ont été pris en otage, dont huit sont des Québécois membres du 3e bataillon du Royal 22e Régiment de Valcartier; 45 autres militaires sont confinés à leur poste d'observation.

Nous espérons tous que le processus de négociations en cours aboutisse rapidement à leur libération.


12893

[Traduction]

L'INTÉGRITÉ POLITIQUE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, pendant la campagne électorale, les libéraux ont beaucoup insisté sur la notion d'intégrité. Ils ont soutenu que les conservateurs avaient cyniquement rompu leurs promesses électorales et avaient réduit à néant la confiance de la population envers les politiciens. Les libéraux ont promis d'être différents, mais ils sont pareils à leurs prédécesseurs. Au cours des prochains mois, vous verrez combien de promesses ils ont rompues. Les réformistes vous en dresseront la liste.

Le Parti réformiste est heureux que les libéraux aient adopté autant de ses idées, mais les Canadiens sont déçus, et avec raison, que les libéraux n'aient pas tenu leurs promesses. Ils aimeraient bien savoir si c'est là le signe de l'incompétence des libéraux ou si cela dénote un manque de respect total pour l'intelligence des électeurs Canadiens.

* * *

LE CRTC

M. Simon de Jong (Regina-Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, en novembre dernier, le ministre de l'Industrie a assuré à la Chambre que la nomination d'un comité chargé d'examiner la décision du CRTC concernant les services de radiodiffusion directe à domicile par satellite ne visait aucunement à renverser ou à annuler la décision du CRTC relativement au décret d'exemption qui avait été pris, que ce décret tenait toujours.

Le gouvernement change maintenant son fusil d'épaule. Il ne devrait pas retarder les choses en changeant rétroactivement les décisions du CRTC et en créant de nouveaux obstacles. Nous avons déjà un vaste marché gris. Beaucoup de foyers canadiens envoient de l'argent de l'autre côté de la frontière pour capter des signaux américains qui ne font l'objet d'aucune réglementation quant au contenu canadien.

Nous attendons impatiemment la concurrence canadienne. Nous tenons à ce qu'il y ait plus de concurrence, et le public aussi. Toutefois, plus le gouvernement retarde l'introduction de services réglementés de radiodiffusion directe à domicile, plus il sera difficile de réintégrer les utilisateurs du marché gris dans les services canadiens réglementés.

La justice envers le public et les producteurs d'émissions. . .

Le Président: La députée d'Ottawa-Ouest.

* * *

LA VIOLENCE DANS LA FAMILLE

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, deux enfants de ma circonscription n'auront plus jamais la possibilité d'apprendre, de jouer, de grandir, d'aimer.

Vendredi dernier, Wilson et Margret Kasonde, âgés respectivement de 10 et huit ans, ont été abattus par balles dans l'appartement de leur père dans l'ouest de la ville. Il n'y a rien de plus horrible pour une famille que cette tragédie qui frappe la mère et le jeune frère de ces enfants. Nous leur souhaitons beaucoup de courage.

À l'école et dans le quartier, on tente de rassurer des centaines d'enfants qui ont perdu leur sentiment de sécurité et leur innocence à la suite de ce tragique événement. Mais il n'y a pas qu'eux. C'est toute la collectivité qui ressent la douleur provoquée par le décès de ces deux enfants.

Ce soir, les habitants de Carlington tiendront une cérémonie à la chandelle à la mémoire de Wilson et de Margret et profiteront de l'occasion pour exprimer leur volonté de mettre un terme à la violence qui détruit tant de vies et de contrôler les instruments de violence qui peuvent tuer si facilement. Je demande à tous les députés de se joindre à eux dans leur démarche.

* * *

LES 500 MILLES D'INDIANAPOLIS

M. Réginald Bélair (Cochrane-Supérieur, Lib.): Monsieur le Président, je suis très fier d'adresser à Jacques Villeneuve mes félicitations pour avoir, cette fin de semaine, surmonté les deux tours de pénalité qui lui avaient été infligés et remporté les 500 milles d'Indianapolis. Âgé de 24 ans, c'est le plus jeune coureur de toute l'histoire à avoir gagné un million de dollars américains aux 500 milles d'Indianapolis et le premier Canadien à remporter la prestigieuse épreuve.

[Français]

Il est évident que Jacques Villeneuve a hérité de l'intrépidité, du courage et du talent de son père, le célèbre courseur de Formule I Gilles Villeneuve. Il a déjà démontré dans les compétitions l'an dernier qu'il disposait d'un avenir triomphant.

Je me joins donc à tous les Canadiens et Canadiennes et à tous les Québécois et Québécoises pour lui offrir mes sincères félicitations pour cette grande première canadienne dans une course de renommée mondiale.

* * *

[Traduction]

LES ÉLECTIONS EN ONTARIO

M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le chef conservateur de l'Ontario, Mike Harris-«La Révolution du bon sens»-a dit que, s'il était élu, il proposerait de réduire les impôts de quatre milliards de dollars, de réduire les dépenses de 3,9 milliards de dollars et d'équilibrer le budget en l'espace de trois à cinq ans. Imaginez ça!

(1410)

Malgré ces réductions radicales, M. Harris prétend pouvoir vider les programmes provinciaux sans que cela ne nuise aux services essentiels comme la santé et l'éducation. En outre, en obligeant les personnes dans le besoin à travailler en échange de l'aide sociale, les conservateurs de l'Ontario essaient de façon typique de faire supporter la charge de ces réductions massives aux personnes les plus vulnérables de notre société. Je me demande si M. Harris pense qu'un parent seul avec des enfants à sa charge, qui lutte pour survivre en cherchant du travail, a le temps et l'énergie de travailler en échange de l'aide sociale.


12894

Les chiffres avancés par M. Harris ne riment à rien. Je suis sûr que le 8 juin, les habitants de l'Ontario vont se rendre compte que ce qu'il propose est en fait une révolution dépourvue de sens.

* * *

[Français]

LA PAUVRETÉ

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, plusieurs centaines de Québécoises marchent actuellement en direction de Québec, afin d'attirer l'attention sur le problème de la pauvreté qui sévit dans notre société, particulièrement parmi les femmes. Elles sont parties de Montréal, de Longueuil et de Rivière-du-Loup et arriveront à Québec le 4 juin prochain, alors que se tiendra une manifestation qui regroupera 10 000 participantes.

Parmi leurs neuf principales revendications, ces femmes demandent au gouvernement du Québec d'augmenter substantiellement le salaire minimum, afin de permettre aux travailleurs et travailleuses les moins bien rémunérés de sortir de la pauvreté à laquelle ils sont confinés. Il s'agit d'un geste de solidarité hors du commun qui doit être souligné et appuyé.

Au nom du Bloc québécois, je tiens à féliciter ces femmes, particulièrement Mme Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec, qui a pensé et organisé cette marche.

* * *

[Traduction]

LE PARTI RÉFORMISTE DU CANADA

Mme Diane Ablonczy (Calgary-Nord, Réf.): Monsieur le Président, le 29 mai 1987, un groupe de Canadiens inquiets prenait la décision de changer le cours de l'histoire canadienne en quelques années. Ce jour-là, des délégués des quatre provinces de l'Ouest se sont réunis à Vancouver pour discuter de l'avenir économique et politique du Canada. La plupart de ces participants ne s'étaient jamais rencontrés auparavant, mais ils étaient unis par le désir de construire un meilleur Canada et par une conviction commune que notre système politique avait besoin de changements urgents et fondamentaux.

Après bien des débats, cette assemblée prenait la décision historique de revitaliser la politique canadienne et, pour ce faire, elle décidait de lancer le Parti réformiste du Canada. À l'occasion de l'anniversaire de cet événement, je salue ces femmes et ces hommes visionnaires qui ont eu le courage, il y a huit ans, d'offrir aux Canadiens l'espoir que nous pourrions construire une société plus prospère et plus démocratique pour nous-mêmes et pour nos enfants.

* * *

LA BOSNIE

M. Leonard Hopkins (Renfrew-Nipissing-Pembroke, Lib.): Monsieur le Président, en Bosnie, nos troupes du maintien de la paix et celles de nos alliés sont utilisées comme boucliers humains par des gens qui n'ont aucun respect pour l'humanité et pour le droit international.

À un moment où tout le système des Nations Unies est mis à rude épreuve, il est important que nous nous rappelions les paroles d'Edmund Burke, et je cite: «Tout ce qui est essentiel pour le triomphe du mal, c'est que les hommes de bonne volonté ne fassent rien.»

Actuellement, alors que de nombreux Canadiens sont traumatisés dans l'ancienne Yougoslavie, il faut rappeler à tous la nécessité d'appuyer nos troupes sans réserve et de comprendre ce qui peut leur arriver à tout instant pendant qu'elles oeuvrent au service du pays et pour la bonne cause des principes humanitaires défendus au niveau international.

Notre coeur est avec ces soldats et notre appui et nos pensées avec leur famille. Nous devons modifier et améliorer les opérations des Nations Unies pour être en mesure de réagir face à un monde pervers et imprévisible.

* * *

[Français]

LE PARTI QUÉBÉCOIS

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, si l'on en croit les propos tenus par le chef du Parti québécois lors du conseil général de son parti, en fin de semaine dernière, le PQ serait aux prises avec un problème de communication. Le premier ministre péquiste du Québec tentait de justifier la baisse de popularité de son parti auprès de l'électorat, et je le cite: «Notre gouvernement est meilleur dans l'action que dans les communications.»

Ce commentaire ressemble étrangement, en raison de la faiblesse de sa conviction, aux victoires morales auxquelles le PQ nous avait habitués à l'époque. Le premier ministre péquiste n'a pas à chercher de midi à 14 heures la cause de la popularité vacillante de son gouvernement. La population du Québec ne veut pas la séparation et elle est fatiguée de voir son gouvernement gaspiller son temps et son argent à essayer de formuler des questions.

* * *

(1415)

[Traduction]

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour remettre en question la promesse qu'une députée a faite aux électeurs. Elle s'est engagée à démissionner si les libéraux ne supprimaient pas la TPS durant la première année de leur mandat. Presque deux ans se sont écoulés depuis les élections et la vice-première ministre et ses collègues du Cabinet n'ont toujours pas donné suite à leur engagement de faire disparaître la terrible TPS.

Pour les réformistes, une promesse est une promesse et le moment est maintenant venu pour l'honorable ministre d'agir d'une façon honorable, de tenir sa promesse et de démissionner. Après avoir fait preuve de ce genre d'honnêteté en politique, la

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vice-première ministre n'aura, sans aucun doute, aucun mal à pouvoir passer dans le secteur privé. Je suis sûr que les indemnités de départ qu'elle recevra et son régime de pensions de deux millions de dollars faciliteront ce passage difficile à la vie privée.

Il serait vraiment encourageant de voir une ministérielle tenir une promesse. Au Parti réformiste, nous serions tellement estomaqués de cette marque d'honnêteté que nous serions prêts à organiser nous-mêmes sa fête de départ à la retraite.

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QUESTIONS ORALES

[Français]

LA BOSNIE

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, jeudi dernier, les Serbes bosniaques, en réponse aux frappes aériennes de l'ONU, ont bombardé des populations civiles, notamment à Tuzla, et pris en otage quelque 370 Casques bleus, dont 10 Canadiens. Les forces serbes ont même poussé l'odieux jusqu'à enchaîner certains Casques bleus à des dépôts de munitions pour s'en servir comme boucliers humains contre de nouveaux raids de l'OTAN.

Ma question s'adresse au premier ministre. Quels moyens concrets le gouvernement entend-il prendre pour libérer les 10 Casques bleus canadiens présentement gardés en otage par les Serbes bosniaques?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais exprimer la consternation de la population canadienne devant les faits cités par le chef de l'opposition. Comme on le sait, toutes les troupes qui font le travail humanitaire qui doit être fait dans cette partie compliquée du monde font un travail exceptionnel, et je voudrais dire à ce moment-ci aux soldats qui sont là-bas et à leurs familles que le gouvernement et la population canadienne sont très préoccupés et que nous voulons tout faire pour les soutenir.

À ce moment-ci, nous sommes en communication avec la plupart de ces 10 otages canadiens. Comme on le sait, l'an dernier on a connu la même situation et, après deux semaines, nous avons réussi à les faire libérer. La situation actuelle n'est pas pire que celle de l'an passé. Nous prenons les moyens pour parler avec les Serbes à ce moment-ci. Nous sommes peut-être dans une situation un peu plus favorable que les Français ou les Anglais parce que nos soldats, ceux qui sont kidnappés, ne se trouvent qu'à quelques kilomètres seulement de la base de Visoko. Et lorsque la situation se sera calmée, nous espérons que nos soldats pourront retourner à leur base et retrouver la sécurité.

Entre-temps, nous avons passé la fin de semaine à communiquer avec nos alliés qui ont des troupes là-bas pour essayer, par des moyens diplomatiques, de rétablir une situation normale dans cet endroit très complexe. J'ai parlé avec le premier ministre de la Grande-Bretagne, avec le président de la France, avec le Secrétaire général des Nations Unies au cours de la fin de semaine. En particulier, nous voulons changer le mandat des troupes parce qu'il n'y a pas un équilibre entre les moyens dont les soldats disposent et les positions qu'ils doivent prendre. Il faut redéfinir le mandat de telle façon qu'il ne soit pas facile dans le futur pour qui que soit là-bas, en particulier les Serbes, de faire des enlèvements de cette sorte.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, si cela peut le moindrement encourager nos compatriotes qui sont présentement tenus en otage, ils doivent savoir qu'ils ont l'appui et la sympathie de tout le Canada et de tout le Québec.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Comme il vient de le rappeler tout à l'heure, le chef du gouvernement a consulté en fin de semaine ses homologues français et britannique ainsi que le Secrétaire général de l'ONU, M. Boutros Boutros-Ghali. À la lumière de ces discussions, peut-il nous indiquer quelles positions son ministre des Affaires étrangères défendra demain, à la réunion de l'OTAN, par rapport au mandat des Casques bleus et à la sécurité de nos concitoyens canadiens?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, demain, le ministre des Affaires étrangères rencontrera ses collègues de l'OTAN et il défendra la position du Canada, à savoir que le temps est venu pour les Nations Unies de redéfinir le mandat des troupes.

(1420)

Comme je le disais tout à l'heure, le travail qui doit être fait par nos troupes et les moyens dont elles disposent doivent être modifiés, de façon à ce que nos troupes ne soient pas, en petits nombres, exposées comme elles le sont à l'heure actuelle.

Par l'entremise de notre ambassadeur aux Nations Unies, nous avons fait valoir notre position. J'en ai moi-même parlé hier avec le secrétaire général, M. Boutros Boutros-Ghali. Demain, il doit soumettre un nouveau plan au Conseil de sécurité et les Canadiens ont fait part de leur point de vue avant que ce plan soit soumis. Ce sera la position défendue par le ministre des Affaires étrangères demain à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN.

L'hon. Lucien Bouchard (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je comprends que le gouvernement est entouré de conseillers et que le chef du gouvernement et son ministre des Affaires étrangères ont l'occasion de parler à leurs vis-à-vis dans d'autres pays, qu'ils sont bien informés, etc., mais des questions très complexes se posent actuellement.

Beaucoup de Canadiens et de Québécois se demandent si on doit rester là-bas; beaucoup se demandent si on doit modifier, et de quelle façon, les mandats de ceux qui s'y trouvent. Est-ce qu'ils vont continuer d'assister, impuissants, et devenir eux-mêmes des victimes de ce qui se passe? Si on reste là, pourquoi et dans quelles conditions?

Autrement dit, il y a là matière à une consultation du Parlement. Dans ce contexte, je demande au premier ministre s'il va faire droit à la demande de l'opposition et autoriser, dès aujourd'hui, la tenue d'un débat d'urgence sur la sécurité des


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Casques bleus en Bosnie, de même que sur le mandat des forces de l'ONU?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons eu l'occasion, et j'en suis très content, de tenir des débats en cette Chambre pour discuter de notre présence là-bas. À trois reprises, la Chambre des communes a pu se prononcer.

Je ne sais pas ce qui se discute présentement entre les partis d'opposition et le gouvernement, mais demain est une journée réservée à l'opposition et ce pourrait être une très bonne occasion pour soulever le problème. Il y aura plus de temps disponible, plutôt que de tenir un débat tard ce soir.

Je pense que c'est une journée réservée au troisième parti et j'espère qu'ils profiteront de cette occasion pour débattre de ce sujet dès demain. Je sais qu'il y aura un débat mercredi au Parlement anglais sur leur position. Il serait très souhaitable d'en avoir un demain ici même devant ce Parlement.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord je voudrais rappeler au premier ministre qu'il serait important que le débat se tienne aujourd'hui parce que la réunion a lieu demain matin. Si on veut avoir un débat valable, il faudrait qu'il se tienne aujourd'hui.

Des voix: Bravo!

M. Jacob: Ma question s'adresse au premier ministre. Dans le contexte du mandat, le premier ministre français a mentionné certaines conditions pour le maintien des troupes en ex-Yougoslavie: premièrement, de regrouper les Casques bleus, de manière à limiter les prises d'otage; deuxièmement, de doter les forces onusiennes d'armes lourdes avec la permission de s'en servir; et troisièmement, de créer une force permanente d'intervention placée sous le contrôle de l'ONU et de l'OTAN.

Le premier ministre peut-il nous indiquer s'il partage l'opinion du premier ministre français quant à la redéfinition du mandat, dont il vient de parler, des Casques bleus en ex-Yougoslavie pour ces trois conditions?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, c'est exactement ce dont nous discutons actuellement avec le secrétaire général des Nations Unies.

Dans ma réponse au chef de l'opposition, j'ai indiqué qu'il était important de redéfinir le rôle de nos soldats et de nous assurer qu'ils ne seront pas exposés, comme ils le sont présentement, à plusieurs kilomètres de leur base, tout à fait seuls et en petits nombres; nous avons insisté là-dessus. Quant au pouvoir d'attaquer ou de se défendre d'une façon un peu plus ferme, ils ont le pouvoir, mais les règles d'engagement doivent être révisées à ce moment-ci.

Quant à établir une force permanente pour prendre une offensive dans le domaine, je voudrais savoir exactement ce qu'ils veulent dire par cela. À notre point de vue, nous sommes là pour maintenir la paix et non pour entamer une guerre avec les parties qui se battent déjà entre elles.

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, encore dans sa réponse, le premier ministre nous fait voir qu'on devrait avoir un débat aujourd'hui et ne pas attendre à demain.

Le ministre des Affaires étrangères déclarait ce matin que le Canada entendait multiplier ses efforts diplomatiques en soulignant que «la voie militaire est catastrophique».

Doit-on comprendre de cette déclaration que le gouvernement canadien s'oppose non seulement à la redéfinition du mandat des Casques bleus, tel que proposé par la France, mais aussi qu'il s'oppose également à tout recours à de nouvelles frappes aériennes?

(1425)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous ne nous opposons pas à tout recours à des frappes aériennes. Nous avons dit la semaine dernière que nous pensions, et cela a été exprimé par le président de la France et le premier ministre de la Grande-Bretagne, que les attaques aériennes n'avaient probablement pas été faites de la meilleure façon.

S'il y avait eu un préavis plus long, on aurait pu prendre les dispositions nécessaires pour protéger nos soldats. J'en ai discuté avec le Secrétaire général des Nations Unies qui a reconnu jusqu'à un certain point la validité de mon argument. J'ai été heureux d'entendre le même argument, hier, de la part du nouveau premier ministre de la France, à la télévision française.

Il faut revoir ces choses, mais on ne peut pas dire qu'il n'y aura jamais d'autres attaques parce que cela démontrerait qu'on ne se défendra jamais si on est attaqués.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens s'indignent à juste titre de ce que nos soldats soient pris en otages et que leur vie soit menacée. Le gouvernement a manqué à ses obligations envers nos soldats de la paix et envers les Canadiens. Il a accepté un renouvellement de mandat en Bosnie sans même avoir de critères pour évaluer la mission.

Les faits sont simples. Les belligérants continuent de s'en prendre aux troupes de l'ONU. Les cessez-le-feu sont violés. Les interventions humanitaires sont impossibles, et il n'y a pas de paix à préserver. Le gouvernement le savait en octobre. Il le savait en mars et il le sait encore maintenant. Le gouvernement est-il disposé à s'engager à retirer les troupes canadiennes le plus tôt possible?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je répondrai au député que l'heure n'est pas bien choisie, au moment où des soldats canadiens sont enlevés, pour que le gouvernement canadien batte en retraite et cède au chantage.

Nous sommes là-bas pour y jouer un rôle utile. La présence des soldats a permis de sauver des milliers de vies, et les troupes canadiennes sont parmi les meilleures et sont peut-être même les meilleures. Je tiens à dire à nos soldats qu'ils peuvent compter sur notre appui. Ils savaient, en partant là-bas, que leur mission ne serait pas de tout repos. Je remercie le chef de l'opposition, qui a dit que nous soutenions les troupes canadiennes.

Des incidents semblables se sont déjà produits par le passé et il y en aura probablement d'autres. En attendant, nous sauvons des milliers de vies et nous acheminons des vivres et des médica-


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ments vers la population. Les Canadiens sont fiers de ce rôle que nous jouons, et ils appuient les soldats qui sont en difficulté en ce moment.

Des voix: Bravo!

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, personne ne remet en cause la qualité ni le travail de nos soldats de la paix.

Les libéraux ont promis que le Canada ne serait plus à la remorque d'autres pays dans sa politique étrangère. En Bosnie, cependant, nous nous plions aux voeux de tous les pays de l'OTAN et du groupe de contact, qui n'ont qu'une participation limitée dans le conflit. L'Allemagne, par exemple, n'a pas un seul soldat sur le terrain, mais elle a plus de poids que le Canada. Nos soldats sont enchaînés à des poteaux à l'extérieur de dépôts de munitions. Pourquoi le gouvernement, dans sa diplomatie, se soumet-il à la volonté des autres en laissant la France et la Grande-Bretagne décider de ce que nous faisons en Bosnie?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous ne faisons pas partie du groupe de contact. Comme je l'ai dit auparavant, 25 pays ont une présence là-bas. Certains ont plus de soldats que le Canada en Bosnie, et ils ne font pas partie du groupe de contact. . .

M. Mills (Red Deer): Ils n'ont pas de soldats.

M. Chrétien (Saint-Maurice): Certains sont présents et ne font pas partie du groupe de contact. La Russie, les États-Unis et trois pays européens qui ont davantage d'influence directe que nous ont lancé une initiative diplomatique. Par le passé, nous n'étions pas présents dans cette région. Nous ne faisons pas partie du groupe de contact. Je l'admets. Pas plus que les Hollandais, les Belges, les Espagnols et bien d'autres. Il n'y a pas lieu de s'en offusquer.

Nous sommes sur le terrain et nous prenons les décisions qui concernent les soldats canadiens. Nous prenons part aux débats de l'OTAN, aux discussions de l'ONU.

(1430)

J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec de nombreux dirigeants, dont le président de Croatie, le premier ministre britannique, M. Major, le président de la France, M. Chirac, ainsi que le ministre des Affaires étrangères de Bosnie qui, malheureusement, a été tué au cours du week-end. J'ai rencontré ce ministre à Paris. Il m'a dit que, dans cette situation très difficile, les meilleurs soldats étaient ceux du Canada. Nous devons donc continuer de les appuyer.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, nous sommes d'accord pour dire que nous avons les meilleurs soldats, mais ils devraient avoir leur mot à dire dans les décisions.

Le Parti réformiste a prévenu le gouvernement qu'il ne devait pas accepter de renouvellement de mandat. La situation était instable, et c'était mettre la vie de Canadiens en danger que de les renvoyer en Bosnie. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cet avis et, pour la troisième fois, des soldats canadiens sont pris en otages.

Les Canadiens exigent des mesures concrètes. Selon un récent sondage, 90 p. 100 des milliers de personnes interrogées veulent que le Canada se retire maintenant. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'écouter les Canadiens? Pourquoi manque-t-il de jugement de façon aussi flagrante dans l'établissement de sa politique à l'égard de la Bosnie?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous nous sommes entretenus avec les militaires canadiens et nous avons l'appui de ceux qui sont au fait de la situation actuelle. On peut toujours compter sur les Canadiens dans les circonstances difficiles. Je suis très heureux que tous les partis, à l'exception du Parti réformiste, appuient les soldats canadiens et la position du Canada.

Notre tradition veut que, quand la vie de Canadiens est en jeu dans un situation périlleuse, nous leur donnions tout notre appui. Le gouvernement canadien participe aux discussions et aux décisions. Nous veillerons à prendre les meilleures décisions possibles de façon à sauver des vies.

En tout cas, je sais que les millions de personnes qui vivent dans cette région sont très reconnaissantes que les Canadiens soient là pour leur sauver la vie, leur procurer des vivres et des médicaments dans la situation terrible qui est la leur.

* * *

[Français]

LES JETS DE WINNIPEG

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Il est injustifiable que le gouvernement fédéral accorde une aide de 20 millions de dollars à un club professionnel de hockey à un moment où il coupe des milliards de dollars dans le financement des programmes sociaux.

Jugeant l'aide fédérale insuffisante, le groupe Manitoba Entertainment Complex Save the Jets a fait une demande à Revenu Canada pour obtenir le statut d'organisme de charité, ce qui lui permettrait de recevoir une aide fédérale indirecte sous forme de déduction fiscale.

Le ministre du Revenu peut-il nous dire où en est la demande du Manitoba Entertainment Complex et s'il compte accroître l'aide du gouvernement fédéral aux Jets de Winnipeg par le biais d'une déduction fiscale?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, les règles qui régissent les organismes de charité sont énoncées par la jurisprudence et non par le Parlement ou par le gouvernement. Elles sont fixées au moyen d'une série de décisions judiciaires.

On a déterminé, à l'issue d'une assez longue jurisprudence, qu'un organisme qui est voué exclusivement à la promotion d'un sport n'est pas, en fait, un organisme de charité. Je ne peux pas


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commenter la situation particulière d'un organisme donné ni dire où en est la demande qu'il a présentée. Je peux dire au député que, généralement parlant, tout organisme qui s'occupe strictement de sport n'a pas les qualités requises pour obtenir le statut d'organisme de charité.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, le ministre du Revenu confirme-t-il les informations qui laissent entendre que l'on transformerait les dons effectués au Manitoba Entertainement Complex en dons versés à l'État ou à une société d'État provinciale, ce qui aurait pour effet d'accroître substantiellement l'aide fédérale apportée aux Jets de Winnipeg en permettant de déduire ces dons de l'impôt fédéral à payer?

[Traduction]

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, encore une fois, il est difficile de parler directement d'un cas précis. Nous n'avons pas coutume de procéder ainsi.

Cependant, en général, je peux dire au député que Revenu Canada désapprouve toute tentative d'éviter le régime légal en vigueur, tel qu'il est établi par la jurisprudence. Nous pensons que ce régime devrait être appliqué directement et équitablement à tous, comme cela s'est fait dans le passé. Il est toujours possible, cependant, que des gens essaient de modifier la nature des objectifs d'un organisme ou encore d'un don particulier ou de dons particuliers faits à un organisme pour faire en sorte que cet organisme puisse obtenir le statut d'organisme de charité. C'est leur droit. Nous examinerons la chose quand nous aurons reçu les renseignements en question et déterminerons si cela est conforme ou non au régime légal en vigueur.

(1435)

Nous veillons à ce que tout organisme qui désire obtenir le statut d'organisme de charité respecte toutes les conditions prévues par le régime légal.

* * *

LA BOSNIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à préciser au départ qu'à l'instar des autres partis à la Chambre et de l'ensemble des Canadiens, le Parti réformiste appuie les troupes canadiennes en Bosnie et leur voue beaucoup de respect et d'admiration.

La réaction des Serbes de Bosnie aux raids aériens de l'OTAN sur Pale la semaine dernière était tout à fait prévisible et même évidente. Le gouvernement canadien a-t-il été consulté au sujet de la décision d'effectuer des raids aériens et, dans l'affirmative, a-t-il donné son approbation?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, la décision a été prise par l'OTAN et les Nations Unies. Le secrétaire général de l'ONU m'a déclaré au cours d'une conversation que j'ai eue avec lui hier qu'il avait donné son accord.

Le Canada n'a pas été formellement consulté, comme les autres pays d'ailleurs. La décision a été prise par ceux qui avaient l'autorité pour le faire. Nous n'avons pas été consultés formellement au sujet du raid aérien. Bien entendu, nous participons à toutes les discussions touchant les politiques, mais les décisions de ce genre sont prises par le personnel qui est sur place. La décision a été approuvée par l'ONU, conformément à la politique qui exige l'approbation de deux autorités.

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, le Canada n'a peut-être pas envoyé le contingent militaire le plus important en ex-Yougoslavie, mais depuis le début du conflit nos troupes ont joué un rôle considérable et très apprécié.

Compte tenu du nombre considérable de Canadiens exposés à des prises d'otages, pourquoi le gouvernement canadien n'a-t-il pas insisté pour qu'on demande son approbation avant que l'OTAN puisse effectuer des raids aériens?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je dois répéter ce que le premier ministre vient de dire.

Il y a un an, une procédure a été adoptée quand l'OTAN a examiné la possibilité d'effectuer des raids aériens. Les Nations Unies ont le pouvoir de demander à l'OTAN d'effectuer des raids aériens dans les cas où ils sont justifiés.

Cette procédure a été appliquée la semaine dernière de façon tout a fait normale.

* * *

[Français]

LE DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Par le projet de loi qui redéfinit le mandat de la Banque fédérale de développement, le gouvernement fédéral, encore une fois, passe par-dessus la tête des provinces en s'arrogeant le droit de conclure directement des ententes avec des organismes relevant de l'autorité exclusive des provinces.

Comment le premier ministre peut-il justifier cette nouvelle intrusion du gouvernement fédéral dans le développement régional, en signant des accords avec des organismes qui relèvent exclusivement du Québec? Est-ce là un nouvel exemple de ce qu'il appelle le fédéralisme flexible?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il est clair, dans la Constitution du Canada, que la juridiction sur les banques est une juridiction fédérale.

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, ma question complémentaire s'adresse au premier ministre.

En refusant de renouveler l'entente fédérale-provinciale sur le développement régional, Ottawa a rejeté toute forme de concertation avec le gouvernement du Québec.

Le premier ministre reconnaît-il que le fédéral est en train de jeter les bases d'une nouvelle confrontation avec Québec, en autorisant la nouvelle Banque de développement du Canada à signer des accords directement avec des organismes qui relèvent du Québec, tout en évacuant complètement le rôle de celui-ci?


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L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je comprends ici que la question se rapporte à l'EDER, à l'entente entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Je dois dire au député que j'ai déjà eu, je pense, une rencontre avec M. Chevrette. Il y a deux lettres qui ont été émises et j'ai dit à M. Chevrette que nous sommes prêts à nous asseoir immédiatement pour renégocier l'entente. Mais, vraiment, la balle est dans le camp du gouvernement provincial.

* * *

[Traduction]

L'INFRASTRUCTURE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, la réaffectation des fonds relatifs à l'autoroute 104 en Nouvelle-Écosse et le rôle du ministre des Travaux publics dans cette affaire suscitent de nouvelles questions.

Le premier ministre a dit que cette question concernait le ministre des Transports, et quand une des députées de son caucus a qualifié cette affaire de détournement de fonds, on lui a demandé de ne plus faire de commentaires.

Si le ministre des Travaux publics a joué un rôle tellement mineur dans toute cette affaire, comment peut-il avoir annoncé cette réaffectation en février 1994 alors que, selon une lettre du ministre des Transports, les autorités fédérales et provinciales n'ont modifié l'entente que trois mois plus tard? Avec l'autorisation de qui le ministre des Travaux publics agissait-il?

(1440)

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député suit une voie tortueuse avec toutes ces questions.

Une réunion a été tenue en janvier avec le ministre des Transports de la Nouvelle-Écosse, au cours de laquelle on a signé un accord de principe sur la réaffectation des fonds. En février, le ministre des Travaux publics a annoncé en mon nom que nous nous étions mis d'accord pour que les fonds soient dépensés de la façon convenue par les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Canada.

Je veux rassurer mon collègue en lui affirmant que des situations de ce genre se sont déjà produites à maintes reprises, relativement à ces accords. Cela se produit parce que, contrairement à mon collègue, la plupart d'entre nous à la Chambre comprennent que la construction de routes et le choix de leur tracé sont de compétence provinciale.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les propos du ministre ont ceci d'étonnant que, en 1986, lorsque le ministre du Revenu conservateur a réaffecté 20 millions de dollars prévus dans une entente fédérale-provinciale pour faire construire une route qui passait dans sa circonscription, en Nouvelle-Écosse, les libéraux étaient scandalisés. Maintenant, le ministre libéral des Travaux publics investit 26 millions dans sa circonscription de Nouvelle-Écosse en puisant dans des fonds prévus dans une entente fédérale-provinciale, et les conservateurs en sont scandalisés. L'histoire se répète.

Comme le ministre des Travaux publics refuse de répondre à quelque question que ce soit sur cette importante affaire, nous reprendrons les mots du ministre lui-même en disant que le premier ministre devrait s'occuper de son affaire ou se taire. Soumettra-t-il cette question à son conseiller en éthique fantoche ou préférera-t-il passer à l'histoire comme quelqu'un d'aussi hypocrite que Brian Mulroney?

L'hon. Douglas Young (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, c'est très dommage que le député ne comprenne pas que, lorsque le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a pris connaissance des fonds à affecter à la route, il a constaté qu'il ne pouvait pas faire grand-chose avec la somme très limitée qu'il avait à sa disposition.

Il a jugé qu'il était dans l'intérêt des habitants de cette province d'allouer ces fonds à une autre route. Nous y avons consenti, comme l'entente nous permet de le faire, en vertu de l'article 12.2, qui prévoit que l'entente peut être modifiée sur consentement mutuel. Voilà ce qui s'est passé.

Malheureusement, le député devra continuer à ressasser cette histoire sans fondement, parce qu'il ne semble pas capable d'en trouver d'autres, ces jours-ci.

* * *

[Français]

LA POLITIQUE MONÉTAIRE

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, selon John McCallum, économiste en chef de la Banque royale, la politique poursuivie par la Banque du Canada est responsable de la baisse du niveau de vie des Canadiens depuis 1990. De l'aveu même de son gouverneur, la Banque du Canada continue la politique qui fut celle de John Crow sous les conservateurs, politique d'ailleurs dénoncée par l'actuel ministre des Finances.

Le ministre des Finances réalise-t-il que la politique monétaire que poursuit actuellement la Banque du Canada est essentiellement la même que sous les conservateurs et qu'elle est directement responsable des hauts taux de chômage et de la baisse du niveau de vie, comme il l'affirmait lui-même durant la dernière campagne électorale?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je dois vous avouer que j'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi le député soulève cette question maintenant puisqu'on vient de voir que dans les deux derniers mois, les taux d'intérêt ont continué à baisser substantiellement, de presque 100 points de base.

Il faut dire qu'il est très clair que la politique de la Banque du Canada, c'est-à-dire anticiper une hausse de l'inflation, est très important pour la création d'emplois. Faire une comparaison entre la politique monétaire d'aujourd'hui et la politique monétaire d'il y a quatre ou cinq ans, il faut dire qu'il y a un écart incroyable et que cela ne tient pas debout.


12900

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ce qui ne tient pas debout, c'est que le ministre des Finances avait un langage tout à fait différent du temps où il était dans l'opposition que depuis qu'il est ministre des Finances. C'est cela qui ne tient pas debout.

J'aimerais savoir si le ministre des Finances réalise que depuis son arrivée au pouvoir, pas seulement depuis les cinq derniers mois, les taux d'intérêt sur les hypothèques ont augmenté du tiers, ce qui commence à tuer dans l'oeuf la faible reprise économique, car depuis cinq mois il n'y a pas eu de création nette d'emplois au Canada, chiffre à l'appui de Statistique Canada.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, dans le secteur privé, au cours du dernier trimestre il y a eu création de 100 000 emplois. Cela est très important.

(1445)

Il faut comparer la politique de la Banque du Canada d'aujourd'hui et celle d'il y a quatre ou cinq ans. Il faut dire qu'en 1989, les taux d'intérêt ont atteint leur sommet. Il n'y a donc aucune comparaison.

Le député a raison de me citer et de citer le solliciteur général qui était critique financier du temps lorsqu'on était en opposition. On était en opposition à la politique monétaire de la Banque du Canada, et c'était le gouvernement du temps, dont le chef de l'opposition faisait partie du Cabinet, et plusieurs des députés du Parti conservateur de l'époque, maintenant membres du Bloc, qui défendaient le gouvernement.

Alors, je suggérerais au député, au lieu de poser la question au gouvernement sur le rapport McCallum et la politique de la Banque du Canada, de parler aux membres de son propre caucus et peut-être d'avoir une conversation privée avec son chef.

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS ALIMENTAIRES POUR ENFANTS

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le ministre peut-il dire à la Chambre quand il entend présenter les modifications proposées au système des pensions alimentaires pour enfants, afin d'empêcher des parents de décliner leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, même si le jugement rendu, la semaine dernière, par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibodeau a permis de régler la question concernant la constitutionnalité du régime fiscal actuel en matière de pensions alimentaires, le gouvernement doit déterminer si ce régime est vraiment le plus équitable et le plus efficace pour garantir le bien-être des enfants.

De concert avec les ministres des Finances, du Développement des ressources humaines et du Revenu national ainsi que la secrétaire d'État chargée de la Situation de la femme, je me suis penché non seulement sur le régime fiscal, mais aussi, comme le député l'a fait remarquer, sur l'importance des mécanismes d'exécution.

Nous avons élaboré des propositions en vue d'établir des lignes directrices pour aider à calculer le montant des pensions alimentaires à verser en fonction du revenu des parties, et nous les avons rendues publiques.

Nous espérons déposer les modifications que nous proposons à cet égard, avant que la Chambre ne suspende ses travaux à la fin de juin.

* * *

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, en janvier, on a demandé au solliciteur général de faire enquête sur des allégations d'actes criminels de la part de la Commission canadienne du blé. Le solliciteur général m'a écrit pour m'informer que la GRC en était arrivée à la conclusion qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour justifier pareilles allégations.

Le solliciteur général pourrait-il me fournir une copie du rapport de la GRC, comme ses collaborateurs avaient promis de le faire au plus tard le 22 mai?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je vais vérifier auprès de la GRC. Je ne suis pas sûr qu'elle ait coutume de publier les détails de son enquête en plus d'en faire connaître les conclusions, mais je vérifierai.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, j'ai rencontré le surintendant principal de la division des infractions commerciales et deux inspecteurs de la GRC à Winnipeg, et j'ai appris qu'il n'y avait jamais eu de demande d'enquête de la part du solliciteur général. Le commissaire à l'information a prouvé la justesse de cette information en confirmant qu'on ne pouvait trouver aucun rapport de la GRC à ce sujet.

Pourquoi le solliciteur général m'a-t-il menti?

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Chers collègues, encore une fois, il arrive parfois qu'on emploie des termes impropres en formulant nos questions. Je demanderais au député de Lisgar-Marquette de reconsidérer son choix de mots et de bien vouloir retirer le mot «mentir».

M. Hoeppner: Monsieur le Président, cela fait quatre mois que j'essaie d'aller jusqu'au fond de cette affaire. Les faits sont éloquents. J'ai deux lettres confirmant. . .

Des voix: Oh, oh!

(1450)

Le Président: Chers collègues, votre Président doit parfois intervenir au cours de la période des questions afin de faciliter les choses et maintenir le flot des questions et des réponses.


12901

D'habitude, quand des termes antiparlementaires sont employés, les députés y réfléchissent et, sur les instances du Président, ils finissent la plupart du temps par retirer leurs paroles.

Je le demande au député de Lisgar-Marquette, aurait-il l'obligeance de retirer le mot «mentir»-oui ou non?

M. Hoeppner: Monsieur le Président, je suis venu à la Chambre avec une certaine échelle de valeurs, et j'entends bien les maintenir.

Le Président: Chers collègues, je ne veux pas accaparer le temps de la période des questions. Je prie donc le député de rester à sa place, et je m'occuperai de ce problème après la période des questions.

* * *

[Français]

LES AFFAIRES INDIENNES

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires indiennes.

Le ministre de la Sécurité publique du Québec a dénoncé l'inertie du gouvernement fédéral dans le dossier de l'agrandissement du cimetière mohawk à Oka. Selon le ministre, le gouvernement fédéral qui paie son négociateur à gros prix refuse toujours d'acheter pour les Mohawks un terrain de 60 000 pieds carrés offert par la municipalité d'Oka.

Comment le ministre des Affaires indiennes peut-il justifier que lui et son ministère se traînent les pieds et n'ont toujours pas procédé à l'achat du terrain offert par la municipalité pour agrandir le cimetière?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, je n'approuve pas le préambule à la question du député. Les maisons situées au nord de la 344 ont toutes été acquises avec plusieurs millions de dollars des fonds fédéraux. Les maisons que le gouvernement québécois nous a demandé d'acquérir au sud de la 344 l'ont été sans la moindre contribution de la province de Québec.

Nous avons nommé là-bas le négociateur mohawk, le facilitateur et le médiateur et nous avons acheté ces maisons. Seuls des fonds fédéraux ont été investis au nord et au sud de la 344.

C'est bien beau que M. Ménard cherche à me faire la leçon, mais, s'il était vraiment sérieux, il offrirait la contribution des bloquistes à la table plutôt que de se servir du problème pour faire de la politique de pure forme.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ce que je sais, c'est que le problème n'est pas réglé. Cela a coûté plus de 350 000 $ à un négociateur pour ne rien faire et partir.

Comment le ministre peut-il expliquer que les négociations menées par le fédéral avec les Mohawks, qui ont coûté une fortune jusqu'à présent, n'ont absolument rien donné de concret alors qu'un dossier comme celui de l'achat du terrain, s'il était réglé par le fédéral, permettrait d'éviter une nouvelle confrontation entre les Mohawks, la ville d'Oka et le gouvenement du Québec?

[Traduction]

L'hon. Ron Irwin (ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, le député répète que rien de concret n'a été fait. Lorsque nous avons pris le pouvoir, 70 ou 80 maisons situées au nord de la 344 étaient occupées illégalement. Il n'en reste plus qu'une douzaine, je crois. Nous avons un pouvoir en matière de logement. Au sud de la 344, les maisons ont été achetées pour la plupart, seulement trois étant encore occupées illégalement. Nous travaillons à acquérir celles-là aussi. Donc, des résultats concrets ont découlé de la table ronde mohawk et des négociations avec chacune des trois premières nations.

Nous sommes censés être honorables ici. Quand le député invoque la mort de deux Mohawks et des obsèques pour se faire du capital politique, je crois que ce que fait le député est moins qu'honorable à la Chambre.

(1455)

Le Président: Le ministre aurait-il l'obligeance de reconsidérer ses derniers mots? Ils reviennent, à mon avis, à une attaque personnelle qui n'est pas justifiée à la période des questions. Le ministre pourrait-il envisager de retirer ce qu'il a dit lorsqu'il a qualifié la conduite d'un autre député de moins qu'honorable?

M. Irwin: Monsieur le Président, contrairement aux réformistes, je suis prêt à retirer franchement cette observation.

* * *

L'INFRASTRUCTURE

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, plus tôt aujourd'hui, en répondant à une question sur la demande de statut d'organisme de charité présentée par le complexe récréatif du Manitoba-ce qui, si ce statut était accordé, ajouterait 22 millions de dollars aux 20 millions que le gouvernement a déjà décidé d'accorder gracieusement à une équipe de hockey professionnelle-le ministre du Revenu national n'a fait qu'esquiver et éluder.

Peut-il donner l'assurance à la Chambre que ce complexe n'obtiendra pas le statut d'organisme de charité et que le gouvernement ne donnera plus l'argent des contribuables à cette équipe de hockey professionnelle?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, la prémisse de la question du


12902

député est inexacte. Comme l'a dit le premier ministre, et comme l'ont répété à maintes reprises d'autres membres du gouvernement, nous ne donnons pas un sou aux Jets de Winnipeg.

Quant à la question du statut d'organisme de charité, je dirai au député, comme je l'ai dit au député bloquiste tout à l'heure, que des tribunaux ont déjà déclaré qu'une organisation ne s'occupant que de sport n'est pas un organisme de charité aux termes de la définition précisée avec le temps par différents tribunaux. C'est une réalité juridique et je dois m'y conformer.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement, qui coupe sept milliards de dollars dans les services de santé, l'aide sociale et l'enseignement postsecondaire, a tout à coup trouvé 20 millions de dollars pour une bâtisse qui loge une équipe sportive professionnelle.

Pourquoi le ministre ne peut-il pas faire quelque chose de très simple? Il nous a donné une définition. Peut-il nous garantir que les Canadiens ne devront rien donner de plus que les 20 millions déjà engagés?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, nous avons déjà expliqué à quelques reprises au Parti réformiste que Calgary et Edmonton utilisent déjà des fonds du programme d'infrastructure pour leurs stades de hockey. Je trouve étrange que les réformistes exigent des règles différentes pour Winnipeg. Ils veulent que les choses soient faites différemment de ce qui se passe pour les deux villes albertaines qui reçoivent déjà de l'argent.

Quant à la question juridique, je ne peux pas donner l'assurance que je refuserai une demande qui me sera présentée. Toutes les demandes sont jugées selon leur mérite en droit. Cela ne plaît peut-être pas au député, mais, de ce côté-ci de la Chambre, nous respectons les lois.

* * *

L'EMPLOI DES JEUNES

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

Le gouvernement cherche à redonner confiance aux jeunes Canadiens et à mettre sur pied les initiatives promises dans le livre rouge. Les programmes à l'intention des jeunes, comme le Service jeunesse Canada et le programme d'apprentissage, donnent aux jeunes les outils dont ils ont besoin pour améliorer leur vie et celle de tous les membres de notre société.

Le ministre peut-il nous décrire certaines des mesures prises par le gouvernement pour veiller à ce que les jeunes Canadiens acquièrent une précieuse expérience de travail cet été?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, je tiens à signaler que nous avons grandement accru le budget réservé à la création d'emplois pour les jeunes cette année. Le budget de ce programme est passé de 193 millions de dollars à 236 millions, afin que nos jeunes puissent vraiment se trouver du travail intéressant.

Nous avons suffisamment d'argent pour créer environ 30 000 emplois et pour verser des subventions salariales aux sociétés privées et aux organismes communautaires. Nous avons beaucoup investi dans les prêts qui seront consentis aux étudiants qui veulent se lancer en affaires et partant, créer leur propre emploi. Une somme importante est également consacrée au Service jeunesse Canada cet été, afin que les jeunes puissent, au sein des municipalités, collaborer à la sécurité de la population et à l'assainissement du milieu.

En tout, les ressources fédérales serviront à créer plus de 50 000 emplois directs pour les jeunes. Cela prouve que nous voulons que les jeunes se trouvent non seulement du travail, mais un emploi qui leur permettra d'acquérir la formation dont ils auront besoin pour obtenir plus tard un poste permanent.

(1500)

Le Président: Voilà qui conclut la période des questions.

* * *

LA CHAMBRE DES COMMUNES

Le Président: J'ai le très grand plaisir de prende quelques minutes pour vous dire qu'il y a 507 parlementaires ayant servi à la Chambre qui sont maintenant à l'extérieur de celle-ci. Une fois par année, ils viennent à Ottawa pour rencontrer leurs anciens collègues, si vous voulez, les députés.

[Français]

Nous avons aujourd'hui de chaque côté et à l'extrémité de la tribune 133 de nos anciens parlementaires qui sont revenus chez nous.

[Traduction]

Au nom de la Chambre des communes, c'est avec plaisir, chers collègues parlementaires des années passées, que je vous souhaite la bienvenue et que je vous remercie des services que vous avez rendus au Canada.

Des voix: Bravo!

* * *

LA DÉSIGNATION D'UN DÉPUTÉ PAR SON NOM

Le Président: Chers collègues, nous avons affaire à un problème qui nous concerne tous. Pendant la période des questions, un député a utilisé le mot mentir dans une question.

Je considère que, dans ce contexte, le mot mentir est non parlementaire.

En vertu des pouvoirs qui me sont conférés, je demande au député de bien vouloir se rétracter. Le député retirera-t-il le mot mentir, oui ou non?

12903

M. Hoeppner: Non.

Le Président: M. Hoeppner, je dois vous désigner par votre nom pour avoir passé outre à l'autorité de la présidence.

Conformément aux pouvoirs qui me sont conférés par l'article 11 du Règlement, je vous ordonne de vous retirer de cette enceinte pour le reste de la séance.

[Note de l'éditeur: Et M. Hoeppner s'étant retiré:]

* * *

(1505)

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE

Le Président: Chers collègues, j'ai reçu du député de Red Deer un avis de demande de débat d'urgence.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, comme vous l'avez mentionné, le paragraphe 52(2) du Règlement permet aux députés d'invoquer le Règlement lorsqu'ils estiment qu'il est dans l'intérêt du Canada que nous débattions une question de façon urgente.

Pour les Canadiens, c'est certainement l'image du capitaine Patrick Rechner enchaîné dans cet entrepôt de munitions qui leur a donné le sentiment qu'il s'agit là d'une question urgente et qui les a amenés à réclamer des mesures. Pour eux, c'était comme l'image du GI qu'on traînait dans les rues en Somalie pour les citoyens américains.

Les Canadiens ont commencé à se faire entendre. D'après les sondages, la population nous demande, en tant que parlementaires. . .

L'hon. Gray (Leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Avec tout le respect que je vous dois, je veux attirer votre attention sur le paragraphe 52(3) du Règlement, qui dit ceci:

Le député qui demande l'autorisation de proposer une motion de ce genre. . .
C'est-à-dire pour un débat d'urgence.

. . .doit se lever de sa place et présenter, sans argument, l'énoncé dont il est question au paragraphe (2) du présent article.
Le paragraphe (2) dit ce qui suit:

Un député qui désire proposer une motion à l'effet «Que cette Chambre s'ajourne maintenant» en vertu des dispositions du présent article du Règlement doit remettre à l'Orateur, au moins une heure avant d'en saisir la Chambre, un énoncé par écrit de l'affaire dont il propose la discussion.
Je vous demande respectueusement, monsieur le Président, d'insister pour que le député respecte le Règlement de la Chambre.

Le Président: Le leader du gouvernement à la Chambre a tout à fait raison. J'ai reçu l'avis en question il y a une heure. Je demande donc au député de présenter sa demande dès maintenant.

M. Mills (Red Deer): Monsieur le Président, ce que j'essaie d'expliquer, c'est pourquoi vous devriez rendre une décision en faveur de la tenue de ce débat d'urgence. Je voudrais que vous m'indiquiez si je peux présenter des arguments expliquant pourquoi les Canadiens nous demandent de débattre cette question immédiatement.

(1510)

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je vous ai présenté une demande tout à fait identique, alors permettez-moi d'ajouter ma voix à celle du député. En conformité avec l'article 52 du Règlement, je vous demande s'il serait possible de débattre de la situation des Casques bleus sur le territoire de l'ex-Yougoslavie de façon urgente, ce soir, après l'ajournement quotidien.

On sait que le ministre des Affaires étrangères rencontrera ses homologues lors de la conférence de l'OTAN demain, et dans cette perspective, il est important que la Chambre puisse faire part au ministre de son point de vue.

Le débat devrait permettre de faire le point sur la situation, d'analyser et d'évaluer l'état de la situation et, enfin, de déterminer les conditions qui permettraient aux Casques bleus de rester en ex-Yougoslavie.

Il y va de l'intérêt public que les parlementaires puissent débattre de cette question avant d'être placés devant un fait accompli par le gouvernement. Compte tenu de l'importance des positions qui doivent être prises par le gouvernement, il nous apparaît essentiel qu'on a tout à gagner que ce Parlement débatte ce soir de cette question.

Le Président: Comme l'a dit mon collègue, oui, j'ai reçu une lettre du leader parlementaire de l'opposition officielle.

[Traduction]

Ce que j'aimerais faire maintenant, c'est examiner tout ce qui a été dit et tout ce qui a été fait sur ce sujet aujourd'hui. Je rendrai ma décision à la Chambre le plus tôt possible. Je le ferai aujourd'hui, avant la motion d'ajournement.

_____________________________________________


12903

AFFAIRES COURANTES

[Français]

LE RAPPORT DU BIBLIOTHÉCAIRE PARLEMENTAIRE

Le vice-président: J'ai l'honneur de déposer sur le Bureau le rapport annuel du bibliothécaire parlementaire pour l'exercice terminé le 31 mars 1994.

* * *

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 10 pétitions.


12904

[Français]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

LANGUES OFFICIELLES

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le deuxième rapport du Comité mixte permanent des langues officielles sur l'adoption du crédit 25, commissaire aux langues officielles, pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1996.

* * *

[Traduction]

PÉTITIONS

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition de la part de 25 Manitobains.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu de façon à accorder une déduction pour frais de garde d'enfants à toutes les familles, indépendamment du niveau de revenu des parents, du montant des frais de garde d'enfants encourus ou de la forme de garde choisie.

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions. La première est signée par 100 habitants de ma circonscription.

Ils demandent au Parlement de modifier immédiatement le Code criminel afin d'accorder aux enfants à naître la même protection dont jouissent les autres êtres humains.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition comporte 125 signatures.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de n'apporter à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte des droits et libertés aucune modification qui tendrait à indiquer que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité, et de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

L'AIDE AU SUICIDE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, la troisième pétition a également 100 signatures.

Les pétitionnaires prient le Parlement de ne pas abroger ou modifier l'article 31 du Code criminel et de respecter la décision de la Cour suprême du Canada du 30 septembre 1993 qui interdit l'aide au suicide ou l'euthanasie.

(1515)

LA JUSTICE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'ai le privilège et l'honneur de présenter une pétition au nom d'habitants de Kamloops, Clearwater, Barriere, Vavenby, Chase, Logan Lake, Little Fort, Birch Island, Blue River, Savona, Westwold et Cherry Creek qui porte à 87 422 le total des signatures recueillies pour la pétition qui a été lancée par le poste de radio JC-55 SuperCountry de Kamloops.

Essentiellement, cette pétition rappelle la nécessité que le ministre de la Justice prenne les mesures nécessaires pour modifier le Code criminel canadien et le système des libérations conditionnelles pour garantir la sécurité et la paix dans nos quartiers.

LES DÉLINQUANTS DANGEREUX

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour présenter une pétition provenant de citoyens inquiets au sujet de la sécurité de nos rues. Ils s'opposent à la pratique actuelle qui consiste à libérer les délinquants violents avant qu'ils n'aient fini de servir toute leur peine. Ils demandent à ce que nous rendions les rues plus sûres pour les citoyens respectueux de la loi et les familles des victimes des meurtriers condamnés.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter une pétition au nom d'environ 125 Canadiens. Ils soulignent qu'il existe, dans tout le Canada, de la discrimination à l'égard des lesbiennes, des gais et des personnes bisexuelles, et que c'est inacceptable dans un pays réputé pour défendre les droits de la personne, ainsi que le principe de l'égalité et de la dignité pour tous les citoyens. Les pétitionnaires demandent au Parlement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne de manière à interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et d'adopter des mesures pour reconnaître, au Canada, la pleine égalité des personnes de même sexe qui vivent ensemble.

* * *

[Français]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la question no 181 fera l'objet d'une réponse aujourd'hui.

[Texte]

Question no 181-Mme Beaumier:

En ce qui concerne le projet Cotisation 2000 de Revenu Canada, a) pourquoi prévoit-on un traitement différent dans le cas du transport en direction inverse avec charge autre que le chargement habituel à partir d'un entrepôt de douane à destination d'un entrepôt réel dans les cas où le ministère ne délivra pas une licence d'entrepôt réel, et b) quel est le seuil en ce qui a trait au volume des marchandises qui circulent pour la délivrance d'une licence d'entrepôt réel plutôt que d'une licence d'entrepôt de douane, lorsque tous les autres critères ont été satisfaits?
L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Un entrepôt d'attente des douanes de catégorie BW se veut une installation collective principale à laquelle Revenu Canada a

12905

accordé une licence pour permettre d'entreposer le fret importé par grand-route. Lorsqu'il est démontré qu'une nouvelle installation ou une installation additionnelle d'un entrepôt d'attente routier est un besoin existant dans un secteur des douanes, ces installations se voient accorder une licence et elles sont desservies par Revenu Canada.

Un entrepôt d'attente de catégorie CW est une installation complémentaire à l'usage personnel d'un exploitant pour le dégroupement du fret sous douane qui arrive par quelque mode de transport que ce soit. Dans le cas du fret transporté par grand-route, les marchandises doivent être déclarées à l'entrepôt d'attente principal de catégorie BW avant qu'il ne soit renvoyé à un entrepôt d'attente de catégorie CW pour obtenir la mainlevée des douanes. Ces installations sont exploitées par des expéditeurs de fret, des groupeurs et des dégroupeurs de fret transporté dans leur installation.

En ce qui a trait à la partie a) de la question, dans la région de Toronto, un nombre croissant d'entreprises ont fait la demande en vue d'obtenir une licence pour exploiter un entrepôt d'attente de catégorie CW. Devant faire face à des ressources comprimées, les fonctionnaires locaux de Revenu Canada ont mis sur pied un système pour permettre aux expéditeurs de fret de transporter, en direction inverse, les marchandises nécessitant qu'un examen soit effectué à un entrepôt d'attente de catégorie BW au lieu que Revenu Canada procure ce service à une installation de catégorie CW. Cette disposition a permis au ministère d'accorder une licence à d'autres entrepôts d'attente de catégorie CW puisqu'aucun service sur place n'est requis à des fins d'examen.

Pour ce qui est de la partie b) de la question, la politique permet qu'un seul agrément ne soit octroyé à un exploitant d'entrepôt d'attente routier de catégorie BW par secteur des douanes, à l'exception des emplacements où le volume est élevé. La politique existante du ministère stipule que l'on peut accorder une licence à une autre installation de catégorie BW si le volume de trafic commercial de grand-route à un bureau de douane particulier dépasse 40 000 expéditions par an, et ce, durant une période soutenue, et que l'exploitant potentiel démontre qu'il peut attirer non moins de 20 000 expéditions par an.

Il n'existe pas de critère à l'égard du volume d'affaires pour les installations de catégorie CW. Toutefois, le ministère doit pouvoir les desservir en tenant compte des niveaux de ressources existants.

[Français]

M. Milliken: Monsieur le Président, je suggère que toutes les autres questions soient réservées.

Le vice-président: Est-on d'accord?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

M. Collins: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je veux présenter une pétition.

Le vice-président: Les députés consentent-ils à ce que l'on revienne aux pétitions pour que le député puisse présenter sa pétition?

Des voix: D'accord.

* * *

PÉTITIONS

L'AIDE AU SUICIDE

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, en vertu de l'article 36 du Règlement, et au nom des habitants de ma circonscription, Souris-Moose Mountain, j'ai l'honneur de demander au Parlement de faire en sorte que les dispositions actuelles du Code criminel du Canada qui interdisent l'aide au suicide soient rigoureusement appliquées et de n'apporter à la loi aucune modification qui autoriserait l'aide ou l'encouragement au suicide, ou encore l'euthanasie active ou passive.

_____________________________________________


12905

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LA LOI SUR LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CANADA

La Chambre reprend l'étude de la motion.

M. Bernard Deshaies (Abitibi, BQ): Monsieur le Président, j'ai le loisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi C-91, présenté à cette Chambre pour la deuxième lecture.

Dans ce projet de loi, le gouvernement se donne comme objectif de rationaliser et de moderniser la Banque fédérale de développement, des mots adoptés sans doute à la réalité des marchés de la fin de ce siècle, mais qui ne trompent personne en ce qui concerne un des objectifs du gouvernement fédéral, c'est-à-dire de s'ingérer davantage dans le développement régional, et pour ce qui touche plus particulièrement au Québec, tout en augmentant sa présence dans les rouages les plus importants du développement économique de l'État québécois.

Le gouvernement procède à des changements majeurs en introduisant une loi totalement nouvelle, c'est-à-dire la Loi sur la Banque de développement du Canada, nouvelle dénomination de la Banque fédérale de développement, et abroge la loi sur celle-ci.

Ainsi, le Bloc québécois s'oppose à toute modification de la loi actuelle concernant la Banque fédérale de développement, celle-ci ne devant pas perdre son service bancaire de dernier recours pour le capital de risque et de développement aux PME du Québec.

Il est évident que la BFD, par le passé, fut un instrument de développement qui a fait ses preuves et fut grandement appréciée par les PME du Québec.

(1520)

Il faut noter que plus de 33 p. 100 des prêts en cours de la BFD se font au Québec et que 23 p. 100 des bureaux de la Banque sont


12906

situés sur le territoire du Québec. Le volume des prêts annuels faits par la BFD au Québec s'établit à 310 millions de dollars, soit 38 p. 100 du volume total canadien et 50 p. 100 du personnel de cette Banque se trouve impliqué au Québec.

C'est à ce titre que le Bloc québécois propose le statu quo en ce qui concerne la BFD. Il ne faut pas oublier que l'État québécois existe et qu'il tente de créer ses propres outils de développement économique, malgré la présence envahissante du gouvernement fédéral en matière de développement économique régional. La BFD demeure une structure parallèle, un dédoublement administratif, lorsqu'elle ne peut pas s'adapter aux spécificités régionales dues à des orientations dites nationales.

Plusieurs structures et programmes du gouvernement du Québec s'adressent déjà à la PME du Québec. La Société de développement industriel, avec des programmes tels que l'Aide à la production, dont la contribution peut atteindre jusqu'à 35 p. 100 des dépenses d'immobilisation pour un investissement minimum de 100 000 $, ou le programme Reprise de la PME, dans le cadre duquel il existe des garanties de prêt couvrant jusqu'à 80 p. 100 de la perte nette d'un prêt effectué par une entreprise financière, sont des exemples parmi tant d'autres qui confirment l'implication économique de l'État québécois auprès de la PME.

Il y a également le Fonds d'aide aux entreprises, administré par les Conseils régionaux de développement, une association de particuliers où les orientations spécifiques de ces mêmes régions peuvent être privilégiées. Il y a aussi les Fonds décentralisés de création d'emplois, administrés par le Secrétariat au développement des régions, et d'autres programmes pour les PME dont Innovation, administré par le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie du Québec, qui témoignent également d'une structure d'aide à la PME déjà existante dans la province de Québec.

En plus, dans son dernier Budget, le ministre des Finances de l'État québécois, M. Jean Campeau, entend jouer à profusion la carte du capital de risque en multipliant les fonds régionaux et en donnant naissance au Fonds de solidarité de la CSN. On avait déjà le Fonds de solidarité de la FTQ et avec un autre fonds de solidarité, nous pensons pouvoir créer beaucoup plus d'emplois. Parmi ces fonds régionaux, permettez-moi de mentionner le programme SOLIDE, un fonds de capital de risque créé dans le cadre du programme SOLIDEQ destiné à promouvoir le développement local, ce dernier étant une création conjointe du Fonds de solidarité du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comtés au Québec.

Je ne peux également m'empêcher de mentionner les caisses populaires Desjardins qui jouent un rôle important dans le financement de la petite entreprise en consentant des prêts au niveau de la collectivité locale. Un réseau de plus de 1 232 caisses populaires représentent près du quart des prêts commerciaux au Québec. Cela n'existe pas partout ailleurs au Canada.

Il n'est pas nécessaire ou utile de chercher plus d'exemples pour démontrer que la place de la nouvelle BFD ne se situe pas là, que l'élargissement du mandat de la Banque fédérale de développement prévu dans le projet de loi C-91 est un dédoublement des structures d'interventions gouvernementales auprès de la PME québécoise et de toutes les autres provinces au Canada et aussi un chevauchement de compétences.

La question qu'il faut se poser, en ce qui concerne le rôle de la BFD au Québec, est la suivante: comment intégrer le rôle de dernier recours de cette Banque aux structures d'aide déjà existantes au Québec, sans qu'il y ait dédoublements et chevauchements? Cette orientation serait une recherche positive d'un nouveau mandat. La BFD délaisse, depuis de nombreuses années, le financement par le capital de risque, l'aide à la création de nouvelles entreprises.

Dans les régions éloignées, où la capitalisation par la création de moyennes et grosses entreprises est souvent un problème insurmontable, la BFD avait sa place. Alors, pourquoi saborder cette aide essentielle aux régions éloignées pour aller concurrencer les gouvernements provinciaux et les institutions bancaires conventionnelles?

En introduction du rapport dissident des députés du Bloc québécois membres du Comité permanent de l'industrie sur l'accès au financement pour les PME, il est affirmé, et je cite:«. . .que le gouvernement du Québec est le mieux placé pour reconnaître les besoins de financement des PME, pour élaborer des programmes et pour les mettre en oeuvre. Or, le gouvernement fédéral occupe actuellement une grande partie de ce champ, causant ainsi de nombreux et de coûteux dédoublements.» Il est évident qu'avec son projet de loi C-91 concernant un élargissement du mandat de la BFD, le gouvernement fédéral ne fait que confirmer cette tendance.

(1525)

Dans un autre ordre d'idées, il faut dire que l'effet que pourrait avoir le projet de loi est fort inquiétant quant au maintien du rôle de la BFD comme instrument de développement économique. La Banque n'étant plus confinée dans son rôle de prêteur de dernier recours, celle-ci pourrait maintenant offrir du financement complémentaire.

Le danger est bien sûr que la BFD oriente, par facilité, davantage son activité vers le financement complémentaire plutôt que le financement de dernier recours sous forme de capital-actions ou de capital de risque. Le risque des prêts dans le financement complémentaire étant meilleur, la BFD serait portée naturellement à orienter ses activités vers ce type de financement.

L'élargissement du mandat de la BFD combiné à la possibilité qu'elle aura désormais d'émettre des instruments financiers hybrides pour le financement de son capital sont de nature à créer une distorsion dans son rôle d'appui au développement économique et à dénaturer la philosophie de son mandat.

Avant de terminer, j'aimerais attirer l'attention sur les articles 20 et 21 du projet de loi C-91 qui sont tout à fait inacceptables pour les provinces et en particulier pour le Québec. L'article 20 propose que la BFD puisse conclure des accords et je cite:«. . .avec les organismes ou ministères provinciaux et agir comme mandataire de ceux-ci pour la prestation de services ou de programmes, en leur nom.»


12907

Cette mesure contenue dans le projet de loi va à l'encontre du mouvement de décentralisation entrepris par l'État québécois sur son territoire où les régions veulent définir l'orientation de leur développement.

À l'aide de cet article, le gouvernement fédéral poursuit sa stratégie centralisatrice, une stratégie politique dont l'objectif est de limiter considérablement le pouvoir d'intervention de l'État québécois en matière de développement économique et ultimement de l'empêcher d'atteindre un statut politique autonome.

En s'arrogeant le droit d'agir comme mandataire auprès des organismes ou ministères de l'État québécois à travers la BFD, le gouvernement fédéral ignore totalement l'autorité de l'Assemblée nationale du Québec et sa Loi du conseil exécutif qui prévoit que tout organisme ou ministère du gouvernement québécois doit avoir l'assentiment de ce dernier avant de transiger avec le gouvernement fédéral.

La Banque fédérale de développement, c'est-à-dire la Banque du développement du Canada sous sa nouvelle appellation, telle que définie dans le projet de loi C-91, est désormais la pièce maîtresse de l'ingérence du fédéral au Québec en matière de développement économique et régional. Le gouvernement fédéral veut jouer un rôle de banquier et prendre la place des institutions financières québécoises et canadiennes.

Pour terminer rapidement, cela est carrément un détournement du mandat actuel de la BFD. On veut utiliser la Banque fédérale de développement comme outil pour restreindre les pouvoirs de l'État québécois en matière de développement économique et régional, pour s'adjuger des compétences qui lui reviennent, en somme pour affaiblir l'autonomie du gouvernement québécois.

Voilà pourquoi le Bloc québécois s'oppose au projet de loi C-91 et suggère le statu quo actuel si le gouvernement ne veut pas donner de nouvelles orientations qui pourraient favoriser vraiment le développement régional et la prise en main par les régions de leur choix de développement.

[Traduction]

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais faire quelques observations au sujet du projet de loi C-91 avant que la mesure législative ne soit renvoyée au Comité permanent de l'Industrie.

[Français]

Cette nouvelle loi permettra à la Banque de développement du Canada d'augmenter ses activités et de dispenser des programmes ainsi que des services qui répondent aux besoins changeants des petites entreprises canadiennes, notamment en matière d'amélioration de l'accès au financement.

[Traduction]

Voilà 20 ans que l'actuelle Banque fédérale de développement a été créée en vertu d'une loi du Parlement. Lorsqu'il a évoqué à la Chambre la création de la BFD, le député de Windsor-Ouest a dit que cette mesure allait contribuer encore à l'instauration et au développement de la petite entreprise canadienne. C'est effectivement le cas. La banque a prêté plus de quatre milliards de dollars à des entrepreneurs canadiens, sans qu'il en coûte un sous au contribuable, ce qui aura permis de créer plus de 30 000 emplois au cours des six dernières années seulement.

(1530)

Les députés n'ignorent pas le rôle important que la PME joue dans l'économie basée sur la connaissance qui est apparue dans les années 90, économie caractérisée par de rapides changements technologiques, une vive concurrence mondiale et l'innovation.

L'économie devenant mondiale, les intervenants plus modestes ont de plus en plus de l'importance. Les petites entreprises ont la flexibilité nécessaire pour réagir rapidement lorsqu'il s'agit de trouver des débouchés; elles peuvent s'adapter au changement et se montrer très novatrices. Cela, le Comité permanent de l'industrie l'a bien résumé dans son rapport, publié en octobre dernier et intitulé Pour financer le succès de la PME: «On peut soutenir que la petitesse, loin d'être un handicap, est carrément un avantage parce qu'il est plus facile de stimuler l'innovation et de nourrir l'esprit d'entreprise dans une petite compagnie que dans une grande. D'ailleurs, parmi les économies les plus prospères et les plus concurrentielles du monde d'aujourd'hui, plusieurs reposent sur la petite entreprise.»

Au Canada on compte actuellement environ deux millions de petites entreprises, soit un tiers de plus par rapport à 1982. À l'heure actuelle, 99 p. 100 des entreprises enregistrées ont moins d'une centaine d'employés. Depuis 1982, et plus particulièrement ces trois dernières années, la PME est responsable de la création de presque tous les nouveaux emplois. Les Canadiens continueront de miser sur la PME pour la création d'emplois et la croissance économique. Les petites et moyennes entreprises, y compris les travailleurs autonomes, représentent actuellement près des deux tiers des emplois du secteur privé et 60 p. 100 de notre production économique.

Cependant, les petites entreprises sont confrontées à des défis sans précédent. Face à une concurrence mondiale intense, les petites entreprises doivent améliorer leurs compétences en gestion, trouver des employés ayant la bonne combinaison de compétences pour leur créneau, mettre au point ou acquérir de la technologie qui les aide à innover, ainsi que développer très rapidement la capacité de rejoindre les marchés étrangers.

Le gouvernement règle les problèmes des petites entreprises de bien des façons. J'ai signalé que nous accordions beaucoup d'importance à la nécessité de relever les défis que doivent surmonter les petites entreprises. Nous avons fait de ce type d'entreprises le centre de notre programme économique dans le livre rouge. Nous avons publié un document d'orientation intitulé Pour l'essor de la petite entreprise, qui accompagnait le budget 1994. Depuis, tout un éventail de sources bien informées au sein du gouvernement, du secteur privé et des groupes parlementaires ont apporté une contribution importante en ce qui concerne les questions touchant les petites entreprises.

Il y a eu de nombreuses discussions au sein de notre caucus libéral fédéral, le ministère fédéral de l'Industrie a établi un groupe de travail, de concert avec le secteur privé, et on a pris certaines initiatives au sein du ministère de l'Industrie. Dans toutes ces études, plusieurs thèmes sont revenus sur le tapis. On a notamment répété que la petite entreprise offrait toutes sortes de possibilités encore inexploitées pour ce qui est de créer des emplois et d'accroître la richesse. On s'est également entendu pour dire que le gouvernement devait faciliter les efforts que des


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gens de l'extérieur du gouvernement déploient pour bâtir une économie innovatrice et marquée au coin de l'esprit d'entreprise. Enfin, les diverses études nous ont fait comprendre qu'il fallait que les programmes gouvernementaux deviennent plus efficients, plus efficaces et plus conformes aux besoins des petites entreprises.

Le gouvernement a réagi par l'entremise des initiatives annoncées dans le budget 1995 et dans le rapport intitulé L'innovation: La clé de l'économie moderne. Ce projet de loi n'est pas une mesure isolée, mais s'inscrit dans le cadre de toute une série d'initiatives destinées à donner aux petites entreprises la possibilité de faire ce que le secteur privé fait le mieux, c'est-à-dire assurer la croissance de l'économie, ouvrir de nouveaux débouchés et créer de nouveaux emplois pour les Canadiens.

Depuis sa création, la Banque fédérale de développement a été conçue pour aider à profiter des possibilités qu'offraient les petites entreprises pour ce qui est de créer des emplois, ainsi que de la richesse, et elle l'a fait tout en autofinançant ses activités. On a rédigé ce projet de loi de façon à ce que la nouvelle Banque de développement du Canada puisse devenir plus efficiente et plus efficace et répondre encore mieux aux besoins des petites entreprises.

La banque ne concurrencera pas les établissements privés de crédit, mais elle offrira des services complémentaires.

(1535)

Les institutions bancaires du secteur privé ont encore beaucoup à faire pour répondre adéquatement aux besoins de la petite et moyenne entreprise. Le financement de la petite entreprise comporte quatre lacunes. La première est celle du risque: certains établissements de crédit sont réticents à accorder des prêts à certaines petites entreprises, même à des taux qui tiennent compte du risque plus élevé associé à ces prêts. La deuxième lacune est celle de l'importance du prêt: les frais de transaction liés à des prêts et investissements modestes sont élevés comparativement à ceux des prêts et investissements considérables. La troisième lacune est celle de la connaissance: les établissements de crédit hésitent à prêter à des entreprises fondées sur les connaissances et ayant des avoirs moins solides. La quatrième lacune est celle de la souplesse: les prêteurs sont réticents à fournir un financement dont les conditions sont souples à des entreprises prometteuses qui ne disposent pas encore d'une marge d'autofinancement suffisante pour assurer le service de leur dette.

La Banque fédérale de développement est l'un des principaux outils d'intervention dont le gouvernement s'est doté pour combler ces lacunes et répondre aux besoins de la petite entreprise en services de gestion.

Il est important que nous donnions rapidement suite au projet de loi. Je ne crois pas qu'il y ait un seul député à qui des propriétaires de petites entreprises de sa circonscription ne disent régulièrement que l'obtention de prêts et de financement bancaires et les rapports avec les banques sont pour eux un problème de taille. Ces rapports ont cependant marqué un changement notable. Qu'il s'agisse d'une petite entreprise qui existe depuis de nombreuses années, mais qui est tout à coup confrontée à une situation différente en raison d'une économie instable, ou d'un entrepreneur qui veut se lancer en affaires, mais qui a besoin d'une base pour le faire, les problèmes dont nous font part nos électeurs, notamment de nombreuses petites entreprises d'Ottawa-Ouest, portent avant tout sur le financement, soit pour le démarrage, le maintien ou l'expansion des entreprises.

Le projet de loi, qui conférera une plus grande flexibilité à la Banque fédérale de développement sous sa nouvelle dénomination et lui permettra de rechercher de nouveaux partenariats, fera en sorte que les petites entreprises pourront continuer à orienter l'économie canadienne et la faire entrer dans le XXIe siècle. En appuyant les petites entreprises tout au long de leur développement, la BFD les aide à créer des emplois et à prospérer. Désormais connue sous la dénomination de Banque de développement du Canada, elle aura plus de flexibilité pour répondre aux besoins changeants des entrepreneurs canadiens.

Je crois que le Comité de l'industrie permettra la tenue d'un bon débat sur ce projet de loi et en fera rapidement rapport à la Chambre des communes, de sorte que nous pourrons aller de l'avant et aider les petites entreprises du Canada à favoriser la croissance de notre économie et de notre prospérité.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés.

Le vice-président: Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

[Traduction]

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Je demande que le vote soit reporté à demain, 17 h 30.

Le vice-président: Le vote par appel nominal sur la motion proposée est différé.

* * *

LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 19 mai, de la motion: Que le projet de loi C-82, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.


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(1540)

[Français]

Le vice-président: Lorsque nous avons étudié le projet de loi C-82 la dernière fois, il restait 12 minutes de débat à l'honorable député d'Edmonton-Sud-Ouest.

[Traduction]

M. Elwin Hermanson (Kindersley-Lloydminster, Réf.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur aujourd'hui d'aborder le projet de loi C-82, loi autorisant la Monnaie royale canadienne à émettre une pièce de deux dollars. Cette pièce remplacerait le billet de deux dollars.

La Monnaie royale canadienne affirme que, selon un sondage qu'elle a effectué, les Canadiens appuieraient son projet visant à remplacer le billet de deux dollars par une pièce de deux dollars. Elle soutient que cette mesure fera économiser 250 millions de dollars aux contribuables canadiens. Cela peut paraître bizarre que les réformistes s'opposent à une mesure de réduction des coûts, mais je ne crois pas qu'on ait examiné toutes les facettes de la question lorsqu'on a mené cette enquête. On dirait presque qu'il s'agit d'un sondage truqué. De toute évidence, le billet de deux dollars est coûteux parce que sa durée de vie utile est courte. Cependant, les responsables du sondage ont omis de poser bien des questions, notamment: les Canadiens sont-ils en faveur de l'émission d'un billet ou d'une pièce de deux dollars? A-t-on besoin d'un billet ou d'une pièce de cette valeur? En fait, si nous éliminions le billet de deux dollars sans le remplacer par une pièce de deux dollars, nous économiserions bien davantage. Toutefois, je ne crois pas que cette option ait été mentionnée dans le sondage sur lequel se fonde la Monnaie royale canadienne.

Je pense donc qu'il convient de ne pas adopter trop rapidement ce projet de loi. Il faudrait plutôt signaler les lacunes du sondage et étudier la question plus à fond.

Auparavant, je suis très surpris que le gouvernement fasse de cette question, l'émission d'une pièce de deux dollars, l'une de ses priorités et qu'il l'inscrive parmi les grands éléments de son programme législatif. On n'a pu obtenir le consentement unanime de la Chambre pour tenir un débat sur la situation en Bosnie. J'imagine que les députés d'en face ont conclu qu'un débat sur l'émission d'une pièce de deux dollars était plus important que nos préoccupations au sujet des Casques bleus en Bosnie, puisque ce projet de loi est inscrit à l'ordre du jour et que nous en sommes saisis au lieu de discuter des fonctions qu'exercent nos troupes dans une situation très inquiétante.

On aurait cru que le gouvernement se serait empressé de faire adopter au comité et à la Chambre le projet de loi concernant l'intoxication volontaire, de telle sorte que nous puissions en débattre. Plusieurs projets de loi visant à modifier le Code criminel ont été déposés par le gouvernement, il y a déjà des mois de cela. Toutefois, le gouvernement semble disposé à faire traîner les choses jusqu'à la toute fin de la session. Il doit vouloir faire adopter ce projet de loi à toute vapeur à la fin de la session pour essayer d'éviter que ses projets de loi n'obtiennent une exposition médiatique.

Nous en sommes presque aujourd'hui à la fin du mois de mai et à quelques jours près de la fin de la session et voici que nous débattons l'émission d'une pièce de deux dollars. Je me demande ce que les Canadiens pensent ici des priorités du gouvernement fédéral. On penserait qu'il importe davantage d'équilibrer un budget que de frapper de nouvelles pièces de monnaie. Cela ne fera que plus d'argent perdu. Il est vraiment étrange que nous débattions l'émission d'une pièce de deux dollars.

On a beaucoup discuté de ce qui figurerait sur cette pièce de monnaie, mais j'y reviendrai peut-être plus tard au cours de mon allocution. Toutefois, je veux dire quelques mots au sujet du sondage qu'a mené la Monnaie royale canadienne. Quelque 80 p. 100 des participants au sondage se sont dits en faveur du remplacement du billet de deux dollars par une pièce de deux dollars. Toutefois, je le répète, ce résultat n'a été atteint qu'une fois qu'on a dit aux contribuables canadiens que cela leur ferait épargner 250 millions de dollars.

Nous, réformistes, ne doutons pas que le gouvernement épargnera 250 millions de dollars, sur plus de 20 ans, soit dit en passant, mais nous regrettons que le gouvernement libéral ne prenne pas le temps d'examiner plus particulièrement ce que cela coûtera au secteur privé. De temps en temps, le gouvernement sert en paroles la cause du secteur privé et dit appuyer ce dernier, mais lorsque vient le moment décisif, les actes sont plus éloquents que les paroles. Encore une fois, le gouvernement libéral fait une proposition qui coûtera très cher au secteur privé.

Mon collègue, le député d'Elk Island, a cité beaucoup des divers groupes qui n'ont pas été consultés dans le cadre de ce sondage et qui étaient contre le projet de loi. Les exploitants de machines distributrices vont absorber le gros du coût de cette mesure, car les machines distributrices fonctionnent avec des pièces de monnaie. La transformation des distributeurs automatiques pour qu'ils acceptent les pièces de 2 $ coûterait jusqu'à 800 $ par appareil. Ce sont des coûts supplémentaires pour le secteur privé, pour les petites entreprises du Canada.

(1545)

Que feront les petites entreprises de ces coûts supplémentaires? Vont-elles les absorber, accusant du même coût une baisse de leurs bénéfices? J'en doute fort. Les entreprises sont en général plus futées que cela. Elles répercuteront sans doute ce coût sur les consommateurs. Ce sera encore les mêmes qui paieront. Les consommateurs et contribuables paieront non seulement pour la fabrication de cette pièce, mais encore ils assumeront les coûts supplémentaires répercutés par les propriétaires des distributeurs.

Il est intéressant de constater que des fabricants de boissons gazeuses comme Pepsi et Coca Cola sont furieux à propos des changements. Les propriétaires de distributeurs n'ont pas encore transformé toutes leurs machines pour le huard. Il y a huit ans que le huard a été mis en circulation. Tous les distributeurs ne sont pas encore en mesure de l'accepter et voilà qu'on propose maintenant de frapper une pièce de 2 $ et d'obliger les propriétaires de distributeurs à transformer leurs machines pour qu'elles acceptent la nouvelle pièce.

L'Association des banquiers canadiens a certaines préoccupations. Je sais qu'un de nos vis-à-vis a été lié à cette association. L'ABC pense que la mise en circulation de la nouvelle pièce de 2 $ va lui poser de réels problèmes. Elle estime qu'à l'heure actuelle les banques ont, dans leurs chambres fortes, un surplus de huards se chiffrant entre 30 et 50 millions. Cela représente


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beaucoup d'argent. Si ces huards étaient remis en circulation, nous n'aurions pas besoin d'une pièce de 2 $.

Heather Sinclair, présidente de l'Association des banquiers canadiens, est d'avis que la remise en circulation du surplus de huards fournirait toutes les pièces nécessaires après le retrait des billets de 2 $. Nous pourrions faire économiser bien plus que 250 millions de dollars aux contribuables canadiens si nous examinions la question plus attentivement et si nous prenions la bonne décision. Le coût de ce sondage a été d'environ 20 000 $. C'est une honte d'avoir dépensé cette somme pour un sondage qui était incomplet et qui pourrait nous amener à faire des conclusions erronées.

Dans le sondage, la Monnaie royale a également demandé aux Canadiens quelles étaient les 10 images qu'ils aimeraient voir apparaître du côté pile de la pièce. C'est une intéressante question à poser aux Canadiens. Je puis m'imaginer quelques réponses. Je suppose que des personnalités politiques décédées figurent sur la liste, tout comme des héros, des animaux et des paysages. Je me demande si quelqu'un a proposé de mettre le portrait de Brian Mulroney sur la pièce. Personne ne l'utiliserait dans ce cas-là. Ce serait le symbole de la malchance, du mauvais goût, et je suppose que la question serait réglée d'un seul coup et que la pièce ne serait pas émise.

Il semble que le gouvernement veuille frapper une nouvelle pièce de 2 $ et que le projet de loi sera adopté par la voie normale. Les libéraux feront bloc et, comme de petites machines à voter, ils se prononceront en faveur du projet de loi sans y réfléchir trop longtemps, puis, nous aurons notre pièce de 2 $.

Différents groupes ont proposé des modèles pour la nouvelle pièce. Certains sont très acceptables, d'autres méritent d'être évalués et d'autres encore font sourire car il serait étonnant que les Canadiens veuillent voir les dessins présentés sur la nouvelle pièce de 2 $. Apparemment, Glendon, en Alberta, a proposé comme modèle l'emblème de la ville qui est un pirogui géant sur une fourchette géante. Ce serait magnifique. On a aussi parlé d'une grosse boîte d'huile suggérée par quelqu'un de Rocanville, en Saskatchewan. J'ignore si le modèle a officiellement été proposé, mais il mériterait d'être pris en considération. Il y a aussi l'oeuf de Pâques ukrainien de Végréville. Je suis convaincu que si l'ancien ministre des Finances était parmi nous, c'est ce qu'il proposerait.

J'ai pensé à un magnifique symbole canadien, probablement le plus gros éléphant blanc du Canada, l'aéroport de Mirabel. Je ne sais trop comment on pourrait représenter cet aéroport sur une pièce de 2 $, mais je suis convaincu que notre ancien premier ministre, M. Trudeau, serait heureux de voir cet éléphant blanc sur une pièce de 2 $ pour rappeler son grand projet, probablement aujourd'hui l'aéroport le plus sous-utilisé du Canada.

Nous savons que le ministre des Travaux publics étudie certains modèles pour la pièce. Peut-être optera-t-il pour une cloche, je ne sais trop. Peut-être le ministre des Pêches choisirait-il un flétan. Si c'était le cas, ce ne serait certainement pas un petit poisson. Le ministre insisterait sans aucun doute pour que ce soit un flétan pubère. Ce ne serait que raisonnable.

(1550)

Nous savons que le gouvernement libéral va introduire cette nouvelle pièce de 2 $. Il est peu probable qu'il change d'idée. Il semble décidé à aller de l'avant. J'ai pensé sérieusement que, si la Chambre décide, contre mon gré, de frapper une nouvelle pièce de 2 $ sans tenir compte du coût, il serait peut-être temps d'avoir un symbole représentant les Prairies sur cette nouvelle pièce. Je dis cela parce que les Prairies ont trop souvent été délaissées malgré la place importante qu'elles occupent dans le pays. Comme mon collègue de Lethbridge l'a mentionné, nous apportons une contribution considérable à l'économie nationale. Les Canadiens ont beaucoup d'estime pour les Prairies et il conviendrait qu'on ait un symbole représentant cette région sur la nouvelle pièce de 2 $, si cette mesure était adoptée par la Chambre.

Je suis certain que même mes collègues de l'Ontario, du Québec, des provinces de l'Atlantique et de notre province maritime de l'Ouest se rendent compte qu'ils ont eu leur juste part de symboles sur notre devise. Il serait peut-être temps de montrer notre reconnaissance envers la région des Prairies.

J'ai une proposition dont j'aimerais parler à la Chambre. Je propose qu'on frappe l'image d'un cerf de Virginie sur la nouvelle pièce de monnaie. Cette espèce est très répandue dans les Prairies. Elle est l'une des principales espèces de gibier dans la région. Ces cerfs sont encore abondants partout dans les Prairies, et l'on en trouve aussi dans le nord de l'Ontario et du Québec.

Ce sont de beaux animaux. Ils font la joie des sportifs, des photographes, des artistes et des amants de la nature. Ils symbolisent l'histoire de notre pays et le développement de la région des Prairies. Ils étaient un moyen de subsistance pour les peuples autochtones bien avant que les blancs ne découvrent cette région.

Ils ont joué un rôle important pour les pionniers qui se sont installés dans cette région à la fin du XIXe siècle. Ils constituent une espèce très appréciée dans les Prairies.

À titre d'information, la chasse au cerf de Virginie rapporte plus d'argent à la Saskatchewan que toute autre activité dans le secteur de la chasse et de la pêche. Le ministère de l'Environnement et de la Gestion des ressources de la Saskatchewan estime que, à elle seule, la vente de permis de chasse au cerf rapporte 800 000 $ par année à la province et que trois millions de dollars de plus sont injectés dans l'économie de la province chaque année par les chasseurs venant d'autres provinces ou d'autres pays.

En 1993, un de mes électeurs, M. Milo Hansen de Biggar, en Saskatchewan, une localité progressiste située dans la circonscription de Kindersley-Loydminster, a eu la chance de tuer un cerf de Virginie dont la taille constituait un record mondial. Le dernier record avait été remporté au Nebraska en 1914.

M. Hansen a accompli là un exploit remarquable. Il est devenu célèbre dans cette partie du monde qui est la mienne et mérite qu'on le fasse connaître dans toute la nation. Depuis l'exploit de M. Hansen, la chasse a pris de l'essor et un plus grand nombre de chasseurs américains viennent au Canada.


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Une nouvelle pièce de deux dollars représentant le chevreuil de M. Hansen serait une façon appropriée de commémorer cet exploit salué mondialement de cet habitant de ma circonscription.

Les raisons pour lesquelles un symbole des Prairies devrait orner la nouvelle pièce de monnaie sont historiques. Si d'autres régions du Canada ont été représentées sur nos pièces de monnaie par le passé, les Prairies ne l'ont jamais vraiment été. Ainsi, la feuille d'érable qui orne le cent et le castor qui orne celle de cinq cents représentent principalement le centre du Canada. Le voilier qui orne la pièce de 10 cents, le beau et célèbre Bluenose, représente la région atlantique. L'orignal sur la pièce de 25 cents et le huard sur le dollar représentent le bouclier canadien au nord. Orner la nouvelle pièce de deux dollars d'un symbole des Prairies permettrait d'équilibrer la représentation des régions sur les pièces de monnaie nationales.

Je crois comprendre que la Monnaie royale a tenu des consultations publiques sur la nature de la nouvelle pièce de monnaie et que l'option de maintenir la tradition de représenter la faune et la flore canadiennes est très populaire. La Chambre peut être sûre que la ville de Biggar, en Saskatchewan, ainsi que de nombreux autres députés de la Saskatchewan et des Prairies appuient cette proposition.

Le chevreuil de Hansen est vraiment un grand exploit canadien. Je propose donc que la nouvelle pièce soit frappée à l'image d'un cerf de Virginie qui ressemble le plus possible au trophée de Hansen. J'ai une affiche dans mon bureau. Si des députés veulent admirer ce bel animal, qu'ils n'hésitent pas à passer me voir. Je serais très heureux et très fier de leur montrer ce beau spécimen.

J'ai été quelque peu facétieux dans certaines de mes remarques au sujet des images qui auraient pu orner la pièce. Nous ne devrions vraisemblablement pas frapper la pièce avant d'être absolument sûrs que les Canadiens comprennent bien toutes les options.

Si un tel dialogue n'est pas permis et si la Monnaie royale donne suite à ce projet une fois celui-ci approuvé par la Chambre, je demanderais dans un premier temps à la Chambre, à la Monnaie royale canadienne et au ministère des Travaux publics d'envisager sérieusement d'orner la pièce d'un symbole des Prairies. Et si cette idée plaît aux Canadiens, aux députés et à la Monnaie royale-et j'espère qu'elle leur plaira-je demanderais, dans un deuxième temps, que l'on envisage sérieusement de frapper la nouvelle pièce de monnaie de deux dollars à l'image du chevreuil de Hansen.

(1555)

[Français]

M. Réginald Bélair (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'ai écouté les propos de mon collègue de Kindersley-Lloydminster.

Tout d'abord, j'aimerais lui rappeler que lors de la dernière campagne électorale et dans notre livre rouge, nous nous étions engagés à réduire le déficit et nous croyons qu'avec la présentation de cette nouvelle pièce de deux dollars, nous réaliserons quand même des profits extrêmement intéressants de l'ordre de 250 millions de dollars.

Je suis un peu confus parce que, depuis leur arrivée au Parlement, les députés du Parti réformiste s'acharnent à nous dire que nous devons couper de toutes les façons. Cela me dépasse un peu d'entendre ce député ainsi que celui de Elk Island nous dire «oui, mais. . .». Le député de Elk Island s'est même aventuré à dire que le Parti réformiste irait même jusqu'à voter contre ce projet de loi. Cela me dépasse et j'aimerais d'autres explications de la part de mon collègue.

Quant aux machines distributrices, il faut mentionner que ce ne sera pas une obligation pour les propriétaires de ces machines de s'adapter tout de suite à la nouvelle loi qui sera adoptée et à la nouvelle pièce.

Il faut dire aussi que les propriétaires de machines distributrices saisiront sûrement l'opportunité pour avoir une possibilité d'augmenter leurs profits puisque cette pièce de deux dollars permettra d'offrir des repas complets, c'est-à-dire des repas qui coûteront un peu plus cher. Avec la nouvelle technologie, il sera possible d'avoir des repas chauds, comme on pourra avoir de plus gros repas réfrigérés.

Je demande à mon honorable collègue, en toute justice, pour les Canadiens et les Canadiennes qui nous écoutent, de bien vouloir commenter les propos que je viens de tenir.

J'aimerais dire aussi que lors du sondage qui a été effectué pour cette pièce de deux dollars, à la première question, les chiffres indiquaient une proportion à peu près égale de 50-50 sur le choix ou le désir des Canadiens d'avoir cette pièce de deux dollars. À la deuxième question, lorsque l'on disait que l'on économiserait 250 millions de dollars échelonnés sur une période de 20 ans, les chiffres montaient assez fortement jusqu'à 79 p. 100. J'aimerais avoir des commentaires de mon collègue sur cette question.

[Traduction]

M. Hermanson: Monsieur le Président, je voudrais remercier mon collègue de Cochrane-Supérieur de sa question. Je pense avoir répondu en partie à cette question dans mon discours, mais je suis heureux de pouvoir repasser en revue certains des éléments avec le député.

Comme je le disais dans mon discours, on n'a pas considéré toutes les options dans cette enquête. On aurait dû demander aux Canadiens s'ils estimaient nécessaire d'avoir une dénomination de deux dollars. Peut-être qu'on pourrait éliminer le billet de deux dollars, qui est coûteux, mais ne pas le remplacer par une pièce de deux dollars. Peut-être que dans cinq ans, avec l'inflation, on va recommander une pièce de cinq dollars. Il faudra alors modifier de nouveaux toutes les machines distributrices, frapper une nouvelle pièce et reprendre tout le processus.

Ce dont nous devrions parler, c'est des moyens d'économiser le plus d'argent possible aux contribuables canadiens. Je dirais que nous devrions envisager la nécessité d'une pièce ou d'un billet de deux dollars. Si l'on établit que cette dénomination n'est pas nécessaire, alors nous aurons économisé 250 millions de dollars. C'est ce que j'essayais de faire comprendre aux députés de l'autre côté, mais encore aurait-il fallu qu'ils écoutent un peu plus attentivement.

(1600)

Une autre chose que nous devrions envisager, c'est la nécessité de la pièce d'un cent. Les sous sont extrêmement coûteux. Nous continuons à frapper des sous parce que les gens les

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thésaurisent. Ils les mettent dans des bocaux et ils ne circulent pas. C'est encore pire que pour le huard qui, apparemment, est stocké dans des coffres-forts. Il y en a des millions.

_____________________________________________

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AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LA BOSNIE-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Chers collègues, pardonnez-moi d'interrompre la réponse. Le député aura évidemment la parole lorsque nous aurons terminé.

Je suis prêt à répondre aux députés de Red Deer et de Roberval qui ont demandé, plus tôt aujourd'hui, un débat d'urgence.

J'ai écouté attentivement les députés de Red Deer et de Roberval qui, en vertu de l'article 52 du Règlement, demandaient qu'un débat d'urgence ait lieu sur la crise en Bosnie-Herzégovine. J'ai décidé que les deux demandes sont conformes aux exigences de l'article 52 du Règlement et, par conséquent, un débat d'urgence aura lieu ce soir à 20 heures.

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement.

Les partis à la Chambre ont discuté de la question avant que la présidence ne rende sa décision. Je crois que la Chambre consentirait à l'unanimité à ce que le débat commence à 18 h 30 au lieu de 20 heures et à ce qu'il se termine à 22 h 30 au lieu de minuit. Nous consacrerions ainsi la période habituelle de quatre heures au débat d'urgence, mais nous pourrions commencer immédiatement après l'ajournement, à 18 h 30.

Monsieur le Président, si vous proposez cet horaire à la Chambre, vous constaterez que, dans un esprit de coopération, les partis se sont déjà entendus à ce sujet et ils consentiront à commencer et à terminer le débat aux heures que je viens de mentionner.

Le Président: Chers collègues, vous avez entendu les explications du whip du gouvernement. Consent-on à l'unanimité à commencer le débat à 18 h 30 aujourd'hui et à le terminer à 22 h 30?

Des voix: D'accord.


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LA MONNAIE ROYALE CANADIENNE

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-82, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Hermanson: Monsieur le Président, je répondais à la question du député et je parlais de la pièce d'un sou. Je disais que nous devrions vraiment nous demander si nous avons besoin de la pièce d'un sou parce que ces pièces coûtent extrêmement cher aux Canadiens étant donné qu'ils les accumulent.

Le véritable problème à propos de la pièce d'un sou et des raisons qui font que nous en avons besoin est plutôt paradoxal. Il tient à la TPS, qui augmente de 7 p. 100 le prix de tous les articles. Les libéraux avaient promis d'éliminer la TPS. Je suis sûr que les détaillants et les entreprises de tout le pays seraient ravis d'utiliser, comme plus petite pièce, la pièce de cinq sous et de nous voir nous débarrasser de la pièce d'un sou. Mais comment ne pas ajouter la TPS aux articles de 39 cents ou de 59 cents? Si le gouvernement avait éliminé la TPS, comme il l'avait promis, nous pourrions peut-être songer à éliminer non seulement le billet de 2 $ mais aussi la pièce d'un sou et ainsi faire économiser beaucoup plus que 250 millions de dollars aux consommateurs et aux contribuables canadiens.

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le Président, je crois savoir que frapper une pièce bimétallique de deux dollars exige une nouvelle technologie. Selon moi, ce serait là un énorme avantage. La Monnaie royale canadienne et des fournisseurs canadiens collaborent ensemble pour obtenir des contrats de fabrication de pièces de monnaie étrangères bimétalliques.

J'aimerais que le député explique les avantages et les sources de recettes que cette activité pourrait représenter.

M. Hermanson: Monsieur le Président, j'ai essayé de suivre la question posée, mais j'en ai manqué un petit bout.

(1605)

J'ai cru comprendre que la députée a évoqué les débouchés que représente la fabrication de pièces de monnaie étrangères, ce qui aurait pour effet, j'imagine, de stimuler l'emploi et de favoriser certaines retombées économiques. Si l'on peut se lancer sur le marché international, c'est super! Si les Mexicains veulent frapper un nouveau peso et font appel à notre technologie, c'est sensationnel! Si l'on peut établir un plan à long terme pour améliorer notre propre monnaie, c'est formidable!

Cette étude comporte toutefois des lacunes. Elle fait état de deux grandes préoccupations à l'égard de la mise en circulation de la pièce de monnaie de 2 $. Premièrement, il semble bien qu'il n'existe pas de stratégie d'ensemble concernant notre monnaie. On parle de poids différents et de l'éventualité de devoir changer toutes nos pièces de monnaie. Ainsi donc, pourquoi mettre en


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circulation une pièce de 2 $, si c'est pour se rendre compte, après coup, qu'il faut changer nos huards, nos pièces de 25 cents, nos pièces de 10 cents et nos pièces de cinq cents à cause de leur poids respectif?

Ce serait un bien mauvais tour à jouer à l'entreprise canadienne et aux fabricants de distributeurs automatiques parce qu'ils seront forcés de modifier leurs machines chaque année ou tous les deux ou trois ans. Il faut y réfléchir à fond. De plus, il faut tenir compte du coût de l'opération qui sera énorme pour le consommateur canadien, c'est-à-dire bien supérieur aux 250 millions de dollars prévus et sans commune mesure avec un quelconque avantage économique qui pourrait découler de la décision de frapper de nouvelles pièces de monnaie au Canada.

[Français]

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui en Chambre sur le projet de loi C-82, Loi modifiant la Loi sur la Monnaie royale canadienne.

Permettez-moi d'abord d'ouvrir une parenthèse. Si je fais ce discours aujourd'hui à la Chambre des communes, c'est à titre de porte-parole adjoint aux Travaux publics et affaires gouvernementales dont le critique du Bloc québécois est le député de Québec-Est, M. Jean-Paul Marchand qui est le critique parlementaire au ministre.

En tant que porte-parole adjoint et député de Charlevoix, il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi. Cependant, j'ai l'impression d'être ici de corps, mais pas d'esprit. Dans mon comté, les travailleurs et travailleuses sont menacés par la fermeture des centres d'emplois de La Malbaie, de Forestville et de Baie-Comeau. Je suis également d'esprit avec tous les problèmes des chômeurs dans mon comté, qui touchent tous mes commettants, les travailleurs, travailleuses, chômeurs, chômeuses et assistés sociaux des MRC de Charlevoix-Est et Ouest.

Si le secrétaire parlementaire trouve que cela ne concerne pas le projet de loi, il devrait me laisser continuer et il s'apercevrait que ce que veulent les gens de Charlevoix, que la monnaie soit en papier ou en métal, c'est travailler afin d'avoir de l'argent dans leur poche. Cela ne pèse pas beaucoup dans la balance et ça me semble un peu une perte de temps que de parler que la dénomination de deux dollars soit en papier ou en différents matériaux. Ce que les gens de Charlevoix veulent, c'est travailler et rapporter des dollars à la maison.

J'aimerais aussi rappeler au secrétaire parlementaire, lorsqu'il faisait référence tout à l'heure au député du Parti réformiste et qu'il faisait référence à un article du livre rouge, qu'il devrait relire les quelques mots qui ont fait élire le gouvernement. Le gouvernement a été élu sur trois mots: «jobs, jobs, jobs». Ce n'est pas en fermant les centres d'emplois, ce n'est pas en déclarant excédentaires les employés des centres de main-d'oeuvre ni en déterminant des zones de chômage qu'on encouragera l'économie locale.

Si cette loi est adoptée, elle fera en sorte que le billet de deux dollars sera remplacé par une pièce de monnaie de deux dollars introduite au début de l'année 1996. Les billets de deux dollars seraient retournés à la Banque du Canada pour y être détruits. Pour que le gouvernement fédéral puisse introduire cette nouvelle pièce de deux dollars, il doit obtenir l'approbation du Parlement, car la composition de cette nouvelle pièce de nickel, bronze, d'aluminium n'est pas spécifiée à la partie II de l'annexe de la Loi sur la Monnaie royale canadienne.

S'il s'agissait d'une pièce dont la composition était déjà spécifiée à la partie II de l'annexe de la Loi sur la Monnaie royale canadienne, le gouvernement pourrait introduire cette nouvelle pièce sans avoir à obtenir l'approbation du Parlement.

(1610)

L'argument majeur du gouvernement pour que la Chambre adopte ce projet de loi est que l'introduction d'une pièce de monnaie de 2 $ engendrera des économies d'environ 250 millions de dollars sur 20 ans. On dit qu'il n'y a pas de petites économies, mais, sur une période de 20 ans, c'est presque négligeable quand on connaît l'ampleur du déficit.

Dans son document d'information, la Monnaie royale canadienne affirme que l'introduction d'une pièce de monnaie de 2 $ qui, en passant, serait plus grosse et plus lourde que la pièce de 1 $, répond aux besoins du commerce. Il aurait plutôt fallu dire «à un certain nombre de commerçants», car ils ne voient pas tous d'un très bon oeil ce projet de loi. La preuve, le gouvernement fédéral a dû procéder à deux sondages auprès des entreprises et des consommateurs, les résultats du premier sondage n'étant pas favorables à l'introduction d'une pièce de 2 $.

C'est la firme Environics qui a été chargée d'effectuer ces sondages. Elle a interrogé 1 020 personnes de Sherbrooke, de Toronto et de Calgary, chiffre qui me semble nettement insuffisant. Le premier sondage démontre une forte opposition de 46 p. 100 et un faible appui de 50 p. 100. Dans le deuxième sondage, on a laissé entendre que le fédéral économiserait 250 millions sur une période de 20 ans. C'est alors que le projet du gouvernement a recueilli la faveur de 80 p. 100 des répondants.

De toute évidence, la Monnaie royale canadienne voulait que la population soit à tout prix en faveur de l'introduction d'une pièce de 2 $. Plus loin dans le rapport, on note que certains participants au sondage estiment que toute économie éventuelle faite par l'introduction d'une pièce de 2 $ serait contrebalancée par le coût de démarrage de la production de la nouvelle pièce et que des pertes d'emplois dans l'industrie des pâtes et papiers en résulteraient.

Dans ce même rapport au gouvernement, il est écrit, et je cite: «L'introduction de la pièce de 1 $ a été accompagnée par l'augmentation de l'utilisation du billet de 2 $, ce qui laisse penser que le public serait peut-être réfractaire à une pièce de 2 $.»

Étant donné que la pièce d'essai retenue pour la nouvelle pièce de 2 $ est plus lourde et plus grosse que le «huard», je suis convaincu que la population serait en désaccord avec l'introduction d'une nouvelle pièce de monnaie.

Voici un fait surprenant concernant les questions posées lors de ces sondages. En aucun endroit dans le sondage Environics n'est-il question d'éliminer complètement la dénomination de 2 $. C'est quand même bizarre, n'est-ce pas? Au lieu d'introduire une pièce de monnaie de 2 $, le gouvernement fédéral devrait tout bonnement éliminer le billet et la dénomination de 2 $ et inciter les gens à utiliser davantage le «huard».


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Beaucoup de pays n'ont jamais eu de dénomination de 2 $ ou l'ont tout simplement éliminée; entre autres, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Alors, on peut certainement bien s'en passer.

Voilà ce qui serait une véritable économie pour le gouvernement fédéral: pas de nouvelle pièce à frapper ni de nouveaux billets à imprimer pour la Monnaie royale canadienne; pas de dépense pour les commerçants et une meilleure utilisation des pièces de 1 $ déjà existantes. L'Association des banquiers du Canada, parlant au nom des institutions financières, en est venue à la même conclusion. De plus, bon nombre d'associations, de commerçants et de consommateurs n'ont pas de position officielle sur le projet de loi C-82, tout simplement parce qu'ils ne savent pas que le gouvernement s'apprête à introduire une pièce de 2 $. Ils n'en avaient jamais entendu parler et sont surpris de voir que le projet de loi est rendu aussi loin.

(1615)

Encore une fois, le gouvernement semble essayer de nous en «passer une petite vite», si vous me permettez l'expression. Si le gouvernement avait vraiment voulu avoir le pouls de la population, il aurait fait une campagne d'information concernant un éventuel projet de loi pour remplacer le billet de 2 $ par une pièce de monnaie de 2 $. La réponse à un tel projet de loi aurait certainement été défavorable. Déjà que la population n'a pas encore digéré le «huard», voilà que huit ans plus tard, on veut lui remplir les poches d'une autre pièce de monnaie.

Contrairement à ce que voulait nous faire croire la semaine dernière le secrétaire parlementaire aux travaux publics et services gouvernementaux, la pièce de 1 $ n'est pas aussi populaire que le voudrait le gouvernement. La preuve, la voici: les banques canadiennes ont plus de 50 millions de pièces de 1 $ qui dorment dans leurs coffres. De l'aveu même de ses dirigeants, la Monnaie royale canadienne doit frapper 1,25 fois plus de pièces de 1 $ que de billets de 1 $, car les gens vident leurs poches, entreposent les pièces chez eux, puis vont les changer à la banque ou à la caisse et les déposent dans leurs comptes. On estime qu'il y aurait entre 10 millions de dollars en pièces de 1 $ dans les tirelires des Canadiens. C'est vraiment incroyable! Ensuite, les institutions financières doivent entreposer ces pièces de monnaie dans leurs coffres. J'ai peine à imaginer l'espace requis pour entreposer toutes ces pièces et tout le personnel nécessaire pour effectuer cette tâche.

De plus, je tiens à rappeler à mes collègues que les institutions financières n'amassent pas d'intérêt sur les pièces de monnaie qu'elles ont dans leurs coffres, d'où une perte de revenu pour elles, et qu'elles ne peuvent les retourner à la Banque du Canada. Cette dernière ne reprend pas l'inventaire des pièces de monnaie et les banques et les caisses devront gérer leur propre inventaire de monnaie.

Bien que le gouvernement laisse miroiter une économie de 250 millions de dollars sur une période de 20 ans, il ne faut pas oublier qu'il y a des coûts reliés à l'introduction de cette nouvelle pièce de monnaie. On n'a qu'à penser à tous les tiroirs-caisses, à toutes les machines distributrices, à tous les parcomètres, à tous les appareils de buanderie libre-service et bien d'autres qui devront être modifiés pour accepter cette nouvelle pièce de monnaie.

Le gouvernement évalue à 25 millions de dollars le coût des modifications qui devront être apportées aux machines distributrices. En moins de 10 ans, les propriétaires auront, eux, à modifier leurs appareils à deux reprises, car on se souviendra qu'il y a maintenant huit ans que le gouvernement fédéral a introduit la pièce de 1 $, aussi connue sous le nom de «huard». Et comme si ce n'était pas suffisant, le gouvernement veut aussi modifier la composition des pièces de 1c., 5c., 10c., 25c. et de 50c. pour les rendre plus légères. Cela aura pour effet d'entraîner d'autres coûts additionnels pour faire en sorte que les machines distributrices acceptent toutes les pièces de monnaie canadienne, peu importe leur composition. De plus, la qualité de l'alliage composé par la pièce de 1c. est de beaucoup inférieure à l'alliage actuel. Cela aura comme résultat d'entraîner la rouille prématurée de la pièce.

Qui paiera pour toutes ces modifications? Vous et moi, monsieur le Président, ainsi que tous les Québécoises et Québécois et tous les Canadiens et Canadiennes. Les articles qu'on peut se procurer à 1,75 $ ou à 1,90 $ dans les machines distributrices aujourd'hui, coûteront 2 $ demain. Comme cela a été le cas lors de l'introduction de la pièce de 1 $, des articles qui coûtaient 80c. ou 90c. sont passés simplement et rapidement à 1 $. Ce point a aussi été soulevé par les participants au sondage Environics. Comme d'habitude, le gouvernement refile le coût des changements aux détaillants qui, eux, n'ont d'autre choix que de refiler la facture aux clients.

(1620)

En conclusion, je suggère au gouvernement fédéral de demander à la population du pays, par le biais d'une campagne publicitaire, son point de vue sur la question. Cependant, le gouvernement doit être beau joueur et faire la promotion de toutes les solutions envisageables, c'est-à-dire émettre une nouvelle pièce de 2 $, conserver le billet de 2 $ ou abolir purement et simplement la dénomination de 2 $.

En bout de ligne, je suis assuré que la population choisirait d'abolir la dénomination de 2 $ afin de réaliser une plus grande économie à court, moyen et long terme. Enfin, avec la technologie des cartes de débit qui prend de plus en plus d'ampleur, les gens devront s'habituer à voir diminuer le nombre de billets et de pièces de monnaie en circulation pour faire place à la monnaie électronique.

M. Réginald Bélair (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec intérêt que j'ai écouté le discours de mon collègue de Charlevoix. Je note qu'il reconnaît que nous ferons des économies assez substantielles de 250 millions de dollars.

Dois-je mentionner à ce point-ci que si les pièces de 1c., 5c., 10c., 25c. et 50c. étaient ajoutées à la nouvelle pièce de 2 $, nous aurions à ce moment-là des épargnes de quelque 500 millions de dollars. Ce n'est pas négligeable.

Il faut dire que la technologie qui sera acquise pour faire cette nouvelle pièce de 2 $ servira sûrement à l'avenir pour refaire les


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autres pièces canadiennes, en plus d'avoir la grande propriété de pouvoir exporter à profit cette technologie dans le monde entier.

Quoique mon collègue de Charlevoix ne l'ait pas mentionné directement, j'en viens au discours initial du critique aux travaux publics, mon collègue de Québec-Est, qui, lors de son allocution, avait quand même cité un chiffre extrêmement alarmiste, soit qu'il en coûterait quelque 400 millions de dollars aux propriétaires de machines distributrices pour s'adapter à la nouvelle pièce de 2 $. Mon collègue de Charlevoix qui vient de s'exprimer, par solidarité envers son collègue de Québec-Est, pourra sûrement expliquer à cette Chambre et aux Canadiens d'où provient ce chiffre de 400 millions de dollars, afin de ne pas effrayer les gens.

Les propriétaires de machines distributrices disposeront d'une année complète, après que le projet de loi aura reçu la sanction royale, pour s'adapter. Même là, ils ne seront pas obligés de le faire. Il faut toujours se souvenir aussi qu'un propriétaire de machines distributrices, s'il augmente ses prix, aura à faire face à la compétition.

J'aimerais avoir des commentaires de mon collègue de Charlevoix sur ces deux questions: tout d'abord une explication sur les 400 millions de dollars et ensuite la compétition qui devrait continuer d'exister au niveau des machines distributrices.

M. Asselin: Monsieur le Président, bien sûr nous sommes d'accord avec l'économie que peut réaliser le gouvernement. On parle d'une économie de 250 millions de dollars sur une période de 20 ans en changeant les billets de 2 $ en pièces de deux dollars. Effectivement, la durée de vie de la pièce est beaucoup plus longue, mais il y a des coûts qui sont engendrés par l'émission de cette pièce. Le gouvernement n'a pas besoin d'émettre une nouvelle pièce de monnaie, il n'a qu'à abolir la dénomination de 2 $.

Si on prend le billet de 2 $, qu'on le transforme en pièce de 2 $, on réaliserait une économie de 250 millions sur 20 ans. Mais combien de millions économiserait-on si on avait pris la peine d'émettre un plus grand nombre de billets de 2 $?

Mon collègue a fait référence au discours du député de Québec-Est, Jean-Paul Marchand, qui disait dans son discours, vendredi, qu'il en coûterait 400 millions pour effectuer toutes les modifications nécessaires. Il y a peut-être un élément de réponse ou de recherche que je ne connais pas, mais dans mon discours, j'ai dit qu'il y aurait une économie à court terme, qui me semble réalisable, de 25 millions pour les consommateurs.

Je défie ici, en cette Chambre, celui qui pourrait, à deux dollars près, me dire combien coûterait pour les municipalités l'ensemble des modifications concernant leurs parcomètres, ou tout simplement pour ceux qui possèdent des machines distributrices. Quel serait pour eux le coût des modifications?

(1625)

Personne ici ne pourrait déterminer, à deux dollars près, le coût de cette modification, mais il me semble qu'il faut quand même se préoccuper des coûts que cela va engendrer pour les propriétaires de machines distributrices. Ces coûts vont être également transférés au consommateur, parce que c'est toujours le consommateur qui paie la facture en bout de ligne.

En terminant, je pense que le gouvernement devrait envisager sérieusement d'abolir la dénomination de 2 $, ce qui permettrait de sortir les 50 millions de dollars qu'on a dans les banques canadiennes en pièces d'un dollar qui ne circulent pas. Aussitôt que les gens ont deux pièces de un dollar dans leurs poches, ils s'empressent de les échanger pour un billet de deux dollars, parce que c'est moins encombrant.

Alors, aussitôt qu'on a en notre possession quelques «huards», on s'empresse de les échanger en monnaie de papier. Si on vient ajouter une pièce de 2 $ qui est beaucoup plus grosse et plus lourde, on encombre et on embarrasse tout le monde et cela devient un inconvénient.

[Traduction]

Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt le discours du député. Il me semble que si quelqu'un reçoit quatre dollars en monnaie, quatre pièces de un dollar seront certes plus lourdes que deux pièces de deux dollars et j'ai du mal à comprendre cet argument.

Dans ses calculs, le député a-t-il tenu compte de la valeur de la nouvelle technologie et des avantages que nous, en tant que Canadiens, pourrions tirer de l'exportation de cette technologie?

[Français]

M. Asselin: Monsieur le Président, je l'ai expliqué tout à l'heure. Le consommateur, de plus en plus, se sert de la monnaie électronique, des cartes de différentes institutions financières. On se doit de se familiariser avec cette technologie. Mais, je pense que le débat d'aujourd'hui n'a pas pour but de savoir si quatre pièces de un dollar vont être plus lourdes que deux pièces de deux dollars. Soyons sérieux.

Oui, nous sommes prêts à aider le gouvernement à réduire le déficit. De plus, nous sommes prêts à éliminer le billet de 2 $, et je suis convaincu que la population canadienne va abonder en ce sens. La pièce de un dollar qui a été mise en circulation il y a huit ans a une durée de vie plus longue que le billet de un dollar qu'elle remplace. Elle pourra être mieux utilisée et on pourra, par la même occasion, éliminer la dénomination de 2 $.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont éliminé la pièce de un dollar et le billet de 2 $. Faisons de même et les économies réalisées seront encore plus importantes. Le gouvernement a tout simplement un jour décidé d'émettre un billet de 2 $ et aujourd'hui, il doit se questionner à savoir si cette dénomination a encore son utilité.

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, je désire féliciter mon collègue de Charlevoix, parce que sa prise de position est tout à fait responsable. Il a souligné, par exemple, que nous, en Chambre, sommes réduits à discuter de projets de loi de ce genre, qui n'ont presque aucune importance. Ce projet de loi n'apporte pas vraiment d'économies, va même causer des déboursés pour les consommateurs et ne crée pas d'emplois non plus. Je trouve qu'effectivement, nous devrions passer notre temps à débattre de projets de loi beaucoup plus sérieux que celui-ci.

J'aimerais aussi, si vous me le permettez, monsieur le Président, demander à mon collègue si effectivement, il voit quelque chose de bon dans ce projet de loi. Compte tenu des 400 millions de dollars dont il a parlé, on a calculé que les commerçants vont devoir sortir de l'argent pour acheter de nouveaux tiroirs-cais-


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ses, que les municipalités vont peut-être même être obligées d'installer de nouveaux parcomètres, que toutes les machines distributrices devront être rééquilibrées, changées. Cela est un déboursé considérable pour l'entreprise privée et ce sera le consommateur qui devra en payer le prix.

(1630)

C'est le consommateur qui paiera. En fait, ce projet de loi favorisera uniquement la Monnaie royale canadienne. Je demande à mon collègue de Charlevoix s'il entrevoit quelque chose de bon dans ce projet de loi.

M. Asselin: Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Québec-Est de sa question. Vous m'avez permis d'ouvrir une parenthèse en disant que cet après-midi j'avais l'impression de perdre mon temps à la Chambre. J'aurais préféré être dans le comté de Charlevoix, travailler avec les travailleurs et travailleuses menacés de perdre leur emploi, et qui seront déclarés excédentaires suite à la réforme du ministre Axworthy.

Je pense qu'on perd notre temps à discuter d'une affaire aussi banale que l'émission d'une pièce de deux dollars. On ne parle pas des vrais problèmes de l'économie. L'objectif du gouvernement devrait être de régler les problèmes et non d'en créer.

Je suis un peu gêné, sachant que dans mon comté de Charlevoix, les chômeurs se sont mobilisés pour combattre la réforme Axworthy. Certains d'entre eux sont maintenant assistés sociaux. Comme je le disais, pour faire l'épicerie, que les deux dollars soient en papier ou en monnaie, l'important, c'est d'en avoir et les gens sont prêts à travailler pour les gagner.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, en début de discours, je voudrais dire à mon collègue de Charlevoix que je suis entièrement d'accord avec lui, surtout sur la conclusion de son discours. Je commencerai mon discours de la façon suivante, en ne sachant pas qu'il parlerait des travailleurs de Charlevoix et de la pertinence des deux dollars ici, en Chambre.

J'ai eu l'agréable surprise d'entendre tantôt que les libéraux se sont pliés aux demandes conjointes du Bloc et du Parti réformiste et accepté un débat d'urgence sur la Bosnie, mais seulement ce soir. Alors qu'aujourd'hui, on sait qu'il y a 326 otages en Bosnie dont 55 Canadiens, alors qu'on a appris que le chef de la diplomatie bosniaque avait été tué hier, alors que le conflit a fait 200 000 morts et que le Parti réformiste et le Bloc québécois demandent un débat d'urgence immédiatement sur une situation d'une extrême urgence, on se fait répondre que non, qu'on a trop d'urgence, trop de débats importants comme celui des deux dollars.

On voit vraiment où sont les priorités de nos collègues d'en face. On laisse de côté les soldats canadiens, les Casques bleus, on remet cela à plus tard pour parler de la pertinence des deux dollars. Dans ce contexte, il me fera plaisir de vous entretenir pendant quelques minutes sur la pertinence du maintien ou du retrait des billets de deux dollars dans nos poches.

D'abord, il me ferait plaisir de vous rappeler quelques faits et quelques chiffres. Aujourd'hui au Canada, il en coûte environ 30 millions de dollars par année pour produire, imprimer, réaliser les billets de deux dollars. Ces billets de deux dollars ont une durée de vie approximative d'un an; certains durent beaucoup moins longtemps, mais la durée de vie approximative est d'un an, donc le coût total approximatif pour produire les billets de deux dollars est de 30 millions de dollars.

Donc, on se questionne aujourd'hui de façon fort pertinente, les grands penseurs, les hauts fonctionnaires feront sûrement des études sur le sujet, ils dépenseront des dizaines de milliers de dollars, peut-être même des millions à savoir si on doit perpétuer cette grande tradition pancanadienne du billet de deux dollars avec le visage de la reine dessus.

La pièce métallique de deux dollars, quant à elle, pourrait faire réaliser des économies de 250 millions de dollars. Ce sont des économies estimées sur une période de 20 ans. Donc, plusieurs personnes diront: «Abolissons le deux dollars de papier, vive le deux dollars métallique parce qu'on économise 250 millions de dollars sur 20 ans.» Le calcul est simple.

Cependant, occasionnellement il faut gratter un peu plus et trouver des solutions simplistes, des arguments un peu plus cohérents. Tantôt, on nous parlait de technologie. Si on ne met pas de l'avant la pièce métallique de deux dollars, est-ce qu'il y aura encore des 5c., des 10c., des 25c., des un dollars? Cette technologie, qu'on l'applique à cela. Ne nous faites pas croire toutes sortes de choses qui n'ont pas de sens.

D'abord la Monnaie royale canadienne, elle, et elle seule, économisera de l'argent, pas vous et moi, pas les contribuables, pas les commerçants et surtout pas les responsables de machines distributrices.

(1635)

Les fabricants de machines distributrices n'ont pas fait de lobby, parce que c'est tout simplement l'évidence. On a reçu des prévisions sur le même principe que le calcul qu'on nous donnait plus tôt. Et comme le député de Charlevoix l'a dit, on estime que ces dépenses, qui seront obligatoires avec l'apparition des 2 $ métalliques, vont coûter approximativement 300 millions de dollars aux fabricants de machines distributrices.

Je le répète, de la même façon dont le mot «estimé» est utilisé dans la bouche de nos confrères d'en face pour dire qu'il y a une économie estimée de 250 millions de dollars, c'est un «estimé» de notre part également. Pourquoi donc une somme estimée? C'est qu'il n'y a pas d'études sérieuses qui ont été produites sur un changement comme celui des pièces de 2 $.

Donc, le Bloc québécois et moi proposons l'abolition du 2 $ ou, à tout le moins, une étude sérieuse nous démontrant les économies réelles potentielles de cette transformation de la pièce de papier vers la pièce métallique de 2 $.

Par la même occasion, nous pourrions profiter de cette opportunité de changement du système monétaire canadien pour éliminer les pièces de 1c. Les pièces de 1c. coûtent 1,5c. à produire. Présentement, il y a environ 10 milliards de ces pièces en circula-


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tion. Dix milliards de pièces de 1c. coûtent 1,5c. chacune. C'est important de le répéter. Arrêtons ce gaspillage, éliminons les 1c. et les 2 $ également. Pour une fois, le gouvernement pourrait récupérer cet argent, plusieurs dizaines de millions de dollars par année, et le consacrer de façon claire et entière à une politique définie de création d'emplois ou d'aide aux démunis.

Présentement, on coupe des dizaines de millions de dollars, même des milliards dans les paiements de transfert aux provinces et on va se permettre de perpétuer des systèmes comme ceux-là.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on va économiser des dizaines de millions de dollars par l'abolition des pièces de 2 $, mais ce montant, au lieu de le perdre dans l'ensemble des dépenses publiques, qu'on y mette un beau cadre et qu'on oriente un programme défini de création d'emplois ou d'aide aux démunis.

Dans le contexte économique et social actuel, nous n'avons pas le droit ni les moyens d'investir des fonds dans des domaines comme ceux-là, alors que des milliers de nos concitoyens et concitoyennes vivent sous le seuil de la pauvreté et que la misère frappe à nos portes quotidiennement.

Dans mon comté, pour ne citer qu'un exemple, une dame est venue à mon bureau. Il s'agit d'une dame de 62 ans qui ne peut pas percevoir de prestations de vieillesse du fédéral et qui est sans revenu d'assurance-salaire parce qu'elle n'a jamais travaillé. À cette époque, beaucoup de femmes de cette génération vivaient à la maison, elles ne pouvaient pas bénéficier de l'assurance-salaire. Cette femme vit donc de prestations d'aide sociale avec 642 $ par mois. Elle vient me voir en me disant: «Est-ce qu'il y a une solution à mon problème?» Des situations semblables à celle de cette femme, combien y en a-t-il de dizaines dans chaque comté, de milliers au Québec, de milliers au Canada? Et on se permet, nous, de discuter du changement des 2 $ en pièce métallique plutôt qu'en billet de papier. Comme mon collègue de Charlevoix le disait tantôt, je pense que c'est un peu honteux de se péter les bretelles en parlant d'une situation comme celle-là ici en cette Chambre.

Ne me dites pas que le gouvernement n'a pas d'autres occasions, d'autres places, d'autres endroits où consacrer cette somme que l'on pourrait économiser pour aider les gens comme cette dame, comme des milliers d'autres dans vos comtés et dans mon comté, plutôt que de perpétuer un système vétuste ou de le remplacer par un système qui serait aussi inadéquat, parce que le système du 2 $ serait aussi inadéquat. À preuve, nos voisins du Sud n'en ont pas de 2 $ et ils ne sont pas plus malheureux. Dans d'autres pays, ils n'ont pas de 2 $ et ils ne sont pas plus malheureux non plus. C'est un système très simple à comprendre.

La Monnaie royale canadienne-tantôt, on nous disait «la Monnaie royale québécoise», mais, je m'excuse, il n'y en a pas, il y en a rien qu'une au Canada-dit s'appuyer sur un sondage pour avancer sa position. Avant que nous passions à la période de questions et commentaires, il est utile de replacer ce sondage dans son contexte. Il a été biaisé par les questions qui ont été posées. Vous allez me demander pourquoi il a été biaisé. C'est simple, on a demandé: «Êtes-vous pour le maintien des billets de 2 $ ou êtes-vous en faveur d'économiser des dizaines de millions?» On a jamais demandé: «Êtes-vous pour l'abolition des 2 $? parce qu'on en savait la réponse. Les Québécois sont habitués aux sondages biaisés, ils en ont souvent eu la preuve.

Donc, en aucun moment, les individus n'ont été à même de se questionner à savoir s'ils étaient pour ou contre l'abolition de ces pièces de 2 $. Nous ne pouvons, j'en suis convaincu, permettre des gaspillages de fonds publics et privés, alors que la société a de graves besoins et que le pays est malade.

(1640)

Dans ce débat, ce discours est une goutte d'eau dans l'océan de paroles prononcées en cette Chambre. Mais ce sont par des montants comme ceux-ci que nous nous devons de démontrer notre bonne volonté face à la population. Si on veut redorer un peu le blason de la politique, des politiciens et de la Chambre des communes, des petits débats, des débats qui en apparence ne sont pas nécessairement très importants, peuvent nous permettre de récupérer des dizaines de millions de dollars par année comme on l'a vu ici, peut-être des centaines avec les pièces de 1c. et des billets de 2 $ aussi, pour les redistribuer de façon correcte à nos entreprises, par la création d'emplois et aux gens démunis, comme je l'ai dit tantôt.

Des exemples concrets comme ceux que je viens d'énumérer permettraient donc plusieurs millions d'économie et, espérons-le, plusieurs milliers d'emplois.

En terminant, l'abolition pure et simple des billets de 2 $ est égale à environ 30 millions de dollars d'économie par année et l'abolition des pièces de 1c. à plusieurs millions aussi. Et en plus, à l'exception des tirelires d'enfants, tout le monde serait heureux d'avoir moins de ces pièces dans leurs poches.

M. Réginald Bélair (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je désire poser une question très simple à mon collègue de Terrebonne. Il reconnaît qu'il va y avoir quand même des épargnes assez imposantes, de l'ordre de 250 millions de dollars. J'aimerais aborder un peu la composition métallique de la nouvelle pièce, c'est-à-dire du nickel, de l'aluminium ainsi que du cuivre. Est-ce que la nouvelle pièce serait plus acceptable au niveau des députés du Bloc si la composition de cette pièce était manufacturée, justement, au Québec?

M. Sauvageau: Je répondrai simplement à mon collègue que je ne connais pas le tableau périodique par coeur. Peut-être que s'il était fait en chocolat enrobé de papier doré, ce serait mieux. Ce qu'on dit, sérieusement, c'est que la pièce de 2 $, comme vous voulez la changer, cela n'a pas de bon sens. La population canadienne le sait. Le matériel, le nickel, le plutonium ou autre, là n'est pas la question. La question c'est la base sur laquelle le projet de loi est présenté. Trouvez-moi l'article de loi dans le projet que l'on nous présente où on parle d'alliage des pièces de monnaie, et à ce moment-là je répondrai sérieusement à votre question.

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.


12918

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

Et la sonnerie s'étant arrêtée:

Le vice-président: Conformément à l'alinéa 45(5)a), le vote inscrit sur cette motion est différé jusqu'à demain à 17 h 30.

* * *

[Traduction]

LA LOI PORTANT MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR LE COMMERCE INTÉRIEUR

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 15 mai, de la motion: Que le projet de loi C-88, Loi portant mise en oeuvre de l'accord sur le commerce intérieur, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, cet après-midi, j'aimerais terminer le discours que j'avais entrepris il y a quelques semaines de cela sur le projet de loi C-88, une loi qui met en oeuvre un accord sur le commerce intérieur.

Pour placer les choses dans leur contexte, le projet de loi C-88 est comme le projet de loi C-85, cette mesure qui concerne la réforme des pensions. Il ne renferme pratiquement aucune mesure concrète. En effet, on est incapable, une fois de plus, de s'attaquer aux graves problèmes qui accablent le Canada.

Les gouvernements fédéraux passés se sont préoccupés de questions de compétence provinciale, comme les programmes sociaux. Ils ont passé beaucoup de temps à modifier et à remodifier la Constitution en ne respectant même pas les dispositions qu'elle renfermait déjà. Ils ont écrasé les provinces, leur ont pris les recettes tirées des ressources qu'ils ont utilisées pour financer leurs grands projets d'infrastructure, mais ils n'ont pas mis en oeuvre les dispositions constitutionnelles qui imposent le libre-échange entre les provinces.

(1645)

Le gouvernement fédéral a également été et continue d'être directement ou indirectement responsable d'un certain nombre de barrières entre les provinces. Grâce à divers programmes de transferts financiers, comme le développement régional et le financement global, le gouvernement fédéral réussit à cacher aux habitants des provinces le coût réel des barrières que leurs provinces respectives ont érigées.

Si ces barrières entraînent la suppression d'emplois dans une province donnée, les sommes versées par le gouvernement fédéral au titre de l'assistance sociale et les subventions fédérales à des entreprises inefficaces aident à résoudre en partie les problèmes financiers qui frapperaient par ailleurs cette province. En fait, plus une province est inefficace, plus le gouvernement fédéral l'indemnise. Rien n'encourage les provinces à corriger leurs erreurs.

Le gouvernement fédéral entrave également la libre circulation de la main-d'oeuvre. Le régime d'assurance-chômage si cher aux libéraux encourage les chômeurs à rester sur place au lieu d'aller dans les régions où les emplois sont plus nombreux. Les faits le confirment indiscutablement.

Par exemple, les provinces de l'Atlantique continuent de souffrir d'un chômage chronique plus élevé que dans les autres provinces. Cette situation est attribuable en grande partie au régime d'assurance-chômage, qui encourage les chômeurs à demeurer sur place. Le problème est particulièrement grave, parce que dans les régions qui ne s'en tirent pas plus mal que d'autres, le gouvernement fédéral a accru les prestations admissibles, de sorte que les prestataires dépendent encore plus de l'aide de l'État.

Nous entendons parler depuis déjà un bon moment de la réforme des programmes sociaux et du travail magnifique qu'accomplit notre ministre du Développement des ressources humaines, mais nous n'avons pas encore été témoins de changements importants qui aideront les Canadiens à se relever au lieu d'accepter simplement des aumônes. Lorsque ces changements se produiront, les consommateurs verront plus clairement que certaines orientations provinciales leur ont fait tort et que la suppression des entraves commerciales est dans l'intérêt de tous.

Il est grand temps que le gouvernement fédéral prenne la tête du mouvement sur ces questions. Ce problème coûte à l'économie canadienne des milliards de dollars et des milliers d'emplois. Les libéraux ont reçu le mandat de gouverner en recourant aux méthodes qu'ils jugent les plus appropriées, mais elles reposaient sur une série de promesses faites dans le livre rouge, mais dont la plupart ont été brisées.

Le livre rouge promettait, et je cite: «Nous nous efforcerons de supprimer ces entraves commerciales dans les plus brefs délais.» Où est la suppression des entraves commerciales que les libéraux avaient promise si clairement dans leurs beaux discours électoraux? Il paraît assez certain que cet accord peut réduire quelques entraves, mais, comme je l'ai déjà souligné, de nouvelles entraves risquent aussi de surgir.

Nous sommes bien loin de la suppression de toutes les entraves commerciales. À en juger par le rythme où vont actuellement les progrès, cette promesse ne sera pas réalisée d'ici les prochaines élections. C'est à ce moment-là que les Canadiens devront juger les libéraux pour avoir manqué à leurs promesses. Leur inaction aura alors coûté des milliards de dollars supplémentaires et empêché des milliers d'assistés sociaux et de chômeurs de trouver des emplois valables.

Les réformistes ont les orientations et les gens nécessaires pour mettre en oeuvre un programme de libre-échange à la grandeur du Canada. Si les libéraux refusent d'appliquer un programme de ce genre, je crois que les Canadiens donneront aux réformistes le mandat pour le faire.

Quels sont les problèmes dont je parle? Où sont les entraves commerciales, à l'heure actuelle? Je ne vais évidemment pas en dresser la liste complète, mais je voudrais néanmoins parler de certaines des barrières les plus importantes qu'il faut abattre rapidement.


12919

La première qui me vient à l'esprit a des répercussions considérables sur l'emploi dans ma circonscription. Une brasserie moderne à Simcoe-Centre emploie des centaines de Canadiens. Cette entreprise aurait pu, au fil des ans, accroître son effectif, étendre ses activités et même devenir suffisamment efficace pour concurrencer les grandes brasseries américaines. Les barrières commerciales érigées par les provinces, dont l'Ontario, pour protéger leurs brasseries l'en ont cependant empêchée.

Le protectionnisme qui a si longtemps protégé et soutenu ces brasseries inefficaces va maintenant sonner le glas d'un grand nombre d'entre elles. Les pressions du marché international ont déjà entraîné la disparition de petites brasseries inefficaces. Les brasseries au Canada représentent une industrie de vente au détail de 9,6 milliards de dollars. C'est pourquoi une réduction même modeste des coûts de production résultant d'économies d'échelle plus importantes assurera de meilleurs prix aux consommateurs et une économie plus concurrentielle.

Certains brasseurs ont eu le mérite de prendre l'initiative et d'utiliser à leur avantage les accords de libre-échange signés par le Canada, de sorte qu'il est maintenant plus facile de trouver certaines marques de bière du Nouveau-Brunswick dans des magasins de San Antonio et de Los Angeles qu'à Toronto ou à Montréal. Cette réalité étrange me chagrine.

(1650)

Malheureusement, l'exemple de réussite dont je viens de parler comporte un inconvénient, du moins pour les brasseries qui ne sont pas prêtes à faire face à la concurrence. Les brasseries américaines acquièrent une part grandissante de notre marché intérieur de la bière grâce au GATT, à l'ALENA et à l'Accord de libre-échange, et elles vont éliminer les brasseries qui ne sont pas concurrentielles.

Une brasserie de Colorado Springs, au Colorado, par exemple, produit une certaine marque de bière pour l'ensemble du marché américain, un marché de 250 millions de consommateurs. Cette brasserie possède des installations tellement vastes qu'elle expédie de la bière en vrac à 3 000 kilomètres de là, en Virginie, où elle est mise en boîte. Le produit est ensuite distribué tout le long de la côte est des États-Unis. Comment des brasseries qui produisent de la bière pour quelques centaines de milliers de consommateurs seulement pourraient-elles espérer demeurer sur le marché? C'est difficile de rester compétitif face à de telles économies d'échelle.

Je crois que les Canadiens veulent voir disparaître ces entraves à la liberté et obtenir la plus grande valeur possible pour leur argent si durement gagné. Le secteur de la bière intéresse les consommateurs de près, et j'ai été stupéfait d'apprendre que cette industrie avait été exemptée de l'entente provinciale. Nous devons y consacrer beaucoup d'énergie, sinon nous risquons de perdre encore des milliers d'emplois, dans notre monde de plus en plus concurrentiel.

Une autre barrière importante qu'il faudra abattre rapidement, c'est celle que toutes les provinces érigent lorsque leur propre gouvernement fait ses achats. Les provinces ont depuis longtemps l'habitude d'acheter chez elles, quel que soit le coût, ce qui fait augmenter leurs dépenses.

Selon l'Association des consommateurs du Canada, certaines paient jusqu'à 10 p. 100 de plus pour avoir des produits locaux, ce qui hausse les dépenses du gouvernement et fait monter les impôts. Cette façon de faire coûte aussi des emplois aux autres provinces, parce que les producteurs les plus efficaces ne peuvent vendre leurs produits hors de leurs frontières provinciales. Certains emplois peuvent être protégés dans une région restreinte, mais comme dans le cas des brasseries, ces petits producteurs sont protégés et inefficaces.

Les impôts plus élevés touchent alors tous les Canadiens et, dans l'ensemble, coûtent plus d'emplois qu'on ne peut en sauver en tentant de protéger l'industrie régionale.

Un économiste a écrit, il y a 200 ans: «Tout chef de famille prudent a pour principe de ne jamais entreprendre de faire à la maison ce qu'il lui coûterait moins cher d'acheter. Le tailleur n'essaie pas de fabriquer ses propres chaussures; il les achète au cordonnier. Le cordonnier n'essaie pas de faire ses propres habits; il engage un tailleur. Le fermier n'essaie de faire ni l'un ni l'autre, mais il a recours à ceux qui ont ces compétences.

Ces gens savent qu'il est dans leur intérêt de se consacrer entièrement à une activité qui leur confère un avantage sur leurs voisins et d'acheter ce dont ils ont besoin avec une partie du produit de leur travail. Ce qu'il est prudent de faire dans toute bonne famille n'est certainement pas bête à l'échelle d'un grand royaume.»

C'est ce qu'Adam Smith écrivait dans La Richesse des nations. On dirait pourtant que, des siècles plus tard, notre brillante élite politique n'a pas encore réussi à comprendre cette simple vérité.

Le ministre de l'Industrie a tenté de conclure une entente sur la question des achats du gouvernement, mais à cause du manque de vision de certaines provinces, l'entente conclue n'est qu'une façade. Les sociétés d'État qui se chargent d'une grande partie de ces achats sont totalement exemptées en vertu de cette disposition et, compte tenu de toutes les autres exemptions prévues dans l'accord, rien ne garantit que ces achats du gouvernement s'amélioreront non plus.

Il est important d'accorder une grande priorité au retour des provinces à la table de négociation, afin d'éliminer ces obstacles à la concurrence. Les obstacles interprovinciaux en matière de commerce et de services financiers font augmenter les prix pour les consommateurs, menacent la position concurrentielle des institutions financières et font perdre des emplois aux Canadiens.

La mesure touche un autre grand employeur de ma circonscription, une fiducie qui dénonce les restrictions à la vente de ses services à l'extérieur de l'Ontario. À l'inverse, il y a les fiducies de l'extérieur de l'Ontario qui s'opposent à des obstacles importants et coûteux, quand elles veulent pénétrer les marchés financiers ontariens.

Les fiducies sont confrontées aux obstacles que constituent les règlements que chaque province établit en matière de commerce. Elles doivent adopter la méthode du dénominateur commun le plus élevé pour vendre des services sur plus d'un marché, ce qui hausse les coûts. Une même série de règlements pour toutes les provinces permettrait d'éliminer les frais généraux administra-


12920

tifs, de stimuler la concurrence, de réduire les prix imposés aux consommateurs et finalement, de créer plus d'emplois.

Un autre obstacle au commerce est la restriction de la mobilité de divers types de travailleurs d'une province à une autre. Ce problème ressort particulièrement dans une région comme celle d'Ottawa-Hull, qui chevauche une frontière provinciale, mais il cause de graves ennuis à d'autres Canadiens.

(1655)

Nous avons presque tous eu connaissance du différend qui a opposé l'Ontario et le Québec l'an dernier dans le secteur de la construction. Ce différend était dû à l'un des nombreux obstacles qui empêchaient les professionnels et les ouvriers d'offrir leurs services partout au Canada. La concurrence s'en trouvait réduite et les consommateurs devaient faire face à des prix et des impôts plus élevés. Heureusement, l'Ontario et le Québec ont conclu une entente mutuellement satisfaisante.

Toutefois, cet heureux dénouement est davantage l'exception que la règle, et il est temps de prendre des dispositions pour éviter de telles situations à l'avenir. Pendant des générations, à l'égard de nombreux produits et services, nous avons laissé les défauts des petits marchés régionaux protégés restreindre notre économie, s'opposer à nos objectifs politiques et culturels, et nous faire perdre des emplois.

La mobilité de la main-d'oeuvre entre le Canada et les États-Unis est un aspect du commerce que l'Accord de libre-échange a permis d'ouvrir. Encore une fois, comme dans le cas de la bière, des professionnels, notamment des comptables et des ingénieurs, peuvent exercer leurs activités plus facilement entre l'Ontario et les États-Unis qu'entre l'Ontario et le Québec. Si nous voulons rester parmi les pays développés, nous devons continuer de développer nos ressources, surtout nos ressources humaines, sans quoi nous risquons de les perdre au profit de pays plus développés.

Il est important de considérer diverses dispositions commerciales pour déterminer celles qui nous conviennent le mieux. Aux États-Unis, par exemple, le gouvernement national a négocié et mis en oeuvre une grande ouverture commerciale entre les juridictions, de sorte que tout le pays a pu bénéficier d'une plus grande prospérité. Dès le début, les Américains ont contesté les obstacles au commerce et les ont éliminés, et ils n'ont pas cessé de prospérer. Encore une fois, la brasserie du Colorado illustre parfaitement pourquoi les Canadiens ont besoin de telles libertés.

Au Canada, nous avons consacré beaucoup d'énergie à nos relations commerciales extérieures, qui comptent pour 25 p. 100 de notre économie. Or, les exportations comptent pour seulement 8 p. 100 de l'économie aux États-Unis, mais les Américains forment un pays beaucoup plus prospère. Il y a certainement un message pour le Canada à cet égard. Nous devons nous attacher bien davantage à réduire les barrières au commerce intérieur.

L'Union européenne offre un exemple moderne de relations commerciales nées de la découverte que le libre-échange profite à tout le monde sans distinction de langue ou de région. Les Canadiens ont de véritables leçons à tirer de ce fait. L'Union européenne a établi un système de libre-échange non seulement en matière de marchandises et de capitaux, mais aussi de main-d'oeuvre. Les citoyens de n'importe quel pays d'Europe ont maintenant le droit de travailler dans n'importe quel autre pays d'Europe. Comme la main-d'oeuvre est devenue plus transférable, il a fallu appliquer une certification commune dans un certain nombre de domaines.

Le système n'a pas encore atteint la perfection, mais il constitue une amélioration dans la vie de tous les citoyens. Si des Européens de langues et d'origines ethniques différentes peuvent en arriver à une telle entente par-dessus leurs frontières nationales respectives, les Canadiens doivent être capables de résoudre les quelques divergences existant entre les provinces.

Dans le Canada d'aujourd'hui, il se fait pour plus de 146 milliards de dollars d'échanges commerciaux entre les provinces. Il existe par ailleurs au moins 500 obstacles au commerce interprovincial au Canada, et chacun nous coûte quelque chose sur le plan des emplois, de l'argent, de la croissance et de la compétitivité, ce dont tous les Canadiens souffrent directement. Ils sont forcés de payer des prix plus élevés pour des produits comme les oeufs, le lait, la bière et les services financiers. Ils doivent payer des impôts plus élevés afin que le gouvernement provincial puisse favoriser des producteurs locaux inefficaces contre les producteurs d'ailleurs qui sauraient en offrir un meilleur rapport qualité-prix.

Ces obstacles constituent un problème qu'un gouvernement fédéral déterminé peut régler unilatéralement dans bien des cas. Même de légères améliorations dans la voie de la réduction des barrières commerciales peuvent se traduire par des gains considérables pour le pays. Il est temps de nous y attaquer sérieusement.

Les réformistes ont formulé des politiques sur ces questions. Je voudrais en faire part à la Chambre.

Le Parti réformiste préconise la suppression des obstacles au commerce interprovincial au moyen d'accords prévoyant notamment des mécanismes de règlement des différends commerciaux entre les provinces. Si les provinces refusaient de collaborer et de supprimer les obstacles aux échanges interprovinciaux, le Parti réformiste préconise de s'attaquer à ces obstacles par la voie constitutionnelle chaque fois que possible.

Cette affirmation se passe de commentaires. J'ai dit tout à l'heure que les réformistes avaient un plan pour abattre les barrières commerciales. Il réside dans les dispositions déjà existantes de la loi constitutionnelle qui peuvent servir à remédier précisément à ces problèmes.

L'article 121 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique stipule en effet que: «Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d'aucune des provinces seront, à dater de l'union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.» De même, l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique prévoit que: «L'autorité législative exclusive du Parlement du Canada s'étend à la réglementation du trafic et du commerce.»


12921

(1700)

Ces deux articles prouvent à l'évidence que le commerce interprovincial relève exclusivement de la compétence fédérale et que les provinces violent l'esprit de la Constitution lorsqu'elles érigent des barrières commerciales. Un gouvernement réformiste ferait le nécessaire pour que ces principes constitutionnels soient respectés.

Après avoir signé l'accord, en juillet dernier, le ministre de l'Industrie a déclaré que les gouvernements signataires avaient conclu cet accord volontairement et sans que le gouvernement fédéral n'essaie de façon arbitraire et contestable d'user de ses pouvoirs ou d'autres formes de contrainte. Cela montre bien la différence fondamentale entre les libéraux et les réformistes. Les libéraux, craignant toujours de faire des vagues ou de marcher sur les pieds de quelqu'un, se contentent de prendre de toutes petites mesures ou même de revenir en arrière s'ils croient pouvoir faire quand même bonne figure.

Les réformistes préfèrent affronter la réalité et résoudre les problèmes. Il est évident que les provinces violent l'esprit de la Constitution. Les réformistes souhaitent que la situation soit corrigée et cela, dans l'intérêt supérieur de tous les Canadiens. S'il faut pour cela que le gouvernement fédéral use de ses pouvoirs ou d'autres formes de contrainte, tant pis.

Conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, qui est aussi une annexe de la Constitution:

Tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit de se déplacer dans tout le pays et d'établir leur résidence dans toute province.
Ce droit a été invoqué avec succès dans des contestations judiciaires pour révoquer des lois provinciales empêchant des professionnels de travailler dans une autre province que la leur. Le cas le plus frappant concerne un comptable du Nouveau-Brunswick qui voulait exercer son activité à l'Île-du-Prince-Édouard. Comme la loi de cette province l'en empêchait, il a poursuivi l'Île-du-Prince-Édouard devant les tribunaux et a eu gain de cause en raison de la liberté de circulation prévue par la Charte des droits de la personne.

Les réformistes sont en faveur de la mobilité de la main-d'oeuvre entre les provinces et estiment que le gouvernement doit agir rapidement pour veiller à ce que cet objectif soit atteint.

En analysant les faits, c'est bien beau de dire que tous les Canadiens ont des droits, mais quel homme d'affaires a le temps, l'argent et la patience de poursuivre chaque province devant les tribunaux pour pouvoir y exercer son activité? Cela doit être reconnu comme une entrave à la libre circulation de la main-d'oeuvre. Il est grand temps que les provinces suppriment ces entraves, qui ont entraîné une augmentation non négligeable des coûts d'exploitation des entreprises et qui ont dissuadé l'implantation de nouvelles entreprises. Nous rendons service à nos cousins américains quand nous abusons de nos propres concitoyens. Nombre d'entreprises regardent vers le sud parce que les obstacles vers l'Est et l'Ouest sont trop hauts au Canada.

Les gouvernements, et non les citoyens, ont la responsabilité de s'occuper de ces questions et de le faire de toute urgence, comme le ministre de l'Industrie l'a dit.

Les réformistes ne peuvent appuyer un projet de loi qui consacre l'échec des premiers ministres de l'été dernier. Nous exigeons que le gouvernement fédéral fasse respecter la Constitution, qui lui confère les pouvoirs nécessaires pour permettre le libre-échange entre les provinces-il s'agit, notamment, des articles 121 et 91 et du droit de libre circulation prévu par la Charte-et qu'il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que toutes les barrières interprovinciales soient supprimées.

Nous exigeons également que soient supprimés tous les programmes fédéraux qui contournent le problème des barrières en redistribuant la richesse et les programmes et qui nuisent à la libre circulation de la main-d'oeuvre.

En somme, les barrières interprovinciales au commerce ont pour effet que les Canadiens perdent des emplois, que nos taxes sont plus élevées, que nos produits coûtent plus cher et que notre économie est moins concurrentielle.

Comme je l'ai dit au début de mon discours, le projet de loi C-88, qui approuve l'accord sur le commerce intérieur dans sa forme actuelle, constitue une grande déception pour deux raisons principales. La première, c'est qu'il nous fait perdre une occasion en or de créer les milliers d'emplois dont le Canada a désespérément besoin aujourd'hui.

La deuxième, et c'est sans doute la plus importante, c'est qu'une autre promesse du livre rouge n'a pas été respectée au moment où nous devrions tous tenter de rétablir la confiance entre les électeurs et leurs représentants. C'est une autre occasion perdue, un autre pas en arrière.

Pour toutes ces raisons, je propose:

Qu'on modifie la motion en retranchant tous les mots suivant le mot «Que» et en les remplaçant par ce qui suit:
«Cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-88, Loi portant mise en oeuvre de l'accord sur le commerce intérieur, parce qu'il n'élimine pas toutes les barrières interprovinciales au commerce.
(1705)

Le vice-président: L'amendement du député de Simcoe Centre est recevable.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir dans la présentation de ce projet de loi très important et qui, dans la bonne stratégie du gouvernement, est passé presque inaperçu et qui pourra peut-être bousculer les règles de fonctionnement du commerce intérieur au Canada. Je suis donc très heureux d'intervenir au sujet du projet de loi C-88, Loi portant mise en oeuvre de l'accord sur le commerce intérieur.

Il faut se rappeler que les négociations qui ont mené à cet accord ont été très ardues, très pénibles et ont débuté en 1987. Elles ont abouti, ces négociations, en juillet 1994, il y a donc moins d'un an. À ce moment, 11 gouvernements, en plus du gouvernement du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest en sont venus à une entente. Le but de l'accord était évidemment de conclure une véritable entente de libre-échange intérieur quant au commerce canadien.

Cette entente touche 11 grands champs d'activité économique que je me permettrai de vous énumérer pour la bonne compréhension du débat. Ces champs d'action sont les suivants: les marchés publics, les investissements, la mobilité de la main-d'oeuvre,


12922

les normes en matière de consommation, la production agricole et alimentaire, les boissons alcoolisées, la transformations des ressources naturelles, les communications, les transports, l'énergie et la protection de l'environnement.

Je voudrais, à ce stade, bien faire comprendre à cette Chambre que le Bloc québécois, comme opposition officielle, est favorable au commerce intérieur et dans ce sens, il appuie le projet de loi. Mais le Bloc québécois rejette d'emblée, par contre, le rôle, les pouvoirs et la place que le gouvernement fédéral s'accorde dans ce projet de loi, et c'est ce que nous allons illustrer.

Notre désaccord s'exprime à trois égards. Premièrement, le contexte au sein duquel ce projet de loi a été présenté; deuxièmement, le libellé comme tel de l'article 9 qui est la pièce maîtresse de cette loi C-88; et enfin, la provenance de cet article 9.

Premièrement, quant au contexte de la présentation du projet de loi C-88, ce contexte est très choquant parce qu'on retrouve la logique, les habitudes de ce gouvernement qui procède sans consultation avec les provinces, sans concertation, qui procède quasi en catimini et qui n'a, de surcroît, aucun mandat pour procéder dans ce sens, aucun mandat découlant notamment de la dernière réunion des ministres responsables du commerce intérieur au Canada, provinciaux et fédéral, qui s'est tenue le 10 avril 1995 à Calgary, où, nous avons su de bonne source que jamais le gouvernement fédéral n'a fait état de son intention et qu'il n'a jamais reçu le mandat des parties d'aller dans le sens qui nous est proposé aujourd'hui.

Deuxième réserve quant au contexte, ce que l'on sait, par ailleurs, c'est que les parties s'étaient entendues pour faire en sorte que le mécanisme de règlement des conflits, qui est souvent la pierre d'achoppement dans ce genre d'entente, soit établi en se basant sur la bonne foi des parties et non pas sur des mécanismes de nature judiciaire. C'est pourtant la voie qu'a choisie le gouvernement fédéral, encore là sans concertation ni consultation. Il a choisi la voie judiciaire par l'article 9 dont on parlera tantôt.

Enfin, toujours en ce qui a trait au contexte de la présentation du projet de loi, ce projet de loi nous illustre la conception et la perception que le gouvernement fédéral a de son rôle et de son action dans le commerce intérieur, nous informe de l'autorisation qu'il s'accorde lui-même d'intervenir dans les litiges entre les provinces, et jamais dans l'entente on ne retrouve une telle autorisation qui lui est faite.

(1710)

J'en arrive maintenant à l'article 9 qui, comme je vous le disais, est la pièce maîtresse de ce projet de loi. Je vous lirai l'article 9 parce que cela vaut la peine, et cela va, je peux vous l'assurer, créer des remous très bientôt dans la gestion de ce pays. Par l'article 9, voici les pouvoirs que se donne le gouvernement:

9. (1) Le gouverneur en conseil peut, par décret, aux termes de l'article 1710 de l'accord, en vue de suspendre des avantages d'une province ou de prendre contre elle des mesures de rétorsion ayant un effet équivalent:
a) suspendre les droits ou privilèges que le gouvernement du Canada lui a accordés en vertu de l'accord ou d'un texte législatif fédéral;
b) modifier ou suspendre l'application d'un texte législatif fédéral à son égard;
c) l'assujettir à l'application d'un texte législatif fédéral;
d) prendre toute autre mesure qu'il estime nécessaire.
(2) Dans le présent article, «texte législatif fédéral» désigne tout ou partie d'une loi fédérale ou d'un règlement, décret ou autre texte pris dans l'exercice d'un pouvoir conféré sous le régime d'une loi fédérale.
Ce qu'il faut retenir, c'est notamment deux expressions: «par décret» et «aux termes de l'article 1710 de l'accord». Je vais reprendre plus substantiellement, de façon concise, la lecture de l'article en mettant en relief les mots «par décret».

Donc, «le gouverneur en conseil peut «par décret» suspendre les avantages d'une province ou prendre contre elle des mesures de rétorsion ayant un effet équivalent. Donc, «par décret», sans consultation, sans débat et sans résolution de la Chambre des communes, il peut suspendre «par décret» donc sans consultation, sans débat et sans présentation aux Communes, les droits ou privilèges que le gouvernement du Canada a accordés à cette dite province fautive, en vertu de l'accord ou d'un texte législatif fédéral.

Il peut, «par décret», modifier ou suspendre l'application d'un texte législatif fédéral à son égard. Il peut, «par décret», l'assujettir à l'application d'un texte législatif fédéral. Et si tout cela n'est pas suffisant pour mettre la province fautive au pas, toujours sans mandat, le gouvernement fédéral peut, «par décret», prendre toute autre mesure qu'il estime nécessaire.

C'est ce qui a fait dire au premier ministre Parizeau, le premier ministre du Québec, qu'il s'agissait là d'une mesure de guerre commerciale. Ce n'est pas peu dire quand on sait que cela vient de la bouche du premier ministre du Québec.

Il y a aussi la référence «aux termes de l'article 1710». Je vous lirai rapidement ce qu'il en est de l'article qui m'apparaît le plus important des 13 paragraphes de l'article 1710.

L'article 7 se lit ainsi:

Afin de déterminer les avantages qui doivent être suspendus ou les mesures de rétorsion qui doivent être imposées, la partie plaignante tient compte des conditions suivantes:
a) Elle doit suspendre des avantages ou imposer des mesures dans le même secteur que la mesure jugée contraire à l'accord;
b) Ce n'est que dans le cas où il serait impossible en pratique, ou inefficace de suspendre de tels avantages ou d'imposer de telles mesures, qu'elle peut suspendre des avantages ou imposer des mesures de rétorsion dans d'autres secteurs visés par l'accord.
On fait référence à l'article 1710 où on autorise, à supposer qu'on a un problème de mobilité de main-d'oeuvre, si on ne peut pas répliquer à la province fautive en prenant une mesure de rétorsion en termes de mobilité de main-d'oeuvre, on pourra en prendre, c'est sous-entendu, en termes de ressources naturelles, par exemple, en termes de communication ou d'investissement. C'est ce que cela veut dire.

Il faut savoir que toute cette entente, et l'article 1710 notamment, est très floue quant au rôle du gouvernement fédéral. Est-ce qu'il peut intervenir seulement quand il est partie lésée ou s'il peut intervenir dans un litige entre deux provinces, une fois qu'on aura déterminé quelle est la province fautive? Ce n'est pas clair du tout dans le texte de l'accord, tel que libellé.


12923

Connaissant l'histoire du Canada, on sait combien le gouvernement canadien déteste le vide.

(1715)

Or, il y a ici un vide juridique. On sait combien le gouvernement fédéral déteste le vide et avec la façon dont il a utilisé historiquement son pouvoir de dépenser et son pouvoir résiduaire, on peut s'attendre ici, compte tenu du flou que nous avons au niveau du texte, que le fédéral ne se gênera pas. Il vient de se donner les moyens, d'ailleurs, de ne pas se gêner pour intervenir, pour mettre au pas la province fautive.

Quant aux réactions, c'est très intéressant. Le ministre de l'Industrie, responsable de la loi, a traité de paranoïaque la réaction de l'opposition officielle. Il a dit que c'était farfelu comme remarque. Pourtant, Mme Manon Cornellier, qui suit le dossier depuis des années, a interrogé, dans les heures qui ont suivi la présentation du projet de loi, deux hauts fonctionnaires permanents au Secrétariat du commerce intérieur, M. Lecherson et M. Knox.

M. Lecherson est conseiller supérieur en stratégie au Secrétariat, et quand on lui demande si le projet de loi se situe bien par rapport à l'esprit de l'entente, quelle est la portée du projet de loi, il dit: «Effectivement, le projet de loi va plus loin que ce que prévoit l'entente.» M. Knox, lui, qui est directeur exécutif du même Secrétariat au commerce intérieur, il dit: «En théorie oui, il permet au gouvernement d'appliquer des mesures de rétorsion qu'il juge appropriées dans n'importe quel secteur, mais cela est très peu probable. Ce serait surtout des mesures de nature économique.»

Or, on parle ici strictement de questions économiques. C'est ce qui nous a permis de penser qu'on oserait même s'attaquer, pour mettre au pas une province fautive, imaginons que ce serait le Québec, aux programmes sociaux. C'est là la porte qui nous a été ouverte et pour laquelle on croit légitime de faire un procès d'intention. Compte tenu du peu de transparence du gouvernement, on est en droit de lui faire un tel procès d'intention.

Enfin, il y a eu réaction officielle, et je veux vous lire un extrait de la lettre que M. Daniel Paillé, ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie du Québec, a adressée à son homologue canadien, le 10 mai 1995, et je vous lis les 3e et 4e paragraphes: «Le gouvernement du Québec considère donc inacceptable, dans le cadre d'un accord pancanadien où le gouvernement fédéral agit en partenariat avec les autres signataires de l'accord et où les limites d'intervention des différents partenaires sont déjà bien tracées par les clauses du chapitre 17 de l'accord, il est jugé essentiel de se doter de pouvoirs aussi étendus à l'article 9 de sa loi de mise en oeuvre. Je désire par conséquent vous exprimer l'opposition du gouvernement du Québec à cet article, qui apparaît conférer au gouvernement fédéral des pouvoirs très étendus, qui dépassent ce qui est nécessaire pour l'application des mesures de rétorsion prévues au chapitre 17 de l'accord.»

Je pense que c'est très clair. Il faut s'imaginer ce que cela peut vouloir dire en pratique. On en a donné des exemples tout à l'heure, mais on peut continuer pour faire bien comprendre l'envergure de la question qui nous est présentée en catimini. Cela voudrait dire que face à une province déclarée fautive, on pourrait la priver d'investissements fédéraux. Cela voudrait dire, par exemple, que si le Québec était jugé fautif dans une situation X, une situation hypothétique, on pourrait empêcher Hydro Québec de vendre de l'électricité dans une autre province.

Cela veut dire qu'on pourrait priver la livraison de gaz naturel dans une province déclarée fautive. C'est très grave. Cela pourrait aussi vouloir dire, en termes de mobilité de main-d'oeuvre, qu'on pourrait empêcher des travailleurs d'aller travailler dans une province qui serait déclarée fautive dans son litige envers une autre province. Ce sont là des pouvoirs que le gouvernement fédéral s'arroge, parce que jamais dans l'entente il n'a eu le mandat de présenter un tel projet de loi.

Si jamais ce n'était pas là son intention, tel que libellé, le fédéral a tout le loisir, si jamais ce projet de loi est appliqué et reçu comme tel, d'agir dans ce sens et c'est là toute la gravité de la situation, compte tenu du libellé de l'article 9. Enfin, notre réserve porte sur la provenance de l'article 9 qui, quand on a porté cet état de chose à mon attention, m'a quasi scandalisé.

(1720)

Il faut savoir que l'article 9 est la copie conforme, sauf quelques allusions de bon aloi au fait qu'il s'agit là de politique internationale, mais dans son essence, dans son esprit, est la copie conforme de l'article 21 de l'ALENA. Ce qu'on a fait à l'article 9, c'est qu'on a remplacé le mot «pays» que l'on retrouve à l'article 21 par le mot «province». En ce qui me concerne, je trouve que comme paresse intellectuelle ou comme incurie, il faut le faire.

Je pense que c'est une belle trouvaille quand on se permet quasiment de plagier dans des textes aussi importants, parce que cela m'apparaît trop facile compte tenu des problématiques qui sont différentes, compte tenu que les relations entre pays souverains ne sont justement pas des relations similaires à celles qui peuvent exiter entre un gouvernement central et des gouvernements provinciaux. Je trouve cela plutôt ahurissant de voir qu'on se permet une telle facilité en se bornant à changer tout simplement le mot «pays» pour «province» tout en profitant de l'occasion pour se donner des pouvoirs exorbitants.

À moins qu'il y ait dans l'édifice Langevin des visionnaires, ce qui ne serait pas impossible, et qu'ils aient peut-être voulu ménager beaucoup d'énergie et de débat et prévoir bientôt qu'il devra y avoir traité, qu'il devra y avoir entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec sur un plan international et que c'est peut-être aussi bien d'épargner du temps et de l'argent et de la chicane et de reconnaître déjà que le Québec, d'une façon plutôt subtile, serait partie prenante à une entente internationale. Le jour s'en vient où les Québécois auront officiellement à traiter sur un plan international tant avec le Canada qu'avec les États-Unis et les autres pays. Il tombe sous le sens, comme le Bloc québécois l'a suggéré récemment, qu'il y ait association économique, que les liens les plus étroits soient maintenus et que le bon voisinage soit favorisé entre nos deux pays.


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Pour terminer, je considère donc qu'il est nécessaire d'amender l'article 9 pour qu'il reflète l'esprit de l'entente et limite l'intervention du gouvernement fédéral comme partie lésée seulement, sans quoi le projet de loi C-88 risque de provoquer, de susciter lui-même des conflits au lieu de les régler.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-88, la mesure législative de mise en oeuvre du prétendu accord sur le commerce intérieur.

De tous les projets de loi présentés à la Chambre ces derniers mois, celui-ci est peut-être le plus important pour les Canadiens. Comme l'a dit mon collègue tout à l'heure, ce projet de loi semble avoir suscité très peu d'intérêt parmi les députés et dans la population en général.

Je voudrais prendre quelques minutes pour parler de ce que les obstacles au commerce intérieur nous coûtent, à nous les consommateurs, et, dans mes commentaires, j'accorderai une place toute spéciale aux rapports entre le Québec et le reste du Canada. C'est véritablement à cela que se ramène la question. Lorsque nos amis du Québec parlent de rapports avec le reste du Canada après une séparation, ce qu'ils veulent dire, c'est qu'ils tiennent mordicus à trouver le moyen de garder tous les avantages qui découlent de notre union sans nous nuire les uns aux autres.

Cela est évidemment d'une importance primordiale pour les Québécois. Ils ne seraient pas très heureux s'ils se retrouvaient dans un pays indépendant en faillite et sans partenaires commerciaux. Le reste du Canada non plus ne serait pas dans une situation très brillante. Si vous me le permettez, je voudrais donner une idée précise de l'importance du commerce entre les provinces canadiennes.

(1725)

Je dois une bonne partie de ce que je vais dire au Fraser Institute, surtout. . .

Des voix: Oh, oh!

M. McClelland: Mes vis-à-vis libéraux subissent un véritable choc lorsque je mentionne le Fraser Institute. Par ailleurs, par une heureuse coïncidence, les chambres de commerce du Canada et du Québec viennent juste d'envoyer ces renseignements à tous les députés. Je puiserai aux deux sources.

Certains députés libéraux se souviendront peut-être que, lorsque l'Accord de libre-échange a été mis en oeuvre, quelques-uns de nos vis-à-vis s'y opposaient vivement. Est-ce exact? N'y avait-il que des soupçons d'opposition?

M. Milliken: Oui, oui.

M. McClelland: Oui, c'est exact. J'entends certains députés d'en face dire: «Oui, nous étions contre l'Accord de libre-échange. Nous étions farouchement opposés à l'Accord de libre-échange.» Les députés de l'autre côté étaient contre l'Accord de libre-échange à l'époque, notamment parce qu'ils craignaient que les Américains ne soient beaucoup plus forts que nous. Nous avions, chez nous, certaines industries relativement inefficaces.

Pendant très longtemps, l'Ouest a déploré, avec raison, le fait que les régions productrices de ressources, c'est-à-dire l'Ouest, le Nord et l'Est, subventionnaient le centre du Canada. Nous exportions des matières brutes vers le centre et le centre nous vendait ses produits finis à des prix parfois très élevés.

Nous devions payer très cher le fait d'être Canadiens. Bien des gens, surtout en Ontario et au Québec, ont vu dans l'Accord de libre-échange un moyen de réduire et même d'abolir ces barrières. Le Canada se trouvait dans une situation où il devait absolument être compétitif.

Pour les autres régions du pays, l'Accord de libre-échange n'était pas si terrifiant. Je me rappelle, et je suis convaincu que d'autres députés s'en souviennent aussi, qu'à l'époque du grand débat sur le libre-échange, les taux d'intérêt étaient très élevés. Vous en souvenez-vous? De même, la valeur du dollar était élevée. Vous en souvenez-vous? Nous nous apprêtions à nous engager dans un Accord de libre-échange avec l'une des nations les plus implacables du monde en matière de commerce et nous nous demandons ensuite comment il se fait que nous ayons perdu la partie. Nous devions avoir perdu l'esprit pour accepter un Accord de libre-échange avec les États-Unis, alors qu'il existait chez nous de nombreux obstacles au commerce entre les régions et que nos taux d'intérêt, ainsi que la valeur de notre dollar, étaient très élevés.

Cela me fait penser au film de Monty Python où le chevalier se fait couper le bras, puis l'autre bras; il prend ensuite son épée dans sa bouche, se fait couper les deux jambes et dit à son adversaire: «Vas-y, bats-toi comme un homme.» Voilà l'image du Canada après la signature de l'Accord de libre-échange. Nous étions là avec notre épée dans la bouche et nous disions aux États-Unis: «Battez-vous loyalement.» Nous avons l'Accord de libre-échange avec les États-Unis, mais avons-nous un Accord de libre-échange au Canada? Non, nous n'en avons pas.

Lorsque le gouvernement fédéral s'est mis à négocier un Accord de libre-échange pour l'Amérique du Nord, un accord entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, il y avait autour de la table trois interlocuteurs et tous les laquais qui ont contribué à la signature de cet accord. Les députés peuvent-ils s'imaginer quelle était la situation lorsque nous avons réuni le gouvernement fédéral et les 10 provinces autour d'une table pour négocier un Accord de libre-échange canadien?

Les provinces sont très différentes. Elles varient de la Colombie-Britannique, qui a présenté ses demandes dans un document d'un pouce d'épaisseur en disant: «Voilà ce que nous demandons, voilà ce que nous voulons protéger.» En Alberta, les doléances tenaient sur un bout de papier: «Il ne devrait pas y avoir d'obstacle au commerce. Il ne devrait y avoir aucun obstacle à la circulation et au transport des capitaux, des idées et des personnes.»

On disait que c'était l'Ontario qui avait le plus à perdre en souscrivant à un tel Accord de libre-échange parce qu'elle contrôle le gros des échanges commerciaux au Canada et pourtant, à ce qu'on m'a dit, elle s'est révélée une des provinces les plus conciliantes dans le débat. Dans l'intérêt du pays, pour le


12925

bien de tous, elle était prête à supprimer ses propres obstacles au commerce intérieur.

Si je critique cette mesure législative, ce n'est pas qu'il ne s'agit pas d'un pas dans la bonne direction.

(1730)

C'est que le gouvernement fédéral, à titre de chef de file, a la responsabilité fiduciaire à l'égard de la conduite des affaires économiques du pays. C'est à lui de dire: «Citoyens, il nous faut des industries concurrentielles au Canada. Comment peut-on soutenir la concurrence sur le marché mondial si c'est encore impossible chez nous?»

Comment, en tant que pays, pouvons-nous songer à rivaliser avec d'autres pays, sans éliminer tous les obstacles au Canada pour assurer le libre-échange, la libre circulation des personnes, la libre circulation des capitaux, la libre circulation des idées, afin de devenir aussi efficaces que possible chez nous, avant de songer à faire le commerce ailleurs dans le monde? Voilà pourquoi il est si important de se débarrasser de tous ces obstacles au commerce intérieur.

Pour illustrer la chose, j'aimerais signaler certains problèmes auxquels nous sommes confrontés quotidiennement lorsqu'il existe des obstacles au commerce intérieur ou des subventions qui ont des effets de distorsion sur les échanges. Nous savons que le Québec s'est efforcé de développer son marché et ses industries d'exportation et qu'il a passablement réussi. Je n'ai pas de chiffres exacts, mais je sais que le Québec a considérablement élargi ses industries d'exportation ces dernières années.

Supposons maintenant que le gouvernement québécois accorde une subvention à l'exportation à la compagnie A qui fabrique un produit qui est également fabriqué en Ontario, en Colombie-Britannique ou en Nouvelle-Écosse où cette subvention n'est pas octroyée. Qu'arrive-t-il si les deux provinces se mettent à se disputer le même client canadien? La compagnie qui reçoit la subvention de 200 000 $ du gouvernement, financée par l'impôt, est gagnante, tandis que celle qui ne reçoit pas de subvention est perdante, parce que ses coûts sont plus élevés. Cela ne contribue absolument pas à accroître la compétitivité de nos industries. Cela ne fait que récompenser les industries qui sont peut-être plus chancelantes, qui ne sont peut-être pas aussi compétitives que d'autres, aux dépens des entreprises qui réussissent à se débrouiller par elles-mêmes.

C'est l'une des raisons pour lesquelles les gouvernements ne devraient pas faire de gagnants et de perdants sur le marché et créer des subventions pour qu'une compagnie, dans une province, jouisse d'un avantage concurrentiel par rapport à une autre compagnie dans une autre province. Tout cela ne fait que déplacer un emploi de A à B.

Il y a un certain temps, dans l'industrie de l'automobile, il y avait, à Brampton, une compagnie qui avait reçu du gouvernement une importante subvention pour construire une usine au Québec. Les gens, au Québec, étaient contents d'avoir cette usine. La compagnie a fini par fabriquer le même nombre d'automobiles. Elle a fermé son usine en Ontario, en a ouvert une autre au Québec, a mis à pied 200 employés en Ontario et en a embauché 50 au Québec. Cela a fait perdre 150 emplois au pays et nécessité des investissements pour construire l'usine dans l'autre province.

Si nous, en tant que législateurs, en tant que Parlement, sommes prêts à donner cet argent à gauche et à droite, pouvons-nous reprocher à l'industrie de vouloir sa part? Si on est en affaires et qu'on livre concurrence à une autre entreprise qui a l'avantage de recevoir une subvention du gouvernement, pour ne pas faire faillite, il faut réussir à obtenir une subvention.

C'est pourquoi il faut que nous éliminions les obstacles au capital. Il faut que nous éliminions les obstacles à la mobilité et que nous cessions à tout prix d'utiliser l'argent des contribuables pour faire des gagnants et des perdants sur le marché.

Puisqu'il est question de commerce interprovincial, si nous regardons ce qui se fait depuis toujours au Canada, où la Banque de Nouvelle-Écosse a-t-elle commencé? Je demande, pour la forme, si la Banque de Nouvelle-Écosse avait son siège social à Toronto ou à Montréal. Il était à Halifax. Qu'est-il arrivé dans le cadre des ententes commerciales ou que s'est-il produit au Canada pour que tout à coup, pour une raison ou pour une autre, le siège social de la banque déménage à Toronto? On a faussé le commerce interprovincial pour protéger certaines industries dans tout le pays.

(1735)

À l'époque de la création de la Banque de Nouvelle-Écosse, les échanges commerciaux se faisaient traditionnellement non pas d'Est en Ouest, mais du Nord au Sud, tout comme les blocs commerciaux de tout le pays ont toujours été. Nous avons donc fait en sorte qu'ils soient Est-Ouest artificiellement. Cependant, ce qui se produit, c'est que toutes les ressources financières et tous les moteurs de compétitivité se concentrent là où vivent la plupart des gens.

La même chose pourrait se produire au Canada de nos jours. Nous allons continuer à constater cette migration de la richesse vers les régions riches en ressources c'est-à-dire celles où l'on retrouve le plus d'électeurs au Canada, au centre-ville de Toronto et de Montréal, aux dépens du reste du pays, à moins que nous puissions compter sur cette liberté de circulation et ce libre-échange à l'intérieur de toutes les provinces.

Je voudrais faire part de quelques faits au sujet des échanges entre le Québec et le reste du pays. C'est particulièrement important étant donné que nos collègues du Bloc, qui représentent beaucoup de gens au Québec, essaient de partir du principe que le Québec s'en tirerait beaucoup mieux s'il n'était pas rattaché au reste du pays et qu'inversement, les autres provinces canadiennes s'en sortiraient beaucoup mieux si elles n'étaient pas liées au Québec.

Nous réussirions à survivre. Ceux d'entre nous qui vivent dans l'Ouest s'en tireraient mieux que d'autres, mais nous serions tous durement frappés et c'est surtout vrai pour les Québécois. Il ne faut pas être assez naïf pour prétendre un instant qu'un Québec séparé profiterait de tous les privilèges ou de certains privilèges dont il jouit à l'heure actuelle. Il faut certes avoir l'imagination fertile pour croire que le reste du pays va dire au Québec qu'il peut s'en aller de son côté et qu'au Canada, nous prétendrons que rien ne s'est produit, que rien n'a changé.

Le premier ministre du Québec et d'autres dirigeants québécois peuvent affirmer ce qu'ils veulent, mais il est important que


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les Québécois sachent que ces dirigeants n'imposent pas leurs règles au reste du pays. Les autres provinces vont aborder ces négociations d'un point de vue tout à fait différent.

Je voudrais citer un passage d'un opuscule préparé en mai par la Chambre de commerce du Canada, la Chambre de commerce du Québec, et intitulé Le commerce interprovincial, moteur de la croissance économique. Selon cette brochure, des relations commerciales et personnelles solides nous unissent et nous renforcent en tant que pays commerçant, et des partenariats stratégiques et dynamiques permettent aux sociétés et aux entreprises canadiennes de pénétrer les marchés internationaux dans le nouvel environnement mondial.

Le message est clair et simple: ensemble, nous prospérons. Ensemble, nous pouvons créer des emplois pour la prochaine génération et nos relations interprovinciales sont le moteur de cette croissance. Ensemble, nous devons continuer à bâtir sur les relations qui existent déjà, si nous voulons améliorer notre position concurrentielle et notre capacité de créer des emplois à l'échelle internationale, afin de confirmer notre réputation en tant que meilleur pays du monde à habiter.

Que représente ce commerce pour le Québec? Encore une fois, on fait remarquer dans la brochure que, même si les provinces doivent compter sur le commerce interprovincial, l'économie québécoise dépend beaucoup plus du commerce avec les autres provinces que les autres provinces dépendent du Québec. En 1989, le Québec a exporté davantage à la Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, qu'à n'importe quel autre pays en Europe, y compris la France. Il a effectué autant de ventes en Ontario qu'aux États-Unis. Les autres provinces ont effectué plus d'exportations vers le Québec que vers l'Union européenne et le Japon ensemble.

(1740)

Au Québec, 470 000 emplois ont découlé directement et indirectement des exportations interprovinciales, en 1989. Il n'y a pas que les entreprises établies à Montréal qui exportent des produits et des services aux marchés des autres provinces. Les fabricants de l'Estrie, de la Mauricie, des Bois-Francs et de l'Abitibi-Témiscamingue comptent aussi énormément sur les ventes aux autres régions canadiennes.

Le Québec a été, outre l'Ontario, la seule province à avoir enregistré un excédent au chapitre du commerce interprovincial, ce qui a contribué à compenser en partie le déséquilibre de sa balance commerciale, son déficit commercial avec le reste du monde.

L'Ontario est le partenaire commercial le plus important du Québec au sein du Canada, mais le Québec a affiché un déficit dans ses échanges commerciaux avec l'Ontario. L'excédent de la balance commerciale du Québec avec les autres provinces provient des provinces plus éloignées, ce qui illustre l'importance que l'accès à ces régions revêt pour le Québec.

Voilà qui représente peut-être l'aspect le plus important du projet de loi C-88 et de ce dont nous discutons aujourd'hui. Cela illustre vraiment toute la nature de notre union et en quoi elle consiste. Nous n'avons pas tous à parler la même langue dans notre pays. Il ne nous est même pas nécessaire de comprendre la langue maternelle les uns des autres. Mais il importe que nous comprenions tous au Canada que lorsque nous tirons de notre poche un billet de 5 $ ou une pièce de 1 $, et peut-être même bientôt de 2 $, et que nous l'échangeons contre un produit, nous parlons le même langage. Le commerce n'a pas de langue propre. D'après la nature du pays que nous avons bâti ici, s'il existe un discours commercial et des échanges commerciaux, et si nous gardons ouvertes les voies d'échange commercial entre toutes les parties du Canada, notamment entre le Québec et le reste du pays, tout le reste s'ensuivra sûrement.

En tant que pays, nous parlons de maintenir nos liens commerciaux avec d'autres parties du monde. Si nous commerçons avec les autres pays, nous apprenons à les connaître. Nous devons sûrement faire en sorte que nos provinces cultivent des échanges commerciaux entre elles, de sorte que nous apprenions les uns des autres. Il est difficile d'entretenir de mauvais rapports avec quelqu'un avec qui nous avons de bonnes relations commerciales. Si nous avons des relations commerciales bénéfiques pour les deux parties, nous hésiterons beaucoup plus à faire ou à dire quoi que ce soit qui risque de compromettre ces relations.

Je suis heureux d'avoir eu cette occasion d'exprimer quelques réflexions dans le cadre du présent débat. Je regrette que le gouvernement n'ait pas profité de l'occasion que lui offrait ce débat pour s'employer avec beaucoup plus de vigueur à abattre les nombreuses barrières commerciales qui subsistent encore.

[Français]

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, je viens d'écouter le discours du député du Parti réformiste et j'aimerais soulever quelques points.

Il disait que dans l'éventualité où le Québec deviendrait souverain, le reste du Canada refuserait très certainement de commercer avec nous, de procéder à des échanges, comme c'est le cas actuellement. Je me demande si ce n'est pas du braquage et si c'est fondé sur quelque chose de palpable, de tangible. Est-ce que la frustration dans l'Ouest canadien se tranche au couteau encore actuellement? Je l'ignore.

(1745)

Mais si j'imagine un Québec indépendant ou souverain, au lendemain, le boeuf qu'on a l'habitude d'acheter chez vous, allez-vous refuser de nous le vendre? La bière qui est faite chez les brasseurs ontariens, allez-vous refuser de nous la vendre dorénavant? Allez-vous nous forcer à acheter nos voitures aux États-Unis ou en France? Pourtant, on a connu la guerre froide avec les pays de l'Est et cela n'a pas empêché les membres du Parti réformistes, les gens de l'Ouest de vendre des milliers de tonnes de grain à la Russie annuellement, alors que les idéologies étaient pour le moins contradictoires.

Je voudrais leur demander en vertu de quoi, parce que le Québec aurait accédé à sa souveraineté, à la pleine possession de ses moyens et de ses outils, ils ne voudraient plus rien nous vendre? Il me semble qu'ils se tireraient dans le pied et qu'ils compteraient dans leur propre but. En tout cas, c'est mon idée, et je voudrais qu'il m'explique cela. Est-ce que c'est du braquage finalement?


12927

[Traduction]

M. McClelland: Monsieur le Président, si j'ai donné l'impression que le reste du Canada ne voudrait pas faire d'échanges commerciaux avec le Québec, je m'en excuse. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je tenais plutôt à signaler toute l'importance que revêtent les échanges commerciaux entre toutes les provinces canadiennes, y compris avec le Québec, et toute l'importance que revêt le commerce pour le Québec. Le commerce est d'ailleurs peut-être plus important pour le Québec que pour les autres provinces, puisque la richesse du Québec se fonde principalement sur le commerce et sur l'exportation.

J'ai plutôt dit qu'il ne faudrait pas faire croire aux Québécois que les choses ne changeraient pas. Si les Québécois pensent qu'ils pourront survivre grâce à des obstacles au commerce ou à toute autre mesure visant à aider leur province, ils ont tort.

J'espère sincèrement, à l'instar de mon collègue, que nous ne prendrons aucune mesure allant à l'encontre de nos intérêts. Cela ne serait pas productif. Nos relations commerciales s'en trouveraient fort tendues. Au lieu de profiter du marché canadien, notre masse critique serait réduite de 25 p. 100. Nous ne pourrions plus profiter des mêmes économies d'échelle. Le Québec aurait alors beaucoup plus de mal à se faire reconnaître comme un producteur d'envergure mondiale sur le marché international, car il ne pourrait plus compter sur le marché intérieur du Canada pour devenir producteur international. Cela nuirait à tout le monde et peut-être davantage au Québec qu'au reste du Canada.

Je n'ai jamais voulu proposer qu'on prenne des mesures allant à l'encontre de nos intérêts ou de ceux du Québec.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais également répondre aux commentaires du député d'Edmonton-Sud-Ouest, et j'en aurai l'occasion lors de ce discours sur le projet de loi C-88, mais je dois auparavant faire certaines précisions concernant ce projet de loi.

Souvent, lorsqu'on discute de projets de loi en cette Chambre, des gens nous captent à la télévision ou entrent en Chambre en ne sachant pas de quoi on discute. C'est la raison pour laquelle je voudrais tout d'abord faire quelques précisions au sujet du projet de loi C-88. C'est un projet de loi du gouvernement qui tend à vouloir libéraliser le commerce entre les provinces canadiennes. Ce projet de loi C-88 met en application un certain nombre d'éléments administratifs afin que cette libéralisation commence dès le 1er juillet 1995, dans à peine un mois ou deux.

(1750)

Cela comprend toute une série de mesures. Cela affecte un certain nombre de lois touchant par exemple le transport, la responsabilité civile, les communications et autre chose. Donc, avant tout, ce projet de loi met en place les éléments qui permettront de libéraliser le commerce au Canada.

Quand on dit que cela libéralisera le commerce, cela signifie qu'en principe, les personnes, les capitaux et les biens devront circuler aussi librement que possible et qu'il y aura des normes et des règles harmonisées en place de sorte qu'une province n'empêche pas cette libre circulation des biens, des capitaux ou des personnes.

L'exemple le plus frappant est bien sûr les limites concernant la circulation et la production de la bière au Canada. On sait que chaque province est obligée, pour ainsi dire, de produire un certain volume de bière, ou du moins l'était, et on ne pouvait pas exporter la production d'une province à l'autre. Le Québec ne pouvait pas exporter sa production en Ontario et vice versa. Dorénavant, la commercialisation se fera plus librement et cela touche non seulement les boissons alcoolisées, mais également 11 secteurs dont par exemple, les produits agricoles, l'alimentation, les communications, les transports, l'énergie et bien sûr la main-d'oeuvre.

C'est un projet de loi qui, selon toute vraisemblance, apporte une amélioration dans le système commercial au Canada. Il faut souligner qu'en ce qui a trait à la libéralisation du commerce au Canada, le Québec a toujours été en faveur de la libéralisation du commerce. Le Québec a appuyé fortement le libre-échange avec les États-Unis. Nous croyons en cette libre concurrence. Au Québec, nous croyons dans une capacité de compétitionner, de concurrencer sur le libre marché.

Cependant, ce projet de loi a certains défauts, défauts importants, dont le fait qu'on peut mettre sur pied un groupe spécial quand il y a des litiges. Il peut y avoir des problèmes, des conflits à régler. Dans de tels cas, on met sur pied, selon ce projet de loi, un groupe spécial qui aura pour mandat d'examiner les différends. Si une province en accusait une autre de ne pas jouer selon les règlements, ce groupe spécial aurait comme mandat d'examiner la situation et de proposer des mesures de rétorsion pour la partie lésée, celle qui a été, disons, violée d'une façon ou d'une autre.

Ce groupe spécial n'aurait pas de pouvoirs exécutoires. Il aurait uniquement le pouvoir d'examiner le problème et de proposer des mesures de rétorsion s'il y avait défaut. C'est là où le problème devient inquiétant, car finalement, les mesures de rétorsion se retrouvent entre les mains du gouvernement fédéral.

Non seulement ce groupe spécial et tous les gens nommés au sein de la commission qui surveillera l'application de ce projet de loi sont nommés par décret par le gouvernement et pas vérifiés par la Chambre des communes-cela est un défaut qu'il faut souligner-mais, encore une fois, par ce projet de loi, le gouvernement fédéral se donne des pouvoirs additionnels, s'accorde une largesse d'appliquer les jugements du comité spécial et même d'intervenir quand lui-même, le gouvernement fédéral, n'est pas en cause.

(1755)

C'est-à-dire que selon la façon dont l'article 19-ou plus précisément l'article 1710 mais surtout l'article 19-se lit, cela laisse place à une interprétation, de telle façon que le gouvernement fédéral, quand il y a un litige entre deux provinces et que lui-même, le gouvernement fédéral, n'est pas impliqué directement, il peut intervenir. Il peut exercer un pouvoir de jugement et faire en sorte qu'une province soit jugée favorablement, même favorisée par rapport à une autre province.

Le gouvernement fédéral, effectivement, se donne beaucoup de pouvoir, un pouvoir beaucoup trop grand, d'ailleurs, à notre avis, pour intervenir dans des conflits entre provinces, s'il y a lieu. Ce sont des pouvoirs qui lui reviennent, qui n'ont pas été demandés. C'est le gouvernement fédéral qui se donne ce pouvoir d'intervenir dans des litiges entre provinces. Nous jugeons


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que c'est en fait un abus de pouvoir, car pourquoi le gouvernement fédéral interviendrait-il dans des conflits entre les provinces, quand lui-même n'est pas en cause?

Encore une fois, ce n'est pas surprenant qu'on retrouve, dans ce projet de loi, cette tentative de s'accorder des pouvoirs additionnels, parce que le gouvernement fédéral l'a tenté dans d'autres projets de loi. Vous savez sans doute que le gouvernement a tenté de se donner plus de pouvoir dans le projet de loi C-52, par exemple, qui donnait au gouvernement la capacité de compétitionner avec des firmes d'ingénierie et des firmes d'architecture, par exemple, au Canada. Et dans le projet de loi C-91, qui veut changer le mandat de la Banque fédérale de développement, encore une fois le gouvernement fédéral se donne des pouvoirs nouveaux, des pouvoirs qui portent à croire que le fédéral centralise, se donne de nouveaux pouvoirs pour intervenir dans le déroulement du pays, de façon à défavoriser certaines provinces comparativement à d'autres.

Dans le cas du projet de loi C-52, par exemple, il est évident que les pouvoirs que le gouvernement fédéral se donne ou a voulu se donner pouvaient s'orienter particulièrement contre le Québec, parce qu'on sait que dans ce cas-là, les firmes d'ingénierie et d'architecture étaient surtout concentrées au Québec. Dans le projet de loi C-91, concernant la Banque fédérale de développement, on peut se demander si, encore une fois, le gouvernement se donne des pouvoirs additionnels, s'il n'est pas en train de vouloir concurrencer des institutions qui fonctionnent très bien au Québec, dont les caisses populaires, le fonds de solidarité de la FTQ, de la CSN, qui fonctionnent très bien et qui développent un secteur de PME de façon exemplaire.

Nous savons même qu'au Québec, les PME se sont très bien développées au cours des années. C'était une des raisons pour lesquelles le Québec avait appuyé le libre-échange avec les États-Unis. L'industrie, le commerce au Québec est basé localement. Ce sont des Québécois et des Québécoises qui ont travaillé, qui ont monté leurs propres entreprises, qui sont enracinées dans le sol même du Québec. C'est important de le souligner pour les gens qui ne connaissent pas le Québec.

(1800)

La différence se vit par exemple entre le Québec et l'Ontario. On sait que l'Ontario a profité d'investissements américains et que la plupart des grandes entreprises installées en Ontario étaient des succursales d'entreprises américaines. C'est une des raisons pour lesquelles, suite au libre-échange avec les États-Unis, l'Ontario a perdu beaucoup d'emplois. Les firmes américaines installées en Ontario ont simplement fermé boutique et redéménagé aux États-Unis. Elles peuvent desservir l'Ontario à partir des États-Unis. Et à cause de ce phénomène, l'Ontario a perdu beaucoup d'emplois. On sait qu'ils ont aujourd'hui un des plus hauts pourcentages d'assistés sociaux et de chômeurs au Canada.

Même si, au Québec, on a subi des chocs assez importants et que le gouvernement fédéral ne nous a pas aidés, on a tout de même une force importante de PME qui continue d'augmenter dans plusieurs secteurs. Le gouvernement fédéral, comme dans le projet de loi C-91, comme dans le projet de loi C-52 et, encore une fois ici, dans le projet de loi C-88, abuse de son pouvoir. Il se donne des pouvoirs qu'il n'avait pas auparavant et qui risquent de faire en sorte que le Québec sera défavorisé dans ces jugements relativement aux échanges entre le Québec et les autres provinces.

Finalement, c'est l'élément central qui nous porte à vouloir suggérer au gouvernement un amendement qui exigerait que le gouvernement fédéral rende ses jugements uniquement lorsqu'il est directement concerné et non pas quand il veut intervenir de façon à pouvoir avantager une province au détriment d'une autre.

Comme je l'ai dit au tout début, le Québec a toujours favorisé la libre circulation, le commerce aussi libre que possible parce que cela est à notre avantage au Québec, puisque nous avons une économie qui a des bases solides. Il y a encore beaucoup de travail à faire, mais nous avons quand même des bases solides. Nous avons une base de PME bien enracinée dans le sol québécois. Il y a encore bien des choses à faire pour la renforcer.

Cette libéralisation interprovinciale, sans cet abus de pouvoir du gouvernement fédéral, serait une très belle chose pour les autres provinces comme pour le Québec. Encore une fois, le Québec favorise ce genre de libéralisation. Par exemple, le Québec, seulement avec l'Ontario, importe pour 25 milliards 852 millions de dollars de biens et de produits par année et il exporte en Ontario 22 milliards. C'est presque un échange de 30 milliards qui se fait uniquement entre l'Ontario et le Québec.

D'ailleurs, le Québec a des échanges importants avec toutes les provinces. Avec l'Alberta, le Québec exporte pour 2,8 milliards de produits et de biens et importe de l'Alberta 3,25 milliards en pétrole, gaz naturel, etc; des provinces centrales, du blé. Ce sont des échanges qui, je crois, se maintiendront après la souveraineté. Nous travaillons pour faire en sorte que le Québec reconnaisse que son avantage à moyen et long terme est de choisir la souveraineté, de prendre le contrôle, d'être maître de son économie et de son avenir.

(1805)

Mais, après la souveraineté, les échanges qui existent actuellement entre les diverses provinces vont fort probablement se maintenir, parce qu'il n'y a pas de raison de croire qu'ils seront coupés. Ce serait désavantageux pour les autres provinces, par exemple l'Ontario ou même l'Alberta, de vouloir refuser d'échanger ou de vendre leurs produits au Québec et vice versa. Cela n'a pas de bon sens économique. Le bon sens économique veut que les échanges se maintiennent et continuent.

D'ailleurs, nous vivons dans un monde où de plus en plus les échanges économiques se libéralisent. On sait que le GATT, par exemple, a été institué justement dans le but de libéraliser les échanges entre tous les pays du monde, et le GATT a même mis sur pied des ententes, des règlements, et ces ententes et règlements vont se maintenir aussi après la souveraineté du Québec.

Ce sera la même chose avec les ententes avec les États-Unis pour le libre-échange. Il n'y a pas de raison de croire que ces ententes ne se maintiendront pas et que les échanges économiques ne pourront pas continuer. Ce sont seulement les gens qui veulent semer le doute ou la peur de façon non fondée qui disent que l'on va couper ou bloquer les échanges entre le Québec et les autres provinces. Cela ne tient pas debout. Cela va contre le bon


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sens économique et contre le bon sens des ententes qui sont déjà en place, dont le GATT et le libre-échange.

Donc, il est vrai que le projet de loi C-88 a beaucoup d'éléments qui portent le Bloc à le favoriser, parce que comme je l'ai dit auparavant, le Québec a toujours été favorable à vouloir libéraliser les échanges, le commerce entre provinces et entre pays et il le sera toujours, parce que c'est sa force. Nous sommes capables de compétitionner. Nous sommes en mesure de le faire. C'est pour cela que nous avons appuyé le libre-échange, que nous avons voté en faveur du libre-échange, parce que le Québec a cette confiance économique, culturelle et sociale pour compétitionner avec les autres partenaires canadiens-anglais et américains.

C'est pour ces raisons que le Québec va être encore plus avantagé après la souveraineté, comme d'ailleurs les autres provinces. Le Canada anglais aussi va être avantagé. Il pourra, je pense, mieux s'entendre avec le Québec, peut-être même réduire le pouvoir du gouvernement fédéral qui, lui, n'a pas nécessairement une préoccupation pour l'intérêt des particuliers ou des provinces. Il avance son propre intérêt. L'intérêt du fédéral, ici à Ottawa, ici en ce Parlement, n'est pas le même que celui des provinces.

C'est la raison pour laquelle nous nous opposons au projet de loi C-88 parce qu'ici, encore une fois, on a un exemple d'abus de pouvoir de la part du fédéral, où il cherche à accaparer des pouvoirs additionnels, de centraliser, possiblement d'abuser de pouvoir et d'intervenir dans le commerce interprovincial pour peut-être favoriser une province au détriment d'une autre province. C'est une des raisons parmi d'autres pour lesquelles nous allons nous opposer au projet de loi C-88.

(1810)

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de répondre à quelques points de vue soulevés par mon collègue de l'autre côté.

[Traduction]

Le député dénature considérablement l'article sur lequel il a manifestement des réserves. Il s'agit, je crois, de l'article 9 du projet de loi.

Il est intéressant de constater que, lorsqu'il était président de l'Association des manufacturiers du Québec, l'actuel ministre québécois délégué à la Restructuration était à 100 p. 100 pour la suppression des barrières commerciales entre les provinces. Et pourtant, lorsque l'accord a été signé, soit après que M. Parizeau fut devenu premier ministre, il a rejeté l'accord qu'il a qualifié de ridicule parce que le mécanisme de règlement des différends ne prévoyait pas de nouveaux mécanismes de sanction ou de représailles.

Voici que le député du Bloc québécois dit que les sanctions prévues sont beaucoup trop sévères, constituent un abus de pouvoir de la part du gouvernement fédéral et risquent de défavoriser les provinces.

Permettez-moi de dire que ce projet de loi est le résultat d'un long cheminement qui, à mon sens, montre admirablement. . .

Le vice-président: La députée a peut-être mal compris. Il s'agit ici de la période des questions et des observations. La députée est-elle en train de poser une question ou de présenter une observation ou présente-t-elle son allocution?

Mme Catterall: Je participe au débat.

[Français]

Le vice-président: Y a-t-il des questions ou commentaires sur les remarques qui viennent d'être faites?

[Traduction]

Quelqu'un veut-il poser une question ou présenter une observation au député qui vient de présenter son intervention? Le député d'Esquimalt-Juan de Fuca a la parole pour poser une question ou présenter une observation.

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Monsieur le Président, je croyais que le débat reprenait.

Le vice-président: Excusez-moi. J'ai demandé en français s'il y avait des questions ou des observations. Le député veut-il poser une question ou présenter une observation?

M. Martin (Esquimalt-Juan de Fuca): Non.

Le vice-président: Le whip adjoint du gouvernement a la parole pour participer au débat.

Mme Catterall: Monsieur le Président, j'étais en train de dire que le processus ayant abouti à la présentation du projet de loi dont nous sommes maintenant saisis et à la conclusion de l'entente sur le commerce intérieur montre dans quelle mesure le fédéralisme peut profiter à tous les partenaires de la fédération. Ce fut un processus tout à fait coopératif auquel les provinces, les territoires, le gouvernement fédéral et le secteur privé ont participé, un processus auquel toutes les parties ont donné unanimement leur accord.

Au nom du ministre de l'Industrie, je suis heureuse d'avoir l'occasion de prendre la parole sur le projet de loi C-88. C'est un pas en avant de plus dans un processus qui a été amorcé il y a presque une décennie pour créer un nouveau régime de commerce intérieur. Notre objectif est de réduire les barrières au commerce interprovincial et de supprimer les restrictions quant à la circulation de la main-d'oeuvre et des capitaux dans le marché intérieur.

L'adoption du projet de loi C-88 constituera une étape nécessaire de la mise en oeuvre de l'accord sur le commerce intérieur, qui a été signé l'an dernier par toutes les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral.

À l'invitation du premier ministre, les premiers ministres provinciaux se sont réunis à Ottawa en juillet dernier pour entériner et signer l'accord auquel le comité des ministres du commerce intérieur en est venu à la fin de juin. Aux termes de cet accord, nous nous engageons à apporter les modifications législatives et réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de cet accord. En ce sens, en présentant ce projet de loi à la Chambre, nous remplissons l'obligation que nous avons prise envers les gouvernements des provinces et des territoires lors de la signature de l'accord en juin 1994.


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C'était une étape importante dans la marche vers l'établissement d'un marché intérieur intégré au Canada. C'est ainsi, semble-t-il, que notre pays a été édifié. Quand on remonte à l'époque des voyageurs et de la Compagnie de la baie d'Hudson, on constate que c'est par le commerce que s'est ouverte cette vaste étendue que constitue la moitié septentrionale du continent nord-américain. Lorsque nous avons voulu nous unir par un chemin de fer national et, plus tard, par une route transcanadienne et une société aérienne nationale, le commerce était une des raisons qui nous poussaient à établir ces traits d'union entre les différents groupes qui composent notre peuple et il a été un des facteurs de la prospérité du Canada.

(1815)

Cependant, depuis le début de la Confédération, il y a 128 ans, les mesures protectionnistes et les conventions commerciales se sont multipliées pour créer un fouillis qui entrave le commerce interprovincial et limite la circulation des biens, du capital et des personnes entre les provinces. Ces mesures vont des appels d'offres gouvernementaux restreints jusqu'à une série disparate de règlements et de normes incompatibles.

Le gouvernement a senti les pressions insistantes du secteur privé qui tenait à ce qu'il règle les problèmes découlant des obstacles au commerce intérieur et des règlements contradictoires limitant la circulation des personnes et des capitaux entre les provinces.

Nous avons reçu des mémoires de l'Association des manufacturiers canadiens, de la Chambre de commerce du Canada, du Conseil canadien des chefs d'entreprise, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, de l'Association des banquiers canadiens et de l'Association canadienne de la construction. La liste est longue et les problèmes sont profondément ressentis et généralisés.

Les obstacles au commerce placent les entreprises canadiennes dans une position concurrentielle désavantageuse en limitant la taille du marché national qui leur est naturellement accessible à une époque où la concurrence mondiale s'accroît et où les marchés s'élargissent dans d'autres régions du monde. Cela risque de placer les entreprises canadiennes dans une situation défavorable face aux concurrents internationaux, même sur le marché canadien.

En outre, l'inefficience sur le marché a un coût économique. L'Association des manufacturiers canadiens estime que les barrières commerciales coûtent aux Canadiens environ sept milliards de dollars en emplois directs et en revenus perdus. Cependant, voyons l'autre côté de la médaille.

Selon un rapport de la Chambre de commerce du Canada publié le 17 mai, le commerce et les investissements internationaux sont de puissants stimulants de la croissance économique et de la création d'emplois dans tout le Canada. Selon ce rapport, la valeur du commerce interprovincial canadien s'établissait à 147 milliards de dollars, soit près de 21 p. 100 du PIB, en 1993. La Chambre de commerce estimait que 1,9 million d'emplois étaient directement ou indirectement liés au commerce intérieur. Le rapport révèle que les provinces et les territoires constituent l'une des régions les plus interdépendantes du monde sur le plan économique et que, fait intéressant, le Québec est la province qui dépend le plus du commerce intérieur, celle qui en bénéficie le plus et celle à qui des améliorations dans ce domaine seraient le plus profitables.

Selon cette étude, 470 000 emplois au Québec et 20 p. 100 du PIB de cette province proviennent directement et indirectement du commerce intérieur. L'étude estime à 64 milliards de dollars la valeur des échanges commerciaux du Québec avec le reste du Canada. Avec un excédent commercial de 1,1 milliard de dollars avec le reste du Canada, le Québec a exporté davantage en Ontario qu'aux États-Unis et davantage en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick que dans tout pays européen.

Le rapport confirme que les entreprises d'un bout à l'autre du Canada ont été capables de profiter des liens politiques et économiques créés par la structure fédérale pour créer un vaste marché national qui a jusqu'à maintenant été profitable pour tous les Canadiens.

Au cours des années passées, lorsque les obstacles au commerce extérieur protégeaient les économies comme la nôtre contre la concurrence internationale, le coût économique des obstacles au commerce intérieur était toléré et peut-être tolérable. Lorsque l'industrie canadienne était protégée contre la concurrence internationale par des barrières tarifaires de 10 et même 20 p. 100, le coût économique des barrières internes n'était pas aussi évident. Toutefois, la réalité a changé et notre marché n'est plus protégé contre la concurrence internationale. Les obstacles sont tombés, les droits ont été réduits. Nous avons maintenant un marché mondial et la concurrence est féroce. Nous ne pourrons pas avoir du succès sur un marché mondial libre si nous avons un marché fermé chez nous. Nous devons nous adapter aux réalités commerciales de l'économie mondiale d'aujourd'hui.

(1820)

Le projet de loi C-88 et les accords qu'il vise à mettre en oeuvre sont un aspect important de ce processus. Tout cela s'inscrit dans le processus plus fondamental de renouveau économique que le gouvernement suit pour atteindre ses objectifs stratégiques sur le plan de la croissance économique et de la création d'emplois.

En décembre dernier, le ministre de l'Industrie a présenté à la Chambre le plan du gouvernement pour bâtir une économie plus innovatrice. Nous avons exposé en quatre points nos intentions pour améliorer le climat économique au Canada: créer un climat qui encourage l'esprit d'entreprise et aider les petites entreprises à prendre de l'expansion; étendre le marché de l'emploi et promouvoir la croissance au moyen des échanges commerciaux; créer une infrastructure efficace et moderne; et mettre la technologie au service des Canadiens.

Ce sont là les domaines où le gouvernement peut avoir le plus d'influence sur la création d'emplois. Le projet de loi C-88 appuie tous ces objectifs, notamment l'expansion du commerce. Pour croître et prospérer, l'entreprise a besoin d'un marché libre et efficace, d'un climat propice aux innovations et d'une expansion non entravée par des barrières inutiles.

L'accord sur le commerce international et ce projet de loi nous fournissent les éléments nécessaires pour établir un nouveau régime de commerce intérieur au Canada, un régime qui nous permette de tirer parti au maximum de notre marché intérieur

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interprovincial en encourageant l'innovation et l'expansion et en éliminant les barrières inutiles.

L'économie canadienne connaît une période de transition. Des changements fondamentaux sont en train de se produire en raison de la mondialisation des échanges et de l'évolution rapide de la technologie. Dans le monde actuel, l'avantage concurrentiel dépend moins de l'endroit et des ressources naturelles et davantage de l'innovation et de la capacité de faire face à l'évolution du marché et de réaliser des économies d'échelle.

Alors que se poursuit la transition d'une économie axée sur les ressources à une économie où l'innovation, les connaissances et la flexibilité sont les fondements de l'avantage concurrentiel, nous devons veiller à ce que le climat du commerce intérieur permette d'expédier les changements nécessaires. Le projet de loi C-88 fournit le cadre favorable au processus de transition économique que nous connaissons actuellement.

La mesure législative dont la Chambre est saisie est le résultat d'un long processus de négociation et de consultation auquel ont participé un grand nombre de Canadiens ayant des points de vue différents: ministres du gouvernement fédéral, ministres des gouvernements provinciaux et territoriaux, représentants de ces différents gouvernements et représentants du secteur privé.

Il est intéressant de remarquer que les partis politiques de toutes tendances ont coopéré durant les négociations qui ont mené à cet accord. Leurs points de vue et leurs priorités n'étaient pas les mêmes, mais tous étaient soulagés à l'idée d'un cadre commercial plus ouvert qui serait bon pour le Canada et pour les Canadiens.

Le processus qui a abouti à ce projet de loi a été surtout caractérisé par la coopération et la bonne volonté remarquables dont on a fait preuve de tous côtés. Les Canadiens qui ont pris part au processus se rendent compte de la nécessité urgente d'ouvrir nos marchés intérieurs et de veiller à ce que le marché canadien fonctionne à l'avantage de tous les Canadiens.

Au cours des deux dernières années, les négociations et le travail de recherche ont été conduits par M. Arthur Morrow, un homme d'affaires canadien bien connu, qui présidait le comité des négociateurs en chef et qui a travaillé inlassablement à faire avancer le processus dans l'optique de ses objectifs et à produire l'accord que les ministres ont signé l'an dernier. Le travail ayant conduit au projet de loi a été très complet et va continuer. En fait, notre devoir est de maintenir le processus en mouvement.

Le processus a commencé en juin 1988, lorsque les ministres de l'Agriculture fédéral et provinciaux ont dressé une liste des barrières au commerce intérieur dans le domaine de l'agriculture et des produits alimentaires. Même si l'objectif de ce groupe était relativement restreint, le processus avait commencé. Les gouvernements faisaient maintenant face aux problèmes des barrières commerciales intérieures d'une façon organisée. Les discussions fédérales-provinciales se sont poursuivies et l'optique s'est élargie. Les ministres ont commencé à envisager la nécessité d'un mécanisme de résolution des différends dans le cadre d'arrangements commerciaux plus complets entre les provinces et les territoires.

(1825)

En décembre 1989, un protocole d'entente sur le commerce intérieur dans le secteur des produits agricoles était signé par sept des provinces. Le processus commençait à avancer. Les négociateurs ont continué à se rencontrer. Un accord a été conclu et un protocole d'entente a été signé sur un certain nombre de questions particulières, comme le transport et les marchés gouvernementaux, un facteur économique important dans notre système.

En décembre 1992, le comité des ministres du Commerce intérieur recommandait que le processus soit accéléré et que toutes les parties s'engagent à parvenir à un accord global et exhaustif sur le commerce intérieur avant la fin juin 1994.

L'accord a été obtenu sur trois principes précis: que les gouvernements traitent les gens, les biens, les services et les capitaux de la même façon indépendamment de leur point d'origine au Canada; que les gouvernements alignent leurs normes et leurs règlements de façon à permettre le libre mouvement des personnes, des biens, des services et des capitaux à l'intérieur du Canada; et, finalement, que les gouvernements fassent en sorte que leurs politiques administratives assurent le libre mouvement des personnes, des biens, des services et des capitaux au Canada.

Une série intensive de réunions se sont tenues pendant la période de janvier à juin de l'an dernier. Elles se sont terminées par l'accord des ministres sur le texte d'une entente concernant le commerce intérieur à la fin de juin. Finalement, en juillet 1994, le premier ministre et tous les autres premiers ministres affirmaient leur acceptation de l'accord par une signature officielle le 18 juillet.

L'accord de l'an dernier sur le commerce intérieur était une étape importante d'un long processus. Il a démontré que tous les gouvernements peuvent travailler de concert à la réalisation d'un objectif commun qui profite à tous les Canadiens.

L'entente sur le commerce intérieur fixe des règles générales interdisant toute nouvelle barrière au commerce et éliminant les anciennes dans 10 secteurs particuliers. Malheureusement, il ne me reste pas suffisamment de temps pour les lire tous. Toutefois, je pense qu'il est juste de dire que, même si ce projet de loi ne résout pas tous les problèmes du commerce interprovincial qui se sont accumulés depuis la Confédération, il représente un pas important dans la bonne direction. Je répète que le processus se poursuit. Par exemple, dans le secteur de l'énergie, des négociations séparées sont en cours et visent un objectif semblable cette année.

Par ce projet de loi, nous nous assurons que le cadre est en place et nous réaffirmons que nous croyons à la possibilité d'appliquer les principes fondamentaux du libre-échange au Canada. Les accords commerciaux s'approfondissent et s'élargissent à l'usage et celui-ci ne fera pas exception à cette règle. Le projet de loi C-88 posera les assises d'un milieu propice au commerce intérieur où les biens, les services, les personnes et le capital pourront enfin circuler librement à l'intérieur du Canada.

12932

Le premier ministre et les autres ministres, y compris les premiers ministres provinciaux, ont travaillé ardemment à élargir les marchés d'exportation pour les biens et services canadiens. La méthode de l'équipe Canada a donné d'excellents résultats à cet égard. Nous devons maintenant procéder, dans le même esprit, à l'amélioration du marché intérieur pour nos entreprises et nos travailleurs. Le projet de loi C-88 est un pas important dans cette direction et c'est pourquoi nous l'avons présenté au Parlement et nous l'appuyons.

(1830)

Le vice-président: La Chambre passe maintenant à l'étude d'une motion d'ajournement en vue de la discussion d'une affaire importante dont l'étude s'impose d'urgence, soit la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine.

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