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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 20 février 1995

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

CUBA

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-37. Motion de troisième lecture 9800

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 9808

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-37. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 9808

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

STEPHANIE RICKARD

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

LES CONTRATS DE SOUS-TRAITANCE

LES PROCÈS

LA PETITE ENTREPRISE

LE DROIT D'AUTEUR

    Mme Gagnon (Québec) 9818

M. PATRICK KELLY

LES INSTITUTS FÉMININS

LES CLUBS KIN DU CANADA

LA CHAMBRE IMMOBILIÈRE DE LONDON-ST. THOMAS

L'INDUSTRIE LAITIÈRE

LA JUSTICE

LA FÊTE DU PATRIMOINE

LA CROATIE

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LA FISCALITÉ

QUESTIONS ORALES

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

    M. Gauthier (Roberval) 9820
    M. Gauthier (Roberval) 9820
    M. Gauthier (Roberval) 9821

LE RÉGIME DE PENSIONS DES DÉPUTÉS

    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9821
    Mme Tremblay (Rimouski-Témiscouata) 9821

LE DÉFICIT

    M. Harper (Calgary-Ouest) 9821
    M. Harper (Calgary-Ouest) 9821
    M. Harper (Calgary-Ouest) 9822

LA DÉFENSE NATIONALE

LA FISCALITÉ

LA TAXE D'ACCISE SUR LES CIGARETTES

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

    M. Harper (Simcoe-Centre) 9823
    M. Harper (Simcoe-Centre) 9823

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

L'EX-YOUGOSLAVIE

LES RÉGIMES DE SOINS DENTAIRES PRIVÉS

L'IMMIGRATION

LES ESPÈCES MENACÉES D'EXTINCTION

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE

LE CRTC

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9827
    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9827

L'IMPÔT SUR LE REVENU

L'ÉCONOMIE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Hill (Prince George-Peace River) 9828
    M. Hill (Prince George-Peace River) 9828

LES SUBVENTIONS AGRICOLES

    M. Chrétien (Frontenac) 9828
    M. Chrétien (Frontenac) 9828

AFFAIRES COURANTES

DÉCRETS DE NOMINATIONS

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-304. Adoption des motions de présentation et de première lecture 9829

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-305. Adoption des motions de présentation et de première lecture 9829

PÉTITIONS

LA JUSTICE

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9829

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LES DROITS DE LA PERSONNE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LE CRTC

LES JEUNES CONTREVENANTS

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE SUICIDE ASSISTÉ

LES DROITS DE LA PERSONNE

L'EUTHANASIE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

L'INDUSTRIE MINIÈRE

LES DROITS DE LA PERSONNE

QUESTIONS AU FEUILLETON

    Mme Brown (Calgary-Sud-Est) 9831

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

    Projet de loi C-37. Reprise de l'étude de la motion de troisième lecture 9832
    M. Tremblay (Rosemont) 9832
    M. Hill (Prince George-Peace River) 9844
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 9847
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 9851
    M. Hill (Prince George-Peace River) 9852

MOTION D'AJOURNEMENT

LES TARIFS DOUANIERS

    M. Chrétien (Frontenac) 9859

LE LOGEMENT SOCIAL

L'IMMIGRATION


9791


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 20 février 1995


La séance est ouverte à 11 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

CUBA

M. Svend J. Robinson (Burnaby-Kingsway, NPD) propose:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait condamner le plus vigoureusement possible la décision inhumaine des États-Unis de frapper Cuba d'embargo; que cette condamnation soit proclamée aux Nations Unies, à l'Organisation des États américains et directement à l'administration des États-Unis; et que le Canada rétablisse des liens d'aide et de commerce bilatéraux complets avec Cuba.
-Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole aujourd'hui à la Chambre pour soulever une question fondamentale qui concerne les relations entre les Canadiens et les Cubains et plus particulièrement, comme ma motion le souligne, les conséquences pour les Cubains de l'embargo que leur imposent les États-Unis.

La motion dont la Chambre est saisie ce matin comporte essentiellement trois éléments. Elle demande d'abord au gouvernement du Canada de condamner le plus vigoureusement possible la décision inhumaine des États-Unis de frapper Cuba d'embargo. Elle demande ensuite que cette condamnation soit proclamée aux Nations Unies, à l'Organisation des États américains et directement à l'administration des États-Unis chaque fois que l'occasion se présente, lors de discussions tant bilatérales que multilatérales. Finalement, elle demande que le Canada rétablisse des liens d'aide et de commerce bilatéraux complets avec Cuba. Nous avons déjà des relations commerciales avec ce pays, mais il faut encourager, renforcer et soutenir ces relations.

Nous arrivons à un moment important dans les relations entre le Canada et Cuba, car 1995 marque le 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays. Nous avons maintenu ces relations de façon constante depuis 1945, ce dont je suis très fier en tant que Canadien. Le Canada est l'un des deux pays, avec le Mexique, qui n'ont pas rompu leurs relations diplomatiques avec Cuba à la suite de la révolution de 1959, ce que nous célébrerons cette année. En fait, un certain nombre de célébrations se tiendront au Canada et à Cuba, le mois prochain.

(1105)

L'année 1995 marque aussi le centenaire du décès du grand héros révolutionnaire cubain José Marti, qui est mort le 19 mai 1895.

Cette semaine est également bien choisie pour le débat sur cette motion à la Chambre. Le secrétaire général de l'Organisation des États américains, l'OEA, M. Gavaria, est au Canada aujourd'hui. Plus tard cette semaine, le président des États-Unis, M. Bill Clinton, nous visitera également. Je suis sûr que notre gouvernement, et particulièrement le premier ministre, profiteront de l'occasion pour discuter directement avec le président Clinton des conséquences très néfastes qu'a l'embargo américain sur Cuba. J'espère sincèrement que le premier ministre en profitera pour le faire.

[Français]

Je regrette aussi le fait qu'apparemment le Bloc québécois se prononcera contre cette motion, et cela m'étonne. Je trouve étonnant le fait que le Bloc québécois, dont plusieurs députés sont membres actifs du Groupe parlementaire Canada-Cuba, se prononceront contre une motion qui vise à lever le blocus contre Cuba, qui vise à promouvoir le libre-échange et l'aide bilatérale à Cuba. Je dois présumer que c'est encore une fois la priorité des relations avec les États-Unis qui est la motivation pour cette prise de position étonnante du Bloc québécois.

Le Bloc a appuyé les essais des missiles de croisière; le Bloc a appuyé le traité de libre-échange; le Bloc appuie maintenant les États-Unis dans son blocus immoral et illégal. Je trouve cela incroyable et inacceptable, surtout parce qu'il y a beaucoup de groupes au Québec, comme par exemple le Carrefour culturel de l'amitié Québec-Cuba et beaucoup d'autres, entre autres Oxfam Québec, qui exigent que le gouvernement libéral inscrive comme une des priorités à l'ordre du jour, lors de la rencontre avec le président américain, la demande du peuple canadien de lever immédiatement le blocus inhumain et cruel contre Cuba.

Encore une fois, dans ce cas-ci, ce n'est pas le Bloc québécois qui parle pour les Québécois et Québécoises sur cette question de fond d'humanité des droits des Cubains et du peuple cubain, et c'est dommage que ça nous revienne de faire cela.

[Traduction]

J'ajouterais également que, lors d'une grande réunion de solidarité internationale en novembre dernier, à La Havane, 1995 a été déclarée l'année internationale José Marti et l'année de la lutte contre le blocus. C'est donc une motion particulièrement pertinente cette année.


9792

Le mois dernier, j'ai eu l'honneur d'être membre de la première délégation parlementaire canadienne invitée par l'Assemblée nationale de Cuba. Je vois ici des collègues de tous les partis qui étaient de cette délégation.

[Français]

Je regrette que malheureusement la députée de Laval-Est n'ait pu participer, mais elle nous a appuyés. Elle a appuyé les revendications, et beaucoup d'autres députés du Bloc québécois ont appuyé aussi les mêmes revendications. Le député de Bourassa, par exemple, serait étonné de voir la prise de position du Bloc aujourd'hui.

[Traduction]

Nous avons rencontré de nombreux groupes. Nous avons rencontré des organismes, des particuliers et des ministres cubains. Nous avons eu l'occasion de rencontrer Fidel Castro. Nous avons visité des écoles, des hôpitaux et des centres de recherche. Pendant cette visite historique, notre groupe a été l'hôte du président du groupe cubain correspondant au nôtre, le ministre de l'Éducation, Luis Gomes. Pendant cette période, un grand nombre d'ONG ont visité Cuba sous les auspices du Cuba-Canada Inter-Agency Project constitué de 36 ONG et églises du Canada et de 25 organisations communautaires de Cuba.

(1110)

Ces ONG ont joué un rôle extraordinaire pour aider à faire prendre conscience de la situation de la population de Cuba et faire preuve de solidarité avec elle. Parmi ces groupes, je citerais Oxfam Canada, le Saskatchewan Council for International Co-operation, CUSO, l'Église unie du Canada, l'Église anglicane du Canada ainsi que de nombreux groupes basés au Québec.

Je voudrais profiter de cette occasion pour parler des ONG et rendre hommage aux nombreux ONG, églises, groupes et particuliers qui ont fait preuve de solidarité à l'égard de la population de Cuba en cette période très difficile pour elle. En août dernier, un groupe de Canadiens de tout le pays, appelés brigadistas, s'est rendu à Cuba pour démontrer sa solidarité et travailler directement avec la population. Les groupes d'amitié, basés au Canada, ont aidé à apporter à la population cubaine une aide, en particulier humanitaire, désespérément nécessaire.

De nombreux éléments du monde syndical ont fait preuve d'une solidarité très concrète. Je rends hommage ici en particulier au Congrès du Travail du Canada pour le leadership dont il a récemment fait preuve à ce sujet, au Groupe d'amitié Canada-Cuba de Colombie-Britannique, dans ma région, ainsi qu'à de nombreux autres groupes. Tous ces organismes, sans exception, ont lancé un appel aux États-Unis afin qu'ils lèvent l'embargo illégal et immoral instauré en 1963.

Lors d'un vote récent aux Nations Unies, 101 pays ont voté en faveur de la levée de cet embargo. Seuls deux pays-les États-Unis et Israël-ont voté contre cette résolution. Au lieu de répondre à l'appel qui leur était lancé par le monde entier, qu'ont fait les dirigeants du Congrès américain? Le nouveau président du comité sénatorial des relations étrangères, Jesse Helms, a déclaré vouloir renforcer l'embargo. Absolument incroyable! Il veut en fait étouffer l'économie cubaine. On verra quelle va être la réponse du président des États-Unis.

Il est temps que le président Clinton arrête d'écouter les forces réactionnaires de l'aile droite, basées à Miami, la Cuban American National Foundation, les Mas Canosas, et qu'il commence à écouter les voix des progressistes américains, y compris un certain nombre d'Américains d'origine cubaine. Il est temps qu'il commence à écouter la voix de ses voisins les plus proches, le gouvernement canadien et le gouvernement mexicain, qui ont demandé la levée de l'embargo.

Il est temps qu'il commence à écouter certains de ses législateurs, des sénateurs démocrates, des membres de la Chambre des représentants comme Clairborne Pell, Charles Rangel, José Seranno et d'autres. Même le Wall Street Journal demande à l'administration américaine de lever cet embargo.

L'impact de cet embargo a été dévastateur. Combiné à l'effondrement du commerce avec la Russie et l'Europe de l'Est et à certaines inefficacités reconnues au sein de l'économie cubaine, cet embargo a eu des effets dévastateurs. À son retour de Cuba, en 1993, le Dr Benjamin Spock a écrit ceci: «À Cuba, j'ai vu des pédiatres dans des hôpitaux, splendides par ailleurs, passer leur matinée à compter les médicaments destinés aux enfants. La directrice d'une garderie craignait que ses élèves d'âge préscolaire ne reçoivent plus de lait, comme c'est maintenant le cas de tous les petits Cubains de plus de sept ans. Que penser d'un embargo qui prive les enfants de médicaments et de nourriture?» Pour ma part, j'ai honte.

Cet embargo est la source de nombreuses difficultés et, ironie du sort, ces difficultés touchent également les Américains. Mes collègues et moi avons visité un laboratoire de recherche à La Havane où l'on fabrique un médicament à base de streptokinase recombinant utilisé dans le traitement des crises cardiaques massives accompagnées de traumatismes graves. Ce médicament pourrait sauver de nombreuses vies aux États-Unis. Les Américains sont-ils autorisés par leur gouvernement à se procurer ce médicament? Non. Il en est de même d'un vaccin contre la méningite B qui a été mis au point à Cuba. Il ne peut pas être distribué, ce qui cause du tort aux États-Unis.

(1115)

En dépit de toutes les difficultés créées par l'embargo, le gouvernement cubain et la population restent fidèles aux valeurs humaines socialistes fondamentales. Par exemple, le taux de mortalité infantile à Cuba est le plus bas de toute l'Amérique latine; il est inférieur à celui de bien des grandes villes américaines. Selon les dernières statistiques de l'UNICEF, ce taux est de 9,9 p. 100 environ. C'est quasiment un record mondial. Il est quelque peu ironique que les États-Unis se permettent de faire la morale à Cuba en ce qui concerne les droits de la personne.


9793

Nous reconnaissons qu'il y a toujours des questions qui nous préoccupent sur ce plan, particulièrement en ce qui a trait à la liberté d'expression, à la liberté d'association, au traitement des homosexuels et à celui des lesbiennes. La situation s'améliore, mais les antécédents de ce pays en la matière n'ont rien de glorieux, c'est vrai.

Mais que les États-Unis se permettent de faire la morale à Cuba sur la question des droits de la personne alors qu'un nombre record d'enfants américains vivent dans la pauvreté, que les sans-abri sont légion, que 37 millions d'Américains n'ont pas d'assurance médicale, que les sidatiques en sont réduits à mendier pour survivre sans même un toit sur la tête et que la criminalité atteint des niveaux encore jamais vus, est d'une hypocrisie flagrante. Il est illogique de dénoncer Cuba pour non-respect des droits de la personne et de ne rien dire contre le Guatemala, le Timor oriental et les autres pays qui violent impunément les droits de la personne. C'est tout simplement illogique.

Même s'ils sont confrontés aux pires difficultés économiques de leur histoire, les Cubains réussissent à rester solidaires du monde entier. Par exemple, le gouvernement de Cuba est venu en aide à plus de 13 000 enfants victimes de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Sur une plage près de La Havane, j'ai moi-même vu certains de ces enfants qui étaient traités au centre de réadaptation de Tarara. Ce fait en dit peut-être plus long que tout autre sur la solidarité internationale des Cubains. Les temps sont durs à Cuba, mais le pays n'hésite pas à tendre la main aux plus démunis, aux plus vulnérables de la planète.

Le Canada peut aujourd'hui jouer un rôle de rapprochement important pour promouvoir enfin le dialogue direct entre le gouvernement de Cuba et celui des États-Unis. Si le gouvernement américain peut maintenir le statut de la nation la plus favorisée avec la Chine, lever son embargo contre le Viet Nam et commencer à négocier avec la Corée du Nord, comment peut-il justifier cette obsession absurde et destructive face à Cuba?

Que pouvons-nous faire? Au cours des deux ou trois minutes qui me restent, je vais proposer quelques solutions. Le Canada peut effectivement jouer un rôle important en étendant et en renforçant les échanges commerciaux. Je félicite l'ambassadeur du Canada à Cuba, Mark Entwistle, pour l'esprit de leadership et l'énergie qu'il a manifestés jusqu'à maintenant.

Nous pouvons améliorer le financement de la SEE, garantir que nous répondons aux normes fixées par d'autres pays et promouvoir le soutien de projets environnementaux. Cuba peut devenir un leader en matière d'environnement dans le monde. En fait, il faut noter que Mme Patricia Lane de l'Université Dalhousie a fait preuve d'initiative à cet égard. Par exemple, on tente actuellement de dépolluer la rivière Almandares, entre autres. Le Canada peut jouer ce genre de rôle, comme il le fait déjà efficacement.

Nous pouvons accroître notre aide bilatérale, aller au-delà des simples partenariats et établir un point central de coordination au sein du ministère des Affaires étrangères afin de répondre aux besoins de Cuba.

Dans le secteur commercial, l'une des priorités devrait peut-être consister à négocier dès maintenant un accord de protection des investissements étrangers. D'autres pays ont pris beaucoup d'avance sur le Canada dans ce domaine. L'Espagne, le Mexique, l'Italie, la Russie et le Royaume-Uni ont déjà négocié des accords de ce genre. Les gens d'affaires du Canada nous lancent clairement le message suivant: «Concluons, nous aussi, une entente similaire.» Nos diplomates nous disent la même chose. J'espère que le gouvernement satisfera bientôt à leurs attentes.

Enfin, nous devrions montrer que Cuba est complètement réintégré dans toutes les organisations multilatérales, comme l'OEA, la Banque mondiale et le FMI. C'est une honte d'avoir exclu Cuba du sommet de Miami. J'ai été très heureux d'entendre le premier ministre dénoncer cette situation.

(1120)

En terminant, j'espère que nous, en tant que Canadiens, profiterons, cette année, du cinquantième anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre le Canada et Cuba pour transmettre clairement à nos amis de l'administration des États-Unis le message suivant: il est temps de mettre un terme à cet embargo illégal et immoral.

Nous accueillerons très bientôt le ministre des Affaires étrangères, Roberto Robaino. Nous accueillerons le président de l'Assemblée nationale, Ricardo Alarcon, de même, nous l'espérons, que le ministre de l'Éducation, M. Gomes. J'espère que le ministre canadien du Commerce international se rendra à Cuba.

Le Canada devrait profiter de cette occasion historique qui lui est offerte. J'exhorte les députés à s'unir pour signaler dès aujourd'hui à l'administration des États-Unis et à notre gouvernement que le temps est venu de lever l'embargo, de respecter le peuple fort, fier et digne de Cuba et de le réintégrer pleinement dans la communauté internationale.

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet de la motion proposée par le député de Burnaby-Kingsway concernant l'embargo américain contre Cuba et la politique canadienne.

À la fin de sa motion, le député demande:

. . .que le Canada rétablisse des liens d'aide et de commerce bilatéraux complets avec Cuba.

Je ne sais pas où le député était ces dix ou vingt dernières années, mais nous avons des relations commerciales pleines et entières avec Cuba. Je puis en témoigner et je le ferai tout à l'heure.

Je crois que le Canada et les États-Unis partagent les mêmes buts à long terme à Cuba, y compris favoriser une réforme politique et économique pacifique qui permettra une multiplication des mesures économiques libérales, l'établissement d'institutions démocratiques et le respect intégral des droits de la personne. Toutefois, le Canada a clairement des réserves sur la façon avec laquelle les Américains s'y prennent pour atteindre ces buts. Je m'expliquerai tout à l'heure là-dessus.

Je tiens à signaler tout d'abord que le Canada et Cuba entretiennent des relations officielles depuis-comme le dit le député-plus de 50 ans. Même lorsque différaient considérablement nos points de vue respectifs sur l'Afrique, les relations Est-Ouest, la nature des changements politiques en Amérique latine et, plus récemment, les droits de la personne et le bon gouverne-


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ment, nous avons maintenu nos liens et notre discours. J'ai personnellement rencontré l'ancien et l'actuel ambassadeurs de Cuba. Nous entretenons des liens très étroits et une communication constante entre nos deux pays.

Il y a aussi tout un réseau de liens privés non officiels que beaucoup d'organisations, d'entreprises et de citoyens canadiens ont établi au fil des années avec leurs homologues cubains. Lorsque notre comité d'examen était en Saskatchewan, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai entendu le groupe Friends of Cuba présenter un exposé au comité d'examen de la politique étrangère.

Quelques-uns de ces liens non officiels sont concrets et mesurables. Cuba est le deuxième plus grand partenaire commercial du Canada dans la région des Antilles et de l'Amérique centrale, immédiatement après Porto Rico. Notre commerce bilatéral a dépassé les 300 millions de dollars en 1993. Par ailleurs, des entreprises canadiennes investissent à Cuba.

Chaque année, plus de 120 000 Canadiens visitent Cuba. Des 600 000 touristes que reçoit le pays, 120 000 proviennent du Canada. J'étais là-bas récemment pour ouvrir un bureau de consul honoraire à Varadero afin d'aider les Canadiens en difficulté. Des universités, des instituts de recherche et des organismes non gouvernementaux canadiens entretiennent des rapports depuis longtemps avec Cuba, ce qui profite aux Cubains et aux Canadiens.

En juin 1994, lorsque nous avons annoncé plusieurs modifications à nos politiques, nous avons énoncé les objectifs du Canada dans ses rapports avec Cuba. Tout d'abord, nous sommes à Cuba pour faire la promotion des intérêts normaux du Canada, y compris des intérêts commerciaux et culturels. Je souligne la culture parce que, lors de mon séjour à Cuba, l'automne dernier, un musicien de jazz réputé partout dans le monde, Vic Vogel, a donné un spectacle avec Noche Habanera. Ils ont donné une performance que ni les Cubains ni les Canadiens présents n'oublieront.

Deuxièmement, nous voulons appuyer des changements positifs et pacifiques à Cuba, tant au niveau politique qu'économique. Nous sommes d'accord avec Cuba sur certaines questions, notamment dans le domaine des droits de la personne et du développement démocratique. Cependant, nous continuerons les discussions aux niveaux appropriés.

Troisièmement, nous voulons encourager la participation entière et constructive de Cuba aux affaires internationales.

Enfin, nous tenons à appuyer les organisations canadiennes et les Canadiens qui mènent des activités de développement à Cuba.

(1125)

Le gouvernement du Canada appuie les entreprises canadiennes qui recherchent des occasions d'affaires à Cuba. À la foire internationale de la Havane, l'automne dernier, nous avons été heureux de voir un nombre record d'entreprises canadiennes, et la participation du gouvernement a été plus visible qu'auparavant. J'ai vu 26 entreprises canadiennes à cette foire. Quatorze provenaient du Québec et aucune n'affichait le fleurdelisé. Toutes affichaient l'unifolié. Elles étaient là en tant qu'entreprises canadiennes.

J'avais parcouru Cuba avant de rencontrer les représentants de ces entreprises et je n'oublierai jamais l'accueil chaleureux du gouvernement de Cuba et du peuple cubain. À cause des conditions économiques difficiles régnant à Cuba, nos échanges commerciaux y ont diminué l'année dernière, mais, comme je l'ai déjà dit, le rang de Cuba se maintient.

Nous désirons également favoriser et soutenir l'évolution politique de ce pays. Cuba a fait des progrès en matière de droits de la personne, sur les plans des droits économiques et sociaux notamment. Les systèmes cubains de soins médicaux et d'éducation ont servi de modèles pour d'autres pays. À titre d'ex-enseignant, j'ai été impressionné par le niveau des services d'enseignement et de santé qui y sont offerts.

Nous éprouvons cependant de très réelles préoccupations à l'égard du respect des droits civils et politiques par le gouvernement cubain, dont les droits à la liberté d'expression et à la liberté d'association et celui de ne pas être détenu arbitrairement. Nous avons également exprimé notre préoccupation devant son peu d'empressement à coopérer avec la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, et notamment avec le rapporteur spécial que celle-ci avait nommé. Nous nous sommes réjouis de la visite effectuée à Cuba par le haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et nous espérons que cette visite pourra susciter une coopération accrue de la part des autorités cubaines.

Le Canada continuera donc à faire du progrès démocratique et des droits de la personne un sujet de discussion permanente avec Cuba afin que les progrès cubains sur les plans que j'ai mentionnés puissent se traduire par un respect complet des droits politiques et civils.

En matière de coopération pour le développement, le gouvernement a mis à la disposition des ONG canadiennes et autres organismes du secteur non gouvernemental tout l'éventail des programmes de partenariat offerts par l'Agence canadienne de développement international pour leur venir en aide dans leur travail à Cuba, notamment aux institutions d'enseignement et aux entreprises canadiennes poursuivant des objectifs de développement.

Au terme de l'exercice financier en cours, Cuba aura reçu plus d'un million de dollars en aide canadienne au développement par le truchement des divers programmes que nous soutenons, ce qui démontre encore une fois l'inutilité de la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Les exemples que j'ai énumérés montrent bien clairement que le Canada poursuit ses objectifs à Cuba dans le cadre d'une politique d'engagement et de dialogue. J'ajouterai que cela s'inscrit tout à fait dans la tradition de la politique canadienne concernant Cuba. Comme notre gouvernement l'a fait remarquer en juin dernier, nous apportons des rajustements à notre politique au lieu de la modifier radicalement.

Les États-Unis poursuivent clairement leurs objectifs de façon différente, par la confrontation. Nous avons fait clairement et publiquement savoir aux États-Unis que nous n'adhérons pas à leur approche. Par exemple, lors du débat parlementaire du 15


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mars 1994 sur l'examen de la politique étrangère, le ministre des Affaires étrangères a dit que notre gouvernement espérait voir la levée de l'embargo commercial américain contre Cuba.

Le vote du Canada, l'an dernier, appuyant la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies qui critiquait l'embargo, a réaffirmé ce point. Nous avons alors dit que, maintenant que la guerre froide est terminée, l'isolement n'est pas le moyen le plus efficace pour favoriser les réformes économiques, politiques et culturelles à Cuba.

Ce qui préoccupe le plus le Canada dans cet embargo, c'est sa portée extraterritoriale. La manière dont les États-Unis tentent, par leurs lois et leurs règlements sur l'embargo, d'imposer des contraintes au commerce de pays tiers comme le Canada est inacceptable. Le Canada s'est toujours opposé énergiquement à ces mesures et, en 1992, il a pris un décret pour veiller à ce que les sociétés canadiennes ne soient pas soumises à des lois étrangères dans leurs échanges avec Cuba.

Nous allons demeurer aux aguets, au cas où d'autres efforts seraient tentés pour assujettir des Canadiens à des lois ou à des règlements des États-Unis. Je dirai donc, pour répondre aux préoccupations du député de Burnaby-Kingsway, que le Canada a adopté à l'égard de Cuba une politique fidèle aux intérêts et au point de vue du Canada. La motion ne me semble donc pas nécessaire, et je n'approuve pas l'esprit dans lequel elle a été formulée.

Je suis très heureux que le groupe parlementaire Canada-Cuba ait été mis sur pied et qu'une visite ait déjà eu lieu. J'espère que les échanges parlementaires s'intensifieront. Je sais que notre ministre des Affaires étrangères entend rencontrer son homologue cubain.

Lorsque je me suis rendu à Cuba, en octobre, j'y ai rencontré cinq ministres. Les Canadiens sont bien accueillis à Cuba, et leurs investissements aussi. Il faut se rendre sur place, monsieur le Président, pour constater l'affection et le respect que les Cubains éprouvent pour les Canadiens. J'exhorte les Canadiens qui veulent investir à l'étranger à placer leurs capitaux à Cuba.

(1130)

[Français]

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui, au nom du Bloc québécois, sur la motion M-281 présentée par le député de Burnaby-Kingsway.

Cette motion vise essentiellement à amener le gouvernement canadien à condamner le plus vigoureusement possible l'embargo américain sur Cuba aux Nations Unies, à l'OEA et directement auprès de l'administration américaine. Elle soutient également le rétablissement des liens d'aide et de commerce bilatéral complets avec Cuba.

C'est une chose d'être solidaires du peuple cubain, mais c'est autre chose de faire de l'ingérence dans les affaires étrangères des États-Unis et de cautionner une dictature. Le député de Burnaby-Kingsway, dans une analyse qui ne dépasse guère le niveau émotif, et avant même d'entendre nos arguments, dénonce la position du Bloc québécois. Je lui demande donc de prendre note de la base de notre position. Peut-être a-t-il défoncé une porte beaucoup plus ouverte qu'il ne le croit.

Le Bloc québécois votera contre cette motion. Permettez-moi de vous exposer maintenant les motifs qui ont inspiré notre position. Deux points spécifiques justifient notre désaccord.

Premièrement, nous ne croyons pas qu'il soit de notre ressort de forcer les États-Unis à modifier leur politique étrangère pour satisfaire aux objectifs de la politique étrangère canadienne, d'autant plus que nous sommes nous-mêmes assez jaloux de notre propre souveraineté.

En second lieu, nous ne croyons pas que la situation des droits humains à Cuba permette le rétablissement de l'aide bilatérale avec ce pays.

En ce qui a trait à notre première objection, nous ne comprenons pas comment le gouvernement canadien pourrait dicter des règles de conduite au gouvernement américain. Le Canada a toujours refusé de pratiquer l'ingérence dans la politique intérieure et dans la conduite diplomatique d'États étrangers. Nous voyons mal pourquoi le Canada changerait maintenant cette règle et croyons même que cela irait contre ses propres intérêts.

Si le Canada entreprenait la démarche proposée par notre collègue du NPD, il faudrait alors être conséquents et adopter une attitude semblable face à une multitude d'autres pays dont les objectifs de la politique étrangère ne correspondraient pas aux nôtres.

De toute façon, le gouvernement canadien a déjà suffisamment à faire avec la conduite de ses propres affaires étrangères, sans se charger de conseiller ses partenaires.

À cet effet, soulignons que de nombreux dossiers dorment actuellement sur les bureaux du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, comme en témoigne le cas de M. Tran Trieu Quan, dont j'ai eu l'occasion, à quelques reprises, de vous parler en cette Chambre. Le ministre aurait avantage à tout faire pour obtenir la libération de ce Canadien prisonnier au Vietnam, plutôt que de tenter, sans espoir de succès, d'influer sur la politique étrangère américaine.

D'autre part, s'il est certain que l'embargo américain sur Cuba donne de durs coups à l'économie de ce pays, il est clair que le régime castriste est aussi responsable de la crise économique cubaine du moment. Ne serait-il pas plus pertinent alors que le Canada tente de convaincre les autorités cubaines de libéraliser de façon réelle leur économie, plutôt que de tenter de convaincre les autorités américaines de lever leur embargo. Le dirigisme économique cubain coûte très cher et ce ne sont pas les quelques mesures de libéralisation récemment mises en oeuvre, comme la convertibilité du peso, qui pourront empêcher l'économie cubaine de couler à pic.

Cuba a besoin d'aide pour amorcer l'inévitable transition vers une économie de marché. Le mieux que puisse faire le Canada dans ce contexte, c'est d'appuyer ces réformes par le dialogue et par des échanges commerciaux. À cet égard, le Canada serait le


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bienvenu, étant donné la nouvelle orientation de sa politique étrangère.

Il ne faut cependant pas oublier que les réformes économiques doivent être accompagnées de réformes politiques. La dictature et la culture de la peur doivent disparaître de Cuba. Comme le Bloc québécois s'insurge contre la philosophie du commerce à tout prix, la question des droits humains à Cuba doit être considérée dans l'orientation de nos relations avec ce pays. J'y reviendrai un peu plus tard.

(1135)

Cela dit, nous serions contre une éventuelle participation du Canada à l'embargo contre Cuba. Aussi, le Bloc québécois a marqué son approbation lorsque le gouvernement canadien a fait part de sa décision d'octroyer à nouveau de l'aide à cet État des Caraïbes en juin dernier.

Il faut se rappeler que, à la suite de l'implication de Cuba dans le conflit angolais en 1978, le Canada, tout en maintenant des relations diplomatiques avec cet État, avait décidé de suspendre son aide. Maintenant que la guerre froide est bel et bien terminée, la nouvelle conjoncture internationale commande une nouvelle orientation des rapports qu'entretient le Canada avec Cuba. Il est temps de mettre fin à l'isolement diplomatique et commercial de ce pays; il en va de la survie même de son peuple, qui souffre atrocement de la crise économique sévère que subit Cuba. Aussi est-il actuellement tout à fait à propos que nous lui attribuions à nouveau de l'assistance humanitaire.

Cette nouvelle décision du ministère des Affaires étrangères ne comprend pas toutefois la restauration d'aide bilatérale. Là-dessus, le Bloc québécois appuie le gouvernement. La motion de notre Collègue de Burnaby-Kingsway, quant à elle, demande le rétablissement d'un tel programme d'aide. Aussi, voilà une raison supplémentaire pour que nous ne lui donnions pas notre appui.

Le Bloc québécois est d'avis que le Canada devrait privilégier prioritairement les programmes d'aide faisant appel au partenariat, et que la coopération internationale, via les ONG, est de loin la façon la plus sûre et la plus efficace de faire parvenir de l'aide aux pays qui en ont besoin. Ce principe devrait surtout être mis en pratique dans les cas où des violations des droits de la personne annulent tout effort de développement humain durable.

Dans notre rapport dissident sur la révision de la politique étrangère, nous avons été très clairs sur ce point. À ce titre, la majorité des témoins que nous avons entendus aux séances du comité mixte spécial abondaient dans ce sens.

Dans ce rapport, donc, nous avons marqué la nécessité que le Canada, et je cite: «cesse toute aide bilatérale aux États dont la violation systématique et flagrante des droits humains a été signalée par des organismes des Nations Unies, ou par des organismes reconnus par eux.»

Rien, à l'heure actuelle, ne peut nous amener à penser que Cuba s'est engagé sur les voies de la démocratie et de la formation d'un État de droit. Bien sûr, à plusieurs égards, le gouvernement cubain a fait de nets progrès, notamment dans le domaine des droits économiques et sociaux.

Mais du point de vue des droits civils et politiques, qui sont systématiquement violés par le régime cubain, la situation demeure très inquiétante dans ce pays des Caraïbes. En témoignent d'ailleurs les résolutions des Nations Unies sur la question et les interpellations dont fait régulièrement l'objet Cuba aux séances de la Commission des droits de l'homme de Genève.

À ce propos, j'aimerais rappeler au gouvernement canadien que Cuba n'est pas le seul pays d'Amérique latine à violer les droits humains, et que la situation dans d'autres États de la région est considérée comme étant encore plus sérieuse. Le gouvernement canadien a entendu, en janvier dernier, un ensemble d'ONG lui faire part de leurs inquiétudes par rapport à la situation prévalant au Guatemala, au Mexique, en Colombie et au Pérou.

Il a ainsi été demandé au gouvernement canadien de dénoncer les violations des droits humains qui sont faites dans ces pays à la 51e session de la Commission des droits de l'homme à Genève. Il importe davantage au Bloc québécois que le gouvernement canadien pose des actions de ce type, dans le cas de Cuba, plutôt que de dénoncer la conduite de la politique étrangère américaine.

Bref, il serait sans doute plus profitable que l'aide canadienne soit de nature technique ou qu'elle transite par des ONG, car le peuple cubain, souffrant actuellement d'une grave pénurie alimentaire, a besoin de cette assistance humanitaire. L'aide qui serait directement versée au gouvernement cubain n'atteindrait sans doute pas aussi bien les objectifs d'aide publique canadienne que si elle était versée aux organismes humanitaires et non gouvernementaux.

Voilà donc l'essentiel des objections que le Bloc québécois pose à la motion 281 et les raisons pour lesquelles nous voterons contre cette motion.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Kilger): Pour tenter de faciliter le débat en faveur de la motion et contre celle-ci, j'accorderai maintenant la parole au député de Thunder Bay-Atikokan pour un maximum de dix minutes. Évidemment, je donnerai ensuite la parole à un député du Parti réformiste, si l'un d'eux veut s'exprimer. Il semble que le député de Red Deer veuille le faire.

(1140)

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir parler à la Chambre de la motion M-281, qui condamne l'embargo américain contre Cuba et qui a été proposée par le député de Burnaby-Kingsway. Il me fait également plaisir de pouvoir appuyer cette motion.

Voici ce qu'on lit dans le livre rouge: « Les Canadiens et les Canadiennes souhaitent un gouvernement central plus volontariste, indépendant et internationaliste dans ce monde en effervescence. Ils ne veulent pas d'une politique étrangère dictée par des relations personnelles privilégiées. Il veulent une politique


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étrangère qui incarne leur tolérance, leur ouverture d'esprit, leur bon sens ainsi que leur respect des autres et de la diversité. »

À titre de membre du Groupe interparlementaire d'amitié Canada-Cuba, je reconnais volontiers être fier de la tolérance dont les Canadiens font preuve lorsqu'ils essaient de comprendre les différences entre les pays du monde entier et du sens commun qu'ils montrent en résistant aux pressions de groupes d'intérêts spéciaux, lorsqu'ils encouragent, favorisent, enrichissent et améliorent leurs relations avec Cuba et d'autres sociétés pacifiques.

Il convient aussi de signaler que, peu de temps après que ce défenseur de la liberté qu'est Fidel Castro eut renversé le régime diabolique de Batista, la majorité des représentants diplomatiques ont quitté l'île. De leur côté, les gouvernements du Mexique et du Canada ont reconnu le nouveau gouvernement de Cuba et ont continué de faire affaire avec lui. Ils ont donc pu poursuivre leurs activités à partir de leur ambassade initiale et continuent de le faire encore aujourd'hui.

Depuis la révolution, les relations que le Canada a entretenues avec Cuba se sont resserrées, même si les autorités cubaines ont dû se tourner vers l'URSS pour obtenir une aide importante. Le réseau d'embargos commerciaux des États-Unis s'est élargi à mesure que l'influence de ces derniers dans d'autres pays s'est intensifiée et renforcée.

En raison de la baisse des approvisionnements, les Cubains ont été forcés de recourir au rationnement au début des années 60, ce qu'ils font encore aujourd'hui.

Même si l'embargo commercial américain a toujours nui au développement économique de Cuba, ce n'est qu'après la suppression de l'aide de 5 milliards de dollars par année de l'Union soviétique il y a cinq ans que l'embargo a commencé à avoir un effet très marqué sur la vie des Cubains. On manque de tout, et il n'y aucune garantie que les biens réapparaîtront dans un proche avenir dans cette économie strictement contrôlée. Il y a une grave pénurie de matériel didactique dans les établissements d'enseignement. Certaines pratiques médicales doivent être réduites ou discontinuées en raison de la pénurie de fournitures médicales. Plus les gens perdent espoir, plus ils sombrent dans le désespoir et plus le taux de criminalité augmente.

Des priorités sont établies et strictement respectées dans cette lutte pour la survie. Comme les guerres attisent l'esprit du nationalisme, l'esprit du bien commun l'emporte sur l'esprit du mal.

Bien qu'il soit classé comme un pays du tiers monde, Cuba ne s'est jamais dérobé à sa responsabilité envers les autres en tant que membre de la communauté des nations. Chernobyl en est un bon exemple. Plus de 35 000 victimes du désastre de Chernobyl ont été transportées à Cuba pour y être traitées dans un des centres de traitement des radiations les plus avancés du monde. Plus de 13 000 de ces victimes étaient des enfants qui étaient accompagnés par leurs père et mère au cours du traitement.

Il y a trois ans, une économie fondée sur le dollar américain a fait son apparition à Cuba afin de drainer le plus possible de dollars américains pour le commerce extérieur. Cela a été fait principalement grâce à l'introduction et à l'amélioration de l'industrie touristique.

L'économie de marché commence à être florissante à Cuba. Nous avons appris récemment que la privatisation de la terre était possible. Les entreprises peuvent acheter des terrains. D'autres possibilités s'ouvrent également. Les investissements s'accroissent. Les Canadiens investissent.

La situation s'est encore aggravée il y a deux ans par suite de l'adoption de la Cuban Democracy Act, que le Congrès appelle aussi loi Torricelli. Cette loi vise principalement à étendre l'embargo aux filiales américaines à l'étranger. Cela s'applique évidemment aux multinationales américaines établies au Canada.

(1145)

Si on levait l'embargo maintenant, des produits cubains pourraient être exportés aux États-Unis et des investissements étrangers pourraient être faits à Cuba, ce qui aurait des répercussions importantes sur l'économie cubaine.

Cependant, étant donné la composition du nouveau Congrès américain, il semble que l'on pourrait maintenir la ligne dure envers Cuba. C'est dommage, car les États-Unis risquent de faire cavalier seul sur ce plan.

Pendant trois ans, les Nations Unies ont voté massivement en faveur d'une levée de l'embargo. Elles l'ont fait, pour la dernière fois, en 1994. Le résultat a été passablement inégal: 101 voix pour, 2 voix contre et 48 abstentions.

De plus, le Canada, l'Espagne, la Grande-Bretagne, la Suède, l'Allemagne, l'Italie et d'autres pays élargissent actuellement leurs liens avec Cuba. Lors de notre visite à Cuba, nous avons pu rencontrer quelques représentants de ces pays. Il s'agissait de gens d'affaires qui étaient rendus à diverses étapes dans la négociation d'ententes avec le gouvernement cubain.

Il n'y avait aucun représentant américain aux tables de négociation. Par ailleurs, des groupes privés de tous les coins des États-Unis envoient à Cuba une aide humanitaire de plus en plus importante dans le but exprès de contester la politique officielle des États-Unis.

La guerre froide est terminée depuis cinq ans. La situation de Cuba, dans le contexte mondial actuel, est complètement différente de ce qu'elle était dans les années 50 et 60. Cuba est ruinée, elle est paralysée, mais elle n'est pas finie. Elle ne représente une menace pour personne, et la levée de l'interdiction concernant les échanges commerciaux ne pose aucun danger.

Cependant, certains refusent encore de se défaire de cette mentalité des années 50 à laquelle la guerre froide a donné lieu. Il est temps que l'on cesse de s'en prendre aux Cubains dans le but de détruire Fidel Castro. Le principal problème de la politique des États-Unis vis-à-vis de Cuba, c'est qu'elle vient de Miami, et non de Washington. Les expatriés cubains sont extrêmement puissants. On estime qu'ils déterminent en grande partie si l'État de la Floride penche en faveur du gouvernement lors d'élections présidentielles. Ils ont donc énormément d'influence sur la politique étrangère des États-Unis à l'égard de Cuba.

Dans toute nation ou société où certains groupes d'intérêts spéciaux tiennent pour acquis que la forme la plus authentique d'amour est l'amour de soi-même, il est évident que ce senti-


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ment constitue la principale source d'énergie puisque l'avarice et l'avidité sont alors considérées comme des objectifs personnels respectables et que, lorsque d'autres personnes entrent en relation avec les membres de groupes semblables, elles sont généralement considérés comme des victimes.

Je crois que les embargos imposés à Cuba et à d'autres sociétés résultent de l'influence de groupes d'intérêts spéciaux de la sorte. Cet embargo est un exemple patent de cas où des autorités centrales se plient aux volontés de forces politiques axées sur des intérêts provinciaux. On le maintient sans songer aux souffrances des innocents.

La position de notre gouvernement, quant à la politique étrangère à l'égard de Cuba, est très claire. Notre ambassadeur aux Nations Unies a déclaré que, pour atteindre nos objectifs, nous devions maintenir des liens avec Cuba, et non l'isoler.

En outre, notre ministère des Affaires étrangères et notre secrétaire d'État pour l'Amérique latine ont clairement soutenu que nous devions mettre fin à l'isolement de Cuba. Je félicite notre gouvernement à cet égard.

Toutefois, en notre qualité de Canadiens responsables, nous devons consentir davantage d'efforts à l'abolition de l'embargo et favoriser des pratiques fondées sur les relations humaines et des valeurs justes et réalistes.

Les États-Unis ont levé leur embargo sur le Viet Nam. Pourquoi pas celui sur Cuba? Il est temps de changer d'attitude. Nous devons joindre nos efforts afin d'encourager M. Clinton à lever, sur tous les produits non militaires, cet embargo qui dure depuis trente ans déjà.

Nous devons faire comprendre aux défenseurs de l'embargo que toute personne qui intensifie ses relations avec ses semblables améliore aussi ses relations avec Dieu.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole au sujet de la motion no M-281. Je m'intéresse depuis longtemps aux affaires étrangères et désire ardemment que Cuba se joigne au monde moderne et fasse partie de l'OEA.

J'ai visité Cuba, j'ai voyagé un peu partout dans ce pays et me suis rendu compte de l'énorme potentiel qu'il offre.

(1150)

Cette motion nous demande de faire une déclaration vigoureuse contre la politique américaine à l'égard de Cuba. Cela m'ennuie de faire une déclaration vigoureuse qui porte directement sur la politique étrangère d'un autre pays.

Les États-Unis sont un de nos partenaires commerciaux les plus importants. Et même s'ils ne l'étaient pas, aimerions-nous qu'un autre pays, encore moins notre plus proche voisin, nous menace et exige que nous changions notre politique étrangère? La préservation de la souveraineté d'un pays a toujours été et demeure une partie importante de sa politique étrangère.

Examinons le cas de Cuba. Le député désire appuyer et louanger les actions de M. Castro et de son pays. À mon avis, si nous voulons essayer d'amener les États-Unis à changer d'opinion, cela devrait se faire au moyen de négociations, et non par des menaces ou des sous-entendus de la part des députés du Parlement canadien. Menacer les États-Unis garantira assurément une réaction négative et fermera la porte à toute autre possibilité.

Examinons maintenant quelques-uns des faits concernant Cuba. Pourquoi les Américains se sentent-ils si menacés par ce pays? Il y a, bien sûr, les événements passés, la crise des missiles sous le gouvernement Kennedy, le fait que Cuba se trouve à 90 milles de la frontière américaine et que la mafia a utilisé ce pays comme quartier général du jeu, de la prostitution et du blanchiment d'argent. Cependant, lorsqu'il s'agit du présent, nous devons reconnaître que Cuba est dirigé par un dictateur et que ce pays n'a pas participé au Sommet des Amériques qui s'est tenu à Miami, en décembre, parce que c'est le seul pays des Amériques qui ne se dirige pas vers la démocratie.

Les violations des droits de la personne sont nombreuses dans ce pays. D'après ce que j'y ai vu, la liberté d'expression y était totalement inexistante, sauf lorsqu'elle était contrôlée par le gouvernement. Dans ce pays, on constate de nombreuses atteintes aux droits de la personne. J'ai remarqué qu'il n'y existe aucune liberté d'expression: c'est le gouvernement qui dicte ce qu'il faut dire. Les gens aiment parler. Ils sont amicaux. Ce sont des gens formidables. Or, ils ont dû parler au large, loin du rivage, pour être sûrs que les services secrets n'entendraient pas la conversation.

J'ai pu me rendre dans une prison. J'ai observé les détenus qui travaillaient dans un champ de canne à sucre et devaient ensuite retourner dans leur prison surpeuplée. L'ambiance n'a rien à voir avec celle du club social qu'on retrouve dans les prisons au Canada.

J'ai assisté à un discours de trois heures qu'a prononcé M. Fidel Castro à Veradero. Fait intéressant, pendant toute la durée du discours, on disait aux gens quand ils devaient applaudir, garder le silence et quoi encore. Ce n'est pas exactement ce que j'appelle la liberté d'expression.

Les Cubains sont prêts à sacrifier à peu près n'importe quoi pour pouvoir s'embarquer et fuir Cuba à travers 90 milles d'eaux infestées de requins. Si les droits de la personne et la liberté d'expression étaient le moindrement respectés à Cuba, je doute que les choses se passeraient comme elles se passent actuellement.

Il y a de graves pénuries, parce que la Russie a suspendu son aide à cause de l'effondrement de son économie. La production de canne à sucre a chuté, passant de sept millions de tonnes, en 1991, à quatre millions, en 1994. J'ai déjà mentionné que l'infrastructure est dans un état lamentable. Le marché noir est omniprésent.

J'ai eu la chance d'assister au spectacle du Tropicana et j'ai pu y voir les gens s'exprimer par la musique et la culture. Ils étaient cependant vêtus de costumes des années 40 et 50. Ils ont au moins le mérite d'essayer de s'exprimer. Le dimanche, les gens font des promenades dans des voitures des années 50 qui servent beaucoup plus à ménager les apparences que comme véritable moyen de transport. Quant aux enfants qui aiment jouer au baseball, ils se rendent bien compte que, s'ils veulent pratiquer ce sport, ils devront quitter leur île. On voit des comptoirs de crème glacée à tous les coins de rue. Les gens vous diront que c'est du lait


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provenant de vaches Holstein canadiennes dont on s'est servi pour fabriquer la crème glacée.

L'amitié que l'on voue au Canada est on ne peut plus manifeste dans tout le pays. Quiconque voyage dans ce pays peut constater les conditions de vie primitives de sa population. Le dernier orateur a dit qu'on y vivait encore comme dans les années 50. J'irais même encore plus loin.

Les vols sont irréguliers. Rien ne semble fonctionner normalement. Les hôtels sont acceptables, mais manquent généralement de papier hygiénique, blanc et stérile.

(1155)

Évidemment, la style de gestion est typique d'un pays communiste orthodoxe. On dénote l'absence d'incitatifs. Il n'y a aucun sentiment de fierté à l'idée de posséder quoi que ce soit. Le socialisme a laissé le pays sans dynamisme.

Les sanctions font moins mal au peuple cubain qu'au dictateur qui le tient captif en usant de la force militaire. S'il cherche à s'ingérer dans les affaires étrangères d'un autre pays, le député devrait proposer une motion condamnant le dictateur Castro et exigeant sa destitution.

Certes, les États-Unis et le Canada ont des intérêts à Cuba. Ce pays pourrait être prospère. Pour les touristes canadiens, américains et sud-américains, c'est l'endroit rêvé. Si on prenait l'affaire en main, les emplois et l'argent seraient de nouveau au rendez-vous. Les gens seraient de nouveau motivés à travailler. Comme je l'ai déjà dit, c'est un pays de rêve.

Ce genre de motion n'envoie pas le bon message. Plutôt que d'intervenir par la voie diplomatique, on préfère recourir à la tactique du moustique pour résoudre le véritable problème qui est de taille. Nous pouvons collaborer avec les Américains sans abandonner pour autant notre position. J'y vois pas de problème, mais nous devons toutefois aider les autres pays de l'OEA à régler ce délicat contentieux avec les États-Unis.

Cette motion nous donne une allure d'enfants gâtés qui piquent une crise de colère. Elle est pleine de lacunes, et seuls peuvent l'accepter ceux qui croient que le socialisme est là pour y rester, partout dans le monde. Nous devons nous efforcer d'obtenir le respect et la reconnaissance politiques des Américains. Nous devons jouer un rôle moteur, et l'OEA est certainement une excellente tribune à cet égard.

La plupart des pays d'Amérique du Sud comptent sur nous pour leur montrer l'exemple à suivre dans les relations avec la puissance américaine. Dans le cadre de l'ALENA, nous avons assumé un rôle qui ira grandissant. De la même façon, l'OMC accroîtra encore davantage nos échanges commerciaux. Il faut espérer que Cuba y adhérera un jour.

Il serait bon que Cuba se joigne aux 34 autres membres de l'OEA et entre dans le XXIe siècle en participant à une réforme en profondeur des Nations Unies et en faisant partie de la toute nouvelle communauté mondiale que nous allons créer. Cuba demeurera dans les ténèbres, si les Cubains ne modifient pas leur infrastructure et ne changent pas leur gouvernement.

Comme nous en avons parlé à de nombreuses reprises, il existe trois grandes régions dans le monde sur le plan commercial: la Communauté européenne, les Amériques et la région Asie-Pacifique. Cuba est située dans les Amériques, et nous devrions faire en sorte qu'elle en fasse partie. Cuba fait partie de notre monde, et il nous incombe donc d'aider les Cubains à sortir des ténèbres que constitue le socialisme. À l'heure actuelle, nous n'imposons pas de sanctions à Cuba et il n'en sera jamais question.

Il ne faut pas oublier que Castro est un dictateur. Il tient sa population en otage. Les socialistes ont des oeillères et ne voient qu'un côté de la question. Ils ne parviendront jamais à une solution en cherchant constamment la confrontation comme ils le font. Une des choses qui devrait encourager le député, c'est que les sanctions ne donnent pas vraiment les résultats escomptés de toute façon. Elles ne sont probablement pas aussi efficaces qu'il pourrait le penser.

Enfin, il est tout à fait insensé de s'attaquer à un voisin, notre principal partenaire commercial, et de mettre ainsi à rude épreuve nos relations avec lui pour un dictateur vieillissant qui persécute son peuple au nom de l'utopie socialiste. Je m'attends à ce que, la prochaine fois, le député propose une journée spéciale en l'honneur de Che Guevara.

[Français]

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, premièrement, je voudrais dire que j'appuie la motion de notre collègue de Burnaby-Kingsway concernant Cuba. Il est évident que le député du Parti réformiste qui m'a précédé, lorsqu'il est allé à Cuba, portait des oeillères et il est évident aussi qu'il a changé de paysage, mais pas d'idée.

À mon avis, il a donné une description exagérée et les gens à Cuba ne sont pas esclaves d'un dictateur. J'ai vu un peuple qui se tient debout, qui essaie de se créer un avenir, mais plus à genoux, comme il l'était auparavant. Cuba a démontré beaucoup de courage et je voudrais dire que les gouvernements qui se sont succédé ici, au Canada, ont eu la sagesse de toujours garder le contact et de poursuivre leurs relations diplomatiques et commerciales avec Cuba.

(1200)

On l'a fait parce que le Canada est un peuple qui prône la justice et qui fait preuve d'humanisme. Bien sûr, quand on a eu l'occasion de visiter Cuba et de rencontrer des hommes politiques cubains, ils n'ont pas essayé de nous faire croire qu'ils habitaient un paradis. Ils savent qu'ils ont des problèmes, ils savent que leur peuple fait des sacrifices, mais ils veulent se tenir debout.

L'embargo que les États-Unis ont imposé à Cuba est inhumain et on espère que les États-Unis reprendront leur esprit bientôt et qu'ils réaliseront qu'il est insensé de faire souffrir tout un peuple. Le peuple cubain essaie de sauvegarder ses acquis, il sait qu'il ne vit pas dans un paradis, mais il se tient debout et tient à ses valeurs.

[Traduction]

M. Harbance Singh Dhaliwal (secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole au sujet de cette

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motion. Tout d'abord, je tiens à féliciter le député de Burnaby-Kingsway de nous avoir donné la possibilité de donner notre avis à ce sujet. Je m'attaquerai directement aux principaux points car nous avons peu de temps.

J'ai eu la grande chance de me rendre à Cuba en janvier, en compagnie d'un certain nombre de parlementaires. Nous avons passé une semaine à Cuba où nous avons rencontré les principaux dirigeants, dont le président, Fidel Castro.

Le 5 décembre, j'avais écrit au président Bill Clinton afin de lui demander de lever l'embargo. L'embargo imposé par les Américains sur Cuba n'a vraiment aucun sens en ces années 90. Quelles sont les raisons de cet embargo?

À l'origine, c'était une question de sécurité. C'est ce que les Américains avaient déclaré. Cette raison est-elle toujours pertinente de nos jours? La superpuissance du monde, l'Amérique, a-t-elle peur de Cuba? A-t-elle quelque chose à craindre? Je ne crois pas. Cuba ne pose aucune menace à la sécurité des Américains. Il n'y a pas de raison d'avoir cet embargo.

L'embargo existe-t-il pour des raisons ayant trait aux droits de la personne? Les Américains sont-ils préoccupés par la situation des droits de la personne à Cuba? Si c'est le cas, il y a certes d'autres pays qui se rendent coupables de graves violations des droits de la personne; pourtant, les États-Unis ont commercé et continuent de commercer avec ces pays. Cet embargo n'a donc aucune raison d'être.

Rien, logiquement, ne justifie le maintien de l'embargo américain contre Cuba. Le reste du monde l'a dit. Aux Nations Unies, 102 pays ont voté en faveur de la levée de l'embargo. Les États-Unis n'ont pas écouté.

Pour terminer, j'espère que la Chambre fera clairement comprendre aux Américains que cet embargo est injuste et inutile, et qu'il devrait être levé dès que possible de sorte à venir en aide au peuple cubain.

Le président suppléant (M. Kilger): L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Conformément à l'article 96 du Règlement, l'article est rayé du Feuilleton.

_____________________________________________


9800

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

L'hon. Fernand Robichaud (au nom du ministre de la Justice) propose: Que le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour parler du système de justice canadien qui s'applique aux jeunes. C'est un système en évolution, un système qui a besoin de la compréhension des Canadiens.

Au cours des années j'ai souvent eu l'impression que la population est très peu au courant de la loi et de la façon dont les jeunes sont traités quotidiennement par les tribunaux du Canada. Cette loi touche les jeunes de 12 à 17 ans, dont le nombre représente à peu près 8 p. 100 de notre population de 28 millions.

Il doit être très difficile de grandir dans la société canadienne de nos jours. C'est très différent de l'époque où j'étais enfant. Très différent de l'époque où les membres de cette assemblée étaient enfants. La culture est toujours plus violente, et je pense que de plus en plus de Canadiens voudraient pouvoir modifier cette culture de la violence.

(1205)

La plupart des jeunes d'aujourd'hui, au Canada, ont un bon fond. Je pense que l'on doit partir de là. Même s'ils sont exposés à la drogue, à l'alcool, à la violence et à la crainte de l'avenir, la plupart s'en sortent très bien. Ils s'en tirent. Les parents tiennent le coup.

Néanmoins, il est difficile d'élever des enfants aujourd'hui. J'ai moi-même trois jeunes enfants. L'aîné est devenu adolescent il y a quelques mois, et déjà, je discerne un changement. Il remet beaucoup en question. Il n'accepte pas les choses comme lorsqu'il avait cinq ans.

Aider les enfants à traverser cette période difficile sera un défi pour notre société, un défi pour l'enfant, un défi pour l'école et un défi pour les tribunaux.

Nous parlons de violence dans la société, mais elle est aussi dans le monde imaginaire de nos enfants. Elle est dans leurs jeux vidéo, elle est à la télévision, elle est aux informations, tous les jours. Ce n'est d'ailleurs pas uniquement imaginaire; ils ont été exposés, par exemple, aux horreurs du Rwanda. Ils sont témoins des guerres qui se déroulent en Europe et ne voient la paix nulle part. Leur réalité est très consciente de la violence, à une période juvénile de leur développement. Nous devons, dans un tel contexte, envoyer d'autres messages qui contrebalancent toute cette violence.

Les adultes comme les jeunes sont inquiets. Ils ont peur de la criminalité. Ils ont peur des jeunes contrevenants. Cela vient en grande partie du fait que le crime fait vendre des journaux. On entend beaucoup parler de criminalité dans les médias et dans la presse écrite. Soixante-dix pour cent des gens croient ce qu'ils lisent dans les journaux. Pour ma part, je ne crois pas tout ce que je lis dans les journaux et je suis sûre que les députés de cette Chambre savent que la vérité y est souvent déformée.

C'est bien là l'un des problèmes, la peur de la violence, particulièrement celle perpétrée par les jeunes, est bien réelle, mais nous devons la mettre en perspective. Cette mesure législative et la deuxième phase qui suivra devraient nous donner les moyens d'apaiser les craintes des Canadiens.

La question des jeunes contrevenants est un sujet d'actualité. Où que j'aille, on me dit: «Nous n'aimons pas la Loi sur les


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jeunes contrevenants. Nos jeunes sont un véritable problème.» Nous pouvons faire beaucoup mieux que cela.

Mais il ne faut pas perdre de vue que 86 p. 100 des crimes violents commis au Canada, en 1993, l'ont été par des adultes, pas par des jeunes. Seuls 14 p. 100 des crimes ont été commis par des jeunes, et 50 p. 100 de ces crimes n'étaient que des bagarres dans la cour de l'école. Ce pourcentage s'explique en grande partie par la mise en place dans les écoles d'un nouveau système de déclaration des incidents et d'une nouvelle politique de tolérance zéro.

Il y a effectivement une légère hausse. L'augmentation est plus marquée en ce qui concerne les crimes violents commis par des jeunes. Selon la façon dont on interprète les statistiques et la période sur laquelle elles portent, l'augmentation est plus ou moins importante. Le fait demeure qu'il y a augmentation et qu'il faut faire quelque chose.

Cette loi prévoit un système beaucoup plus dur pour les crimes violents, et à juste titre. Il y a dans ce pays, un groupe d'incorrigibles à qui l'on doit faire comprendre clairement quelles sont les conséquences, et c'est en partie ce que fait cette loi.

Elle couvre également l'autre extrême et reconnaît que les jeunes sont traduits devant les tribunaux pour des délits beaucoup moins graves. En fait, dans 60 p. 100 des cas, il s'agit d'infractions contre les biens, souvent pour la première fois.

On parle de violence dans les journaux; en moyenne, au cours des dix dernières années, il y a eu environ 40 meurtres par an pour lesquels des jeunes ont été inculpés. L'an dernier, il y en a eu 22. Bon an mal an, le système de justice pénale pour les jeunes contrevenants traite chaque année entre 115 000 et 130 000 dossiers. Nous devons reconnaître que notre système permet de sauver beaucoup de ces jeunes.

(1210)

Nous avons une loi nationale, la Loi sur les jeunes contrevenants, que les provinces et les territoires interprètent dans des contextes différents.

Le comité de la justice a siégé de septembre à la fin de novembre, l'an dernier, tenant jusqu'à quatre séances par semaine, ce qui nous a permis d'entendre beaucoup de témoins différents. Nous avons entendu des associations scolaires, des parents, des juges, des avocats et des gens qui doivent composer dans leurs fonctions avec les services de probation et les organismes correctionnels.

Nous avons même entendu des jeunes contrevenants. Certains d'entre eux avaient déjà eu affaire au système et avaient été soit sauvés soit lésés par les mesures prises à leur endroit. Leur témoignage a été très instructif et très révélateur pour les membres du comité. Nous avons entendu des groupes de victimes. Dorénavant, la mesure législative tiendra davantage compte des besoins de ces groupes. Elle permettra aux victimes de faire part des conséquences qu'a eues l'acte criminel dans leur vie.

Cette tâche a été délicate pour le comité tripartite. Je pense que tous les députés cherchaient à trouver des solutions qui conviennent. Personnellement, je crois que nous devrions passer très peu de temps à dénoncer les mauvais côtés de la loi et beaucoup de temps à nous demander comment faire pour l'améliorer. Nous devons reconnaître les avantages qu'elle présente.

Si j'étais aujourd'hui un jeune en difficulté avec la loi, je préférerais de loin être au Québec que dans toute autre province. Le Québec fait une interprétation beaucoup plus progressiste de la Loi sur les jeunes contrevenants et obtient de bien meilleurs résultats. On y emploie plus de tactiques de diversion pour éviter que les jeunes aient à subir un procès. Je crois que nous pouvons nous inspirer de cet exemple. C'est même essentiel que nous suivions cet exemple.

Quand j'ai commencé ma carrière d'avocate en 1979, la Loi sur les jeunes délinquants était en vigueur. J'ai passé bien des journées en cour à titre d'avocate de service. J'ai vu des enfants de sept ans passer en cour. Je crois que l'âge maintenant établi dans la loi est plus approprié. Nous réexaminerons la question de l'âge au cours de la deuxième phase de notre étude, puisque les Canadiens nous le demandent. Nous avons tenu un débat à la Chambre sur cette question, et la proposition a été rejetée. Bien des gens pensent que nous devrions abaisser l'âge des jeunes contrevenants. Je ne le crois pas. Je pense que les limites d'âge établies dans la loi sont adéquates.

Nous devons tenir compte du niveau de maturité et de compréhension des jeunes d'aujourd'hui. Les jeunes qui sont visés par la Loi sur les jeunes contrevenants sont à un âge où ils sont très influençables et très impressionnables, ce qui a des avantages et des inconvénients. Le défaut, c'est que les jeunes sont impulsifs. Ils ne réfléchissent pas assez aux conséquences de leurs actes. Ils croient tout savoir. Ils ne prennent pas au sérieux la Loi sur les jeunes contrevenants et sont convaincus qu'il ne peut rien leur arriver.

Ils jugent notre système impuissant à sévir. Or, notre système sévit autant contre les jeunes que contre les adultes. Il est très important que les jeunes le comprennent. Il faut que les Canadiens sachent que les jeunes n'ont pas droit à la clémence que nous manifestons en déterminant les peines des adultes.

Les gens d'en face répètent souvent: «Un crime entraîne un châtiment.» Pour les jeunes, il n'y a ni supervision obligatoire ni libération conditionnelle anticipée. La plupart du temps, le jeune qui est condamné à trois ans de prison purge vraiment sa peine de trois ans. Il est important de comprendre que le temps est une notion différente pour un enfant en développement. L'adulte considère qu'un an est vite passé, alors que, pour l'enfant, une semaine est interminable.

Parmi les jeunes que les tribunaux jugent coupables de nos jours, au Canada, environ le tiers doivent finalement purger une peine en milieu surveillé. À l'instar d'un grand nombre de mes collègues, je crois qu'une peine en milieu surveillé, qui consiste détenir quelqu'un à l'écart de la société, n'est pas une bonne solution à court terme et ce n'est certes pas la meilleure à longue échéance.

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Il est important que, dans les établissements de détention, les jeunes bénéficient d'un traitement. Ces établissements ne sont pas de simples entrepôts. Le temps, l'argent et les efforts que nous y consacrons doivent miser sur le changement. Le changement durable du comportement des jeunes et de leur mode de vie sera beaucoup plus efficace pour permettre l'évolution et la


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sécurité de la société ainsi que la protection des Canadiens. Nous devons absolument faire en sorte que le temps que nous enlevons à ces jeunes soit utilisé à bon escient. Pour moi, cela signifie qu'il faut changer leur comportement.

Cette approche soulèvera certainement des difficultés, parce que bien des gens la considèrent trop tolérante, pas assez dure. Il est beaucoup plus dur de faire face à ses problèmes et de s'astreindre à un programme pour y remédier que de s'asseoir à regarder la télé ou simplement à compter les jours jusqu'à sa mise en liberté. Il est plus difficile de collaborer avec les membres de sa collectivité et de sa famille, ainsi que de travailler avec des professionnels qui sont chargés de vous aider à changer de comportement.

Ma collectivité de London, en Ontario, fait de l'excellent travail auprès de jeunes qui lui sont confiés soit au moyen d'ordonnances de la cour ou de mesures de rechange. Je voudrais notamment féliciter la Société Saint Léonard de London qui crée des programmes visant à aider les jeunes en difficulté à réintégrer la société et à la dédommager en participant à des activités où ils se sentent intégrés à la société et non isolés de celle-ci, souvent d'ailleurs, sans que la collectivité ne s'en rende compte. Ainsi, à la fin d'un projet ou d'une activité, les jeunes ont retrouvé confiance en leurs moyens et redécouvert la discipline et le sens des responsabilités. Je vais donner un exemple de projet qui a été organisé à l'intention des jeunes de ma région et qui a remporté beaucoup de succès.

Au printemps, à l'été et à l'automne, un groupe de jeunes ayant eu des démêlés avec la justice cultive des légumes dans certains lopins de terre à London. Les jeunes s'occupent des jardins. Ils font du sarclage. Cela leur fait faire de l'exercice physique. Ils planifient les activités et veillent à l'entretien des jardins. Ils aident les gens à prendre soin de leur potager. À la fin, ils remettent leurs récoltes à la banque d'alimentation.

L'un des jeunes qui a participé au projet l'été dernier m'a avoué avoir déclaré au conseiller chargé de surveiller les activités qu'il était très content de son travail, car sa famille avait déjà eu recours aux services de la banque d'alimentation.

Bon nombre des jeunes en difficulté ne sont pas nécessairement pauvres. On retrouve des criminels dans toutes les couches de la société et dans toutes les catégories de jeunes. Il faut comprendre que le processus de socialisation influe sur les jeunes.

Je voudrais signaler un aspect de la question qui me préoccupe. Le problème m'apparaît évident, mais peut-être que les arbres nous cachent la forêt. À mon avis, le plus grand dénominateur commun entre les personnes qui ont des démêlés avec la justice au Canada est le fait d'être un homme. La grande majorité des détenus incarcérés dans nos pénitenciers fédéraux, et même dans tous nos pénitenciers, sont des hommes.

Il n'y a pas longtemps, les garçons représentaient 80 p. 100 des jeunes contrevenants, les filles, 20 p. 100. De nos jours, de plus en plus de filles se retrouvent devant les tribunaux. Il s'agit d'une tendance à la fois importante et inquiétante.

Au cours de la deuxième phase, c'est-à-dire une fois les modifications apportées, lorsque le comité sera appelé à se déplacer pour étudier les améliorations à apporter et à revoir la loi au bout de dix ans, nous pourrions analyser les différences culturelles dans notre société entre les garçons et les filles, car les résultats sont différents.

Il s'agit là d'un aspect mineur de la question, mais cet aspect devient très important lorsqu'on analyse le nombre de gens traduits en justice. De l'aveu de tous, les filles ont de plus en plus maille à partir avec la justice, mais encore beaucoup moins que les garçons. Comme nous naissons égaux, il doit se passer quelque chose au niveau de la société pour qu'il en soit ainsi.

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Cela ne se produit pas comme par magie lorsque les garçons atteignent 12 ans. Il faut que quelque chose ait cloché bien avant cela, et nous avons au Canada les moyens de comprendre ce que c'est. On peut déceler chez les très jeunes enfants lesquels poseront des problèmes, lesquels ont un comportement agressif à corriger.

Les psychologues, les enseignants, les institutrices de maternelle, les voisins et les parents peuvent faire cela. Ils peuvent le faire. Ce qui est criminel, à mon avis, c'est qu'ils décèlent ces enfants, mais que rien n'est ensuite fait. On laisse souvent au système de justice pénale le soin de corriger la situation.

Mais référer de très jeunes enfants au système de justice pénale n'est pas sans problèmes sur le plan de la compréhension et de la démarche. Le système de justice pénale adopte une démarche très formelle à l'égard des contrevenants qui ont commis des infractions graves. Il le faut. Il le faut parce que les personnes, les jeunes ont des droits. C'est ce qui fait l'une des plus grandes différences entre l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants et la Loi sur les jeunes contrevenants, à savoir la reconnaissance des droits des enfants.

Je reviens à l'analogie du parent. Si mon enfant ne respecte pas la règle établie dans ma maison, je ne vais pas lui dire que je le verrai la semaine prochaine pour lui en parler une première fois, sans vider la question, puis que je lui en reparlerai un mois plus tard et que nous prendrons alors des mesures. Je veux régler le problème maintenant. Je veux agir vite. Je veux m'en occuper le mieux possible et le plus rapidement possible, et c'est ce qu'il faudrait faire aussi dans nos tribunaux pour adolescents.

Ceux-ci ont une tâche énorme à accomplir et, considérant toutes les personnes qui sont canalisées vers cette démarche très formelle et très stricte, il faut s'assurer qu'il s'agit des bonnes personnes, des bons jeunes, et que leurs droits sont protégés.

Quand aux jeunes qui ont commis des délits légers, qui ont porté un moindre préjudice à la société, il faudrait s'efforcer, avec ce projet de loi, de les renvoyer dans la collectivité et de faire en sorte que toute la collectivité prenne la responsabilité de régler le problème.


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Il ne faut pas chasser ces enfants loin de nous ni les oublier en souhaitant qu'ils ne reviennent jamais. Si l'on veut un programme de réhabilitation, dans notre système fédéral, c'est notamment parce que 80 p. 100 des personnes qui sont condamnées à une peine d'emprisonnement réintègrent la société. La plupart des jeunes sont réintégrés à la société, sauf dans les cas inhabituels où un jeune ayant commis un meurtre voit son dossier renvoyé devant un tribunal pour adultes et doit passer la majeure partie de sa vie dans le système des adultes. Dans un tel cas, le jeune est soumis à des sanctions plus sévères qu'un adulte ayant commis le même crime.

Nous devons comprendre que les jeunes sont ouverts au changement et qu'il est très difficile de changer un comportement. Les interventions doivent être fondées sur une certaine somme de connaissances. Parmi elles, il faut inclure des mots comme «respect» et «responsabilisation», mais d'autres aussi, comme «compassion» et «compréhension».

La justice vengeresse est une chose, mais la réadaptation est mieux. Si on veut, à long terme, avoir une meilleure société, on doit accorder une certaine attention aux détails et changer des éléments de base du système pour adopter une méthode interdisciplinaire qui permet de découvrir pourquoi quelque chose a mal tourné. Il ne suffit pas de dire qu'un crime mérite un châtiment et que rien d'autre que cela ne sera pris en considération.

Notre société doit de plus en plus faire de la prévention du crime, ce qui est maintenant dans le préambule. Nous devons aussi nous occuper de la réinsertion sociale à long terme, ce qui est aussi dans le préambule. Au moment de l'examen en comité, nous avons entendu dire que tout cela était contre-productif.

À mon avis, ça ne l'est pas. Ce sont des éléments sur lesquels les changements de notre système de justice pour les jeunes pourront s'articuler avec le temps.

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Des gens diront que nous ne sommes pas assez durs. Au cours du débat d'aujourd'hui, beaucoup de gens parleront des mesures rigoureuses contenues dans le projet de loi. J'en parlerai brièvement parce qu'il importe que les gens comprennent que nous avons réagi aux préoccupations de la population. Nous avons fait passer de cinq à sept le nombre d'années imposées pour certaines infractions. C'est un allongement assez important, surtout si l'on tient compte du fait que, partout au Canada, des juges n'imposaient même pas les peines maximales prévues dans les anciennes dispositions.

Il nous faut parler des personnes qui doivent être informées de l'identité des jeunes contrevenants. Cela aussi préoccupe la population. Les gens veulent savoir qui commet des infractions et pourquoi cela se produit dans leur collectivité.

Encore là, je crois que nous avons adopté une approche responsable et sensée. On a également apporté des améliorations dans le domaine de la divulgation des renseignements au sujet des contrevenants. Les professionnels, les responsables du milieu scolaire et ceux du domaine de l'aide sociale, tous les gens qui veillent aux intérêts du contrevenant pourront obtenir les renseignements nécessaires.

Cela n'a rien à voir avec le fait d'étiqueter un enfant, de divulguer au grand public des renseignements à son sujet et de lui faire assez honte pour qu'il reprenne le droit chemin, ce que j'ai entendu certains députés préconiser à la Chambre. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous allons faire une utilisation judicieuse de l'information. S'il faut protéger le public, il sera possible, grâce à la loi et au système judiciaire, de divulguer l'information sur une plus grande échelle. C'est nécessaire dans certaines circonstances.

Je veux prendre une minute pour parler d'une autre disposition du projet de loi. Nous avons toujours eu, depuis 1908, la possibilité de renvoyer les jeunes contrevenants devant les tribunaux pour adultes. Dans ce projet de loi, nous sommes allés un peu plus loin. Nous avons inversé le fardeau de la preuve pour certains contrevenants de seize et dix-sept ans. Cela veut dire que les jeunes qui sont accusés de certaines infractions très graves, soit le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire, l'agression sexuelle grave et une autre infraction qui figure sur la liste, seront renvoyés d'office au tribunal pour adultes.

Essentiellement, dans ce cas, le jeune contrevenant devra prouver au juge qu'il serait préférable qu'il soit jugé par le tribunal pour adolescents, autrement il sera renvoyé automatiquement au tribunal pour adultes. Cette disposition est très sévère, mais il s'agit d'infractions très graves. Les gens doivent comprendre que les possibilités seront là.

Durant l'étude en comité, nous avons entendu beaucoup de témoignages à ce sujet. L'inversion du fardeau de la preuve n'est pas un concept qui me met très à l'aise. Je crois qu'il devrait être utilisé avec modération, et c'est effectivement ce qui s'est fait jusqu'à maintenant dans notre système. C'est un concept qui coûte cher, qui prend beaucoup de temps et qui crée des retards.

Son utilisation est nécessaire dans certains cas, mais, encore une fois, ce qui est important, c'est le fait que nous ayons réussi dans ce projet de loi à mettre deux options différentes à la disposition des juges. Ils pourront choisir d'être sévères ou de faire preuve de compassion. Lorsqu'il ne s'agira pas d'une des infractions très graves que j'ai mentionnées plus tôt, les juges devront dire pourquoi ils n'ont pas choisi d'imposer une sentence sans placement sous garde.

Il ne faut cependant pas tenir compte uniquement de l'infraction. Il faut toujours tenir compte de la personne. Si je dis qu'un vol d'une valeur inférieure à 200 $ est une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, ce n'est peut-être pas très grave aux termes du Code criminel. Mais si c'est le quinzième vol de moins de 200 $, une intervention plus musclée et des moyens différents se justifient tant pour punir le crime que pour modifier le comportement.

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La loi laisse au juge la latitude nécessaire pour tenir compte de l'ensemble des circonstances et non de la seule accusation. Des modifications sont apportées au sujet du consentement aux traitements, et il sera également possible de proposer davantage de programmes.


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À propos de la deuxième étape, je ne peux que répéter que ce sera un processus permanent. D'ici au printemps, le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques fera une tournée et s'entretiendra avec des groupes qui connaissent la question et s'y intéressent. Nous chercherons à établir des partenariats plus solides avec les personnes en cause et l'ensemble de la société. Il y a toutefois des personnes qui ont des compétences spéciales dans ces domaines.

La clinique du tribunal de la famille de London, dans ma circonscription, a rédigé un manuel grâce à l'aide financière du ministère de la Santé, manuel qui a été distribué à tous les directeurs de conseil scolaire au Canada. Il y est question de l'intégration de messages anti-violence dans les programmes d'étude depuis les premières classes jusqu'au secondaire. On a constaté que le contact quotidien avec ces messages, dans l'ensemble de la population, pouvait avoir des effets étonnants sur les attitudes de violence. Il se fait sans cesse des études. Il y a des cas où des précautions s'imposent, sans quoi des jeunes se retrouveront plus tard dans nos prisons.

Les témoignages nous donnent l'occasion d'entendre le point de vue de personnes profondément préoccupées qui abordent différemment leurs problèmes. Je songe entre autres à certains témoins des premières nations qui ont comparu devant le comité. Ils ont parlé de groupes de détermination de la peine et de moyens correctionnels adaptés à leur population. C'est très différent.

Ils ne veulent pas voir leurs jeunes dans nos prisons. Ils peuvent recourir à d'autres méthodes. Il est peut-être temps d'envisager des solutions de rechange. Dans le cas des groupes de détermination de la peine des jeunes autochtones, par exemple, il y a la responsabilité envers les anciens qui intervient, ainsi que la responsabilité envers la communauté et la réparation. De plus, les jeunes doivent rendre compte à leurs pairs et au groupe familial immédiat.

À la deuxième étape, nous devrons trouver le moyen de faire intervenir de nouveau les parents dans la vie de leurs enfants, mais de façon significative, pour restaurer l'harmonie qui a été perdue dans le foyer. Nous devons savoir que la justice ne se résume pas aux sanctions et que la justice, pour les jeunes, c'est un réengagement, une réadaptation et une réinsertion dans une collectivité qui se soucie d'eux et veut qu'ils deviennent des adultes responsables qui travailleront fort et paieront des impôts. Nous voulons avoir plus de réussites que d'échecs.

Tout comme mes collègues, j'ai hâte de consacrer du temps à la recherche de meilleures formules pour nos jeunes. Le projet de loi C-37 me semble faire beaucoup pour calmer les inquiétudes du public et faire échec avec plus de fermeté aux crimes de violence, mais il laisse aussi la porte ouverte pour que nos collectivités puissent collaborer de façon plus significative avec le système de justice pour les jeunes.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, aujourd'hui, nous débattons, en troisième lecture, du projet de loi C-37, la Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel.

Ce projet de loi fut déposé par le ministre de la Justice le 2 juin de l'an dernier. Le Bloc québécois n'y est pas allé par quatre chemins. À l'occasion du premier débat, j'ai affirmé que je ne voterais pas pour un projet de loi qui cherche à punir le crime en fabriquant des criminels. J'ai proposé que la Chambre refuse de procéder à la deuxième lecture du projet de loi C-37 dont le principe est répressif. Mon amendement fut malheureusement rejeté.

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Le projet de loi C-37 s'inscrit dans une politique du gouvernement libéral sur la criminalité chez les jeunes. Cette stratégie comporte deux volets. Le projet de loi C-37 constitue la première étape de la réforme proposée. La seconde étape consistera en une évaluation complète du système par le Comité permanent de la justice et des questions juridiques.

Le ministre de la Justice annonçait le 6 juin 1994 et je cite: «J'ai demandé au Comité permanent de la justice et des questions juridiques un examen complet de la Loi sur les jeunes contrevenants et de tout le système de justice pour les jeunes au Canada en général.» Il continuait en invitant les Canadiens à participer à des discussions sur le sujet.

Le ministre de la Justice aurait mieux fait de faire cette demande avant de déposer son projet de loi. J'ai déjà dit du ministre de la Justice qu'il était un ministre de la consultation et, dans le cas présent, ministre de la consultation sans distinction, c'est-à-dire avant ou après la prise de décision, ça n'a pas d'importance, de toute façon, il n'en tiendra pas compte.

Il propose donc de changer des aspects importants d'une loi qui, par la suite, fera l'objet d'une étude en profondeur par le Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Le ministre de la Justice a mis la «charrue devant les boeufs». À ce rythme-là, la stratégie du gouvernement libéral résultera en une loi qui perdra ce qui lui reste de cohérent.

Le ministre de la Justice était tellement pressé de déposer un projet de loi pour répondre aux demandes de plus en plus pressantes de certains membres de son caucus et des réformistes, qu'il en a oublié la logique la plus élémentaire, celle qui exige que des changements soient effectués en pleine connaissance de cause. Pris de panique, le ministre de la Justice ne sait vraiment plus où donner de la tête. Il a décidé de remanier une loi dont il ne connaît pas les tenants et aboutissants.

La Loi sur les jeunes contrevenants a déjà été remaniée. En effet, le 15 mai 1992 est entrée en vigueur une modification importante des sentences. Cette modification a fait passer de trois à cinq ans la peine maximale pouvant être infligée, par les tribunaux de la jeunesse, à un adolescent déclaré coupable de meurtre. Aujourd'hui, le ministre de la Justice veut augmenter les peines. Elles seraient portées à sept ans pour un meurtre au deuxième degré et à dix ans pour un meurtre au premier degré. De plus, le ministre s'attaque à une tranche bien précise de jeunes contrevenants, soit celle des 16 et 17 ans.

Ceux-ci, s'ils sont accusés de crimes violents, devront dorénavant démontrer qu'ils devraient être jugés par un tribunal pour adolescents, sinon, ils seront renvoyés devant le tribunal normalement compétent, soit le tribunal pour adultes. Ce renversement


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du fardeau de la preuve signifie, en d'autres mots, qu'un adolescent ne l'est plus selon le type d'infraction qu'il commet. De plus, sa responsabilité criminelle deviendra plus importante, non plus en fonction de son âge, mais en fonction du crime commis.

Pourtant, le préambule de la Loi sur les jeunes contrevenants semble clair et celui du projet de loi C-37 l'est plus encore. Cet article édicte que les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilités et aux conséquences de leurs actes. Comment expliquer ce non-sens? D'une part, on convient que le degré de responsabilité doit être mesuré en fonction de l'âge et, d'autre part, on assimile les 16 et 17 ans à des adultes.

Le ministre a-t-il des statistiques obscures auxquelles lui seul a accès? Ces chiffres démontrent-ils une augmentation inquiétante du nombre de crimes violents chez les 16 et 17 ans? Dans l'affirmative, qu'il nous les montre, car il a besoin de beaucoup de justifications pour proposer un projet de loi pareil.

L'approche du ministre de la Justice est similaire à celle des réformistes. Il donne raison au député de New Wesminster-Burnaby lorsque celui-ci affirmait en Chambre et je le cite: «Le fonctionnement du système judiciaire pour les jeunes devrait ressembler le plus possible à celui du système pour adultes, si on veut qu'il soit compris par la collectivité et qu'il ait un pouvoir de dissuasion.»

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À quoi bon avoir une loi sur les jeunes contrevenants quand le tiers de ceux qu'elle vise pourraient être traités comme des adultes? Aussi bien proposer de carrément l'abroger. Au rythme où vont les choses, ceci risque de se produire dans un avenir très rapproché.

Je frémis à l'idée d'un système unique, colportée par le Parti réformiste. Aux dires du député de New Westminster-Burnaby, l'on devrait étiqueter dès la maternelle les jeunes contrevenants. Il affirmait, le 6 juin dernier, et je le cite: «On peut déceler des comportements violents dès la maternelle. En repérant ces jeunes contrevenants avant qu'ils n'accèdent au monde de la criminalité des adolescents qui s'offre à eux, nous réduisons radicalement le nombre de jeunes adultes dont nous sommes obligés de nous occuper six ans plus tard. C'est de la sociologie appliquée à son meilleur.» Je me demande où il a bien pu suivre ses cours de sociologie appliquée.

Le ministre ne s'est pas soucié de vérifier l'impact des modifications de 1992. Il ne s'est pas préoccupé de vérifier les statistiques sur la criminalité chez les jeunes. Il n'a pas pris soin d'étudier comment les intervenants appliquaient la Loi sur les jeunes contrevenants. Il aurait pu comprendre que nombre de problèmes proviennent de l'application de la loi et non pas de la législation elle-même. Non. Le ministre a une fois de plus cédé aux pressions. Le vent d'hystérie aura fait plier le roseau libéral.

Le projet de loi C-37 est prématuré. Il ne peut être la réponse à des questions qui n'ont jamais été posées. Suite à l'étude en comité, quelques modifications ont été proposées. La majorité des 28 modifications adoptées par le Comité permanent de la justice sont mineures. Celles-ci touchent le style, la terminologie et la concordance des deux versions officielles. Cependant, certaines modifications sont plus substantielles. Je n'ai pas l'intention de m'y attarder outre mesure, mais ne serait-ce que pour savoir de quoi nous débattons aujourd'hui, il est bon de les mentionner.

Tout d'abord, une première modification élimine les voies de fait graves de la nomenclature des infractions qui impliquent le renvoi présomptif devant le tribunal pour adulte. De cette façon, on élimine le danger que des procureurs autorisent des plaintes plus fortes que ne leur démontre la preuve disponible au moment de l'autorisation. Cette situation risquait en effet de transférer presque automatiquement l'adolescent devant le tribunal pour adultes et ensuite être trouvé coupable d'une infraction moindre qui elle, n'impliquait pas de renvoi. Ce n'est qu'un moindre mal car le renvoi présomptif demeure intact dans ses principes.

Une deuxième modification au niveau du renvoi permet aux parents de se faire entendre lors de la procédure de renvoi devant le tribunal pour adultes. C'est donc un élément de plus que le juge aura à soupeser. Le comité a également convenu qu'en matière de poursuites intentées devant juge et jury, la Loi sur les jeunes contrevenants est applicable à l'adolescent. Des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants auront donc préséance sur les dispositions du Code criminel, relativement à la protection de la vie privée. La modification souligne le droit de l'adolescent à être représenté par avocat lorsqu'il n'est pas présent lors des procédures, suite à son mauvais comportement ou lorsqu'on juge son aptitude à subir son procès.

Ce sont là des modifications dignes de mention que proposait le comité. Étant donné que ces modifications ne changent en rien le caractère répressif du projet de loi, qu'elles ne changent pas non plus la procédure de renvoi devant les tribunaux pour adultes et maintiennent la sévérité des sentences, il m'est impossible de croire que nous débattons ici, aujourd'hui, d'une version améliorée de ce qui nous a été servi au mois de juin dernier.

Le gouvernement libéral a tenté d'arrondir les coins en proposant quelques amendements à l'étape du rapport. Nous avons maintes fois souligné en comité et ici en Chambre les problèmes de procédure que crée le projet de loi C-37.

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En augmentant les peines pour meurtre, le ministre ne s'est pas soucié de l'embrouillamini qu'il créait. En effet, en vertu de l'article 11.f) de la Charte canadienne des droits et libertés, et je cite: «Tout inculpé a le droit de bénéficier d'un procès avec jury, lorsque la peine maximale prévue pour l'infraction dont il est accusé est un emprisonnement de cinq ans, ou une peine plus grave.»

Or, le ministre de la Justice augmente les peines pour meurtre au premier et au second degré sans songer un instant qu'un adolescent qui devrait normalement se retrouver sous la juridiction de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui ne permet pas un


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procès devant juge et jury, aura effectivement le droit à un procès devant juge et jury selon la Constitution canadienne.

Aucune procédure n'a été prévue pour faire le pont entre la Loi sur les jeunes contrevenants qui régit la procédure en matière de comparution et de requête en cautionnement, par exemple, et le Code criminel qui régit la procédure concernant les actes criminels où le prévenu peut opter pour un procès devant juge seul ou devant juge et jury, alors qu'un magistrat au sens du Code criminel entendra l'enquête préliminaire si elle a lieu.

Réagissant faiblement à ce non-sens et à ce vide juridique, le ministre propose à la sauvette un amendement à l'étape du rapport. Cet amendement servira à préciser les dispositions du code qui s'appliqueront dans le cas d'enquêtes préliminaires. Il s'agit des cas où le jeune accusé de meurtre est renvoyé devant un tribunal pour adolescents.

Personne au ministère de la Justice n'a été frappé par un éclair de génie. L'amendement voulait bonifier un projet de loi boiteux mais crée plus de problèmes qu'il n'en résout. En effet, lorsque l'adolescent a choisi, ou est réputé avoir choisi être jugé par juge et jury, l'enquête préliminaire aura lieu devant le tribunal pour adolescents. C'est bien, mais qu'en est-il du moment de l'option elle-même? A-t-elle lieu lors de la comparution devant le tribunal pour adolescents ou après l'enquête préliminaire, quand l'adolescent aura encore le loisir d'opter devant un juge siégeant seul?

Qu'en est-il de l'adolescent qui est renvoyé devant un tribunal pour adultes? Est-ce que l'enquête préliminaire aura quand même lieu devant le tribunal pour adolescents, et par la suite sera-t-il cité devant le tribunal pour adultes?

Étant donné la gravité objective des infractions mentionnées à l'article traitant du renvoi devant un tribunal pour adultes, l'adolescent se verra détenu de façon préventive en attendant son procès. Cependant, ce dernier a droit à une enquête sur cautionnement qui lui permettrait d'être en liberté jusqu'à ce que les procédures se terminent.

Devant quelle juridiction et à quel moment se tiendra l'enquête sur cautionnement? Si l'option a eu lieu au moment de la comparution, comme c'est souvent le cas, l'enquête sur cautionnement aura-t-elle lieu devant une cour de juridiction supérieure? Comme on peut le deviner, le jeune risque de se retrouver dans plusieurs juridictions avant même d'être cité à procès. Il pourrait comparaître devant le tribunal pour adolescents, subir son enquête sur cautionnement devant le tribunal pour adultes, revenir pour son enquête préliminaire devant le tribunal pour adolescents, opter devant juge et jury et être cité à procès devant une cour supérieure de juridiction criminelle.

Si vous m'avez suivie jusqu'à présent, vous comprendrez pourquoi le projet de loi et ses amendements ne sont que de la bouillie pour les chats destinée à créer un imbroglio qui ne pourra être réglé que par les juges qui ne devraient pas avoir cette responsabilité qui incombe au législateur.

Mais quand le législateur ne fait pas ses devoirs, nous n'avons d'autre choix que de nous en remettre au pouvoir judiciaire, avec le risque que cela comporte. Ce n'est plus le législateur qui détermine la procédure et le droit substantif, mais la jurisprudence.

Le projet de loi C-37 est un exemple type d'un projet de loi d'un gouvernement réactionnaire et répressif. C'est une politique de coercition que le gouvernement actuel a choisie pour répondre aux pressions d'un public mal informé et d'une faction de droite qui le manipule.

Le projet de loi C-37 ne se justifie ni par sa substance, ni par les buts qu'il entend soutenir. Loin d'être le correctif approprié, il est au contraire une source majeure de problèmes de procédure. Il impose des coûts supplémentaires aux provinces. Il modifie substantiellement le mandat des centres de réadaptation au Québec.

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Nous reconnaissons, de ce côté-ci de la Chambre, le caractère préoccupant de l'incidence de la criminalité chez les jeunes. La criminalité suscite de la crainte et menace la qualité de vie de nos quartiers et de nos villes. Cependant, la perception que nous pouvons avoir de la criminalité juvénile nous semble très éloignée de la réalité qui nous entoure.

Les réformistes et certains libéraux sont aveugles à cette réalité. Ils justifient leur position répressive en citant des cas d'exception qui ne reflètent en rien les tendances actuelles.

Les déclarations incendiaires du député de New Westminster-Burnaby en auront fait sursauter plus d'un le 6 juin dernier quand il déclarait, et je cite: «Nous jouerons le rôle de la loyale et constructive opposition de Sa Majesté pour proposer des améliorations au projet de loi C-37 en fonction de ce que les citoyens réclament.» Et plus tard il ajoutait, et je cite: «Les réformistes forment la véritable opposition. Laissons les gens s'exprimer et les réformistes se feront leur porte-parole à la Chambre.»

En plus de ne pas savoir compter le nombre de sièges qu'ils occupent en Chambre, les réformistes se gargarisent de l'idée qu'ils sont les seuls représentants sensés de l'électorat.

Au lieu de céder aux pressions de ses collègues et de leurs acolytes du Parti réformiste, le ministre de la Justice aurait avantage à étudier de plus près le rapport du criminologue Julian Roberts que son propre ministère a commandé.

L'étude du professeur Roberts portait sur la perception et les connaissances du public en matière de criminalité et de justice. Le criminologue conclut entre autres, et je cite: «La criminalité est un problème grave dans la société canadienne qui suscite beaucoup d'inquiétudes et de controverses quant à la nature des politiques préventives qu'il convient d'adopter. Mais avant de déterminer si le public est favorable à ses politiques, on doit établir ce que le public sait réellement au sujet de la criminalité et de la justice pénale.»

Dans cet ordre d'idées, le professeur Roberts s'est interrogé à savoir comment le public en général percevait la Loi sur les jeunes contrevants. Ses observations sont révélatrices, et ce sont les suivantes: «Les Canadiens ont une opinion très négative de la loi, mais ils sont peu familiarisés avec ses dispositions et ses


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effets. Ils ne comprennent pas les principes sous-jacents ni les dispositions précises de la loi et y voient probablement une autre manifestation de la clémence dont fait preuve le système de justice pénale. Le public et certains professionnels de la justice pénale croient à tort que l'on peut réduire le taux de criminalité en imposant des peines plus sévères.»

L'un des objectifs avoués du projet de loi C-37 est justement d'offrir une meilleure protection au public, et le moyen choisi pour ce faire a été un allongement des peines imposées aux contrevenants. Le ministre de la Justice propose donc exactement l'inverse de ce que suggèrent toutes les études effectuées sur le sujet, études que son propre ministère a effectuées. On ne peut que s'étonner de voir que le ministre tienne la voie des mesures répressives pour répondre à la criminalité si ce n'est que pour faire du tape-à-l'oeil et épater la galerie. Il n'épate personne au Québec.

Les solutions à la criminalité ne se retrouvent pas seulement dans les sanctions ou dans le processus juridique. Le projet de loi C-37 n'est qu'un coup d'épée dans l'eau. Il ne se fonde sur aucune statistique justifiant une intervention législative de ce genre. Au contraire, le projet de loi s'attaque particulièrement aux jeunes de 16 et 17 ans qui ont commis des crimes graves. Bien, l'on serait porté à croire que les statistiques démontrent une croissance inquiétante de cette clientèle.

C'est tout le contraire. L'examen des données des tribunaux de la jeunesse, depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, révèle que la proportion des causes entendues par les tribunaux relatives à cette clientèle est restée rigoureusement stable.

(1255)

Un autre exemple de statistique que le ministre de la Justice semble ignorer se retrouve dans un document du Centre canadien de la statistique juridique sur l'homicide au Canada. On y mentionne qu'en 1993, 35 jeunes de 12 à 17 ans ont été accusés d'homicide. Cela comprend les meurtres au premier et deuxième degré, l'homicide involontaire coupable et l'infanticide. Ce nombre représente une diminution de 40 p. 100 par rapport à 1992. Les jeunes n'ont représenté que 6 p. 100 des personnes accusées d'homicide en 1993, contre 9 p. 100 en 1992.

Comment peut-on justifier une augmentation des peines pour les meurtres au premier et second degré lorsque la tendance est à la baisse, et ce, de façon draconienne? Comment justifier une approche aussi répressive? Est-ce pour lancer de la poudre aux yeux?

Nulle part dans la littérature peut-on trouver une quelconque incidence de l'augmentation des peines sur la dissuasion et la lutte contre la criminalité. Par exemple, le vol qualifié est passible de l'emprisonnement à perpétuité, mais les statistiques démontrent que le pourcentage de vols qualifiés reste stable. Pourtant, le ministre fait passer de cinq à dix ans la peine maximale pour le meurtre au premier degré et de trois à sept ans la peine maximale pour le meurtre au deuxième degré. Cette augmentation et les nouvelles dispositions sur l'éligibilité à une libération créent des situations pour le moins inusitées.

Il faut tout de suite noter que la computation de la durée de détention comporte deux dates de départ différentes selon que l'adolescent est jugé par un tribunal pour adultes ou par le tribunal de la jeunesse, ajoutant ainsi à la confusion.

La situation la plus saugrenue est la suivante: Un adolescent de 15 ans trouvé coupable de meurtre au premier degré sera éligible à une libération conditionnelle après cinq ans de détention s'il est jugé par un tribunal pour adultes. Cependant, le même adolescent de 15 ans, s'il est jugé par un tribunal pour adolescents, devra purger six ans de mise sous garde avant d'obtenir sa libération conditionnelle.

En dépit des nouvelles dispositions sur le renvoi, l'adolescent se trouvant dans cette situation aura avantage à se taire et espérer qu'il sera transféré devant un tribunal pour adultes. Il pourrait donc, paradoxalement, obtenir plus rapidement sa liberté.

Au chapitre du renvoi, le ministre de la Justice a dressé une liste d'infractions donnant lieu au transfert possible du contrevenant devant le tribunal pour adultes. Curieusement, le ministre de la Justice n'a pas haussé les peines pour ces infractions qu'il qualifie lui-même de graves. Le choix de ces infractions me semble tout à fait arbitraire et comporte le danger évident que les procureurs de la Couronne soient tentés d'accroître le degré de gravité de l'accusation simplement pour que s'opère le renversement du fardeau de la preuve.

Comme je l'ai dit précédemment, le Comité permanent de la justice a retranché les voies de fait graves de cette liste. Il n'en reste pas moins que le danger subsiste pour d'autres infractions, comme dans les cas d'agressions sexuelles graves.

Je souligne ici l'incohérence du projet de loi dans les cas d'infractions multiples. Ces situations surviennent malheureusement très fréquemment. Prenons l'exemple d'un jeune qui est accusé à la fois de meurtre et de vol qualifié. Le fardeau de la preuve relatif au renvoi incombera au jeune dans le cas du chef d'accusation de meurtre, et à la Couronne dans l'autre cas. Comment le ministre de la Justice prévoit-il la procédure applicable? Nulle part dans ce projet de loi trouve-t-on de solution.

Y aura-t-il enquête commune quant à la seule question des renvois? Dans l'affirmative, qui débutera sa preuve? Le jeune de l'exemple précédent pourrait se retrouver devant deux juridictions distinctes pour les mêmes événements. Ce scénario pourrait nous amener à des décisions contradictoires. Imaginez un instant qu'il soit acquitté dans une juridiction et trouvé coupable dans l'autre.

Si le ministre avait pris la peine d'analyser correctement les modifications qu'il propose, il aurait constaté que le simple renversement du fardeau de la preuve, jumelé à la hausse des peines, aura pour effet de bouleverser tout le système.

(1300)

Le projet de loi C-37 ignore les différences fondamentales qui existent au Québec par rapport au reste du Canada. Une fois de plus, le fédéral tente d'imposer une législation pancanadienne, sans tenir compte des différences régionales et des systèmes déjà en place. Passe encore que le ministre de la Justice ignore notre système distinct, mais il ajoute l'insulte à l'injure lorsqu'il propose un projet de loi dont l'administration est de juridiction


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provinciale et où les provinces assumeront les coûts d'une telle réforme.

Si le ministre de la Justice avait fait les choses comme il se doit et entrepris l'étude générale du système pénal chez les jeunes avant de modifier la loi, il aurait constaté qu'au Québec, on fait les choses différemment. Il aurait pu prendre exemple sur la «belle province» et ainsi améliorer sa réforme. Dans le cadre de ses représentations devant le Comité permanent de la justice, le Barreau du Québec présentait un mémoire étoffé qui résumait bien la situation québécoise.

Je me permets de citer un passage éloquent: «Les jeunes contrevenants québécois peuvent bénéficier de l'application d'une mesure de rechange impliquant une référence du dossier à la Direction de la protection de la jeunesse, la proposition d'une entente et l'imposition de mesures de rechange, comme le remboursement à la victime ou des travaux communautaires. En fait, près de 47 p. 100 des dossiers suivent cette voie. Dans les cas contraires, toute cause sera, au Québec, entendue par un tribunal spécialisé en matière de jeunesse. L'ordonnance du tribunal prononcée, c'est le réseau de la santé et des services sociaux qui verra à l'exécution de la sentence. Ce choix qu'a effectué le Québec de confier ces jeunes contrevenants aux établissements relevant du ministère de la Santé et des Services sociaux illustre la philosophie adoptée en cette matière, l'objectif ultime en étant un de réadaptation et de réhabilitation à moyen et à long terme, plutôt que d'une panacée priorisant la répression et qui, vraisemblablement, n'aurait protégé la société qu'à court terme.»

Voilà comment cela se passe au Québec. J'entends déjà les réformistes clamer que notre approche est laxiste et encourage la criminalité juvénile. Vous saurez qu'au Québec, le taux de criminalité chez les adolescents est l'un des plus bas au pays. Il se classe à l'avant-dernier rang dans tout le Canada. L'adoption du projet de loi C-37 viendra bouleverser toutes nos institutions québécoises dont la vocation, jusqu'à maintenant, en était une visant la réhabilitation et la réadaptation.

L'allongement des peines imposées pour meurtre mobilisera les ressources de réadaptation pour une période plus longue. Le mandat des institutions québécoises sera orienté davantage vers la protection de la société, c'est-à-dire la mise à l'écart du jeune plutôt que vers la réadaptation du contrevenant. D'autre part, les requêtes des jeunes de 16 et 17 ans qui ont commis des crimes violents visant à être jugés par le tribunal pour adolescents et les appels des rejets de ces requêtes vont entraîner des délais additionnels, où l'adolescent sera détenu provisoirement dans un centre de réadaptation. À cela, il faut ajouter les délais supplémentaires occasionnés par la tenue de procès devant juge et jury.

Le ministre de la Justice s'est-il soucié de savoir si les ressources institutionnelles sont prêtes à recevoir cette nouvelle clientèle? Je lui rappelle que le Québec a fait le choix de confier ces jeunes au système de protection et de réadaptation. La Loi sur la protection de la jeunesse est un modèle législatif qui reflète une philosophie avant-gardiste et devrait être imitée dans les autres provinces. Cette approche était favorisée bien avant la mise en vigueur de la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants. Le réseau de centres de réadaptation a depuis longtemps intégré les installations qui servaient de centres correctionnels pour enfants.

Aujourd'hui, le ministre de la Justice demande carrément au Québec de changer sa vocation. Il demande au Québec de faire marche arrière et de transformer ces centres de réadaptation en prisons communes.

(1305)

Le Québec se distingue par son approche et ses méthodes. Les résultats probants démontrent que nous sommes sur la bonne voie et devrions servir d'exemple. Face à un problème complexe, nous avons choisi une approche multidisciplinaire et des méthodes efficaces qui ont fait leurs preuves. Somme toute, le ministre de la Justice aurait dû regarder davantage du côté du Québec avant de proposer sa réforme.

* * *

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, vous constaterez qu'il y a consentement unanime de la Chambre pour adopter la motion suivante:

Que, nonobstant l'ordre adopté le 16 février 1995, lors des travaux de la Chambre le 23 février 1995, deux caméras de télévision, l'une appartenant aux réseaux américains et l'autre appartenant aux réseaux canadiens, soient autorisées à fonctionner sur le parquet de la Chambre à des endroits situés en-deçà de la barre de la Chambre, conformément aux directives du sergent d'armes.
(La motion est adoptée.)

* * *

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel, soit lu une troisième fois et adopté.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de participer au débat de troisième lecture sur le projet de loi C-37.

Je commencerai par exprimer mon opposition sans équivoque au projet de loi parce qu'il ne fait absolument rien pour s'attaquer aux causes de la criminalité croissante chez les jeunes Canadiens. Il ne fait rien pour protéger nos fils et nos filles des agressions brutales commises par leurs pairs dans les cours d'école et dans les rues. Il n'élargit pas le champ d'application de la Loi sur les jeunes contrevenants pour l'appliquer aux jeunes de 10 et 11 ans. Il ne permet pas de traduire les jeunes de 16 et 17 ans devant les tribunaux pour adultes, sauf par le truchement de la disposition portant inversion du fardeau de la preuve, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Sa disposition sur la révélation de renseignements n'est pas suffisante pour fournir au public l'information dont il a besoin pour se protéger des jeunes délinquants dangereux, notamment des délinquants sexuels qui habitent dans nos collectivités.


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Les jeunes visages que l'on voit dans les tribunaux et dans les prisons du Canada sont comme des masques. Ils dissimulent les cicatrices les plus laides de la société: la pauvreté, l'alcoolisme et la toxicomanie, la violence sexuelle, la violence physique, la négligence, les difficultés d'apprentissage, le syndrome d'alcoolisme foetal ainsi que la discrimination raciale et sexuelle.

Je suis sensible aux nombreux problèmes sociaux auxquels font face les jeunes Canadiens. Il n'appartient cependant pas au système judiciaire de soigner les maux sous-jacents aux affaires dont il est saisi. Il n'est pas de son domaine de remédier aux problèmes sociaux qui sont à l'origine de la criminalité.

Le gouvernement actuel et ceux qui l'ont précédé ont tenté de façonner le système judiciaire pour qu'il s'attaque aux causes de la criminalité. Ils ont tâché d'en faire un instrument capable de remédier à des facteurs auxquels il n'avait jamais été conçu pour remédier et ils ont tenté de faire croire aux Canadiens qu'il pourrait y réussir.

Le système judiciaire ne peut pas prévenir les familles perturbées. Il ne peut pas renverser le niveau d'imposition de plus en plus élevé. Il ne peut changer le fait que les différents paliers de gouvernement prélèvent 50 cents sur chaque dollar que gagne une mère ou un père. Il ne peut enrayer le taux de chômage inacceptable. Le système de justice ne peut pas non plus supprimer les facteurs négatifs de la société qui mènent à la criminalité.

Il faut enrayer ces facteurs en s'en prenant à leurs causes: la pauvreté et le manque d'argent pour assurer sa subsistance. Cette situation est le lot des personnes sans emploi ou sous-employées et elle relève du ministre du Développement des ressources humaines. C'est en offrant aux Canadiens de meilleures perspectives d'emploi que l'on pourra réduire le problème de la pauvreté. Or, nous connaissons tous les succès que le ministre a remportés à ce chapitre avec sa réforme des programmes sociaux.

L'impôt, le facteur financier le plus débilitant qui existe au Canada, relève carrément du ministre du Revenu national, tandis que les facteurs économiques comme les taux d'intérêt, le dollar à la baisse et l'augmentation du déficit qui continuent de malmener le Canada, sont la responsabilité du ministre des Finances.

(1310)

La plus grande menace contre la stabilité économique de la famille, c'est le pouvoir illimité des gouvernements d'imposer la richesse des particuliers, pouvoir dont ils se sont prévalus à un rythme effréné depuis 25 ans.

Pour sa part, la ministre de la Santé a la responsabilité de s'attaquer aux problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie qui détruisent les familles et portent grandement préjudice à notre jeunesse. La mise en oeuvre de programmes et de services sociaux visant à conseiller les familles et les jeunes reste la responsabilité des provinces.

Les ministères visés doivent venir à bout des aspects négatifs de la société, des causes de la criminalité. L'objectif du système de justice est d'assurer la protection de la société. Le système de justice a été conçu dans un but et un seul, celui de protéger la société contre les individus qui ont opté pour la criminalité.

Il vise à protéger les Canadiens contre les individus qui ne s'autodisciplinent pas et qui ne respectent pas autrui. La seule façon d'atteindre cet objectif, c'est en adoptant des mesures dissuasives et en infligeant des peines justes. Pour être dissuasif, il faut veiller à ce que les peines ou les conséquences d'un comportement criminel soient suffisantes pour contrer l'activité criminelle. Quand un crime est perpétré, le système de justice doit prévoir des peines qui sont proportionnelles à l'infraction et qui protégeront les personnes innocentes au sein de la société.

Depuis 20 ans, à vouloir faire du système de justice une sorte de système à deux niveaux, les spécialistes de la sociologie appliquée en ont fait une passoire. Ils ont altéré le système de justice au point où les droits du criminel ont préséance sur ceux de la victime, où les peines sont ridiculement légères, où les juges sont déphasés, où la libération conditionnelle s'obtient facilement, où les ordonnances d'expulsion sont une plaisanterie pure et simple et où l'on a l'impression tout à fait ridicule que les criminels ne devraient pas purger entièrement leur peine d'emprisonnement à perpétuité.

Ce système à deux paliers inspiré par une mentalité de bonne âme sensible a sonné le glas du système de justice traditionnel, car il ne protège plus la vie et les biens des Canadiens

Il est bien évident que le projet de loi C-37 n'apporte aucune solution au problème. En fait, il renforce ses origines qui se trouvent dans la loi cadre, la Loi sur les jeunes contrevenants. L'article premier du projet de loi C-37 se lit comme suit:

a) la prévention du crime est essentielle pour protéger la société à long terme et exige que l'on s'attaque aux causes sous-jacentes de la criminalité des adolescents et que l'on élabore un cadre d'action multidisciplinaire permettant à la fois de déterminer quels sont les adolescents et les enfants susceptibles de commettre des actes délictueux et d'agir en conséquence;
Le projet de loi C-37, tout comme la Loi sur les jeunes contrevenants, est le produit d'une attitude selon laquelle les criminels ne sont pas mauvais, mais seulement des victimes de la pauvreté et d'une société compétitive impitoyable, et selon laquelle il faut non pas les punir, mais les faire bénéficier d'une mystérieuse panacée qui n'a jamais été découverte ni définie.

Les remèdes ne sont pas définis dans le projet de loi C-37, tout comme ils ne le sont pas dans d'autres lois en matière de justice. Tant les causes que le traitement des comportements criminels dépassent la portée de la justice.

Un conseiller et délégué à la jeunesse dans le système correctionnel du Québec et de l'Alberta a donné le profil des jeunes contrevenants dont il est responsable. Il a dit que les jeunes venaient de familles où l'un des parents naturels, voire les deux, ne voulaient pas d'eux. Nombre d'entre eux venaient de familles monoparentales; leur mère, vivant d'aide sociale ou travaillant à bas salaire, n'avaient plus aucune autorité sur eux. Bon nombre d'entre eux ont été élevés par leurs grands-parents, oncles, tantes ou parents adoptifs.

Le dénominateur commun de ces histoires était l'impression que ces jeunes détenus avaient grandi dans des foyers déchirés dominés par les disputes, les cris, l'ivrognerie ou l'abus de


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drogues, la violence et l'indifférence. Selon l'auteur, il ne s'agissait sûrement pas d'un endroit chaleureux et stimulant.

Ces enfants-là ont grandi en colère. Que la Loi sur les jeunes contrevenants et le projet de loi C-37 soient sévères ou cléments et quels que soient les efforts de réadaptation, ils ne peuvent modifier en rien le climat hostile dans lequel nombre de ces jeunes contrevenants ont grandi. Ce climat ne peut être modifié que de l'extérieur du système judiciaire.

Le gouvernement peut lutter contre les influences qui s'attaquent à la fibre morale de notre jeunesse et de la société: des influences comme la pornographie. Dans notre pays, on peut aller voir ce qu'on appelle des «peep shows», soit un spectacle où le client, moyennant un tarif donné, peut voir, sans être vu, une femme nue danser et se contorsionner. On peut aussi aller voir des danseuses nues dans des bars où l'on entraîne nos filles à exercer ces activités qui contribuent au déclin moral de notre société.

Un de mes électeurs m'a écrit la lettre suivante. «Hier soir, dit-il, le 15 octobre 1994, en allant chercher ma fille, j'ai allumé la radio de Radio-Canada. C'est généralement l'heure de l'émission «Ideas». Il y était question d'éjaculation chez les femmes. Pendant les cinq minutes où j'ai écouté l'émission, en attendant de prendre ma fille, une femme décrivait l'autostimulation devant un miroir et combien il était excitant d'éjaculer devant un miroir.»

(1315)

Le gouvernement peut faire quelque chose à ce propos. Il peut faire cesser ce genre de choses. Je demande au gouvernement d'agir dans ce dossier. Je demande notamment au ministre de la Justice et peut-être à la ministre de la Culture d'examiner cette émission à la loupe. Si ces faits sont véridiques, comme on me l'a assuré, les responsables devraient se voir imposer des mesures disciplinaires et ce type d'émissions devrait être retiré de la grille de la SRC, un organisme financé par les contribuables de ce pays.

Ce sont des domaines où le gouvernement peut intervenir. Or, les députés d'en face refusent d'agir dans ces domaines qui menacent la moralité de notre société, notamment chez les jeunes.

Tant que les phénomènes négatifs de notre société qui engendrent la délinquance n'auront pas été maîtrisés, le ministre de la Justice aura du mal à nous convaincre qu'il s'attaque vraiment à la criminalité. À mes yeux, c'est pure prétention de sa part. Tant que le ministre ne supprimera pas du Code criminel tout ce qui contribue à promouvoir la violence, ce ne sera rien d'autre qu'une prétention.

S'il veut vraiment combattre la criminalité, pourquoi le ministre ne modifie-t-il pas la loi qui autorise la libération d'office de délinquants violents, tels que M. Auger qui est le principal suspect dans le meurtre de Melanie Carpenter, lorsqu'ils ont purgé les deux tiers de leur peine? Pourquoi ne pas intervenir pour qu'on cesse de remettre des délinquants violents dans les rues de nos villes? Les responsables du régime de libération conditionnelle ont informé les décideurs que M. Auger était encore dangereux et risquait de récidiver.

Pourquoi le ministre n'agit-il pas? Il pourrait faire bouger les choses plus rapidement pour mettre fin à cette échappatoire. Nul doute qu'il bénéficierait alors de l'appui des députés réformistes de ce côté-ci de la Chambre. Pourquoi le ministre de la Justice a-t-il voté contre le projet de loi d'initiative parlementaire qui visait à supprimer l'article 745 du Code criminel autorisant la libération conditionnelle anticipée dans le cas de meurtriers? Pour quelle raison?

Et pourquoi vote-t-il en faveur du criminel et contre ce qui pourrait contribuer à la sécurité au sein de notre société? Le ministre de la Justice va-t-il voter autrement, dans le cas de ce projet de loi, s'il est vraiment sérieux quand il dit qu'il veut s'attaquer à la criminalité? Je demande à tous les députés ce qu'est, selon eux, une punition juste et équitable pour le meurtre prémédité d'une innocente victime, comme Melanie Carpenter.

Je peux appuyer certaines parties de ce projet de loi. Le ministre a, de toute évidence, prêté l'oreille, quoique partiellement, aux milliers de Canadiens qui ont demandé un resserrement de la Loi sur les jeunes contrevenants. Cependant, je crois que les Canadiens, comme le Parti réformiste, espéraient vraiment des changements d'envergure, pas ce que nous estimons n'être qu'une farce.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-37 ne sont pas capitales. Elles ne sont rien d'autre qu'une illusion voulant nous faire croire que le ministre s'attaque au problème. Je crois que des gens comme Stu Garrioch, le père d'un garçon frappé à l'estomac à coups de couteau de chasse par un adolescent de 15 ans, de même que les 195 000 signataires de sa pétition veulent une véritable réforme en profondeur, pas des bricoles et des petits changements.

On pourrait en dire autant de Donna Cadman, dont le fils de 16 ans a aussi été poignardé à mort par un jeune, en 1992, dans la rue à Surrey. Elle demande que toutes les causes de criminels violents soient instruites devant un tribunal pour adultes. Nous le demandons aussi.

Yvette Steck, maîtresse de maison de 27 ans, de Fort St. John, en Colombie-Britannique, a fait des démarches au sein de sa collectivité pour exiger que l'on enregistre obligatoirement tous les agresseurs sexuels, après avoir appris qu'elle laissait sa fillette de sept ans en garderie chez une voisine où demeurait un agresseur d'enfants reconnu coupable. Mme Steck a fait circuler une pétition demandant que les agresseurs perdent leur droit à la confidentialité, dès qu'ils ont agressé un enfant et elle a recueilli 6 500 signatures.

Environ 10 000 personnes ont manifesté sur la colline du Parlement le 24 septembre 1994 pour demander le contrôle de la criminalité et non le contrôle des armes. Le 25 septembre 1994, 3 000 personnes se sont jointes à Bob Niven, dont le fils de 31 ans a été battu à mort par deux adolescents, pour participer à une marche et demander une réforme en profondeur de la Loi sur les jeunes contrevenants.

(1320)

En novembre l'année dernière, 1 500 personnes se sont réunies sur la colline du Parlement pour rendre hommage à Anne-Marie Bloskie, de Barry's Bay, qu'un adolescent de 17 ans a assassinée en lui écrasant le crane après l'avoir agressée sexuellement, à Melaine Desroches, tuée à Kemptville par un compagnon de classe de 14 ans qui l'a battue à mort avec une clé


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anglaise, à Marwan Harb, l'adolescent de Hull poignardé à sa sortie de l'école durant une bagarre avec trois adolescents, et à Nicholas Battersby, abattu d'un coup de feu dans la rue Elgin.

Les gens se sont réunis aussi pour marquer le cinquième anniversaire du décès de Joshua Baillie, jeune victime d'un accident causé par un adolescent circulant illégalement dans une camionnette volée. Ils sont venus nous dire que c'en était assez. Ils voulaient des changements en profondeur et non de simples modifications superficielles.

Le garçon qui a agressé sexuellement et assassiné Ann-Marie a été condamné à trois ans de prison. Le tueur de Mélanie s'est vu imposer une peine de trois ans dans un établissement pour adolescents. Après avoir plaidé coupable à une accusation de négligence criminelle, l'assassin du jeune et innocent Joshua a été condamné à un an de détention, plus une année de probation.

Il y a une quinzaine de jours, 3 000 personnes de la Colombie-Britannique ont pleuré la mort de Mélanie Carpenter et des milliers d'autres personnes ont participé à une campagne organisée par la famille Carpenter pour exiger une réforme du système de justice pénale.

En présentant le projet de loi C-37, le gouvernement essaie timidement d'apaiser les craintes des Canadiens. Même s'il vient de la base, et non des gens qui vivent dans des tours d'ivoire au Canada, ce projet de loi ne répond pas aux besoins des Canadiens. Le ministre pourrait-il nous dire pourquoi il n'est pas conséquent dans sa façon de tenir compte des souhaits des Canadiens? Où sont donc toutes les pétitions signées par des milliers de Canadiens?

Où ont eu lieu les manifestations pour réclamer l'enregistrement des fusils de chasse et des carabines? Combien de personnes sont venues défiler sur la colline du Parlement pour exiger une interdiction complète des armes de poing? Eh bien, je ne les ai pas vues.

J'ai parcouru tout l'Ouest et le nord de l'Ontario. Mes collègues se sont rendus dans l'Est. Nous avons été témoins de nombreuses manifestations de milliers de gens qui protestaient contre la décision du ministre de forcer les citoyens respectueux des lois à enregistrer leurs fusils de chasse et leurs carabines. Nous avons des pétitions venant de toutes les régions du pays, des pétitions portant des milliers de signatures de gens qui s'opposent également à cette décision. Pourtant, le ministre a décidé d'aller de l'avant.

Il est inconséquent, lorsqu'il s'agit de respecter les souhaits des Canadiens. Il en va de même dans sa façon d'aborder la justice pénale. En effet, il a décidé d'accroître les peines pour les crimes commis à l'aide d'armes à feu, mais il a hésité à faire de même pour les crimes perpétrés par de jeunes contrevenants.

Je le félicite de faire passer de cinq à dix ans la peine maximale prévue pour les jeunes contrevenants coupables de meurtre. Cependant, comment peut-il imposer la même peine de dix ans aux gens qui, délibérément, n'enregistrent pas leurs carabines ou leurs fusils de chasse? Est-ce sensé? Est-ce équitable et raisonnable? Les incohérences que renferme ce type de mesure législative ne minent-elles pas davantage la crédibilité de l'actuel système de justice?

Durant la campagne électorale de 1993, certains de mes électeurs m'ont dit être inquiets des proportions que prenait la criminalité au Canada. C'est particulièrement vrai dans le cas des crimes commis par les jeunes. Tous les jours, je reçois des lettres qui me demandent de redonner un certain sens à notre système de justice dont le contrôle semble nous échapper.

On me parle du déficit et de la dette, puis des impôts abusifs établis par les gouvernements précédents. Il est question aussi du cynisme grandissant des gens à l'égard des politiciens, surtout au niveau fédéral.

Durant la campagne électorale, les gens de ma circonscription m'ont dit qu'ils se sentaient trahis. L'imposition de la TPS si détestée et la gabegie du gouvernement étaient la principale cause de leur cynisme durant la campagne de 1993. De nos jours, c'est le manque de mesures concrètes de la part du gouvernement libéral qui explique, en grande partie, ce sentiment.

Durant la campagne, je n'ai entendu personne se plaindre d'un manque de contrôle sur les armes à feu et il en va de même, à l'heure actuelle. En fait, selon le sondage effectué par la firme Decima pour le compte du magazine Maclean's, à peine 5 p. 100 des Canadiens jugeaient que les crimes violents étaient attribuables à un manque de mesures de contrôle suffisantes sur les armes. Cependant, j'ai constaté que les gens s'inquiétaient pour leur sécurité, ce qui est toujours vrai. Ils sont préoccupés du taux alarmant de crimes commis par des jeunes, particulièrement les crimes violents.

Le projet de loi C-37 n'est pas la solution à l'accroissement de la criminalité chez nos jeunes. Il faut plutôt réexaminer et modifier en profondeur la Loi sur les jeunes contrevenants en ayant pour objectif de rétablir le rôle traditionnel de notre système de justice.

Le Parti réformiste réclame un certain nombre de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants, des modifications qui, en l'absence d'un réexamen complet, constitueront la seule façon de nous convaincre qu'on peut bien protéger notre société. Nous avons demandé que la Loi sur les jeunes contrevenants vise les jeunes de 10 à 15 ans plutôt que les jeunes de 12 à 17 ans, comme c'est le cas actuellement.

(1325)

Les députés savent probablement que notre système de justice pénale ne tient pas les jeunes de 10 et de 11 ans responsables des crimes qu'ils pourraient commettre. C'est inacceptable. Il y a trop de jeunes de 10 et de 11 ans qui commettent des crimes pour lesquels ils ne peuvent être accusés ou poursuivis. En ce qui concerne les contrevenants plus âgés, nous croyons que les jeunes de 16 et de 17 ans sont assez vieux pour assumer l'entière responsabilité de leurs actes et qu'ils devraient donc dans tous les cas, et en particulier dans le cas des crimes avec violence, être jugés par un tribunal pour adultes.

Dans le projet de loi C-37, le ministre de la Justice a proposé que les jeunes de 16 et de 17 ans qui sont accusés de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable, d'agression sexuelle grave et de voies de fait graves soient jugés par un tribunal pour adultes à moins que l'on n'accède à la demande de traduire le jeune contrevenant devant un tribunal pour adolescents. Le jeune contrevenant doit alors expliquer pourquoi il ne devrait pas être jugé par un tribunal pour adultes. Le tribunal acceptera ou rejettera la demande, à sa discrétion.


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Cette modification a pour effet de créer une audition à l'intérieur d'une audition, ce qui occasionnera des retards, repoussera d'autant les autres cas actuellement devant les tribunaux et entraînera des coûts supplémentaires. Nous rejetons tout simplement cette suggestion et cette modification.

Le Parti réformiste avait demandé que l'on impose des peines plus sévères. J'appuie donc les dispositions du projet de loi C-37 qui prévoient que l'on fasse passer de cinq à dix ans la durée de la peine imposée à une personne coupable de meurtre au premier degré. Nous avions aussi recommandé que l'on modifie notamment la Loi sur les jeunes contrevenants pour permettre la publication des noms des jeunes contrevenants qui ont été déclarés coupables d'une infraction où il y a eu usage de violence ou qui contrevient aux dispositions de la Loi sur les stupéfiants ou de la Loi sur les aliments et drogues, ou des jeunes contrevenants qui ont déjà été déclarés coupables d'infractions à deux reprises.

Le projet de loi C-37 n'a pas tenu compte de cette proposition. C'est peut-être sa plus grande lacune. Je suis convaincu qu'il est nécessaire de publier les noms des jeunes contrevenants si l'on veut protéger nos enfants.

Par exemple, un directeur d'école peut ne pas savoir que l'un des élèves de son école a déjà été déclaré coupable, à plusieurs reprises, de trafic de drogues. Un parent peut ne pas savoir que son enfant fréquente un contrevenant qui a été trouvé coupable d'une série de viols. Le jeune homme d'à côté à qui vous avez confié le soin de garder vos enfants pourrait être un autre Jason Gamache.

Qui devrions-nous protéger: la vaste majorité des Canadiens, des gens honnêtes, travailleurs et pleins de sollicitude, qui continueront d'être les artisans d'une société productive, ou le trafiquant de drogue de l'école secondaire de la localité et le violeur inconnu qui hante le quartier? Je ne crois pas que la réponse à cette question soit difficile. Il ne fait aucun doute que ce sont ces contrevenants dont la société devrait connaître l'identité.

Nous ne parlons pas ici de l'adolescent qui commet une erreur minime et qui a des démêlés une seule fois avec la justice; dans un tel cas, la publication des détails de l'infraction n'est peut-être pas dans l'intérêt du public. Nous croyons fermement que, pour que la protection de la population devienne la toute première priorité, la loi ne devrait pas empêcher, comme elle le fait actuellement et continue de le faire dans le projet de loi C-37, de publier les noms des jeunes contrevenants qui sont violents.

Un système de justice ne peut pas être efficace s'il repose sur la non-divulgation et la dissimulation de la vérité. Les noms des victimes et les horribles détails des crimes perpétrés contre elles sont accessibles au public, mais les noms des contrevenants demeurent un secret d'État. Les jeunes visages dans les tribunaux et les prisons du Canada sont les masques qui cachent les cicatrices les plus hideuses de la société, des cicatrices qui suppureront si on ne les expose pas au grand jour.

Au nom de leurs nombreux électeurs, le Parti réformiste a demandé au gouvernement de constituer un registre des agresseurs sexuels d'enfants. Le gouvernement a donné sa réponse typique à une demande de ce genre. Il sait qu'il existe un problème. Il sait que les Canadiens veulent qu'on s'y attaque, et il a promis d'étudier la question et de consulter les autorités compétentes. Autrement dit, le gouvernement fait preuve de mauvaise volonté et, entre-temps, des enfants continueront d'être victimes d'abus sexuels et d'attaques violentes de la part de récidivistes que le gouvernement se rend coupable de protéger parce qu'il refuse de communiquer à la population les renseignements dont elle a besoin pour protéger nos enfants et notre société en général contre ces criminels.

Dans leur effort pour comprendre la nécessité d'établir un registre, les ministères de la Santé, de la Justice et du Solliciteur général ont commandé une étude. Le groupe de travail spécial interministériel du gouvernement fédéral chargé des systèmes d'information sur les agresseurs sexuels d'enfants a préparé un document de travail.

Savez-vous quelle a été la conclusion de cette étude? Nous avons besoin d'une autre étude et d'autres consultations. Cependant, ce document renfermait également des renseignements qui soulignent clairement la nécessité à la fois de constituer un registre et de publier les noms des jeunes contrevenants.

(1330)

Selon le rapport, les statistiques portant sur tous les crimes violents commis contre des enfants au Canada montrent que les jeunes contrevenants de 12 à 17 ans représentent environ 23 p. 100 de tous les délinquants contre qui des accusations sont portées. En outre, entre 17 p. 100 et 29 p. 100 de ceux qui sont accusés d'exploitation sexuelle des enfants ont moins de 18 ans.

Il faut mentionner que ce groupe d'âge représente seulement 7,9 p. 100 de la population canadienne. Selon le rapport, des études répétées ont montré que les délinquants sexuels affichent l'un des taux de récidive les plus élevés parmi toutes les catégories de criminels, 40 p. 100 d'entre eux récidivant dans les cinq ans de leur remise en liberté. D'autre part, la recherche portant sur l'efficacité des programmes de traitement des délinquants révèle que ces programmes donnent des résultats mitigés.

Le ministre de la Justice a-t-il pris connaissance du rapport du groupe spécial? S'il l'avait fait, il saurait que les délinquants sexuels récidivent. Il lui suffirait de faire de simples calculs statistiques pour voir qu'entre 17 p. 100 et 29 p. 100 des crimes sexuels commis au Canada sont perpétrés par des jeunes. Si 40 p. 100 d'entre eux récidivent, ils commettront d'autres actes de sadisme contre les plus innocents et les plus vulnérables de notre société, des actes que le gouvernement pourrait prévenir en publiant les noms des délinquants en cause. Si le gouvernement avait lu son propre rapport et avait donné suite à ses conclusions, il aurait pu empêcher que des actes indescriptibles soient perpétrés contre des enfants.

Le projet de loi C-37 ne protégera pas nos enfants contre les Jason Gamache du monde. Il ne nous protégera pas contre ces individus anonymes qui se cachent derrière le masque de l'adolescence.

Aussi, la présomption continue de peser en faveur des jeunes délinquants au Canada. Les droits des jeunes délinquants vio-


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lents l'emportent encore sur la protection de la société et sur celle de nos enfants.

Nous demandons seulement de rétablir l'équilibre, c'est-à-dire d'accorder la priorité aux droits des victimes et des enfants et de faire en sorte que la protection de la société l'emporte sur celle des jeunes délinquants qui n'ont aucun respect pour la vie et les droits d'autrui.

Nous demandons simplement au ministre de la Justice d'écouter la population, notamment les parents à qui on a ravi un enfant si jeune. Nous lui demandons d'écouter les Canadiens ordinaires et pas ceux qui vivent dans des tours d'ivoire et ignorent ce qui se passe dans la vraie vie.

Je ne peux donner mon appui qu'à une loi qui réponde aux préoccupations des gens ou qui repose sur des faits, pas sur les priorités de certaines personnes. En terminant, je répète ce que j'ai dit au début: je ne peux appuyer le projet de loi C-37. Je donnerai mon appui à une loi qui servira la justice et protégera la société.

Le président suppléant (M. Kilger): Nous passons maintenant à l'étape suivante du débat. Pendant les cinq prochaines heures, les députés pourront prononcer des discours de vingt minutes chacun, sous réserve d'une période de dix minutes de questions et observations.

M. Derek Wells (South Shore, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour appuyer les modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants proposées par le ministre de la Justice et confirmées par le rapport du Comité permanent de la justice et des affaires juridiques déposé à la Chambre le 8 décembre.

Je peux dire au départ que je considère que la stratégie en deux volets employée par le ministre aux fins de la réforme du système de justice pénale pour les jeunes est une mesure appropriée pour contrer problème de la criminalité juvénile.

En tant qu'avocat, compte tenu que j'ai travaillé auprès des jeunes pendant de nombreuses années et considérant aussi mon expérience de père, je n'approuve pas l'argument impitoyable selon lequel la Loi sur les jeunes contrevenants serait trop généreuse et inciterait les jeunes d'aujourd'hui à commettre de plus en plus d'actes criminels. Je reconnais que la loi a ses faiblesses. Je suis sûr que les modifications proposées dans le projet de loi C-37 permettront de les corriger, de hausser le taux de réadaptation et d'accroître la sécurité publique.

Cependant, même si je suis d'accord pour dire que la Loi sur les jeunes contrevenants doit être améliorée, je trouve essentiel que les changements qu'on y apportera soient fondés sur les observations les plus fiables plutôt que sur les craintes ou la colère du public ou encore sur la perception largement répandue que des punitions plus dures permettraient de maîtriser une bonne partie du phénomène de la criminalité et de la violence juvéniles.

Je crois personnellement que la plupart des comportements criminels sont attribuables à des facteurs sociologiques. C'est pourquoi j'apprécie que la deuxième phase de cette entreprise, l'examen de la Loi sur les jeunes contrevenants par un comité parlementaire, prévoie l'étude de nouveaux genres de mesures législatives pour régler le problème de la criminalité juvénile. Si nous pouvons contrer le problème de la criminalité chez les jeunes en approfondissant notre compréhension des causes profondes de leur comportement et en nous attaquant à ces causes, je pense que nous aurons prouvé que la Loi sur les jeunes contrevenants est un élément efficace du système de justice pénale.

Je considère la réadaptation comme le but ultime de toute mesure législative sur la criminalité juvénile. La loi actuelle présente certaines faiblesses sur ce plan, mais je crois que les changements proposés dans le projet de loi C-37 amorceront le redressement de la situation. Cette mesure législative montre que les besoins des jeunes en matière de réadaptation et la nécessité d'assurer la sécurité publique sont envisagés de concert. Je veux maintenant m'arrêter sur des éléments particuliers du projet de loi C-37. Cette mesure propose deux changements importants à la déclaration de principe de la loi.

(1335)

À mon avis, ces changements permettront aux tribunaux de faire une interprétation beaucoup plus adéquate de la loi. Ces changements reconnaissent deux vérités: premièrement, qu'il est essentiel de prévenir la criminalité pour assurer la protection à long terme de la société; deuxièmement, qu'il existe un lien entre la protection de la société et la réadaptation des contrevenants.

Le projet de loi C-37 propose de porter la peine maximale pour les meurtres au premier et deuxième degrés à 10 et 7 ans respectivement. C'est un changement important. En fait, je serais en faveur de peines encore plus sévères pour de terribles crimes comme ceux-ci.

Le changement qu'il est proposé d'apporter à la loi, à savoir que les jeunes de 16 et 17 ans accusés de certains crimes graves avec violence soient jugés par les tribunaux pour adultes, s'écarte de façon substantielle du système actuel qui veut que tous les jeunes âgés de 14 à 17 ans soient traités de la même façon. Cette modification permettra de mieux tenir compte des circonstances propres à chaque cas et, aux jeunes qui doivent démontrer au juge les raisons pour lesquelles ils devraient être jugés par un tribunal pour adolescents, de mieux mesurer la gravité de l'accusation et les conséquences de leur acte violent.

L'article 16 de la loi précise les critères dont le tribunal pour adolescents doit tenir compte dans ses décisions concernant le renvoi à la juridiction compétente. Je voudrais les citer car ils sont importants. Ces critères incluent: la gravité de l'infraction, l'âge, le caractère et les antécédents de l'adolescent, l'existence de moyens de traitement et, ce qui est très important, tous les autres éléments que le tribunal considère pertinents.

Lorsqu'il prend ces décisions, le tribunal pour adolescents doit prendre en considération la protection du public et la réadaptation de l'adolescent. Si les deux objectifs sont inconciliables, la priorité sera donnée à la protection du public. L'adolescent doit alors être traduit devant le tribunal pour adultes.

Ce changement a fait l'objet de nombreux débats. Certains ont affirmé que ce changement allait finir par être rejeté en vertu de la charte. Je suppose que nous verrons, en temps utile. Il est certain que le fardeau de la preuve est inversé. Nous en sommes conscients.


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Certains ont peut-être du mal à l'admettre, mais je suis d'accord. D'aucuns disent que cela sous-entend que le jeune contrevenant est présumé coupable. Je rejette cet argument. Je ne suis pas d'avis que l'article contienne une présomption de culpabilité.

Dans l'ensemble, je pense que le changement est bon. Il est approprié. N'oublions pas qu'il s'applique seulement à quatre des crimes les plus graves: le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable et l'agression sexuelle grave.

La modification qui autorise les déclarations des victimes devant le tribunal répond au désir des victimes d'être entendues.

Deux autres modifications importantes touchent les dossiers et l'amélioration de la circulation des renseignements à l'intérieur du système de justice pour les jeunes. Le grand public et les jeunes contrevenants bénéficieront d'une amélioration de la collaboration entre les divers professionnels qui travaillent avec les jeunes au sein de la collectivité.

La proposition qui permet à un juge d'imposer une probation conditionnelle, chaque fois que c'est nécessaire pour le bien du mineur ou la protection du public, est une autre modification qui devrait satisfaire ceux qui s'inquiètent de la sécurité publique et ceux qui sont en faveur de la réadaptation des jeunes délinquants. On peut dire la même chose de la modification qui autorisera les tribunaux à demander une évaluation psychologique et médicale des jeunes délinquants chroniques et sérieux.

Étant en faveur des mesures visant à améliorer les chances de réadaptation, je trouve que cette proposition, qui encourage les solutions autres que la garde pour les délits moins graves, est importante. De nombreux spécialistes nous ont dit que la garde en milieu fermé était la solution la plus coûteuse et la moins efficace pour les formes moins violentes de délinquance. Ce changement répond à la recherche qui a montré que les jeunes délinquants non violents ont plus de chances d'être réadaptés dans la collectivité, loin des jeunes délinquants les plus endurcis et les plus violents. Je suis aussi de l'avis de ceux qui pensent que la garde va souvent à l'encontre de la réadaptation.

(1340)

Maintenant que sera permise la considération d'un certain nombre de solutions, le système judiciaire pourra déterminer la façon la plus efficace de traiter chacun des jeunes délinquants. Par ailleurs, cela forcera également le jeune délinquant à assumer une responsabilité active pour ses actes. C'est important car, en fin de compte, la réadaptation améliore la sécurité publique.

Comme je le disais plus tôt, je trouve que les modifications que l'on propose d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants sont appropriées. La plupart révèlent un souci de protection du public tout en prévoyant les conditions nécessaires pour encourager la réadaptation.

La Loi sur les jeunes contrevenants est basée sur le principe que les jeunes doivent être tenus responsables de leurs actes illégaux mais que les jeunes ont des besoins spéciaux pour les aider à grandir et à mûrir. C'est donc un équilibre entre la nécessité de protéger le public et la nécessité d'aider les jeunes qui ont des démélés avec la loi à devenir des adultes productifs et respectueux de la loi. Les modifications proposées maintiennent cet équilibre essentiel.

Outre les modifications dont j'ai parlé, je pense que les conclusions de l'examen d'envergure entrepris par le Comité permanent de la justice et des questions juridiques contribueront à élaborer une stratégie d'ensemble à long terme pour lutter contre le problème général de la criminalité au Canada.

Les mesures législatives ne représentent qu'une partie de la solution. Il est de plus en plus évident que tant que nous n'aurons pas réglé, entre autres, les problèmes de la pauvreté, de l'alcoolisme, de la violence familiale, des mauvais traitements, du racisme et de l'analphabétisme, nos efforts législatifs en vue de réduire la criminalité chez les jeunes continueront à être jugés insuffisants.

Dans son exposé devant le Comité permanent de la justice et des affaires juridiques, le Dr Alan Leschied, directeur adjoint de la clinique du tribunal de la famille de London, a confirmé ce fait en citant les quatre principaux facteurs qui font que les jeunes commettent des crimes. Premièrement, a-t-il dit, cela a quelque chose à voir avec la nature de la famille et la façon dont les familles fonctionnent dans notre société. Deuxièmement, c'est fonction de la nature et de l'influence des amis et des pairs. Troisièmement, cela a quelque chose à voir avec la façon dont nous acquérons certaines attitudes qui justifient des actes anti-sociaux. Quatrièmement, cela peut également avoir beaucoup à voir avec la consommation de substances intoxicantes.

Les recherches prouvent qu'il existe un lien très net entre la prévention criminelle et la qualité des soins prodigués aux enfants. Les jeunes qui se tournent vers les activités criminelles viennent souvent d'un milieu où la pauvreté, la négligence, la toxicomanie, la violence physique et le chômage font partie de la vie courante. Il va sans dire que plus le nombre d'influences positives augmente, plus plus le comportement des jeunes s'améliore.

M. Leschied a déclaré qu'il n'y avait aucun remède au crime, mais il a fait remarquer qu'il existait des solutions capables de réduire la criminalité chez les jeunes.

Par exemple, il est prouvé que les enfants qui entretiennent des relations saines avec des adultes qui veulent leur bien ne développent pas de comportement antisocial. En tant que société, nous devons donc, quand c'est possible, faire en sorte que les jeunes grandissent dans un milieu favorable. Quand c'est impossible, nous devons faire en sorte qu'il y ait en place des réseaux capables de venir en aide aux jeunes et à leurs familles.

L'existence de garderies de qualité et un niveau d'éducation approprié peuvent aussi exercer une grande influence sur le comportement. En plus d'assurer une base solide pour l'avenir, l'école peut aussi jouer un rôle important pour prévenir le crime, entre autres, en renseignant les jeunes sur le système judiciaire, en encourageant le perfectionnement d'aptitudes sociales, y compris le sens des responsabilités, la tolérance et le respect des autres, en enseignant diverses stratégies de résolution de conflits, notamment au moyen de programmes de lutte contre le racisme inscrits dans le programme d'études, et en repérant


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rapidement les jeunes en difficulté et en intervenant auprès d'eux.

(1345)

De plus, il serait peut-être plus approprié que les enfants qui grandissent dans des foyers où dominent la violence, l'abus de stupéfiants ou d'alcool, ou encore les problèmes d'ordre émotif ou mental, soient pris en charge par les services de santé mentale plutôt que par le système judiciaire. Il m'apparaît clairement que, dans la plupart des cas, ce n'est que lorsque tous les services d'aide ne suffisent plus que le système judiciaire doit s'occuper des jeunes qui ont commis une infraction criminelle.

Nous devrions donc centrer nos efforts de manière à améliorer l'efficacité des services d'aide. J'espère que les résultats des travaux de la deuxième phase viendront appuyer cet argument.

Pour ceux qui jugent que les modifications proposées dans le projet de loi C-37 ne vont pas assez loin, je voudrais citer un article paru récemment dans le Chronicle Herald, journal local de Halifax, en Nouvelle-Écosse. L'éditorialiste affirmait: «Il ne faudrait pas mettre sur le même pied d'une part notre désir de voir les adolescents respecter davantage les personnes et les biens, et d'autre part les lacunes de la Loi sur les jeunes contrevenants ou du système de justice pénale. La réforme de la loi n'est pas la solution universelle à l'indiscipline manifeste de nos jeunes. Les enfants se retrouvent devant les tribunaux à cause de graves problèmes sociaux et familiaux.»

Avant de conclure, je dirai qu'on semble mal comprendre l'objet de la Loi sur les jeunes contrevenants et le but des modifications proposées. Dans les quelques minutes qu'il me reste, permettez-moi de rappeler les grands éléments du projet de loi.

Les principales modifications apportées par le texte sont les suivantes. Les jeunes de 16 et 17 ans accusés de certains crimes graves comportant de la violence sont jugés par les tribunaux pour adultes, à moins que le tribunal pour adolescents n'ordonne qu'ils soient renvoyés devant lui. Les peines que le tribunal pour adolescents peut imposer aux adolescents reconnus coupables de meurtre sont plus sévères. La période d'admissibilité à la libération conditionnelle est augmentée pour les adolescents de 16 et 17 ans reconnus coupables de meurtre par un tribunal pour adultes.

Les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs actes à l'égard des victimes et de la société dans le cadre de décisions ne comportant pas de placement sous garde lorsque cela convient. Les dossiers d'adolescents reconnus coupables de certaines infractions graves sont conservés plus longtemps tandis que ceux d'adolescents reconnus coupables d'infractions moins graves le sont pour de plus courtes périodes. Certaines personnes qui ont besoin d'obtenir des renseignements sur les jeunes contrevenants pour des raisons de sécurité y ont maintenant accès.

Il est toujours très délicat d'assurer un équilibre entre ce qui est le mieux pour la société et ce qui est le mieux pour la personne. On n'y arrive pas avec tous les projets de loi. Cette loi évolue, comme toutes celles qui ont trait à la justice criminelle. Elle est réexaminée régulièrement, comme il se doit.

J'estime que ces modifications règlent quelques-uns des problèmes bien réels auxquels la population est aujourd'hui confrontée. Les Canadiens en général demandent des changements, et voici que le gouvernement leur en donne, je crois. Il a réagi de façon raisonnable et a écouté les gens qui s'occupent de nos jeunes.

J'ai assisté à un certain nombre d'audiences du comité. Celui-ci a entendu des spécialistes et il a entendu régulièrement des personnes qui travaillent auprès des jeunes. Ces gens-là comprennent comment fonctionne le système de justice pour la jeunesse et savent comment réhabiliter les jeunes contrevenants. Je crois que ce projet de loi reflète dans une large mesure, quoique pas complètement, ce que les spécialistes ont dit devant le comité.

(1350)

La citation que j'ai lue tout à l'heure rend parfaitement compte de ma position et de celle du gouvernement. Nous ne devrions pas condamner la Loi sur les jeunes contrevenants ou le système de justice pénale chaque fois que des adolescents n'ont pas, pour autrui ou pour le bien d'autrui, tout le respect que nous souhaiterions qu'ils aient. C'est un truisme, je crois. J'y crois fermement. J'appuie entièrement les modifications proposées dans le projet de loi C-37.

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté la dissertation du député de South Shore. J'ai été frappé par ceci: il y a une contradiction entre les dispositions du projet de loi C-37 qui ont trait aux sentences et celles du projet de loi C-41, un autre projet de loi gouvernemental, qui ont trait aux conseils autochtones de détermination de la peine.

L'idée maîtresse de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est l'anonymat du jeune contrevenant. Lorsqu'un jeune commet une erreur, ou sans commettre d'erreur, agit délibérément, et que son geste constitue une infraction grave contre une personne, nous devons, semble-t-il, prendre des mesures pour que ce jeune contrevenant ne soit pas tenté de récidiver en le remettant sur la bonne voie.

C'est magnifique. C'est une bonne idée. Personne ne peut s'opposer à cela. Le problème, c'est que l'on impose l'anonymat presque complet. On ne peut pas informer les voisins de ce jeune contrevenant de l'infraction. On ne peut pas non plus en informer les journaux.

Parallèlement, le principe des conseils autochtones de détermination de la peine repose sur les pressions positives exercées par les pairs. Ainsi, le jeune contrevenant serait remis dans sa collectivité pour que la sentence lui soit imposée par les anciens. Le contrevenant devrait affronter les membres de la collectivité à qui il a porté préjudice ou à qui il a fait honte.

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Ici, tout le principe de la motivation des actions humaines entre en jeu. S'agit-il d'une question de reconnaissance et de réputation ou de honte et de disgrâce? Le projet de loi C-37 impose l'anonymat complet. L'autre repose sur les pressions exercées par les pairs, tout le contraire de l'anonymat. Je me demande si le député de South Shore peut dire quelques mots sur cette contradiction et expliquer à la Chambre et aux Canadiens pourquoi les conseils de détermination de la peine, qui reposent sur les pressions exercées par les pairs, pourraient fonctionner dans les collectivités autochtones tandis que, ailleurs, il faudrait imposer un strict anonymat?

M. Wells: Monsieur le Président, je ne veux pas parler du projet de loi C-41. Mes remarques porteront sur les dispositions du projet de loi C-37.

Ce que j'ai dit plus tôt tient toujours. Nous devons trouver un équilibre. Il est question ici de jeunes contrevenants, de personnes d'âge tendre, si je peux utiliser cette vieille expression. Je vois un certain avantage lorsqu'il s'agit des quatre infractions les plus graves qui sont maintenant traitées différemment pour les jeunes de seize et dix-sept ans.

Je serais prêt à examiner la possibilité de publier les noms des jeunes de cet âge qui commettent ces genres d'infractions même si le tribunal pour adolescents a décidé qu'ils devaient être jugés par lui. Le député a également parlé de la pression du groupe. Ce serait peut-être une idée à examiner. Il y a certains avantages à ce que les directeurs d'école et d'autres personnes sachent qui sont ces jeunes contrevenants. Je crois que c'est le point que vous essayez de faire ressortir.

Je ne veux pas dire que certains des points que vous soulevez ne sont pas valables. Tout ce que je veux dire, c'est que certaines des failles que renfermait la Loi sur les jeunes contrevenants ont été corrigées dans ce projet de loi.

Comme vous le savez, il y aura une deuxième étape. Nous allons procéder à une autre révision de la loi. Je crois que vos suggestions méritent d'être examinées. Je n'hésiterais pas à discuter du pour et du contre de toutes ces suggestions, mais je sais qu'il est peu probable que nous obtenions tout ce que vous voulez et tout ce que je veux. . .

(1355)

Le président suppléant (M. Kilger): À l'ordre. J'hésite à interrompre le député de South Shore, mais nous ne devons pas oublier qu'il faut éviter les dialogues entre deux députés puisque nous participons tous au débat. Toutes les interventions doivent être faites par l'intermédiaire de la présidence.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, il y a deux observations que je voudrais faire à propos de ce que le député a dit. J'aimerais qu'il me dise ce qu'il en pense.

Le gouvernement semble être très heureux de l'idée que les jeunes de 16 et 17 ans seront mis en accusation devant un tribunal pour adultes. Il a cependant ajouté une petite disposition supplémentaire précisant que cela se fera à moins que l'accusé ne puisse prouver qu'il serait plus avantageux pour lui d'être jugé devant un tribunal pour adolescents.

À mon avis, cela veut dire que tous les adolescents qui sont mis en accusation en tant qu'adultes feront appel et voudront être mis en accusation en tant qu'adolescents. Je ne les blâmerais pas de vouloir le faire. Cela veut dire plus de temps d'audience devant les tribunaux et plus de juteux petits contrats pour les avocats qui pourront se remplir un peu plus les poches, sans que cela ne change quoi que ce soit. À l'heure actuelle, nous mettons les jeunes en accusation et, s'ils estiment qu'ils devraient être entendus par un tribunal pour adultes, il existe un processus judiciaire pour y veiller. Je ne vois pas en quoi cette disposition change quoi que ce soit. Dans le cas d'un accusé de 16 ou 17 ans, ou bien il est traduit devant un tribunal pour adultes ou bien il ne l'est pas. Je ne peux pas croire que le gouvernement puisse proposer ce genre de disposition insipide.

Je me demande vraiment pourquoi tant de fonctionnaires du ministère de la Justice se soucient constamment de l'aspect social des problèmes. C'est plutôt un ministère des affaires sociales que nous avons là. Croyez-moi, monsieur le Président, je tiens à ce que nous ayons de bons programmes de prévention et de réhabilitation. Je tiens à voir tous les bienfaits que souhaitent ces fonctionnaires, mais le ministère de la justice ne veut pas s'occuper de l'élément appelé justice. Il veut constamment parler des familles à faible revenu, des pauvres enfants maltraités, des victimes de la société, mais sans se préoccuper de la justice. Les victimes d'actes criminels au Canada attendent pourtant impatiemment de voir ce que nous allons faire pour assurer la justice. Je n'ai encore rien vu à cet égard.

Le Président: Avant de donner la parole au député de South Shore, je trouve qu'il est maintenant si près de 14 heures que nous pourrions passer aux déclarations de députés. Le député de South Shore pourrait peut-être réfléchir à sa réponse, car je lui donnerai la parole dès la fin de la période des questions.

Comme il est maintenant 14 heures, conformément au paragraphe 30(5) du Règlement, la Chambre passe maintenant aux déclarations de députés prévues à l'article 31 du Règlement.

_____________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

STEPHANIE RICKARD

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole à la Chambre aujourd'hui pour féliciter une jeune fille de ma circonscription, Stephanie Rickard, de Bracebridge. Elle est au nombre des 25 jeunes Ontariens choisis pour participer au programme de Jeunesse Canada Monde en 1995-1996.

Jeunesse Canada Monde est un organisme canadien sans but lucratif qui organise des échanges de jeunes entre le Canada et des pays en développement d'Asie, d'Afrique, d'Amérique lati-


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ne et des Antilles. Depuis la création de l'organisme, en 1971, plus de 42 pays ont ainsi eu des échanges avec le Canada, échanges dont ont pu profiter plus de 15 000 jeunes de chez nous et de l'étranger.

Le programme auquel participera Stephanie s'étalera sur sept mois, et les échanges se feront avec l'Égypte. Pour la première partie du programme, Stephanie se rendra en Nouvelle-Écosse, où elle séjournera avec 20 autres Canadiens et 21 jeunes Égyptiens. Pour la deuxième partie, le groupe ira en Égypte, où il sera accueilli dans des familles égyptiennes.

Mes meilleurs voeux accompagnent Stephanie et les autres jeunes qui participent au programme de Jeunesse Canada Monde, au moment où ils se lancent dans une expérience dont ils se rappelleront toute leur vie.

* * *

[Français]

LE COLLÈGE MILITAIRE ROYAL DE SAINT-JEAN

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, après avoir commis une injustice flagrante à l'égard du Québec en fermant le Collège de Saint-Jean, le seul collège militaire francophone, voilà que le ministre des Affaires intergouvernementales récidive en commettant une nouvelle injustice.

Comment le ministre peut-il se targuer de faire une fleur à Saint-Jean lorsqu'il verse une compensation identique à celle accordée au collège Royal Roads de Victoria, soit 25 millions de dollars sur cinq ans, alors que le Collège de Saint-Jean accueillait deux fois plus d'étudiants avec un budget de fonctionnement de même qu'un parc immobilier deux fois plus important.

Alors que le ministre se gargarise de quelques emplois sauvés, il oublie du même coup les 175 qu'il a éliminés dans le dernier budget. C'est le cas de le dire, on a sauvé les meubles dans le cas de Saint-Jean.

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

Mme Margaret Bridgman (Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le Président, selon certaines sources, le Cabinet libéral serait prêt à réformer les pensions des députés.

Bien que les modifications envisagées n'aillent pas aussi loin que le souhaiteraient les réformistes, elles constituent néanmoins un petit pas dans la bonne direction. Les députés de cette Chambre doivent songer à la colère que cette question suscite chez les Canadiens.

Dans une de ses chroniques, Barbara Yaffe, la chroniqueuse du Vancouver Sun, a invité ses lecteurs à s'exprimer sur ce sujet. En 10 jours, elle a reçu 12 000 lettres de lecteurs qui ont dit en avoir assez des politiciens qui haussent les impôts des simples citoyens et qui réduisent les services tout en gardant intacts leurs avantages et leurs pensions.

En cette période de restrictions financières et de compressions budgétaires, les Canadiens s'attendent, à juste titre d'ailleurs, à ce que leurs élus donnent l'exemple sur le plan budgétaire et qu'ils se serrent la ceinture eux aussi.

J'invite tous les députés, indépendamment de leur allégeance politique, à accepter et à apporter les changements nécessaires pour rendre les régimes de retraite des députés comparables à ceux des autres Canadiens.

* * *

[Français]

LES CONTRATS DE SOUS-TRAITANCE

M. Eugène Bellemare (Carleton-Gloucester, Lib.): Monsieur le Président, le Comité des opérations gouvernementales dont je suis vice-président étudie la sous-traitance depuis plus de six mois.

[Traduction]

À cause du préjugé favorable que le gouvernement précédent avait à l'égard de la sous-traitance sur une vaste échelle dans la fonction publique, il n'y a que peu de données sur l'ampleur ou la qualité de la fonction publique fantôme. Le comité continue de déplorer le manque de données et de détails sur les coûts.

Au titre des services de sous-traitance pour 1993, les coûts de 5,2 milliards de dollars ne sont qu'une estimation et pourraient fort bien être deux fois plus élevés. Je crois que le gouvernement devrait restreindre cette façon de procéder, de sorte que des fonctionnaires ne perdent pas leurs emplois pendant que la fonction publique fantôme continue de croître et de prospérer démesurément.

* * *

LES PROCÈS

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter le quotidien le Standard, de St. Catharines, dans ma circonscription, de son éditorial dans lequel il pressait les médias d'examiner le problème moral lié à l'utilisation de preuves visuelles au procès de Paul Bernardo.

L'éditorial dit ceci:

Le public a-t-il le droit de connaître tous les détails des preuves présentées durant le procès? En principe, au nom de la liberté de la presse, la réponse doit être oui. Mais le public doit-il connaître tous les détails les plus horribles? La réponse est sûrement non, à condition qu'il ait l'assurance que pareilles preuves ont été vues et soupesées par le juge et le jury de 12 personnes qui nous représenteront tous en rendant leur décision.
Les médias ont certes l'obligation d'informer le public, mais ils ont aussi le devoir de respecter la dignité des victimes et celle de la famille, des amis et des voisins de ces dernières.
Les Canadiens doivent s'assurer que la couverture des médias soit faite d'une manière respectueuse et appropriée, bref, d'une manière digne des Canadiens.

* * *

LA PETITE ENTREPRISE

M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter la ville de North York de la démarche dynamique qu'elle a adoptée dans l'établissement du North York Small Business Centre.

Les Canadiens savent que le secteur de la petite entreprise compte maintenant plus de la moitié des emplois du secteur privé. Ils savent, à l'instar du gouvernement, que la petite entreprise a un effet marqué sur l'économie canadienne. Nous pou-


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vons compter sur la petite entreprise pour la croissance économique et la création d'emplois.

Le gouvernement a promis de s'atteler à la tâche de créer des emplois et de relancer l'économie. Dans son plan, le ministre de l'Industrie invite tous les Canadiens et toutes leurs institutions, qu'il s'agisse d'entreprises, de syndicats, d'associations professionnelles, de groupes d'intérêts et de paliers de gouvernement, à participer à des projets ayant pour effet de stimuler la croissance et la création d'emplois dans le secteur privé.

Au North York Small Business Centre, on se rend compte de l'importance de la croissance des nouvelles entreprises, du fait que celles-ci ont besoin d'aide pour commercialiser leurs produits, voire d'encouragements.

Je tiens à rendre hommage à M. Lincoln Allen, le directeur exécutif, et à tout le personnel du centre, et à leur souhaiter beaucoup de succès à tous.

* * *

[Français]

LE DROIT D'AUTEUR

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, cherchant à redorer son image à la veille des Fêtes, le ministre du Patrimone a annoncé en grande pompe, le 22 décembre dernier, l'intention du gouvernement de procéder le printemps prochain à la révision de la Loi sur le droit d'auteur.

Or, la semaine dernière, les 50 groupes réunis au sommet culturel organisé par la Conférence canadienne des Arts ont rejeté le projet du gouvernement de procéder par étapes dans ce dossier en réclamant une réforme immédiate.

L'annonce faite par le ministre ne met aucunement fin à la désuétude de la Loi sur le droit d'auteur. Il est temps que le gouvernement précise ses intentions à l'égard du contenu de ce projet de loi.

(1405)

En refusant d'entreprendre une révision globale de cette loi, il est clair que le ministre du Patrimoine s'est désisté de la partie de bras de fer qu'il devait livrer à son collègue de l'Industrie. On voit bien qui parraine véritablement cette loi.

* * *

[Traduction]

M. PATRICK KELLY

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour demander au ministre de la Justice de s'engager à intervenir dans le dossier de Patrick Kelly, ancien agent de la GRC.

Comme je l'ai déclaré l'année dernière, M. Kelly a été reconnu coupable du meurtre de sa femme il y a onze ans. Le principal témoin à charge dans cette affaire, Dawn Taber, a admis, en 1993, qu'elle n'avait pas été témoin du meurtre, contrairement à ce qu'elle avait affirmé près de dix ans auparavant. Mme Taber a déclaré, mercredi dernier, que personne ne pouvait imaginer ce qu'elle avait ressenti en réalisant que sa déclaration avait fait emprisonner un homme.

Je sais que le ministre de la Justice a beaucoup de pain sur la planche: les modifications au Code criminel, les électeurs en rébellion contre l'enregistrement des armes à feu et les nombreuses autres inquiétudes des électeurs. Cependant, lorsqu'il quittera son bureau à la fin de la journée, une femme attendra impatiemment chez elle qu'on lui donne la possibilité de se libérer la conscience et un homme attendra impatiemment en prison qu'on lui accorde un nouveau procès. Je demande donc au ministre d'intervenir avant qu'une autre journée ne se termine et de donner à M. Kelly l'occasion de défendre adéquatement sa cause devant un tribunal.

* * *

LES INSTITUTS FÉMININS

Mme Marlene Cowling (Dauphin-Swan River, Lib.): Monsieur le Président, hier, le 19 février, marquait une date fort importante pour les femmes du milieu rural au Canada et de partout dans le monde. Il y a 98 ans, le 19 février, Mme Adelaide Hoodless, M. et Mme Erland Lee et 101 autres membres ont fondé le premier institut féminin en Ontario.

Il existe maintenant des instituts féminins dans tous les coins du globe. Grâce à eux, neuf millions de femmes des régions rurales de 70 pays ont la chance de participer à des services communautaires et à des activités de croissance personnelle et de promotion de l'égalité.

En ma qualité d'ancienne présidente nationale du secteur agricole de la Fédération des instituts féminins du Canada, je connais très bien le travail important qu'accomplissent les instituts féminins. C'est donc avec grand plaisir que je rends hommage à l'esprit visionnaire de la fondatrice, Mme Adelaide Hoodless, et aux innombrables femmes qui, au cours des ans, ont travaillé sans relâche, dans le cadre des instituts féminins, à leur propre progrès et au progrès de leurs familles, de leurs collectivités, de leurs pays et du monde entier.

* * *

LES CLUBS KIN DU CANADA

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage aux clubs Kin du Canada à l'occasion de leur 75e anniversaire.

On ne saurait chiffrer les nombreuses contributions directes et indirectes que les Kinsmen et les Kinettes ont apportées à leurs collectivités, aux provinces et au Canada tout entier, depuis 1920. Néanmoins, nous savons que, au cours des dix dernières années, les membres des clubs Kin ont réuni plus de 220 millions de dollars, pour les services communautaires, en consacrant des heures et des heures à des projets de collecte de fonds et autres services. Plus de 600 collectivités du pays ont ainsi bénéficié des initiatives des Kinsmen et des Kinettes.

De plus, ils affichent un impressionnant bilan sur le chapitre de la réalisation de projets de développement international dans le tiers monde, puisque les Kins se sont en effet engagés à venir en aide aux plus démunis, y compris au niveau international.


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Le 75e anniversaire des clubs Kin est l'occasion rêvée de remercier ces hommes et ces femmes pour tout le bien qu'ils ont accompli.

* * *

LA CHAMBRE IMMOBILIÈRE DE LONDON-ST. THOMAS

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, la Chambre immobilière de London-St. Thomas a pris une initiative qui mérite d'être signalée et encouragée.

Chacun des 1 450 courtiers en immeubles versera chaque année un montant de 5 $ jusqu'en l'an 2000. Cet argent sera déposé dans un fonds en fiducie spécial pour accumuler et faire courir les intérêts. L'argent ainsi investi, dont le montant devrait être supérieur à 50 000 $, sera ensuite remis au gouvernement fédéral pour alléger la dette nationale.

D'après Mme Debbie Collins, la présidente de cette chambre, c'est la première fois qu'un organisme du secteur privé pose un tel geste. Elle met ses confrères et consoeurs du pays au défi d'en faire autant. Ces gens veulent vraiment faire quelque chose pour réduire le déficit et la dette du Canada, car c'est pour eux un problème très urgent.

Les particuliers et les organismes commencent à prendre la chose au sérieux et, en collaboration avec le gouvernement, ils élaborent des stratégies de nature à améliorer notre situation financière.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE LAITIÈRE

M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, par la voix de leur association réunie en conférence de presse ce matin, les 26 000 producteurs laitiers du Canada ont fait savoir très clairement qu'ils n'accepteraient aucune concession de la part du gouvernement fédéral, dans le cadre du présent litige commercial qui oppose le Canada et les États-Unis sur les produits agricoles. Leur position juridique est solide et respectueuse des nouveaux accords du GATT, ainsi que des obligations du Canada à l'égard de l'ALENA.

L'opposition officielle est solidaire des producteurs agricoles du Canada et du Québec et demande au gouvernement de cesser immédiatement toute discussion avec le gouvernement américain sur cette question.

(1410)

Le Canada n'a rien à négocier et doit immédiatement porter ce litige devant un panel du GATT ou de l'ALENA qui donnera manifestement raison au Canada. S'il ne le fait pas, ce gouvernement devra tôt ou tard expliquer pourquoi il s'évertue à marchander les intérêts des agriculteurs du Québec et du Canada.

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais montrer à quel point notre système de justice est inefficace, puisqu'il a permis au délinquant dont il est ici question d'obtenir une libération conditionnelle et trois mises en liberté d'office. L'histoire commence en 1963:

Six condamnations pour vol, une pour introduction par effraction, une pour possession d'armes, une pour tentative de cambriolage, une pour évasion, deux pour vol d'auto, une pour possession d'arme dangereuse, une pour agression et une pour vol, puis une autre pour évasion, une pour vol d'auto, une pour possession d'arme dangereuse; violation des conditions de la liberté conditionnelle; une condamnation pour contribution à la délinquance juvénile, une pour vol, une pour évasion, une pour introduction par effraction, une pour vol de plus de 200 $; mise en liberté d'office et violation des conditions de la mise en liberté d'office; une condamnation pour voies de fait simples; mise en liberté d'office et violation des conditions de la mise en liberté d'office; une condamnation pour voies de fait, une pour vol de moins de 200 $, une pour attentat aux moeurs et une pour défaut de comparution, une pour séquestration, deux pour sodomie; mise en liberté d'office et violation des conditions de la mise en liberté d'office.

Cette liste de crimes se termine par deux condamnations pour agression sexuelle.

Je me demande si la Commission des libérations conditionnelles peut envisager d'ordonner encore une fois une mise en liberté d'office de ce repris de justice. M. Gibbs a promis de mettre de l'ordre dans les affaires de la Commission des libérations conditionnelles.

Les députés de ce côté-ci de la Chambre l'observent et lui souhaitent bonne chance!

* * *

LA FÊTE DU PATRIMOINE

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, à l'occasion de la Fête du patrimoine, nous célébrons notre culture, nos valeurs et nos institutions uniques, ainsi que notre identité commune.

Que nous soyons nés au Canada ou venus de l'étranger, que nous soyons arrivés plus tôt ou plus tard, c'est ensemble que nous avons bâti ce magnifique pays.

De temps à autre, les forces tentaculaires de la désunion ont menacé les valeurs de la cohésion nationale. Aujourd'hui, les Canadiens sont fiers d'habiter dans un pays où la qualité de vie est la meilleure au monde. C'est que nous favorisons l'accommodement et non l'assimilation. Nous sommes idéalistes et non farouchement individualistes.

Nous poursuivons les plaisirs pour enrichir notre vie, et non pour acquérir simplement des richesses matérielles. Nous travaillons au maintien de la paix, de l'ordre et d'un bon gouvernement. Nous rejetons la violence.

Aujourd'hui, exploitons la force de notre nation exceptionnelle. Préservons une seule géographie et une seule âme, et réalisons un seul rêve national pour le bien des jeunes d'aujourd'hui et de ceux de demain.

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LA CROATIE

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, l'association interparlementaire Canada-Croatie et Bosnie-Herzégovine est heureuse d'être l'hôte d'une délégation parlementaire de la République de Croatie.

Les membres de la délégation comprennent M. Zarko Domljan, vice-président de la Chambre des représentants de la Croatie, M. Franjo Greguric, ancien premier ministre et membre de la Chambre des représentants, ainsi que M. Ivica Racan, chef du Parti social-démocrate et membre de la Chambre des représentants.

Depuis quelques années, les Canadiens apprennent beaucoup sur la Croatie. Le printemps dernier, trois de nos collègues à la Chambre se sont rendus en Croatie pour évaluer les progrès réalisés dans ce pays sur les plans économique, administratif et politique.

Nous sommes heureux que MM. Domljan, Greguric et Racan puissent être parmi nous cette semaine. C'est grâce à ces échanges que les législateurs peuvent mieux se renseigner et partager les réflexions et les idées qui guideront nos démocraties dans la réalisation des objectifs mondiaux communs de paix, de sécurité et de prospérité.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, le moment est peut-être venu de présenter nos trois collègues parlementaires de Croatie qui sont parmi nous aujourd'hui à la tribune.

* * *

LA FISCALITÉ

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement libéral essaie, par toutes sortes de belles paroles, de nous faire croire que les augmentations d'impôts vont rendre le régime fiscal plus équitable ou que chacun va payer sa juste part. Les Canadiens dénoncent cette tactique. L'exonération cumulative des gains en capital de 100 000 $, dont il a été question dans le budget de l'an dernier, en est un exemple classique.

Le ministère des Finances et Revenu Canada désavantagent actuellement des milliers, voire des centaines de milliers de personnes âgées qui comptent sur la sécurité de la vieillesse et sur les suppléments de revenu garanti.

Revenu Canada a structuré la déclaration de revenus de manière à désavantager les pensionnés les moins fortunés. On empêche les Canadiens à faible revenu de transmettre des biens à leurs héritiers et à leurs successeurs comme peuvent le faire les pensionnés qui ont un revenu moyen ou plus élevé.

Le gouvernement libéral a beau dire que chacun va payer sa juste part, mais encore une fois, il ne fait que créer des injustices flagrantes dans le régime fiscal.

_____________________________________________


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QUESTIONS ORALES

(1415)

[Français]

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le porte-parole du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, Me Michel Robert, celui-là même qui avait nié l'existence d'un dossier secret portant le nom de Preston Manning, a affirmé que Grant Bristow n'avait rien commis de répréhensible. Or, un récent vidéo contredit Me Robert et nous permet de constater que M. Bristow a commis des actes illégaux et inacceptables dans une société démocratique comme la nôtre.

Ma question s'adresse au solliciteur général. Le solliciteur général admettra-t-il enfin que M. Bristow a eu un comportement répréhensible et illégal, alors qu'il était informateur du SCRS, en se livrant à une campagne d'incitation à la violence, notamment à l'égard du Congrès juif canadien?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le CSARS a fait une enquête approfondie de toutes ces questions, il a livré un rapport complet qui a été déposé devant cette Chambre, et je pense que l'honorable député doit attirer l'attention du CSARS s'il a encore des soucis à ce sujet.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, il y a un vidéo qui a été porté à l'attention de bien des gens qui démontre que M. Bristow faisait, à ce moment-là, des discours incitant à la violence et à la commission d'actes illégaux.

Comment le solliciteur général veut-il que l'on ait confiance dans le Comité de surveillance des activités du SCRS, alors que c'est la deuxième fois que ce Comité est contredit? Après avoir nié l'existence d'un dossier Preston Manning, on apprend maintenant que M. Bristow a commis des actes-cela a été vu sur vidéo-tout à fait répréhensibles, alors qu'il était informateur du SCRS et qu'on nous avait assurés du contraire?

[Traduction]

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député se trompe. Le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité n'a pas dit qu'il y avait un dossier sur Preston Manning, mais qu'un dossier avait été intitulé par erreur Preston Manning alors qu'il portait seulement sur une enquête concernant d'éventuelles contributions d'un gouvernement étranger à une caisse électorale.

Nous avons passé au peigne fin les activités de la source en question. Par la suite, le Comité de surveillance des activités du


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renseignement de sécurité s'est interrogé sur la nature des activités en question et a demandé au SCRS de revoir la manière dont il contrôle ses sources, ce qui a été fait. Je pense que le SCRS s'est conduit de façon tout à fait satisfaisante dans cette affaire.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, vous admettrez que le solliciteur général se satisfait de peu.

Est-ce que le solliciteur général reconnaîtra que la seule façon d'aller au fond des choses relativement aux allégations concernant M. Bristow, agent du SCRS, au sein du groupe raciste Heritage Front, est de mettre sur pied une véritable commission d'enquête publique pour savoir ce qui se passe là-dedans, étant donné que manifestement, le Comité de surveillance est très mal informé et a de très mauvaises méthodes d'enquête?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le CSARS est comme une commission royale d'enquête permanente avec mandat de superviser de façon constante les activités du SCRS, et il fait ce travail. Cependant, je me demande pourquoi le leader de l'opposition officielle à la Chambre accorde une telle crédibilité au Heritage Front? Pourquoi parle-t-il ainsi?

* * *

LE RÉGIME DE PENSIONS DES DÉPUTÉS

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Les intentions du gouvernement commencent à se préciser relativement au régime de pensions des députés. En principe, le gouvernement doit déposer un projet de loi à ce sujet cette semaine.

Le solliciteur général peut-il nous assurer qu'il ne s'agira pas d'une demi-réforme qui aura pour effet d'instaurer un double standard pour les anciens et les nouveaux députés?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement tiendra ses promesses basées sur le livre rouge.

(1420)

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski-Témiscouata, BQ): Monsieur le Président, le solliciteur général et leader du gouvernement à la Chambre peut-il nous donner l'assurance, tout en respectant les droits acquis des députés, que, à compter de la date de l'application du nouveau régime, tous les députés, anciens et nouveaux, cotiseront de la même façon et accumuleront les mêmes avantages?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, une fois que le projet de loi sera déposé, l'honorable députée aura sa réponse.

[Traduction]

LE DÉFICIT

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, vendredi dernier, le ministre des Finances a dit que son objectif de 3 p. 100 du PIB n'est que provisoire et que son objectif ultime est l'élimination du déficit. Un objectif sans détails précis ne vaut absolument rien. Ce ne sont que des discours politiques et des châteaux en Espagne.

Ma question s'adresse au secrétaire d'État (Institutions financières internationales). Dans son prochain budget, le gouvernement précisera-t-il clairement comment et quand il atteindra son objectif ultime?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de confirmer au député que nous présenterons effectivement un budget qui montrera clairement que nous atteindrons notre objectif provisoire, qui consiste à ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB, et notre objectif ultime, qui est d'éliminer le déficit.

M. Williams: Quand?

M. Peters: Nous ne savons pas exactement quand. Nous établissons des objectifs pour deux ans afin de pouvoir les atteindre. Il ne servirait à rien de faire comme nos prédécesseurs, qui promettaient d'éliminer le déficit en tant d'années alors qu'ils n'avaient aucunement l'intention de le faire.

Nous allons atteindre nos objectifs qui seront fixés pour des périodes de deux ans, comme le ministre des Finances l'a dit.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, nous savons tous que Moody's menace d'abaisser la cote de crédit du Canada. Ce qui inquiète surtout Moody's, ce n'est pas le déficit de cette année ou de l'an prochain, mais bien des facteurs à moyen terme. On sait très bien que l'objectif de 3 p. 100 laissera la porte ouverte au gouvernement. Le ralentissement inévitable de l'économie américaine entraînera une hausse du ratio de la dette en pourcentage du PIB. Le ministre le sait fort bien.

Encore une fois, le ministre dira-t-il à la Chambre s'il sait comment le gouvernement s'y prendra pour atteindre son objectif ultime et pour assurer aux investisseurs que le ratio de la dette en pourcentage du PIB ne se remettra pas à grimper en flèche lorsque l'économie américaine subira un ralentissement?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, le député a une certaine formation et des connaissances en économie. Il devrait examiner la structure du déficit.

Des voix: Oh, oh!

M. Peters: Mes collègues semblent ne pas être de mon avis. Le député devrait regarder la structure du déficit. Nous y avons apporté des modifications majeures.


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Notre déficit structurel est beaucoup plus bas qu'ils ne l'a jamais été grâce aux changements que nous avons faits dans le dernier budget et à ceux que nous ferons dans le prochain budget et qui nous permettront d'atteindre notre objectif à court terme en matière de réduction du déficit.

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, le ministre, qui a des connaissances en économie, saura qu'un objectif de 3 p. 100 du PIB au début d'un cycle est un déficit structurel très élevé.

Encore une fois, vendredi dernier, le ministre des Finances a rejeté le blâme sur le gouvernement conservateur précédent, disant que ce dernier a laissé une énorme dette accumulée. La Chambre se souviendra que le gouvernement conservateur précédent rejetait également le blâme sur les libéraux pour l'importante dette accumulée.

Quand le gouvernement cessera-t-il de nous servir ce genre d'excuses, quand cessera-t-il de dire qu'il vient de découvrir l'intérêt composé et quand se décidera-t-il enfin à abandonner ces politiques inefficaces qui ont poussé des millions de Canadiens à rejeter les conservateurs?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, les millions de Canadiens qui ont rejeté les conservateurs ont donné au député la chance de se faire élire au Parlement.

Permettez-moi de dire au député que les changements que nous avons faits dans le dernier budget sur le plan des réductions de dépenses étaient les plus importants jamais vus depuis une décennie. Nous allons continuer nos efforts en vue de réduire le déficit.

* * *

(1425)

[Français]

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Selon le Ottawa Sun, trois généraux seraient intervenus directement auprès de la police militaire en pleine enquête sur les incidents survenus en Somalie impliquant des soldats et des officiers du Régiment aéroporté de Petawawa.

Le ministre de la Défense confirme-t-il que trois généraux sont intervenus directement auprès de la police militaire pendant son enquête pour protester contre la façon dont la police militaire a fait son travail dans le cas du lieutenant-colonel Carol Mathieu en dénonçant le zèle des enquêteurs?

[Traduction]

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député doit savoir qu'il serait inapproprié de ma part de faire quelque commentaire que ce soit sur toute question se rapportant à l'enquête entourant le déploiement du Régiment aéroporté canadien en Somalie en 1992 et 1993.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, cela fait quelques fois que le ministre nous répond. Je pense que cette chose est en relation justement avec les questions que je lui pose, et j'aimerais qu'il me réponde.

Le ministre reconnaît-il que cette intervention tout à fait inappropriée de trois généraux en faveur du lieutenant-colonel Mathieu jette un discrédit et un doute très sérieux sur l'enquête de la police militaire au terme de laquelle la cour martiale a acquitté le lieutenant-colonel Mathieu?

[Traduction]

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu plusieurs fois à cette question.

Une enquête sera ouverte. Elle sera placée sous la direction d'un civil et sera publique. Elle fournira la réponse à toutes les questions concernant le déploiement en Somalie. Le député devrait attendre la tenue de cette enquête.

* * *

LA FISCALITÉ

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens ont dit très clairement qu'ils ne veulent pas d'augmentation d'impôts.

Ce midi, des représentants de l'association des contribuables canadiens se sont rendus au Parlement pour présenter 230 000 pétitions contre les hausses d'impôts. Notre parti a reçu plus de 15 sacs de courrier d'électeurs qui pressent le ministre des Finances de ne pas augmenter les impôts.

Ma question s'adresse au ministre du Revenu national. Transmettra-t-il le message au ministre des Finances? Plus important encore, votera-t-il contre toute augmentation nette d'impôts que pourrait présenter le prochain budget?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je puis assurer au député que, comme d'autres ministériels, le ministre des Finances est à l'écoute de la population sur beaucoup de questions qui touchent les impôts. Nous écoutons attentivement, mais je peux dire au député que cela ne nous dissuadera pas de mettre en oeuvre notre plan de réduction du déficit annoncé dans le budget de l'an dernier, comme le secrétaire d'État aux Institutions financières internationales le disait il y a un instant.

Quel que soit le tollé de protestations que cela soulèvera, nous atteindrons ces objectifs.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, je m'attendais tout à fait à cette réponse. Il y a environ dix jours, on pouvait lire dans le journal que le ministre avait affirmé que les manifestations contre les hausses d'impôts ne faisaient aucune différence pour lui ou pour son gouvernement.

Le ministre peut-il venir me rencontrer dans le salon, après la période des questions, où je me ferai un plaisir de lui remettre ces


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15 sacs pleins du courrier que nous a adressé la population? Peut-il venir me rencontrer dans le salon?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, le député parlait d'une déclaration que j'ai faite à Vancouver. Pour corriger les faits à l'intention de tous, je tiens à vous lire ce passage de l'article, parce que j'ai l'impression que le député ne me comprend pas. Voici ce que j'ai dit: «Bien sûr que nous allons écouter la population et bien sûr que j'ai assisté à beaucoup de discussions sur des questions fiscales avec des groupes de Canadiens, mais ce ne sont pas quelques manifestations qui pourront modifier le budget de M. Martin. Le ministre a des objectifs à respecter.»

Il faut arrêter de branler dans le manche. Le député peut demander qu'on réduise les dépenses et qu'on respecte nos objectifs de réduction du déficit, ou réclamer le contraire. Il ne peut pas continuer à affirmer que nous devons céder devant chaque manifestation à l'appui d'une thèse ou de l'autre.

Le Président: Nos expressions deviennent de plus en plus colorées.

* * *

[Français]

LA TAXE D'ACCISE SUR LES CIGARETTES

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

Le gouvernement fédéral, en décrétant une baisse des taxes sur les cigarettes l'an passé, voulait mettre fin à la contrebande. D'ailleurs, le solliciteur général avait promis à l'époque de mettre sur pied un plan complet de lutte à la contrebande.

(1430)

Puisque le gouvernement a décidé de hausser la taxe sur les cigarettes, doit-on comprendre que le plan de lutte à la contrebande du solliciteur général a permis dans les faits de démanteler l'ensemble des réseaux de contrebande.

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit il y a un an que cela prendrait du temps pour démanteler les réseaux de contrebande. Nous avons eu beaucoup de succès jusqu'à maintenant et c'est la raison pour laquelle il a été possible de hausser les taxes sur le tabac de façon appropriée.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je voudrais bien croire le ministre, mais je voudrais lui rappeler une chose également, c'est qu'il n'a jamais fait rapport à cette Chambre de façon concrète des résultats de la lutte à la contrebande.

Comment le solliciteur général peut-il nous donner l'assurance que la hausse de taxes ne contribuera pas à restaurer les réseaux de contrebande de cigarettes?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous agissons suivant les conseils de la GRC et d'autres forces policières. Selon ces conseils, il a été possible de hausser les taxes, tel que proposé la semaine dernière lors du dépôt d'une motion de voies et moyens, afin d'augmenter les revenus du gouvernement sans nuire au succès de notre plan pour lutter fermement contre toutes sortes de contrebande.

* * *

[Traduction]

LES PENSIONS DES DÉPUTÉS

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, c'est incroyable comme les points de vue d'un parti changent vite lorsqu'il forme le gouvernement.

Dans l'opposition, le rat pack-la meute de rats-n'arrêtait pas de hurler contre les nominations politiques du gouvernement Mulroney. Aujourd'hui, la meute de rats est devenue la meute de gras. Ils se sont battus contre toute modification de leur régime de pension doré et ils semblent avoir gagné. Le gouvernement libéral a annulé son projet de réformer le régime de pension de ces anciens protestataires et de tous les députés ayant plus de 10 ans de service.

Ma question au président du Conseil du Trésor est celle-ci: Pourquoi ne présenterait-il pas une réforme qui s'appliquerait uniformément à tout le monde?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement ne fait marche arrière sur rien. Nous avons dit clairement que nous allions nous attaquer à la question des pensions. Nous respecterons les promesses que nous avons faites pendant la campagne électorale.

Le premier ministre a dit à la Chambre, il y a moins d'une semaine, que ce serait fait soit avant le budget ou lors du budget, et ce sera fait.

M. Ed Harper (Simcoe-Centre, Réf.): Monsieur le Président, vendredi, le président du Conseil du Trésor disait que le gouvernement s'acquitterait de ses obligations en ce qui concerne la réforme des pensions des députés, et que ce serait très bientôt. Les seules obligations contenues dans le livre rouge concernent le cumul et l'âge d'admissibilité.

Est-que le président du Conseil du Trésor pourrait confirmer aujourd'hui que des réductions substantielles seront effectuées pour aligner les pensions des députés sur celles du secteur privé, et qu'on ne s'en tiendra pas aux maigres engagements du livre rouge?

L'hon. Arthur C. Eggleton (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux que mon collègue ait enfin lu le livre rouge et compris ce que sont les engagements du gouvernement.

La question sera réglée très bientôt.


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[Français]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, déposé par le ministre de la Justice la semaine dernière devra, pour atteindre son objectif, être accompagné d'une intensification de la lutte au trafic d'armes en provenance des États-Unis.

Le ministre de la Justice peut-il nous dire s'il a fait lui-même des démarches auprès de ses collègues, le solliciteur général et le ministre du Revenu, afin que les autorités policières et douanières intensifient leur lutte au trafic d'armes?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, ces dix derniers mois, j'ai travaillé de concert avec le ministre du Revenu national et le solliciteur général justement sur cette question.

En plus d'élaborer les propositions législatives qui sont aujourd'hui inscrites dans le projet de loi C-68, nous avons imposé des modifications administratives et fondamentales à la manière dont nous appliquons les contrôles à la frontière. Nous croyons que, grâce à ces modifications, les contrôles que nous exerçons à la frontière se révéleront encore plus efficaces dans les mois et les années qui viennent.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, le ministre de la Justice peut-il nous donner l'assurance que les mesures proposées dans son projet de loi seront appliquées sur tout le territoire canadien, sans exception, y compris sur les territoires autochtones?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Je le peux certainement, monsieur le Président. Comme le premier ministre a pris la peine de le faire remarquer à ce moment-ci l'an dernier, mais dans un autre contexte, il y a seulement une loi au Canada et elle s'applique partout de façon uniforme.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Bonnie Hickey (St. John's-Est, Lib.): Monsieur le Président, à une réunion portant sur le contrôle des armes à feu qui a eu lieu dans ma circonscription, certains de mes électeurs ont exprimé au ministre de la Justice leurs craintes en ce qui concerne les armes à balle BB et les armes à plomb. Des enfants se sont grièvement blessés en jouant avec ces armes. La ville de St. John's les a interdites et les membres de la Fédération des municipalités de Terre-Neuve et du Labrador ont demandé à l'unanimité que les armes à balles BB et les armes à air comprimé soient considérées comme des armes à feu.

(1435)

Comment le ministre apaisera-t-il les craintes de mes électeurs en ce qui a trait au danger que constituent les armes à balles BB et les armes à air comprimé?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je me souviens très bien de la réunion de St. John's dont parle la députée. J'ai rencontré à cette occasion deux mères dont un enfant a perdu un oeil à la suite d'un accident attribuable à la mauvaise manipulation d'armes à balles BB ou d'armes à air comprimé.

À l'issue de cette rencontre, j'ai étudié la façon dont les armes à air comprimé et les armes à balles BB sont réglementées au Canada. J'ai découvert que, à l'heure actuelle, certaines de ces armes sont considérées comme des armes à feu et, partant, régies comme toutes les autres armes à feu, la distinction ne tenant qu'à la vitesse initiale du projectile. Si la vitesse initiale dépasse un certain niveau, l'acquisition et la possession de ces armes sont alors réglementées, comme dans le cas des autres armes à feu. La question est de savoir s'il faut baisser ce niveau pour obliger les Canadiens à enregistrer leurs armes à balles BB, en vente un peu partout, et ainsi protéger la vue des enfants.

Selon une étude récemment menée à l'Université d'Ottawa, la mauvaise manipulation des armes à balles BB est la principale cause de cécité chez les enfants canadiens. Ce renseignement a de quoi nous inquiéter.

En terminant, permettez-moi de mentionner à la députée que je suis extrêmement sensible au problème. Nous étudions la question et je ferai rapport à la Chambre dès que nous aurons terminé notre analyse.

* * *

L'EX-YOUGOSLAVIE

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, nos casques bleus en poste en Croatie risquent d'être bientôt confrontés à la situation tactique la plus difficile qu'il soit donné à un soldat de vivre, soit une retraite sous le feu de l'ennemi. Et pourtant, on a annoncé il y a deux semaines le repli de l'équipe chirurgicale des Forces armées canadiennes.

Voici que l'état-major de la Défense nationale aurait encore une fois refusé de fournir à nos casques bleus l'engin blindé du génie qu'ils demandent pour déminer les lieux et faciliter leur retraite au besoin.

Le ministre de la Défense nationale dira-t-il à la Chambre pourquoi nos troupes, qui sont menacées depuis trois ans par les mines et les balles et qui risquent de courir bientôt un danger encore plus grand, se voient constamment refuser des installations et du matériel que nous possédons pourtant?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, l'article publié samedi par le Globe and Mail comporte un certain nombre d'inexactitudes.

L'engin blindé du génie n'est pas un véhicule de déminage. Le groupe slovaque qui fait partie de la FORPRONU est équipé pour remplir cette tâche, non seulement pour les Canadiens, mais pour tous les autres effectifs. Si une retraite de Croatie et de Bosnie s'imposait, l'OTAN s'en occuperait et les alliés de l'OTAN fourniraient évidemment tout le matériel nécessaire.


9825

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, si un seul militaire canadien devait perdre la vie ou être blessé à cause de ce manque d'appui, j'espère que le ministre s'en souviendra.

Nos troupes en poste dans l'ex-Yougoslavie se sont bien débrouillées jusqu'à maintenant, en dépit du fait qu'elles disposent d'un matériel désuet et peu sûr. Et même si la situation devient beaucoup plus dangereuse, l'état-major refuse de bien les équiper.

Que fera le ministre de la Défense nationale pour s'assurer que nos casques bleus obtiennent tout l'appui dont ils ont besoin pour tenir le coup?

L'hon. David Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à la question et la menace contenue dans la réponse du député me déplaît au plus haut point. Cela n'est pas correct. Monsieur le Président, je suis étonné que vous n'ayez pas dit au député que c'est antiréglementaire. Le député devrait avoir honte de dire des choses pareilles à la Chambre des communes.

Le Président: Chers collègues, je suis persuadé qu'une question aussi grave suscite beaucoup d'émotion des deux côtés de la Chambre. Encore une fois, je prie tous les députés de faire preuve de jugement, dans leurs questions comme dans leurs réponses.

* * *

[Français]

LES RÉGIMES DE SOINS DENTAIRES PRIVÉS

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Santé.

Dernièrement, l'Association dentaire canadienne lançait une nouvelle campagne pour freiner la volonté du gouvernement fédéral de taxer les régimes de soins dentaires privés au Canada. Or, la ministre nous répète depuis un an qu'elle s'est donnée comme mission de préserver la gratuité des soins de santé au Canada.

La ministre réalise-t-elle que si on impose les régimes de soins dentaires privés, cela contribuera à diminuer directement l'accessibilité aux soins de santé?

[Traduction]

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi de rappeler au député que la Loi canadienne sur la santé prévoit des critères pour définir les services qui sont nécessaires du point de vue médical. Il est vrai que nous avons à faire des choix budgétaires extrêmement difficiles, mais nous devons les faire de manière à pouvoir offrir, avec équité et compassion, les programmes sur lesquels les Canadiens comptent et que, au fond, ils méritent.

(1440)

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, à la veille du prochain budget fédéral, la ministre peut-elle nous assurer qu'elle préservera la gratuité de notre système de santé et qu'elle s'opposera énergiquement à l'imposition des régimes de soins dentaires privés?

L'hon. Diane Marleau (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, non seulement moi-même, en tant que ministre de la Santé, mais le premier ministre du Canada aussi a dit que la Loi canadienne sur la santé est là pour y rester. Nous allons préserver les principes qui gèrent notre système de soins de santé. C'est une promesse du livre rouge, c'est ce qui est à la base de notre parti. Nous allons continuer de faire exactement ce que nous avons dit.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, en mai dernier, les agents de l'immigration ont accordé le statut de réfugié à un jeune Polonais de 25 ans. Cet homme avait allégué qu'il était victime de discrimination parce qu'il était infecté par le VIH. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié lui a accordé le statut de réfugié.

Ma question s'adresse au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Étant donné que cet homme imposera un fardeau au système de santé du Canada, qu'il constitue une menace possible pour la santé de Canadiens et qu'il a été admis au Canada en contravention flagrante de l'article 19 de la Loi sur l'immigration, est-ce que le ministre renversera la décision de la CISR et l'expulsera immédiatement?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, je crois que le député ne fait pas la distinction entre les réfugiés et les immigrants.

Il ne s'agit pas, dans ce cas, d'une demande dont l'issue est déterminée par l'infection ou l'absence d'infection au VIH. La demande était fondée sur l'appartenance à un groupe social, déterminé en l'occurrence par l'orientation sexuelle, et sur les craintes fondées de persécution.

Il y a trois ans, la Cour suprême du Canada a déclaré que l'orientation sexuelle déterminait l'appartenance à un groupe social. La Convention de Genève prévoit le cas des demandes fondées sur la persécution contre un groupe social. Seulement deux cas du genre ont été traités au Canada. Le premier a été rejeté et, dans le cas soulevé par le député, la demande avait initialement été rejetée par la CISR, mais la cause a été portée en appel devant la Cour fédérale, qui a ordonné à la CISR de l'étudier à nouveau.

Il ne s'agit donc pas d'un cas d'infection au VIH. Il s'agit ici de la peur justifiée d'être victime de persécution en raison de l'appartenance à un groupe social donné.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, après avoir obtenu le statut de réfugié, cet homme infecté au VIH a prétendu à la radio nationale être venu au Canada expressément pour profiter de notre système de santé déjà surchargé. Entre-temps, des milliers de Canadiens sont inscrits sur des listes d'attente dans l'espoir de recevoir les soins pour lesquels ils paient depuis des années.


9826

Puisque la CISR a agréé une autre demande loufoque de statut de réfugié, établissant ainsi un précédent dont pourraient abuser de faux réfugiés de partout dans le monde, est-ce que le ministre suivra le conseil du Parti réformiste et abolira cette commission pour confier la détermination du statut de réfugié à des agents d'immigration compétents qui se serviraient de lignes directrices claires?

L'hon. Sergio Marchi (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Monsieur le Président, ce cas n'établit pas de précédent. C'est pourquoi je dis que le député ne comprend pas comment fonctionne la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Elle fonctionne indépendamment du gouvernement. En outre, elle rend ses décisions en se fondant sur le bien-fondé de chaque cas.

J'ai dit que seulement deux demandes du genre avaient été traitées par le système. L'une d'elles a été rejetée parce que la personne ne pouvait pas prouver qu'elle avait raison de craindre la persécution en raison de son appartenance à un groupe social précis.

De plus, les demandes d'immigration peuvent être refusées en raison du coût que les candidats imposeraient à notre système de santé ou du danger qu'ils représenteraient pour le public. La plupart du temps, les demandes d'immigration des personnes infectées au VIH sont refusées.

* * *

LES ESPÈCES MENACÉES D'EXTINCTION

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de l'Environnement.

Il existe dans le monde 48 000 espèces et sous-espèces de faune sauvage menacées d'extinction. Le commerce illégal des espèces fauniques menacées d'extinction met en péril la biodiversité mondiale.

(1445)

La ministre pourrait-elle dire à la Chambre ce que le gouvernement fait tant au Canada qu'à l'étranger pour mettre un frein à ce commerce illégal?

M. Clifford Lincoln (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le Canada veille de trois façons à l'application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction.

Nous le faisons, premièrement, par la formation. Nous organisons actuellement dans l'ouest du Canada des ateliers à l'intention des agents de la GRC et des douanes, des fonctionnaires d'Agriculture Canada de même que des agents des ministères provinciaux des ressources naturelles pour leur faire connaître la convention, son champ d'application et les engagements que le Canada a pris à cet égard, et pour identifier les espèces menacées d'extinction qui sont au nombre de 48 000, comme l'a mentionné mon collègue.

Deuxièmement, nous menons une campagne d'information axée sur les voyageurs pour leur faire connaître les espèces menacées, de sorte qu'ils fassent leurs achats en conséquence. Faute de débouchés pour les espèces menacées, les braconniers et les trafiquants n'y trouveront plus d'intérêt.

Enfin, au printemps. . .

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

En 1994, le ministre des Pêches et des Océans a engagé 1,9 milliard de dollars dans la stratégie pour le poisson de fond de l'Atlantique. Le ministre prétendait alors que cette somme serait suffisante pour restructurer en cinq ans l'industrie de la pêche de l'Atlantique. Aujourd'hui, avec 80 p. 100 de plus de prestations que prévu, nous constatons que la stratégie n'atteint pas ses objectifs et que les fonds risquent d'être épuisés en 1996.

Le ministre reconnaît-il que sa stratégie est un échec et que les fonds engagés seront épuisés bien avant l'échéancier prévu?

[Traduction]

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député semble préconiser, au nom du Bloc québécois, que les pêcheurs du Québec soient privés de tout soutien du revenu de la part du gouvernement fédéral.

Je sais que le Bloc québécois essaie sérieusement de priver les Canadiens qui vivent au Québec des avantages provenant du Canada, mais c'est une proposition tout à fait ridicule.

[Français]

M. Bernard St-Laurent (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, le ministre réalise-t-il qu'en procédant comme il le fait, les fonds destinés à restructurer l'industrie seront complètement épuisés lorsque viendra le temps de transférer les responsabilités aux provinces, tel qu'elles le demandent?

[Traduction]

L'hon. Brian Tobin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le programme d'aide pour le poisson de fond offert aux pêcheurs du Canada atlantique est effectivement mis à rude épreuve, car un plus grand nombre de pêcheurs et de travailleurs d'usine que ce qui avait été prévu à l'origine ont demandé de l'aide dans le cadre de ce programme.

S'il y a plus de pêcheurs et de travailleurs d'usine qui ont demandé de l'aide, c'est que nous avons dû interdire d'autres pêches il y a quelques mois, pour des raisons écologiques.

À cause de l'interdiction de la pêche du sébaste qui est une activité importante pour les Madelinots, il a fallu aider d'autres pêcheurs et travailleurs d'usine.

Nous examinons actuellement le programme. Nous cherchons des façons de le rationaliser afin de respecter notre budget, par


9827

exemple en réduisant les programmes de formation à l'intention de travailleurs âgés qui ne s'en prévaudront vraisemblablement pas. Ce programme a l'appui des pêcheurs et des travailleurs d'usine du Canada atlantique, y compris du Québec.

Franchement, les bloquistes devraient célébrer les vertus de la fédération et se réjouir que les nantis partagent avec ceux qui sont dans le besoin. C'est cela qui fait la force de l'union canadienne.

* * *

LE CRTC

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

Le CRTC a retiré la chaîne de musique country américaine des ondes de la télévision canadienne. Les artistes country du Canada pouvaient être vus dans plus de 32 millions de foyers partout dans le monde, mais, par mesure de rétorsion pour cette décision, la chaîne CMT refuse maintenant de faire jouer les vidéo-clips d'artistes canadiens, ce qui réduit leur auditoire à 2 millions de foyers.

Faire la promotion de la culture canadienne en fermant notre frontière, c'est comme alimenter un feu avec une couverture mouillée. Les artistes canadiens eux-mêmes dénoncent cette décision.

(1450)

Au lieu d'étouffer la culture canadienne, comment le ministre entend-il faire la promotion de l'exportation des produits culturels canadiens et élargir les choix s'offrant au consommateur?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement a pour politique de favoriser, de toutes les manières possibles, la croissance et l'expansion de la culture canadienne.

Cette politique vise en partie à garantir que, tout en remplissant nos obligations commerciales internationales, nous soyons en mesure d'offrir un choix d'émissions de radio-télévision aux Canadiens, un choix qui comprend non seulement des émissions étrangères, mais également des émissions canadiennes.

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, en dépit de ces belles paroles, le gouvernement s'oriente vers une politique protectionniste dans le secteur de la culture.

Les industries culturelles figureront en tête de liste des questions qu'abordera le président américain quand il nous visitera cette semaine. En fermant notre frontière, le gouvernement risque de déclencher une guerre commerciale avec les États-Unis. Mickey Kantor annoncera le 6 mars la forme que prendront les mesures de rétorsion des Américains.

Quand le porte-parole du gouvernement rencontrera M. Clinton, fera-t-il connaître les secteurs commerciaux canadiens qu'il est prêt à sacrifier pour maintenir ce simulacre de préservation de la culture canadienne?

L'hon. Roy MacLaren (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous ne sommes prêts à sacrifier aucun secteur commercial canadien. La députée a posé une question que je soulèverai effectivement au cours de mon entretien avec M. Kantor. À ce moment-là, comme nous l'avons fait par le passé, je vais encore assurer à M. Kantor que nos mesures de promotion de la culture canadienne sont tout à fait conformes à nos obligations commerciales internationales.

* * *

L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Revenu national.

Les Canadiens veulent que le gouvernement prennent les décisions difficiles qui s'imposent pour atteindre nos objectifs en ce qui concerne le déficit. Beaucoup se demandent s'il est possible également de réduire le déficit en percevant simplement les impôts en souffrance.

Que fait le ministre pour s'assurer que le gouvernement perçoit les impôts qu'on lui doit?

L'hon. David Anderson (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question qui me permet de signaler que, dans le cas des comptes débiteurs, nous percevons, avec intérêts, la grande majorité de l'argent dû.

Bien entendu, il y aura toujours des dettes irrécouvrables. L'année dernière, elles ne représentaient que 0,5 p. 100 des recettes brutes. Cette année, nous prévoyons un montant légèrement supérieur à cela, mais la proportion sera encore bien inférieure à 1 p. 100.

Il est très important de noter que nous percevons les comptes débiteurs. Le ministre des Finances en tient compte dans ses projections budgétaires. Il n'existe pas de montant important en impôts dûs qu'on pourrait utiliser pour réduire le déficit. On prend en considération tous les impôts impayés.

* * *

L'ÉCONOMIE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au secrétaire d'État (Institutions financières internationales).

En ce qui concerne le débat plutôt faussé sur la cause réelle de notre dette accumulée, je voudrais poser la question suivante au secrétaire d'État: Peut-il nous confirmer que nous consacrons actuellement à nos programmes sociaux environ la même proportion de notre PIB qu'au milieu des années 70?

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, je suis persuadé que le député a vérifié les chiffres, car il ne poserait pas la question.

Je n'ai pas ces chiffres en main maintenant et je ne peux donc pas confirmer ses affirmations. Je suis persuadé que, dans sa question complémentaire, le député donnera la bonne réponse.

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, c'est ce que je vais faire. C'est maintenant devenu une période des réponses. S'il s'était renseigné comme il se doit, le ministre saurait que les sommes. . .

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je suis persuadé que le député a une question.


9828

M. Riis: Monsieur le Président, j'en avais une. Et je vais la poser.

Étant donné que le ministre sait pertinemment que les sommes actuellement consacrées aux programmes sociaux sont à peu près les mêmes, toutes proportions gardées, que dans les années 70, va-t-il confirmer que la croissance de notre dette accumulée depuis 1984 s'explique presque exclusivement par la politique du gouvernement précédent qui consistait à maintenir les taux d'intérêt à un niveau que le gouvernement actuel semble vouloir poursuivre, ainsi que par tout l'éventail d'échappatoires fiscales accordées en particulier aux sociétés et aux nantis?

(1455)

L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, mon honorable collègue se rappelle sûrement que, au début des années 90, j'ai parlé des taux d'intérêt élevés et de la politique du gouvernement précédent. Notre gouvernement a modifié cette politique et nous prenons des mesures non seulement pour nous attaquer à notre déficit, mais également pour améliorer nos programmes sociaux.

* * *

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, dans sa brochure d'information sur le système d'enregistrement canadien des armes à feu, le ministre de la Justice dit aux Canadiens que son nouveau système d'enregistrement va contribuer à l'élimination de la contrebande et du vol, comme sources d'approvisionnement en armes.

Pas plus tard que jeudi dernier, le ministre a dit officiellement que la nouvelle loi sur le contrôle des armes à feu serait de peu d'utilité dans la prévention de la contrebande d'armes. Le ministre pourrait-il préciser laquelle des deux déclarations il faut croire?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, les propositions que nous avons soumises à la Chambre vont grandement contribuer à réduire la contrebande d'armes. Nous l'avons dit maintes et maintes fois. Le hansard abonde en réponses détaillées aux questions que les mêmes députés posent quotidiennement à la Chambre.

Je vais répondre directement à la question précise que vient de me poser le député. Tout comme le gouvernement, je crois que les propositions vont être d'un grand secours. La semaine dernière, un homologue provincial, le solliciteur général de l'Ontario, m'a fait observer que notre rôle pourrait être encore plus grand dans ce dossier. C'est aussi mon avis. En effet, nous pouvons et devons faire davantage. Je crois que, avec la collaboration des solliciteurs généraux provinciaux, nous pouvons faire et ferons davantage.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, le ministre a eu 16 mois pour s'attaquer au trafic d'armes, mais n'a rien fait qui vaille. Il s'est contenté de déposer un plan en vue d'enregistrer les armes des Canadiens respectueux des lois. Nulle part dans les pays démocratiques, l'enregistrement des armes ne s'est révélé un moyen efficace pour combattre la criminalité.

Pourquoi le ministre ne consacre-t-il pas, à la défense de nos frontières contre la contrebande d'armes, les 85 millions de dollars destinés à l'enregistrement des armes à feu?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, dans une large mesure, le système d'enregistrement que nous proposons visera à réduire la contrebande à nos frontières. Nous sommes persuadés qu'il donnera les résultats escomptés.

* * *

[Français]

LES SUBVENTIONS AGRICOLES

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

À la veille du budget, le ministre fédéral de l'Agriculture veut réformer l'ensemble des subventions agricoles, en particulier celles reliées au transport des céréales. Il se propose de remplacer les subventions actuelles aux transporteurs ferroviaires par une aide directe aux producteurs céréaliers de l'Ouest.

Le ministre de l'Agriculture confirme-t-il l'intention de son gouvernement de mettre fin aux subventions aux transporteurs ferroviaires de céréales pour financer directement les producteurs céréaliers de l'Ouest? Et, le cas échéant, peut-il s'engager, devant cette Chambre à. . .

Le Président: Peut-être que le député peut poser une autre petite question, mais trois, c'est un peu trop.

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la réforme du transport des grains a été très souvent débattue au cours des 25 dernières années.

Nous comptons mettre en oeuvre une partie de cette réforme. À cette fin, la Chambre est déjà saisie d'un certain nombre de projets de loi.

Ces derniers mois, le ministre des Transports et moi avons mené, avec des agriculteurs, des groupements agricoles et d'autres intéressés du secteur, d'intenses discussions concernant tous les aspects de la manutention et du transport des grains partout au pays. Les détails de ces discussons pourront être communiqués au moment du dépôt du budget ou peu après.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, le ministre de l'Agriculture, à ce stade-ci, peut-il nous donner l'assurance que tous les agriculteurs du pays seront traités sur un pied d'égalité, c'est-à-dire que les mesures qu'il mettra de l'avant ne permettront pas à l'agriculteur de l'Ouest de concurrencer l'agriculteur de l'Est à partir des subventions du gouvernement fédéral?

9829

(1500)

[Traduction]

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la justice, l'équité et l'équilibre sont la marque distinctive du gouvernement et le resteront.

_____________________________________________


9829

AFFAIRES COURANTES

[Français]

DÉCRETS DE NOMINATIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il me fait grand plaisir de déposer aujourd'hui en Chambre, dans les deux langues officielles, les décrets annonçant les nominations faites récemment par le gouvernement.

Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont réputés avoir été renvoyés aux comités permanents indiqués en annexe.

* * *

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-304, Loi modifiant le Code criminel (prostitution).

-Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue de Crowfoot qui a appuyé la présentation de ce projet de loi à l'étape de la première lecture. J'ai donc l'honneur de présenter mon projet de loi à la Chambre.

Ce projet de loi augmentera la peine pour toute personne se prêtant publiquement à l'achat ou à la vente de services sexuels. Ce geste ne sera plus une infraction punissable par procédure sommaire sur déclaration de culpabilité, mais plutôt une infraction punissable sur acte d'accusation. En vertu de ce projet de loi, la peine pour l'infraction traitée à l'article 213 du Code criminel, soit la tentative de retenir des services sexuels dans un endroit public, serait dorénavant égale à la peine attribuée pour l'infraction décrite à l'article 212, soit le proxénétisme.

Dans le cas d'une déclaration sommaire de culpabilité, la peine maximale est de six mois seulement. Cela suffit peut-être pour certains crimes au Canada, mais ce n'est certes pas suffisant dans le cas du commerce public des services sexuels. Si l'on traite ce commerce comme une infraction punissable sur acte d'accusation, les tribunaux disposeront d'une plus grande marge de manoeuvre et pourront attribuer des peines variant jusqu'à la peine maximale, soit dix ans d'emprisonnement. Une telle dési-gnation placerait ce genre d'infraction dans une autre catégorie et influerait sur la répartition des ressources policières. Elle donnerait aux policiers des outils plus efficaces. Ils ne seraient plus limités aux contraventions, mais pourraient, au besoin, procéder à des arrestations.

Les Canadiens sont frustrés de voir la prostitution dans les rues. Ils s'inquiètent, car l'usage criminel des drogues accompagne souvent la prostitution. J'ai remarqué que de nombreux Canadiens souhaitaient des peines plus sévères pour ce genre de comportement, et c'est exactement l'objectif de mon projet de loi.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

LE CODE CRIMINEL

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-305, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire).

-Monsieur le Président, je suis heureux de présenter un second projet de loi. Le député de Crowfoot seconde encore une fois le dépôt de ce projet de loi à l'étape de la première lecture.

Le projet de loi crée une peine distincte pour les personnes qui commettent un acte interdit pendant qu'elles sont dans un état d'intoxication qu'elles ont elle-mêmes provoqué par l'absorption d'alcool ou d'une drogue.

Le projet de loi donne une définition claire d'un acte interdit, et je crois que tous les Canadiens l'approuveront.

La récente décision de la Cour suprême est à l'origine des protestations. Il est intéressant de rappeler que la Cour suprême a elle-même recommandé que le Parlement apporte les correctifs voulus à ce qui semble être une faille du système.

Dans son opinion minoritaire, le juge John Sopinka a déclaré:

On a suggéré que le Parlement crée une nouvelle infraction d'intoxication dangereuse [. . .]Il appartient au Parlement, et non pas à cette cour, de le faire.
J'invite donc tous les députés à appuyer un projet de loi qui supprimerait les contradictions contenues dans le Code criminel.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

(1505)

PÉTITIONS

LA JUSTICE

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, je désire présenter, en ce jour 11, la pétition no 11. Les pétitions sont présentées au nom d'électeurs qui désirent empêcher la mise en liberté anticipée de Robert Paul Thompson, qui est prévue pour le 11 avril 1995.

Soucieux d'accroître la sécurité dans nos rues, les pétitionnaires que je représente s'opposent à la pratique actuelle qui consiste à rendre leur liberté à des criminels violents avant qu'ils n'aient purgé toute leur peine.


9830

Les pétitionnaires demandent d'accroître la sécurité dans nos rues pour les honnêtes citoyens et les familles des victimes de meurtriers condamnés.

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Jack Frazer (Saanich-Les Îles-du-Golfe, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, au nom de plus de 3 000 habitants de ma circonscription, Saanich-Les Îles-du-Golfe, et de la région voisine, une pétition dûment certifiée par le greffier des pétitions.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'adopter une mesure législative qui modifiera la Loi sur les jeunes contrevenants comme suit: Tout adolescent de 14 ans ou plus qui commet un crime de violence, notamment un meurtre, un homicide involontaire coupable, des voies de fait graves, une agression sexuelle ou un vol à main armée, sera automatiquement jugé par un tribunal pour adultes, aura un casier judiciaire et sera passible des mêmes peines qu'un adulte, compte tenu de sa maturité. Les pétitionnaires demandent également que l'on publie le nom des jeunes contrevenants qui sont dangereux.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter aujourd'hui à la Chambre deux pétitions.

Dans la première, les pétitionnaires font remarquer à la Chambre que la mesure législative sur le contrôle des armes à feu ne fera rien, à toutes fins utiles, pour réduire les crimes violents, mais qu'elle limitera considérablement les droits et libertés de millions de propriétaires d'armes à feu innocents, ce qui contrevient aux principes mêmes de justice qui existent dans notre pays.

Les pétitionnaires demandent donc au gouvernement de rejeter les propositions du ministre de la Justice concernant le contrôle des armes à feu et d'insister auprès de lui pour qu'il présente une mesure législative qui condamnera et punira les criminels au lieu de persécuter les innocents.

Je pense que c'est clair.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma deuxième pétition est signée par des habitants de ma circonscription et des environs. Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier le Code des droits de la personne, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière pouvant donner l'impression que la société approuve les relations sexuelles entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et de ne pas modifier le Code des droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

C'est avec plaisir que je présente cette pétition.

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, les 1 000 signataires de cette pétition attirent l'attention de la Chambre sur ce qui suit: que la Société Radio-Canada est le service national de radiodiffusion publique du Canada et un mandataire de Sa Majesté; que la SRC est financée par le gouvernement fédéral à l'aide de l'argent des contribuables; que la SRC joue un rôle important pour répondre à l'objectif législatif fixé à l'égard du système de radiodiffusion, à savoir sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada; que la SRC a demandé à télédiffuser le procès de Paul Bernardo et que cette demande ne contribue pas au rôle de la SRC et ne fait rien pour sauvegarder, enrichir et renforcer la structure du Canada.

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de condamner les actions de la Société Radio-Canada et de faire en sorte que, conformément à ses responsabilités de radiodiffuseur national, la SRC retire sa demande de télédiffusion du procès de Paul Bernardo.

LE CRTC

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une pétition signée par plus de 400 habitants du comté de Peterborough, dont je connais personnellement un bon nombre.

Les pétitionnaires soulignent que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, a autorisé Bell Canada à augmenter ses tarifs d'appel local de 2 $ par mois pour chacune des années 1995, 1996 et 1977, ce qui représente une hausse d'environ 50 p. 100 sur trois ans. Ils ajoutent que les augmentations proposées dépassent de loin l'indice du coût de la vie et que les économies proposées dans les tarifs d'appel interurbain seront peu avantageuses pour la majorité des personnes âgées qui touchent le supplément de revenu garanti et pour les autres Canadiens à faible revenu.

(1510)

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement d'insister auprès du CRTC pour qu'il exige que Bell Canada présente un plan qui portera sur l'accessibilité du service téléphonique local et le prix abordable des tarifs d'appel local pour les personnes âgées qui touchent le supplément de revenu garanti et pour les autres Canadiens à faible revenu.

LES JEUNES CONTREVENANTS

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions différentes à présenter, conformément à l'article 36 du Règlement.

La première est signée par des Canadiens très inquiets qui demandent que nos lois sur les jeunes contrevenants soient révisées pour qu'elles permettent la publication des noms des contrevenants et abaissent l'âge limite, afin que les tribunaux puissent prendre les moyens de poursuivre et de punir les jeunes qui terrorisent la société et que les peines imposées correspondent à la gravité des crimes.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Mark Assad (Gatineau-La Lièvre, Lib.): Monsieur le Président, ma deuxième pétition me vient aussi d'un groupe de Canadiens inquiets qui demandent au Parlement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour protéger les


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individus contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

LE SUICIDE ASSISTÉ

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, j'ai trois pétitions à présenter. Dans la première, les pétitionnaires demandent au Parlement de continuer à rejeter l'euthanasie et le suicide assisté par un médecin et de veiller à ce que l'article 241 du Code criminel, qui interdit l'encouragement ou l'aide au suicide, soit rigoureusement appliqué.

Dans la deuxième pétition, les pétitionnaires demandent au Parlement de faire respecter activement les dispositions du Code criminel interdisant le suicide assisté, et de ne pas présenter de modifications à la loi susceptibles de sanctionner l'euthanasie sous quelque forme que ce soit.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, ma troisième pétition déclare que les pétitionnaires estiment que les homosexuels et les bisexuels des deux sexes sont l'objet de discrimination au Canada et demandent que la Charte des droits et libertés garantisse à tous le droit d'être protégés de la discrimination.

Les pétitionnaires demandent que le Parlement modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de protéger les individus de toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

L'EUTHANASIE

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter aujourd'hui quatre pétitions conformes à l'article 36 du Règlement. Les troisième et quatrième pétitions visent à attirer l'attention du Parlement sur les conséquences d'une légalisation de l'euthanasie.

Les pétitionnaires demandent au Parlement de continuer à rejeter l'euthanasie et toute forme de suicide avec l'aide d'un médecin.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, les 400 signataires de la première pétition et de la deuxième demandent que le Parlement ne s'en prenne pas aux propriétaires d'armes à feu utilisées à des fins récréatives.

Les pétitionnaires appuient une mesure législative, dont il aura été prouvé qu'elle améliore la sécurité publique à moindre frais, ayant pour but de punir sévèrement tous ceux qui utilisent des armes quelles qu'elles soient, de protéger le droit des honnêtes citoyens à posséder et à utiliser des armes à feu usagées à des fins récréatives et de façon responsable, et d'abroger la loi actuelle sur le contrôle des armes à feu dont le libellé est tellement tortueux que les tribunaux l'ont décrite comme étant le pire exemple de charabia juridique.

Je me fais un plaisir de présenter ces pétitions auxquelles je souscris.

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition au nom d'un certain nombre de résidents de localités minières de la Colombie-Britannique, qui demandent au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour stimuler l'emploi dans le secteur minier, pour promouvoir l'exploration minière, pour reconstituer les réserves de minerais du Canada, pour assurer la survie des localités minières et pour que le Canada demeure un pays minier.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, dans une autre pétition, les signataires demandent simplement au Parlement de n'apporter au Code des droits de la personne, à la Loi canadienne sur les droits de la personne ou à la Charte canadienne des droits et libertés aucune modification pouvant donner l'impression que la société approuve les relations entre personnes de même sexe ou l'homosexualité et, notamment, de ne pas modifier le Code des droits de la personne en y insérant l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

* * *

QUESTIONS AU FEUILLETON

Mme Jan Brown (Calgary-Sud-Est, Réf.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Conformément à l'article 39 du Règlement, j'ai fait inscrire une question au Feuilleton le 30 septembre 1994. Cela fait 143 jours.

Comme cette question exigeait une réponse détaillée, je n'ai pas exigé une réponse dans les 45 jours comme m'y autorise le Règlement.

Je désire obtenir des renseignements sur les subventions versées par le Conseil des arts du Canada. Le gouvernement ne m'a pas fourni ces renseignements et le Conseil des arts du Canada est déjà exempté de répondre aux demandes de renseignements présentées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Il semble à présent qu'il soit également exempté de la procédure parlementaire habituelle et qu'il ne soit pas tenu de répondre aux attentes de votre humble servante.

(1515)

En ces temps de restrictions, les contribuables exigent que les fonds publics soit utilisés de façon responsable. C'est donc mon rôle de poser des questions pour veiller à ce qu'il en soit ainsi. Toutefois, quelqu'un a décidé de ne pas répondre à ma question. Pourquoi cache-t-on ces renseignements aux Canadiens?

Devoir attendre 143 jours pour obtenir une réponse, c'est inacceptable. Je repose ma question:

Pour les années 1992 et 1993, à combien s'élèvent les fonds versés par le Conseil des arts du Canada à des particuliers et à des groupes, qui étaient ces particuliers, à quels projets ces fonds ont-ils été affectés, et combien d'argent ont-ils reçu?

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M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée d'avoir soulevé ce point. J'espère que je serai en mesure de fournir à la Chambre une réponse à sa question dans le courant de la semaine.

Je ferai remarquer que la réponse sera très longue étant donné le grand nombre de subventions que verse le Conseil des Arts du Canada à de nombreux particuliers et organismes dans tout le Canada. On a reçu la réponse à sa première question. Cependant, comme elle ne contenait pas certains renseignements demandés par la députée, elle a été renvoyée afin de pouvoir être complétée. J'espère que nous aurons la réponse complète dans le courant de la semaine.

Si la députée avait tellement à coeur d'épargner l'argent des contribuables, elle serait allée consulter à la Bibliothèque du Parlement les rapports annuels du Conseil des arts du Canada qui contiennent la liste des subventions. Elle aurait ainsi la réponse à sa question sans avoir à faire inscrire au Feuilleton une question dont la réponse va coûter plusieurs milliers de dollars supplémentaires pour la fournir à la Chambre dans le nombre d'exemplaires et selon la présentation qu'elle désire.

Ceci dit, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

[Français]

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, c'est la quatrième fois que je me lève en cette Chambre justement pour souligner au gouvernement que j'ai fait inscrire une question au Feuilleton le 19 octobre dernier. Cela dépasse les 120 jours. Normalement, cela prend 45 jours pour obtenir une réponse. Maintenant, cela fait presque quatre mois, et je n'ai pas de réponse à ma question, contrairement à la députée de Calgary-Sud-Est.

Le ministre des Travaux publics fait tout pour nous empêcher d'avoir accès aux informations que je recherche. Je me demande si le gouvernement ne jouerait pas le jeu d'empêcher les députés d'avoir accès à l'information dont ils ont besoin. J'implore le Président de bien vouloir exhorter le gouvernement à respecter les règles de cette Chambre. Je trouve que c'est un abus, un mépris flagrant du Règlement de cette Chambre. Est-ce que je peux avoir de l'honorable député un engagement, une date précise pour avoir l'information que j'ai demandée il y a maintenant déjà quatre mois?

M. Milliken: Monsieur le Président, la réponse donnée à l'honorable député vendredi est la même aujourd'hui. Il n'y a pas une réponse différente d'un jour à l'autre avec ce gouvernement. La réponse est toujours la même. Nous aurons une réponse bientôt, et quand je recevrai la réponse, je la déposerai ici à la Chambre.

[Traduction]

Le vice-président: Les autres questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.


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INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Le vice-président: Je crois que, juste avant la période des questions, la présidence a déclaré qu'à la reprise du débat, le député de South Shore pourrait répondre à la question ou à l'observation du député de Wild Rose.

M. Derek Wells (South Shore, Lib.): Monsieur le Président, je pense qu'il restait environ deux minutes. Je serai donc bref.

Je ne surprendrai personne en disant que je suis presque totalement en désaccord avec l'hypothèse que le député de Wild Rose a fait valoir. Nous prenons des risques en ne tenant pas compte des facteurs sociologiques.

Je souscris davantage à l'opinion exprimée par M. Alan Leschied qu'à celle du député de Wild Rose. Si ma mémoire est bonne, ce dernier était présent et se souvient peut-être que, lorsque M. Leschied a comparu devant le comité, il a défini les facteurs dont il fallait tenir compte. Il serait bon de se reporter au compte rendu qui est très long, mais qui établit clairement les opinions que j'ai formulées plus tôt dans mon discours.

Le vice-président: Il reste à peu près une minutes. S'il le veut, le député de Wild Rose peut intervenir pendant 30 secondes.

(1520)

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je reconnais qu'il faut s'arrêter à ces facteurs. Cependant, cela ne devrait pas être par l'intermédiaire du ministère de la Justice. J'essaie de faire la différence.

Je voudrais aussi savoir comment le député peut voir la différence en ce qui concerne les jeunes de 16 et de 17 ans, car je ne vois pas du tout qu'il y en ait une. Je voudrais entendre son explication.

M. Wells: Monsieur le Président, les nouvelles dispositions visant les jeunes de 16 et de 17 ans ne sont pas encore adoptées. Elles font simplement l'objet d'une étude par la Chambre. J'invite le député à un peu de patience. Il constatera sûrement que ces dispositions feront une différence.

[Français]

M. Benoît Tremblay (Rosemont, BQ): Monsieur le Président, la Loi sur les jeunes contrevenants dont nous discutons aujourd'hui et certains amendements touchent à des fibres très profondes de notre société. Lorsqu'on décide de réviser cette loi, nous devons chercher à mieux traduire les idéaux, les valeurs et


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les orientations de notre société à l'égard des adolescents qui ont commis des délits.

Nous devons tenir compte du fait que l'existence même d'une loi sur les jeunes contrevenants exprime déjà la volonté de la société canadienne d'offrir aux jeunes une réponse distincte de celle du Code criminel applicable aux adultes. Notre société vise non seulement à arrêter et à sanctionner l'agissement délictueux des jeunes, mais à leur offrir aussi un encadrement susceptible d'assurer leur rééducation et leur réadaptation. C'est pourquoi l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants ne relève pas uniquement du système judiciaire, mais relève aussi des services sociaux mis en place par les différentes provinces.

Au Québec, l'organisation des services orientés vers les jeunes en difficulté et les jeunes contrevenants remonte à la création des premières écoles d'industrie et des écoles de réforme durant la deuxième moitié du XIXe siècle, soit avant même l'adoption par le Parlement fédéral, en 1908, de la première Loi sur les jeunes délinquants.

Actuellement, plus de 8 000 intervenants sociaux de diverses professions travaillent dans les centres jeunesse du Québec. Ils interviennent, annuellement, auprès de 85 000 jeunes et de leurs familles, dont près de 22 000 adolescents leur sont référés en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Tous ces experts représentent un bassin extraordinaire dont nous aurions tort de nous priver.

Or, on se retrouve aujourd'hui, en cette Chambre, devant la curieuse situation de discuter en troisième lecture d'un projet de loi qui vise à amender la Loi sur les jeunes contrevenants, alors que la presque totalité des intervenants entendus devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques ont demandé de reporter l'adoption de ces amendements.

Ces intervenants demandent tous au ministre de la Justice de procéder immédiatement à la deuxième étape de son plan d'action, soit l'évaluation en profondeur de la loi actuelle et de son application, avant d'apporter des modifications aussi importantes à la loi.

À la lumière de cette évaluation, les amendements proposés par le ministre de la Justice pourraient alors être revus et l'ensemble des députés pourraient voter avec la conviction profonde d'apporter un appui législatif adéquat aux intervenants qui doivent lutter contre la criminalité juvénile, tout en favorisant la dissuasion et la réhabilitation des jeunes contrevenants.

Pourquoi le ministre de la Justice refuse-t-il cette démarche logique? Est-ce que le ministre peut nous convaincre de l'urgence de procéder immédiatement à l'adoption des amendements qu'il propose?

En préparant mon intervention, j'ai été frappé de constater qu'aucun des intervenants rencontrés ne se sentira mieux équipé pour contrer la criminalité juvénile au lendemain de l'adoption des amendements proposés par le ministre. Ils ont au contraire la conviction que leur tâche sera plus difficile tant auprès du public qu'auprès des jeunes eux-mêmes.

À titre d'exemple, l'augmentation des peines pour des crimes graves risque d'engendrer une fausse sécurité dans l'opinion publique, alors que les expériences passées ne laissent espérer aucun effet positif d'une telle mesure ni sur le niveau de criminalité ni sur la récidive des jeunes.

(1525)

D'autre part, en limitant les ordonnances de mise sous garde essentiellement aux infractions comportant des sévices graves à la personne, la loi priverait le système judiciaire et les intervenants sociaux d'une mesure parfois nécessaire pour entreprendre la réhabilitation de certains adolescents dont la récidive, la situation scolaire, familiale et personnelle ou d'autres circonstances aggravantes doivent être prises en considération. En somme, une décision de mise sous garde peut, dans certains cas, être appropriée même si les infractions commises n'ont pas entraîné de sévices graves à la personne.

En d'autres termes, nous pouvons affirmer à la lumière des connaissances disponibles que la société ne sera pas mieux protégée par l'adoption de cette loi et que l'encadrement de certains jeunes contrevenants sera moins approprié. La question qui nous vient tout naturellement à l'esprit est alors la suivante: Pourquoi le ministre de la Justice tient-il à faire adopter si rapidement une loi dont tous les intervenants doutent ouvertement de l'efficacité?

Pour beaucoup d'intervenants, le ministre de la Justice a cédé à une opinion publique minoritaire mais virulente qui a tendance à réclamer un retour à la loi du talion, «oeil pour oeil, dent pour dent». Cette opinion publique réagit à une perception fragmentaire de la criminalité juvénile et à partir d'une connaissance médiatisée de certaines manifestations extrêmes mais très rares de cette criminalité comme des crimes contre la personne. Laissée à elle-même et aux animateurs de lignes ouvertes, cette fraction de l'opinion publique réclame des actions draconiennes pour contrer la criminalité juvénile.

En cédant à de telles pressions, le ministre de la Justice se montre davantage à l'écoute des animateurs de lignes ouvertes que des intervenants du milieu. A-t-il oublié que sa mission essentielle est de proposer aux Canadiens et aux Canadiennes des lois efficaces qui traduisent un idéal de justice?

Nous sommes profondément déçus de constater que le ministre de la Justice abdique cette responsabilité première en proposant l'adoption d'amendements répressifs et inefficaces, inspirés des orientations ultraconservatrices sur le plan social véhiculées initialement par le Parti réformiste, mais que le Parti libéral du Canada semble maintenant faire siennes.

Nous, du Bloc québécois, croyons que les inquiétudes légitimes de la population peuvent et doivent être canalisées vers une meilleure compréhension de la criminalité juvénile et une mobilisation pour appliquer des mesures adéquates de prévention et de répression de cette criminalité, mais aussi des mesures efficaces de réhabilitation des jeunes contrevenants.

Le ministre nous promet cette démarche pour plus tard tout en nous forçant à voter aujourd'hui des amendements qui sont contre l'esprit de la démarche qu'il propose. Les députés de cette Chambre doivent comprendre que les amendements proposés par le ministre de la Justice relèvent d'une orientation et traduisent


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des valeurs fondamentalement différentes de celles qui ont présidé à l'adoption de la loi elle-même.

En liant de plus en plus directement la détermination des peines uniquement à la gravité des infractions commises, ces amendements viennent rompre la recherche de mesures appropriées à la fois à la gravité des infractions et aux besoins des jeunes. Or, cette recherche est le fondement même de l'existence d'une Loi sur les jeunes contrevenants distincte du Code criminel.

Comment peut-on nous demander de renier aujourd'hui les fondements d'une loi que l'on prétend vouloir évaluer en profondeur dans les mois qui viennent?

Nous ne sommes pas dupes de l'incohérence que comporte la démarche proposée par le ministre de la Justice et nous voterons contre ces amendements. Nous savons cependant que le projet de loi est à l'étape de la troisième lecture et que s'il n'est pas retiré par le ministre de la Justice, il sera adopté par la majorité gouvernementale, sans doute avec l'appui des députés réformistes.

Je demande donc, sans détour, au ministre de la Justice de réévaluer sa position et d'entreprendre maintenant, avant l'adoption de ce projet de loi, la démarche d'évaluation de la Loi sur les jeunes contrevenants dont il s'est fait lui-même le proposeur.

(1530)

Une telle décision, j'en suis convaincu, recevrait un large appui dans l'ensemble du Canada et elle nous apparaît la seule acceptable du point de vue du Québec. En effet, dans le cas du Québec, l'opposition à ce projet de loi ne s'est pas manifestée uniquement de la part des intervenants qui oeuvrent auprès des jeunes. Elle a été très clairement exprimée par le gouvernement du Québec, par la voix de son ministre de la Justice et du ministre de la Santé et des Services sociaux et de la Sécurité publique.

Dès le 14 juin 1994, le ministre d'alors, M. Roger Lefebvre, en sa qualité de ministre de la Justice, et au nom de ses collègues de la Santé et des Services sociaux et du ministère de la Sécurité publique, a fait part au ministre fédéral de ses vives inquiétudes quant au projet de loi C-37. La position du Québec et une analyse très détaillée du projet de loi ont été transmises au sous-ministre fédéral dès le 12 septembre dernier et ont été déposées au Comité de la justice de la Chambre des communes.

Permettez-moi de vous lire les principales conclusion de cette analyse: Le projet de loi C-37 n'est pas la solution pertinente au problème; le projet de loi C-37 n'est pas fondé; le projet de loi C-37 est rempli d'incohérences et d'ambiguïtés; le projet de loi C-37 entraîne des effets indésirables et injustifiés au plan des principes, au plan de l'organisation des services, au plan clinique et au plan financier.

La position du gouvernement du Québec peut difficilement être plus claire et plus dévastatrice pour ce projet de loi. Je tiens à vous faire remarquer que cette position a été élaborée par les ministres du précédent gouvernement du Québec et ceux du Parti libéral et qu'elle est pleinement endossée par les ministres de l'actuel gouvernement issus du Parti québécois. Il ne fait donc aucun doute que cette position reflète un très large consensus de la société québécoise.

Le ministre fédéral de la Justice doit comprendre que si les amendements contenus dans ce projet de loi devaient être adoptés, le ministère de la Justice, celui de la Santé et des Services sociaux et les principaux intervenants qui sont chargés de leur application au Québec se verraient dans l'obligation d'appliquer des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants qu'ils ont unanimement dénoncées et contre lesquelles la vaste majorité des députés québécois élus à la Chambre des communes se seraient prononcés.

Cette situation met en lumière un cas grave où la majorité canadienne imposerait à la société québécoise des valeurs et des orientations auxquelles elle s'oppose.

Cette situation apparaît d'autant plus inacceptable que la plupart des témoins entendus en provenance du reste du Canada et les analystes du ministère fédéral de la Justice eux-mêmes conviennent que le Québec serait plutôt l'exemple à suivre dans le domaine de la lutte contre la criminalité juvénile et la réhabilitation des jeunes contrevenants.

En effet, alors que le niveau de criminalité juvénile du Québec se compare avantageusement à celui des autres provinces, le nombre de causes référées devant les tribunaux est très largement inférieur à ce qu'on peut observer dans les autres provinces. Le Québec ne compte que 9,4 p. 100 des causes référées devant les tribunaux alors qu'il compte pour 25,4 p. 100 des jeunes de 12 à 17 ans.

Cette réalité tient en grande partie aux mesures d'application de cette loi mise en place au Québec et à l'utilisation plus extensive du programme des mesures de rechange. D'autre part, l'importance accordée au Québec à la Loi sur la protection de la jeunesse et à son application permet de traiter certaines situations familiales difficiles sans avoir recours à la Loi sur les jeunes contrevenants. En somme, le Québec a développé une approche intégrée et efficace qui devrait être imitée par les autres provinces.

Comment alors expliquer à nos concitoyens et à nos concitoyennes du Québec que si le projet de loi est adopté nous devrons nous soumettre à la volonté du Parlement fédéral même si ces amendements ont été unanimement rejetés par les ministères et les intervenants québécois qui sont chargés de les appliquer?

(1535)

Nous allons bien sûr devoir leur parler de Constitution, même si le député de Shawinigan et premier ministre du Canada n'aime pas que nous en parlions. Eh bien oui, c'est la Constitution canadienne qui détermine que la Loi sur les jeunes contrevenants relève du Parlement fédéral, alors que son application relève des gouvernements provinciaux.

Le Québec devra donc se soumettre à la volonté du Parlement fédéral à cet égard, tant et aussi longtemps que nous ne changerons pas la Constitution canadienne ou que nous ne déciderons pas de nous donner notre propre constitution, celle d'un pays souverain.

Certains députés ou observateurs pourraient croire que je cherche inutilement ici à opposer le Québec et le gouvernement fédéral pour favoriser l'option souverainiste. Eh bien non, ce n'est pas le cas, puisque j'implore le ministre de la Justice de retarder l'adoption de ce projet de loi et de procéder à une évaluation qui bénéficierait à toutes les provinces du Canada.


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Par ailleurs, si le ministre de la Justice refuse, je serai bien forcé de conclure que nous sommes en présence de deux visions de société à l'égard de la criminalité juvénile et que le reste du Canada, en utilisant les pouvoirs que confère la Constitution canadienne au Parlement fédéral, impose au Québec une orientation qu'il rejette. Je crois que la jeunesse québécoise en difficulté mérite une réponse plus adéquate que celle proposée par le ministre de la Justice qui s'inspire des tendances répressives et ultraconservatrices venues de l'Ouest canadien.

Je peux vous dire que le Bloc québécois fera tout en son pouvoir pour que ces tendances s'arrêtent à la frontière du Québec, d'abord, en votant contre ce projet de loi, puis en continuant de favoriser pour le Québec un statut d'État souverain qui lui conférera le pouvoir de faire toutes ses lois.

[Traduction]

M. Ovid L. Jackson (Bruce-Grey, Lib.): Monsieur le Président, je sais que le Québec suit une approche différente à l'égard des jeunes contrevenants et que cette approche produit d'excellents résultats. Je me demande si le projet de loi accorde assez de latitude aux juges pour rendre leurs décisions, de sorte qu'il n'y aurait aucune contradiction avec la situation au Québec.

[Français]

M. Tremblay (Rosemont): Écoutez, monsieur le Président, le gouvernement du Québec a soumis une analyse que je peux remettre à mon collègue. Elle a été déposée au Comité de la justice de la Chambre des communes. En termes très clairs, on dit premièrement que ce projet de loi n'est pas fondé. On invoque des raisons pour augmenter les peines. On vient de les augmenter en 1992, alors que Mme Kim Campbell était ministre de la Justice. En 1992, elle a augmenté les peines pour les jeunes contrevenants.

On n'a encore pas vu les résultats donnés. Maintenant, on cède à nouveau. On veut être comme les Californiens, à peu près, où l'élément le plus important du budget est les prisons et la police. Ici on aimerait que ce soit la santé et l'éducation qui demeurent les dépenses les plus importantes de l'État, et non pas les prisons et la police.

Là-dedans on met une augmentation des peines. Qu'est-ce qu'il y a dans cette loi-là qui est encore plus grave du point de vue des jeunes? Un élément très important est que, dorénavant, la mise sous garde sera à peu près impossible pour les jeunes qui n'ont pas commis de crime grave contre la personne.

Par exemple, des jeunes qui se retrouvent dans des réseaux de voleurs d'automobiles, même dans des réseaux de trafiquants de cigarettes ou de drogue, qui n'ont pas été pris en délit de commettre des actes contre la personne, mais qui ont besoin d'être retirés de leur milieu, doivent être mis sous garde pour être réhabilités. Le projet de loi vient restreindre la capacité des intervenants qui dans ces cas-là doivent intervenir et retirer le jeune de ce milieu si on ne veut pas qu'il devienne un criminel endurci.

(1540)

Malheureusement, d'un côté, on dit qu'on augmente les peines, de l'autre, qu'on limite les actes pour lesquels ces peines-là doivent être appliquées. Mais au fond, la mise sous garde permet, si on a un système adéquat-malheureusement, ce n'est pas le cas dans toutes les provinces-de sortir le jeune d'un milieu criminel et de faire sa rééducation lorsqu'il en est encore temps. L'autre élément qui nous semble aberrant est celui du jeune de 16 ou 17 ans à qui on va demander de faire la preuve qu'il doit être traité par un tribunal de la jeunesse.

D'abord, il y a une fausse conception que j'entends régulièrement de la part des députés du Parti réformiste. Dans certains cas, en étant au tribunal pour adultes, les jeunes vont pouvoir s'en tirer à meilleur compte que s'ils demeuraient sous la tutelle de la Loi sur les jeunes contrevenants, très clairement. Cela parce que dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on tient aussi compte du fait que, dans certains cas, la peine peut être allongée pour permettre leur réhabilitation. Dans beaucoup de cas, on sort ces jeunes d'un ensemble de mesures mises en place non seulement pour les aider, mais aussi pour les encadrer.

J'écoutais certaines interventions et c'est ahurissant. La mise sous garde des jeunes, dans le système actuel, ce n'est pas un cadeau pour les jeunes, mais c'est un encadrement solide et c'est une chance de s'en sortir. Dans le projet de loi, on parle de réhabilitation, on a changé le préambule. Rien, dans les mesures d'amendements qui sont là, ne permet d'améliorer la réhabilitation. Ce n'est pas en changeant le préambule et en ayant des mesures qui font l'affaire du Parti réformiste qu'on va améliorer la loi.

Au Québec, on s'y oppose de façon systématique. Toutes les institutions, tous les ministères et les intervenants concernés savent que cela nous mène dans la mauvaise direction.

[Traduction]

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le débat sur le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel, me rappelle le début de ma carrière professionnelle, l'époque où j'agissais tantôt comme procureur de la Couronne, tantôt comme avocat de la défense. Par la suite, je me suis spécialisé dans l'enseignement du droit soviétique et de certains aspects du droit pénal de l'Union soviétique. Je parle naturellement de crimes non politiques où la question de la détermination de la peine était abordée de façon plus sociologique que conventionnelle.

Le projet de loi est intéressant puisqu'il est présenté à une époque où notre société et l'ensemble de la communauté internationale traversent une période de transition, marquée par les tensions sociales qui se produisent toujours lorsque les processus sociaux n'arrivent plus à s'adapter aux changements très rapides qui surviennent.

Même si j'utilise beaucoup de statistiques, j'ai quelques réserves, puisque les statistiques ne montrent aucune augmentation considérable du nombre de crimes perpétrés dans notre société. Il ne fait toutefois aucun doute que la gravité et la violence des crimes s'intensifient nettement. Cela explique pourquoi la population, et de ce fait l'un des partis de l'opposition, réclament le resserrement des lois pénales, si je peux m'exprimer ainsi.


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Le droit pénal, tout comme les autres secteurs du droit public, résulte de la tentative d'établir un équilibre entre les intérêts plus larges de la population et les intérêts des particuliers. On a parfois utilisé la métaphore du pendule. Le pendule, qui a plus souvent oscillé vers les droits des accusés par le passé, oscille davantage vers la défense des intérêts de la société ces dernières années. Nous en rendons tous compte.

(1545)

Cela ressort des pétitions qui sont présentées aujourd'hui à la Chambre. C'est avec intérêt que j'ai remarqué à quel point nous, députés de tous les partis représentés à la Chambre qui présentons ces pétitions, recevons de lettres de nos électeurs à ce sujet.

Le plus triste dans toute cette affaire, c'est évidemment que, depuis que Geramy Benthem a le premier formulé ces projets de réforme des délinquants, on a le sentiment terrible que cette discipline scientifique n'a pas fait autant de progrès qu'elle aurait dû. Par conséquent, nous revenons à la charge avec ce projet de loi, dans lequel le ministre a tenté d'assurer un équilibre en répondant aux demandes de modification de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants et du Code criminel. Un équilibre entre des intérêts sociaux contradictoires.

À suivre le débat, on est frappé par la différence d'attitudes entre les deux partis d'opposition. L'opinion de l'opposition officielle-que représentent, je suppose, les critiques du député de Rosemont-est que la mesure est trop sévère et qu'elle ne reflète pas suffisamment l'intérêt que la société a à protéger les jeunes contrevenants. Quant à l'autre parti d'opposition, ses critiques semblent laisser entendre que la mesure ne va pas assez loin.

Si le ministre réussit à s'attirer des critiques aussi extrêmes, c'est peut-être qu'il a trouvé le juste milieu entre les deux, comme beaucoup le remarqueront. Voyons voir ce qu'il a fait au juste.

Le fait que la peine maximale pour les adolescents reconnus coupables de meurtre au premier degré est portée à dix ans d'emprisonnement et que celle pour les adolescents reconnus coupables de meurtre au deuxième degré passe à sept ans d'emprisonnement reflète très nettement le désir de la population que les jeunes délinquants ne puissent pas commettre impunément des meurtres.

Dans son allocution, le député de Rosemont laisse entendre que c'est là une approche simpliste qui ne tient pas suffisamment compte du taux de récidive qu'il juge encore élevé parmi les jeunes contrevenants qui ont fait de la prison. Peut-être pourrons-nous y revenir tout à l'heure, lorsque nous examinerons d'autres parties du projet de loi.

La seconde partie du projet de loi, qui est très importante, prévoit que les jeunes contrevenants de 16 ou 17 ans puissent être reconnus coupables de délits graves définis dans la loi, tels que le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable, les voies de fait graves et l'agression sexuelle grave. Ces personnes seront jugées par un tribunal pour adultes à moins qu'il puisse être démontré à un juge qu'un procès devant un tribunal de la jeunesse permettra de protéger le public et de réhabiliter le contrevenant. Cela représente un changement majeur par rapport à la loi actuelle où c'est l'inverse qui prévaut.

Le projet de loi traduit la volonté de la population de connaître les faits entourant les infractions, son droit de savoir. Certains critères devront être établis à cet égard.

Ces derniers jours, à la Chambre, nous avons entendu beaucoup de députés exprimer des craintes devant les demandes de certains médias, jugées indécentes par beaucoup, qui voudraient assurer une couverture plus large des procès de jeunes récemment accusés d'infractions à caractère sexuel et de meurtres. Les députés savent de quels cas je parle sans qu'il me soit nécessaire de donner de noms.

Cependant, l'intérêt public, le droit de savoir de la population, exige que les tribunaux ouvrent de plus en plus leurs salles. Cette tendance se reflète même dans l'architecture, comme en témoigne la conception audacieuse de la nouvelle Cour suprême de la Colombie-Britannique, où Arthur Ericson a voulu que des portes donnent directement sur la rue et que la population puisse traverser les salles d'audience.

Auparavant, les salles de tribunal étaient complètement fermées. Lorsque j'étais un jeune avocat, elles étaient ainsi. C'était très difficile de s'y retrouver. Les fonctionnaires de la cour semblaient faire de leur mieux pour tenir les gens à l'écart. Il y a donc certainement une amélioration sur ce plan. Dans la mesure où les procédures judiciaires font partie du processus d'apprentissage du public en matière de droit pénal, je crois que c'est là un pas en avant, sans inconvénients apparents.

(1550)

L'augmentation de la période d'admissibilité à la libération conditionnelle pour les adolescents de seize et dix-sept ans reconnus coupables de meurtre par un tribunal pour adultes est une réaction à l'opinion très répandue selon laquelle le système de libération conditionnelle aujourd'hui ne fonctionne pas comme il le devrait. C'est un problème sur lequel se penchent de façon plus générale d'autres services au sein du ministère de la Justice.

Il suffit de dire que, pour l'infraction la plus grave de toutes, l'augmentation de la période d'admissibilité pour les jeunes contrevenants répond aux désirs que les Canadiens ont exprimés très clairement à tous les députés dans des lettres ou des pétitions.

Les dispositions relatives aux échanges de renseignements entre les professionnels, les représentants du milieu scolaire, les policiers et certains autres groupes lorsque la sécurité publique est menacée ont été critiquées par certains comme pouvant couvrir les jeunes d'opprobre. Par contre, de l'avis de l'un des partis de l'opposition, ces dispositions ne vont pas assez loin. Il y a deux choses qu'il ne faut pas oublier.

Nous sommes bien loin du XVIIIe siècle, de l'époque où l'on exposait publiquement les gens qui étaient reconnus coupables de certains crimes. On les exposait sur les quais, sur la place du village, ou encore on leur faisait porter une lettre sur la poitrine. Les nouvelles dispositions montrent qu'on est loin de tout cela,


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mais elles montrent aussi qu'on est bien sensibilisé à la Charte des droits. La Charte des droits et libertés, ainsi que l'ont interprétée les tribunaux, définit de façon très stricte les limites du droit du public à l'information et la protection de la vie privée.

En ce sens, il me semble que le ministre est allé aussi loin qu'il pouvait raisonnablement le faire. À titre de réformateur de la loi. il veut que ses réformes tiennent au lieu d'être constamment contestées devant les tribunaux, au risque d'être annulées à cause de l'interprétation rationnelle de la jurisprudence que tous, comme spécialistes du domaine, nous savons faire.

De la même manière, à propos des dispositions sur la réadaptation et le traitement des jeunes contrevenants, j'ai été frappé par les observations du député de Rosemont, de l'opposition officielle. Nous sommes certainement tous disposés à profiter de l'expérience d'autres pays et des provinces de notre fédération. J'ai également été frappé par la question très bien sentie qu'un député de mon parti a posée au député de Rosemont.

Cet échange d'information est important et, en ce qui concerne la loi fédérale, il marque un progrès important par rapport aux dispositions actuelles.

Un élément très intéressant est la disposition que le ministre propose au sujet de la responsabilité des contrevenants en droit privé, des jeunes contrevenants dans le cas présent, lorsque sont en cause des crimes contre la propriété ou des infractions moins graves. Le principe, ici, est celui de la réparation. Le contrevenant doit non seulement purger une peine, mais aussi assumer la charge de remettre en état ce qu'il a si brutalement détruit.

Si des jeunes détruisent sans raison des biens matériels, on peut adopter la méthode de Singapour et les faire fouetter en public. On peut aussi les obliger à réparer le dommage causé. On peut leur faire porter la responsabilité de leurs actes. Je crois que c'est une excellente approche. J'espère qu'elle sera appliquée plus largement dans notre droit pénal.

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Contrairement à l'impression qu'on a dans l'opinion, impression que partagent des responsables publics, il y a toujours place dans notre droit pour des actions en droit privé afin d'obliger le contrevenant à réparer. Elles sont fort courantes dans le droit des pays du continent européen, tant contre les parents des jeunes contrevenants que contre ces derniers, pour lesquels les parents doivent assumer la responsabilité.

Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une innovation. Elle témoigne de la volonté du ministre de rédiger une loi cohérente qui, en une période d'évolution rapide, fait la part des anciens impératifs sociaux et des nouveaux. Dans la recherche de compromis, la loi trouve un équilibre qui transcende le problème social tel qu'il était perçu.

Il s'agit donc d'une mesure importante. Il ne faut pas oublier, dans le cas des jeunes contrevenants, que les longues périodes d'incarcération favorisent la récidive et sont peut-être les moyens de contrôle social les moins efficaces de tous.

Néanmoins, le ministre a proposé d'alourdir les peines pour les crimes les plus graves, soit les meurtres au premier et au deuxième degrés. Dans d'autres domaines, il a tenu compte de la volonté du public de participer, mais a bien précisé qu'il n'avait pas l'intention d'encourager une curiosité malsaine en publiant des enregistrements vidéo que les criminels ont faits de leurs victimes. Nous reconnaissons le droit du public à l'information.

Nous allons faire intervenir les services sociaux pour faciliter la réadaptation des jeunes. Nous allons accepter le principe voulant que, pour assurer la protection du public, il faut donner de l'information aux responsables des écoles et d'autres services, mais cette information devra être donnée dans le respect de la Charte des droits et libertés telle que les tribunaux l'interprètent et comme elle peut prévisiblement s'appliquer dans des cas comme celui-ci.

Compte tenu de tout ce que j'ai dit, je suis heureux d'exhorter la Chambre à adopter le projet de loi C-37.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, il y a une chose que j'ai beaucoup de mal à comprendre. Un jeune de 17 ans tue quelqu'un, comme cette mère d'Edmonton. Un autre, d'un an son aîné, commet le même crime. Ce dernier encourt automatiquement une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré parce qu'il a un an de plus que le premier.

Pourquoi devrait-il y avoir une différence entre un jeune de 17 ans et un autre de 18 ans? Pourquoi le jeune de 17 ans qui commet ce genre de crime est-il condamné à trois ans de prison, comme cela est bien possible, tandis que le jeune de 18 ans qui commet ce genre de crime abominable se voit condamné à 25 ans de prison?

J'ai du mal à accepter cet écart. Pourquoi ne pas stipuler purement et simplement que les jeunes de 16 et 17 ans seront jugés devant un tribunal pour adultes? Pourquoi ajouter «à moins qu'on puisse démontrer qu'il serait plus avantageux pour eux d'être traduits devant un tribunal pour adultes?» Essaie-t-on de créer plus de travail pour les avocats? C'est probablement un des motifs, mais je n'oserais pas le prétendre.

M. McWhinney: Monsieur le Président, je sais gré au député d'avoir posé cette intéressante question. J'aurais cru que le projet de loi, tel que présenté par le ministre, permettait de résoudre les problèmes qu'il soulève. Le projet de loi prévoit que les jeunes de 16 et 17 ans seront jugés devant un tribunal pour adultes. La peine maximale prévue est de dix ans de prison pour un meurtre au premier degré.

Nous parlons de cas limites. Où doit-on fixer la limite? Devrait-on la fixer à 16 ans ou à 15 ans? Pourquoi pas à 14 ans? La criminologie nous apprend qu'autrefois, on condamnait couramment de jeunes enfants à des peines d'emprisonnement à perpétuité et même de mort. Nous avons manifestement dépassé cette époque.


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Nous avons tâché d'établir une nouvelle limite qui reflète les attentes et les réalités actuelles de la société. Il est toujours possible de modifier cette disposition, mais j'aurais cru que le fait de prévoir une peine minimale de dix ans de prison pour meurtre au premier degré représentait un changement important. Sur ce point, j'estime que la mesure à l'étude constitue un progrès. Si l'expérience révélait cependant que des changements s'imposent, on pourrait la modifier de nouveau.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour participer encore une fois au débat sur le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants.

Cette question me tient à coeur, car j'ai été confronté aux problèmes des jeunes contrevenants et à leurs conséquences depuis bien avant l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ai participé aux consultations et aux disputes qui ont duré plus de dix ans, qui ont finalement été à l'origine du projet de loi C-61 en 1981 et qui ont imposé aux Canadiens cette expérience tragique au chapitre des sciences sociales.

J'ai un message non équivoque pour le ministre de la Justice et ses collègues du Cabinet. Je veux aussi réveiller les responsables du ministère de la Justice qui sont chargés de l'élaboration des politiques et qui ont poussé le ministre de la Justice à faire l'erreur de présenter le projet de loi C-37.

Je comprends que le ministre de la Justice doive accepter ce qu'il considère être les meilleures recommandations qu'il puisse obtenir de ses conseillers. Je dis toutefois aux quelques personnes du ministère qui ont induit le ministre en erreur qu'elles sont la honte de notre pays.

L'approche prescriptive condescendante du projet de loi C-37 va fondamentalement à l'encontre des valeurs dominantes des Canadiens, et c'est déplorable. Je ne sais ce que je pourrais dire pour amener les députés d'en face dans la réalité des années 90, pour qu'ils soient lucides et pour qu'ils écoutent ce que j'ai à dire. Ils ne devraient pas rejeter ce que je dis en raison de la place que j'occupe à la Chambre. J'ai une crédibilité certaine lorsqu'il est question de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Notre pays n'a pas besoin du projet de loi C-37. Il a plutôt besoin d'une Loi sur les jeunes contrevenants qui soit renouvelée, qui améliore la sécurité dans nos rues, qui rassure les Canadiens et qui reflète ce qu'ils veulent.

J'invite les députés et le ministre à écouter ce que j'ai à dire et à apporter les correctifs qui s'imposent. Le projet de loi C-37 est une mauvaise mesure. Espérons que nous pourrons la rectifier lors de l'examen après dix ans.

Depuis mon arrivée à Ottawa, j'ai participé à presque toutes les séances du Comité de la justice qui ont porté sur le projet de loi C-37. J'ai organisé des assemblées municipales et j'ai effectué de vastes sondages dans ma circonscription, celle de New Westminster-Burnaby. J'ai aussi consulté des Canadiens d'un océan à l'autre. La conclusion est toujours la même: la Loi sur les jeunes contrevenants et les modifications qui y sont proposées dans le projet de loi C-37 sont loin de résoudre les problèmes actuellement associés aux jeunes contrevenants.

Dans un sondage figurant dans un bulletin parlementaire que j'ai envoyé récemment, j'ai posé une question directe à mes électeurs: L'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants doit-elle être modifiée? Mes électeurs ont répondu par l'affirmative dans une proportion renversante de 96,3 p. 100. Le consensus qui est ressorti des assemblées municipales qui se sont tenues dans ma circonscription, c'est qu'il faut abaisser l'âge et modifier d'autres éléments essentiels.

Cette impression est généralisée partout au Canada. Les libéraux au grand coeur ne veulent toutefois pas le reconnaître. Il est clair que la Loi sur les jeunes contrevenants laisse fondamentalement à désirer et qu'elle n'est pas acceptée comme on pourrait s'y attendre si elle fonctionnait convenablement.

Les Canadiens en ont assez des lourds impôts ainsi que d'un déficit et d'une dette dont on a perdu la maîtrise. Ils en ont assez des mesures de contrôle des armes à feu qui ne découragent pas les criminels. Par-dessus tout, ils en ont assez de la Loi sur les jeunes contrevenants, qui ne protège pas les innocents et ne respecte pas les principes de la dissuasion générale ou particulière. Au contraire, celle loi semble protéger les droits des contrevenants d'une manière déséquilibrée par rapport à ceux des victimes.

La Loi sur les jeunes contrevenants garantit que l'identité des jeunes contrevenants ne soit pas connue même si cela fait courir des risques graves au public en général. En outre, la Loi sur les jeunes contrevenants ne reconnaît pas les droits de la victime à titre de composante nécessaire du système de justice, puisqu'il n'y a aucune reconnaissance juridique de leur participation au procès.

Le ministre de la Justice a demandé la tenue de consultations, comme dans son document de discussion publié en 1993 et intitulé Objectif: sécurité communautaire. Le public pense que le ministre s'intéresse vraiment à ce qu'ils ont à dire. Ce que les gens ne savent pas, toutefois, c'est que le ministre avait déjà fini de rédiger le projet de loi lorsqu'il a reçu les dernières réponses.

Le Parti libéral ne sait pas encore ce que c'est qu'une véritable consultation. Il devrait peut-être imiter ce que nous faisons de ce côté-ci de la Chambre. Consulter implique que l'on ne fait pas qu'écouter, mais que l'on met en oeuvre ce que la majorité veut. Il faut encore rappeler aux Canadiens que, pour les libéraux, consulter, c'est faire semblant d'écouter, puis de faire ce qu'on avait prévu de faire initialement.

(1605)

Avant la rédaction du projet de loi C-37, plusieurs manifestations se sont tenues dans tout le pays en faveur d'une refonte complète de la Loi sur les jeunes contrevenants. Qu'est-il arrivé? Pas de refonte. Maintenant, à la veille de la présentation du budget de 1995, les Canadiens manifestent de Victoria à St. John's contre toute nouvelle hausse d'impôt. Qu'arrivera-t-il? Le ministre des Finances relèvera les impôts et augmentera le déficit du même coup. Les libéraux auront toujours l'audace de prétendre que c'est ce que les gens voulaient, ou aurait dû vouloir.

Le Parti réformiste respecte les gens de la base et les écoute très attentivement. Notre plan de réforme de la Loi sur les jeunes contrevenants est un plan communautaire, qui suit une démarche ascendante et non la démarche descendante traditionnelle dans laquelle on ne consulte pas la base. Par conséquent, les propositions réformistes que je voudrais présenter correspondent à ce que réclament les Canadiens et à ce qu'ils méritent.


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Premièrement, fixer à 10-15 ans inclusivement l'âge des jeunes contrevenants dans la définition, au lieu de 12-17 ans inclusivement. Deuxièment, faire en sorte que tout jeune contrevenant qui commet une infraction punissable puisse être jugé par un tribunal pour adultes. Troisièmement, éliminer de la Loi sur les jeunes contrevenants les dispositions exceptionnelles qui portent sur la confidentialité et le secret ainsi que traiter tous les dossiers des jeunes contrevenants, l'accès à l'information et la capacité de publier leur nom comme on le fait pour les adultes.

Quatrièmement, déterminer la peine en mettant l'accent sur l'indemnisation des victimes, le service communautaire, l'acquisition de nouvelles compétences, l'éducation et la dissuasion. Dans l'établissement de détention, favoriser la réadaptation en instaurant un climat de discipline. Il ne faudrait pas exiger le consentement du jeune contrevenant pour les ordonnances de traitement médical ou psychologique.

Cinquièmement, tenir les parents des jeunes contrevenants responsables de l'indemnisation des victimes, dans les cas d'infraction contre les biens, s'il est prouvé qu'ils n'ont pas fait un effort raisonnable pour exercer une surveillance. Sixièmement, accorder aux victimes une capacité juridique au tribunal pour adolescents et les inviter à participer aux différentes étapes du procès.

Nos électeurs nous demandent souvent pourquoi le gouvernement ne fait qu'apporter des retouches à la Loi sur les jeunes contrevenants au lieu d'y apporter, d'un seul coup, tous les changements nécessaires. Je pense que nous savons pourquoi. En y apportant de légères modifications tout au long de son mandat, le gouvernement donne l'impression de travailler réellement fort pour les gens tandis qu'en réalité, il ne fait que conserver le statu quo et ne change pas ce qu'il nous a donné, au départ.

Bon nombre de députés ont pris la parole sur le projet de loi C-37 à l'étape de la deuxième lecture, et bon nombre d'autres députés vont le faire à cette étape-ci. Cependant, très peu de ceux qui vont parler de ce projet de loi ont connu directement les frustrations qu'engendre la Loi sur les jeunes contrevenants. Je sais que bon nombre de mes collègues sont avocats, mais je sais aussi que très peu d'entre eux ont eu à s'occuper de la défense ou de la poursuite d'un jeune contrevenant.

À titre d'ancien agent de probation du tribunal pour adolescents de la Colombie-Britannique, j'ai eu à travailler chaque jour avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Pendant des années, j'ai dû vivre avec les problèmes qu'engendrait la Loi sur les jeunes contrevenants. À titre d'officiel de la cour, j'ai fait de mon mieux pour appliquer, dans le grand public, la Loi sur les jeunes contrevenants et la loi qui la précédait, la Loi sur les jeunes délinquants, qui avait été adoptée en 1908.

Il y avait bien sûr les avocats qui étaient appelés à défendre des jeunes devant les tribunaux. Pour ma part, j'ai rendu visite régulièrement à des jeunes contrevenants, chez eux, pour connaître le milieu dans lequel ils vivaient. J'ai défendu avec vigueur des solutions novatrices à différents problèmes de gestion des cas, des solutions où l'on faisait intervenir la santé publique, le travail social et la psychiatrie en milieu scolaire pour répondre aux différents besoins. Cet effort déployé avant et après les audiences du tribunal date de bien avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants. La réalité touchant l'administration des peines et les incidences de la Loi sur les jeunes contrevenants ont peu de choses à voir avec la procédure judiciaire. Les rédacteurs de lois et les technocrates saisissent mal ce monde qui leur échappe.

Je le mentionne parce que cela a trait non seulement aux modifications qui devraient être apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants, mais également à la crédibilité du messager. Le Bloc m'a accusé d'être un partisan du «fascisme nostalgique», lorsque je me suis prononcé sur la Loi sur les jeunes contrevenants le 12 mai 1994.

Je tiens simplement à rappeler à mes détracteurs à la Chambre et à ces rares avocats qui pensent bien connaître les jeunes contrevenants- il semble que tout le monde à la Chambre ait quelque chose à dire à propos de la criminalité chez les jeunes-que mes recommandations sont le fruit de nombreuses années d'efforts concrets pour faire fonctionner le système à la base.

Loin d'être réactionnaires de droite, les propositions du Parti réformiste sont profondément enracinées dans l'expérience directe et une recherche soutenue de l'équilibre à atteindre entre les désirs de la société et les préoccupations particulières des contrevenants.

Quant au député de Notre-Dame-de-Grâce, il est réputé dans tout le pays pour ses opinions erronées sur les contrevenants. À l'étape du rapport, ce qu'il a dit au sujet de la position du Parti réformiste sur le projet de loi C-37 visait davantage à dissimuler son sentiment de culpabilité vis-à-vis le mal que lui-même et ses collègues ont fait à ce pays, lorsqu'un précédent gouvernement libéral, dont faisait partie l'actuel premier ministre, a dit aux Canadiens ce qui était bon pour eux et nous a donné la Loi sur les jeunes délinquants.

J'ai participé aux premières consultations au cours desquelles la Loi sur les jeunes délinquants est devenue la première mouture de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les théories ont changé. J'ai vu des adolescents violents libérés en raison de points de détail mineurs et de vices de forme dans la loi. Qu'on me comprenne bien lorsque je dis que la Loi sur les jeunes contrevenants est terriblement déficiente et ne fera que nuire encore davantage aux Canadiens si on la maintient dans sa forme actuelle, notamment si les modifications apportées au projet de loi C-37 reçoivent la sanction royale.

(1610)

Dans l'exercice de ma profession, j'ai tenté de défendre le système avec l'ensemble des règles et des ressources que j'avais à ma disposition. J'ai parfois trouvé que la loi était très lourde: un énoncé libéral où des espoirs irréalistes l'emportaient sur la réalité et où des règles inflexibles l'emportaient sur le bon sens, un sentiment que le gouvernement trahissait beaucoup de victimes, et carte blanche donnée au prédateur égocentrique.

J'ai souvent rencontré des parents mécontents dans les deux camps. Certains voulaient que la loi punisse leur fils ou leur fille qui l'avait enfreinte, mais les autorités, y compris moi-même, en tant qu'officiel de la cour, avions les mains liées. Les victimes posaient systématiquement la même question: «Pourquoi ne peut-on pas tenir responsables les parents des jeunes contrevenants? Pourquoi les tuteurs qui sont censés accomplir leur devoir et qui ne le font pas ne peuvent-ils pas être tenus responsables des actes qu'ils ont laissé commettre?» Lorsqu'un jeune contrevenant a été appréhendé par la justice, combien de fois avons-nous tous entendu des gens se demander où étaient ses parents?


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Le gouvernement a donné sa réponse au Canada, et elle était claire et sans équivoque. Cela l'indiffère complètement. En décembre 1994, ce projet de loi en était à l'étape de l'étude en comité. À ce moment-là, les partis libéral et réformiste ont proposé des modifications au projet de loi C-37. Chaque modification présentée par le Parti réformiste a été rejetée par les libéraux, non pas parce qu'ils n'y étaient pas favorables, mais parce que certains craignaient de briser les rangs du parti. En fait, ils avaient peur de faire la chose honorable pour le Canada.

Une de nos modifications aurait inséré dans la Loi sur les jeunes contrevenants une responsabilité parentale limitée. La modification proposée portait sur l'article 13 du projet de loi et demandait aux tribunaux d'ordonner à la personne chargée de la garde et de la surveillance de l'adolescent et ayant négligé d'accomplir raisonnablement son devoir prévisible de parent, de verser, au moment et aux conditions fixés par le tribunal, un montant visant à compenser la perte de biens, de revenu ou de soutien financier, ainsi que des dommages spéciaux ou une blessure découlant de la commission de l'infraction lorsque la valeur de ceux-ci était facilement vérifiable, mais aucune ordonnance ne devait être prise en cas de dommages généraux.

Tout le pays connaît maintenant la position du gouvernement. Il est déterminé à agir à sa guise, à défendre le statu quo et à continuer d'utiliser l'ancienne façon de gouverner le pays. Les libéraux n'ont écouté la population que lorsqu'ils préparaient le livre rouge. Les libéraux ont mis dans le livre rouge ce que les gens voulaient entendre, mais ils se sont empressés ensuite d'oublier ce que les Canadiens leur avaient dit.

Dans ce livre, les libéraux ont promis de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants et même d'apaiser les craintes des Canadiens. Ce n'était qu'un miroir aux alouettes, selon moi. On n'a absolument pas tenu compte de la position des Canadiens.

Voyons ce qui a été réalisé jusqu'à maintenant. Les libéraux ont été portés au pouvoir et les Canadiens sont encore les victimes d'une malencontreuse Loi sur les jeunes contrevenants. Le gouvernement ne respecte pas ses engagements et nous laisse carrément tomber en ne prenant pas des mesures audacieuses pour corriger un système bien imparfait et en se contentant de présenter un projet de loi qui n'a d'autre but que d'apaiser la population dont il a sollicité la confiance durant la campagne électorale et de faire semblant de tenir une promesse électorale.

Les initiatives libérales viennent tout simplement d'en haut et non de la base. Elles dénotent une attitude paternaliste envers la population qui est de plus en plus consciente des problèmes et de plus en plus exigeante, à juste titre. Je suis très pessimiste à l'égard des résultats de tout examen que l'on pourrait faire de la loi au bout de dix ans, comme on l'a annoncé.

Les députés ne sont pas encore confrontés à une réaction brutale de la part des électeurs, mais soyez certains que, lorsqu'ils chercheront à se faire réélire, les électeurs de tout le pays demanderont aux libéraux ce qu'ils ont fait pour améliorer la Loi sur les jeunes contrevenants. Lorsque les ministériels devront défendre, façe à leurs électeurs, certaines améliorations insuffisantes, les Canadiens se tourneront alors vers le parti représentant vraiment le peuple, c'est-à-dire le Parti réformiste.

Nous avons une idéologie sociale fondée sur la transparence et les responsabilités à l'égard de la collectivité que les libéraux, avec leur idéologie dépassée, ne peuvent pas comprendre. Une nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants doit être sensée sur le plan social et refléter clairement les valeurs ainsi que les principes de la société canadienne. Il lui faut non seulement porter sur la réinsertion sociale et le traitement des individus en cause, mais également avoir un effet dissuasif et prévoir des peines exemplaires. Ce doit être le reflet des valeurs du Canadien moyen.

Les parents s'inquiètent de la sécurité de leurs enfants. Ils veulent que le système de justice ait des comptes à rendre à la collectivité et ils souhaitent avoir le sentiment de pouvoir jouer un rôle de premier plan dans le processus judiciaire. Ils sont exaspérés de constater que le système actuel semble centré seulement autour d'un groupe choisi, un groupe formé par les professionnels de la justice, les criminologues, la communauté juridique, les agents de correction, les organismes d'aide aux délinquants et la police.

Neuf pages de ce projet de loi renferment des modifications partant d'une fausse hypothèse. J'invite clairement le ministre à laisser tomber ces notions anciennes et toutes ces complications bureaucratiques, alors qu'une seule ligne dans la loi suffirait pour dire simplement qu'il n'y a aucune différence entre le casier judiciaire d'un jeune traduit devant un tribunal pour adolescents et celui d'un jeune jugé par un tribunal pour adultes, que ces deux casiers doivent être contenus dans le même ordinateur et traités comme tous les autres casiers judiciaires.

La société a horreur des crimes violents, et il faut donc prévoir des peines exemplaires, ainsi que des initiatives sensées pour assurer la protection de la société.

(1615)

Si un jeune contrevenant violent de 16 ou 17 ans demeure assujetti à la Loi sur les jeunes contrevenants, la peine maximale qui peut lui être attribuée pour un meurtre au premier degré est de dix ans d'emprisonnement. Si la cause du même jeune contrevenant violent est instruite devant un tribunal pour adultes, la peine pour un meurtre au premier degré est l'emprisonnement à perpétuité. La période de dix ans stipulée dans la nouvelle proposition peut sembler suffisamment sévère, mais, en réalité, il est probable que les coupables resteront tout au plus six ans en détention et profiteront du programme de surveillance communautaire pendant les quatre autres années.

À l'autre extrémité du spectre se trouvent les jeunes de 10 et 11 ans qui aiguisent leur ego et veulent défier la société. Selon les dispositions du projet de loi C-37, ces jeunes demeurent intouchables. Lorsqu'ils atteignent 12 ans, les plus endurcis sont déjà aguerris aux moeurs de la rue et défient le système en commettant des infractions de plus en plus graves. Lorsqu'ils comparaissent devant un tribunal, en tant que jeunes contrevenants, ils ne sont déjà plus du tout intimidés par le système. Les avertissements et les chances successives qu'on leur donne alors ne servent plus à rien.

Ils sont souvent trop enracinés dans leur jeu pour vouloir en sortir ou pour imaginer comment ils pourraient changer. Cependant, si on plaçait ces jeunes de 10 ou 11 ans sous l'égide du système juridique, si on les dénonçait publiquement et si on leur imposait des programmes d'éducation et de réadaptation, ils


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réagiraient beaucoup plus favorablement aux efforts visant à les ramener dans le droit chemin.

Nous disposerions ainsi des outils juridiques nécessaires pour interrompre la spirale des infractions et exiger que les services de santé publique, les services sociaux et le système d'éducation unissent leurs efforts pour traiter résolument ces cas.

Le Parti réformiste ne peut appuyer ce projet de loi. Ce dernier ne répond pas aux attentes de mes électeurs. En fait, je sais que certains députés d'en face représentent des circonscriptions voisines de la mienne. Je reçois de la correspondance de leurs électeurs, et ceux-ci n'appuient pas le projet de loi C-37. Par conséquent, ces députés du gouvernement devraient, eux aussi, refuser de l'appuyer.

Il y a tout de même un espoir pour ce projet de loi, c'est-à-dire la deuxième phase, qui devrait avoir lieu au cours de l'année. Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques entendra alors des témoins de toutes les régions du Canada dans le cadre de l'examen décennal qui portera non seulement sur les amendements au projet de loi C-37, mais sur toute la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je crois savoir que le comité traversera le pays et donnera à tous les Canadiens l'occasion de faire valoir leurs points. Je tiens à encourager le président du comité à solliciter les témoignages de membres de tous les groupes intéressés et à ne pas laisser les audiences aux mains de coeurs sensibles comme ce fut le cas durant l'étude du projet de loi en comité.

De même, je prie le ministre de la Justice de respecter les volontés de tous ceux qui participeront à cet examen décennal car ils sont les premiers touchés par les modifications. Le ministre aura donc une deuxième occasion de prendre les mesures qui s'imposent, c'est-à-dire abaisser les âges limites, amener les contrevenants commettant des infractions graves devant les tribunaux pour adultes, éliminer les interdictions de publier, tenir compte des victimes et obliger les parents à assumer la responsabilité des crimes contre la propriété commis par leurs enfants.

Il faut que la Loi sur les jeunes contrevenants devienne un énoncé de principe, au lieu de cet enchevêtrement de dispositions qui prend de plus en plus l'allure d'un régime de retraite pour avocats. Le projet de loi C-37 fait fausse route, et je demande au gouvernement de remédier à cela au cours de l'examen décennal.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter mon collègue pour son excellent discours et les belles paroles qu'il contenait.

J'ai moi aussi acquis beaucoup d'expérience auprès des jeunes depuis trente-cinq ans. Mon collègue pourrait-il expliquer à la Chambre ce qu'était un jeune contrevenant de moins de douze ans à cette époque? À quel point était-ce réaliste? À quel point un enfant entre sept et onze ans était-il informé et responsable de ses actes, alors que cette idée n'a plus cours aujourd'hui?

J'aimerais connaître son point de vue au sujet des jeunes de moins de douze ans.

M. Forseth: Monsieur le Président, nous savons que traditionnellement, en vertu de la common law, les jeunes de moins de sept ans n'étaient pas traduits devant une cour criminelle. La pratique administrative provinciale qui s'est établie faisait en sorte que, aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, un enfant de moins de dix ans n'était jamais traduit devant une cour criminelle.

Notre proposition de modifier l'âge limite vise à assurer un meilleur contexte à l'intérieur duquel les services sociaux puissent intervenir directement auprès de ceux qui sont le plus susceptibles de bénéficier de leur aide.

On a fait valoir qu'à une époque de prise de conscience et de changements sociologiques, nous continuons de traiter comme des enfants mal orientés des jeunes de 16 ans qui ont pourtant le privilège de conduire une automobile et de conduire avec des facultés affaiblies.

Si on abaissait à dix ans l'âge limite de la Loi sur les jeunes contrevenants, la plupart des jeunes de dix et onze ans ne seraient jamais traduits en justice. On aurait recours à d'autres moyens. Cette mesure donnerait cependant une marge de manoeuvre à la police, qui pourrait rapidement réorienter les cas exceptionnels et éviter ainsi des tragédies dans le système par la suite. Selon nous, le changement de l'âge limite est justifié par la criminologie et par l'expérience des services sociaux. Il n'est pas le fruit d'une attitude réactionnaire.

(1620)

M. Jesse Flis (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'espérais que le député allait s'attarder un peu plus longtemps sur les autres moyens dont il avait commencé à parler.

Je me demande si le député a devant lui le même projet de loi C-37 que moi. Je me permets d'attirer son attention sur le sommaire:

Le texte modifie la Loi sur les jeunes contrevenants et le Code criminel.
Les principales modifications apportées par le texte sont les suivantes.
Les jeunes de seize et dix-sept ans accusés de certains crimes graves comportant de la violence sont jugés par les tribunaux pour adultes[. . .]
La période d'admissibilité à la libération conditionnelle est augmentée pour les adolescents de seize et dix-sept ans reconnus coupables de meurtre par un tribunal pour adultes.
Les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs actes à l'égard de la victime[. . .]
C'est ce que réclament ses électeurs. Par esprit d'équité, il devrait attirer leur attention sur ce fait.

Certaines personnes qui ont besoin d'obtenir des renseignements sur les jeunes contrevenants pour des raisons de sécurité y ont maintenant accès.
Ça aussi, c'est quelque chose que réclament ses électeurs. Parfois, je me dis que les députés ne servent pas leurs électeurs comme ils le devraient s'ils ne leur disent pas exactement ce qu'il y a dans ce projet de loi.

M. Forseth: Monsieur le Président, j'ai essayé de leur dire ce qu'il y avait dans ce projet de loi. La timide tentative d'ouverture du système, notamment le partage de renseignements, va résulter


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en une disposition tellement tordue qu'elle va être extrêmement difficile à appliquer.

Selon les arguments très convaincants qui nous ont été présentés, avec la charte, nous n'avons pas besoin de loi sur les jeunes contrevenants. C'est ce que nous ont expliqué des personnes très savantes.

À mon avis, le projet de loi C-37 ne va pas assez loin en ce qui concerne les déclarations en particulier et la transparence en général. Afin que les peines aient l'effet dissuasif voulu, il faut que les médias soient au courant. Nous avons tout un système de règles qui régit l'utilisation du casier judiciaire. Je sais combien il est difficile de ne pas mélanger les dossiers, de ne pas révéler ce qui ne doit pas l'être à une date ultérieure devant les tribunaux, et de savoir ce que j'ai le droit de dire au juge et ce que je n'ai pas le droit de lui dire aux termes des dispositions tordues de la Loi sur les jeunes contrevenants. Parce qu'elle se veut un outil de réinsertion sociale, la loi permet qu'on trompe le juge.

À mon avis, cet idéal ne peut être atteint et il n'y a pas un seul cas qui puisse justifier cette démarche. Par contre, je peux vous citer plus d'un cas où la loi a eu l'effet inverse et a fait beaucoup de mal.

Quant aux jeunes de 16 et 17 ans, nous sommes d'avis qu'ils devraient être jugés par un tribunal pour adultes.

M. Morris Bodnar (Saskatoon-Dundurn, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour examiner la Loi sur les jeunes contrevenant à la lumière de certains commentaires qui ont été faits, notamment les commentaires fondés sur le principe voulant que la criminalité parmi les jeunes soit un phénomène croissant dans notre société.

Ce n'est simplement pas vrai. En disant que la criminalité parmi les jeunes augmente, le Parti réformiste induit les gens en erreur. Ce n'est pas vrai. C'est ça le problème. Leurs arguments sont fondés sur un principe qui est faux.

Quand nous traitons de questions comme celle d'abaisser l'âge, qu'est-ce que l'âge de dix ans a de si magique? Si nous ramenons l'âge de 12 à 10, pourquoi ne pas le ramener à 8? Pourquoi ne pas le ramener à l'âge où l'enfant commence à marcher? Y a-t-il un problème à cela?

C'est là qu'est l'autre problème. On ne s'appuie sur rien pour expliquer les raisons pour lesquelles l'âge devrait être ramené à 10 ans. J'ai un enfant de douze ans. Je ne peux absolument pas m'imaginer cet enfant devant un tribunal pour adolescents. Les adolescents sont jeunes et ne sont pas mûrs. Ils sont peut-être développés physiquement, mais ils ne sont pas mûrs mentalement. Confier le sort de tels adolescents au système de justice pénale n'est pas la chose à faire.

(1625)

Le projet de loi veut que de jeunes adolescents puissent être renvoyés devant un tribunal pour adultes. Selon les changements proposés en ce qui concerne les infractions graves, les jeunes de 16 et 17 ans doivent être traduits devant un tribunal pour adultes, à moins qu'ils n'arrivent à convaincre le tribunal qu'ils doivent être jugés par un tribunal pour adolescents. Il n'est pas nécessaire d'apporter des changements à cet égard.

On a également mentionné la question de la suppression de la confidentialité. À quoi sert-il à la société de révéler le nom d'un jeune contrevenant? Cela va avoir pour résultat de mettre l'enfant au ban de la société et de lui ôter toute possibilité de réadaptation. Ce n'est pas ce que veut le Parti réformiste. Il veut savoir et faire savoir que tel adolescent a été jugé par un tribunal pour jeunes.

Il n'y a rien à gagner à révéler cette information. Nous réglons cette question dans les amendements proposés, afin que les renseignements aillent aux parties réellement intéressées. Ce peut être des enseignants ou des groupes scolaires qui peuvent tirer profit de cette information.

L'imposition des peines est l'autre question soulevée. On insiste sur la réadaptation. Le Parti réformiste doit se rendre compte que c'est une question de compétence provinciale. Les jeunes contrevenants condamnés sont envoyés dans des établissements qui sont sous le contrôle des provinces. Les gouvernements provinciaux sont tous différents.

Certaines provinces mettent les jeunes contrevenants dans une prison, bouclent la porte et les libèrent quatre, cinq ou dix mois plus tard. Une fois la porte ouverte, il en sort un adolescent qui est non pas réadapté, mais simplement mieux formé par son stage en prison pour commettre des crimes. Voilà le problème que nous avons.

Si l'adolescent sort mieux formé pour commettre des crimes, nous avons un problème sérieux, car il ne tardera pas à être un adulte bien équipé pour une vie de crime. Cette personne ne cessera pas de revenir dans le système.

La réadaptation peut fonctionner très bien, et les gouvernements devraient y avoir recours, mais je répète, c'est une question de compétence provinciale. Les provinces devront y travailler plus sérieusement que par le passé.

Les députés réformistes veulent que les parents des jeunes contrevenants indemnisent les victimes. Lorsqu'on traite de ces questions, il faut distinguer entre droit civil et droit criminel. Lorsqu'on mélange les deux, cela ne va pas nécessairement très bien. C'est certainement quelque chose qu'il faut éviter.

Si l'on donne le droit d'action en justice aux victimes, il faut se demander si le crime reste une infraction contre l'État, comme c'est traditionnellement le cas en droit pénal, ou si tout le monde pourra se présenter et demander à être partie lorsque l'affaire sera devant le tribunal? Cela irait à l'encontre de centaines d'années de tradition.

Certaines perceptions ont été soulevées par les députés du Parti réformiste. Selon eux, la quantité d'infractions commises par de jeunes contrevenants serait en augmentation, alors qu'il n'en est rien. Le seul type de criminalité qui ait augmenté est le crime avec violence. Cependant, quand on parle de crime avec violence, on parle d'agressions, de coups et d'autres méfaits de cet ordre.


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Le problème, c'est que les gens rapportent davantage ce genre d'incidents. Quand deux jeunes se battent à l'école, on ne se contente pas de les envoyer au bureau du directeur ou d'appeler leurs parents. On appelle la police et on porte des accusations. C'est ainsi que les chiffres sont gonflés et que les statistiques en viennent à montrer une fausse augmentation de cette forme de criminalité. Voilà le problème.

(1630)

On utilise les statistiques pour déformer les faits. En réalité, les jeunes de 16 et 17 ans sont traités plus durement que les adultes, dans notre système de justice pénale. Quand ces jeunes sont condamnés à six mois de garde en milieu fermé par le tribunal pour adolescents, ils doivent servir les six mois, jour pour jour. Ils n'ont pas droit à la libération conditionnelle; ils ne sont pas libérés avant terme. Ils n'ont pas droit au traitement que notre système réserve aux adultes.

L'autre problème qui se pose est l'impression que la police est incapable de faire appliquer la loi dans le cas des jeunes contrevenants, mais ce n'est évidemment pas le cas. Elle a absolument les mêmes droits envers eux qu'envers les adultes. Si, en appliquant les mêmes règles, la police est en mesure de traiter avec les criminels adultes, elle l'est certainement aussi avec les jeunes contrevenants.

La Loi sur les jeunes contrevenants donne plus de pouvoir à la police, comparativement à l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants. La police peut ficher les empreintes digitales des jeunes et conserver leur dossier judiciaire. Les jeunes sont ainsi traités davantage comme des adultes, ce qui simplifie aussi les choses pour la police quand vient le temps d'appliquer la loi dans le cas de jeunes contrevenants.

Les jeunes peuvent aussi être jugés par des tribunaux pour adultes. En vertu des mesures et des modifications proposées, les jeunes de 16 et 17 ans accusés de crimes graves sont automatiquement jugés par des tribunaux pour adultes. La peine prévue pour meurtre au premier degré est passée de cinq à dix ans. C'est la peine maximale. Évidemment, le juge a entière discrétion dans la détermination des peines.

On doit se demander à quoi servirait d'augmenter encore les peines prévues. À quoi bon condamner un jeune de 16 ans à la prison à vie? À quoi cela peut-il servir? Les jeunes qui causent des ennuis viennent souvent de familles perturbées. Dans bien des cas, leurs parents sont alcooliques. Ils grandissent sans la moindre discipline. Ils entrent dans le monde sans savoir comment s'y comporter.

La solution des réformistes consiste simplement à se débarrasser de ces jeunes, à les enfermer et à les faire vivre toute leur vie; ils veulent reproduire le modèle du système californien, où les prisons accaparent plus d'argent que l'éducation. Si c'est notre but, nous avons vraiment un problème. Nous ne pouvons faire cela aux jeunes Canadiens en difficulté. Nous devons faciliter leur réhabilitation. Il faut continuer de croire en nos jeunes.

Voici un autre problème auquel nous sommes confrontés: dès qu'on tente de prouver qu'un système fonctionne bien depuis un bon bout de temps, on est immédiatement accusé d'avoir un coeur sensible.

Les avocats de la poursuite dans les causes ayant trait à la Loi sur les jeunes contrevenants soutiennent que cette loi fonctionne bien. Ce sont des avocats canadiens. Ils travaillent continuellement au sein du système. Il faut vraiment être mal renseigné pour soutenir que la loi fonctionne mal. Quand on est bien renseigné, on convient qu'au fond, la Loi sur les jeunes contrevenants fonctionne bien.

Les infractions qui comportent le plus de violence ne sont pas le fait de jeunes. Ce sont des adultes qui commettent 86 p. 100 des crimes violents au Canada. Des quelque 14 p. 100 de ces crimes commis par des jeunes, la moitié sont classés comme étant des voies de fait simples, par exemple, une gifle ou un coup de poing. Ce sont les faits dont nous disposons. Plus de 57 p. 100 des infractions contre les biens qui sont commises par des jeunes sont des vols, dont la plupart représente une valeur de moins de 1 000 $. En d'autres termes, la plupart du temps, il s'agit de vol à l'étalage.

(1635)

Ne déformons pas les faits. C'est précisément en nous basant sur ces faits que nous devons étudier la Loi sur les jeunes contrevenants pour voir si elle fonctionne bien. Je le crois.

Jusqu'à maintenant, les policiers jugent souvent qu'il n'y pas lieu d'intenter des poursuites, surtout dans le cas de premières infractions par de jeunes contrevenants. Ils ramènent ces jeunes chez eux, auprès de leurs parents. Les jeunes sont souvent plus embarrassés qu'autre chose, et l'affaire ne va pas plus loin. De nos jours, on ne traite plus les jeunes de la même façon. Lorsqu'un jeune est arrêté, une accusation est portée, le contrevenant est traduit en justice et le tribunal tranche la question.

Je ne dis pas qu'il ne devrait pas en être ainsi, mais j'explique comment les statistiques sont gonflées. Les statistiques sont gonflées dans des domaines où elles ne devraient pas l'être. De plus, les gens ont de plus en plus tendance à rapporter les incidents qui se produisent à l'école, au lieu de les régler eux-mêmes, comme ils le faisaient par le passé.

Lorsque nous étions jeunes et qu'une bataille éclatait dans la cour d'école, le directeur intervenait et réglait lui-même l'affaire, du moins à mon école. Il conduisait les jeunes à son bureau. Certains recevaient des coups de martinet; d'autres écopaient de retenues. Personne ne faisait appel aux policiers. De nos jours, les policiers sont appelés à porter des accusions, ce qui fausse les chiffres dont nous disposons.

Toutefois, la proportion d'inculpés depuis 1986 n'a presque pas changé. Il n'y a pas eu de grande escalade de la criminalité chez les jeunes. Cela ne s'est tout simplement pas produit. On a juste l'impression que la violence s'est intensifiée lorsque des faits dénaturés sont présentés à la population. Cela ne s'est pas produit. Par conséquent, il faut en informer la population.


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En 1992, 14 p. 100 des jeunes contrevenants ont été accusés de crimes comportant de la violence. Presque la moitié de ces infractions équivalaient à des voies de fait simples, où les contrevenants n'avaient pas utilisé d'armes. Dans environ 2,4 p. 100 des cas, les victimes ont subi des lésions corporelles très graves. On parle du grand mécontentement que suscite la façon dont ces questions sont réglées ou devraient l'être. En fait, le nombre de jeunes accusés d'introduction par effraction a diminué. En 1992, il était inférieur au nombre atteint en 1986. Les chiffres se passent d'explication.

La Loi sur les jeunes contrevenants doit avoir du bon. Il y a sûrement quelque chose qui fonctionne bien. Certains passages restent à peaufiner, et c'est ce que nous avons essayé de faire en portant à dix et sept ans d'emprisonnement respectivement les peines pour les adolescents reconnus coupables, par un tribunal pour la jeunesse, de meurtre au premier degré ou au second degré. Nous espérons avoir réglé la question en assouplissant le système.

Le député réformiste parle de réadaptation. La réadaptation constitue un élément important. Toutefois, elle commence très souvent en prison parce que les jeunes qui y sont condamnés n'ont jamais eu la chance de se réadapter avant. Ils n'ont jamais appris à se lever le matin et à aller travailler. Ils n'ont jamais appris à faire le ménage de leur chambre. On ne leur a jamais parlé d'hygiène personnelle. Ils n'ont jamais appris des choses aussi élémentaires que travailler. Ils n'ont jamais appris à rien nettoyer. Ils n'ont jamais reçu de formation professionnelle de base. Ce sont là des choses qui doivent être apprises et qui font partie du programme de réadaptation nécessaire. On ne peut pas faire cela en jetant simplement les jeunes contrevenants en prison et en les oubliant là jusqu'à ce qu'ils aient purgé leur peine.

Je dois admettre qu'il vaudrait parfois la peine de faire subir le même traitement aux parents, car beaucoup n'ont pas non plus appris à se lever le matin et n'ont donc pas pu l'enseigner à leurs enfants. C'est un cercle vicieux. Cela se transmet de génération en génération et il faut que cela cesse. La Loi sur les jeunes contrevenants va aussi loin que faire se peut à cet égard. À un moment donné, c'est aux provinces d'agir.

(1640)

Ce n'est pas faire du sentiment que de voir les choses de cette façon. Mais alors là, pas du tout. Cela relève du simple bon sens. Je voudrais bien qu'on le dise parfois lorsqu'on parle des jeunes contrevenants. Le bon sens est pour quelque chose là-dedans et contribue certes beaucoup à régler les problèmes.

Les jeunes contrevenants qui sont violents doivent être emprisonnés plus longtemps. C'est ce que prévoit la Loi sur les jeunes contrevenants, afin qu'ils puissent se réadapter dans les établissements où ils sont placés. Une fois cela fait, il appartient aux provinces et au personnel qui travaille auprès des jeunes dans ces institutions de prendre la relève plutôt que garder ces jeunes en détention pendant de longues périodes.

Dans les propositions formulées au sujet des transferts devant les tribunaux pour adultes, nous avons fait ce que beaucoup de Canadiens préconisaient, c'est-à-dire que les jeunes contrevenants accusés d'infractions graves seront jugés par des tribunaux pour adultes. Si, et seulement si, ces jeunes peuvent convaincre un juge qu'un procès devant un tribunal de la jeunesse suffira à garantir la sécurité de la population et permettra leur réadaptation, alors, leur cas ne sera pas transféré. Le jeune contrevenant qui a fait 10 ou 15 entrées par effraction ne sera pas jugé par un tribunal de la jeunesse, mais par un tribunal pour adultes. Les jeunes récidivistes seront jugés par des tribunaux pour adultes.

Ce sont là des facteurs importants. Nous avons pris des mesures responsables en présentant ces modifications au Parlement, car elles donneront plus de souplesse aux tribunaux et accroîtront leur efficacité.

La communication de l'information et des dossiers aussi est importante. Nous ne divulguerons pas les noms des jeunes contrevenants. Il n'y a pas lieu de le faire. Cependant, nous communiquerons les renseignements à ceux à qui il est nécessaire de le faire pour protéger la société, soit les écoles et les agences d'aide à l'enfance. Il est important qu'elles possèdent l'information. Celle-ci prend une grande importance lorsqu'elle est divulguée. Nous avons fait la part des choses entre les intérêts de l'enfant et ceux de la société en prenant notre décision.

Les modifications que nous proposons à la loi satisfont beaucoup des exigences exprimées par la population canadienne. Les Canadiens réclamaient des changements, et nous les avons proposés. Ce sont des propositions responsables qui amélioreront certaines dispositions de la loi. Nous les avons faites.

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt le discours que le député vient de faire. Je suis absolument étonné de voir que, au moment où des centaines de milliers de Canadiens sont unanimes à dire que la Loi sur les jeunes contrevenants nécessite une réforme en profondeur, un député vient dire à la Chambre que la Loi sur les jeunes contrevenants fonctionne très bien. C'est exactement ce que le député a dit.

Le député s'est moqué de ceux qui se servent des statistiques, mais il a lui-même cité des statistiques tout au long de son discours pour essayer de prouver son idée, soit que la Loi sur les jeunes contrevenants fonctionne très bien.

Je voudrais demander au député de me dire, le plus brièvement possible, s'il est d'avis que ces jeunes contrevenants qui récidivent ne devraient pas avoir à assumer la responsabilité de leurs actes. Il a dit que, s'ils commettent des crimes et n'ont aucun respect à l'égard de la loi, c'est à cause de leurs antécédents, de leur milieu, du fait qu'ils viennent d'une famille perturbée et de toutes sortes d'autres raisons à caractère social. Si c'est toujours la faute de quelqu'un d'autre, comment alors pouvons-nous tenir ces jeunes responsables de leurs actes?


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(1645)

M. Bodnar: Monsieur le Président, très souvent, les récidivistes ne représentent qu'une faible proportion des jeunes contrevenants.

Évidemment, il existe un besoin de réadaptation. Très souvent, si ces jeunes récidivent, c'est qu'il n'y a pas de programme de réadaptation dans les établissements de leur province, rien qui les empêche de recommencer. S'ils récidivent et se font prendre, c'est qu'ils n'ont pas été assez bien entraînés la deuxième fois. Ils sortent, récidivent, se font prendre, retournent en prison, ressortent et récidivent de nouveau. Voilà le problème que nous avons.

Évidemment, les gens ne veulent pas être en prison juste pour être en prison. Ce n'est pas ce qu'ils veulent, mais ils ne connaissent pas d'autre mode de vie. Nous devons nous rendre compte de cela et adopter une attitude réaliste à cet égard.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, j'ai deux questions à poser au député. Je voudrais d'abord revenir sur l'affirmation que, 14 p. 100 des crimes étant commis par les jeunes et les jeunes de 12 à 17 ans représentant, sauf erreur, 14 p. 100 de la population, cela s'équilibre très bien.

J'ai récemment accompagné des policiers en auto-patrouille dans plusieurs localités partout dans le pays, pas seulement dans une ou deux localités. J'ai vu les policiers avoir quelques fois affaire à des jeunes. En plusieurs occasions, aucune accusation n'a été portée. Les policiers ont plutôt tâché de résoudre le problème; ils ont communiqué avec les parents et des accusations n'ont pas eu à être portées.

Si l'on portait des accusations à un rythme ridicule pour les moindres bagarres à l'école et ainsi de suite, j'aurais cru, à en juger par ce dont j'ai été témoin les soirs où j'ai accompagné les policiers, que la criminalité avait vraiment augmenté. Or, des accusations n'ont pas été portées. Je me demande sur quoi il peut se baser pour affirmer à la Chambre que cela se produit, que les bagarres d'école sont signalées. D'où tient-il son information?

Je sais qu'à mon école, dans un arrondissement scolaire qui en compte beaucoup, on n'a jamais eu à appeler la police. C'est-à-dire jusqu'en 1992. Les policiers n'ont jamais été appelés pour mettre fin à une bagarre d'école. Autant que je sache, il ne s'en est jamais produit jusqu'à présent.

Il a dit que, dans certaines provinces, des jeunes étaient jetés en prison pour une période de quatre à dix mois, puis relâchés tout simplement. J'aimerais savoir dans quelles provinces cela se produit, et où il a obtenu son information.

M. Bodnar: Monsieur le Président, je peux parler d'après mon expérience personnelle. La réhabilitation ne fonctionne pas vraiment dans la province de Saskatchewan. C'est parce qu'on n'investit pas les fonds nécessaires dans le système pour bien réhabiliter les intéressés.

Le député de Wild Rose dit que les jeunes représentent 12 à 14 p. 100 de la population; comme ils commettent 12 à 14 p. 100 des infractions, cela démontre bien que nous n'avons pas affaire à une explosion de la criminalité chez les jeunes contrevenants. Une telle explosion ne s'est pas produite et n'est pas en train de se produire. Je suis très heureux que le député de Wild Rose vienne de confirmer ce fait pour moi.

M. David Chatters (Athabasca, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais demander au député d'où il tire ses statistiques. J'ai des données du Centre canadien de la statistique juridique qui révèlent que, depuis 1962, le pourcentage d'infractions commises par des jeunes contrevenants a augmenté de plus de 300 p. 100.

Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants en 1982, l'incidence des infractions commises par les jeunes contrevenants a augmenté de quelque 117 p. 100. Il y a eu une légère baisse de 3 p. 100 entre 1992 et 1993. Par ailleurs, on a constaté une baisse de 14 p. 100 de la proportion de jeunes hommes ayant entre 15 et 25 ans dans notre population.

Je ne sais pas d'où vous sortez ces chiffres. Il y a une explosion de la criminalité chez les jeunes depuis trente ans. La Loi sur les jeunes contrevenants ne fonctionne tout simplement pas. D'où tirez-vous ces chiffres?

Le vice-président: Je prierais les députés d'adresser leurs questions ou leurs observations à la présidence.

M. Bodnar: Monsieur le Président, je m'en remets à la très peu fiable Société John Howard, qui révèle que, parmi toutes les personnes inculpées, le pourcentage de jeunes n'a pas augmenté de 1986 à 1992.

M. Paul E. Forseth (New Westminster-Burnaby, Réf.): Monsieur le Président, lorsqu'il parlait du traitement réservé aux jeunes contrevenants placés en détention en Saskatchewan, le député a dit qu'on ouvrait la porte de la cellule, qu'on les y enfermait et qu'on les remettait ensuite en liberté.

(1650)

Je vais communiquer avec le procureur général de cette province et je vais obtenir des renseignements sur les millions de dollars que cette province dépense pour des programmes sociaux à l'intention des jeunes contrevenants en détention. Il y a des millions de dollars qui sont dépensés à ce titre dans chaque province canadienne. Le gouvernement fédéral assume une part importante des coûts de ces programmes cofinancés.

Nous faisons beaucoup pour offrir des services sociaux et des ressources communautaires aux détenus. C'est terrible de dire que, dans une province canadienne, on traiterait les jeunes contrevenants de la manière que décrit le député.

M. Bodnar: Monsieur le Président, je puis faciliter la tâche au député puisque je vis à trois pâtés de maisons du centre de détention pour les jeunes de Saskatoon. S'il veut s'y rendre, il n'a qu'à communiquer avec moi et je prendrai les dispositions nécessaires pour lui. S'il veut le numéro de téléphone du procu-


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reur général, il est inscrit dans l'annuaire de Saskatoon, sous le nom de sa femme.

[Français]

Le vice-président: Conformément à l'article 38 du Règlement, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera à l'heure de l'ajournement, ce soir: l'honorable député de Frontenac-Les tarifs douaniers; l'honorable député de Québec-Est-Le logement social; l'honorable député de Cariboo-Chilcotin-La citoyenneté et l'immigration.

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je vais donner la position du Bloc québécois sur le projet de loi C-37. Ce projet de loi est répressif et il oublie la finalité de toute loi pénale, c'est-à-dire la prévention du crime, la réhabilitation et la réinsertion sociale du contrevenant.

Le projet de loi ne fournit aucun apport pour juguler le problème de la criminalité chez les jeunes. Ottawa s'aventure dans une voie qui, pour le Québec, est sans issue. Or, c'est Québec qui sera chargé d'administrer le système. Les recommandations du Québec ont une nouvelle fois été oubliées. Il s'agit encore une fois d'un bel exemple de tiraillement entre les aspirations légitimes du Québec et celles d'autres régions du Canada. Encore une fois, ce projet de loi démontre l'échec du régime fédéral.

Je l'ai déjà dit en cette Chambre lors de mon intervention sur le même sujet en juin dernier, la situation de notre jeunesse me préoccupe beaucoup. Je suis certain que c'est également une préoccupation pour un grand nombre d'entre nous, mais là où j'en suis moins sûr, c'est sur la façon dont nous sommes prêts à aider cette jeunesse.

J'ai travaillé avec les jeunes pendant plus de 34 ans comme enseignant dans une polyvalente. J'en ai côtoyé je ne sais plus combien de milliers, et je peux vous affirmer que le portrait qu'on se fait de nos jeunes n'est pas toujours conforme à la réalité.

Bien sûr, quelques-uns se distinguent des autres en s'habillant de façon voyante ou en arborant une coiffure qui nous rappelle que le monde est beau en couleur, mais aussi, parmi toute notre jeunesse, il y en a qui, malheureusement, commettent des actes répréhensibles.

Je pense qu'il devrait être important de ne pas oublier que l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants possède une philosophie toute particulière. En effet, cette philosophie est d'aider et d'encadrer les jeunes qui ont des problèmes avec la justice, non pas comme le veut le projet de loi C-37 qui, lui, nous répond qu'il faut punir les jeunes. C'est un projet de loi qui répond à des émotions que soulèvent des cas extrêmes. Cependant, on oublie totalement la notion de l'éducation, de l'aide aux jeunes et de leur encadrement.

(1655)

La déclaration de principe de cette loi nous parle de réhabilitation, de réinsertion sociale, mais quand parlerons-nous de prévention? Où, dans la loi, voyons-nous le mot prévention? Nous nous retrouvons donc face à un projet de loi de nature répressive. Une des particularités qui me frappent le plus est que les jeunes de 16 et 17 ans qui commettront un acte criminel grave auront maintenant le fardeau de la preuve, c'est-à-dire à savoir s'ils seront jugés devant un tribunal adulte ou un tribunal de jeunesse. C'est toute la différence.

Je me demande réellement pour quelle raison nous devrions en arriver à une solution si extrême et si c'est vraiment nécessaire. Avec la loi actuelle, la justice peut demander qu'un jeune qui commet un acte criminel grave soit traité devant le tribunal adulte. C'est d'ailleurs un mécanisme dont se servent les procureurs de la Couronne, si après l'étude approfondie du dossier par plusieurs personnes, on démontre que le jeune en question doit faire face au système de justice adulte.

A-t-on vraiment besoin de modifier la loi actuelle, puisqu'elle fournit déjà les outils nécessaires au transfert des dossiers de la cour juvénile à une cour pour adultes? Nous ne pouvons pas nous permettre de nous diriger vers l'automatisme. En raison de son âge et uniquement pour cette raison, un jeune risquera désormais de se voir juger en adulte. Ce projet de loi soulève bien des questions. À ce stade-ci, l'une d'elles est: Est-ce qu'un jeune homme de 17 ans qui blesse une personne lors de la commission d'un vol qualifié, mais qui en est à ses premiers déboires avec la justice, est plus criminalisé qu'un autre de 15 ans qui a commis une centaine de vols par effraction? C'est une question.

Je vous en prie, soyons un peu réalistes. Ce n'est pas une question d'âge, je le répète. C'est une question de prévention et d'éducation. Je vous dirai, à titre d'exemple, que dans mon comté, en janvier dernier, un jeune homme a été sentencé à la prison pour inceste. Auparavant, son père avait lui-même pris le chemin des cellules pour le même acte. Aussi incroyable que cela puisse paraître, pour ce jeune homme, l'inceste était normal. Ne croyez-vous pas, monsieur le Président, qu'il serait grand temps que nous prenions nos responsabilités en tant qu'adultes et en tant que société?

Arrêtons de jouer à l'autruche et de nous faire croire qu'en transférant nos responsabilités au système judiciaire, nous allons régler le problème de la criminalité chez nos jeunes. Quand je dis prendre nos responsabilités, je veux dire qu'il faut donner à nos jeunes des raisons de croire en l'avenir, car nous savons très bien que la criminalité chez les jeunes est liée à plusieurs facteurs.

L'exemple que je vous ai donné tout à l'heure en est un parmi tant d'autres. On peut également penser à la drogue et aux films où la violence est omniprésente. Je le dis encore une fois, prenons nos responsabilités, faisons bloc contre la pauvreté et le décrochage scolaire. Oui, faisons bloc contre la pauvreté et le décrochage scolaire. Plus encore, donnons des moyens aux parents et s'ils sont absents, pour quelque raison que ce soit, donnons des moyens aux différents intervenants de démontrer à la jeunesse que ce n'est pas un défaut d'être jeune.

(1700)

À ce jeune qui aura le malheur de commettre un acte criminel, notre réponse ne devra certes pas être celle de l'envoyer dans une prison, parce que tous et toutes nous savons et ça, personne ne peut le nier, que la prison peut être une école de criminels. De plus, la détention n'a clairement pas d'effet dissuasif.

Notre jeunesse devrait avoir des droits et, entre autres, celui d'être mieux nantie. Mieux nantie de spécialistes et mieux nantie de centres d'hébergement si c'est nécessaire, mais certainement pas la prison des adultes comme seul remède.

L'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants comporte des règles très strictes concernant la tenue des dossiers sur des adolescents. L'accès à ces dossiers est restreint. Voilà qu'avec ce projet


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de loi, l'aspect de confidentialité est complètement mis de côté. Quel but recherchons-nous par cette mesure? Je ne suis malheureusement pas capable de répondre.

Avec le projet de loi C-37, on propose de divulguer les renseignements concernant un jeune contrevenant aux représentants du système scolaire et aux autres personnes concernées que nous n'identifions pas. Cette partie du projet de loi me cause également une grande source d'inquiétude.

La semaine dernière, le magazine Newsweek rapportait que la justice américaine utilisait la honte comme moyen de dissuasion à la délinquance. Des jeunes qui avaient commis un acte criminel, devaient, devant des caméras, demander pardon à leurs parents et aux victimes afin de démontrer ainsi un remords certain. Plus encore, on pouvait aussi se servir, comme mesures de divulgation, des actes commis ainsi que de l'identité des jeunes et ce, à l'église.

Avec le projet de loi C-37, on parle de dévoiler l'identité des jeunes. On propose de divulguer les renseignements concernant un jeune contrevenant aux représentants du sytème scolaire et aux autres personnes concernées.

Encore une fois et, je le répète, qui sont ces autres personnes? Suivrons-nous également le modèle américain? À quand l'annonce durant la grand-messe? Une telle mesure n'a pas de bon sens.

Il est difficile de croire à la réhabilitation d'un jeune qui a commis un acte criminel, quand ce jeune sait très bien qu'il risque d'être pointé du doigt à tout bout de champ, parce que plusieurs personnes sont au courant de son problème.

Quelle sera la réaction des jeunes quand ils verront leur vie privée et leur dossier étalés sur la place publique? Cessons de punir et de montrer du doigt et essayons plutôt d'aider notre jeunesse qui, dois-je vous le répéter, est le futur de notre société. Donnons-leur du travail, car c'est dans le travail qu'ils retrouveront leur fierté.

Le 5 mai dernier, le Parti libéral du Québec-je dis bien le Parti libéral du Québec-et le Parti Québécois sont arrivés à un consensus pour permettre l'adoption, à l'Assemblée nationale du Québec, d'une proposition réclamant que la Loi fédérale sur les jeunes contrevenants respecte les lois et politiques du Québec en matière de protection de la jeunesse.

Cette entente a pu être établie parce qu'il est certain que les Québécois et les Québécoises connaissent la nécessité de sauvegarder les droits de l'enfant.

Au Québec, l'expérience des quinze dernières années nous démontre que, mettre l'accent sur la prévention, la réhabilitation et la réadaptation au lieu de la répression, est sûrement plus efficace.

(1705)

On essaie le plus possible de voir quelles sont les causes de la délinquance plutôt que d'enfermer les délinquants comme seule mesure de dissuasion. Bien entendu, cela ne règle pas tous les problèmes. Il y a des difficultés. Le système n'est pas parfait. Quelquefois, la prévention et la réhabilitation ne suffisent pas. Mais dans l'ensemble, la tendance choisie par le Québec réussit mieux à protéger les jeunes. Comment un projet de loi comme celui dont on parle aujourd'hui peut-il ignorer cette réalité? Le ministre ne devrait-il pas se servir de l'expérience québécoise pour démontrer au reste du Canada que la répression et l'intolérance aggraveront sans doute les problèmes au lieu de les résoudre. Je le répète, les jeunes sont notre avenir, et c'est à nous de les aider.

Je terminerai en rappelant que nous avons, nous, les adultes, des responsabilités. Un poète de chez nous, Paul Piché, nous fait mesurer notre importance face à la jeunesse qui est notre relève. Si vous me le permettez, je vais citer quelques paroles d'une de ses chansons: «Et les enfants, c'est pas vraiment, vraiment méchant. Ça peut mal faire ou faire mal de temps en temps. Ça peut cracher, ça peut mentir, ça peut voler, mais au fond, ça peut faire tout ce qu'on leur apprend.»

[Traduction]

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Dans une de ses observations, le député a dit que nous devrions examiner les causes plutôt que de renfermer les contrevenants. Il y a tellement de cas de nos jours où de jeunes contrevenants récidivent. Je voudrais qu'il nous dise s'il croit logique de finir par emprisonner ces jeunes contrevenants. Quant à savoir si ces derniers seront enfermés dans une prison pour criminels adultes, c'est une autre histoire. Je voudrais qu'il nous dise ce qu'il en pense.

Je voudrais aussi qu'il nous parle de son idée de considérer les causes du crime chez les jeunes. Je voudrais savoir s'il croit que la publication du nom des jeunes contrevenants est pertinente dans le cas d'un contrevenant ou s'il estime plus important d'examiner les causes, par opposition à certaines des solutions que nous avons pour régler les problèmes des jeunes contrevenants.

[Français]

M. Fillion: Monsieur le Président, dans mon exposé, je pense avoir été assez clair. Il faut d'abord et avant tout rechercher les causes de la criminalité. Tout se passe dans notre environnement. Lorsque l'environnement est sain, nous mettons toutes les chances du côté de nos jeunes. C'est bien sûr que si le jeune n'a pas toutes ces chances-là, il risque à un moment donné de sa vie de commettre des actes répréhensibles. Mais par contre, est-ce qu'on doit le blâmer continuellement pour ces actes-là? L'absence des parents au foyer, le manque d'argent, le manque de travail sont tous des facteurs qui entrent en ligne de compte.

Quant à la deuxième question qui est celle d'identifier, de dire publiquement les noms des contrevenants, je m'y oppose totalement. Ce n'est pas de cette façon que nous allons corriger certains faits. Donnons aux jeunes des gens qui sont capables de s'occuper d'eux, des spécialistes dans les domaines, des centres d'hébergement où on pourra les écouter, où ils pourront venir raconter leurs problèmes.

(1710)

Prêtons une oreille attentive à leurs demandes et vous verrez que le taux de criminalité, quoique descendant en ce moment-il était à 2 p. 100 en 1992 comparativement à 5 p. 100 dans les années précédentes-continuera de diminuer. Mais nous devons continuer de les écouter et tâcher de leur donner du travail et, par le fait même, ils deviendront fiers de leur travail et nous réussirons à diminuer encore une fois le taux de criminalité au Canada.


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[Traduction]

L'hon. Warren Allmand (Notre-Dame-de-Grâce, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais faire quelques observations en tant que président du Comité de la justice, qui a fait une étude approfondie du projet de loi.

Comme chacun sait, le projet de loi a été renvoyé au Comité de la justice le 23 juin 1994 et a fait l'objet d'audiences jusqu'au 8 décembre 1994. Pendant cette période, nous avons entendu 42 témoins, groupes et particuliers de tous les horizons. Nous avons entendu des groupes de victimes, des groupes de contrevenants et d'ex-contrevenants, des experts des services correctionnels, des témoins de sociétés d'aide à l'enfance, des témoins des forces policières, des juges, des associations d'avocats, des psychologues, des sociologues, des cadres de conseil scolaire et des représentants des provinces. Nous avons entendu un très large éventail de points de vue. Je voudrais féliciter et remercier les membres du comité de leur collaboration pendant les mois qu'ont duré les audiences sur ce projet de loi.

Le projet de loi traitait d'un nombre limité de questions. Pour commencer, il apportait un ajout à la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il soulignait, à l'article 3, que la prévention du crime était essentielle pour la protection de la société à long terme et faisait de la protection de la société le principal objectif de la loi. Il affirmait aussi que les jeunes devaient assumer la responsabilité de leurs actes et de leurs délits, quoique d'une manière différente par rapport aux adultes. C'est là, évidemment, l'une des raisons d'être de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Le projet de loi traitait aussi du transfert vers les tribunaux pour adultes. Aux termes de la loi en vigueur, qui s'applique aux jeunes de 12 à 17 ans inclusivement, un jeune de 14 à 17 ans peut être jugé devant un tribunal adulte à la demande de la Couronne pour certaines infractions graves. C'est le tribunal pour adolescents qui décide si le jeune contrevenant sera jugé par lui ou par un tribunal pour adultes. Voilà ce que prévoit la loi en vigueur.

Dans le projet de loi C-37, on propose une modification selon laquelle les jeunes de 16 et 17 ans accusés de certains crimes graves comportant de la violence contre la personne seraient jugés d'office par un tribunal pour adultes, à moins qu'ils ne demandent au tribunal pour adolescents de ne pas être jugés par un tribunal pour adultes. Contrairement à la loi actuelle, ce projet de loi propose en quelque sorte de renverser le fardeau de la preuve.

Le projet de loi traite également de la peine infligée en cas de meurtre. Les jeunes contrevenants jugés par un tribunal pour adolescents recevraient une peine de dix ans pour un meurtre au premier degré et de sept ans pour un meurtre au deuxième degré. À l'heure actuelle, la peine maximale s'élève à cinq ans.

Le projet de loi prévoit également des déclarations de la victime au moment de la détermination de la peine d'un jeune contrevenant.

En outre, il prévoit d'obtenir le consentement du jeune contrevenant avant qu'il ne subisse des traitements. Selon la loi actuelle, un traitement peut être ordonné sans son consentement.

(1715)

Une autre modification importante qu'apporte le projet de loi, c'est qu'il laisse aux provinces le soin de décider de la garde en milieu ouvert ou en milieu fermé lorsqu'elles mettent sur pied des bureaux chargés de traiter ces questions.

Enfin, le projet de loi prévoit une plus large publication des dossiers sur les infractions commises par des adolescents, notamment la publication des noms des jeunes contrevenants qui ont commis certains types d'infractions. Aux termes de la loi actuelle, cette diffusion de renseignements est très restreinte.

Le projet de loi C-37 permettrait de communiquer largement ces renseignements à des personnes occupant des postes de confiance ou d'administration dans des écoles et d'autres endroits où des adolescents étudient ou travaillent, de sorte que la population serait mieux protégée.

Voilà, en gros, les modifications que le projet de loi C-37 apporterait à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Comme je l'ai mentionné, au cours des audiences sur ce projet de loi, nous avons entendu les témoignages de nombreuses personnes, environ 42 groupes et particuliers. Je dois dire à la Chambre que la grande majorité d'entre eux ne voulaient pas que nous donnions suite au projet de loi C-37 avant d'avoir fait l'examen général de la loi que nous nous proposions de faire comme deuxième étape de nos travaux.

La Chambre se rappellera que, lorsqu'il a présenté ce projet de loi à la Chambre et au comité, le ministre de la Justice a déclaré qu'il voulait aussi que le comité fasse un examen complet de la Loi sur les jeunes contrevenants étant donné que cette loi était en vigueur depuis dix ans. Il voulait qu'on étudie non seulement les différents éléments de la loi, mais aussi les ressources disponibles pour l'appliquer et la situation de la criminalité chez les jeunes, dans notre pays.

La plupart des témoins nous ont demandé pourquoi nous voulions prendre des mesures tout de suite dans ces secteurs puisque nous allions procéder à une étude générale et exhaustive. Ils nous ont demandé s'il ne vaudrait pas mieux que nous terminions notre étude avant de décider quoi que ce soit à ce sujet.

Bon nombre des membres du comité ont trouvé ce raisonnement logique. Cependant, la plupart n'étaient pas de cet avis. Le comité a décidé qu'il allait, malgré tout, procéder à l'examen du projet de loi C-37, surtout parce que le gouvernement s'était engagé, pendant la campagne électorale, à apporter ces modifications très précises. Il a jugé bon de légiférer tout de suite sur ces modifications même s'il s'apprêtait à entreprendre une étude générale de la loi dans la deuxième étape de ses travaux.

Le comité a donc donné suite au projet de loi C-37 et l'a renvoyé à la Chambre pour que nous en soyons saisis. Je dois dire qu'à la fin de nos audiences, nous y avons apporté 28 modifications. Il s'agissait, dans la plupart des cas, de modifications de


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forme, de corrections et d'améliorations apportées au libellé et à la traduction française. Cependant, il y avait deux amendements de fond parmi les 28 que le comité a apportés.

Le premier consistait à modifier dans une certaine mesure les nouvelles dispositions sur le transfert devant les tribunaux pour adultes. J'ai signalé que le projet de loi C-37 prévoit le transfert automatique des jeunes âgés de 16 et 17 ans, à moins que ces derniers puissent présenter au tribunal des arguments valables contre cette mesure.

Les membres du comité ont apporté une modification, jugeant inutile d'obtenir une audience de ce genre qui exigeait de dépenser beaucoup de temps et d'argent, lorsque le substitut du procureur général s'entendait avec l'avocat de la défense pour que le jeune en cause soit jugé par un tribunal pour adolescents, même s'il était âgé de 16 ou 17 ans et avait commis un des crimes graves dont il est question dans la loi.

L'autre amendement de fond consistait à restreindre quelque peu la divulgation de renseignements prévue dans le projet de loi C-37. Ainsi, même si ce projet de loi donnera à la population la possibilité d'être mieux informée au sujet du casier judiciaire de jeunes contrevenants, il ne va quand même pas aussi loin sur ce chapitre que le projet de loi C-37 dans sa forme originale.

(1720)

Au cours des dernières heures de ce débat, lorsque la Chambre a étudié le projet de loi à l'étape du rapport, certains députés, surtout du Parti réformiste, ont prétendu que la Loi sur les jeunes contrevenants était un échec. Selon eux, la criminalité chez les jeunes n'est pas contrôlée et la Loi sur les jeunes contrevenants est responsable de cette augmentation des crimes chez les jeunes.

En fait, à titre de l'un des auteurs initiaux de la Loi sur les jeunes contrevenants, certains m'ont reproché cette situation, cette prétendue augmentation du nombre de crimes commis par les jeunes, ainsi que l'échec de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je tiens à répondre à cela.

Tout d'abord, il est faux de prétendre que la criminalité chez les jeunes est tout à fait incontrôlée et en hausse au Canada. Comme je l'ai signalé l'autre jour, à l'étape du rapport de ce projet de loi, c'est en 1975 que les jeunes âgés de 12 à 17 ans ont commis le plus d'homicides, soit 68. C'était avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est en 1987 que ce chiffre a été le plus bas, soit 35 à peine. En ce qui concerne les homicides commis par les jeunes âgés de 12 à 17 ans, le nombre a été nettement plus élevé avant l'entrée en vigueur de la loi et on a enregistré le chiffre le plus bas après sa mise en oeuvre.

On pourrait donner aux députés des statistiques encore plus précises. Ainsi, durant la période de 1974 à 1978, soit quatre ans avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, 60 jeunes ont été inculpés de meurtre au Canada. Durant la période de 1984 à 1989, donc après l'adoption de la loi, 40 accusations ont été portées en cinq ans. Et on pourrait s'attarder encore longtemps sur le sujet.

Or, il s'est produit un phénomène qui a eu peur effet de donner au monde l'impression que les chiffres ont grossi. Ainsi, dans de nombreuses commissions scolaires, on a adopté l'approche dite de la «tolérance zéro». Elle consiste en ceci: les autorités scolaires appellent maintenant la police, dès qu'il y a une bagarre ou un autre incident du genre dans la cour de récréation. Autrefois, quand ce genre de choses se produisait, on convoquait les jeunes qui y avaient été mêlés, on les punissait, on convoquait leurs parents et on corrigeait la situation, sans porter d'accusations au criminel.

Aujourd'hui, dans bien des administrations, on porte des accusations quand il se produit ces cas ordinaires de voies de fait dans les cours de récréation. C'est ce qui explique que les données sur les accusations portées sont à la hausse, car le nombre d'incidents, lui, n'a pas augmenté. En fait, en ce qui concerne ces types de voies de fait, la tendance s'est sensiblement maintenue au fil des ans, que ce soit avant ou après l'entrée en vigueur de la loi.

Soyons clairs! Je peux citer de nombreux documents. J'ai ici des renseignements de la Société John Howard concernant la criminalité chez les jeunes. Ce feuillet, qui est une mine de renseignements sur les faits et la fiction entourant la criminalité chez les jeunes, fait l'historique de la criminalité avec violence chez les jeunes. On note qu'il n'y a pas eu d'augmentation sensible ou importante de la criminalité chez les jeunes. Comme je l'ai mentionné, les taux d'homicides chez les jeunes étaient bien plus élevés avant qu'après l'entrée en vigueur de la loi.

La loi n'a pas failli à la tâche. C'est la même loi qui est appliquée de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique. On a affaire à la même loi, que l'on soit à Windsor, en Ontario, ou à Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest. C'est seulement qu'elle est administrée très différemment d'une province à l'autre et d'un territoire à l'autre. La loi ne pose aucun problème dans certains territoires et provinces, alors qu'il y en a dans d'autres.

(1725)

Je voudrais savoir si les problèmes sont attribuables aux dispositions de la loi même ou à la façon dont elles sont appliquées? Certaines provinces, notamment le Québec, ma province, consacrent beaucoup de plus de ressources que d'autres provinces à l'application de la loi et aux causes de la criminalité juvénile. La loi apporte beaucoup plus de satisfaction au Québec que dans certaines autres provinces. Pourtant, la même loi s'applique au Québec qu'en Alberta, au Manitoba ou au Nouveau-Brunswick.

La loi n'est pas la cause de la criminalité juvénile là où il y en a. Je reconnais qu'il y a encore des crimes horribles qui sont commis par des jeunes au Canada. L'impression créée par ces crimes est disproportionnée, compte tenu du nombre réel de crimes qui sont commis.


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De toute façon, la loi n'est pas la cause des crimes commis et nous devons justement nous attaquer à la cause. Nous devons également reconnaître que la loi est appliquée de façon très inégale au Canada et que les ressources humaines et financières consacrées aux jeunes contrevenants et à la délinquance juvénile sont aussi affectées de façon très inégale.

Si c'est le cas, si la criminalité n'est pas imputable à la loi, de simples changements ne réussiront pas à réduire le taux de criminalité. Ce serait induire le public en erreur que de lui faire croire qu'il suffit de modifier l'article 5, l'article 8 ou l'article 25 pour régler tous nos problèmes et faire reculer la criminalité.

Si nous voulons vraiment réduire la criminalité parmi les jeunes dans ce pays, nous devons nous attaquer aux causes de la criminalité, qu'il s'agisse de foyers brisés, d'alcoolisme, de violence familiale, de toxicomanie, de trafic de drogue, de chômage, d'absence de loisirs ou de négligence de la part des parents qui ne sont pas là lorsque l'enfant rentre de l'école. Si l'on veut vraiment réduire le taux de criminalité parmi les jeunes, ce n'est pas simplement en changeant la loi qu'on y arrivera.

Nous devons nous attaquer sérieusement aux causes au niveau de la collectivité. Peut-être qu'alors nous obtiendrons des résultats. Là où l'on s'est attaqué aux causes de la criminalité, cela a donné de bons résultats et a permis de réduire la criminalité parmi les jeunes. Nous ne faisons que nous leurrer et leurrer le public en insinuant que quelques changements apportés ici et là à la loi vont permettre de modifier substantiellement la situation.

Je veux absolument réfuter de telles insinuations. Je suis sûr qu'on va nous dire encore une fois, notamment le Parti réformiste, que la criminalité parmi les jeunes est hors de contrôle, qu'elle a substantiellement augmenté et que c'est la Loi sur les jeunes contrevenants qui est la cause de la criminalité parmi les jeunes parce que c'est un échec. Ce n'est pas un échec. La criminalité parmi les jeunes n'est pas hors de contrôle. Il y a encore de sérieux cas de criminalité parmi les jeunes dans ce pays. Si nous voulons sérieusement nous attaquer à la criminalité, nous devons nous attaquer à ces causes.

Pour terminer, ce projet de loi contient certains changements valables que nous devrions appuyer. Il contient aussi des changements sur lesquels j'ai mes doutes. Néanmoins, j'appuie ce projet de loi, mais il est bien entendu que, quand nous l'examinerons à la phase deux, nous réexaminerons tout ce que nous avons fait dans le cadre de cette mesure législative ainsi que l'entière Loi sur les jeunes contrevenants.

En tant que président du Comité de la justice, c'est avec certaines réserves que j'appuie ce projet de loi à mon avis inégal. Il contient certains articles valables. Il contient d'autres articles sur lesquels j'ai mes doutes. Cependant, on va avoir la possibilité de procéder d'ici quelques mois à un examen complet.

Cet examen portera non seulement sur la loi mais aussi sur l'administration des établissements de correction pour jeunes contrevenants, les systèmes de probation, les systèmes de garde en milieu fermé, ainsi que sur la nature, le niveau et le statut de la criminalité parmi les jeunes dans ce pays. Je vais donc réserver mon jugement jusque là.

(1730)

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, ce n'est pas la Loi sur les jeunes contrevenants qui est la cause de la criminalité. Je pense que personne n'a de doute là-dessus. Je sais qu'on nous a accusés de dire que c'était la loi qui causait la criminalité, mais ce n'est pas le cas. Les causes sont multiples. Je suis d'accord avec le député pour dire que les causes sont identifiables et qu'il faut s'en occuper. Nous devons traiter les causes par tous les moyens possibles. Nous devons amener les provinces et les services sociaux à s'en occuper, et utiliser toute l'aide que nous pouvons trouver.

Quand on fait tout pour éliminer les causes et qu'on fait du bon travail et qu'il y a encore quelqu'un pour franchir les interdits, enfreindre la loi et commettre un meurtre, alors nous disons que la loi ne remplit pas son rôle de faire régner la justice. À bien des égards, la notion de justice est absente de notre système.

En une seule journée, j'ai reçu 15 000 lettres que je vais faire suivre au ministre de la Justice. J'ai encore 5 000 ou 6 000 lettres que j'ai reçues à mon bureau de circonscription et à Ottawa. Je suis sûr que tous les députés ont reçu des lettres leur demandant de faire quelque chose au sujet des jeunes contrevenants. Le gouvernement persiste à nous dire que tout va bien, que les Canadiens aiment ce qu'il fait et que cette loi est une bonne loi. C'est de la foutaise.

Quand le gouvernement entendra-t-il enfin ce que disent les gens? Le gouvernement devrait être à l'écoute. Les Canadiens ne sont pas satisfaits de la Loi sur les jeunes contrevenants. Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à le nier? Je sais que le député reçoit les mêmes lettres que moi.

M. Allmand: Monsieur le Président, au début de son intervention, j'ai cru que mon bon ami de Wild Rose était plus ou moins du même avis que moi, mais je vois maintenant que ce n'est pas le cas.

La question qu'il pose est tout à fait légitime: Que faire de l'individu qui, après qu'on a tout fait pour l'empêcher de commettre un crime et qu'on s'est attaqué aux causes de la criminalité, commet quand même un crime grave accompagné de violence? On l'enferme en lieu sûr. Si le cas est suffisamment grave, on l'envoie devant un tribunal pour adulte et on le met dans une prison pour adulte. C'est ce que prévoit la loi, et je souscris à cette disposition.

Toutefois, il ne faut pas oublier ceci. Pour moi, la justice consiste à protéger le public, pas à se venger. Ce n'est pas oeil pour oeil, dent pour dent.

Dans notre système, la vaste majorité des contrevenants reconnus coupables, que ce soient des jeunes ou des adultes, finissent par retourner vivre dans la société. Si nous voulons vraiment protéger le public, ce qui, à mon avis, est l'objectif premier du système judiciaire, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pendant que cet individu est placé sous notre contrôle pour le corriger, pour l'aider à se réadapter et pour nous assurer que, lorsqu'il retournera vivre dans la société, il sera un risque moindre pour cette dernière. Nous n'allons pas le garder en prison jusqu'à la fin de ses jours. La peine capitale n'existe plus.


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Cet individu sera relâché un jour ou l'autre, que ce soit dans cinq, sept ou dix ans.

À la question du député voulant savoir quoi faire, je réponds que oui, il faut placer ce jeune contrevenant en milieu fermé s'il est violent, mais il faut oeuvrer avec lui pour lui redonner confiance en lui, pour lui donner un métier ou une formation, pour lui apprendre à faire face aux problèmes de tous les jours lorsqu'il sera relâché, pour qu'il reste en contact avec sa famille, si famille il y a, etc. Nous devons faire en sorte que, lorsqu'il retournera vivre dans la société, il représente un risque moindre pour la société que lors de son arrivée en prison.

C'est ce que je crois. Je crois qu'on doit protéger la société et consacrer nos ressources, quand ce jeune est dans le système carcéral, que ce soit en milieu ouvert ou en milieu fermé, pour le corriger et l'aider à se réadapter afin qu'il soit plus à même de prendre sa place dans la société.

M. Arseneault: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je croyais que, pendant la période de questions et d'observations, vous alterniez entre les partis présents à la Chambre. Je me demandais si c'était toujours la pratique.

Le vice-président: J'ai pour habitude de donner la parole à un député d'un autre parti que celui de l'intervenant, à moins que personne ne se lève. Selon mon expérience, lorsque les questions sont posées par un député du même parti que l'intervenant, elles ont tendance à être pipées.

(1735)

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, je suis d'accord avec vous. Nous en avons eues aujourd'hui des questions pipées.

M. Arseneault: Monsieur le Président, j'invoque encore le Règlement. Je n'aime pas dire cela, mais je m'oppose à la déclaration du député qui laisse entendre que je pose des questions pipées. J'avais une observation à faire sur ce projet de loi. Le député doit retirer ce qu'il a dit.

Le vice-président: Ce qu'il a dit ne s'appliquait pas au député. Cela s'appliquait aux députés de tous les partis, dans toutes les situations.

M. White (Fraser Valley-Ouest): Monsieur le Président, ce n'est certes pas une question pipée que je vais poser au député.

Le député a déclaré qu'il ne fallait pas blâmer le Parti réformiste ni lui. Je ne suis pas du tout d'accord. Après tout, il y a 176 autres responsables du problème.

Il n'est pas question d'induire la population en erreur. On s'inquiète vraiment pour les Canadiens respectueux des lois. Le député cite des données et des statistiques de diverses sources, notamment celles de la Société John Howard, mais je voudrais également citer quelques chiffres de Victimes de violence, organisme qui s'intéresse de près à ce projet de loi.

Selon Victimes de violence, la criminalité chez les jeunes a fait un bond de 117 p. 100 depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants, en 1984. En 1990, par exemple, des jeunes ont commis 25 meurtres au premier degré, 23 meurtres au deuxième degré et 6 homicides involontaires coupables.

J'entends déjà le député répliquer: «Il s'agit d'un petit nombre de jeunes.» La réalité, c'est qu'il y a toute une multitude de victimes qui suivent nos travaux. Comme le député de Wild Rose l'a déclaré, il doit y avoir une loi en place pour s'occuper vraiment de ceux qui dépassent les limites.

Je voudrais poser au député la question suivante: Compte tenu des statistiques de Victimes de violence que je viens de citer, ne convient-il pas, que pour régler le problème de façon efficace, il est préférable de prendre des mesures proportionnellement plus rigoureuses à l'endroit de ceux qui franchissent les limites, au lieu de maquiller la situation, comme il le fait?

M. Allmand: Monsieur le Président, les statistiques que j'ai mentionnées proviennent du Centre canadien de la statistique juridique. Nous avons entendu, en comité, le témoignage de Victimes de la violence. Je ne sais pas d'où ce groupe tire ses statistiques.

Il ne fait aucun doute que des crimes graves sont encore commis au Canada. Je refuse cependant d'admettre que le nombre de crimes violents perpétrés par des jeunes a augmenté au fil des ans, parce que les statistiques des services policiers et du Centre canadien de la statistique juridique ne le confirment pas.

Je comprends, malgré tout, les Canadiens de s'inquiéter vivement de la criminalité chez les jeunes, peu importe son taux. Le député demande: «Lorsque les jeunes commettent de graves infractions, n'est-il pas préférable d'appliquer des mesures plus sévères?»

Je ne suis pas d'accord et je vais expliquer au député pourquoi je ne partage pas son avis. Je ne souscris pas à sa proposition, parce qu'elle ne fonctionne pas. Cette méthode est appliquée dans le sud des États-Unis. Trois écarts de conduite et vous êtes mis hors la loi. Ces États américains ont un taux de criminalité de beaucoup supérieur à celui du Canada.

Certains États du sud-est des États-Unis ont rétabli la peine de mort. Des peines obligatoires sont prévues pour certaines infractions. On exécute un criminel le matin, mais il y a trois ou quatre meurtres l'après-midi. Les États qui appliquent les mesures que nous propose le député ont le pire taux de crimes violents de tous les pays occidentaux.

Les mesures proposées par le député n'ont aucunement amélioré la situation. Voilà pourquoi je les rejette. Certains pays de l'Europe de l'Ouest, comme la Hollande, la Suède, le Danemark, la Norvège, la France, l'Allemagne, l'Italie, et dans une certaine mesure le Canada, ont adopté une bien meilleure solution. Ils se concentrent sur les causes de la criminalité, la réadaptation et les mesures correctionnelles au lieu de se contenter d'imposer des peines longues et sévères qui ne font rien pour protéger la popu-


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lation. Si ces peines parvenaient à protéger la population, on pourrait marcher en toute sécurité dans les rues de Miami, de Dallas ou de la Nouvelle-Orléans ou d'autres graves villes. Ce n'est toutefois pas le cas, justement parce que les autorités de ces endroits appliquent les mesures proposées par le député.

(1740)

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre d'exprimer ici aujourd'hui mes idées et mes préoccupations au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants et du projet de loi C-37.

Je voudrais tout d'abord vous faire part d'une lettre qu'un électeur m'a adressée, et je cite:

La semaine dernière, le fils de mon voisin a été agressé dans les couloirs de son école secondaire, non pas par un enseignant ni même par un camarade, mais par un membre d'une bande de jeunes venue de la rue. Les enfants l'appellent «l'exécuteur». Apparemment, le fils de mon voisin se serait adressé au mauvais gars en le priant de cesser de faire lever des pierres avec sa voiture en quittant le terrain de stationnement. Cet automobiliste peu courtois s'était acoquiné avec une bande et avait demandé à «l'exécuteur» de battre le fils de mon voisin.
Je comprends que ce n'est pas en modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants qu'on va résoudre tous nos problèmes, mais ce serait un excellent début. La société dans son ensemble doit prendre la responsabilité de mettre fin à la violence en faisant qu'un enseignement à long terme soit dispensé par notre système d'éducation. Il faut commencer à faire passer le message que les droits des victimes seront davantage protégés que ceux des criminels. Les jeunes contrevenants d'aujourd'hui se moquent de notre système judiciaire.
La GRC a conseillé à mon voisin d'engager des poursuites, même s'il faudrait jusqu'à 18 mois avant que le jeune contrevenant ne soit traduit devant un tribunal et même s'il s'en sortirait probablement avec une mise en liberté surveillée. Les jeunes de cet acabit ont tendance à se vanter d'être en liberté surveillée. Il ne suffit plus de leur taper sur les doigts. Il faut mettre fin à cette violence inutile.
Certes, le gouvernement peut modifier notre système judiciaire. Une réforme approfondie s'impose depuis longtemps. Il faut protéger maintenant les droits du Canadien moyen respectueux des lois.
Quant au fils de mon voisin, il attend de subir une tomographie axiale, car on craint que des fragments d'os ne causent des dommages permanents. D'après le médecin, ce n'était pas une bataille d'élèves, mais une sérieuse tentative de causer des dommages permanents. Combien de jeunes dirigeants de l'avenir devront encore être estropiés ou assassinés avant que des modifications soient apportées à nos lois?
Cette question revient dans bien des lettres. Je suis persuadé que je ne suis pas le seul député à recevoir des lettres de ce genre.

À lui seul, cet incident de cour d'école illustre tellement ce qui fait défaut aujourd'hui dans le traitement des jeunes contrevenants par le système judiciaire: bandes de jeunes, agression, peur des élèves, mauvais système de valeurs, violence accrue parmi les jeunes, longs séjours dans les centres de détention pour jeunes avant le procès, tribunaux débordés, irrespect des jeunes à l'égard du système judiciaire et peines insuffisantes pour les jeunes récidivistes ou les jeunes contrevenants violents.

Je comprends ce que veut dire la violence dans les cours d'école. En grandissant, nous avons tous été confrontés à des petits durs, moi comme les autres. Mon père me disait qu'il faut parfois se défendre, que les petits durs ne comprennent que le langage de la violence et qu'il fallait répliquer par la force si je ne voulais pas me faire bousculer sans cesse.

J'ai un fils qui aura bientôt douze ans. Lorsque j'entends parler aux nouvelles de jeunes enfants qui se font poignarder à l'école, qui se font ruer de coups-je vois que certains députés d'en face rient de cela. Je ne sais pas ce qu'ils trouvent drôle dans ces propos. Lorsque mon fils vient me demander ce qu'il doit faire au sujet des enfants qui terrorisent leurs camarades à l'école, je suis très inquiet. Je ne sais pas si je dois lui dire de tenir tête à un garçon qui risque d'apporter un couteau à l'école le lendemain et de le poignarder ou encore de le battre à mort.

Il faut que les choses changent, et le projet de loi C-37 apporte une amorce de solution à certains de ces problèmes, mais il ne va vraiment pas assez loin. Nous ne pouvons pas nous permettre de jouer avec notre système de justice. Nous devons examiner ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous devons avoir le courage et la confiance de changer ce qui doit être changé.

Un jeune contrevenant sur deux qui passe par le système commettra une autre infraction. C'est beaucoup trop. Il est évident que le système actuel ne fonctionne pas.

Un grand problème qui doit être réglé est l'énorme retard entre la perpétration d'un crime et la date de comparution. Dans certains secteurs de compétence, ce retard peut aller de six mois à un an. À Prince George, il peut aller jusqu'à dix-huit mois, ce qui est inacceptable. Comment les jeunes contrevenants peuvent-ils penser que nous prenons leurs crimes ou leur réadaptation au sérieux lorsqu'ils attendent si longtemps avant d'avoir leur procès? Trop souvent, si on les laisse en liberté, les jeunes vont récidiver pendant qu'ils attendent de comparaître en cour.

(1745)

Selon les statistiques, en 1993-1994, 9 p. 100 des causes entendues par les tribunaux pour adolescents concernaient des jeunes contrevenants qui ne s'étaient pas présentés au tribunal au moment où ils devaient comparaître. Toutefois, si ces jeunes sont envoyés dans un centre de détention en attendant leur procès, ils sont exposés à de la violence physique, mentale et émotive de la part d'autres jeunes contrevenants plus violents. Ce n'est pas juste non plus pour ces jeunes.

Un long séjour dans un tel milieu n'est pas propice à l'apprentissage de comportements sociaux plus acceptables. Il faut prioritairement éviter que les procès soient retardés de manière que les jeunes contrevenants puissent participer le plus rapidement possible aux programmes qui conviennent à leur cas, que ce soit du service communautaire ou des programmes où la discipline est stricte.

Une autre grave lacune du projet de loi, c'est qu'il ne s'applique pas aux jeunes de 10 et 11 ans. Les services de protection de l'enfance de la plupart des provinces ne disposent pas des ressources voulues pour combler les besoins de tous les enfants qu'ils savent susceptibles de se livrer à des activités criminelles. Ils savent que ces jeunes se feront arrêter à 12 ans. Les programmes destinés aux jeunes contrevenants devraient recevoir des ressources supplémentaires.


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Selon une étude préliminaire sur les activités des gangs de jeunes effectuée pour le compte du solliciteur général, ces gangs recrutent des enfants pour transporter de la drogue, cambrioler des maisons privées et des commerces. Les enfants de moins de 12 ans reproduisent le comportement violent des délinquants juvéniles plus âgés qu'ils voient dans les cours d'école. À 12 ans, il est de toute évidence trop tard.

Nous devons nous occuper sérieusement de ces jeunes plus tôt, leur donner l'orientation qui convient, mettre en place les structures nécessaires et leur inculquer de bonnes valeurs avant qu'ils deviennent des criminels d'habitude. Ils doivent apprendre le plus jeune possible que leurs actions ont toujours des conséquences. «Si vous êtes assez grands pour commettre un crime, vous êtes assez grands pour purger une peine d'emprisonnement.»

Il faut, dans notre système de justice, faire la distinction entre les jeunes contrevenants qui en sont à leurs premières infractions mineures et ceux qui récidivent ou adoptent un comportement criminel violent. Tout le monde doit avoir une chance de s'amender, d'acquérir le sens des responsabilités et de trouver une place utile dans la société.

Beaucoup des jeunes contrevenants qui commettent leur première infraction sont victimes de familles perturbées ou violentes. Certains vivent dans la pauvreté ou sont frappés de difficultés d'apprentissage. Ils ont une piètre estime d'eux-mêmes et cherchent le moyen de se sortir d'un milieu étouffant. Certains vont rechercher la sécurité des gangs de jeunes. Ils volent quelque chose pour gagner en confiance, pour impressionner leurs camarades ou simplement pour trouver de l'aide.

Notre système judiciaire pour adolescents doit reconnaître ces jeunes et leur infliger une sentence appropriée à leurs besoins pour les ramener dans le droit chemin. Cela ne veut pas dire les laisser imputer la faute de leurs actions à leurs antécédents ou à la société. Cela ne veut pas dire leur prescrire des séances de counselling et fermer les yeux sur leur délit.

Le premier pas à faire pour devenir un citoyen responsable consiste à accepter la responsabilité de ses actes. Les jeunes doivent être tenus responsables. Si on leur inflige une sentence de garde en milieu ouvert, une partie de la sentence devrait consister à réparer les dommages qu'ils ont causés. Dans certains cas, il pourrait s'agir de ramasser les ordures; dans d'autres, un travail plus difficile comme planter des arbres.

Si l'on veut qu'ils soient fructueux, les programmes communautaires doivent être adaptés aux besoins et au châtiment du jeune contrevenant. Nous devons faire une distinction entre ceux qui méritent d'avoir une chance en recevant une peine plus légère et les autres qui ont montré à maintes reprises qu'ils n'ont aucun respect pour nos lois.

Malgré ce que certains voudraient nous faire croire, tous les jeunes contrevenants qui commettent des infractions non violentes contre les biens ne sont pas inoffensifs. Beaucoup sont déjà des récidivistes sans aucune conscience morale, et dont le système de valeurs est tordu. Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient respecter la vie et les biens des autres Canadiens.

Ces jeunes doivent savoir qu'ils ne s'en tireront pas avec une peine légère comme ratisser les feuilles dans le parc local en fin de semaine. Ils ont besoin d'une incitation plus sévère à y réfléchir à deux fois avant de voler une autre voiture. Il faut établir un équilibre entre les mesures dissuasives et la responsabilité, entre le châtiment et la réadaptation.

Les peines prévues pour les jeunes délinquants dans le projet de loi C-37 sont inadéquates et aléatoires. Il laisse beaucoup à désirer dans le cas des récidivistes. Pour les infractions contre les biens, le projet de loi C-37 préconise la garde en milieu ouvert. Si un jeune est jugé coupable d'une telle infraction, il incombe maintenant aux juges de justifier la garde en milieu fermé plutôt que la remise en liberté dans la collectivité.

À l'heure actuelle, les programmes communautaires ne suffisent pas à absorber ces jeunes. L'infrastructure n'est pas encore en place. Dans le cas des infractions contre les biens, il faut accorder plus d'importance au fait que le jeune délinquant est un récidiviste ou non. Je ne pense pas que le jeune qui défie ouvertement et régulièrement les lois prendra bien au sérieux l'obligation d'exécuter quelques travaux communautaires. Il faudrait leur infliger un traitement très différent de celui qu'on réserve à celui qui commet pour la première fois une infraction contre les biens.

(1750)

Pour les crimes avec violence, le projet de loi C-37 prévoit généralement des maximums et non des minimums. Dans le cas des meurtres au premier degré avec préméditation, le jeune contrevenant est passible d'un maximum de six ans de garde en milieu fermé et d'un maximum absolu de dix ans, ce qui comprend la garde en milieu ouvert.

C'est un progrès appréciable sur l'ancien maximum de cinq ans, mais ce n'est pas encore assez. S'il n'y a pas de minimum, le jeune contrevenant peut toujours croire que la peine pour meurtre ne sera que de quelques brèves années. Certains ne croient pas que les peines plus longues aient un effet dissuasif sur les jeunes. Tout ce que je puis répondre, c'est que des peines ridiculement faibles n'en ont pas non plus.

Il nous faut des peines minimums plus longues pour les jeunes qui commettent des crimes de violence, afin qu'ils sachent exactement à quoi ils s'exposent s'ils se rendent coupables de viol, d'agression ou de meurtre.

Lorsque nous incarcérons des jeunes, de nos jours, la loi dit que nous devons les loger, assurer leur sécurité et leur dispenser un enseignement scolaire. Il y a également des services de counselling, mais, le reste du temps, ils sont fréquemment oisifs, sans structure constructive dans leur vie.

L'été dernier, à un regroupement pour la justice dans ma circonscription, une adolescente nous a dit qu'elle avait des amis qui ne demandaient pas mieux que d'aller en détention. C'est comme des vacances, avec les trois repas par jour, et aucune inquiétude. Comment réadapter un jeune contrevenant violent s'il ne saisit pas que ses actes ont des conséquences graves? Comment peuvent-ils acquérir un système de valeurs acceptable s'ils prennent la détention pour des vacances?

Les centres de détention des jeunes coûtent cher. En Alberta, on estime que la garde d'un contrevenant peut coûter jusqu'à 45 000 $ par année. En Ontario, il en coûte 100 000 $ par jeune aux contribuables. Au moins la moitié des contrevenants récidivent à l'heure actuelle. Pour 100 000 $ par année, les Canadiens ont le droit de s'attendre à de meilleurs résultats.


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Pour ma part, je suis partisan du concept de camps de type militaire. Nous n'avons pas encore assez de données sur les divers modèles de camps pour prouver qu'ils sont tous efficaces, mais nous savons néanmoins que le taux de récidive est plus faible chez nombre de jeunes contrevenants qui sont allés dans des camps de pleine nature, ou quelque chose du genre.

Pour nombre de jeunes envoyés dans ces camps, c'est la première fois de leur vie qu'ils sont placés dans un environnement très structuré avec des tâches, des responsabilités et des attentes particulières. Ils n'ont pas de temps libre pour comploter contre d'autres jeunes ni les intimider.

Nous avons un de ces camps tout juste au sud de Prince George. Il existe depuis 23 ans et a un taux de succès relativement élevé. Les jeunes contrevenants de ce camp font des exercices d'assouplissement et une course de quatre milles le matin avant le petit déjeuner. On leur assigne des tâches; ils ont un régime scolaire et d'études strict et n'ont presque pas de temps libre.

Ils ne font pas des travaux forcés, comme le prétendent les gens qui critiquent certains camps. Ils sont dans un cadre structuré et discipliné conçu pour favoriser le développement d'un comportement plus responsable.

L'an dernier, le Manitoba a également opté pour ce régime de détention pour les jeunes. En Ontario, il en coûte la moitié moins d'envoyer un jeune au camp DARE, sans compter que les jeunes envoyés dans ces camps sont moins susceptibles de récidiver que s'ils étaient enfermés dans un centre de détention juvénile.

Je vois un autre problème dans ce projet de loi. C'est que ce ne sont que les jeunes de 16 ou 17 ans qui ont commis un crime grave comportant de la violence qui sont jugés par les tribunaux pour adultes. Il ne traite pas des jeunes multirécidivistes de 16 ou 17 ans qui n'ont évidemment que mépris pour le système judiciaire.

En Colombie-Britannique, entre les mois d'avril et de septembre 1994, 199 des 1 819 jeunes condamnés ou maintenus en détention avaient 16 ou plus. Ils sont responsables de plus de la moitié des crimes perpétrés par des jeunes. Lorsqu'il est question des jeunes de 16 ou 17 ans qui commettent des crimes, je m'oppose farouchement au projet de loi à l'étude.

À mon avis, tous les jeunes de 16 ou 17 ans savent la différence entre le bien et le mal. Ils savent ce qu'ils font quand ils commettent un crime, et j'estime qu'ils devraient être traités comme des adultes. Ils ne doivent pas être assujettis au même système que les jeunes de 12 ans et ils ne devraient pas s'attendre au même traitement pour leur crime. Ce projet de loi comporte une faille qui permet aux contrevenants plus âgés même les plus violents de continuer de relever du système mis en place pour les jeunes contrevenants. Des jeunes de 16 ou 17 ans qui commettent des meurtres ou des voies de fait graves peuvent demander de relever du système visant les jeunes. Ce projet de loi a créé un tout nouveau secteur d'activité pour les avocats et il mobilisera encore plus le temps précieux des tribunaux. À mon avis, c'est déplorable.

Je lisais récemment dans le Readers' Digest un article de Mike Royko, publié à l'origine dans le Chicago Tribune. Cet article traduit bien les sentiments qu'éprouvent de nombreux Canadiens à l'égard des criminels violents qui commettent des viols ou des meurtres, quel que soit leur âge. Je vais lire un passage de cet article:

Le juge McKay entend des causes criminelles dans le comté de Trumball, en Ohio. Récemment, une bête sur deux jambes a comparu devant lui; elle avait enlevé, volé et violé à maintes reprises une jeune fille de 12 ans. Au moment de prononcer sa sentence contre le vaurien de 22 ans, le juge McKay a dit ceci:
«Lorsque vous vous êtes glissé hors de votre antre ce jour-là et que vous avez vomi votre venin sur cette fillette sans défense, vous vous êtes taillé une place au palmarès des dix ordures les plus méprisables qui existent dans ce pays, selon cette cour. En un sens, la meilleure peine que ce tribunal pourrait vous infliger serait de ne vous en imposer aucune, car si vous pouviez quitter cette salle librement, je ne crois pas que vous resteriez en vie 10 minutes. Vous n'êtes que de l'ivraie parmi le bon grain. Quand je rencontre une mauvais herbe, j'ai le devoir de la supprimer, car si je ne le fais pas, elle étouffera le blé. Je vais donc vous retirer de la circulation le plus longtemps possible.»
Le juge a alors énuméré une à une les longues peines infligées pour chacun des crimes perpétrés contre la fillette. «Vous ne pourrez bénéficier d'une libération conditionnelle avant d'avoir 92 ans», a-t-ajouté. «Il ne reste qu'un chef d'accusation, celui de vol avec circonstances aggravantes. Vous avez volé le soutien-gorge de cette jeune fille en souvenir, probablement pour vous en glorifier auprès de vos amis. Je vais vous laisser un souvenir impérissable de la cour de justice du comté de Trumball, soit une peine maximale de 10 à 25 ans, pour le vol avec circonstances aggravantes de ce soutien-gorge. J'espère que, durant vos 25 dernières années d'incarcération, vous vous en souviendrez. Sortez-moi cette ordure.»
(1755)

Il y a des millions de Canadiens un peu partout au pays qui exigent ce genre de justice à l'égard de ce type de criminels. Au Canada, lorsqu'il commet un meurtre ou un viol, un jeune de 17 ans doit savoir qu'il devra en subir les lourdes conséquences. Ce n'est pas ce qui se passe quand on prend trois repas par jour dans un centre de détention pour jeunes et qu'on a tout le temps pour apprendre d'autres de vieux trucs du métier.

Je suis d'avis que, dans les prisons pour adultes, les détenus ne doivent pas rester à rien faire. Ce projet de loi ne vise pas la réforme de tout le système carcéral.

Bref, les jeunes contrevenants doivent savoir que, tôt ou tard, ils seront pris, condamnés et punis. Il faut que les jeunes contrevenants sachent que justice sera bel et bien rendue. Ils doivent savoir ce qui leur pend au bout du nez.

Le projet de loi C-37 est un commencement. Tout notre système de justice pour les jeunes a besoin d'être réformé. Il faudrait songer au cas des jeunes de 10 et 11 ans qui sont négligés par les agences de protection de l'enfance à court de ressources et qui deviennent des repris de justice avant d'avoir atteint l'âge de 12 ans. Il faut reconnaître que les jeunes de 16 et 17 ans sont tous responsables de leurs actes, non pas la société. S'ils veulent violer la loi, c'est leur affaire.

Nous devons consacrer les ressources nécessaires à la mise en place et à la surveillance de programmes destinés aux contrevenants qui en sont à leur première infraction. Nous devons créer des installations de détention pour jeunes contrevenants qui soient fortement structurées et où, par la discipline, on apprenne aux jeunes criminels violents à respecter nos valeurs et nos lois, ou encore améliorer ceux qui existent déjà.

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec un vif intérêt l'exposé du député d'en face au sujet du projet de loi C-37.

De toute évidence, un des aspects dont nous devrions nous souvenir dans ce projet de loi, c'est que les jeunes de 16 et 17 ans seront jugés par un tribunal pour adultes et que, si je saisis bien le


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projet de loi, ils n'ont qu'un seul moyen à leur disposition pour être jugés par un tribunal pour adolescents. Ils doivent fournir la preuve irréfutable qu'ils doivent être jugés par un tribunal pour adolescents, et le système judiciaire doit accepter cette preuve.

Cela se produirait très rarement, dans des circonstances atténuantes. Comme nous le savons également, ce nouveau projet de loi doublerait essentiellement la durée de la peine.

Je voudrais également traiter d'un exposé que j'ai récemment eu l'occasion d'entendre et qu'a prononcé M. Fraser Mustard. Il y mentionnait des travaux de recherche qu'il avait effectués pendant de nombreuses années. Beaucoup de députés reconnaîtraient que, il y a quelques années à peine, lorsque nous nous penchions sur l'intervention précoce auprès des enfants, nous songions à ceux des écoles maternelles. Aujourd'hui, selon M. Mustard, nous devons songer aux enfants encore plus jeunes que ceux-là. Nous devons reculer jusqu'aux enfants de six mois pour déterminer s'ils sont bien nourris et bien soignés et s'ils reçoivent une aide appropriée.

(1800)

La question que je voudrais poser au député d'en face est celle-ci: Ne croit-il pas que, en plus des modifications prévues dans le projet de loi C-37 pour rendre les peines plus sévères, nous devrions tous songer à des services d'aide communautaire afin de prévenir ces crimes et d'éviter de devoir punir nos jeunes à l'avenir?

M. Hill (Prince George-Peace River): Monsieur le Président, je remercie mon collègue d'en face de ses commentaires sur ma présentation et de sa question.

J'essaierai de répondre dans l'ordre des points soulevés. Il a raison en ce qui concerne le renvoi des jeunes contrevenants de 16 et 17 ans aux tribunaux pour adultes. Il incombe à la personne intéressée, c'est-à-dire le jeune contrevenant, de demander que sa cause soit instruite devant le tribunal pour adolescents et d'expliquer pourquoi il y a droit.

Comme l'orateur précédent l'a souligné, un amendement a aussi été proposé, à l'étape de l'étude en comité, qui autoriserait l'avocat de la défense et l'avocat de la poursuite à se rencontrer pour prendre une décision à cet égard avant que le tribunal ne soit saisi de la cause. Cette façon de procéder donnerait lieu à des démarches identiques aux négociations de plaidoyers. Cela nous inquiète énormément.

Je l'ai dit durant mon discours, les contrevenants de 16 et 17 ans ne devraient pas avoir le choix. À 16 ans, ces jeunes savent très bien ce qu'ils font et devraient savoir aussi quelles sont les conséquences de leurs crimes. Par conséquent, le renvoi devrait être automatique et leurs causes ne devraient jamais être instruites devant le tribunal pour adolescents qui juge les jeunes de 12 ans.

Quant au commentaire sur les dispositions du projet de loi C-37 qui doublent la peine, si j'ai bien compris, celles-ci ne s'appliquent qu'en cas de meurtre.

Je l'ai dit aussi durant mon discours, la peine passe de cinq à dix ans. À mon avis, dans le cas d'un meurtre au premier degré, une peine de dix ans ne suffit pas, surtout si l'on songe que la période maximale de détention pourrait se limiter à six ans, le coupable étant libéré sous condition pour les quatre dernières années de sa peine.

En ce qui concerne le service communautaire, j'appuie définitivement ce concept. Je crois que je l'ai aussi mentionné durant mon discours. Nous devons faire appel à toutes les ressources, mais ce n'est pas la solution dans tous les cas.

Les camps de pleine nature ne sont pas davantage une solution. La détention en milieu fermé ne sied pas à tous les cas. Nous devons songer à toute une gamme de solutions. Les réformistes de ce côté de la Chambre s'inquiètent surtout parce qu'il y a toujours certaines personnes qui se moquent sans cesse de la loi.

Monsieur le Président, je suis convaincu que vous avez entendu parler du cas de ces trois jeunes contrevenants qui, le printemps dernier, sont entrés par effraction dans la maison d'une jeune famille à Edmonton. Ils savaient très bien que la famille était à la maison. La jeune mère s'est éveillée et les a surpris durant leur vol. Ils auraient pu se sauver, car elle n'était pas une menace pour eux, mais ils n'ont eu aucun respect pour la loi, ni même pour la vie humaine. Ils l'on assassinée de sang froid. Ils l'ont poignardée à mort.

Voilà le genre de cas qui fait dire aux réformistes qu'il faut être plus sévères avec les gens de la sorte. Nous devons montrer clairement que notre société n'approuvera jamais ce genre de comportement.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je ne voulais pas intervenir dans ce débat, particulièrement sur le discours que vient de faire le député. Cependant, compte tenu de la différence notoire qui existe entre sa façon de penser et ce qui existe au Québec, je me fais un devoir d'intervenir.

Moi, personnellement, je me sens à cent lieues de la façon de penser des réformistes à cet égard. À entendre le député parler, on dirait que les jeunes sont vraiment le fléau le plus important de toute la société. On dirait que ce sont vraiment les jeunes de 18 ans et moins qui occasionnent le plus de crimes ou que la criminalité est à la hausse à cause des jeunes de 18 ans. Pourtant, on n'a qu'à regarder les statistiques. Je suis un député bloquiste et je vais prendre les statistiques de Justice Canada, qui dit qu'au cours des dernières années, le nombre moyen de personnes de moins de 18 ans soupçonnées d'avoir commis un homicide a été considérablement plus bas que dans les années 1970.

(1805)

Je pense que, depuis les années 1970, le nombre de jeunes contrevenants, comme on les appelle, a diminué, et les crimes graves et répugnants ont également diminué. Il est certain que dans les journaux à potins, et c'est probablement le style de journaux que les réformistes lisent, on fait état de ces crimes graves et même, on les mousse. Pourtant, ce n'est pas cela, la base de ce qui se passe dans la société canadienne et surtout dans la société québécoise.

J'aimerais que le député me réponde si, au moins, dans sa propre province, on applique l'objectif de l'actuelle Loi sur les


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jeunes contrevenants qui dit que «la protection de la société constitue l'un des objectifs primordiaux du système de justice pour les jeunes, objectif qui est atteint par la réinsertion sociale des jeunes lorsqu'elle est possible.» Est-ce que dans sa propre province, on applique au moins cet objectif? Y a-t-il un système de réhabilitation et de réinsertion sociale pour ces jeunes? C'est beau de les critiquer, mais offre-t-on les outils minimaux à ces jeunes afin qu'ils réintègrent la société? Je pense que non.

[Traduction]

M. Hill (Prince George-Peace River, Réf.): Monsieur le Président, j'espère que je vais pouvoir parler aussi longtemps que le député qui a pris la parole avant moi.

Je voudrais faire un ou deux commentaires. Le député du Bloc, du Québec, a dit qu'il se sentait à cent lieux de la façon de penser des réformistes à cet égard. Cela paraît, et j'avoue que j'en suis bien heureux.

Le député aime donner des statistiques. J'ai constaté que la plupart des députés recourent à des statistiques pour étayer leurs dires. Je suppose qu'il va en être ainsi jusqu'à la fin du débat.

Le Centre canadien de la statistique juridique a dit que, depuis 1992-1993, le nombre d'infractions contre les biens a diminué de 5 p. 100. Ces statistiques valent pour les jeunes contrevenants. Même si le nombre d'infractions, dans les autres catégories, a augmenté ou est demeuré à peu près le même, le nombre de délits où il y a usage de violence a augmenté de 8 p. 100.

Nous pouvons tous donner des statistiques. Nous pouvons tous dire que le problème s'aggrave ou s'améliore, selon le côté de la Chambre où nous siégeons et la position que nous prenons sur la question.

Je voudrais dire au député que ce sont les enfants eux-mêmes, les bons enfants, qui, le plus fort, réclament que justice soit faite. Nous avons tendance à oublier cela. Certains semblent penser que, parce que nous disons qu'il ne faut plus badiner avec les jeunes contrevenants, nous nous en prenons aux jeunes.

Au contraire, nous essayons de défendre les jeunes qui sont de bons citoyens, des citoyens modèles, ceux qui ont peur d'aller à l'école, qui ont peur de marcher dans les rues, le soir, parce qu'ils pourraient se faire attaquer par des gangs, parce que le système ne traite pas les gangs comme il le devrait. Le système ne répond pas aux besoins de ces jeunes.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je tiens à dire à quel point je suis heureux de pouvoir participer au débat sur un sujet aussi important que les modifications réfléchies et opportunes que le ministre de la Justice propose d'apporter à la Loi sur les jeunes contrevenants.

La criminalité juvénile et les jeunes en général font partie de l'actualité politique canadienne depuis l'adoption de la Loi sur les jeunes délinquants en 1908. Cette loi a été révisée en profondeur au milieu des années 80, puis remplacée par la Loi sur les jeunes contrevenants, qui est demeurée inchangée depuis son adoption.

Le gouvernement a pris des engagements et fait des promesses pendant la campagne électorale, notamment au sujet de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je signale que cette question a grandement contribué à mon élection. Une fois de plus, nous avons tenu promesse, comme nous l'avons déjà fait à de nombreuses reprises. Les médias mêmes nous ont félicités et ont toute mon admiration.

Le journaliste Sean Dirkan écrivait dans le Sun d'Ottawa que les conservateurs avaient tenu un discours sévère sur la loi et l'ordre, mais que les libéraux, eux, avaient agi. Selon ce même journaliste, la brigade du livre rouge de Jean Chrétien a donné en moins de neuf mois plus de mordant à la législation sur l'ordre et la loi que ne l'ont fait les conservateurs pendant leurs neuf années de gouvernement.

(1810)

Le journaliste mentionnait les mesures présentées par le ministre de la Justice et le solliciteur général, par exemple la Loi sur les jeunes contrevenants, la réforme sur la détermination de la peine, la répression des agresseurs sexuels d'enfants ainsi que la réforme du système correctionnel et du système de libération cnditionnelle.

La mesure dont nous sommes saisis n'est pas une mesure isolée. Elle fera sans aucun doute sentir ses effets dans d'autres ministères. La situation est un peu comparable à celle d'un moteur d'auto dont tous les cylindres doivent fonctionner en harmonie. Les provinces, les divers niveaux de gouvernement et les partis politiques doivent collaborer pour pouvoir atteindre cet objectif très important.

C'est l'unité familiale qui a le rôle le plus important à jouer. C'est là où tout commence.

Il y a plusieurs mois, ma famille a été terrifiée par un groupe de jeunes au parc des expositions de Toronto. Depuis, j'exhorte le ministre de la Justice à apporter rapidement des modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants pour que nos rues soient à nouveau sûres pour nous et nos enfants.

Depuis mon élection, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec beaucoup de mes électeurs au sujet de cette mesure législative et une des choses qui revient constamment dans les conversations, c'est que la criminalité en général est devenue incontrôlée, surtout parmi les jeunes.

Même si, selon Statistique Canada, le taux de criminalité n'a pas augmenté, la gravité des crimes commis par les jeunes est amplifiée par les médias et, chose certaine, par le Parti réformiste en particulier.

Dans un article paru récemment dans le Globe and Mail, on disait:

Les étudiants ne se contentent plus de briser des vitres et de voler les magasins de quartier. Ils rentrent plutôt par effraction dans des automobiles et amènent avec eux des armes à l'école.
À Scarborough, le conseil scolaire a récemment noté que, avant la mise en oeuvre de sa politique de tolérance zéro, on trouvait 25 armes par mois, la moitié servant strictement à se


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défendre et l'autre moitié étant utilisée pour intimider, effrayer et agresser quelqu'un. Je trouve cela tout à fait terrible. Nos enfants vont à l'école pour s'instruire et stimuler leur intelligence, pas pour intimider ou agresser qui que ce soit. Ils devraient apporter avec eux des crayons, des stylos, des livres et des calculatrices, plutôt que des armes à feu et des couteaux.

Notre gouvernement souhaite surtout s'attaquer aux racines de la criminalité chez les jeunes, aux causes de cette criminalité, en apprenant pourquoi les jeunes commettent ces crimes et en s'assurant que cela ne se reproduise plus pour qu'il n'y ait pas une prochaine génération de criminels en puissance. Les circonstances en cause comprennent la pauvreté chez les enfants, le chômage chez les jeunes ainsi que l'insuffisance des services de garderie et de counseling offerts aux familles et aux enfants à risque élevé, avant que les jeunes intéressés ne tombent dans la criminalité. Nous devons agir sur ces racines et prévenir la criminalité avant qu'elle ne commence.

Dans son douzième rapport, publié en 1993, le comité permanent de la justice déclarait qu'il fallait s'attaquer aux racines du crime, notamment le chômage, les agressions physiques et sexuelles, ainsi que la négligence, l'analphabétisme, la faible estime de soi, l'abus d'intoxicants, la glorification de la violence dans les films, dans les vidéocassettes et à la télévision, l'échec scolaire, les familles perturbées et l'inégalité.

Cela ne veut pas dire que nous devions passer sous silence, ou simplement pardonner les crimes commis par des adolescents qui, parfois, ont malheureusement agi en raison de circonstances indépendantes de leur volonté. Ils doivent apprendre à être responsables de leurs actes. S'ils violent les règles de la société, ils doivent être punis. Ils doivent apprendre très jeunes à être respectueux, responsables et comptables. C'est à cette étape que la famille joue un rôle crucial.

Cependant, nous devons aller au-delà de la punition. Nous devons réadapter ceux qui enfreignent la loi, et c'est ce que permet cette mesure législative. Elle prévoit la punition des jeunes délinquants, mais reconnaît que le traitement le plus efficace est l'association de la punition et de la réadaptation, afin que les jeunes apprennent que le crime ne saurait être toléré, et pourquoi il en est ainsi et ne recommencent pas.

Pour réduire la criminalité, il ne suffit pas que le gouvernement présente des mesures législatives, il faut aussi que l'ensemble de la société fasse quelque chose. La famille a un rôle de premier plan à jouer pour réduire la criminalité juvénile. C'est la première ligne de défense. C'est là que les enfants reçoivent leur premier niveau de socialisation et là où ils apprennent la différence entre le bien et le mal.

L'école et les enseignants ont aussi un rôle. Ils doivent faire preuve de leadership et agir en guides éclairés. Ils doivent redevenir des modèles pour leurs élèves. Ils doivent les motiver et les encourager pour qu'ils ne visent rien de moins que le maximum. Par ailleurs, les enseignants et les élèves doivent fonctionner dans un milieu où ne règne pas la peur.

(1815)

Il appartient aussi à nos forces policières d'appliquer la loi correctemnt. Si nous voulons qu'elles améliorent leur performance, qu'elles jouent un rôle de premier plan dans la prévention de la criminalité sans sérieusement compromettre leur sécurité, nous nous devons de mettre à leur disposition les ressources dont elles ont besoin pour servir et protéger le public.

Le CRTC a aussi une grande responsabilité au niveau du type d'émissions facilement accessibles qui influencent tellement les jeunes d'aujourd'hui. J'ai ici un article paru dans le Toronto Sun au sujet de Jamie Taylor et de Mark Williams, qui sont devenus des meurtriers à l'âge de 17 ans.

On dit dans cet article que Jamie Taylor était un enfant maltraité et négligé. À l'âge de trois ans, Jamie a dû être amené d'urgence à l'hôpital parce que son beau-père l'avait sauvagement battu avec une tringle à rideau. Il a été laissé sans surveillance et a fait tout ce qu'il voulait à partir de l'âge de 12 ans. Il arrivait souvent que sa mère disparaisse pendant un mois sans même vérifier s'il allait bien. Jamie a grandi en regardant des films de brutes machos, en jouant à des jeux guerriers et en s'identifiant aux durs de durs. C'était sa façon de se distinguer.

On a aussi entendu parler d'un cas en Grande-Bretagne où un jeune qui regardait un film vidéo a gravement blessé, avec une hache, l'enfant qu'il gardait. On voit bien qu'un bombardement continu d'images de cet ordre peut effectivement influencer les pensées et le comportement des gens.

Quand on parvient à arrêter, à condamner et à incarcérer ces jeunes, le problème est-il réglé? Je ne le crois pas. Je m'explique. Mark Williams n'a eu pratiquement aucun traitement en six ans. Il a rencontré son travailleur social quatre fois, soit moins d'une fois par année. Mark raconte aussi ce qu'il a dû faire pour se corriger. Le système fait-il vraiment quelque chose pour aider cette personne à réintégrer la société? Je ne le pense pas. Je suis très inquiet parce qu'il pourra faire une demande de libération conditionnelle en 1998.

J'ai déjà dit que la condition préalable à toute demande de libération conditionnelle devrait être d'avoir suivi avec succès un programme de réadaptation afin de réduire au minimum, les risques de récidive, si on ne peut les éliminer.

Bien des gens l'on dit à maintes reprises avant moi, mais cela vaut la peine d'être répété: les jeunes sont l'avenir du Canada. Toutefois, on l'a dit récemment, cette génération est la première dont le niveau de vie ne sera pas supérieur à celui de la génération précédente. À mes yeux, c'est une véritable tragédie.

La jeunesse devrait être une période d'optimisme. Les jeunes d'aujourd'hui sont confrontés à des problèmes qu'ils n'ont pas causés. Le chômage chez les jeunes bat tous les records. Notre économie s'est affaiblie par suite d'un constant rafistolage; d'aucuns jugent que notre situation politique défie toute solution et que notre économie se détériore du fait qu'il est toujours question de séparation, ce qui ne fait que générer de l'instabilité. Il semble qu'on hésite à investir dans nos entreprises sous prétexte qu'on ignore si demain le Québec fera toujours partie du Canada.


9858

Le perpétuel pessimisme de nos jeunes ne surprend guère. Je pense qu'il est temps d'abandonner les discours politiques et de se concentrer sur le renouveau économique, le développement et la création d'emplois pour nos jeunes.

Nous devons travailler ensemble à chasser ce sentiment de désespoir. Nous devons encourager nos jeunes à étudier plus longtemps, à obtenir des diplômes et à devenir des membres précieux de notre collectivité. En tant que gouvernement, nous avons mis en oeuvre des programmes précisément dans ce but. Cependant, un gouvernement ne peut rester seul à déployer des efforts.

Dans le cadre de partenariats avec d'autres intéressés dans la société-les entreprises, les éducateurs, les groupes communautaires ainsi que les membres des partis d'opposition-nous devons travailler ensemble à la poursuite du but qui consiste à éliminer la criminalité chez les jeunes.

Certaines des modifications proposées à la Loi sur les jeunes contrevenants, par exemple celle qui vise à doubler la peine imposée à celui qui est déclaré coupable de meurtre au premier ou deuxième degré, font beaucoup en ce sens. De plus, si elle le désire, la victime pourra présenter une déclaration décrivant la manière dont le crime commis par un jeune contrevenant l'a touchée. À mon avis, cette disposition aidera beaucoup le tribunal à brosser le tableau complet afin d'imposer une peine appropriée.

Grâce à ces modifications, le tribunal pourra demander que des évaluations médicales et psychologiques soient effectuées en cas de récidive ou de crime grave, sans avoir à demander le consentement au jeune contrevenant.

Par le biais de ce projet de loi, nous avons aussi établi un système de mise en commun de l'information, qui est très important, à mon avis. Les dossiers et les renseignements seront partagés. Des renseignements sur les jeunes contrevenants seront également remis à certaines personnes qui pourraient se sentir menacées par la présence de ces jeunes dans leur collectivité. Ces renseignements seraient diffusés à certains professionnels, comme les policiers, les autorités scolaires, les agences de protection de l'enfance, les responsables de garderies, etc.

(1820)

Il est évident que cette mesure contribuera à minimiser les risques et à accroître la protection de nos citoyens. Fait encore plus important à noter, aux termes de ces nouvelles modifications, les jeunes contrevenants accusés de meurtre, de tentative de meurtre, d'homicide involontaire coupable, de voies de fait graves ou d'agression sexuelle se retrouveront directement devant des tribunaux pour adultes.

Il s'agit d'une mesure très importante, puisqu'il incombera désormais aux jeunes contrevenants de prouver qu'ils devraient être jugés par un tribunal pour adolescents et non par un tribunal pour adultes. Nous constatons par conséquent que toutes ces modifications nous permettent de transmettre clairement le message suivant: la criminalité à tous les niveaux ne peut plus être tolérée et ne le sera plus.

En terminant, il est sûr que ces changements, notamment ceux que je viens de vous décrire, constituent un pas dans la bonne direction. Tout d'abord, ils aideront nos jeunes à partir dans la vie sur le bon pied, mais ils leur feront surtout comprendre clairement que la violence ne sera plus tolérée.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, il me fait toujours plaisir d'entendre le discours d'un député du gouvernement sur un projet de loi comme le projet de loi C-37.

On sait que le projet de loi sur les jeunes contrevenants a suscité des arguments et des commentaires assez percutants de la part de certains Québécois et Québécoises. Je voudrais savoir du député si le projet de loi C-37 reflète la pensée des Québécois et des Québécoises qui ont témoigné au Comité permanent de la justice, à savoir que leur message, si je le résume assez clairement, était «ne touchez pas à la Loi sur les jeunes contrevenants». La loi est bonne si on l'applique dans chaque province et, à notre connaissance, la province qui l'applique le plus est le Québec. Les provinces qui disent que la Loi sur les jeunes contrevenants n'est pas bonne sont celles qui ne l'appliquent pas.

Est-ce que le député du côté du gouvernement est conscient de cela et est-ce qu'il pourrait me dire si les modifications proposées par le gouvernement au projet de loi C-37 respectent les revendications du Québec? Nous assistons peut-être ici à un exemple du caractère distinct du Québec face à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Est-ce que le député pourrait me dire si, parmi les modifications au projet de loi, il y en a qui respectent les revendications du Québec?

[Traduction]

M. Cannis: Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. L'engagement que nous avons pris à cet égard dans le livre rouge ne visait pas l'intérêt de la Colombie-Britannique, ni celui du Québec ou de l'Ontario. C'est l'intérêt du Canada tout entier qui nous tenait à coeur parce qu'il s'agit de la jeunesse canadienne et non de la jeunesse québécoise, ontarienne ou britanno-colombienne.

C'est l'ensemble qui nous intéresse ici. Tous, députés du Bloc québécois, députés réformistes et nous-mêmes, du Parti libéral, devrions oublier un instant nos différends pour bien agencer ces modifications afin de bien faire passer ensemble le message que la violence ne sera plus tolérée chez les jeunes du Québec, de l'Ontario ou de toute autre province.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je tiens à faire savoir au député à quel point j'apprécie ses valeurs familiales et l'importance qu'il accorde à l'école ainsi qu'au rôle qu'il voudrait lui voir jouer. Je le félicite pour ce qu'il a dit à ce sujet. C'était très bien.

J'aimerais connaître son opinion sur quelque chose qui me vient à l'esprit lorsque nous parlons des solutions que nous préconisons aux problèmes mentionnés, que leurs causes remontent à 20 ou à 25 ans. Nous n'avons pas fini de rechercher les causes de ces problèmes.

Je me souviens de l'époque où l'âge légal pour consommer de l'alcool était de 21 ans. Cet âge a été abaissé. Cela veut tout simplement dire que l'on a abaissé l'âge illégal pour consommer de l'alcool. Maintenant, ce ne sont plus les jeunes de 18 et de 19 ans qui boivent illégalement, mais les jeunes de 14, 15 et 13 ans.

9859

Je pense aussi à la pornographie. À une époque, il n'y en avait pas. Aujourd'hui, elle est partout. Il y a une femme en Alberta qui se bat très fort pour nous débarrasser de la pornographie, des peep shows, des stripteaseuses et de toutes ces choses qui, nous le savons, ont une mauvaise influence sur nos jeunes. C'est là une cause des problèmes.

(1825)

Si, lorsque vous étiez jeunes, vous aviez traité un policier de chien, que se serait-il passé? Si vous ne le faisiez pas, ce n'est pas parce que vous aviez peur, mais plutôt parce que vous respectiez les policiers. Maintenant, ces insultes sont monnaie courante. Pourtant, il n'existe aucun recours pour les policiers. Ils ne sont pas sensés réagir à ces insultes. Nous ne controns pas la violence par la violence. Nous écoutons toutes ces grossièretés. Ce sont là d'autres causes.

Il semble que, chaque fois que j'aborde ce sujet, je me heurte à un mur. Si nous voulons éliminer ces causes, nous devons composer avec la Charte des droits et libertés. Nous nous heurtons souvent à la Charte. Lorsque nous décidons de faire quelque chose au sujet d'un problème, nous devons nous souvenir des droits. Je crois que la Charte est un boulet pour notre système judiciaire lorsqu'il s'agit des jeunes contrevenants.

Le député pourrait-il nous donner ses impressions à ce sujet?

M. Cannis: Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Je voudrais bien être d'accord avec lui, mais je ne peux pas. Dans toute société civilisée, nous avons besoin d'une base pour fonctionner. Nous avons besoin d'une charte. Nous avons besoin de règles et de règlements. Il se peut parfois que nous ne les approuvions pas, mais il n'en reste pas moins que nous avons besoin de règles et de règlements pour nous protéger.

Il arrive que les gens abusent de leurs droits. Je ne le nie pas. C'est d'ailleurs pour cette raison que le ministre de la Justice prend l'initiative d'apporter des changements. Je ne dis pas que ces changements vont régler notre problème. Comme nous le savons, des consultations sont toujours en cours. Le Comité de la justice n'a pas terminé son travail et il poursuivra ses efforts.

Nous avons souvent entendu dire que Paris ne s'est pas fait en un jour. Le ministre ne peut pas présenter des modifications qui régleront tous nos problèmes. Ce projet de loi représente cependant un pas dans la bonne direction.

J'espère que le comité de la justice continuera d'examiner la situation et de faire des recommandations et que, avec le temps, nous serons en mesure d'apporter de nouveaux changements qui amélioreront le système et le rendront plus sûr pour nous-mêmes et pour nos enfants.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais féliciter moi aussi le député de son intervention. Je l'ai beaucoup appréciée. Voilà le genre d'attitude qui peut certainement susciter notre collaboration de ce côté-ci.

Il y a certaines choses qu'un gouvernement peut faire et certaines autres qu'il ne peut pas faire pour venir en aide aux gens. Mon collègue de Wild Rose en a parlé. Nous nous élevons contre la pornographie et ces autres phénomènes qui corrompent la fibre morale de notre société, notamment celle des jeunes.

Je voudrais savoir si le député est disposé à appuyer l'élimination de la pornographie, à adopter des lois visant à faire disparaître les peep shows, cette forme de spectacle où le voyeur occupe une cabine et paie pour regarder des femmes nues onduler voluptueusement de l'autre côté d'une fenêtre? Serait-il disposé à adopter des lois visant à supprimer les spectacles de danseuses et danseurs nus dans les bars ainsi que les danses plus intimes en isoloir? Le député serait-il disposé à appuyer et même à prendre l'initiative de telles mesures législatives, du côté ministériel, pour éliminer ce genre de conduite qui a un impact négatif si terrible. . .

Le vice-président: Il reste environ une minute au député de Scarborough-Centre.

M. Cannis: Monsieur le Président, je remercie le député des chaleureuses observations qu'il a faites sur mon discours. J'ai fait campagne pour les valeurs familiales. J'ai voulu que cela paraisse dans mon discours.

Personnellement, je n'approuve pas la pornographie, notamment celle qui exploite des enfants. Je voudrais certainement voir l'élimination de cette forme de pornographie et que les gens qui s'y livrent soient sévèrement punis.

Ce projet de loi ne règle pas le problème. Je sais que des propositions ont été faites pour le régler. Plus vite on les acceptera, plus notre société deviendra plus sûre et plus propre.

Il y a tellement de problèmes judiciaires à régler qu'il serait injuste de trop éparpiller nos efforts. Nous devons nous attaquer à un problème en particulier, dans ce cas-ci, la Loi sur les jeunes contrevenants.

J'espère sûrement que les autres questions auxquelles le député a fait allusion seront présentées le plus tôt possible pour que nous puissions y remédier avec la même détermination que dans le cas de la Loi sur les jeunes contrevenants. Comme je l'ai dit plus tôt, je pense que c'est un pas dans la bonne direction. J'estime qu'on aura le temps dans l'avenir. Mais, je le répète, ne condamnons pas d'avance notre jeunesse. Donnons-lui le bénéfice du doute.

(1830)

Dans l'avenir, je serai très heureux de participer à l'élimination de la pornographie.

_____________________________________________


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MOTION D'AJOURNEMENT

[Français]

L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

LES TARIFS DOUANIERS

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac, BQ): Monsieur le Président, inquiet de l'inertie du gouvernement fédéral face à la contestation des tarifs douaniers canadiens par les États-Unis, j'ai questionné le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimen-


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taire vendredi dernier. Ce que je demandais au ministre, c'était d'enfiler ses culottes et d'y ajuster ses bretelles et sa ceinture et d'affronter les Américains en ce qui concerne le yogourt et la crème glacée.

Je vous rappelle brièvement le problème à l'origine de mon inquiétude. Selon le secrétaire américain au Commerce, M. Mickey Kantor, le Canada violerait l'Accord de libre-échange nord-américain en imposant des tarifs variant entre 100 et 300 p. 100 sur la crème glacée, le yogourt, les oeufs et le poulet importés aux États-Unis. Par contre, selon le GATT, les tarifs douaniers devraient diminuer graduellement d'ici six ans.

C'est là que je commence à avoir des problèmes avec l'inaction du gouvernement libéral. Le ministre a affirmé que le gouvernement canadien est décidé à défendre les producteurs laitiers et de volaille. Je ne demande pas mieux que de les croire, mais avec le sort que ce gouvernement a réservé à l'article XI du GATT, si le passé est garant de l'avenir, j'avoue que je doute de la bonne volonté, de la volonté réelle du ministre et de son gouvernement.

Dans la réponse à la question que j'ai posée, le ministre a, par ailleurs, réitéré l'appui du gouvernement canadien au système de gestion de l'offre. À mon avis, rien n'est moins sûr que la volonté du fédéral de vouloir se battre pour notre système de gestion de l'offre. Je ne serais pas surpris que la mollesse du gouvernement dans le dossier de la crème glacée et du yogourt soit le prix à payer aux Américains pour avoir réglé le conflit du blé de l'Ouest l'été dernier.

Ce qui pourrait peut-être régler ce litige qui risque fortement, à mon avis, de dégénérer en guerre commerciale, c'est de cesser de faire l'autruche et de trancher pour faire reconnaître la préséance du GATT sur l'ALENA. Jusqu'à présent, tout ce qu'on dit, c'est que oui, le GATT devrait l'emporter, mais on ne le dit pas trop fort pour éviter que nos partenaires américains nous entendent.

Il y a trois jours, le ministre me répondait ceci: «Si les États-Unis diffèrent d'opinion et veulent nous donner du fil à retordre, nous ne pourrons manifestement pas les en empêcher, mais si cela se produit, nous nous défendrons avec tous les moyens à notre disposition.» Justement, quels sont-ils ces moyens à la disposition du ministre pour défendre nos agriculteurs?

Je doute qu'il possède des moyens efficaces parce qu'il ne consulte pas un panel du GATT qui pourrait trancher le litige Canada-USA. Ici, je cite l'Association des producteurs laitiers du Canada: «La polémique d'origine américaine sur les règles du GATT et de l'ALENA s'appliquant à la tarification des quotas d'importation n'a malheureusement cessé de prendre de plus en plus d'ampleur, si bien que nos producteurs laitiers doutent de plus en plus que le Canada réussisse à négocier un accord bilatéral avantageux pour eux. Or, ce n'est pas moi qui le cite.

(1835)

Tout à l'heure, au bulletin de nouvelles, je voyais Claude Rivard, le vice-président de la Fédération des producteurs laitiers du Québec, en conférence de presse, ici à Ottawa, supplier le gouvernement de mettre ses culottes et d'intervenir.

[Traduction]

M. Lyle Vanclief (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de répondre ce soir aux observations du député.

Le 2 février, le délégué commercial des États-unis, l'ambassadeur au Canada, M. Kantor, a demandé des consultations officielles en vertu de l'ALENA, concernant l'accès des Américains au marché canadien de la volaille et des produits laitiers.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ainsi que le ministre du Commerce international ont dit à maintes reprises et continuent de penser que les équivalents tarifaires que nous appliquons dans le cadre du commerce bilatéral de la volaille et des produits laitiers, dont la crème glacée et le yaourt, sont parfaitement compatibles avec les droits que nous reconnaissent le GATT et l'ALENA. En fait, le 2 février dernier, les ministres ont publié un communiqué expliquant cette position et dissipant tout malentendu à ce sujet. La position du Canada n'a pas changé; elle reste la même. De plus, les deux ministres ont réaffirmé cette position à la Chambre vendredi dernier.

La demande de consultation des États-Unis ne doit pas être prise pour autre chose. C'est simplement une demande de rencontre pour discuter de la question. Le fait que les États-Unis demandent cette consultation en vertu des dispositions de l'ALENA sur le règlement des différends donne à la démarche un caractère plus officiel, j'en conviens, mais il n'en modifie pas la nature fondamentale.

Les demandes de consultations officielles sont fréquentes entre partenaires commerciaux. Parfois, il y a formation d'un groupe d'experts avant qu'elles ne se terminent. Dans certains cas, les consultations suffisent à résoudre le problème; dans d'autres, les discussions se prolongent.

Ces consultations devraient commencer aux environs de la semaine prochaine. Dans le cas qui nous occupe, nous sommes certains de la solidité de notre position juridique, et nous allons tenir notre bout. Notre préférence va vers une solution négociée.

Il n'est pas impossible que la question soit soulevée à la prochaine visite de M. Clinton à Ottawa. Si cela se produit, la position canadienne ne bougera pas. Nous agissons conformément aux droits que nous confèrent les accords commerciaux, et nous allons défendre ces droits.

[Français]

LE LOGEMENT SOCIAL

M. Jean-Paul Marchand (Québec-Est, BQ): Monsieur le Président, vendredi dernier, j'ai posé une question au ministre responsable du logement concernant une injustice qui existe envers le Québec dans le domaine du logement social.

Je voulais lui demander s'il était au courant du fait que le Québec accuse un manque à gagner de 100 millions de dollars par année et ce, depuis plusieurs années. Si on calcule selon la population, le Québec devrait recevoir au moins 25 p. 100 des dépenses de la SCHL, alors qu'à l'heure actuelle, il ne reçoit que

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20 p. 100. Cent millions de dollars par année est une somme considérable. Même si on utilisait, non pas le standard de la population, mais le besoin en matière de logement social, on serait obligés de calculer que le Québec devrait recevoir jusqu'à 29 p. 100 du budget de la SCHL.

Donc, le manque à gagner, pour le Québec, de 100 millions de dollars par année est un montant important et c'est seulement minimal. D'ailleurs, ceci s'inscrit dans une tentative de la part du gouvernement d'aller chercher un autre 25 ou 26 millions dans la poche des personnes qui demeurent dans les logements dits sociaux. Le gouvernement a l'intention d'augmenter les loyers de ces gens de 20 p. 100. C'est comme si le gouvernement n'avait pas actuellement de politique de logement social.

(1840)

On a gelé les contributions dans le domaine du logement social depuis que le Parti libéral est au pouvoir. On n'accorde pas la juste part au Québec et là, maintenant, on veut aller augmenter les loyers des plus démunis dans la province de Québec. Est-ce que je pourrais avoir un éclaircissement, de la part du gouvernement, qu'il reconnaisse au moins cette injustice, dans un premier temps, et dans un deuxième temps, j'aimerais leur demander ce qu'ils font au point de vue du logement social. Est-ce que ce gouvernement a une politique de logement social?

M. Réginald Bélair (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir de répondre à l'énoncé de mon collègue.

[Traduction]

Je voudrais qu'on me comprenne bien sur un point particulier. Le présent gouvernement s'engage, dans le climat financier actuel, à fournir des logements sociaux à tous les Canadiens nécessiteux, dont les Canadiens vivant au Québec.

Pour comprendre pleinement comment les fonds alloués au logement sont répartis, le député doit reconnaître que, au moment où a été lancé le programme de logements publics, le Québec a décidé de ne pas y participer. Ainsi, dans le cadre de l'ancien programme de supplément au loyer, l'Ontario a participé dès 1971, tandis que le Québec a attendu 1978. Au cours de cette période, l'Ontario a fourni 9 500 unités pour lesquelles la province continue de toucher des subventions, tandis que le Québec, qui n'a fourni aucune unité, n'a donc touché aucune subvention.

Peu importe ce qui s'est passé, notre ami d'en face doit comprendre que les sommes qui sont allouées à la construction des logements au Canada sont réparties selon une formule qui repose sur un besoin fondamental et non plus sur la population. C'est là une importante distinction qui mérite d'être rappelée. Selon ce critère, chaque région touche sa part de nouveaux engagements dans le domaine du logement.

[Français]

En 1993-1994, environ 350 millions de dollars ont été dépensés au Québec, ce qui a permis de fournir de l'aide visant plus de 140 000 logements sociaux. Le Québec a aussi reçu, outre cette aide, des fonds additionnels tenant compte de circonstances spéciales. Je fais référence aux 4 millions de dollars du programme RESO, établi afin d'améliorer les conditions de vie dans le sud-ouest de Montréal et de contribuer au développement de cette région.

Je fais aussi référence aux 5 millions de dollars accordés aux propriétaires occupants de Montréal dont le logement a été endommagé par la sécheresse.

[Traduction]

Enfin, pour ce qui est du montant de 100 millions de dollars qui n'irait pas au Québec, mon collègue sait que ce chiffre est faux. Il le sait pertinemment. Il est très regrettable que le député et le Bloc québécois cherchent à se livrer à des manoeuvres séparatistes au détriment des gens du Québec qui sont le plus dans le besoin. Il devrait faire preuve de plus d'honnêteté envers les Canadiens et les Québécois.

L'IMMIGRATION

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déclaré, plus tôt aujourd'hui, que je ne comprenais ni la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ni le processus d'admission des réfugiés.

Pour ce qui est de mon incapacité à comprendre la Loi sur l'immigration, permettez-moi de préciser que les sous-alinéas 19.1 a) (i) et (ii), de même que l'alinéa b) de cette loi énoncent clairement les motifs pour lesquels on peut déclarer une personne non admissible au Canada. Ils stipulent que les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible: premièrement, celles qui constitueraient vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques; deuxièmement, celles dont l'admission entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé; troisièmement, celles qui n'ont pas la capacité de subvenir à leurs besoins.

Étant donné que M. Arthur Lasha appartient à ces trois catégories, il n'aurait jamais dû être admis au Canada; il devrait être dépouillé de son statut et renvoyé vers son pays d'origine, la Pologne. Dans ce cas précis, selon de nombreux comptes rendus, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a accepté cet individu comme réfugié en tenant compte à la fois du fait qu'il est séropositif et de la réaction que la population polonaise à eue à son égard.

Les motifs invoqués par M. Lasha sont ridicules, et la Commission aurait dû connaître les faits suivants. Premièrement, le Parlement polonais examine actuellement un projet de loi, appuyé par une forte majorité, qui permettra le mariage entre personnes de même sexe; deuxièmement, une modification constitutionnelle reconnaissant l'égalité des homosexuels et des hétérosexuels va prochainement être adoptée en Pologne. Il est donc injustifié de prétendre que les homosexuels, et les séropositifs comme M. Lasha, font l'objet d'une discrimination systématique en Pologne.

M. Lasha n'a, de toute évidence, pas dressé un tableau entièrement fidèle de la situation dans son pays. Le ministre n'a pas bien décrit la situation actuelle en ce qui concerne la demande de statut de réfugié basée sur l'homosexualité. Le ministre a déclaré que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'avait été saisie que de deux cas semblables.

Dans la seule province de Terre-Neuve, 90 p. 100 des demandes sont acceptées. Selon un représentant des services d'aide

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juridique de cette province, c'est devenu une façon populaire de demeurer au Canada.

Le ministre a parlé beaucoup du fait que M. Lasha était un membre d'un groupe social défini par son orientation sexuelle et il déclaré que c'était la Cour suprême du Canada qui avait pris cette décision.

Or, dans l'affaire de 1993, Canada c. Ward, la Cour suprême a établi des lignes directrices pour évaluer si une personne était un membre d'un groupe social ou non. Il y avait trois possibilités: premièrement, les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable; deuxièmement, les membres dont les groupes s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association; enfin, troisièmement, les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

La cour a également parlé d'autres groupes pouvant être examinés, notamment les homosexuels, mais elle a ajouté qu'il incombait au législateur, et non aux tribunaux, de décider si l'homosexualité pouvait être considérée comme un groupe social.

Étant donné que la question de savoir si l'homosexualité a des origines génétiques ou sociales est loin d'être tranchée, le ministre ne peut dire si M. Lasha était membre d'un groupe social.

La CISR a eu donc tout à fait tort de prendre cette décision en partant de l'hypothèse que cette personne avait une caractéristique innée ou immuable.

Pour terminer, dans cette affaire, la commission était dans l'erreur pour un certain nombre de raisons. Elle n'a tenu aucun compte de plusieurs paragraphes de l'article 19 de la Loi sur l'immigration et fait ainsi supporter un fardeau injuste au système canadien de soins de santé dans son ensemble.

Deuxièmement, elle a omis de considérer la société polonaise et la tolérance que le gouvernement préconise à l'endroit de la communauté homosexuelle.

Troisièmement, elle a omis d'utiliser la définition de «groupe social» correctement, au sens où l'entend la Cour suprême du Canada.

Pour toutes ces raisons, il est clair que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a manqué à son devoir face aux personnes qui demandaient légitimement d'être admises au Canada parce qu'elles fuyaient une situation où elles étaient persécutées et elle a manqué à son devoir face à la société canadienne en accordant le droit d'entrer dans notre pays à des personnes auxquelles elle aurait dû refuser ce droit.

Maintenant qu'il connaît bien tous les faits entourant cette affaire, le ministre ne va-t-il nous dire exactement ce qu'il en est des demandes d'immigration et des critères sur lesquels on se base pour accepter ces demandes? Deuxièmement, va-t-il ordonner immédiatement l'expulsion de cet individu? Troisièmement, va-t-il démanteler la CISR? Quatrièmement, va-t-il remplacer cette commission par des agents d'immigration compétents, qui disposeront de lignes directrices claires pour aider les personnes du monde entier qui ont réellement besoin d'une protection immédiate?

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, la décision a été prise par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui est un organisme décisionnel indépendant et quasi-judiciaire.

Pour ce qui est de la question générale de l'orientation sexuelle, il existe deux faits convaincants qui peuvent aider à éclaircir cette question. En juin 1993, la Cour suprême a statué que l'orientation sexuelle constituait l'adhésion à un groupe social en particulier.

En outre, la Convention de Genève reconnaît que, dans certains pays, les membres de groupes sociaux en particulier ont des motifs de craindre la persécution. Ce sont pour ces motifs que des personnes peuvent demander le statut de réfugié, non seulement au Canada, mais également dans d'autres pays signataires de la Convention de Genève.

Ce cas ne crée pas un précédent. Jusqu'ici, seulement deux revendications étaient fondées sur l'orientation sexuelle. L'une d'elles a été rejetée. L'autre, que le député a soulevée, a été acceptée à la suite d'un appel interjeté devant la Cour fédérale.

Permettez-moi d'informer le député que le Canada n'est pas le seul pays à accepter des réfugiés en raison de leur orientation sexuelle. En fait, les États-Unis, l'Allemagne et la Nouvelle-Zélande ont tous accepté des revendications fondées sur l'orientation sexuelle.

En terminant, lorsque des revendications sont évaluées, c'est pour protéger les demandeurs contre la persécution et les abus systémiques. Je rappelle au député que le Canada est reconnu dans le monde entier pour sa compassion et sa position ferme sur les droits de la personne lorsqu'il s'agit de déterminer le statut de réfugié au Canada.

Le vice-président: Conformément à l'article 38 du Règlement, la motion d'ajournement étant adoptée d'office, la Chambre s'ajourne à 10 heures demain en application du paragraphe 24(1)du Règlement.

(La séance est levée à 18 h 49.)