Le programme quotidien / Déclarations de députés

Lignes directrices : autorité du Président pour interrompre et réprimander des députés et maintenir l’ordre; interdiction de lancer des attaques personnelles à l’endroit d’un député

Débats, p. 864

Contexte

Le 20 octobre 1986, lors de la période réservée aux Déclarations de députés, M. Gordon Taylor (Bow River) dénonce la position qu’aurait prise le Nouveau Parti démocratique sur le recrutement d’homosexuels et de lesbiennes par la Gendarmerie royale du Canada. Le Président interrompt alors le député et l’invite à éviter d’utiliser des termes qui pourraient choquer[1].

Le 27 octobre 1986, M. Svend Robinson (Burnaby) profite de la période réservée aux Déclarations de députés pour dénoncer les propos de M. Taylor. Le Président interrompt le député en lui indiquant que l’intervention de la présidence auprès de M. Taylor est suffisante et qu’il faut en rester là[2]. Plus tard au cours de la même séance, M. Robinson soulève une question de privilège en soutenant qu’il n’aurait pas dû être interrompu lors de sa déclaration. Il allègue que les députés ont le droit de « faire remarquer respectueusement et dans les formes que le genre de propos et les élucubrations stéréotypées et misanthropiques qu’a proférés le député de Bow River n’ont leur place ni à la Chambre ni où que ce soit au Canada ». De plus, il souligne que le Président a laissé poursuivre M. Taylor après l’avoir avisé d’éviter d’utiliser des termes qui pourraient choquer alors que lui-même n’a pu poursuivre sa déclaration après avoir été interrompu par le Président. D’autres députés interviennent également sur cette question. Bien que le Président juge qu’il ne s’agit pas d’une question de privilège, il précise qu’il considère la question comme très importante et qu’il se propose d’y revenir[3].

Le lendemain, M. Robinson intervient de nouveau lors de la période réservée aux Déclarations de députés pour dénoncer les propos de M. Taylor. Le Président l’interrompt derechef pour lui rappeler qu’il est inopportun de s’attaquer à un député que la présidence a déjà réprimandé. Il avise aussi le député qu’une décision à cet égard sera rendue d’ici peu[4]. Le 29 octobre 1986, il rend une décision. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.

Décision de la présidence

M. le Président : La présidence s’est engagée il y a quelques jours à examiner la question de privilège soulevée par le député de Burnaby, et à en faire rapport à la Chambre.

Le 27 octobre 1986, le député de Burnaby a soulevé la question de privilège à la fin de la période des questions, parce qu’il estimait qu’en interrompant ce jour-là sa déclaration aux termes de l’article 21 du Règlement, la présidence avait porté atteinte à ses privilèges. Dans cette déclaration, le représentant invitait tous les autres députés à se joindre à lui pour « condamner le langage insultant et dégradant tenu par le député de Bow River à l’égard des homosexuels qui souhaitent travailler à la GRC ». Le 28 octobre 1986, la présidence était également intervenue au cours d’une déclaration du député de Burnaby, faite aux termes de l’article 21 du Règlement.

Les députés n’ignorent pas que le 20 octobre 1986, lorsque le député de Bow River a fait cette déclaration, je suis intervenu pour lui demander de faire attention à ses propos, car il avait employé « des termes qui pourraient fort bien choquer profondément un grand nombre de Canadiens et provoquer une question de privilège ou un rappel au Règlement ». Le député a pu poursuivre, car il avait manifestement pris note de l’avertissement de la présidence.

Si la présidence a interrompu le député de Bow River pour lui demander de se surveiller, ce qu’il a fait, elle était certainement tenue d’intervenir lorsque le député de Burnaby a tenté, sous prétexte d’une déclaration aux termes de l’article 21, de commenter des propos auxquels la présidence avait mis fin. Pareilles observations n’étaient plus admissibles une semaine après l’incident, que ce fût au moyen d’un rappel au Règlement ou de la question de privilège, parce que l’affaire avait été tranchée et qu’elle n’était plus d’actualité. De l’avis de la présidence, il n’était pas plus acceptable de recourir à l’article 21 du Règlement pour tenir pareils propos.

Le député de Burnaby avait parfaitement raison de dire que la liberté de parole des députés est protégée par le privilège parlementaire. Il doit aussi reconnaître, par ailleurs, que, afin de préserver ce privilège, les députés se sont imposés des restrictions quant à ce qu’ils peuvent ou ne peuvent pas dire. Certains propos antiparlementaires sont interdits. Certaines actions sont aussi contraires à nos usages. La présidence a le devoir de faire respecter ces restrictions. J’ai dit à une autre occasion que ces restrictions n’avaient pas été imposées à la Chambre unilatéralement, mais qu’elles avaient été déterminées par les députés et adoptées avec leur consentement.

Comme le Président Sauvé l’a déclaré, le 17 janvier 1983, en énonçant les règles à suivre pour invoquer l’actuel article 21 du Règlement, « le temps réservé aux déclarations des députés ne devra pas être utilisé pour lancer des attaques personnelles[5] ». Je souscris sans réserve à cette mise en garde et je fais remarquer au député de Burnaby que la présidence doit appliquer cette interdiction pour maintenir le décorum à la Chambre et protéger tous les députés.

L’article 21 du Règlement oblige le Président à « ordonner à un député de reprendre son siège si, de l’avis du Président, il est fait un usage incorrect du présent article. » Il serait utile de rappeler à tous les députés que ceux qui ont été chargés de rédiger ces dispositions ont évité sciemment de prévoir tous les cas qui pourraient se présenter. Je rappelle le libellé de cet article du Règlement :

[Le Président] peut ordonner à un député de reprendre son siège si, de l’avis [du Président], il est fait un usage incorrect du présent article.

De l’avis de la présidence, il était contraire à cet article 21 du Règlement de s’en servir pour faire condamner les propos tenus par un autre député, alors que la présidence était intervenue et avait déjà réglé la question. J’ai étudié les précédents et les dispositions du Règlement, et j’ai relu toutes les interventions des députés. Je n’ai pas changé d’avis. La question de privilège du député de Burnaby ne me paraît donc pas fondée.

Je voudrais ajouter ceci. Comme je l’ai dit à la Chambre, à propos de cette question difficile, les députés ont le droit de discuter de tout, peu importe à quel point les questions sont délicates ou complexes. Mais pour ce qui est des termes qu’ils emploient pour en discuter, la présidence doit toujours veiller à ce que la libre expression des opinions se fasse dans le respect des règles.

F0302-f

33-2

1986-10-29

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[1] Débats, 20 octobre 1986, p. 510.

[2] Débats, 27 octobre 1986, p. 757.

[3] Débats, 27 octobre 1986, p. 767-768.

[4] Débats, 28 octobre 1986, p. 810.

[5] Débats, 17 janvier 1983, p. 21874.