Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la trente-deuxième réunion du Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 3 février 2022, le Comité se réunit pour étudier les pénuries de main-d'œuvre prévues dans le secteur des transports au Canada.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre des communes adopté le jeudi 25 novembre 2021. Les députés peuvent y participer en personne ou au moyen de l'application Zoom.
[Traduction]
Chers collègues, nous accueillons aujourd'hui, de l'Association des transitaires internationaux canadiens, Bruce Rodgers, directeur exécutif et Julia Kuzeljevich, directrice, Politiques et communication.
De l'Alliance canadienne du camionnage, nous accueillons Stephen Laskowski, président, et Geoffrey Wood, vice-président principal.
Enfin, de Teamsters Canada, nous accueillons aussi Mariam Abou-Dib, directrice exécutive, Affaires gouvernementales, et Omar Burgan, qui est avec nous dans la salle.
Nous allons commencer par les remarques liminaires de l'Association des transitaires internationaux canadiens, qui disposera de cinq minutes.
Merci, monsieur le président, de nous avoir invités, M. Rodgers et moi, à nous exprimer sur cet enjeu crucial.
[Français]
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, au nom de l'Association des transitaires internationaux canadiens, ou ATIC, nous vous remercions de nous donner aujourd'hui l'occasion de nous adresser à vous.
[Traduction]
Avant de commencer, nous aimerions complimenter le Comité pour sa diligence sur ces enjeux, qui sont fort sérieux et complexes. Cela signifie beaucoup pour nous tous dans l'industrie que vous recherchiez des solutions que le gouvernement pourrait offrir.
L'Association des transitaires internationaux canadiens — aussi connue sous l'acronyme ATIC — représente quelque 300 entreprises membres régulières, des plus grandes multinationales de transport de marchandises aux petites et moyennes entreprises canadiennes. Les entreprises membres de l'ATIC emploient des dizaines de milliers de spécialistes hautement qualifiés dans le milieu du commerce international et du transport. Nos membres constituent la première ligne de la chaîne d'approvisionnement du Canada et gèrent la majorité des expéditions de marchandises.
Il est important de souligner que nous représentons également les transporteurs routiers — les camionneurs qui desservent les ports et les terminaux à conteneurs où il y a eu beaucoup de congestion au cours des dernières années — et les courtiers de fret, qui gèrent le mouvement du commerce transfrontalier.
Les problèmes liés aux ressources humaines dans la chaîne d'approvisionnement sont criants et ne s'améliorent pas. Une bonne partie de ces problèmes sont liés aux frustrations générées par la chaîne d'approvisionnement même. Autrefois, les travailleurs gagnaient leur vie grâce à la vitesse et au volume. Aujourd'hui, c'est impossible dans de nombreux domaines. En fait, le système est enrayé.
Nous disposons d'une courte vidéo de moins de deux minutes, enregistrée par l'un de nos membres, qui illustre une petite, mais réelle partie du problème. Nous avons envoyé une copie de cette vidéo au greffier.
Dans la vidéo, on voit 65 camions alignés qui attendent d'entrer dans l'une des gares de triage de Vaughan, en Ontario. Cela équivaut à une longueur d'environ 40 terrains de football. Ces camions essaient de ramener des conteneurs vides, qui sont nécessaires pour faciliter le commerce d'exportation.
Il est important de comprendre que ces conducteurs gagnent leur argent en déplaçant les conteneurs pour les gares de triage, les importateurs et les exportateurs. S'ils restent immobiles, ils perdent de l'argent. C'est difficile de recruter de nouveaux conducteurs quand tout le monde peut constater à quel point le milieu de travail est devenu nocif. L'augmentation du prix de l'essence et des assurances ne fait qu'aggraver le problème.
Le membre de l'ATIC qui a enregistré cette vidéo nous a dit que sur ses huit conducteurs dans la file d'attente, aucun n'a réussi à entrer dans la gare de triage cette journée‑là. Ils ont attendu plus de cinq heures avant que les portes soient finalement fermées en raison de la congestion du terminal.
En passant, cette congestion à Vaughan est en fait liée à la côte Ouest du Canada. Transports Canada a exercé une forte pression sur les fournisseurs de services ferroviaires, les exploitants de terminaux et le Port de Vancouver pour qu'ils éliminent l'arriéré et libèrent les navires au mouillage. L'idée, c'était de faciliter l'exportation des céréales. Nous en comprenons tous la priorité, mais l'amélioration du flot d'activités à Vancouver ne signifie pas que les problèmes ont été réglés; ils ont simplement été déplacés plus loin dans les terres, à Toronto et à Montréal.
Malheureusement, notre première suggestion pour remédier à la pénurie de main-d'œuvre est de régler les terribles lacunes de la chaîne d'approvisionnement.
À titre de parlementaires, vous déciderez du degré d'interventionnisme du gouvernement. Notre système de laissez-faire, axé sur le marché, a bien fonctionné pendant des décennies, mais le secteur des transports a du mal à se réinitialiser. Les incertitudes chroniques qui frustrent les clients exercent également des pressions sur les travailleurs, et le problème ne fait qu'empirer.
Le mois dernier, nous avons demandé à l'Agence des services frontaliers du Canada d'envisager de revenir à un système de dédouanement qu'elle utilisait il y a encore quelques années. Ce système permettait de dédouaner les marchandises beaucoup plus rapidement, au premier point d'arrivée plutôt que lors de l'arrivée de la cargaison à la gare de destination. À titre d'information, nous avons envoyé une copie de la lettre à votre greffier. Nous tenons à ce que le Comité sache que nous sommes en communication constante avec le gouvernement pour traiter de mesures visant à réduire les délais.
Nous avons quelques précisions à apporter sur le développement de la main-d'œuvre. Nous exhortons le Comité à consulter les centres de formation pour voir s'ils auraient besoin de ressources pour augmenter leur volume d'activités.
Dans l'ensemble de l'économie canadienne, des entreprises doivent recruter temporairement des travailleurs étrangers pour combler le manque de ressources. Nous avons entamé des discussions avec Emploi et Développement social Canada sur le système national de classification des professions, qui sous-évalue certains rôles essentiels en matière de gestion des transports, décourageant ainsi les travailleurs immigrants de postuler pour un poste chez nous.
Des employés quittent la profession en raison de frustrations liées à la chaîne d'approvisionnement et choisissent plutôt des postes moins stressants. Par conséquent, les employeurs du secteur du transport de marchandises délocalisent certains emplois afin de pallier les pénuries de main-d'œuvre actuelles et futures. Cette solution offre une structure de coûts intéressante, ce qui signifie que bon nombre de ces activités ne reviendront pas au Canada.
L'un de nos membres a indiqué que la délocalisation des emplois dans son milieu est passée de 10 à 25 %.
Enfin, nous soutenons les stratégies visant à recruter des femmes dans ces secteurs, où elles sont encore peu nombreuses. Cela dit, il nous faut reconnaître que les camionneuses peuvent avoir un mode de vie et des responsabilités quelque peu différents de ceux de leurs homologues masculins, par exemple. Elles pourraient être plus enclines à suivre des trajets locaux que transcontinentaux. De plus, dans la vidéo, on voit qu'il n'y avait pas de toilettes portatives le long de cette longue file, ce qui est un problème pour tous les conducteurs, mais surtout pour les femmes.
À nouveau, nous remercions le Comité de se pencher sur cet enjeu et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs, de nous avoir invités à comparaître devant vous.
Je suis accompagné aujourd'hui de Geoffrey Wood, notre vice-président principal chargé des politiques. Il est hors champ.
Aujourd'hui, nous aimerions vous parler de notre association, l'ACC, des problèmes dans la chaîne d'approvisionnement et de solutions.
L'ACC représente environ 5 000 entreprises de camionnage au Canada et emploie directement quelque 250 000 Canadiens.
Parmi les questions dont le Comité est saisi, il y a celle‑ci: quelles sont les conséquences de la pénurie de conducteurs au Canada, et quelles sont les solutions? Les effets de cette pénurie se font sentir dans toutes les entreprises et tous les ménages canadiens présentement.
Il y a un adage dans notre secteur: « si vous l'avez, c'est parce qu'un camion l'a livré. » Cela fait référence au fait que plus des deux tiers de notre commerce en valeur et presque tout ce qui se trouve sur notre lieu de travail ou de résidence s'est déjà trouvé dans un camion, sinon plusieurs, parfois. Cela dit, ce que cet adage ne dit pas, c'est que les camionneurs sont les principaux contributeurs économiques de notre secteur et de l'économie canadienne.
En 2022, nous apprenons en tant que société que si nous n'avons pas reçu quelque chose, c'est parce qu'il manque présentement près de 30 000 conducteurs de camions commerciaux au Canada. On parle de 30 000 postes vacants. Ce que cela signifie, c'est qu'il devrait y avoir 30 000 camions de plus dans la chaîne d'approvisionnement, mais ce n'est pas possible, parce qu'il n'y a pas assez de travailleurs. Cela veut dire que notre marché d'exportation et d'importation et notre marché intérieur ne fonctionnent pas bien.
À la fin du printemps dernier, l'ACC a embauché Nanos et Associés pour sonder un échantillon de notre conseil d'administration. Cet échantillon représentait environ 39 000 camions, 40 000 employés et environ 2,2 millions de chargements annuels.
Sans l'ombre d'un doute et de façon quasi unanime, les employés ont dit que le principal problème de notre secteur et de ses diverses activités était la pénurie de main-d’œuvre, les départs et les retraites.
Alors que le gouvernement du Canada cherche à résoudre la crise de la chaîne d'approvisionnement, nous rappelons au Comité qu'en vous attaquant au problème de pénurie de camionneurs, vous ciblez tous les secteurs de l'économie, et cela les aidera à se sortir de la crise de la chaîne d'approvisionnement et à se remettre des effets dévastateurs de l'inflation.
Les solutions sont les suivantes: améliorer l'accès de l'industrie du camionnage aux travailleurs issus de l'immigration, débloquer plus de fonds pour la formation, éradiquer l'économie souterraine — ce que nous appelons Driver inc. —, adopter une approche progressive pour les 10 jours de congés maladie payés et s'attarder aux problèmes à la frontière.
Pour régler ces problèmes, nous recommandons des solutions raisonnables et sensées qui n'exigent aucune nouvelle loi ni aucun traitement spécial pour notre secteur. On parle essentiellement d'élargir les pratiques actuelles, d'accès aux programmes, aux outils et aux fonds octroyés à d'autres secteurs, ou, en ce qui concerne l'économie souterraine et Driver inc., d'application de la loi et des règlements présentement en vigueur.
Le gouvernement du Canada semble être en voie de régler certains de ces problèmes, et nous sommes très reconnaissants envers les divers ministères et ministres avec lesquels nous travaillons. Cela dit, d'autres enjeux critiques demeurent plutôt préoccupants pour notre secteur et pour tous ceux qui comptent sur des partenaires de camionnage fiables, sécuritaires et respectueux des normes du travail, à une époque où la capacité dans le milieu du camionnage est faible.
L'ACC est prête à travailler de concert avec le gouvernement du Canada en ces temps très difficiles et critiques pour notre secteur.
Au nom des 125 000 membres de Teamsters Canada, je tiens à remercier le président et les députés de m'avoir invité à témoigner devant le comité des transports pour parler des postes vacants dans l'industrie du transport.
En plus de travailler dans les secteurs de l'hébergement, du tourisme, des foires commerciales et du divertissement sportif, la grande majorité des membres de Teamsters travaillent dans l'industrie du transport, notamment le transport routier, ferroviaire et aérien. Teamsters Canada est le plus grand syndicat du domaine de la logistique et du transport au Canada.
J'aimerais tout d'abord vous parler de l'industrie du transport de marchandises.
[Français]
Aujourd'hui, les conducteurs de camion sont un maillon très important de la chaîne d'approvisionnement, et la santé de ce secteur a une incidence sur la capacité de ses clients à faire des affaires, ainsi que sur les consommateurs eux-mêmes.
Selon Statistique Canada, au cours de 20 dernières années, le métier de conducteur de camion de transport est devenu l'une des plus importantes professions au Canada, représentant 278 000 emplois en 2016. On estime que 90 % des marchandises expédiées au Canada sont, à un moment donné, transportées par camion.
[Traduction]
Malgré l'importance économique de ce secteur, nous remarquons depuis un bon moment que de moins en moins de travailleurs sont attirés par le métier de camionneur. Les données de Statistique Canada montrent que l'âge médian des chauffeurs augmente rapidement et que le nombre de postes vacants est très élevé: 26 000 pour le deuxième trimestre de 2022.
Le Conference Board du Canada avait prévu un tel taux de postes à pourvoir il y a près de 10 ans. Dans son rapport de 2013, il recommandait la mise en place de politiques pour rendre le métier de camionneur plus attrayant, notamment en le reconnaissant à titre de métier spécialisé. En plus d'assurer la formation adéquate des chauffeurs et d'accroître la sécurité routière, une telle mesure — qui donnerait lieu au retrait des droits de permis prohibitifs — encouragerait les jeunes à travailler dans ce domaine.
La reconnaissance de ce travail à titre de métier spécialisé faciliterait aussi l'entrée des travailleurs dans le domaine: les chauffeurs potentiels n'auraient plus à se plier aux exigences d'employeurs sans scrupule qui profitent des travailleurs vulnérables, notamment les nouveaux immigrants ou les travailleurs étrangers temporaires en ne les payant pas à leur juste valeur ou en les impliquant dans une escroquerie que l'on appelle Driver Inc., où les employés sont forcés de se constituer en société afin que l'entreprise puisse se soustraire aux normes du travail. Nous sommes heureux de voir que le gouvernement actuel a amélioré l'application des lois sur le travail et qu'il impose des sanctions aux responsables des stratagèmes de type Driver Inc., et nous espérons qu'il en fera plus pour protéger les travailleurs contre ces pratiques.
[Français]
Il faut cependant rester vigilants. Au printemps dernier, une enquête a permis de découvrir au Québec un réseau de criminels qui vendaient des permis de conduire frauduleux à de nouveaux immigrants qui aspiraient à être chauffeurs. Les fraudeurs ont su profiter de travailleurs vulnérables ainsi que du désespoir de l'industrie, qui n'attire pas suffisamment de conducteurs.
[Traduction]
Les aires de repos inadéquates représentent un problème de plus en plus important, surtout dans les régions nordiques du Canada. Les chauffeurs dénoncent le manque d'accès aux relais routiers. Ils doivent parcourir de plus longues distances avant de s'arrêter, ils sont épuisés et n'ont pas d'endroit où se procurer des repas. Le problème est encore plus important pour les femmes. Bien que le nombre de camionneuses ait augmenté au cours des dernières années, elles demeurent tout de même largement sous-représentées. L'offre d'aires de repos sécuritaires et accueillantes — et l'accès à des douches — permettrait aux femmes de se sentir moins exclues.
Dans le secteur du transport ferroviaire, les membres font état d'un taux de roulement très élevé au cours des deux années suivant l'embauche. Les compagnies de chemin de fer existent depuis plus de 150 ans et n'ont pas su adapter leurs conditions de travail au siècle actuel ou aux attentes de la nouvelle génération de travailleurs. On s'attend encore souvent à ce que les travailleurs ferroviaires soient à l'entière disposition de la direction en tout temps, que ce soit la fin de semaine ou lors des jours fériés, et même pendant leurs vacances annuelles. Les travailleurs sont souvent appelés à faire un quart de travail de 24 heures, à seulement deux heures d'avis. Certaines sociétés ont des politiques disciplinaires draconiennes, et imposent des suspensions de 20 jours sans solde, ce qui représente une diminution de 10 % du salaire annuel des travailleurs. Ces mesures s'ajoutent à d'autres, comme les caméras orientées vers l'avant qui enregistrent toutes les conversations des chauffeurs, ce qui crée une atmosphère de travail très décourageante, que bon nombre d'employés ne peuvent pas supporter.
Les travailleurs de l'industrie de la livraison de colis doivent eux aussi faire face à des conditions de travail contraignantes. Les géants comme Amazon exercent une pression à la baisse sur les normes de travail et les niveaux de productivité exigés n'ont jamais été aussi élevés. Alors qu'auparavant, les travailleurs devaient livrer 80 colis par jour, ils doivent aujourd'hui en livrer 140.
L'industrie du transport doit s'adapter à la réalité en offrant de meilleures conditions de travail si elle souhaite attirer une nouvelle génération de travailleurs; sinon, ils s'en iront dès qu'ils recevront une meilleure offre dans d'autres secteurs.
Pour terminer, je dirais que lorsque les travailleurs sont membres d'un syndicat, ils peuvent miser sur leur pouvoir de négociation collective pour assurer des règles de jeu équitables avec l'employeur et améliorer leurs conditions de travail. Il a été démontré à maintes reprises que les pays qui présentent les plus hauts taux de syndicalisation sont ceux où les inégalités salariales sont les moins fréquentes et où les conditions de travail sont les meilleures. Nous avons besoin de bonnes lois qui assurent un juste accès aux syndicats pour les travailleurs.
(1650)
Je remercie les membres du Comité de m'avoir écouté; je remercie également le personnel parlementaire et les interprètes qui rendent ces réunions possibles.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Je viens d'une région rurale et du secteur agricole; je comprends donc mieux que la plupart des gens à quel point l'industrie du camionnage est vitale... elle nous permet d'abord et avant tout de nous nourrir. On pourrait parler de tout ce qui se trouve dans notre maison, mais si nous n'avons rien à manger, nous n'irons pas bien loin. La livraison de marchandises et surtout des aliments aux épiceries pour les consommateurs canadiens est évidemment une priorité.
J'ai entendu tous les témoins parler de pénuries et d'interruptions dans la chaîne d'approvisionnement, que ce soit dans les dépôts de rails u dans les ports. Ces pénuries ont une incidence sur toute la chaîne d'approvisionnement, comme nous l'avons vu au cours de la pandémie de COVID: une quantité importante d'aliments a été gaspillée et les conteneurs d'expédition n'arrivaient pas à temps parce que les camions ne pouvaient pas amener les aliments sufisamment rapidement vers les centres de distribution.
J'aurais une question pour M. Rodgers. Pourriez-vous nous expliquer comment ces pénuries donnent lieu à une augmentation du coût des aliments pour les Canadiens? Je crois que vous avez parlé de l'augmentation du coût du carburant. Quelle incidence l'augmentation de la taxe sur le carbone aura-t-elle sur le carburant et le coût déjà très élevé de l'expédition des marchandises vers nos magasins?
Vous faites valoir d'excellents points. Ce ne sont pas seulement les coûts du carburant et des assurances qui augmentent, mais bien l'ensemble des coûts.
Il y a six mois, les frais d'expédition maritime des produits provenant de l'extérieur de l'Amérique du Nord étaient 10 fois plus élevés qu'avant. On nous dit qu'à l'heure actuelle, les coûts sont revenus aux niveaux de 2018, alors la situation semble se rétablir d'une certaine façon.
Toutefois, l'évolution des tendances au cours de la pandémie de COVID donnant lieu à une augmentation des importations vers l'Amérique du Nord a eu une grande incidence sur la congestion. Nos ports n'ont pas été agrandis. Nous n'avons pas plus de place pour déposer la marchandise, alors la congestion fait maintenant partie de la chaîne d'approvisionnement.
Il y a d'importants retards à Vancouver et le nombre de navires ancrés a augmenté... Pour éliminer cet arriéré, on a déplacé les produits vers le centre du Canada, à Toronto et à Montréal. Le nombre de dépôts de rails... à Toronto, on est passé de trois à neuf dépôts ou d'un à deux dépôts. C'est la même chose à Montréal. Ainsi, les conteneurs sont maintenant répartis dans plusieurs dépôts et nous ne savons pas où ils se trouvent, ce qui accroît la congestion.
L'ajout de ces dépôts a entrainé une augmentation des dépenses. Les exploitants de ces dépôts ont augmenté les frais de surestarie et de détention, qui sont appliqués après 24 heures plutôt qu'après 72 heures, comme c'était le cas auparavant. De plus, on doit aussi payer les frais de déplacement du dépôt principal vers les dépôts supplémentaires. Selon nos calculs, le coût moyen pour un conteneur a augmenté de 1 500 $ par rapport à ce qu'il était avant.
Vous parlez de l'augmentation du coût des aliments. Il y a une augmentation du coût de tout ce qui est importé au pays à l'heure actuelle, en raison des problèmes de congestion dans la chaîne d'approvisionnement.
Vous avez dit tout à l'heure que la crise avait été accentuée par la pénurie de main-d'oeuvre, par l'inflation élevée et par la hausse du coût du carburant. Certains groupes que j'ai rencontrés ou que nous avons entendus en comité nous ont dit que les travailleurs temporaires pouvaient représenter une solution pour certains de ces problèmes. Je sais toutefois par expérience dans le secteur agricole que les travailleurs étrangers temporaires ne représentent pas une solution permanente. Il y a aussi de nombreux défis logistiques et réglementaires associés à leur embauche au Canada et bien sûr à leur sécurité, comme l'a fait valoir le représentant de Teamsters.
J'aimerais savoir si vous croyez que les travailleurs étrangers temporaires représentent une option viable pour le secteur du transport. J'aimerais aussi entendre les représentants de Teamsters sur le sujet, si nous en avons le temps.
Je serai très bref. La réponse, c'est oui. Je crois qu'il y a de nombreuses possibilités pour les travailleurs étrangers dans le secteur des transports.
Au Canada, les travailleurs de la nouvelle génération n'aspirent plus à devenir camionneurs, alors il faut les trouver ailleurs. Je crois que l'immigration est la solution.
Je vais laisser mes amis de Teamsters répondre à la question également.
Teamsters est d'avis qu'il faut surtout songer aux immigrants qui souhaitent obtenir leur citoyenneté. Comme vous l'avez dit, les travailleurs étrangers représentent une solution temporaire. Nous préfèrerions que le camionnage soit considéré à titre de métier spécialisé afin que les travailleurs soient mieux formés et que les normes de travail soient les mêmes dans tout le pays pour les immigrants ou les travailleurs étrangers temporaires qui occupent ces postes.
Ce qu'on entend, toutefois, c'est qu'il faut mettre en place de bonnes politiques publiques qui sont justes envers les immigrants et qui attirent les travailleurs vers différents métiers spécialisés, et qui aident les nouveaux Canadiens à intégrer la société.
Je vous remercie pour vos réponses. Il ne me reste plus de temps.
Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de se joindre à nous aujourd'hui.
J'aimerais mettre ma question en contexte. Je représente la circonscription de Calgary Skyview, au nord-est de Calgary, qui compte de nombreux camionneurs et entreprises de camionnage ou de logistique. J'ai donc eu de nombreuses occasions d'échanger avec les intervenants du domaine dans le cadre de diverses assemblées et rencontres. Ils font un travail incroyable, partout au pays.
Monsieur Laskowski, je m'adresse à vous en premier. Vous avez parlé de 30 000 postes vacants dans le secteur du camionnage, et des pénuries. À quoi ressemblera la situation dans quelques années? Par exemple, selon les données dont vous disposez, à quoi peut-on s'attendre dans cinq ans? Est-ce que ces données sont exactes? Peut-on se projeter cinq ans en avant? À quoi ressemblent les chiffres?
Nos plus récentes projections relatives à la pénurie de chauffeurs visent les deux prochaines années, et nous estimons qu'il manquera 50 000 travailleurs. Cela signifie qu'il manquera 50 000 camions dans la chaîne d'approvisionnement. Ces camions ne se déplaceront pas et ne transporteront pas la marchandise entre les États-Unis et le Canada ou à l'intérieur du pays.
Nous avons l'effectif le plus vieux au Canada et le plus grand pourcentage de travailleurs de plus de 55 ans. Avec la COVID, les gens qui appartiennent à ce groupe d'âge ont décidé de prendre leur retraite plus tôt, dans tous les secteurs.
C'est le cas aussi dans le nôtre; c'est pourquoi nous avons une pénurie. Nous nous attendons à ce qu'il manque 50 000 travailleurs dans deux ans et nous devons conjuguer avec le vieillissement de notre effectif également.
Monsieur Burgan, vous avez parlé des chauffeurs et de la citoyenneté. J'aimerais avoir des précisions à ce sujet, parce que bon nombre de nos chauffeurs sont des résidents permanents ou des citoyens, et beaucoup d'autres sont des travailleurs étrangers.
Pouvez-vous confirmer que c'était bel et bien ce que vous vouliez dire?
C'est ce que je voulais dire. Vous dites qu'à l'heure actuelle, de nombreux chauffeurs sont des résidents permanents ou sont en voie d'obtenir leur citoyenneté. C'est exact et c'est très bien. Je crois que du point de vue du marché, la demande est très élevée; de notre point de vue, les emplois ne sont pas attirants pour la plupart des gens qui vivent au Canada ou pour la nouvelle génération.
L'industrie doit trouver des façons de rendre ces emplois plus attrayants, en offrant un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle, une meilleure rémunération ou de meilleurs régimes de retraite. Nous entendons constamment dire que les gens acceptent ces emplois, mais qu'ils les quittent ensuite parce qu'il est trop difficile pour eux d'être loin de leur famille et de leurs amis. Nous croyons qu'il revient à l'industrie de déterminer pourquoi elle n'arrive pas à attirer de nouvelles personnes, parce que les travailleurs sont partout.
Certains travailleurs sont au chômage. Le taux d'emploi n'est pas de 100 % au Canada. Je crois qu'il faut surtout attirer des gens qui ont choisi un autre secteur, pour avoir une meilleure vie.
Je voulais que vous précisiez votre pensée pour qu'il n'y ait pas de malentendu. De nombreux travailleurs étrangers font une demande de résidence permanente puis de citoyenneté. Cela fait partie du processus et je remercie tous ceux qui passent par là, parce qu'ils sont importants pour l'industrie.
J'ai une question pour l'Alliance canadienne du camionnage au sujet des droits des camionneurs. Je vois que les provinces du Canada n'ont pas les mêmes exigences en matière d'expérience et d'assurance ou les mêmes règles. Croyez-vous qu'il faudrait une sorte de déclaration des droits des camionneurs?
Monsieur Burgan, j'aimerais vous entendre en premier, puis entendre les représentants de l'Alliance canadienne du camionnage.
Je parle de la protection des droits des chauffeurs de camion. On a constaté des difficultés dans la région de Peel, et des articles sont parus sur le sujet dans le Toronto Star et en Alberta. Comment s'assurer que ces camionneurs seront formés, mais aussi que leurs droits seront protégés pour qu'on ne profite pas d'eux? Vous avez parlé de l'économie clandestine — appelée Driver inc. — et des différentes règles provinciales au pays qui pourraient la favoriser.
Le reportage du Toronto Star auquel vous faites allusion était excellent. Des groupes de citoyens ont manifesté leur frustration à l'égard du processus par lequel ces membres ont fait entendre leurs doléances. Tout d'abord, ils ne sont pas syndiqués, alors ils n'ont pas de syndicats à qui s'adresser et pouvant les représenter. En outre, le processus prévu dans les lois fédérales sur le travail est interminable et lourd. Ces camionneurs n'entrevoient pas de résolution, alors ils ont pris la voie loin d'être conventionnelle de simplement vilipender sur la place publique les employeurs qui ne leur paient même pas leur dû.
À mon avis, il serait bénéfique qu'ils adhèrent à un syndicat pour qu'une organisation les protège de telles pratiques, faute de quoi il faudrait que les règles soient mieux appliquées afin de dissuader les compagnies d'exploiter leurs travailleurs.
Absolument. Nous nous portons ardemment à la défense des personnes touchées par cet enjeu précis, et je suis ravi que vous ayez posé la question.
Nous avons besoin de programmes pour les entreprises de camionnage : l'appui peut prendre la forme de financement pour la formation des citoyens canadiens qui participent à des programmes ou des nouveaux arrivants qui immigrent ici par le biais de divers programmes. Il faut cependant vérifier le profil de ces groupes. Ils devraient être des employeurs connus prônant les normes du travail les plus élevées et s'engageant à prioriser la sécurité. Ainsi, les droits des travailleurs dont nous avons besoin — des travailleurs qui sont déjà des citoyens canadiens, des résidents permanents ou des travailleurs étrangers temporaires — seront protégés lorsqu'ils travailleront pour les milliers d'entreprises de camionnage se conformant aux règles. C'est possible.
Bien sûr. C'est ce qu'on appelle des sociétés de services aux particuliers, qui est un terme technique désignant en fait une tromperie de classification inexacte. Cette escroquerie permet aux compagnies de classifier les camionneurs... Ce n'est pas permis à l'heure actuelle, mais les compagnies les assignent à la mauvaise classification afin d'éviter de leur payer des heures supplémentaires, de leur octroyer des congés ou de leur verser des indemnités de départ. Ces compagnies sont ensuite dissoutes, ce qui leur évite de payer de l'impôt sur la masse salariale. Ce stratagème permet aussi aux compagnies et aux camionneurs d'éviter l'impôt sur le revenu. Dans notre secteur, le phénomène est un trou noir dont la taille n'est pas négligeable. On estime qu'il représente de 20 à 30 % du secteur.
L'ACC a commandé une étude s'appuyant sur les données de Statistique Canada qui démontre que notre secteur connaît, de tous les secteurs, la croissance la plus rapide de ce qu'on appelle les compagnies à base zéro dans des villes comme Calgary, Winnipeg, Montréal et Halifax ainsi que dans le Sud de l'Ontario. Les secteurs qui nous suivent dans la liste sont loin derrière nous. Driver inc. constitue le problème, et la situation doit cesser.
Les autres compagnies en ressentent les contrecoups puisque 50 % des camionneurs disent aux entreprises de partout au pays vouloir être assujettis au modèle où ils se constituent en personne morale pour ne pas figurer sur la feuille de paye de l'entreprise.
Si l'ARC n'intervient pas rapidement, le problème prendra des proportions gargantuesques. Nous nous retrouverons dans un énorme pétrin. Notre industrie veut que la situation cesse. Les camionneurs qui suivent les règles ainsi que ceux qui se font exploiter veulent que la situation se règle. Nous avons besoin du soutien très rapide du gouvernement du Canada, et particulièrement de l'ARC, pour mettre fin au problème.
Le ministre O'Regan a déjà affirmé qu'il interviendrait. Il a renié sa promesse en Chambre, mais il faut que le gouvernement agisse sans tarder.
L'Alliance canadienne du camionnage a accompli de l'excellent travail à cet égard. Je consulte régulièrement ses ressources au sujet de ce phénomène, qui est vraiment un fléau pour l'industrie. Des compagnies ont trouvé le moyen de simplement éviter toute compensation liée aux heures supplémentaires ou aux vacances. C'est un grand problème, et il s'est aggravé. Comme M. Laskowski l'a mentionné, nombreuses sont les compagnies possédant beaucoup de camions, mais elles n'ont aucun employé.
Selon l'ARC, si tout laisse croire qu'un individu est un employé, c'est un employé. On ne peut pas simplement recourir à un stratagème pour essayer d'éviter de respecter les lois sur le travail. C'est précisément ce que font ces compagnies.
Monsieur Laskowski, tout à l'heure, vous avez parlé du défi que représente le vieillissement des camionneurs, et vous avez dit qu'il était difficile de recruter des jeunes.
Croyez-vous que des mesures incitatives de maintien à l'emploi des travailleurs expérimentés, notamment au moyen d'incitatifs fiscaux, pourraient faire partie des solutions susceptibles de vous aider?
Avez-vous pensé à d'autres mesures que le gouvernement pourrait mettre en place à cet égard?
Notre alliance ne s'est vraiment pas penchée sur ces options du gouvernement du Canada. Des associations provinciales pourraient prôner cette approche. Notre conseil d'administration n'a pas examiné cet enjeu précis.
Je puis affirmer sans l'ombre d'un doute que la rémunération des chauffeurs de camion a augmenté de plus de 20 à 30 % au cours des deux dernières années. Les mesures incitatives ont été bonifiées. Les compagnies discutent avec leurs employés afin de leur confier des itinéraires qui leur conviennent. Des solutions axées sur le marché existent, et les intervenants y travaillent. De la part du gouvernement du Canada, nous avons à tout prix besoin de financement destiné à la formation pour aider à mettre des travailleurs derrière le volant aussi rapidement que possible. Il s'agit de notre grande priorité en ce qui concerne ce qu'on peut appeler des mesures incitatives.
La simple détention d'un permis de conduire pour les camions gros porteurs ne suffit pas pour être prêt à travailler dans l'industrie du camionnage. Le début d'une carrière coûte extrêmement cher. De nombreux secteurs offrent des programmes d'intégration s'apparentant à des apprentissages. Nous n'avons aucunement accès à ces types de programmes et à ce financement. La situation doit changer.
Nous aimerions que ce type de programmes voient le jour grâce à un partenariat entre le gouvernement du Canada et l'industrie du camionnage. Je le répète, ne récompensons pas l'économie clandestine en finançant les compagnies qui la composent. Donnons notre argent aux entreprises de camionnage approuvées qui respectent les pratiques sécuritaires et les normes du travail élevées.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins. Nous discutons d'un sujet intéressant et important.
J'aimerais reprendre là où M. Barsalou-Duval a terminé son intervention et revenir sur le stratagème du nom de Driver inc. Je ne suis pas très au courant de la situation, mais le problème semble grave.
Je me demande si M. Laskowski ou M. Burgan ont des idées quant à la solution précise qui s'impose. Est-elle de nature législative? Devons-nous modifier la Loi de l'impôt sur le revenu? Comment le gouvernement peut-il prévenir ce genre de machinations? Suffit-il de renforcer l'application de la loi et d'accroître les ressources de l'ARC pour qu'elle puisse activement veiller à la conformité?
Je sais que, dans d'autres secteurs, les définitions de ce que constituent un employé et un entrepreneur sont limpides par rapport à l'accès aux installations de travail. Les entrepreneurs doivent se procurer leurs propres bureau et équipement, par exemple.
Le problème réside-t-il dans le fait que les règles ne sont pas appliquées uniformément dans tous les secteurs? L'application des règles est-elle trop peu proactive? Dans notre rapport, devrions-nous prôner des changements qui remédieraient à la situation par la voie législative?
Nous pourrions peut-être commencer par M. Laskowski, puis M. Burgan pourra renchérir sur la réponse.
Parfois, la vie est compliquée et d'autres fois, elle est fort simple. Dans le cas qui nous occupe, l'ARC doit appliquer les lois qui existent déjà. Aucun nouveau texte de loi n'est nécessaire. Du côté de l'ARC, on doit veiller à appliquer les lois existantes.
EDSC, pour sa part, est présent sur le terrain. Je crois que les représentants des Teamsters l'ont dit tout à l'heure. Le ministère corrige le tir auprès des entreprises. Nous aimerions — et je suis persuadé que les Teamsters en pensent autant, mais je ne veux pas parler à leur place — que chaque employé de compagnies reconnues coupables d'une infraction du ressort d'EDSC se voie verser la rémunération à laquelle il a droit.
Pour revenir à l'ARC, mentionnons qu'EDSC cerne des dizaines de compagnies en flagrante violation des règles. Notre demande auprès de l'ARC est fort simple : pourquoi ne remarquez-vous pas les mêmes compagnies qu'EDSC reconnaît coupables de violation flagrante — comme celles s'inspirant du modèle Driver Inc. — pour ensuite vérifier leurs données? Selon nous, c'est une question d'application de la loi.
Nous sommes d'accord. On nous dit que les règles ont bien peu été appliquées jusqu'à présent. Lorsqu'elles le sont, l'amende est dérisoire et s'apparente à une petite tape sur les doigts. Toute application des règles doit vraiment...
Un grand nombre de camionneurs se font persuader par la ruse de travailler dans ces conditions. Tout ce qu'ils veulent, c'est un emploi et un chèque de paye. Les compagnies leur disent qu'ils feront beaucoup plus d'argent s'ils s'incorporent en personne morale et qu'elles voient cette réalité tous les jours. Les travailleurs s'empêtrent dans cette situation et se rendent compte plus tard que les choses ne tournent pas rond.
Nous croyons que la plupart des employeurs sont maintenant conscients qu'il s'agit de machinations qui contournent les lois du travail. À notre avis, on devrait imposer des amendes aux employeurs qui se livrent à de telles pratiques.
Dans la même veine — la réponse va peut-être de soi —, cette économie clandestine exerce-t-elle des pressions à la baisse sur les conditions de travail générales de tout le secteur?
Tout à fait, et les membres nous en parlent. Les membres qui, au fil du temps, se sont syndiqués et ont de robustes contrats de travail nous disent que leurs employeurs leur confient avoir du mal à faire concurrence aux compagnies qui trichent. Par conséquent, ils se mettent à dire aux travailleurs qui ont des conditions de travail décentes qu'ils doivent envisager de détériorer ces conditions parce qu'ils ne peuvent rivaliser avec des compagnies qui ne suivent pas les règles.
Ces stratagèmes pénalisent les travailleurs qui ont implanté un syndicat dans leur milieu de travail et qui ont négocié de rigoureux contrats et de bonnes conditions de travail. Ils pénalisent également les compagnies qui respectent leurs travailleurs et qui suivent les règles.
Monsieur Burgan, vous avez mentionné la syndicalisation et les avantages de bénéficier de la protection d'un syndicat. Connaissez-vous le pourcentage de la syndicalisation dans tout le secteur? Savez-vous également s'il y a une différence entre la capacité d'embauche pour les postes syndiqués et les postes non syndiqués? Y a-t-il un écart entre la rémunération de ces deux types de postes? Il doit y avoir des statistiques sur la rémunération des camionneurs selon qu'ils travaillent pour un employeur syndiqué ou non.
Oui, ces chiffres existent. Je ne les ai pas sous les yeux.
Il va sans dire que la possibilité de négocier s'accompagne de bonnes conditions de travail qui vont en s'améliorant. Les employés syndiqués tirent parti de l'influence du syndicat pour obtenir des conditions avantageuses, surtout pour l'application des règles. Les syndicats peuvent offrir de l'aide à leurs membres en deux temps : ils négocient des contrats et les font respecter. Si je me fie à mon expérience professionnelle et même à ma vie personnelle, je peux affirmer qu'il est beaucoup plus difficile d'inciter les employeurs à suivre les règles et à traiter leurs employés avec respect lorsque les travailleurs ont des employeurs malhonnêtes et qu'ils ne profitent pas de la protection d'un syndicat.
Comme je l'ai mentionné, il était en fait beaucoup plus facile de se syndiquer plus tôt dans le siècle. De nombreuses provinces ont mis en vigueur des lois prévoyant deux étapes pour la syndicalisation qui permettent aux employeurs d'interrompre les campagnes de syndicalisation. Certaines provinces — notamment la Colombie-Britannique — se sont dotées de lois pour la vérification des cartes qui facilitent grandement la syndicalisation des milieux de travail et qui rendent le processus équitable pour les travailleurs.
Permettez-moi, si vous le voulez bien, d'exprimer une opinion pendant un instant. Je sais que tous les membres du Comité seront probablement d'accord avec moi parce que, bien entendu, nous allons entamer l'étape de la rédaction du rapport de cette étude au terme de quelques réunions.
Le titre figurant sur l'avis de convocation se lit ainsi : « Pénuries de main-d'œuvre prévues dans le secteur des transports au Canada. » J'avancerais que, si nous parlons d'une pénurie d'environ 30 000 à 50 000 camionneurs, la pénurie n'est pas « prévue ». Elle sévit aujourd'hui même. Je crois que c'est ce que nous ont dit les témoins. Je trouve que le mot « prévu » sous-entend qu'il n'y a pas d'urgence. Je suis sûr que nous nous entendons tous là-dessus, mais je voulais d'emblée faire valoir ce point.
On nous a expliqué que des solutions potentielles à la pénurie actuelle de camionneurs comprennent le programme de travailleurs étrangers temporaires, le cheminement vers la citoyenneté et l'appui à l'immigration accueillant des travailleurs de métiers spécialisés. Pas plus tard que vendredi, j'ai discuté avec des entreprises qui ont du mal à trouver des travailleurs de métiers spécialisés grâce aux processus d'IRCC — je suis au courant du problème, et nous en sommes tous témoins — et aux divers processus fédéraux. Ce qui nécessitait au plus trois mois par le passé en prend maintenant 10, et les délais sont souvent encore pires.
Peut-être pourriez-vous expliquer comment le gouvernement fédéral pourrait aplanir certains des obstacles et accélérer l'arrivée de travailleurs, que ce soit par le biais du programme des travailleurs étrangers temporaires ou des différents volets d'immigration.
Ma question s'adresse aux transitaires internationaux ou à l'ACC, qui a mentionné le sujet. Les Teamsters peuvent bien entendu répondre eux aussi. Ma question s'adresse à quiconque aimerait faire un commentaire.
Je veux applaudir l'importante annonce qu'a faite le ministre Fraser. Le changement n'est pas encore en vigueur, mais l'industrie du camionnage — et plus précisément les camionneurs — pourra participer au programme Entrée express. Il s'agit d'un changement et d'une annonce de grande envergure. Il reste des détails à peaufiner, mais nous aimerions que les camionneurs deviennent une des priorités du programme Entrée express de 2023. Ici encore, je dirai que, en collaboration avec les responsables du programme Entrée express, nous aimerions garantir que les camionneurs qui s'ajouteront à la main-d'œuvre grâce au programme seront embauchés par des entreprises de camionnage dotées des normes du travail et de sécurité les plus élevées qui soient.
Nous félicitons le ministre Fraser et son équipe pour l'annonce de cette orientation. Nous nous réjouissons de collaborer avec eux pour garantir que les camionneurs seront une priorité en 2023. Nous voulons également veiller, du mieux que nous le pourrons, à ce que les personnes qui viennent au Canada se retrouvent au sein d'entreprises de camionnage respectant les normes du travail. Nous ne voulons pas qu'on profite d'elles comme des travailleurs qui ont fait l'objet de l'article du Toronto Star que vous avez lu.
Ma prochaine question s'adresse à l'ACC. Pour le maintien en poste et le recrutement du personnel — bien entendu, il s'agit de deux enjeux différents —, vous avez dit que le financement pour la formation constitue la grande priorité. Cela me semble logique pour le recrutement du personnel. Quelles sont les trois mesures les plus importantes qui pourraient aider à maintenir les effectifs déjà en poste, puis à recruter de nouveaux camionneurs?
J'ai fait référence à votre commentaire de tout à l'heure sur le financement de la formation, mais vous pourriez peut-être nous dresser une liste plus détaillée des mesures les plus essentielles pour le maintien en poste et l'embauche.
À l'heure actuelle, l'industrie du camionnage n'a aucun accès à des fonds destinés à la formation, sauf par l'entremise de ce que j'appellerai, sans vouloir en minimiser l'importance, des programmes plus ponctuels. Nous aimerions qu'il y ait presque un programme d'apprentissage, dans le cadre duquel les apprenants ayant suivi la formation obligatoire de premier échelon de notre industrie auraient la capacité de conduire soit un camion porteur, comme nous l'appelons dans notre industrie, soit une semi-remorque.
Ce qu'il faut vraiment en ce moment, surtout compte tenu de la pénurie de 30 000 personnes, c'est un financement destiné à la formation afin de permettre aux gens d'intégrer l'industrie. Ce n'est pas parce que vous avez le permis que vous êtes prêt à conduire un camion. Encore une fois, nous voulons que les bonnes entreprises soient récompensées par des fonds destinés à la formation pour les aider sur le plan de l'intégration. En général, il faut deux personnes à bord du camion. Vous ne confierez pas au nouveau conducteur les longs trajets. Vous lui demanderez plutôt de commencer par des trajets plus courts. Tout cela vise à s'assurer que les choses sont faites en toute sécurité, que les gens sont intégrés dans notre industrie selon les règles de sécurité et qu'ils y resteront.
C'est vraiment de cela qu'il s'agit. Premièrement, mettons de l'argent à la disposition de notre industrie pour l'aider au chapitre de l'intégration et, deuxièmement, assurons-nous que cet argent est versé aux entreprises qui appliquent les normes de travail et de sécurité les plus élevées.
Le nombre de postes vacants dans le secteur du camionnage est le problème dont on parle depuis le plus longtemps. Comme je l'ai mentionné, on a annoncé l'arrivée d'une pénurie de main-d'œuvre dès 2013, lorsque le rapport du Conference Board du Canada a paru. C'était avant la pandémie et la crise liée à la chaîne d'approvisionnement. Dans ce rapport, il était beaucoup question de la nécessité de rendre le métier plus attrayant.
Cependant, comme je l'ai dit, il y a aussi beaucoup de pressions dans le secteur ferroviaire. Les données sont approximatives puisque nous n'avons pas de statistiques à ce sujet, mais selon ce que j'ai appris, une compagnie va engager une centaine de personnes, mais il n'en restera souvent que 20, deux ans après.
En ce qui concerne les conditions de travail, j'ai mentionné les caméras qui surveillent les travailleurs du secteur ferroviaire, mais les compagnies veulent appliquer d'autres règlements très arbitraires. Par exemple, on interdit l'utilisation des téléphones cellulaires par les employés, même quand elle est sécuritaire. L'employé va donc se retrouver...
Je parle des personnes qui les transportent par train ou par camion.
Leur situation est-elle la même?
Je pose la question pour avoir une idée des secteurs qui sont les plus touchés. Si le problème ne se règle pas, j'aimerais savoir quels sont les secteurs qui poseront le plus de problèmes.
Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur les secteurs qui sont le plus en péril?
Nous avons moins étudié le nombre de postes vacants dans le secteur ferroviaire. On parle plutôt d'une crise dans le secteur du camionnage, en ce moment.
Comme il a été mentionné, Statistique Canada publie des chiffres chaque trimestre. La dernière fois que je les ai vérifiés, il y avait environ 26 000 postes vacants. C'est le deuxième emploi comptant le plus de postes vacants parmi tous les emplois analysés par Statistique Canada. La crise se situe davantage dans ce secteur.
Madame Abou‑Dib, à votre avis, quelle est la mesure la plus importante à prendre pour remédier à la pénurie de main-d'œuvre?
Est-ce que ce serait d'offrir plus de programmes de formation, d'envisager des filières d'immigration précises, d'automatiser davantage, ou autre chose?
Il n'y a pas de solution universelle au problème de pénurie de main-d'œuvre dans le secteur du camionnage. Il faut vraiment envisager l'industrie de façon plus globale.
La question est de savoir de quelle façon nous allons rendre l'industrie plus attrayante pour les jeunes et les femmes.
En cemoment, il y a des jeunes et des femmes qui n'ont pas d'emploi, mais qui en cherchent un. Or, le secteur connaît une pénurie de main-d'œuvre.
Il faut investir dans la formation, mais aussi rendre le secteur plus attrayant.
Nous devons valoriser le secteur du camionnage. Pour ce faire, nous devons reconnaître qu'il s'agit d'un secteur de professionnels. En ce moment, les associations d'employeurs et les syndicats doivent être sur la même longueur d'onde, ce qui est significatif. Le secteur du camionnage a besoin d'être reconnu comme étant un secteur de professionnels. Ce n'est pas n'importe qui qui peut devenir camionneur. Il faut passer un test pour obtenir son permis, et il existe des programmes de formation et d'apprentissage, tout comme dans le secteur de la construction.
Nous devons donc valoriser le secteur du camionnage, tout comme nous valorisons le secteur de la construction.
Monsieur Laskowski, jusqu'à présent, nous avons beaucoup parlé de la pénurie de travailleurs. Toutefois, parmi les moyens à envisager pour régler des problèmes, il y a celui d'arriver à accomplir le même travail avec moins de travailleurs.
Est-il possible d'implanter certaines technologies ou de prendre certaines mesures qui permettraient d'avoir moins de personnel dans le transport?
Je vous pose la question de façon bien candide. Je suis conscient que, s'il n'y a pas de chauffeur dans le camion, rien ne bouge.
Nous ne sommes pas encore rendus à l'étape des voitures autonomes, mais il y a peut-être d'autres solutions que je n'ai pas en tête.
Je ne pense pas que le problème ici concerne la technologie en tant que telle. Voici comment nous voyons les choses à cet égard: la technologie de guidage routier améliore la sécurité des camions, c'est‑à‑dire des véhicules eux-mêmes. Si vous savez comment utiliser ces véhicules en toute sécurité et que vous avez reçu une formation adéquate, nous pouvons faire avancer l'économie de manière plus sécuritaire. C'est, à mon avis, l'aspect le plus important de la technologie.
Si nous avons des conducteurs bien formés, à bord de camions plus sécuritaires et dotés de technologies plus modernes, nous pourrons alors utiliser les taux de déduction pour amortissement, en guise d'incitatifs fiscaux, pour encourager l'utilisation accrue de technologies dans les camions. C'est une approche possible.
Monsieur Burgan, vous avez parlé du manque d'attractivité du secteur et souligné qu'il était important de fournir des conditions de travail intéressantes.
Si l'on adoptait certaines technologies ayant pour effet d'atténuer la fatigue des travailleurs ou de rendre leur travail plus agréable, cela ne pourrait-il pas faire en sorte que certains se décident à conduire un camion, parce qu'ils ne seraient pas épuisés en rentrant à la maison et qu'ils auraient l'impression d'obtenir du soutien?
Ce serait le cas pour toute mesure qui aiderait à réduire la fatigue. J'ai mentionné les relais routiers qui sont inadéquats pour les camions. Les camionneurs nous disent souvent qu'ils doivent prolonger leur voyage et qu'ils évitent alors de prendre un repas ou de se reposer. Cela génère vraiment de la frustration et de la fatigue. Ils sont d'accord pour dire que ce secteur est vital pour l'économie, mais, s'ils sont constamment épuisés et éloignés de leur famille, leur choix personnel va être de trouver du travail ailleurs.
N'importe quelle mesure qui rendrait leur travail plus facile, que ce soit la technologie ou autre chose, serait profitable.
Monsieur Burgan, vous avez mentionné que les travailleurs du secteur ferroviaire s'inquiètent beaucoup des horaires et de la nature du travail par quarts. Je crois que vous avez dit que ces travailleurs sont « à l'entière disposition de la direction en tout temps ». Cela m'a rappelé certains des témoignages que nous avons entendus de la part des travailleurs du secteur dans le cadre de notre étude sur la sécurité ferroviaire. Je me suis souvenu d'une conversation avec un jeune homme de ma circonscription qui a travaillé dans le secteur ferroviaire pendant une courte période. Un de ses collègues avait été tué dans un accident ferroviaire.
Je songeais aux risques inhérents à ce secteur. Je m'interroge sur l'incidence de l'environnement de travail en matière de sécurité et sur la façon dont cela influe sur le recrutement et la rétention des travailleurs dans le secteur. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet et nous expliquer comment nous pouvons y remédier?
Pour bien situer les choses... Je n'ai jamais travaillé dans le secteur ferroviaire, et je commence à peine à entendre de plus en plus de témoignages à ce sujet. Au début, j'ai demandé si je pouvais aller sur place et monter dans le train avec l'un des membres de Teamster, mais on m'a répondu que non, parce que le risque pour ma sécurité personnelle était trop élevé.
Il s'agit d'un milieu de travail où des gens ont perdu la vie. Chaque année, nous entendons des histoires épouvantables. C'est donc assurément un secteur où il existe une pression démesurée parce que la sécurité personnelle des travailleurs est constamment menacée. Je ne doute pas que beaucoup finissent par quitter le secteur pour cette raison.
Vous avez dit, monsieur Burgan, que les attentes en matière de productivité sont de plus en plus élevées dans le secteur de la livraison de colis. Les chiffres que vous avez présentés étaient assez surprenants. Encore une fois, je me demande comment le Comité pourrait améliorer les choses à cet égard, du point de vue des conditions de travail, grâce à l'élaboration de politiques ou de lois.
Oui. Je pense que, du point de vue des conditions de travail, c'est très semblable à l'industrie du camionnage où nous voulons attirer les femmes et les jeunes, c'est‑à‑dire non seulement les jeunes travailleurs, mais aussi les nouveaux travailleurs.
En ce qui a trait au nombre d'heures, je crois que nous entendons certainement le même message de la part des conducteurs, qu'il s'agisse de conducteurs de véhicules de messageries ou de conducteurs de camions de marchandises, au sujet des heures de travail, des exigences et des pressions qui bouleversent l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.
Si nous voulons rendre le secteur plus attrayant, nous allons devoir commencer à faire preuve de beaucoup plus de créativité pour régler le problème de l'équilibre entre le travail et la vie personnelle.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de prendre le temps d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais commencer par l'association du camionnage. Selon le rapport publié en mars 2020 par RH Camionnage Canada, les taux élevés de roulement occasionnés par les camionneurs quittant volontairement la profession contribuent évidemment à la pénurie de main-d'œuvre. Je suis curieux de savoir pourquoi les camionneurs quittent volontairement la profession, et si le taux de roulement varie selon l'âge des camionneurs.
Les gens quittent une profession pour toutes sortes de raisons. L'une d'elles est la retraite, et je l'ai mentionnée dans mes observations précédentes. L'autre facteur constitue la principale raison pour laquelle les gens quittent les entreprises de camionnage.
Je connais très bien RH Camionnage Canada et les gens visés par ses sondages. Bon nombre d'entre eux font partie de mon conseil d'administration et d'autres conseils d'administration au Canada.
Ces conducteurs ne quittent pas l'industrie; ils quittent une entreprise qui verse des salaires et qui respecte les normes du travail pour se tourner vers l'économie souterraine. C'est le principal problème auquel doivent faire face les entreprises de camionnage au Canada. Elles perdent de bons conducteurs et de bonnes personnes au profit de l'économie souterraine parce qu'elles veulent respecter la loi. Elles appliquent la loi, mais la loi les abandonne à leur sort.
Pour revenir à vous, monsieur Laskowski, s'agit‑il principalement de jeunes conducteurs? Vous avez commencé par dire que c'était à cause de l'âge de la retraite, mais vous avez ensuite ajouté qu'il pouvait y avoir d'autres raisons. J'essaie simplement d'avoir une idée approximative de l'âge de ces conducteurs.
En ce qui concerne l'économie souterraine, tous les groupes d'âge sont concernés. Oui, nous comptons le groupe le plus âgé, le plus grand pourcentage d'employés de plus de 55 ans parmi les camionneurs, et c'est ce qui fait en sorte que les gens quittent l'industrie plus rapidement que dans d'autres secteurs.
Quant au rapport précis de RH Camionnage Canada dont vous avez parlé, il révèle qu'un grand pourcentage de ces camionneurs quittent des entreprises conformes aux normes du travail pour se diriger vers l'économie souterraine.
J'aimerais revenir sur certaines des questions posées par M. Barsalou-Duval sur les camions et les semi-remorques électriques. Je pense qu'il y a eu des réponses intéressantes à ce sujet. En examinant certaines des recherches effectuées avant la réunion du Comité, on constate que d'ici 2030, un certain nombre d'organismes envisagent d'utiliser un nombre beaucoup plus élevé de camions électriques. Je songe à ENMAX et à Bison, qui ont au moins mis à l'essai ces véhicules.
Je suis curieux de savoir ce qu'en pense l'industrie.
Je commencerai par M. Laskowski, puis j'aurai peut-être quelques questions à vous poser, monsieur Burgan, sur les avantages ou les inconvénients possibles pour l'industrie. Compte tenu des pénuries évidentes, est‑ce une option que vous appuyez?
La technologie ne remplacera pas les camionneurs. C'est la technologie de guidage routier qui assurera la sécurité des camionneurs. Or, la technologie pour camions n'est pas du tout en mesure de régler le problème de la pénurie de chauffeurs. Ce n'est tout simplement pas le cas. Elle améliorera notre sécurité. Elle pourrait attirer davantage de personnes, car les camions seront plus fiables sur la route. La technologie attire les gens, mais elle est loin de régler les problèmes dont il est question aujourd'hui.
Vous avez parlé de véhicules électriques. Je suppose que vous faisiez plutôt allusion à l'intelligence artificielle, comme dans le cas des camions autonomes?
Nous nous posons beaucoup de questions sur la sécurité, et nous sommes un peu du même avis. Je ne pense pas que la technologie soit encore au point. On utilise parfois l'analogie des avions sans pilote: pendant longtemps, on a pensé qu'il serait possible d'avoir des avions pouvant effectuer des vols sans pilote, mais je crois que la plupart des gens se sentiraient beaucoup plus rassurés de savoir qu'il y a un pilote dans la cabine. Nous nous demandons beaucoup si les camionneurs réfléchissent souvent à la question des camions autonomes. Ils ont peur d'être remplacés, surtout en raison de nos hivers et de nos routes. Je suis d'accord avec l'ACC pour dire que beaucoup de technologies ne feront qu'améliorer la sécurité et l'efficacité de la conduite routière.
Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins de comparaître devant notre comité cet après-midi. Je vous remercie de vos excellents témoignages et de vos arguments très pertinents, qui devraient tous nous faire réfléchir.
Je suis curieuse de savoir une chose, et cette question peut s'adresser à n'importe lequel d'entre vous. Je vais commencer par M. Laskowski, parce que vous avez abordé ce sujet. Savez-vous s'il y a des pénuries de main-d'œuvre dans le secteur des transports qui passent inaperçues et qui pourraient être très problématiques si elles ne sont pas comblées et, le cas échéant, pouvez-vous nous donner plus de détails là‑dessus? Je cherche surtout à savoir si cela entraîne des problèmes de sécurité.
Nous avons été nombreux à parler des conducteurs, et c'est la préoccupation numéro un, comme nous l'avons dit, parce que le problème en l'occurrence, c'est que si nous n'avons pas de conducteurs, les camions ne bougeront pas et les marchandises non plus. Nous l'avons tous dit, et c'est la réalité.
Peut-être qu'un des problèmes — et je ne dirais pas nécessairement que cela passe inaperçu dans notre secteur, mais on n'en parle peut-être pas assez —, c'est la pénurie de mécaniciens de véhicules lourds. Comme dans tous les secteurs, nous avons des pénuries de main-d'œuvre partout, mais il y a une importante pénurie de mécaniciens de véhicules lourds au diesel. Évidemment, maintenir la sécurité et le bon état de fonctionnement de ces camions est la grande priorité dans notre secteur. Par conséquent, c'est là un autre problème que nous souhaitons résoudre en collaboration avec le gouvernement du Canada.
Nous sommes également d'avis qu'une formation appropriée serait une bonne chose. Par exemple, on pourrait reconnaître le métier de camionneur à titre de métier spécialisé, ce qui signifie qu'il faudrait suivre un programme d'intégration et de formation pour devenir des conducteurs plus prudents. Comme je l'ai mentionné, il y a même eu un cas au Québec où des gens vendaient de faux permis, et c'est en partie attribuable à la pénurie, car il y a une forte demande de conducteurs. Cela met de la pression et force les gens à trouver des moyens de tricher pour mettre quelqu'un derrière le volant, mais nous avons besoin de travailleurs qui sont bien formés.
Dans le secteur ferroviaire, nous devons également veiller à ce que les normes soient adéquates afin d'éviter des taux élevés d'épuisement, ce qui est un problème dans ce secteur.
En fait, c'est une excellente transition, car cela m'inquiète. Vous savez, il y a une pénurie de main-d'œuvre, mais les affaires doivent continuer, alors que se passe‑t‑il maintenant? Entendez-vous des plaintes de travailleurs qui sont forcés par leurs employeurs à faire un quart de travail supplémentaire? C'est ce qui me préoccupe lorsque je parle de choses « qui passent inaperçues ».
Sommes-nous en train de nous exposer à un risque plus élevé à court terme? D'après vous, que pouvons-nous faire pour répondre à certaines de ces préoccupations? Le gouvernement fédéral peut‑il faire quelque chose à cet égard, ou s'agit‑il vraiment d'une question de compétence fédérale?
Le ministère des Transports a parlé d'examiner des règlements particuliers sur la fatigue. Nous avons obtenu de nouvelles règles de service et de repos, sur lesquelles nous nous sommes penchés, et il y a encore quelques problèmes à résoudre à cet égard. Cependant, il est nécessaire de mener une étude très ciblée sur la fatigue et les règlements qui s'y rapportent, car il s'agit d'un problème bien réel dans le secteur ferroviaire, et c'est exacerbé par l'existence d'une pénurie de... et par la présence de postes vacants dans ce secteur. Des accidents se produisent. Nous n'avons pas encore connu une longue période sans accident mortel, et je pense qu'il est vraiment important de commencer à considérer la fatigue comme un symptôme d'une industrie archaïque qui a vraiment besoin d'une refonte.
Nous avons parlé des problèmes et des défis auxquels nous devons faire face actuellement en raison des pénuries de main-d'œuvre. Je me demande si l'un d'entre vous connaît certaines industries qui ont été particulièrement efficaces dans leurs efforts pour remédier aux pénuries de main-d'œuvre. Si oui, pouvez-vous nous donner des exemples de la façon dont elles s'y sont prises?
Je vais parler du secteur du transport de marchandises.
Ce n'est peut-être pas quelque chose que nous voulons entendre, mais les employeurs délocalisent leurs activités à l'extérieur du Canada. Ils déplacent le tout à l'étranger. Je me suis entretenu aujourd'hui avec quelqu'un qui m'a dit que son entreprise avait déménagé, que son équipement était finalement arrivé en Serbie cette semaine et que son équipe embauchait des personnes ayant l'équivalent d'un MBA à un taux d'environ 1 200 $ par mois. Ces emplois ne reviendront pas au Canada. Étant donné que nous continuons à avoir ces pénuries de main-d'œuvre et que d'autres pays offrent des ressources à des prix qui sont attrayants pour les employeurs, cela va se produire de plus en plus. Cette situation ne date pas d'hier, mais cette organisation, comme nous l'avons dit plus tôt dans nos remarques liminaires, a déplacé sa main-d'œuvre. Auparavant, 10 % de la main-d'œuvre était délocalisée; aujourd'hui, c'est 25 %. Je pense que ce pourcentage va augmenter si nous ne réglons pas certains des problèmes liés à la main-d'œuvre que nous observons aujourd'hui.
Je vous remercie, monsieur le président. Je veux, moi aussi, remercier tous les témoins de comparaître aujourd'hui.
Il s'agit certainement d'un problème dont j'ai beaucoup entendu parler, même avant la pandémie. Je pense que la difficulté dans cette industrie, particulièrement dans le secteur du camionnage, c'est de trouver et de garder des conducteurs.
Vu que Honda est dans ma circonscription, il s'y trouve un grand nombre d'entreprises de camionnage, et c'est un problème. Une de ces entreprises, par exemple, possède 150 camions et la moyenne d'âge des camionneurs est de 61 ans. Le problème est donc de taille.
Quand j'étais jeune, je voulais devenir joueur de jockey professionnel ou camionneur, parce qu'il y avait de bons films de camions à l'époque. Je ne sais pas si vous vous rappelez de Burt Reynolds et de Clint Eastwood. Peut-être avons-nous besoin de quelques films pour intéresser de nouveau les jeunes à ce domaine.
Le problème vient peut-être en partie du fait que de nombreux parents n'encouragent pas vraiment leurs enfants à se diriger dans ce domaine, mais réalisent maintenant que les gens qui travaillent dans les métiers font plus d'argent que les universitaires qui ont suivi certains programmes à l'université. C'est un phénomène qui s'observe en Ontario également au chapitre des métiers.
La situation évolue un peu à cet égard en Ontario, mais je pense que la réalité, peu importe comment on analyse le problème, c'est que les heures et les quarts de travail et le transport à longue distance n'intéressent pas la prochaine génération. Les jeunes veulent être à la maison tous les jours.
Je pense que la réponse — et je veux simplement savoir ce que vous pensez —, c'est que pour attirer des travailleurs, il faut leur offrir beaucoup d'argent, plus que la moyenne des gens envisageraient pour un salaire de camionneur, parce que le camionnage constitue un maillon très important de toutes nos activités. Chaque compagnie, comme celles du secteur alimentaire, comme Mme Rood le disait pour l'industrie agricole...
D'ici à ce que cela se produise, je ne sais pas ce qu'il se passera. Je vous pose donc la question. À part offrir de bons salaires, sincèrement, comment peut‑on convaincre les gens de devenir camionneur?
Je pense que vous avez visé dans le mille. Les bonnes normes de travail attireront plus de travailleurs. Si les salaires sont plus élevés et si les gens jugent que c'est une bonne manière de faire vivre leur famille et que cela vaut peut-être le sacrifice de l'éloignement, ils viendront plus volontiers si les emplois sont meilleurs.
Par exemple, nous avons entendu les histoires d'employeurs qui ont admis que les gens ont besoin de plus de temps libre. Ils ont donc collaboré avec les employés et le syndicat, et établi des horaires plus inventifs, par exemple, en proposant de travailler trois jours consécutifs de 12 heures, suivis de quatre jours de congé. Cet horaire plaît à de nombreux employés.
Il faut recourir aux deux solutions. Je pense que si les gens peuvent gagner de bons salaires parce que ce sont eux qui font le sacrifice en effectuant un travail difficile, ils viendront. En outre, s'ils ont l'impression que leur employeur répond à leur souhait de mieux concilier leurs vies professionnelle et personnelle, ils resteront probablement plus longtemps.
J'en ai entendu beaucoup aujourd'hui sur les syndicats et les camionneurs syndiqués.
Je veux juste souligner que même les petits exploitants sont très importants. Il y en avait beaucoup dans ma circonscription avant... Un grand nombre d'entre eux ont abandonné à cause des assurances, des prix du carburant ou des temps d'attente. Comme nous l'avons déjà fait remarquer aujourd'hui, les pertes de temps sont énormes pour les propriétaires-exploitants.
J'ai une question concernant le carburant, car nous savons qu'il devient de beaucoup plus cher. Les frais augmentent‑ils? Grugeront-ils l'argent que nous pourrions peut-être payer aux entreprises ou aux personnes pour rester dans l'industrie?
Nous avons entendu plus tôt que quand il n'y a pas de formation... Y aurait‑il moyen d'offrir un incitatif pour les aider à long terme, au lieu de juste payer plus? Vous ne changez pas leur véhicule; vous conduirez exactement les mêmes camions.
J'ajouterais seulement que de multiples facteurs permettent d'attirer et de garder les gens. De l'admission même des Teamsters, l'argent en fait partie, tout comme les horaires de travail différents. De nombreuses flottes recourent à ces moyens, mais plus on se montre souple... Par exemple, certaines flottes qui effectuent du transport à longue distance — se rendant jusqu'à Winnipeg, au Texas, à Toronto ou à Los Angeles — alternent entre une semaine de travail et une semaine de congé. Eh bien, les camions doivent se déplacer la semaine suivante; l'employeur doit donc doubler le nombre de camionneurs...
Tout ce que je dis, c'est que l'augmentation ne vous empêche pas de garder certains employés ou peut-être d'offrir de la formation. Ce sont des débours que vous ne pouvez pas changer subitement. Cela nous coûtera tous plus d'argent, et cela ne changera pas le véhicule que conduit le camionneur.
Je ne vois pas l'avantage à demander beaucoup plus d'argent maintenant.
Je ne cherche pas à éluder la question, mais pour être honnête, je ne comprends pas où nous allons avec cette question. La réalité, c'est que le prix du carburant augmente. Il y a un système distinct pour le carburant et il faut tenir compte des frais du système de transport, y compris la main-d'œuvre.
Je veux souhaiter la bienvenue une fois encore à tous nos invités d'aujourd'hui. Vous livrez d'excellents témoignages et fournissez des renseignements très intéressants aux membres du Comité.
Monsieur Rodgers, je vous poserai une question en premier, puis offrirai ensuite aux autres l'occasion d'y répondre.
Des pénuries de main-d'œuvre sévissent dans de nombreux secteurs. Dans celui des transports, dans l'industrie maritime sur la côte Est, par exemple, il y a une pénurie d'officiers de bord qui pose de réels défis aux compagnies de transport maritime. L'industrie du camionnage est également aux prises avec des problèmes semblables.
Permettez-moi de vous poser la question suivante, monsieur Rodgers. Existe‑t‑il, dans le secteur des transports, des aspects particuliers sur le plan des pénuries de main-d'œuvre? Dans l'affirmative, pourriez-nous m'en dire plus à ce sujet?
Nous éprouvons des difficultés au chapitre de la classification des agents d'expédition. Je ne pense pas que le grand public — et peut-être un bon nombre des personnes assises autour de cette table — comprennent réellement ce qu'est un agent d'expédition.
Nous tentons de faire classifier ce groupe dans le code de la Classification nationale des professions, ou CNP, parce qu'à l'heure actuelle, ils figurent dans la catégorie « expéditeurs/expéditrices et réceptionnaires ». Quand on veut faire venir des gens au pays pour les former dans ce domaine, ils ne peuvent entrer qu'avec un permis de travail temporaire, qui leur permet de rester ici seulement deux ans.
Nous travaillons avec les responsables de la CNP pour tenter de faire modifier le code afin que ce type d'emploi soit considéré plus comme un métier pour que les gens puissent venir au pays et, dans le cadre du Système de déclaration accélérée, obtiennent la résidence permanente, intègrent le marché du travail et fassent carrière au Canada.
L'ennui, c'est que la CNP n'est révisée qu'aux 10 ans. Les responsables effectuent initialement un examen superficiel, mais ils ne font pas d'examen approfondi avant 10 ans. Nous jugeons que ce délai est trop long et tentons de changer cela.
Nous parlons de la main-d'œuvre, et je ne m'attarderai pas sur le sujet. Sachez toutefois que nous connaissons également d'importantes difficultés au chapitre de l'équipement, qui font que si nous engageons 30 000 camionneurs, je ne suis pas convaincu que nous disposerons de l'équipement nécessaire pour les occuper et les garder à notre service au fil du temps.
Nous sommes confrontés à des difficultés à maints égards, et je ne pense pas qu'il existe de solution vraiment simple pour les résoudre.
Monsieur Burgan, voulez-vous formuler des commentaires à ce sujet? Avez-vous quelque chose de particulier à dire à propos de la pénurie de main-d'œuvre?
Encore une fois, l'une des tendances que nous observons souvent est que les nouveaux travailleurs recherchent quelque chose de différent dans leur travail. Ils veulent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. C'est quelque chose que nous entendons souvent.
Mon collègue, John McCann, racontait l'histoire d'une personne qu'il connaît qui avait commencé à travailler comme camionneur, puis s'était rendu compte qu'il allait être tout le temps parti et qui s'est dit: En fait, je pense que ce n'est pas pour moi. Je vais trouver un travail de bureau.
Je pense qu'il faut trouver des moyens de rendre le travail plus attrayant... parce que c'est un métier difficile. Il peut être très dur, surtout sur les longs trajets. Il serait bon pour le secteur de trouver des moyens de rendre le travail plus attrayant et de le faire évoluer en fonction des attentes des travailleurs.
Monsieur Laskowski, aujourd'hui, le Globe and Mail contient un article dans lequel il est dit que Loblaws a fait circuler pour la première fois des camions de livraison autonomes sur les routes canadiennes.
Comment garder cela à l'esprit et calibrer correctement le nombre de nouveaux employés que nous formons en fonction de l'ampleur de la pénurie de main-d'œuvre et ne pas, par exemple, produire par inadvertance trop de camionneurs au moment où les camions autonomes se répandent? Ces situations peuvent-elles être prédites et planifiées de manière fiable?
Je vais répondre brièvement à cette question, monsieur Rogers.
Je ne pense pas que nous ayons à nous inquiéter de créer trop de camionneurs. Notre économie en a besoin. Je ne crois pas que nous devions nous inquiéter que la technologie dont vous parlez et qui est mentionnée dans le Globe and Mail envahisse de sitôt notre industrie, comme je l'ai dit précédemment.
Pendant la discussion de tout à l'heure sur l'économie clandestine, l'exemple d'Uber m'est venu en tête, même si ce n'est évidemment pas exactement la même chose dans ce cas-ci.
Certains camions de plus petite taille nécessitent un investissement moins important et un permis de conduire « régulier ».
Croyez-vous qu'un genre de « Uber du camionnage » risque d'apparaître éventuellement?
La compagnie Uber n'est pas nécessairement bien vue sur le plan de la qualité des emplois et de la stabilité du personnel.
Certaines compagnies n'ont pas le même modèle que celui utilisé par Uber, mais elles ne respectent pas les droits des travailleurs, elles les exploitent et veulent tirer le maximum de profit au détriment de leur bien‑être.
Ce que nous voyons présentement est similaire. Il faut vraiment adopter des mesures pour renforcer l'application des règles et s'assurer qu'aucune compagnie ne fraude le système.
Dans mes observations liminaires, j'ai mentionné qu'environ les deux tiers des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis se font par camion. Presque tout ce qui se trouve dans la salle où vous êtes assis a été transporté par camion au moins une fois, et probablement plusieurs fois. La plupart de ces camions sont des semi-remorques de 53 pieds de diverses configurations ou conceptions.
À l'avenir, notre pays continuera de recourir au transport par semi-remorque de 53 pieds.
J'essaie de comprendre certaines des tendances qui ont été décrites. Nous avons entendu beaucoup de choses sur les conditions de travail. Nous avons entendu parler de l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Nous avons entendu parler du manque d'aires de repos, du manque de services alimentaires et de la pression à la baisse exercée sur les salaires et les avantages par cette économie souterraine. Tous ces éléments semblent être des aspects négatifs des conditions de travail.
Quelqu'un a toutefois également mentionné plus tôt que la rémunération des chauffeurs avait augmenté au cours des deux dernières années. Je crois que le chiffre cité était de 20 à 30 %.
Je me demande quelle est la tendance nette. Les conditions de travail se dégradent-elles? Sont-elles pires qu'il y a 30 ou 40 ans, lorsque vous aviez...? Pour les chauffeurs qui prennent aujourd'hui leur retraite et quittent le secteur, les conditions étaient-elles meilleures dans leurs beaux jours? Y avait‑il des relais routiers tous les 15 km et étaient‑ils chez eux pour voir leur famille tous les trois jours, ou les attentes envers la main-d'œuvre ont-elles changé et l'industrie peine-t-elle à y répondre? Le marché du travail est‑il simplement tendu dans l'ensemble de l'économie?
J'essaie de comprendre quelle est la tendance particulière sur laquelle nous essayons de peser avec la politique.
Quand on travaille dans le mouvement syndical, on sait que c'est en demandant l'avis des travailleurs que l'on obtient des réponses. C'est ce que nous avons fait, et ils nous disent que ce sont là les facteurs qui dissuadent les nouveaux travailleurs potentiels. Ce sont les pires aspects du travail qui ont atteint un point de rupture.
Je suppose que certaines conditions étaient bien meilleures. Par exemple, nous parlons des aires de repos. Il s'agit d'un problème d'infrastructure. Si l'économie évolue d'une certaine manière et qu'il y a beaucoup plus de camions sur les routes — ce qui, d'après ce que j'ai compris, est le cas — et que personne n'a jamais pris l'initiative d'améliorer les aires de repos destnées aux camionneurs, alors on atteint un point de rupture. Il en découle une crise. Je pense que c'est probablement une combinaison de beaucoup de choses.
Je vais poser la même question à M. Laskowski, et lui demander son avis sur l'évolution générale de la tendance liée aux conditions de travail. Prenez un camionneur qui travaillait il y a 40 ans et un autre qui entre sur le marché du travail aujourd'hui.
La principale tendance est incontestablement — Teamsters et l'ACC vous l'ont dit — l'inégalité des chances créée par la non-application de la solution Driver inc. Vous pouvez introduire toutes les lois du travail que vous voulez pour améliorer le secteur, mais si 20 à 30 % du secteur dit: « Je ne vais pas respecter les règles que vous avez établies » et que vous ne faites rien pour remédier à ce problème, alors qu'importe si vous créez de nouvelles lois? Ce ne sont que de nouvelles lois qu'ils n'appliqueront pas.
Ce que vous entendez aujourd'hui, c'est que pour améliorer notre secteur, nous demandons conjointement aux syndicats et aux entreprises membres de l'ACC de respecter la loi du point de vue de l'ARC et d'EDSC. Nous pourrons alors faire avancer notre secteur en créant de meilleures conditions de travail pour tous.
Je poserai une question, puis je partagerai mon temps de parole avec ma collègue, Mme Rood.
Nous avons parlé des conditions de travail. Les transitaires et les Teamsters ont fait allusion aux aires de repos et à la nécessité d'utiliser les toilettes. C'est évidemment une question mineure, mais j'imagine que c'est une frustration importante qui s'ajoute à d'autres problèmes. Cela exacerbe les conditions de travail.
Je sais qu'en Ontario, pendant la pandémie, le gouvernement provincial a imposé aux entreprises recevant des livraisons par camion de mettre leurs installations sanitaires à la disposition des chauffeurs. Cela semblait être une solution très pratique à un problème.
Vous avez fait allusion à l'infrastructure des aires de repos. Il ne s'agit pas seulement d'installations sanitaires, mais aussi, j'imagine, d'aires de repos en cas de fatigue.
Sans empiéter sur les compétences provinciales, y a-t-il d'autres mesures qu'un organisme fédéral pourrait prendre pour atténuer ce problème? Je pose cette question à la fois aux représentants des Teamsters et des transitaires, lesquels ont également mentionné ce problème.
Les groupes que nous représentons sont les entreprises de factage. Ce sont les personnes qui vont chercher les conteneurs dans les gares de triage et les ports afin de les livrer aux importateurs ou aux exportateurs, quelle que soit la partie qui a besoin de ces conteneurs.
Nous faisions allusion aux longues files d'attente attribuables aux problèmes de congestion actuels. Ces conducteurs sont assis là pendant quatre, cinq, six ou sept heures. Ils sont essentiellement garés sur le bord de l'autoroute, pendant qu'ils essaient d'entrer dans des terminaux pour ramasser un conteneur ou en déposer un. Cette situation est problématique pour l'industrie. Il ne s'agit pas nécessairement d'aller dans une aire de repos, car ces chauffeurs sont simplement garés là pour attendre. C'est un problème lié au système et à la congestion qui se produit. Je dirais que, de ce point de vue, il n'y a vraiment rien que nous cherchons à obtenir auprès d'organismes fédéraux.
Je vais céder la parole aux représentants de l'ACC afin qu'ils puissent formuler d'autres observations.
De notre point de vue, si vous cherchez à déterminer les mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour aider les conducteurs, cela consisterait à insister pour qu'il y ait plus d'aires de repos le long des infrastructures fédérales. Cela s'applique en particulier à la réglementation relative aux DCE. Cela signifie qu'il n'y aura plus de journaux de bord papier. Nous allons passer aux journaux de bord électroniques. C'est une mesure que l'ACC et les Teamsters soutiennent fermement. Cela rendra nos routes plus sûres et protégera la main-d'œuvre.
De nombreux groupes de camionneurs m'ont dit récemment qu'il y avait un problème transfrontalier. Lorsque le gouvernement a imposé les mandats fédéraux et que les gens ont choisi de faire valoir leur autonomie médicale afin de ne pas se faire vacciner, il y a eu une pénurie de camionneurs pour les trajets transfrontaliers. Je l'ai constaté au printemps en ce qui concerne l'acheminement des aliments de la Californie au Canada, ainsi que l'acheminement des fruits et légumes.
Je me demande simplement si vous pouvez nous dire si les mandats fédéraux expliquent en partie la pénurie de main-d'œuvre qui sévit actuellement dans ce secteur et s'ils ont nui à la chaîne d'approvisionnement du Canada.
Ces mandats étaient bilatéraux. Ils ont été mis en oeuvre à la fois par le Canada et les États-Unis. Ils ont eu pour effet de réduire d'environ 10 % — dans certaines régions du pays, la réduction était plus importante, mais en moyenne, elle était d'environ 10 % — la population active de conducteurs du marché canado-américain. Ce n'est pas négligeable. Depuis la semaine dernière, le Canada a annulé cette mesure. Malheureusement, les États-Unis ne l'ont pas fait. Les mandats ont toujours, au Canada, une incidence d'environ 10 % sur ce bassin de conducteurs.
Je terminerai en vous remerciant, monsieur Laskowski, de nous avoir communiqué ces renseignements.
Ce que les intervenants de l'industrie m'ont dit, c'est que la concurrence liée à l'absence de conducteurs a fait grimper le prix du fret. Les gens cherchaient des camions lorsqu'ils n'arrivaient pas à trouver quelqu'un qui pouvait franchir la frontière, ou ils retenaient les services d'une entreprise de camionnage pour faire traverser leur chargement. Si quelqu'un d'autre faisait une offre plus élevée, les entreprises de camionnage laissaient tomber les autres chargements et acceptaient l'offre la plus élevée, parce qu'elles étaient en mesure de le faire. Elles pouvaient obtenir ces recettes, parce que c'est aussi leur métier de faire de l'argent.
Je conclurai mon intervention en disant cela.
Merci, monsieur le président. Je sais que mon temps est écoulé.
Je vais me préoccuper surtout d'établir un dialogue dans lequel nous pouvons faire preuve d'imagination, en examinant non pas ce qui était, mais ce qui peut être. Ce que j'entends par là, c'est que nous avons terminé deux rapports provisoires sur l'établissement d'une stratégie canadienne en matière de transport et de logistique. Je suis sûr que vous avez participé à ce processus. Du moins, certains d'entre vous l'ont fait, ou vous connaissez l'existence des rapports que j'ai mentionnée.
Mon deuxième commentaire est le suivant: si nous voulons renforcer nos corridors commerciaux et, en fait, intégrer notre logistique de distribution, les ressources humaines jouent un rôle important dans ce processus. L'infrastructure, la législation et les partenariats jouent un rôle important dans ce processus. Ce n'est pas le cas seulement ici, au Canada, mais à l'échelle binationale, voire trinationale.
Le fait est qu'en fin de compte, pour renforcer le rendement global de notre commerce international, nous devons cocher toutes les cases. Cela dit, le dialogue que nous avons aujourd'hui est important. Discutons-en en faisant preuve d'imagination.
Lorsque nous examinons la nécessité d'avoir des exploitants dans les corridors commerciaux, nous constatons qu'il ne s'agit pas seulement d'exploitants routiers. Il s'agit également d'exploitants ferroviaires, aériens et maritimes. Autant l'industrie routière parle de ses besoins en matière d'exploitants, autant l'industrie maritime dit la même chose. Qu'il s'agisse d'un cuisinier, d'un ingénieur, d'un capitaine ou d'un second, la situation est la même — c'est une situation catastrophique. La situation est la même dans le secteur ferroviaire et dans le secteur aérien, en particulier au sein de la chaîne d'approvisionnement et parmi les travailleurs qui s'occupent des bagages, des portes d'embarquement dans les aéroports, etc.
Je vous adresse ma question, monsieur Rodgers, en votre qualité de transitaire.
Pensez-vous qu'il serait possible d'élaborer un plan relatif à un exercice de relations publiques portant sur les exploitants qui exercent leurs activités dans les corridors commerciaux, y compris les exploitants routiers, maritimes et aéroportuaires — dans les secteurs ferroviaire, maritime, routier et aérien? Il s'agit de regrouper nos ressources, ce qui signifie que nous devons travailler avec les provinces afin de regrouper la formation et d'harmoniser les programmes de formation provinciaux à l'échelle nationale. Comme nous le savons, ces exercices de formation — et j'utilise cette expression faute de connaître un meilleur terme — peuvent différer d'une province à l'autre. Il faut donc harmoniser les programmes de formation à l'échelle nationale.
Je pense que cette idée serait bénéfique et simplifierait le processus pour notre communauté et celle que nous représentons. Je précise encore une fois que, dans le secteur du transport de marchandises, bon nombre de ces organisations ont une portée nationale ou multinationale. Elles emploient du personnel dans plusieurs provinces du Canada, et lorsqu'il y a des incohérences dans la formation, cela crée des problèmes importants dans l'ensemble.
Le fait de regrouper le tout pour faire face aux problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement et aux pénuries de main-d'œuvre serait une première étape importante en vue de résoudre ce problème.
Je vais aller un peu plus loin et examiner l'intégration de la logistique de distribution au niveau international.
Lorsqu'un investisseur ou une entreprise arrive de l'extérieur du pays — et la plupart d'entre eux vont respecter les accords commerciaux que nous avons établis et ratifiés au cours des quatre dernières années, qu'il s'agisse de l'ACEUM, de l'AECG, du PTPGP ou d'autres accords —, nous faisons face à une nouvelle façon de faire des affaires dans le nouveau marché mondial dans lequel nous nous trouvons depuis quelques décennies. Pensez-vous que, pour ce faire, nous allons devoir passer à une nouvelle ère d'intégration de la logistique de distribution de nos systèmes de transport, et donc à une nouvelle ère d'exploitants?
Pour en revenir à ma question précédente, il faut regrouper non seulement la formation, mais aussi l'image de marque et la nécessité générale de faire connaître les exploitants des corridors commerciaux, quel que soit le secteur dans lequel ils se trouvent, que ce soit le secteur ferroviaire, le secteur routier, le secteur maritime ou le secteur aérien.
Je pense que c'est essentiel, mais je vais m'engager dans une direction quelque peu différente. Cela va dans le sens de ce que vous évoquez également. Selon nous, nous disposons d'un fonds national pour les corridors commerciaux, mais nous n'avons pas de stratégie nationale pour les corridors commerciaux. Je pense que nous faisons les choses à l'envers. Nous mettons l'argent à la disposition des parties intéressées, puis nous leur disons: « Bon, qui en veut? Que tout le monde présente une soumission ».
Vous procédez de cette façon. Personne ne se préoccupe de l'infrastructure. La composante de la main-d'œuvre va aussi de pair avec les problèmes que nous rencontrons et qui nous donnent des difficultés en ce moment. Au cours de notre exposé, nous avons parlé plus tôt des problèmes de congestion qui sévissent dans les gares de triage. Qui a envie d'être conducteur quand il faut faire la queue pendant cinq heures? Combien de semaines allez-vous faire cela avant de décider que vous ne voulez plus le faire?
Nous avons les mêmes problèmes dans nos ports. Ils sont enclavés. Certains de nos projets d'infrastructure font l'objet d'études supplémentaires depuis 15 ou 20 ans maintenant. Il faut que nous prenions des décisions plus rapidement. Nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière de corridors commerciaux, et la composante de la main-d'œuvre devrait également en faire partie.
Si je peux m'adresser aux analystes, je préciserais que nous voulons souligner et mettre en évidence ce commentaire concernant une stratégie en matière de corridors commerciaux et de transport.
Je vous remercie, monsieur Rodgers, de votre observation à ce sujet. Voici ma dernière question.
Je suis sûr que vous avez lu le rapport Emerson concernant l'ACC et les recommandations qui en ont découlé.
Avez-vous la conviction que, dans le cadre de l'établissement d'une stratégie canadienne en matière de transport et de logistique...? Ce dont M. Emerson parle dans son rapport, c'est qu'il ne s'agit pas seulement d'investissements évidents ou de l'attention que nous devons accorder à l'infrastructure physique, que ce soit la Voie maritime du Saint-Laurent, le canal Welland ou des routes, mais que les ressources humaines dont nous parlons aujourd'hui en font également partie?
Je vais tout simplement dire que nous sommes d'accord. La composante de la main-d'œuvre doit aller de pair avec la stratégie d'infrastructure dont nous parlons. Nous devons mettre en place l'infrastructure appropriée, et elle doit soutenir les défis de la chaîne d'approvisionnement que nous relevons en ce moment. Si elle n'est pas liée à la composante de la main-d'œuvre, nous ne résoudrons aucun des problèmes globaux. Donc, la composante de la main-d'œuvre doit également occuper une place importante dans cette stratégie.
Si les membres sont d'accord, j'aimerais poser une brève question aux témoins.
Des voix: D'accord.
Le président: Merci.
Une étude a récemment été publiée dans laquelle on demandait à la prochaine génération — les jeunes travailleurs qui entrent sur le marché du travail — ce qu'ils recherchaient en matière d'emploi. La première chose qu'ils recherchaient était un sentiment d'accomplissement, quelque chose qui leur permet d'avoir l'impression de contribuer à un résultat positif. Leur deuxième critère était la conciliation travail-famille, donc la qualité de vie. Leur troisième critère était une incidence positive sur l'environnement. Ils voulaient s'assurer que ce qu'ils faisaient ne nuisait pas à l'environnement.
Pour de nombreux jeunes travailleurs, l'industrie du camionnage est perçue comme une industrie non respectueuse de l'environnement. Je me demande si de plus grands efforts devraient être déployés — peut-être un soutien de la part du gouvernement fédéral ou de différents ordres de gouvernement — pour aider l'industrie à passer à des technologies comme les véhicules électriques, en ce qui concerne les camions, par exemple. Non seulement cela contribuerait évidemment à la rentabilité de l'industrie du camionnage, en lui permettant d'économiser du carburant, mais je me demande ce que vous pensez de cette transition qui permettrait d'attirer de jeunes travailleurs dans le secteur et de le présenter sous un jour plus positif.
Je suis à la recherche de réflexions de la part de n'importe lequel d'entre vous.
Les questions relatives à la technologie, aux véhicules sans conducteur ou aux systèmes d'aide à la conduite sont identiques à celles qui concernent les véhicules électriques.
Le carburant est le coût le plus important après la main-d'œuvre. Si nos membres pouvaient passer aux véhicules électriques, ils le feraient. La réalité, c'est que la technologie n'est pas adaptée à notre économie de transport sur de longues distances, ni aux normes relatives aux poids et aux volumes transportés par ces véhicules.
L'Alliance canadienne du camionnage est extrêmement favorable à cette idée et travaille dans ce sens avec le gouvernement du Canada. Cependant, en bref, la technologie, en ce qui concerne les véhicules électriques offerts pour le moment, ne permet tout simplement pas de convertir l'économie à laquelle appartient notre clientèle, tant au Canada qu'aux États-Unis.
Je mentionne rapidement que les syndicats croient en une transition juste. Nous ne pensons pas que les travailleurs devraient se retrouver sans travail à cause de la transition, mais nous faisons effectivement face à une crise climatique. Lorsque les programmes gouvernementaux d'écologisation de l'économie tiennent compte des travailleurs, tout le monde y gagne.
En l'absence d'autres réponses, je tiens, au nom du comité, à vous remercier tous des témoignages que vous avez apportés aujourd'hui et qui contribuent à cette étude très importante pour tous les Canadiens.