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Je déclare la séance ouverte et vous souhaite à tous et à toutes la bienvenue à la 88
e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride et j'offre mes salutations à ceux et celles de nos collègues qui se joignent à nous virtuellement.
Conformément à la motion adoptée le 26 septembre, nous recevons aujourd'hui le directeur parlementaire du budget, qui nous parlera de son rapport intitulé « Analyse du seuil de rentabilité des subventions à la production accordées à Stellantis‑LGES et Volkswagen ».
J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Giroux, directeur parlementaire du budget, qui est accompagné aujourd'hui de M. Chris Matier, directeur général, Analyse économique et financière, et de Mme Jill Giswold, analyste principale. Nous sommes désolés d'avoir dû annuler la rencontre de mardi. Ce sont les aléas de la vie parlementaire qui nous y ont contraints, mais nous sommes très heureux de retrouver nos invités aujourd'hui.
Avant de céder la parole aux témoins, comme j'entends la sonnerie d'appel, je dois obtenir le consentement unanime des membres du Comité pour poursuivre la réunion jusqu'à cinq minutes avant le vote, si cela convient à tous. Je croyais que la sonnerie devait durer 30 minutes, mais, après vérification, elle ne durera que 15 minutes.
Ai-je le consentement unanime des membres du Comité pour poursuivre la réunion au moins jusqu'à la fin de la présentation de M. Giroux?
Des députés: D'accord.
Le président: Monsieur Giroux, vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui pour parler de notre rapport intitulé « Analyse du seuil de rentabilité des subventions à la production accordées à Stellantis‑LGES et Volkswagen ».
Je suis accompagné aujourd'hui de M. Chris Matier, directeur général, et de Mme Jill Giswold, analyste principale du rapport.
Notre rapport comporte deux objectifs. Le premier, qui s'inscrit dans le cadre de mon mandat visant à promouvoir une plus grande transparence et une plus grande responsabilité budgétaire, consiste à examiner l'analyse du seuil de rentabilité utilisé par le gouvernement fédéral au sujet de la subvention à la production de 13,2 milliards de dollars accordée à Volkswagen et annoncée en avril. À l'époque, le premier ministre et le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie avaient insisté pour que l'échéance de rentabilité soit inférieure à cinq ans. Or, l'analyse correspondante n'ayant pas été publiée, notre rapport vient combler cette lacune en expliquant l'échéance de récupération estimée par le gouvernement.
Par ailleurs, en juillet, le gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario ont annoncé l'octroi à Stellantis‑LGES de subventions à la production qui pourraient atteindre 15 milliards de dollars, bien qu'aucun des deux gouvernements n'ait annoncé d'échéance pour atteindre le seuil de rentabilité. Cela nous amène au deuxième objectif de notre rapport, qui est de fournir une analyse indépendante du seuil de rentabilité du montant combiné de 28,2 milliards en subventions à la production pour Stellantis‑LGES et Volkswagen.
Nous avons estimé que les recettes du gouvernement fédéral et du gouvernement de l'Ontario générées par les usines de fabrication de batteries pour les véhicules électriques au cours de la période de 2024 à 2043 seraient égales au montant total des subventions à la production. Nous visons donc un seuil de rentabilité de 20 ans, ce qui est beaucoup plus long que l'échéance de récupération de moins de cinq ans estimée par le gouvernement dans le cas de Volkswagen.
Pour arriver à cette estimation, nous avons utilisé les résultats de l'étude intitulée « Canada’s New Economic Engine », dont s'est servi le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique pour déterminer son seuil de rentabilité. Pour produire notre analyse, nous avons consulté des représentants de ce ministère et du ministère des Finances du Canada.
[Traduction]
En outre, en juin, nous avons contacté les organisations qui ont publié l'étude, c'est‑à‑dire Clean Energy Canada et le Trillium Network for Advanced Manufacturing, et leur avons posé des questions techniques détaillées et demandé des données. Malheureusement, en août, les gens du Trillium Network nous ont informés qu'ils n'étaient pas en mesure de répondre à nos questions et ont dit qu'ils pourraient éventuellement reprendre la conversation en octobre si nous le voulions toujours. Malgré cette réponse, nous savions que nous comprenions suffisamment bien leur étude et ses résultats pour mener à bien notre analyse.
À l'opposé de ce que certains ont laissé entendre, notre estimation établit le seuil de rentabilité à 20 ans en tenant compte des répercussions économiques directes, indirectes et induites qui découlent des nœuds de fabrication de cellules et de modules de batterie au sein de la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques dont parle l'étude du Trillium Network. Il s'agit des nœuds auxquels sont liées les subventions à la production reçues par Stellantis-LGES et par Volkswagen.
Contrairement à l'estimation du seuil de rentabilité faite par le gouvernement fédéral, nous n'avons pas inclus les investissements supplémentaires et les accroissements présumés de la production dans d'autres nœuds de la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques ciblés par l'étude du Trillium Network. Selon nous, les hypothèses et la modélisation qui sous-tendent l'estimation du gouvernement fédéral surestiment considérablement les répercussions économiques et fiscales des subventions à la production, ce qui se traduit par une échéance optimiste pour l'atteinte du seuil de rentabilité.
Premièrement, il existe une incertitude quant à l'emplacement géographique futur des nouveaux investissements et des activités de production liés aux autres nœuds de la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques. Compte tenu de la nature hautement intégrée de l'industrie automobile nord-américaine et de son caractère mondial, il n'est pas raisonnable de supposer que tous les nouveaux investissements dans les autres nœuds de la chaîne d'approvisionnement seront automatiquement consentis au Canada.
Deuxièmement, la modélisation utilisée par le Trillium Network était fondée sur un cadre d'entrées‑sorties. Comme nous l'avons signalé dans notre rapport, l'une des principales limites de ce cadre est qu'il n'y a pas de contraintes du côté de l'offre. Par exemple, dans un tel cadre, il n'y a pas de pénurie ou de réaffectation de la main-d'œuvre, de sorte que chaque nouvel emploi est un gain net pour l'économie. Puisqu'il existe bel et bien des contraintes du point de vue de l'offre, il faudrait transférer des ressources provenant d'autres secteurs ou industries pour répondre à la demande accrue tout au long de la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques.
Par conséquent, compte tenu de l'incertitude liée à l'emplacement futur de la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques et à l'effet d'accroissement des répercussions économiques et fiscales, nous avons uniquement inclus la production et les retombées liées aux nœuds de fabrication de cellules et de modules tels que définis dans l'étude du Trillium Network, en tenant compte des calendriers de production fournis par Stellantis-LGES et Volkswagen.
Cela dit, même notre analyse s'appuyait sur plusieurs hypothèses optimistes. Par exemple, nous avons supposé que les deux usines continueraient à fonctionner à plein régime après 2032, date à laquelle les subventions à la production prendront fin. Nous avons également supposé que les recettes publiques liées à la fabrication de cellules et de modules augmenteraient considérablement après 2030.
En définitive, il est tout à fait possible que le seuil de rentabilité des 28,2 milliards de dollars de subventions à la production accordées à Stellantis-LGES et à Volkswagen ne soit pas encore atteint dans 20 ans, comme nous l'avons estimé.
Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci à M. Giroux et à ses collaborateurs d'être des nôtres aujourd'hui.
Nous menons cette étude parce que le et le ont indiqué au départ que l'on atteindrait la rentabilité en cinq ans ou moins. En fait, le ministre a déclaré publiquement à maintes reprises depuis avril que l'investissement serait effectivement rentable et qu'il faudrait un maximum de cinq ans pour y parvenir. Il n'y a pas de banquier qui refuserait de signer une telle entente. Mais voilà que vous nous dîtes qu'il faudra 20 ans, voire davantage, simplement pour en arriver à ce seuil de rentabilité, et ce, seulement si tous les éléments tombent en place comme par magie.
Vous avez formulé une hypothèse en vous appuyant sur le rapport du Trillium Network. Avez-vous un moyen de savoir d'où viennent les chiffres sur l'écosystème qui sont présentés dans ce rapport? J'en ai moi-même pris connaissance, et je n'ai pu y trouver aucune mention de Volkswagen. Comme il n'est question nulle part de cette entente et comme vous n'avez pas accès aux chiffres sur lesquels s'appuie ce rapport un peu fantaisiste du Trillium Network, comment en arrivez-vous à cette estimation suivant laquelle il faudra 20 ans pour que les sommes investies produisent des retombées équivalentes?
On formule ici des hypothèses que j'estime plutôt optimistes au sujet des niveaux de taxation des particuliers et de considérations semblables.
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C'est une question intéressante.
En fait, nous nous sommes référés au rapport du Trillium Network, mais nous ne l'avalisons pas, car il nous est impossible de reproduire — et nous n'avons même pas tenté de le faire — les chiffres contenus dans ce rapport. Ce n'était pas notre objectif.
Nous voulions simplement analyser les déclarations du gouvernement suivant lesquelles il faudrait moins de cinq ans pour en arriver à des retombées équivalentes aux investissements consentis. À partir du même rapport dont le gouvernement s'est servi, nous en sommes arrivés à la conclusion que l'échéance de récupération serait beaucoup plus éloignée dans le temps, car le gouvernement a parlé d'une période inférieure à cinq ans en présumant non seulement que ces usines de fabrication de batteries seront construites et fonctionnelles, mais aussi que tout un écosystème sera bâti autour.
Même dans le rapport du Trillium Network, on admet que, pour que cela devienne chose possible, il faudra d'autres subventions gouvernementales pour la totalité de ces autres nœuds à établir au Canada — de l'exploration minière jusqu'à l'assemblage des véhicules électriques en allant même jusqu'à leur recyclage — et il faudra en outre investir dans des infrastructures, par exemple pour avoir accès aux mines et aux minéraux. Le rapport en question formule de nombreuses hypothèses, ce qui nous donne à penser que les déclarations du gouvernement suivant lesquelles les retombées seraient égales aux investissements en moins de cinq ans sont, pour le moins, grandement optimistes.
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Nous avons en fait considéré les incidences de la construction et de l'exploitation de ces deux usines, c'est‑à‑dire les répercussions directes de cette construction et de cette exploitation; les impacts indirects, notamment sur les fournisseurs qui produiront les intrants nécessaires à ces usines; et les répercussions induites, par exemple sous la forme de la création d'emplois et des retombées économiques attribuables à ces nouveaux emplois au sein des collectivités.
Nous avons choisi de ne pas prendre en considération les autres nœuds car, comme on l'indique dans le rapport du Trillium Network lui-même, ceux‑ci exigeront des subventions et une aide additionnelles de la part du gouvernement à hauteur de 20 à 30 %. Nous ne les avons pas inclus dans notre analyse, car ce n'est pas encore chose faite. Il n'y a aucune garantie que cela va se produire. Comme on le souligne à plusieurs endroits dans le rapport du Trillium Network, il n'y a aucune garantie que ces activités auront lieu au Canada. Cela pourrait se faire ailleurs dans le monde.
À titre d'exemple, l'assemblage des véhicules électriques est, comme vous l'avez mentionné, un segment important de la chaîne de valeur. C'est à cette étape que la valeur ajoutée est la plus importante. À ma connaissance, il n'existe toujours pas au Canada d'usine de Volkswagen pour l'assemblage de véhicules électriques.
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Merci, monsieur le président.
Merci à l'ensemble du Comité.
Monsieur Giroux, je pense qu'il est tout à fait pertinent de vous avoir invité aujourd'hui pour parler de votre rapport — que je salue, par ailleurs — sur les subventions à la production annoncées pour Stellantis et Volkswagen.
À notre avis, ces subventions sont manifestement une réaction du gouvernement fédéral aux investissements américains et je pense qu'il a travaillé à l'envers. Au lieu de miser sur la création de la chaîne d'approvisionnement à partir de la mine et de créer de la valeur ajoutée à chacune des étapes, il a joué le jeu de la surenchère américaine à gros prix, à coût de milliards, voire de dizaines de milliards de dollars, avec un risque énorme.
Est-ce qu'on a les ressources pour approvisionner ces usines? Est-ce qu'on a en ce moment le lithium pour pouvoir le faire? Si on n'est pas prêt et que la chaîne n'est pas préparée, on va, au bout du compte, acheter du lithium de la Chine au lieu de le produire au Québec ou ailleurs au Canada, notamment dans une des seules mines de lithium en activité, celle de Sayona, en Abitibi-Témiscamingue.
À mon sens, il aurait été beaucoup plus opportun pour le gouvernement fédéral d'investir dans chaque étape de la transformation. Comme on le sait, les étapes de transformation des minéraux critiques stratégiques sont nombreuses pour faire une batterie. Il faudrait miser sur la mine, mais ce n'est pas ce qui a été fait.
Votre rapport met donc en lumière quelque chose qui est, à mon sens, évident. Si on ne crée pas la chaîne d'approvisionnement et si on ne permet pas aux petites et moyennes entreprises de fournir des composants à chacune des usines qui vont être faites, on rate le bateau.
J'ai beaucoup aimé votre rapport. Évidemment, le délai de 20 ans qu'il mentionne est très long. Ce délai pourrait être considérablement réduit si on développait toute la chaîne, de la mine à la batterie en passant par les oxydes, les anodes, les cathodes, les cellules et autres. Selon ce que je comprends de votre rapport, en développant l'industrie en amont, on augmenterait les retombées des usines de batterie. J'espère que c'est ce qu'on va surligner dans ce rapport, et que le gouvernement va opérer un changement en faisant ces investissements à proximité de la mine. Le délai de récupération pourrait alors être beaucoup plus rapide, de l'ordre de 10 à 15 ans plutôt que de 20 ans, si on tenait compte de l'ensemble des éléments. L'idéal serait d'y arriver en cinq ans, bien sûr.
Est-ce le cas? Est-ce que j'ai bien compris?
Par ailleurs, la semaine dernière, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ont annoncé un important projet conjoint de la filière batterie, celui de la société Northvolt, en Montérégie. Avez-vous évalué l'impact des projets du Québec qui ont été annoncés récemment? Comment allez-vous tenir compte de l'investissement dans le projet de Northvolt et des autres investissements à venir?
Je veux dire publiquement à quel point je vous suis reconnaissant du rapport que vous avez préparé sur le secteur de l'automobile. Je demande depuis des années une stratégie nationale de l'automobile transparente par rapport aux investissements accordés. De toute évidence, comme je viens de Windsor, la capitale de l'automobile au Canada, nous avons vu de nombreuses pertes d'emplois au fil des ans, et je préviens le gouvernement depuis des années que les démocrates et les républicains allaient de l'avant avec l'Inflation Reduction Act compte tenu du fort appui de la population aux États-Unis.
Pour moi, il est moins question de savoir si nous devons passer à l'action ou non. Dans votre rapport, lorsque vous comparez les évaluations des coûts, pensez-vous que le projet d'oléoduc Trans Mountain, qui est hors de contrôle selon moi, présente un potentiel? Y a‑t‑il une vulnérabilité similaire pour ce qui est de cet investissement dans le secteur de l'automobile, ou est‑ce sous contrôle puisque c'est relié à la production?
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C'est la raison pour laquelle j'aime votre rapport. Il brosse vraiment le portrait d'une chose que nous essayons de mesurer depuis longtemps. Je connais tous les détails du dossier puisque je milite pour l'investissement dans le secteur de l'automobile.
Par exemple, en 1987, lorsque le gouvernement de l'époque a secouru Chrysler, nous avons gagné ainsi des millions de dollars. Lorsqu'on a prêté main-forte à General Motors récemment, tout comme à Stellantis, si nous avions gardé les actions, nous aurions gagné beaucoup plus d'argent, mais le gouvernement les a vendues. Ce n'était pas le vôtre, mais plutôt les conservateurs. Nous aurions gagné beaucoup plus d'argent avec ces actions également. Il y avait donc moyen d'investir en sauvant ces entreprises.
J'aimerais savoir, plus précisément dans le cadre de cette étude, s'il y a des choses que vous auriez faites différemment en rétrospective. Maintenant que vous avez entendu des critiques et pris connaissance de points forts, y a‑t‑il des choses que vous feriez peut-être différemment pour mesurer les effets à l'avenir?
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Très rapidement, y aura‑t‑il une mise à jour sur ce rapport? Aurez-vous le temps de vous pencher sur leur rapport? Ils communiqueront peut-être avec vous en octobre ou à un autre moment. Est‑ce une chose à laquelle nous pouvons nous attendre?
Au bout du compte, ce que je vois dans tout cela, c'est peut-être une façon plus normalisée de mesurer ces investissements, et j'aimerais également voir dans les rapports le nombre d'heures travaillées, de sorte que lorsque nous avons ces contrats... En définitive, ce qui est important pour moi, c'est que les gens aient des heures de travail, qu'ils payent des impôts, versent des cotisations syndicales et fassent des dons à Centraide, et toutes les différentes choses qui en découlent.
Je me demande juste si nous aurons un processus plus robuste pour mesurer ces investissements dans le secteur de l'automobile plutôt que d'essentiellement agir désespérément à la dernière minute sans politique.
Merci du temps que vous m'avez accordé, monsieur le président.
À mon avis, soit que nous nous engageons pleinement, soit que nous ne le faisons pas. Compte tenu de la façon dont l'industrie et le transport automobile fonctionnent, le coût est beaucoup plus élevé, non seulement du point de vue du climat, mais aussi du point du point de vue de la fabrication industrielle. J'ai vu de mes propres yeux à quel point les Américains sont déterminés dans ce dossier. Je me réjouis que nous nous attaquions à la question, mais il serait bon que les contribuables sachent ce que cela vaut. Je vous remercie du travail que votre équipe et vous avez accompli.
Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien, le gouvernement s'est complètement basé sur l'étude du réseau Trillium sur la pertinence d'investir dans ce domaine. Après tout, personne n'est contre la vertu, on veut améliorer l'environnement.
Le s'est réjoui du fait que votre rapport, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, porte seulement sur environ 8 % de l'ensemble des dépenses, soit seul l'investissement dans les bâtiments, et non sur la production. Pouvez-vous démêler cela? Le ministre a-t-il raison de dire que le rendement sur le capital investi ne s'applique qu'à la portion des bâtiments, ou s'applique-t-il à l'ensemble du projet et des subventions?
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C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas tenu compte de toutes les grappes industrielles incluses dans le rapport du réseau Trillium. Cette étude suppose que les subventions pour la construction d'une ou deux usines de batteries vont entraîner la création de toutes sortes d'autres grappes, allant de la prospection et la production minières à l'assemblage de véhicules automobiles et à leur recyclage. Comme mentionné dans le rapport du réseau Trillium, cela va exiger des subventions de 20 à 35 % des coûts.
Nous n'avons donc pas inclus tous ces autres éléments, car rien n'est « garanti », un terme que je ne veux pas vraiment utiliser. Par analogie, on dit qu'il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Dans ce cas-ci, cependant, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant qu'il soit né. On ne sait pas si ces choses vont se créer au Canada. Si elles sont créées, on ne sait pas si elles l'auraient été même en l'absence de subventions pour alimenter, par exemple, des usines américaines. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas inclus toutes ces autres choses.
Votre collègue M. Perkins a fait allusion à la poudre de fée. Je n'irais pas jusque là, mais c'est à peu près cela. Je vais m'arrêter là.
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Merci, monsieur Généreux. C'était tout le temps de parole dont vous disposiez.
Monsieur Giroux, avant de passer la parole à Mme Lapointe, je me permets de vous poser une petite question en revenant sur ce que M. Généreux vient de vous demander.
Tout à l'heure, en réponse à une question de M. Turnbull, vous avez dit vouloir prendre avec un grain de sel les suppositions du réseau Trillium, sans être ni trop optimiste ni trop pessimiste, considérant
[Traduction]
ce qui les motive.
[Français]
Selon vous, quelle est la position du réseau Trillium?
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Oui, mais vous savez aussi bien que nous tous que le gouvernement ne cache pas son intention de rétablir la robustesse du secteur de l'automobile, de créer des emplois et d'essentiellement relever les défis d'aujourd'hui et de demain grâce à une industrie automobile forte au Canada.
On a l'intention de mettre sur pied cette chaîne d'approvisionnement. C'est pour cette raison que j'estime que vos suppositions sont très limitées, car vous ne tenez pas compte de la vision plus large du gouvernement — et il est très transparent à cet égard — ni des investissements qui seront faits dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, car c'est ce que nous cherchons intentionnellement à créer ici, à savoir un secteur de l'automobile plus fort.
C'est ce qui me préoccupe dans votre analyse. Avec tout le respect, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, c'est‑à‑dire la remettre en question.
Que se serait‑il produit si le gouvernement n'avait pas créé les allégements fiscaux — vous les appelez des subventions à la production. À mon avis, ce sont des allégements fiscaux, qui sont liés à la production. Si nous n'avions pas pris de mesures face à l'Inflation Reduction Act, que serait‑il arrivé à notre secteur de l'automobile?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Giroux, je veux souligner de nouveau votre bon rapport, notamment pour le Québec. Je vous en remercie.
Depuis des décennies, l'industrie automobile rime avec l'Ontario. En ce domaine, tous les investissements canadiens s'en vont en Ontario et on avait l'impression que, quand c'était le temps d'appuyer le Québec, le gouvernement fédéral n'était pas là. On le voit dans plusieurs autres domaines. Conséquemment, avec la filière batterie, on sent que le Québec commence enfin à obtenir une part plus juste avec l'électrification des transports. On était sceptique sur les retombées de ces investissements au départ, mais on les voit arriver de plus en plus.
Avez-vous le sentiment que cet investissement de départ permet de créer la chaîne en amont? Est-ce que cela sert à quelque chose? Est-ce que cela aurait pu se créer autrement qu'en investissant ces milliards de dollars et en faisant la surenchère aux États‑Unis? Est-ce qu'on aurait pu arriver au même résultat sans subvention?
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Conséquemment, si on le prend à l'inverse, aurait-on été capable, sans investissement de la part du gouvernement, de développer les éléments dont on a besoin au départ, comme la production de lithium et les différentes étapes de la chaîne? Actuellement, ces investissements ne sont pas là. Il n'y a pas eu d'investissement dans la production.
Les délais sont toujours assez longs, importants, voire faramineux, pour une compagnie minière qui veut s'établir ici. Cela veut dire que si la production commence dans cinq ou sept ans, il n'est pas certain qu'on va être capable d'exploiter ces mines, parce que, pour passer de l'exploration à l'exploitation de la matière première, il y a un délai d'environ 10 ans.
Bref, est-ce qu'on aurait pu développer cela sans l'acheteur? Dans le cas des productions internationales, ne devrait-on pas miser sur des investissements à la base plutôt qu'à la fin, alors que le rendement sur le capital investi n'est jamais garanti, comme vous l'avez mentionné?
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Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner l'occasion d'intervenir à nouveau.
Il y a une chose très intéressante dans le rapport que vous avez là... Encore une fois, on peut le critiquer, mais je pense qu'il peut beaucoup nous aider à comprendre l'investissement dans l'industrie automobile. Les États-Unis dictent le jeu, et ce n'est pas d'hier. Nous sommes à la merci de leurs subventions massives. Nous perdons des emplois au profit de l'Alabama et de toutes sortes d'endroits. Les républicains comme les démocrates jouent leurs cartes. C'est la qualité de nos travailleurs qui nous a permis de rester dans la partie, jusqu'à tout récemment.
Il y a deux projets en cours ici. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Il y a le pipeline, auquel nous consacrons environ 31 milliards de dollars en ce moment. Ensuite, il y a cet investissement de 28 milliards de dollars dans deux usines.
En ce qui concerne les modèles d'investissement du gouvernement, si c'était à refaire, s'il fallait rechoisir entre les deux modèles, lequel représenterait le meilleur investissement pour les Canadiens? Devrions-nous procéder comme dans le cas du pipeline, sur lequel porte votre rapport, ou de l'autre façon? Quel modèle offrirait le meilleur rendement, le rendement le plus sûr aux Canadiens pour ce qui est du rendement du capital investi?
Encore une fois, je trouve ce rapport utile. Ce que je veux dire, c'est qu'il a fait l'objet de critiques, et que j'en ai à faire aussi. En même temps, je trouve que c'est un bon point de départ. Il faut que les gens aient confiance que cet investissement dans l'industrie automobile rapporte aux Canadiens, alors je ne le prends pas aussi mal que les députés du parti ministériel.
Dans l'autre rapport, y a‑t‑il des indicateurs pour évaluer la recherche et le développement ou les partenariats avec les universités et les collèges? Savez-vous si cela faisait partie du rapport et de ce que vous avez pris en compte... Il y a des investissements massifs qui ont été faits en amont dans les collèges et les universités — à l'Université de Windsor, au Collège St. Clair et ailleurs, tout le long de la chaîne d'approvisionnement — pour stimuler la R‑D, surtout en électrification.
Savez-vous si cela a été pris en compte ici?
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... parce que nous avons versé des millions de dollars aux universités, aux collèges et ainsi de suite? Cela ferait partie de l'actif perdu, je suppose.
D'accord. C'est ce que je pensais.
J'aimerais revenir aux travailleurs et obtenir quelques précisions.
Y aura‑t‑il une mise à jour quelconque? Serait‑il possible de produire quelque chose de plus robuste... ou peut-être y aurait‑il un modèle différent pour mesurer les heures de travail, les salaires gagnés et l'impôt payé... Y a‑t‑il un autre modèle qui pourrait être utilisé pour séparer tout cela? Je suis curieux, parce que le facteur humain n'est pas souvent présenté dans ces grandes analyses. Je ne l'ai pas vu. Je me demande si vous pourriez le prendre en considération, ou s'il existe un modèle facile à... Votre personnel et vos ressources sont limités, mais je trouve que cet aspect est souvent négligé.
C'est comme notre budget pour les soins de santé. Nos soins dentaires nous permettront d'économiser de l'argent, parce que les gens n'auront plus besoin de se rendre à l'hôpital pour obtenir des services dentaires d'urgence. C'est pourquoi je m'intéresse aux travailleurs. La grande majorité sera syndiquée, elle obtiendra des avantages sociaux et tout le reste, alors je me demande s'il y a une mesure... et les heures d'emploi.
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Très bien. J'espère simplement que ce sera fait, parce que même leurs contributions à Centraide représentent des économies et des économies sociales de taille pour les enfants, les personnes handicapées, les aînés, sans compter tout ce qui n'existerait pas sinon. Nos Centraide s'effondreraient — du moins dans ma région — sans ce type d'investissement.
En conclusion, monsieur le président, j'espère que nous obtiendrons éventuellement — et ce ne sera peut-être pas nécessairement de vous, mais peut-être du gouvernement, ou il pourrait y avoir un quelconque processus d'apprentissage —, une analyse un peu plus robuste de la façon dont les travailleurs profitent de toutes ces choses. C'est ce que j'espère.
Encore une fois, je sais que vous avez accepté certaines critiques à l'égard de votre rapport, entre autres, mais je suppose que cela signifie qu'il fait l'objet d'évaluations et qu'il a une certaine valeur. Je vous en suis reconnaissant, car je pense que plus les Canadiens auront de contenu et plus nous analyserons les investissements dans le secteur de l'automobile, plus nous pourrons améliorer nos politiques.
Merci beaucoup du temps que vous nous consacrez.
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous les représentants du Bureau du directeur parlementaire du budget d'être ici aujourd'hui.
Quels renseignements Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) a‑t‑il fournis à votre bureau pour vous aider à préparer ces rapports?
Je vous poserai deux ou trois autres questions complémentaires.
ISDE a‑t‑il fourni au DPB une estimation du seuil de rentabilité des subventions accordées à Stellantis-LGES? Y a‑t‑il des renseignements qu'ISDE a refusé de fournir au directeur parlementaire du budget? Le cas échéant, quelle incidence cela a‑t‑il eue sur votre rapport? Concernant les données qu'ISDE vous a fournies, êtes-vous en désaccord avec certains de ses chiffres, et si oui, pourquoi?
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à l'équipe du bureau du directeur parlementaire du budget. Étant moi-même économiste, je vous lève mon chapeau. J'ai lu tout ce que vous avez publié récemment, notamment sur la loi de la taxe sur les services numériques et sur l'impôt minimum de remplacement. J'aime beaucoup lire sur le sujet; c'est ma passion.
Je tenais à vous remercier pour votre travail de recherche. Lorsque vous faites des projections dans l'avenir, des calculs sur la valeur actuelle et que vous tenez compte de certains intrants, ce n'est pas toujours facile, mais vous utilisez les meilleures données disponibles. Je sais que vous faites un excellent travail dans le cadre de la préparation de vos rapports. J'accorde beaucoup de valeur à cet organisme. Les parlementaires y ont recours dans le cadre de leur travail.
Premièrement, j'aimerais parler de l'usine CAMI. Je sais que l'on a commenté le sujet plus tôt. Ce sont de bonnes nouvelles, puisque General Motors déplace la production des batteries de l'Ohio, où il y a eu certains problèmes, vers Ingersoll. Nous sommes au deuxième trimestre et la société créera 300 nouveaux emplois.
On produira les batteries juste à côté de l'endroit où l'on fabrique les fourgonnettes de livraison BrightDrop. On a même écrit dans le National Post il y a quelques semaines — je crois que c'était le National Post ou le Globe and Mail... l'un des deux — que le plan du gouvernement en vue d'attirer les investissements dans l'assemblage et la production de batteries avait permis la production des fourgonnettes BrightDrop à l'usine GM d'Ingersoll. C'est une grande victoire pour les Canadiens et pour les travailleurs de l'usine; nous allons créer 300 emplois.
Ce qui est important pour moi, monsieur Giroux, c'est notre réponse à la l'Inflation Reduction Act. J'en ai parlé à de nombreuses reprises. Nous avons vu la réponse du gouvernement dans le budget de 2023, avec les crédits d'impôt à l'investissement. Nous espérons qu'une loi habilitante suivra, et que les incitatifs à la production de Volkswagen, Stellantis et Northvolt porteront leurs fruits.
Monsieur Giroux, en tant qu'économiste et personne qui analyse les chiffres, diriez-vous que l'industrie automobile du Canada et le continuum des fournisseurs seraient en déclin si nous n'avions pas répondu à l'Inflation Reduction Act?
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Je dirais que la responsabilité nous revient.
Puisque je m'y connais un peu en matière de fiscalité, je sais que les mesures visant à favoriser les investissements canadiens ou étrangers au pays sont payées par l'argent des contribuables. Il y a un coût associé à ces possibilités. On peut utiliser les fonds pour financer un projet X ou Y. Nous les utilisons pour renforcer le secteur des véhicules électriques et assurer sa longévité.
Toutefois, le gros « mais », à mon avis, c'est qu'il est de notre responsabilité de veiller à mettre d'autres mesures en place, qu'il s'agisse des mines du Québec ou de l'Ontario, du recyclage des batteries et des autres noeuds de la chaîne au Québec ou en Ontario... les autres parties du continuum. Nous devons être là. C'est ainsi que nous pourrons tirer pleinement profit de la situation.
Évidemment, nous ne pouvons mesurer tout cela aujourd'hui, parce que nous ne pouvons pas prédire l'avenir, mais nous sommes responsables de créer des conditions favorables à ces investissements. C'est ainsi que vous avez analysé les choses dans le rapport du DPB.
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Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec M. WIlliams.
À l'heure actuelle, nous avons en place trois contrats de subventions à la production avec trois sociétés, dont la valeur totale est d'environ 35 milliards de dollars, pour l'assemblage — et non la production — de batteries au lithium. À mon avis, il s'agit d'un pari de 35 milliards de dollars sur le VHS des batteries, puisque Toyota et d'autres fabricants produisent maintenant un moteur à combustion interne à hydrogène sans émissions, qui peut être rechargé en 15 secondes. C'est donc un gros pari sur une vieille technologie.
Cela dit, les gens se demandent en quoi consiste la subvention exactement. L'Inflation Reduction Act, un document public, explique la subvention pour les batteries. Selon ce que je comprends, ces trois contrats représentent l'équivalent de la subvention annuelle présentée dans la loi américaine. Est-ce exact?
L'Inflation Reduction Act énonce clairement qu'entre aujourd'hui et 2029, 100 % du coût de chaque batterie de véhicule électrique produite — on parle dans le cas présent de Volkswagen et de Stellantis — est subventionné par les contribuables. C'est la totalité. Après 2029, le taux passe à 75 %, puis à 50 % en 2030. Je crois qu'il passe à 25 % en 2032, puis à zéro.
En gros, pendant cinq ou six ans — ou entre aujourd'hui et 2032 —, selon les chiffres de l'Inflation Reduction Act, une grande partie de l'assemblage des batteries au Canada est nationalisée et payée par les contribuables: 100 % jusqu'en 2029. Si l'on fait le calcul avec les chiffres des États-Unis, c'est quelque chose comme un million de batteries par année pour Volkswagen seulement, alors qu'elles représentent 40 % du coût des véhicules. Ces batteries sont ensuite expédiées vers le Tennessee pour l'assemblage.
Est-ce que ce sont les chiffres utilisés pour calculer la période de recouvrement de 20 ans?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je n'ai qu'une question à poser. Elle fait suite à une réunion que j'ai eue avec votre personnel, monsieur Giroux.
Vos chiffres parlent d'une période de récupération de 20 ans. J'ai essayé de faire une analyse ascendante. Je sais que vous prenez les chiffres du Trillium Network, mais procédons à une analyse strictement ascendante. Disons qu'il y a 2 500 emplois à un taux d'imposition de l'Ontario. Cela représente tout au plus 40 000 $ d'impôts par année, totalisant 100 millions de dollars d'impôts annuels. Rembourser 15 milliards de dollars de subventions prendrait 150 ans avec 100 millions de dollars d'impôts annuels, car je doute que des entreprises comme Volkswagen paient l'impôt sur les sociétés.
Un délai de 150 ans est très loin des 20 ans auxquels vous êtes arrivés. Avez-vous pensé à diviser la différence et à combler un peu l'écart, compte tenu de la manière dont vous arrivez à cette conclusion?
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J'ai une petite question.
Premièrement, ces emplois ne sortent pas de nulle part. Ils sont créés par les gens qui vivent déjà là. Les avantages induits dont vous parlez sont l'inflation locale et les entreprises qui se développent dans cette région. Il s'agit d'un événement qui alimente l'inflation de la région.
Pour ce qui est des avantages induits... Comment les appelez-vous? Dans le cas de la chaîne d'approvisionnement, chaque maillon est subventionné par un autre programme gouvernemental, de sorte qu'il n'y a aucun avantage réel à l'issue de la chaîne d'approvisionnement. En réalité, il y a des coûts. Vous ne pouvez pas les inclure à cette analyse. Ils devraient être complètement exclus de tout ce que vous faites ici en ce qui concerne les avantages qui retournent au gouvernement, parce que chacune de ces étapes doit également rembourser le gouvernement. Ce doit être dans les études sur les effets « induits ».
Je sais que ce n'était pas une question. En avez-vous tenu compte dans votre analyse?