:
La séance est ouverte. Bienvenue à la réunion 99 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes. Cette réunion se déroule en format hybride, conformément au Règlement.
Avant de poursuivre, j'aimerais faire quelques remarques à l'intention des témoins et des députés. Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Pour ce qui est de l'interprétation, les personnes qui participent sur Zoom ont le choix, en bas de leur écran, entre l'audio du parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et sélectionner le canal souhaité. Veuillez adresser vos commentaires à la présidence.
Comme toujours, n'oubliez pas d'adresser tous vos commentaires à la présidence.
Avant de poursuivre, je tiens simplement à rappeler aux députés et à nos invités qu'ils doivent être très prudents lorsqu'ils manipulent les oreillettes, en particulier quand leur microphone ou celui de leur voisin est allumé. Les oreillettes placées trop près d'un microphone sont l'une des causes les plus fréquentes d'effet Larsen, qui est extrêmement nocif pour les interprètes et cause de graves blessures.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le 16 juin 2022, le Comité entame son étude sur la durabilité des stocks de saumon du fleuve Yukon.
Bienvenue à tout le monde. Pour notre premier groupe de témoins, sur Zoom, nous recevons la cheffe Nicole Tom de la Première Nation Little Salmon Carmacks, et Stephanie Peacock, analyste principale à la Fondation du saumon du Pacifique. En personne, de la Première Nation Kwanlin Dün, nous avons Brandy Mayes, gestionnaire des opérations, pêche et faune, patrimoine, terres et ressources. Je vous remercie d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Vous disposerez chacune de cinq minutes pour votre exposé.
Je donne la parole à M. Arnold, qui a levé la main.
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[
Le témoin s'exprime en langue autochtone.]
[Traduction]
Bonjour tout le monde.
Tout d'abord, j'aimerais souligner que cette réunion se déroule sur le territoire traditionnel non cédé et non abandonné du peuple algonquin anishinabe.
Je remercie le Comité de me donner l'occasion de m'exprimer au nom du saumon quinnat du fleuve Yukon et de mon peuple.
Je me nomme Brandy Mayes, et je suis une fière descendante du peuple Tagish Kwan, le peuple originel de la Première Nation Kwanlin Dün et de Whitehorse, au Yukon. J'appartiens au clan Dakhl'aweidí, qui porte l'emblème de l'orque et du loup, un emblème qui me rappelle que je fais partie de la terre et de l'eau. Comme membre de la Première Nation Kwanlin Dün, c'est ma culture qui définit mon identité et mon lieu d'appartenance. Ma famille vit depuis des générations dans le cours supérieur du fleuve Yukon, ou Chu Níikwän comme nous l'appelons, et du lac Marsh.
Je me présente ici à titre de gestionnaire des opérations, pêche et faune pour la Première Nation Kwanlin Dün. Je suis également agente de l'intendance du territoire pour ma Première Nation, coprésidente canadienne du nouveau comité du savoir traditionnel du Comité du fleuve Yukon et conseillère pour les Premières Nations auprès du Comité du fleuve Yukon. Je m'occupe de gestion halieutique et faunique depuis plus d'une décennie, en mettant un accent particulier sur le savoir autochtone, le prélèvement éthique et l'intendance foncière.
Le passage aujourd'hui appelé Miles Canyon, qui se rend jusqu'aux rapides de Whitehorse, est un lieu bien connu des Premières Nations depuis des générations. Nos ancêtres appelaient cette région le Kwanlin, qui signifie en tutchone du Sud « les eaux qui courent dans le canyon ». En plus d'être exceptionnellement poissonneux, ce tronçon du fleuve a été pendant des siècles fréquenté par nos ancêtres qui y chassaient le gibier, comme en témoignent les sentiers usés qui bordent le canyon. Les rives du fleuve étaient ponctuées de nombreux camps de pêche, points d'observation, terrains de chasse, sites de sépulture et lieux de rencontre. Nos valeurs, notre langue et nos traditions trouvent leurs racines dans ces terres. Les Tagish Kwan habitaient le cours supérieur du fleuve, qui servait de lieu de rencontre où les membres d'autres Premières Nations venaient régulièrement pratiquer le troc et la pêche.
Au tournant du siècle, la construction de la ville de Whitehorse a changé la donne pour toujours. Durant sa longue histoire, notre peuple a toujours entretenu une relation avec le saumon. Malheureusement, la population de saumon quinnat du fleuve Yukon a été à ce point décimée sur le territoire traditionnel de la Première Nation Kwanlin Dün que nos citoyens ont volontairement réduit ou complètement cessé leur activité de pêche du saumon.
Il s'agit d'une des plus longues migrations de saumon de la planète. Cet effondrement a des conséquences dévastatrices pour notre culture, pour la santé de notre peuple, pour sa sécurité alimentaire et pour l'écosystème, et donc pour les ours, les aigles et les autres espèces qui dépendent des remontées migratoires. Les montaisons de saumon quinnat ont été durement touchées par diverses pressions, dont la surpêche, la pêche commerciale hauturière, les prises accessoires, le changement climatique, la prédation et d'autres facteurs écologiques.
En 1958, l'achèvement du barrage des rapides de Whitehorse a inondé nos pêcheries traditionnelles et précarisé les stocks productifs et culturellement importants du ruisseau Michie et de la rivière M'Clintock.
Le permis d'utilisation de l'eau pour le barrage de Whitehorse expirera en 2025. La Première Nation Kwanlin Dün participe au processus et mobilise sa population. Nous veillons à ce que les intérêts de la Première Nation Kwanlin Dün soient pris en compte et priorisés tout au long du processus de délivrance du nouveau permis, notamment par la préservation ou la bonification de nos valeurs environnementales, culturelles et patrimoniales dans la région des lacs du Sud, ainsi que de la santé et du bien-être de notre communauté.
En 2023, l'échelle à poissons de Whitehorse a enregistré le plus faible décompte de saumons quinnats de son histoire, avec seulement 54 individus. On en a recensé à peine plus de 350 dans la rivière Takhini, qui alimente le tronçon principal du fleuve Yukon. Ces données sont loin d'approcher les chiffres historiques.
L'effondrement de la population de saumons est un des plus grands défis auxquels cette région est confrontée. Nous savons que le Comité du fleuve Yukon et les gouvernements des États-Unis et du Canada ont un rôle à jouer dans la gestion des obligations conventionnelles, mais le modèle de gestion actuel ne fonctionne tout simplement pas. Le saumon quinnat a subi une gestion qui l'a mené au bord de la disparition.
Les chaluts hauturiers qui opèrent au large de l'Alaska nuisent à la population essentielle de saumon quinnat du fleuve Yukon par leurs prises accessoires de saumon quinnat qu'ils interceptent, sans parler des impacts qu'ils exercent sur l'habitat et l'écosystème de l'océan. Les quantités massives de saumons roses et de saumons kéta qui sont relâchées dans le réseau fluvial par les écloseries livrent compétition au saumon quinnat pour la nourriture.
Comme l'a dit notre regretté aîné Louis Smith, « Il faut sauver le saumon. Sans le saumon, il ne resterait plus un seul Indien au Yukon. Nous serions tous morts de faim. Maintenant, c'est à nous de le sauver ».
Qu'allons-nous faire en tant que nation, au Canada, pour sauver le saumon? Comment faire, comme pays, pour reconstituer ces populations de saumons essentielles à la vie, alors qu'elles font face à tellement d'obstacles? Pour rétablir une population qui a été décimée jusqu'à la quasi-disparition, nous devrons faire appel à toutes nos ressources. Nous devrons déployer tous les efforts possibles.
Ce mouvement concerne tous les ordres de gouvernement, de part et d'autre de la frontière. Stopper la pêche ne suffit pas.
Le Canada doit étudier à fond les divers impacts de la centrale de Whitehorse, notamment sur le saumon, les espèces d'eau douce, les autres animaux et l'habitat.
Le Canada doit remplir les obligations conventionnelles que lui confère la clause 16.3.2.2 de l'entente définitive de la Première Nation Kwanlin Dün, concernant le réaménagement de la passe migratoire de Whitehorse.
Le Canada doit continuer de fournir les capacités, l'argent et les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la stratégie de rétablissement du saumon du fleuve Yukon et maintenir son appui à la Première Nation Kwanlin Dün au sujet de la faisabilité et de la création d'un centre d'intendance du saumon, qui aidera toutes les Premières Nations du Yukon dans leurs efforts de reconstitution et de rétablissement en servant de lieu de rencontre et d'enseignement, de carrefour de rétablissement et de recherche et de centre de restauration du saumon quinnat.
Le Canada doit collaborer avec la population et les gouvernements des Premières Nations du Yukon pour promouvoir l'inclusion culturelle dans la stratégie de reconstitution et donner une place égale au savoir traditionnel et à la science dans toutes les décisions.
Ce plan de reconstitution doit mettre à contribution tous les ordres de gouvernement, tant à l'international qu'au niveau national, ainsi que les populations qui vivent en bordure du fleuve et de ses tributaires. Le saumon en a besoin. La science n'est pas la seule à avoir un rôle à jouer dans la reconstitution de ces stocks. Nous devons reconnaître les peuples qui dépendent du saumon depuis des temps immémoriaux, qui protègent depuis des millénaires ce précieux et proche parent.
Nous avons besoin qu'on s'engage à faire participer de manière holistique et significative les citoyens et les gouvernements des Premières Nations du Yukon. Tous, nous devons collaborer et nous concerter en toute honnêteté et dans le respect. Nous devons reconnaître l'existence des différents processus gouvernementaux tout en maintenant l'impulsion donnée et en visant la prise de décisions consensuelles.
Nous devons respecter nos engagements communs envers les habitats essentiels de la région des lacs du Sud et envers nos saumons. Je réitère ce qu'a dit l'aîné Louis Smith: nous devons sauver le saumon. Le saumon peut être résilient si nous lui offrons un passage sûr, de l'eau propre, un habitat sain et un environnement sûr.
Je m'adresse au Canada: faisons‑le ensemble. Nous avons besoin d'un fleuve sauvage et de saumons sauvages. Ces éléments nous donnent un but. C'est notre responsabilité comme gouvernements, comme Premières Nations, comme Canadiens, comme êtres humains.
En prenant soin du fleuve...
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[
Le témoin s'exprime en tutchone du Nord.]
[Traduction]
J'aimerais saluer les personnes ici présentes qui sont venues rendre hommage au fleuve Yukon et aux efforts mis en œuvre pour y faire revenir le saumon.
En tant que mère tutchone du Nord de la Première Nation Little Salmon Carmacks, je porte dans mon ADN le respect du saumon depuis des temps immémoriaux. Dans mon enfance, le séjour au camp de pêche constituait le plus important lien culturel transmis chaque année, c'était notre identité culturelle. Il réunissait les aînés, les enfants, les jeunes, les mères, les pères, les tantes et les oncles, et solidifiait les liens familiaux. Il favorisait la transmission intergénérationnelle de la langue, des règles traditionnelles, des valeurs culturelles et des récits oraux. C'était le centre de l'identité des Tutchones du Nord, c'était une activité reliée à notre espèce clé, le saumon quinnat, et à notre lieu clé, le fleuve Yukon.
Le séjour au camp de pêche crée un lien physique, mental, émotionnel et spirituel. Tout au long, du début à la fin, on travaille dur. Physiquement, on s'implique activement avec l'eau, en posant les filets et en effectuant diverses corvées pour la bonne marche du camp. Mentalement, on a le temps de réfléchir et de se concentrer sur son bien-être. Vous devez être sobre et en bonne santé mentale pour ne pas transmettre de sentiment négatif dans la préparation du saumon pour votre famille. Sur le plan émotionnel, votre coupe est pleine de rires, de sagesse, de joie et d'amour que vous partagez avec l'environnement, le saumon et votre famille. Sur le plan spirituel, vous rendez hommage aux pactes originels conclus avec le saumon en respectant vos règles et valeurs traditionnelles.
Je puise à notre histoire pour ce qui est de la coexistence avec les autres animaux: la loi traditionnelle, ou « duhuli », est le plus sincère signe de respect que l'être humain puisse offrir. Mais qu'est‑ce que le respect? Considérons ici les perspectives opposées des Tutchones du Nord et de la science moderne. Alors que la science considère le saumon comme une forme de vie plus simple commandée par des instincts de base, un peu comme le ferait une petite machine compliquée, les Tutchones du Nord voient dans le saumon une culture distincte, une culture dont le destin est imbriqué depuis des temps immémoriaux à celui des Tutchones du Nord, dans une relation complexe qui n'a pas toujours été harmonieuse. Le corbeau, par exemple, ne pouvait pas capturer de saumon parce qu'il avait bloqué le cours de la rivière par une barrière ou un piège permanent. Il devait apprendre sa leçon. Offensé du traitement que lui réservaient les humains, le peuple du saumon a emmené le petit garçon jusqu'à l'océan pour lui enseigner le respect.
Voilà donc comment les Tutchones du Nord considèrent le saumon, non pas comme un animal primitif qui n'a quasiment aucune conscience des humains, mais comme un égal, comme un être intelligent qui est pleinement conscient de son environnement et de ce qui lui arrive, comme une personne qui mérite le même respect qui serait réservé à un Tutchone du Nord qui sacrifierait sa vie pour assurer la survie d'une autre personne.
C'est pourquoi nous sommes profondément attristés par tout manque de respect envers le bon saumon, dont nous dépendons chaque année pour notre santé et notre bien-être. Nous craignons que son rôle dans les rythmes de la nature soit malmené et que tout l'écosystème soit menacé. En ramenant les savoirs traditionnels, nous nous efforçons de corriger ce déséquilibre, comme nous l'avons fait par le passé, mais nous ne sommes plus seuls à assumer cette responsabilité, et nous souhaitons que d'autres cultures respectent nos inquiétudes et travaillent avec nous pour faire émerger une relation plus harmonieuse avec le saumon et toutes les formes de vie.
On m'a récemment raconté un morceau de savoir traditionnel provenant du territoire de l'Alaska. Les aînés savaient que les saumons seraient nombreux quand il y avait abondance de papillons monarques. C'était là pour moi une connaissance traditionnelle nouvelle, qui ne m'avait jamais été enseignée par mon peuple. Par curiosité, j'ai fait des recherches sur le papillon monarque, et j'ai découvert que c'est une espèce qui a été désignée en péril en 2016, et que peu après la population de saumons chutait radicalement. Vous voyez donc que les connaissances détenues par les populations qui habitent le territoire ont de la valeur et peuvent aider à rectifier les politiques qui nuisent à l'écosystème.
Les Premières Nations du Yukon souhaitent souligner la désolation qu'imprime dans nos coeurs le déclin du saumon du fleuve Yukon. Nous demandons à toutes les parties concernées de mobiliser pour la protection de l'habitat toutes les ressources et les capacités nécessaires. Le temps n'est plus à la discussion des raisons.
Nous devons maintenant travailler à l'unisson avant que le saumon ne disparaisse. Cette tragédie menace directement nos droits inhérents à la récolte de la ressource. Les Tutchones du Nord s'interrogent sur les raisons qui ont mené à cette situation. La mauvaise gestion des pêches internationales constitue une violation de nos droits issus de traité. Nos ancêtres ont sacrifié des terres pour avoir le droit de nourrir leurs familles avec des aliments sains puisés à leur terre natale. Le traité doit être respecté. Le savoir traditionnel nous dit « Ne draguez pas le fond de l'eau avec des filets. Ne dérangez pas le poisson ».
Ces lois ancestrales sont depuis longtemps violées. Nous avons la responsabilité de protéger les droits des générations futures à l'eau potable et à la subsistance. Nous demandons que le Canada et les États-Unis se fassent les champions de cette initiative et qu'une véritable réconciliation ait lieu.
Mahsi cho à tous pour votre attention.
Je m'appelle Stephanie Peacock, analyste principale à la Fondation du saumon du Pacifique. Je travaille à Whitehorse au Yukon, et je me joins à vous aujourd'hui depuis les territoires traditionnels de la Première Nation Kwanlin Dün et du Conseil des Ta'an Kwäch'än.
La Fondation du saumon du Pacifique est une organisation non gouvernementale vouée à la gestion et à la conservation du saumon du Pacifique en Colombie-Britannique et au Yukon. Nous investissons dans des initiatives communautaires et nous dirigeons des programmes scientifiques qui contribuent à éclairer les activités de conservation et de gestion de l'espèce.
Mon champ d'expertise est l'écologie des populations de saumon. Mon travail consiste à colliger et à analyser des données sur le saumon pour comprendre la situation de l'espèce en Colombie-Britannique et au Yukon. Ce travail m'a familiarisée avec la situation et les tendances des populations de saumon quinnat du Yukon d'origine canadienne, un groupe qui n'est pas uniforme, mais plutôt composé de 12 populations génétiquement et écologiquement distinctes, qu'on appelle « unités de conservation ».
Chacune de ces unités de conservation présente sa propre histoire évolutive et constitue une unité de biodiversité irremplaçable. Il est essentiel de préserver cette diversité chez le saumon quinnat du Yukon pour en assurer la résilience face au changement climatique. Selon une étude récente, les montaisons de saumon quinnat du Yukon vers le Canada ont été au fil du temps 2,1 fois plus longues et 1,4 fois plus stables qu'elles ne l'auraient été avec une seule population homogène.
Malheureusement, le fait est que nous avons très peu d'informations sur l'état de la plupart des unités de conservation du saumon. Les données publiques disponibles portent principalement sur les passages à la frontière. La base de données publiques du ministère des Pêches et des Océans sur les géniteurs ne contient pas une seule estimation du nombre de saumons quinnats ayant frayé au Yukon depuis 2008. Nous devons améliorer la disponibilité des données et la surveillance à l'échelle des unités de conservation pour pouvoir déterminer quand et où intervenir afin d'éviter les disparitions locales et la perte de biodiversité. D'après les données limitées dont nous disposons, les récents déclins chez le saumon quinnat du Yukon semblent survenir dans toutes les unités de conservation.
Pourquoi ces saumons disparaissent-ils? Il n'y a pas de cause unique. Il s'agit vraisemblablement des facteurs habituels, résultant de décennies de détérioration et d'amenuisement de l'habitat. Au Yukon, cela est principalement dû à l'exploitation minière et aux barrages hydroélectriques, à la pêche commerciale et au changement climatique. Cependant, le saumon quinnat du Yukon se distingue par quelques facteurs. Tout d'abord, c'est le saumon qui a la plus longue migration sur la planète, ce qui aggrave les menaces auxquelles il s'expose en eau douce. Plus particulièrement, le changement climatique s'accompagne d'une hausse sans précédent de la température des cours d'eau, qui a été corrélée depuis 28 ans à une baisse de la productivité du saumon quinnat du Yukon. Cette situation augure mal, compte tenu des effets prévus du changement climatique. Il faut prioriser les stratégies visant à atténuer la hausse des températures fluviales et leurs effets sur le saumon, comme la protection des zones humides et des bassins versants non aménagés.
Le saumon quinnat du Yukon fait l'objet d'une gestion bilatérale en vertu de l'Accord sur le saumon du fleuve Yukon de 2001, qui reconnaît l'intérêt mutuel d'une conservation et d'une gestion efficaces. Cependant, la gestion actuelle continue de privilégier la récolte, même si le niveau des prises admissibles a chuté à zéro. En outre, le Comité du fleuve Yukon n'est pas parvenu au cours des dernières années à s'entendre sur les recommandations de gestion. Face à des déclins sans précédent, nous devons réexaminer cet accord et mettre davantage l'accent sur la conservation et le rétablissement de la biodiversité.
Considérant la complexité du cycle évolutif et des systèmes de gestion du saumon quinnat du Yukon, son rétablissement commande une approche multiforme. Les discussions sur la gestion doivent privilégier la préservation de la biodiversité du saumon quinnat du Yukon d'origine canadienne plutôt que les passages à la frontière. Le Canada peut mener cette discussion en appuyant la surveillance et l'évaluation des unités de conservation et en bonifiant l'accès aux données. Il faut faire pression sur les autorités américaines pour qu'elles priorisent une conservation efficace du saumon, comme prévu à l'Accord sur le saumon du fleuve Yukon, et pour qu'elles combattent toute pêche illégale ou mortalité accessoire du saumon quinnat.
Même s'il faut continuer d'étudier les facteurs causant ces déclins, nous ne pouvons pas attendre que les preuves s'accumulent avant d'agir concrètement pour prévenir la disparition du saumon quinnat du Yukon.
Je vous remercie.
Les deux systèmes de connaissances sont tout aussi importants l'un que l'autre, mais nous avons tendance à mettre de côté les connaissances autochtones et à reconnaître la plupart des connaissances scientifiques.
Quand on regarde la situation sur le fleuve Yukon, les riverains sont ceux qui savent vraiment ce qui se passe. Ils se sont employés à maintenir les populations de saumon. Ils entretiennent une relation avec le saumon depuis des milliers d'années sans épuiser la ressource. Si nous examinons ensuite la manière dont nous avons géré cette ressource sur la base de données scientifiques, nous sommes en difficulté. On s'est contenté de chiffres et d'une approche quantitative, sans tenir compte de ce qui se passait dans le fleuve.
Nous regardons ce que dit le site de Pilot Station, et on dit que c'est la réalité scientifique. On examine les chiffres recueillis et on dit que nous allons gérer à la fourchette supérieure quant au nombre de saumons que nous pouvons récolter dans cet écosystème alors que les Autochtones disent que non, nous devons en fait ralentir.
Cela fait 20 ans que nos gens disent qu'il faut ralentir la pêche. Nous devons reconnaître qu'il ne faut pas prendre toute la première montaison, car ce sont les premiers qui vont réussir à passer. Ce sont les plus rapides. Ce sont les mâles. Ensuite, les gens disent: « D'accord, c'est le milieu de la montaison, alors nous allons prendre les suivants. » En tant que riverains, nous savons que ce sont les plus gros saumons. Ce sont les femelles les plus lentes qui remontent. Nous savons que nous devons laisser passer ces femelles, et c'est pourquoi nous ne prélevons pas cet afflux important lors de la deuxième montaison. Nous prenons les premiers saumons parce que nous savons que d'autres mâles arrivent.
C'est le savoir ancestral, un savoir que nous avons acquis en observant la situation sur le fleuve. C'est pourquoi il est si important d'en tenir compte lorsque nous envisageons d'élaborer et de reconstruire un plan, ou même lorsque nous gérons les stocks « en saison », comme ils disent.
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Ce n'était pas une allusion, n'est‑ce pas, monsieur le président?
Je suis heureux d'être parmi vous. Je tiens à remercier tous nos témoins. Je vous remercie d'avoir pris le temps de vous joindre à nous. C'est un honneur pour nous de vous compter parmi nous. Merci à notre collègue, M. Hanley, d'avoir fait pression pour que cela se produise et pour la passion qui l'anime dans ce dossier. C'est tellement important et vital.
J'espère avoir un jour l'occasion de visiter le magnifique territoire du Yukon. Je n'y suis jamais allé, mais j'espère le faire un jour.
Entendre vos histoires et vous entendre parler de l'importance évidente du saumon et du lien entre le saumon et votre peuple est vraiment révélateur.
Je suis pragmatique. Je sais que je ne suis pas aussi technique ou scientifique, mais pourriez-vous prendre un peu de recul et examiner la situation du point de vue d'un profane en passant en revue l'ensemble des données et des renseignements, qui sont tous très importants, et en les ramenant à ce que vous classeriez comme étant les trois plus grands défis? Je sais que les défis sont nombreux, mais quels sont les trois plus grands défis pour lesquels vous pensez que nous pourrions trouver le plus rapidement une solution ou que nous pourrions prendre le plus rapidement des mesures concrètes pour nous rapprocher d'une restauration des stocks dans vos rivières?
Je sais que c'est une question vaste et ouverte, mais je pense que beaucoup de gens qui nous écoutent veulent savoir ce que nous pouvons faire en ce qui concerne les températures et les choses du genre dans l'ensemble. Ce sont de grands défis avec lesquels nous devrons composer longtemps. Je ne sais pas si des mesures immédiates, surtout de la part d'une nation, vont régler ou résoudre ce problème, mais il y a peut-être des mesures que nous pouvons prendre localement et qui sont sous notre contrôle.
Je commencerai par vous, madame Mayes, puis j'aimerais entendre Mme Peacock et, bien sûr, la cheffe Tom. Voilà pour mon long préambule, mais c'est maintenant à vous de répondre à cette grande question.
Avant de commencer, j'aimerais faire quelques observations à l'intention des témoins qui viennent de se joindre à nous.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez vous mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
Des services d'interprétation sont à la disposition des participants sur Zoom, c'est‑à‑dire tous les témoins de cette réunion. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre l'audio du parquet, l'anglais ou le français.
Par ailleurs, je voudrais simplement rappeler aux membres de faire très attention lorsqu'ils manipulent leur oreillette, surtout lorsque votre microphone ou celui de votre voisin est activé. Une oreillette placée trop près du microphone est l'une des causes les plus fréquentes des retours sonores qui sont extrêmement nocifs pour les interprètes et qui causent de graves blessures.
Bienvenue aux témoins.
Au sein de notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons aujourd'hui, par Zoom, à titre personnel, Mme Bathsheba Demuth, professeure doyenne associée d'histoire, d'environnement et de société à l'Université Brown. Nous accueillons également M. Dennis Zimmermann, consultant en gestion des pêches et de la faune et membre d'un groupe d'experts du Traité sur le saumon du Pacifique chez Big Fish Little Fish Consultants. Nous accueillons la cheffe Rhonda Pitka, du conseil du village Beaver et Elizabeth MacDonald du Conseil des Premières Nations du Yukon.
Nous commencerons par les déclarations liminaires.
Nous allons donner la parole à Bathsheba Demuth pour une déclaration liminaire d'au plus cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
C'est un honneur de m'adresser à vous. J'aimerais commencer mes brèves remarques en expliquant qui je suis. Je suis historienne de l'environnement et j'écris actuellement un livre sur les relations entre les humains et l'écologie dans le bassin hydrographique du Yukon au cours des deux derniers siècles, de sorte que le saumon et la gestion des stocks de saumon ont manifestement une grande incidence dans cette histoire.
Dans le cadre de ce travail, j'ai parcouru le fleuve, surtout du côté de l'Alaska jusqu'à présent, en bateau et en traîneau à chiens, et j'ai également travaillé avec des sources d'archives et des recherches scientifiques.
Ce qui ressort de tout cela, de manière très générale, mais essentielle, je pense, c'est que le saumon fait partie intégrante de la vie des collectivités autochtones et des Premières Nations de l'Alaska, ainsi que de celle des autres utilisateurs des ressources de subsistance le long du fleuve Yukon et de ses affluents. C'est vrai depuis que des gens vivent le long de ce fleuve.
Aujourd'hui, les camps de pêche sont des lieux d'échange culturel, d'apprentissage de la langue et de revitalisation sociale, de sorte que la possibilité de pêcher est un enjeu de sécurité alimentaire et de justice environnementale. Je sais que des membres du Comité se rendent au Yukon pour s'entretenir avec des membres des Premières Nations et des gens sur le terrain. Je me concentrerai donc brièvement sur trois points qui sont ressortis de mes entretiens et de mes recherches générales sur l'établissement, l'extraction minière et le défi réglementaire que les changements climatiques posent pour l'Accord sur le saumon du fleuve Yukon.
Premièrement, en ce qui concerne l'établissement, je vais généraliser assez grossièrement ici, parce que le Yukon est très long, mais une adaptation historique clé à la vie dans les milieux arctiques et subarctiques du Yukon a consisté pour les sociétés à se déplacer, à être entièrement ou partiellement nomades, de sorte que lorsque les habitudes de migration du caribou changeaient, les gens pouvaient ajuster leur lieu de vie et de chasse pour croiser à la fois le caribou et le saumon.
Depuis les mesures de colonisation des États-Unis et du Canada, notamment au moyen de l'enseignement obligatoire, les peuples des Premières Nations et les peuples autochtones de l'Alaska sont devenus beaucoup moins mobiles, car on ne peut pas déplacer un village comme Old Crow simplement parce que le caribou se trouve ailleurs, mais on peut établir des collectivités près des zones où la pêche au saumon est bonne. L'attente coloniale de permanence a donc fait du saumon une ressource particulièrement essentielle pour les collectivités autochtones, tant du point de vue culturel qu'économique. Je tiens à souligner le besoin crucial de saumon dans les collectivités du Yukon qui se trouvent à l'extrémité de la chaîne d'approvisionnement mondiale, de sorte que les aliments sont chers et l'approvisionnement, tout simplement incertain parfois. C'est pourquoi le saumon est un élément essentiel de la sécurité alimentaire.
Ensuite, j'évoquerai l'histoire de l'extraction minière et du saumon. D'une certaine manière, c'est une histoire familière qui commence avec la ruée vers l'or du Yukon, près de la rivière Klondike, qui recoupe celle du saumon et de son besoin de cours d'eau de frai, et qui se poursuit avec la mine de Faro et d'autres projets miniers à grande échelle. Au cours des dernières années, les résidents du fleuve m'ont fait part avec insistance de leur inquiétude face au fait que cette histoire n'est pas terminée en raison des prélèvements potentiels de terres par le Bureau of Land Management des États-Unis sur les terres D‑1, que les Alaskiens connaissent bien, ainsi que de la mine Manh Choh et du projet de route Ambler, qui auraient tous un impact sur les affluents du fleuve Yukon.
Historiquement, la richesse découlant des projets miniers est sortie des collectivités locales alors que les dommages y sont restés. Tout au long du fleuve, j'ai entendu des préoccupations face au fait que cette histoire d'injustice environnementale risque de se répéter, en partie parce que la discussion sur l'avenir du saumon est si souvent dissociée de celle sur l'exploitation minière et le développement économique en général.
Troisièmement et enfin, le Traité sur le saumon du Yukon et le Comité du fleuve Yukon, comme tous mes collègues ici présents le savent, sont chargés de fixer des objectifs annuels afin de garantir qu'un nombre suffisant de saumons reproducteurs est en mesure d'atteindre le nombre minimum d'échappées durables en réglementant la quantité de prises sur le fleuve Yukon. Lorsque le traité a été signé en 2001, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une mesure judicieuse, compte tenu de l'histoire de la pêche commerciale et de la pêche de subsistance du saumon du Yukon, toutes deux pratiquées principalement dans les rivières, mais bien sûr, le saumon du Yukon passe la majeure partie de sa vie non pas dans le Yukon, mais dans la mer de Béring. Il s'agit d'un écosystème qui subit des changements si rapides que je suis essentiellement à court de superlatifs, en raison du réchauffement climatique et des autres pressions écologiques exercées par la pêche à la goberge, et qui prélève chaque année quelque trois milliards de livres de biomasse dans le bassin de la mer de Béring.
Tous les membres du Comité du fleuve Yukon à qui j'ai parlé sont profondément attachés à la survie des générations de saumons, mais dans le contexte actuel, ils n'ont pas nécessairement les moyens d'agir sur les prises accessoires ou les changements climatiques.
Essentiellement, l'Accord sur le saumon du fleuve Yukon prévoit des outils du XXe siècle pour ce qui devient des problèmes du XXIe siècle, à savoir les changements climatiques et la modification de l'écosystème en raison d'une pêche intensive.
Je tiens à conclure en soulignant que les humains ont des dizaines de milliers d'années d'expérience de la cohabitation avec le saumon et qu'en réalité, c'est la relation historique normale entre le saumon et les humains. C'est donc dans le domaine du possible.
Je vous remercie de votre attention.
Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'adresser à votre estimé comité. Je m'appelle Dennis Zimmermann. J'habite Whitehorse, au Yukon, sur les territoires ancestraux de la Première Nation de Kwanlin Dün et du Conseil des Ta'an Kwäch'än.
J'ai porté plusieurs chapeaux en rapport avec le saumon. Je suis membre du sous-comité sur le saumon du Yukon, établi dans le cadre de revendications territoriales, et je siège en tant que représentant canadien à deux tables de négociation de traités internationaux sur le saumon, soit le Comité du fleuve Yukon, au titre du chapitre 8 du Traité sur le saumon du Pacifique, et le Comité transfrontalier au titre du chapitre 1 du Traité sur le saumon du Pacifique. Je suis respectivement nommé par le gouvernement du Canada et le secteur de la pêche récréative dans le cadre de ces deux processus.
D'emblée, je tiens à souligner l'importance de votre étude et l'importance exceptionnelle du saumon quinnat du fleuve Yukon.
En bref, le saumon quinnat du fleuve Yukon était historiquement grand, vieux et proéminent, en ce sens que les adultes qui remontaient son cours voyageaient souvent dans les rivières et sur plus de 3 000 kilomètres jusqu'à leurs frayères au Canada. J'ai souvent discuté avec des Alaskiens qui pêchent des saumons quinnat d'origine canadienne et d'origine américaine, et ils disent que le saumon « royal » canadien laisse des flaques de graisse sur le sol lorsqu'ils le placent dans leur fumoir. Cette valeur nutritionnelle est très appréciée dans les collectivités aux prises avec de graves problèmes de sécurité alimentaire.
Je devrais également préciser qu'avec l'optique dans laquelle je travaille sur le saumon — et je constate souvent que je suis en minorité —, mon travail a toujours été centré sur les valeurs communautaires, les dimensions humaines et les systèmes socio-écologiques complexes qui entourent ces espèces chéries. Je pars également du principe que si les gens, les membres des Premières Nations, les pêcheurs sportifs et le grand public n'interagissent pas avec le saumon d'une quelconque façon, il est peu probable qu'ils s'en soucient ou qu'ils veuillent le soutenir.
Ayant travaillé avec différentes Premières Nations du Yukon sur plusieurs plans locaux de gestion du saumon, j'ai été le témoin direct des profondes répercussions du déclin des populations de saumon sur les cultures, les habitants et les écosystèmes de l'ensemble du territoire. Comme nous le savons, le cycle de vie du saumon du Pacifique est soumis à plusieurs facteurs de stress à tous les stades de sa vie, dont beaucoup ont été récemment exacerbés par les effets des changements climatiques.
Très brièvement, pour fouiller la causalité de cette crise, on doit se pencher sur les pratiques de pêche antérieures, où il est évident que les approches de rendement maximal durable, de pair avec les incertitudes des projections du volume des montaisons et une réticence à gérer les pêches en cours de saison, ont fait des ravages sur les populations de saumon quinnat et ont essentiellement miné leur résilience au fil des ans.
Au fil des décennies, nous avons assisté à la disparition des classes de spécimens plus âgés et des poissons plus grands et plus féconds, ce qui a fini par engendrer une tendance vers des saumons moins nombreux, plus jeunes et plus petits. C'est ce que nous appelons la « qualité des échappées », qui n'est généralement pas reconnue dans le Traité comme une mesure permettant d'atteindre les objectifs en matière d'échappées. À mon avis, le principe de risque et de précaution n'a pas été suffisamment pris en compte dans les régimes de gestion, de sorte que les objectifs d'échappées fixés dans le Traité ont été considérés comme réalisés lorsque le bas de la fourchette a été atteint et par l'introduction de nombres juste assez élevés de poissons d'origine canadienne dans les frayères.
Malgré la prolifération de données scientifiques souvent utilisées pour étudier le saumon quinnat du fleuve Yukon — ce que nous appelons souvent l'approche du dénombrement et de la mesure —, le statu quo n'a pas permis de bien pallier le déclin des populations de saumon. Il y a une vingtaine d'années, les Premières Nations du Yukon ont commencé à tirer la sonnette d'alarme, surtout au Canada, notamment le Conseil des Tlingits de Teslin où, à chaque réunion, des anciens comme Madeleine Jackson plaidaient pour des fermetures volontaires de la pêche de subsistance au Canada et de l'autre côté du fleuve.
Ces voix issues de la collectivité continuent de se faire entendre et ont régulièrement progressé en aval du fleuve jusqu'au point où nous en sommes aujourd'hui, où les effets se font sentir depuis le cours supérieur jusqu'à l'océan. Les plus de 50 collectivités qui dépendent d'une manière ou d'une autre du saumon quinnat du fleuve Yukon en Alaska et au Yukon souffrent, ne pêchent plus et, surtout, perdent leur lien avec la culture du saumon.
Malheureusement, il s'agit d'une autre pêcherie qui nous a montré que les décisions de gestion sont souvent en retard sur le rythme de déclin de la ressource. C'est le coeur lourd que nous devons admettre qu'il n'y aura peut-être plus de pêche dans un avenir prévisible. Malgré cette sombre perspective, nous ne devons pas perdre espoir et nous devons continuer à nous battre pour le saumon du fleuve Yukon. Le moment est venu de veiller à ce que la science ne fasse pas cavalier seul et à ce que nous utilisions tous les outils à notre disposition.
À mon avis, cela signifie qu'il faut investir davantage dans des efforts de gestion communautaires, en maximisant la valeur des quelques poissons qui reviennent au moyen de cérémonies, de la langue, des histoires et du transfert de connaissances. Dans le cadre d'efforts de restauration à petite échelle, cela peut inclure une variété d'efforts de restauration de l'habitat, ou des écloseries de conservation dirigées par des Autochtones, par exemple.
Cela signifie également qu'il faut poursuivre les efforts de représentation et de diplomatie aux États-Unis et au sein de la communauté internationale et continuer à défendre le retour du saumon quinnat d'origine canadienne dans les frayères, ainsi que coordonner les efforts en haute mer en ce qui concerne les prises accessoires, la pêche internationale non réglementée et les écloseries de production dans la mer de Béring.
Enfin, j'espère qu'avec le soutien continu du ministère des Pêches et des Océans, des Premières Nations du Yukon et d'autres partenaires, nos efforts en vue d'un plan global de reconstitution des stocks de saumon quinnat du fleuve Yukon fourniront le schéma directeur et l'impulsion nécessaires pour aider à conserver et à reconstituer nos populations afin que les générations futures puissent maintenir ce lien sacré avec le saumon.
Je vous remercie de votre attention.
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Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître pour aider à mieux faire comprendre la crise du saumon du fleuve Yukon et ses répercussions sur les Autochtones de l'Alaska et du Canada.
Je suis la cheffe Rhonda Pitka de Beaver, en Alaska. Beaver est une petite collectivité accessible uniquement par avion sur le fleuve Yukon, juste au sud du cercle polaire boréal et la première collectivité en aval de tous les confluents de la rivière Porcupine et du fleuve Yukon. Je suis présidente du Conseil des gouvernements tribaux athabascans, un consortium qui sert neuf tribus dans les plateaux du Yukon en Alaska. Je suis également membre du Federal Subsistance Board représentant la population et membre du Comité du fleuve Yukon.
Notre peuple a toujours compté sur le saumon quinnat et le saumon kéta comme principales sources de nourriture et comme élément central de notre culture et de notre mode de vie. Notre peuple est le « peuple du saumon ». Notre santé et celle du saumon sont inextricablement liées. Ce qui arrive au saumon arrive à notre peuple. Au cours des 20 dernières années, nous avons vu les stocks de saumon quinnat et de saumon kéta du fleuve Yukon anéantis par de nombreux problèmes, tous d'origine humaine, tous provenant de l'extérieur de nos petites collectivités le long du fleuve Yukon.
Notre sécurité alimentaire a été mise en péril au fil de la diminution des stocks de saumon. Les fumoirs qui étaient autrefois remplis de saumons pour l'hiver sont vides. Le lien essentiel de nos enfants avec notre culture alimentaire et notre mode de vie a été rompu. Nous n'avons pas eu de saumon pour les potlatchs funéraires de nos membres. Au cours des quatre dernières années sans prises, ce besoin crucial lié aux cérémonies religieuses et culturelles n'a pas été comblé. Il n'y a pas assez de saumon pour nourrir ma collectivité ou celles du haut Yukon en Alaska que je représente ou nos parents au Canada le long du fleuve Yukon et de la rivière Porcupine. Cela ne fait aucun doute.
Nous n'avons pas pêché au cours des quatre dernières années. Nous n'avons pas eu de pêche de subsistance qui ait comblé nos besoins. On nous a dit que c'est à cause de notre pêche de subsistance que nous n'avons pas eu de montaisons. C'est tout simplement faux. La pêche de subsistance représente moins de 1 % de toutes les prises de poissons et d'autres ressources à l'échelle de l'État.
Les pêcheurs de subsistance de l'Alaska ont généreusement fait don de leurs savoirs ancestraux à l'État de l'Alaska et au Fish & Wildlife Service des États-Unis. Sans ces savoirs ancestraux, il est difficile pour les gestionnaires d'avoir une idée claire de la justesse de leurs modèles de la montaison. Les gestionnaires utilisent le nombre de saumons arrivant à Pilot Station pour estimer le volume de la montaison et l'abondance du saumon quinnat d'origine canadienne. Il n'y a actuellement pas de sonar dans le cours moyen du fleuve pour vérifier cette estimation sur le terrain.
La pêche de subsistance contribue à la gestion en fournissant des renseignements en cours de saison sur le moment et le volume de la montaison et sur l'exactitude des estimations à l'embouchure du fleuve Yukon. L'exactitude du volume et du moment de la montaison dépend des connaissances des pêcheurs le long du fleuve Yukon.
Le désastre de la pêche au saumon quinnat entrave l'économie coutumière et traditionnelle fondée sur la vente, le troc et le commerce de la pêche. C'est absolument le cas le long du fleuve Yukon, où l'épuisement des stocks de saumon a empêché notre population de pêcher et de participer aux pratiques économiques traditionnelles de la vente, du troc et de l'échange du saumon du fleuve Yukon. Nous avions l'habitude d'avoir de vastes réseaux traditionnels de troc et de relations communautaires qui ont été mis à rude épreuve parce que nous n'avons pas eu assez de saumon à échanger. La pêche traditionnelle au saumon est l'épine dorsale de notre subsistance. La pêche de subsistance est la principale économie de notre région. Là où je vis, dans le village de Beaver, nous n'avons pas d'épicerie. Nous n'avons pas accès aux aliments frais courants, si bien que nous devons faire venir de la nourriture par avion si nous n'en avons pas sur place.
En outre, les processus fédéraux existants n'ont absolument pas permis de pallier la perte de la souveraineté et de la sécurité alimentaires des tribus ni la perte de la capacité à enseigner à nos enfants et à transmettre le savoir autochtone relatif à la gestion du saumon, y compris la fourniture de saumons sains et la transformation, la préparation et le stockage de populations de saumons sains. Des réseaux sociaux entiers ont été dévastés, tout comme la santé et le bien-être de nos populations. Nos enfants n'ont jamais manipulé de saumons. Nos pêcheurs sombrent dans la dépression, tandis que les cas de violence conjugale et de suicide augmentent, et la toxicomanie aussi, parce que nos gens ne pêchent pas.
La disparition du saumon du fleuve Yukon, des activités culturelles et des valeurs spirituelles associées à la pêche au saumon a un effet dévastateur sur nos collectivités et nos villages.
Nos tribus ne restent pas les bras croisés. Alors que le gouvernement de l'État et l'administration fédérale continuent de mener des études sur les effets des changements climatiques, de débattre des répercussions des prises accessoires dans les pêcheries interceptées et de subventionner les pêcheries commerciales, voici ce que nos tribus ont fait.
Nous n'avons pas pêché. Nous avons mis en place un moratoire auto-imposé en 2014 afin de permettre au saumon de remonter jusqu'aux frayères. Cela a permis d'atteindre les objectifs d'échappées à la frontière au Canada en 2014. Nous avons laissé nos camps de pêche vides. Bon nombre de nos enfants n'ont jamais pêché de leur vie.
On nous a dit d'acheter des filets de sept pouces et demi parmi les solutions de gestion pour réduire le nombre de saumons que nous prenions, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons changé la taille de nos filets pour des filets de six pouces. Lorsque cela n'a rien donné, nous avons acheté des filets de quatre pouces pour nos membres.
Nous nous sommes formés à la science de la pêche océanique. Étant moi-même pêcheuse le long du fleuve Yukon, je ne viens pas de l'océan, mais j'ai dû me former sur des sujets qui dépassent largement mes compétences.
Nous avons consacré des milliers d'heures et de dollars à des activités de représentation et à des actions en justice concernant les pêcheries de notre région...
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Merci beaucoup de m'avoir invitée à participer aujourd'hui à l'étude.
Je m'appelle Elizabeth MacDonald. Je suis gestionnaire des pêches au Conseil des Premières Nations du Yukon. À ce titre, je soutiens le travail de la Yukon First Nation Salmon Stewardship Alliance, qui est notre programme autochtone de gestion de ressources aquatiques et océaniques. J'occupe également un des postes de vice-président au Sous-comité du saumon du Yukon, un comité consultatif créé en vertu de l'Accord-cadre définitif. Cela étant, le gouvernement des Gwitchin Vuntut m'a nommée représentante du saumon de la rivière Porcupine.
Je vais me concentrer sur le saumon du fleuve Yukon, car le saumon du fleuve Alsek se porte relativement mieux. J'ai également fourni des renseignements supplémentaires dans un exposé.
Le saumon quinnat est le saumon le plus important du bras principal du fleuve Yukon en tant qu'espèce alimentaire et en tant que saumon culturellement important. Il est très dispersé, avec plus de 100 sites de frai documentés. Il est unique, car aucun autre saumon ne migre aussi loin, la migration la plus longue étant de 3 200 kilomètres. C'est en partie pour cette raison qu'il est si important, car il représente de la nourriture et des nutriments pour de nombreuses personnes et de nombreux habitats.
Malheureusement, le saumon connaît depuis un certain temps un déclin généralisé et des changements. Les gardiens du savoir traditionnel des collectivités affirment que ce déclin a commencé avant la science occidentale, dans les années 1980. Le saumon kéta est également présent en plus grand nombre, mais il n'est pas aussi répandu que le saumon quinnat. Ces derniers temps, le saumon kéta a eu des hauts et des bas.
Le saumon kéta est l'espèce la plus importante et la plus nombreuse de la rivière Porcupine, un affluent du fleuve Yukon. Malheureusement, la population de saumon kéta est en baisse depuis longtemps. Au cours des 23 dernières années, depuis l'entrée en vigueur de l'Accord sur le saumon du fleuve Yukon, l'objectif de frai n'a été atteint que neuf fois. On dispose de très peu de renseignements sur le quinnat et le coho dans ce fleuve.
Puis, en 2020, il y a eu un effondrement des nombres de saumons. Tous les nombres de saumons ont chuté. Au cours des deux dernières années, le saumon quinnat n'a atteint que 12 % de la moyenne à l'embouchure de la rivière, et jusqu'à 40 % meurent entre l'embouchure de la rivière et la frontière. Le saumon kéta dans le bras principal a eu quatre des cinq estimations de frai les plus basses depuis 1980 et environ 20 % de l'estimation moyenne de l'échappée des géniteurs.
Les estimations concernant le saumon kéta de la rivière Porcupine au rapide de la rivière Fishing Branch en 2020, 2021 et 2022 ont été les plus faibles jamais enregistrées depuis 1971, à environ 5,5 % de l'estimation moyenne de la ponte. L'an dernier a été légèrement meilleur, ce qui, je pense, est dû à de meilleures conditions environnementales pendant la migration. Le nombre de saumons coho de la rivière Porcupine au cours des deux dernières années a été le plus bas jamais enregistré.
La situation est désastreuse pour toutes les espèces de saumon du fleuve Yukon. Nous sommes, à juste titre, préoccupés par leur extinction. Je suis certaine que nous avons déjà perdu de petites populations de saumon quinnat.
Malheureusement, la solution n'est pas aussi simple que d'arrêter la pêche. Même si l'homme ne prélevait rien, le nombre de saumons ne remonterait pas. Les changements climatiques ont un impact plus important. Depuis l'effondrement, notre rivière est suffisamment chaude pour tuer les saumons. Nous avons de nombreuses inondations et des étiages, avec des variations beaucoup plus importantes que la normale, ce qui a affecté les saumons migrateurs et les juvéniles en phase d'élevage en eau douce.
La mer de Béring est également plus chaude que jamais. Cela a eu un impact sur le réseau alimentaire et les saumons changent de proies. Cela a diminué leur énergie et certains nutriments importants. Cette situation a également entraîné une forte augmentation de l'ichtyophtiriose, qui est probablement à l'origine de la mort d'un grand nombre de saumons quinnat au cours de leur migration.
Nous devons agir sur le climat et aider les habitants de l'Alaska à améliorer l'habitat dans la mer de Béring. Nous devons également surveiller notre propre habitat et veiller à ce que le développement et les autres impacts ne nuisent pas au saumon. Nous devons renforcer nos capacités. Nous avons des personnes dévouées, passionnées et absolument merveilleuses qui travaillent avec diligence pour améliorer les choses pour le saumon et les pêcheurs dans les écosystèmes des deux côtés de la frontière. La passion et les connaissances que nous partageons collectivement sont incroyables.
Nous avons vraiment beaucoup accompli, mais nous ne sommes tout simplement pas assez nombreux pour faire tout le travail. C'est particulièrement vrai pour mes collègues des Premières Nations, car la plupart des gouvernements des Premières Nations du Yukon n'ont même pas une personne consacrée au saumon. Au lieu de cela, le personnel s'occupe de plusieurs espèces. Chaque Première Nation a besoin de son propre personnel spécialisé dans le saumon, afin de pouvoir se concentrer sur les travaux de restauration et sur le maintien de la culture du saumon jusqu'à ce qu'il se rétablisse.
Nous avons également besoin d'un financement accessible pour pouvoir effectuer des travaux de restauration. Le financement doit être sûr et à long terme, afin que nous puissions consacrer nos efforts à la reconstitution des populations de saumon et non à l'administration des accords de financement.
Si nous perdons le saumon, nous perdrons plus que nourriture et culture. Nous perdrons une espèce clé de l'écosystème. Les nutriments d'origine marine sont extrêmement rares à 3 200 kilomètres de l'océan. Si nous les perdons, nos animaux terrestres d'eau douce et leurs habitats en souffriront également.
Enfin, je tiens à souligner à quel point les collectivités d'Alaska dépendent du saumon pour leur alimentation. Bien que cela soit également vrai de notre côté de la frontière, c'est un problème plus important encore en Alaska. En Alaska, certaines personnes doivent choisir entre la pêche illégale et la famine. Nous devons soutenir les habitants de l'Alaska pour qu'ils aient de meilleures options et qu'ils puissent à leur tour soutenir la reconstitution des stocks de saumon.
Je vous remercie de votre attention.