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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 19 octobre 2022

[Enregistrement électronique]

(1700)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 62e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre adopté le mercredi 22 juin 2022, le Comité se réunit pour discuter du projet de loi C‑228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Il y a des membres qui participent en personne dans la salle et d'autres à distance à l'aide de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres du Comité.
    Je vous prie d'attendre que je vous donne la parole en vous nommant avant de commencer à parler. Pour ceux qui participent par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Lorsque vous ne parlez pas, laissez votre micro en sourdine. En ce qui a trait à l'interprétation, pour ceux qui sont sur Zoom, vous avez le choix, dans la partie inférieure de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Pour ceux qui se trouvent dans la salle, vous pouvez utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité.
    Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Pour les membres présents dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour ceux qui sont sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». Les greffiers et moi gérerons l'ordre des interventions du mieux possible. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Chers collègues, avant de passer à l'élection du vice-président, au nom du comité des finances, nous tenons à remercier notre ami et ancien collègue, le regretté Bill Blaikie, et à lui rendre hommage. Il est le père de notre ami le député Daniel Blaikie. Les discours prononcés à la Chambre aujourd'hui étaient vraiment émouvants. Monsieur Blaikie, nous sommes avec vous aujourd'hui pour rendre hommage à votre père.
    De plus, chers collègues, je reconnais que, lors de notre dernière réunion, nous avons dû mettre fin brusquement à la séance, réduisant ainsi le temps de parole de M. Blaikie, en raison des contraintes de ressources de la Chambre. Par courtoisie, j'aimerais accorder à M. Blaikie les deux minutes environ qu'il lui restait.
    Monsieur Blaikie, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Vous vous souviendrez peut-être qu'à ce moment‑là, j'avais présenté une motion sur la façon de mettre fin à l'étude du projet de loi C‑228. Cela n'est plus pertinent, étant donné que nous entendrons des témoins aujourd'hui — ce qui est merveilleux, et je suis très heureux qu'ils soient ici —, mais je me demande si je pourrais avoir le consentement unanime du Comité pour remplacer la motion qui était sur la table par la suivante, que nous pourrions peut-être adopter rapidement, à savoir: Que le Comité consacre les séances des 24 et 26 octobre aux consultations prébudgétaires et qu'il ne procède pas à l'étude article par article du projet de loi C‑228 le lundi 31 octobre.
    Je serais heureux de motiver cela, si vous le voulez, monsieur le président. Je pense que cela se passe de commentaires dans le contexte de la discussion de la dernière journée. S'il y a des questions, je serai heureux d'y répondre, mais si les gens autour de la table sont d'accord, nous pourrions peut-être prendre une décision.
    Merci, monsieur Blaikie.
    Je regarde autour de moi, et je vois des hochements de tête. Nous avons le consentement unanime.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
    Merci.
    Merci.
    Nous passons maintenant à l'élection du premier vice-président, car ce poste est vacant.
    La greffière va maintenant présider à l'élection de notre nouveau vice-président.
    Conformément au paragraphe 106(2), le premier vice-président doit être un député de l'opposition officielle.
    Je suis maintenant prête à recevoir les motions pour le premier vice-président.
    J'ai l'honneur de proposer la candidature de mon ami, Jasraj Singh Hallan, au poste de vice-président.
    Il est proposé par M. Marty Morantz que M. Jasraj Singh Hallan soit élu premier vice-président du Comité.
    Y a‑t‑il d'autres motions?
    Plaît‑il au Comité d'adopter la motion?
    (La motion est adoptée.)
    La greffière: Je déclare la motion adoptée et M. Jasraj Singh Hallan élu premier vice-président du comité.
    Des députés: Bravo!
    Félicitations au vice-président, M. Hallan.
    Voulez-vous dire quelques mots? Non. D'accord.
    Nous allons maintenant...

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais présenter la motion suivante au sujet des travaux du Comité sur le projet de loi C‑228...

[Traduction]

     Un instant. Je n'entends pas l'interprétation.

[Français]

    M'entendez-vous bien, maintenant, monsieur le président?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Le greffier vient de vous envoyer par courriel la motion que je veux présenter. Si vous avez besoin de temps pour l'étudier et pour en discuter, vous n'avez qu'à me faire signe, mais je ne crois pas qu'elle pose problème. Voici le texte de la motion:
Que, pour son étude du projet de loi C‑228, dans un esprit de concision et d'efficacité, le Comité prenne en compte tous les témoignages et documents recueillis par le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie lors de la 2e session de la 43e législature dans le cadre de l'étude sur le projet de loi C‑253.
    Je rappelle qu'un projet de loi semblable au projet de loi C‑228 avait été déposé et que le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie avait étudié à fond ce dossier. Il faudrait que notre comité se donne les moyens de reprendre tout ce qui avait été fait par le comité antérieur au sujet du projet de loi C‑253.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    Y a‑t‑il des commentaires?
    Êtes-vous d'accord sur la motion qui a été présentée?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci, monsieur Ste‑Marie.
    Oui, monsieur Lawrence.
    Monsieur le président, je sollicite votre indulgence. Je me demande si nous ne pourrions pas adopter rapidement la motion de M. Chambers sur la taxe sur certains biens de luxe, comme tous les partis en ont convenu, je crois. Je pense que c'est une question de régie interne qui traîne depuis un certain temps. Je crois que tous les partis sont d'accord.
(1705)
    Merci, monsieur Lawrence.
    Je crois que M. Chambers a proposé des amendements à la taxe sur certains produits de luxe. Je me tourne vers les membres du Comité pour obtenir leur accord.
    Les membres sont-ils d'accord?
    Oui, madame Dzerowicz.
    Monsieur le président, je crois que la motion a été modifiée. Pouvons-nous lire ce que nous avons, simplement pour nous assurer d'accepter ce qui a été modifié? Est‑ce que cela vous convient?
    Est‑ce que tout le monde l'a reçue? A‑t‑elle été distribuée?
    Je ne l'ai pas encore devant moi.
    Monsieur le greffier, pouvez-vous la lire?
    D'accord. Je vais la lire.
    La motion se lit comme suit:
Qu’en ce qui concerne la mise en œuvre de la partie 4 (la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe) du projet de loi C‑19 (Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d'autres mesures), le ministère des Finances fournisse ce qui suit au Comité permanent des finances de la Chambre des communes:
Que d’ici le 1er mars 2023, le ministère des Finances fournisse par écrit une « étude détaillée sur l’impact économique » de la mise en œuvre de la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe (« la taxe »), y compris une ventilation des répercussions prévues sur l’emploi et des recettes fiscales prévues pour chaque catégorie d’actifs. L’étude susmentionnée devrait également contenir une estimation du nombre total de biens (dollars et unités) touchés par la nouvelle taxe (par catégorie d’actifs), comparativement aux trois années précédentes.
Que d’ici le 9 décembre 2022, le ministère des Finances fournisse par écrit un « rapport d’étape » détaillé décrivant les efforts déployés par le ministère des Finances pour régler les enjeux liés à la mise en œuvre de la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe (y compris un résumé des discussions avec les secteurs touchés et des enjeux soulevés par ces derniers).
De plus, d’ici le 16 décembre 2022 que le ministère des Finances comparaisse devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes pendant une heure pour discuter de la mise en œuvre de la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe, la comparution qui devrait avoir lieu après le dépôt du rapport provisoire.
    Merci.
    Chers collègues, je demande encore une fois votre approbation.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: La motion est adoptée.
    Nous allons maintenant entendre nos témoins. Nous avons jusqu'à 19 heures.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons Andrea Boctor, associée, Droit des régimes de retraite et des pensions et avantages sociaux, chez Osler, Haskin et Harcourt; Ross Dunlop, vice-président directeur chez Ellement Consulting Group; et Ric Marrero, chef de la direction, de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite.
    Nous accueillons aussi Bill VanGorder, dirigeant principal des opérations et dirigeant principal des politiques, de l'Association canadienne des individus retraités. Soyez les bienvenus.
    Nous accueillons également Alex Gray, directeur principal, Politiques des services fiscaux et financiers, de la Chambre de commerce du Canada; Michael Powell, président de la Fédération canadienne des retraités; Siobhán Vipond, vice-présidente exécutive, et Chris Roberts, directeur, Politique sociale et économique, du Congrès du travail du Canada; et Nicolas Lapierre, coordonnateur régional du Syndicat des Métallos.
    Bienvenue à tous nos témoins.
    Nous allons maintenant entendre nos témoins.
    Nous allons commencer par l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, pour cinq minutes.
(1710)
    Je remercie le Comité de nous permettre de faire valoir notre point de vue. Nous allons être très brefs.
    Je travaille pour l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite ou ACARR depuis 2012. Les 30 dernières années, j'ai occupé divers postes de direction dans les secteurs caritatif et privé à l'échelle nationale.
    Nous sommes une organisation nationale politiquement neutre et sans but lucratif. Nos membres représentent bon nombre des plus importants régimes à prestations déterminées au Canada. Ils appartiennent aux secteurs privé et public et gèrent ensemble des régimes totalisant des billions de dollars et comptant des millions de participants.
    J'aimerais vous présenter mes collègues bénévoles.
    Ross Dunlop est le vice-président directeur d'Ellement Consulting Group. M. Dunlop est actuaire en régimes de retraite et conseiller en placement. Depuis plus de 30 ans, il fournit des conseils aux promoteurs et aux fiduciaires de régimes de retraite. Il a de l'expérience dans la liquidation de régimes de retraite, la conception de régimes de retraite, la conception de stratégies de placement et l'aide aux clients dans l'embauche et la cessation d'emploi de gestionnaires de placements. Il est l'ancien président de l'ACARR et en est membre depuis plus de 10 ans.
    Andrea Boctor est associée et présidente nationale du groupe du droit des régimes de retraite et des pensions et avantages sociaux chez Osler, Hoskin et Harcourt. Elle pratique le droit des pensions et des avantages sociaux depuis 20 ans auprès de tous les types d'intervenants, comme les débiteurs, les créanciers, les surveillants, les destinataires et les administrateurs de caisses de retraite nommés par les organismes de réglementation des régimes de retraite. Elle a enseigné le droit des pensions à l'Université Queen's et le droit de l'insolvabilité des pensions à l'Université de Toronto et au sein d'Osgoode Professional Development. Elle a été présidente et est actuellement membre du conseil fédéral de l'ACARR, qui s'occupe des régimes de retraite sous réglementation fédérale.
    Je cède maintenant la parole à Ross Dunlop.
    Bonjour à tous.
    Aucune autre organisation au Canada n'a travaillé davantage que l'ACARR pour promouvoir la sécurité de la retraite pour les participants aux régimes, tout en créant un environnement permettant aux promoteurs de régimes de continuer à offrir leurs services.
    L'ACARR est très au fait de la situation malheureuse qui survient lorsqu'un promoteur de régime échoue, avec pour effet que les participants au régime ne peuvent pas recevoir la totalité des prestations auxquelles ils ont droit. L'ACARR travaille depuis des décennies à offrir des avantages sûrs aux participants aux régimes.
    L'ACARR croit que les régimes de retraite à prestations déterminées sont très précieux pour les participants, mais nous devons reconnaître que les employeurs choisissent volontairement de créer et de soutenir ces régimes. La couverture des régimes de retraite — surtout les régimes à prestations déterminées — a diminué assez rapidement au Canada au cours des dernières années. Le taux de participation aux régimes à prestations déterminées du secteur public au Canada — selon Statistique Canada — était d'environ 82 % il y a 20 ans. Il est de 82 % aujourd'hui. Il y a 20 ans, le taux de participation aux régimes à prestations déterminées du secteur privé était d'environ 21 %. À l'heure actuelle, il est d'environ 9 %. Ce sont de ces 9 % dont nous parlons aujourd'hui. C'est ce qui inquiète l'ACARR: la détérioration de la situation de ces 9 %.
    Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que les employeurs ont besoin de crédit et de prêts pour fonctionner et que les banques et les détenteurs d'obligations ne leur prêteront pas ou exigeront des taux d'intérêt beaucoup plus élevés s'ils offrent des régimes de retraite. Cela incitera les chefs de la direction et les directeurs financiers à mettre fin aux régimes de retraite assujettis à ces dispositions législatives. Même les employeurs dont on sait qu'ils ne se retrouveront jamais en situation de faillite seront incités à mettre fin à ces régimes et à les liquider.
    Bien que le projet de loi C‑228 ait l'objectif admirable d'accorder la priorité aux participants au régime en cas de faillite, nous croyons que ce qui se produira, c'est que les régimes seront résiliés. L'application de ce projet de loi C‑228 sera donc très limitée, parce que ces régimes auront été liquidés.
    Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Andrea Boctor.
    Notre objectif, en comparaissant devant vous aujourd'hui, est de vous présenter d'autres options susceptibles d'aider le Comité à atteindre son objectif important, sans sacrifier toutefois ces 9 %, soit environ 1,2 million de travailleurs du secteur privé au Canada qui cotisent actuellement à des régimes de retraite à prestations déterminées.
    L'industrie des pensions a évolué au cours des dernières années. Nous disposons d'outils pour améliorer la sécurité des pensions sans avoir recours à la superpriorité. D'après mon expérience, lorsque les pensions cessent d'être versées par suite de l'insolvabilité d'un employeur, ce n'est pas par manque d'argent, mais en raison de la façon dont nous liquidons les régimes de retraite au Canada. Nous avons immédiatement recours à l'achat de rentes auprès d'une compagnie d'assurance pour reproduire les prestations de retraite. Les rentes sont entièrement garanties, mais elles sont garanties par des actifs à faible rendement et sont donc coûteuses par rapport aux autres options.
    Dans nos documents, nous décrivons des solutions que les parlementaires pourraient envisager. Elles sont fondées sur des exemples réels et récents de réussites canadiennes. Par exemple, permettre la nomination d'un fiduciaire spécial pour l'insolvabilité des régimes de retraite, afin de gérer ou de fusionner les actifs et les passifs des régimes de retraite selon le modèle de Stelco, les pensionnés ayant touché 100 % de leur pension, malgré un important déficit de liquidation lorsque la société a demandé la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
    Parmi les autres exemples figurent la mise en commun d'actifs, fondée sur le modèle très réussi mis en place au Québec pour les participants à des régimes d'entreprise insolvables, ou les rentes viagères variables et différées à un âge avancé, de nouveaux outils récemment ajoutés à la Loi de l'impôt sur le revenu. Ces solutions permettent de faire plus avec l'argent disponible que de se précipiter pour acheter une rente et cristalliser un déficit, et aucune d'entre elles ne désavantagerait les 9 % d'employés du secteur privé encore couverts par un régime de pension à prestations déterminées au Canada.
    Si le Comité s'engage quand même à adopter une approche de superpriorité, nous avons fait un certain nombre de suggestions dans nos documents pour réduire le coup que ce projet de loi portera aux régimes à prestations déterminées existants, et nous avons fait un certain nombre de commentaires techniques, que nous serons heureux de vous expliquer.
(1715)
     Je vous remercie de votre déclaration préliminaire.
    Nous allons maintenant entendre le représentant de l'Association canadienne des individus retraités, l'ACIR. Bill VanGorder est avec nous.
     Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui du projet de loi C‑228.
    Je m'appelle Bill VanGorder. Je suis le dirigeant principal des opérations de l'ACIR, c'est‑à‑dire l'Association canadienne des individus retraités. Nous sommes une organisation nationale, non partisane et sans but lucratif qui défend la sécurité financière, la protection contre l'âgisme et l'amélioration des soins de santé pour les Canadiens qui vieillissent. Nous comptons plus de 330 000 membres payants répartis dans 30 sections au Canada.
    L'ACIR cherche à jouer un rôle actif dans la création de politiques et de lois qui ont une incidence sur les Canadiens âgés. Elle défend les intérêts des Canadiens âgés auprès de tous les paliers de gouvernement et collabore avec d'autres organismes sur des questions de santé, d'âgisme, de logement et de finances, ainsi que sur celle qui est abordée aujourd'hui.
    L'ACIR se bat pour la protection des retraités depuis plus de 20 ans. Lors de la création de la section de la Nouvelle-Écosse, à laquelle j'ai participé il y a 20 ans, l'un des premiers éléments de notre programme politique était cette question. Notre premier conseil d'administration comptait des membres de l'association des retraités d'Air Canada, dont la vie avait été durement touchée par l'insolvabilité de cette compagnie à l'époque. La protection des pensions demeure l'une des sept priorités de l'ACIR en 2022‑2023.
    Nous comptons 330 000 membres payants au Canada et nous les sondons régulièrement. Leur sécurité financière demeure leur principale préoccupation. Ils se préoccupent de leur santé, comme nous tous d'ailleurs, mais leur principale inquiétude est de savoir s'ils auront suffisamment d'argent pour subvenir à leurs besoins pour le reste de leur vie. Ils craignent que cela ne soit pas le cas.
    Franchement, nos membres n'arrivent pas à croire qu'après 20 ans de défense des droits, la loi actuelle permet que les actifs d'une entreprise en faillite ou insolvable soient divisés entre d'autres créanciers dont les réclamations sont garanties, comme les banques, l'Agence du revenu du Canada et d'autres organismes, mais ne rapproche pas les pensionnés du premier rang au chapitre des réclamations, afin d'améliorer leurs chances de recevoir leur pleine pension — une pension qu'ils ont gagnée et en fonction de laquelle ils ont planifié tout au long de leur carrière. Il ne s'agit pas de cadeaux ou d'avantages non mérités, mais de salaires différés qui sont gagnés par les Canadiens pendant qu'ils travaillent et qui leur sont payables lorsqu'ils prennent leur retraite.
    Les modifications apportées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en 2018 n'étaient pas suffisantes. La loi actuelle continue d'être injuste à l'endroit des Canadiens âgés.
    L'inflation se situe entre 5 et 7 %. À eux seuls, les prix des aliments ont augmenté de 30 %. Il faut s'attaquer aux iniquités qui existent à l'échelle du pays, et ce, dès maintenant. Ce sont des changements qui auraient dû être faits il y a 20 ans. Les Canadiens âgés exigent que des mesures soient prises immédiatement. Vous savez, si vous avez 80 ans et que les gens vous disent qu'il faut attendre trois ou quatre ans pour que quelque chose se produise, cela ne tient pas la route.
    L'ACIR recommande des mesures qui protégeraient les placements dans les régimes de retraite au moyen de polices d'assurance couvrant la totalité des passifs liés aux régimes de retraite, et qui assureraient la protection des aînés en modifiant la loi pour accorder un statut prioritaire aux pensionnés.
    Je ne vais pas vous faire perdre du temps en répétant le contenu de la lettre que nous et les autres organisations de retraités et d'aînés vous avons envoyée le 21 septembre. D'autres experts en finances interviendront plus tard au nom de notre groupe. L'ACIR tient à souligner que les modifications apportées aux lois canadiennes doivent accorder la priorité aux régimes de retraite sous-financés par rapport aux grands prédateurs et mettre fin au versement de primes aux dirigeants en cas de faillite ou d'insolvabilité.
    Les cas d'Air Canada, de Sears en 2017 et de Nortel en 2009 sont des exemples extrêmement malheureux de la façon dont des dizaines de milliers de retraités sont traités dans des procédures de faillite et d'insolvabilité par rapport à des prêteurs dont les réclamations sont garanties, comme les banques, les détenteurs d'obligations et d'autres intervenants.
    La protection de la sécurité financière des travailleurs canadiens âgés devrait être la priorité absolue de ce comité et du Parlement du Canada.
    Je vous remercie au nom des milliers de membres de l'Association canadienne des individus retraités de partout au pays qui attendent des mesures concrètes aujourd'hui.
(1720)
    Merci, monsieur VanGorder.
    Nous venons d'entendre un certain nombre de nos témoins à distance. C'est formidable que nous puissions le faire. Cela permet aux gens de s'exprimer à partir de différents endroits.
    Nous avons devant nous, ici à la Chambre, le représentant de la Chambre de commerce du Canada, M. Alex Gray, qui fera une déclaration préliminaire au nom de son organisation.
     Merci de m'avoir invité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
    L'amélioration de la sécurité à la retraite pour les participants à un régime de retraite est un objectif louable, mais comme les Canadiens continuent d'avoir des préoccupations au sujet de leur sécurité financière à la retraite, il est essentiel que le Parlement ne s'attaque pas à ce problème d'une manière qui nuirait aux entreprises canadiennes, en particulier celles qui parrainent des régimes à prestations déterminées.
     Les mécanismes législatifs proposés dans le projet de loi C‑228 auraient des conséquences importantes et négatives pour les entreprises canadiennes de toutes tailles. Je vais commencer en parlant de certaines de ces conséquences imprévues. Pour terminer, je vais proposer des solutions qui protégeraient la sécurité des retraités, sans imposer de fardeau à l'économie canadienne.
    Pour commencer, le projet de loi C‑228 augmenterait le coût du crédit pour les entreprises canadiennes qui offrent des régimes à prestations déterminées. Les entreprises en difficulté auraient plus de mal à obtenir des prêts, ce qui irait à l'encontre d'un objectif fondamental de la législation sur l'insolvabilité, à savoir encourager les restructurations fructueuses qui permettent aux entreprises de continuer à employer des Canadiens, atténuant ainsi les conséquences sociales et économiques des liquidations. De plus, les promoteurs de régimes à prestations déterminées réévalueraient la possibilité de continuer à offrir ce genre de régimes, ce qui nuirait à la sécurité des retraités partout au pays.
    Alors que nous nous apprêtons à traverser une période de turbulences économiques, je dois souligner que la reprise économique dépend de la capacité des entreprises d'accéder à du crédit abordable pour investir et prendre de l'expansion. Le projet de loi C‑228 obligerait également les prêteurs à exiger davantage de garanties et limiterait la capacité des entreprises de retirer des facilités de crédit en cas d'insolvabilité des régimes de retraite. Cela vient du fait que les institutions financières assurent une stabilité systémique en maintenant notamment des exigences réglementaires prudentielles précises pour prévenir les pertes sur prêts. Au mieux, l'augmentation du coût d'exploitation d'une entreprise désavantagerait les entreprises canadiennes qui offrent des régimes à prestations déterminées à leurs employés par rapport à leurs concurrents étrangers. Au pire, les prêteurs pourraient refuser de prêter à ces entreprises.
    De plus, le projet de loi C‑228 augmenterait le coût des activités commerciales au Canada en imposant aux entreprises qui offrent des régimes à prestations déterminées des exigences plus rigoureuses en matière de rapports. Cela s'explique par le fait que les créanciers auraient de la difficulté à déterminer s'ils sont exposés à des insuffisances de cotisations de pension. En fin de compte, les prêteurs seraient incapables de prendre des décisions de crédit en temps réel, parce que les déficits de solvabilité sont des prévisions fondées sur des facteurs sur lesquels les prêteurs n'ont aucun contrôle. Je crois qu'il incombe au Comité d'entendre le point de vue des prêteurs dans le cadre de cette étude.
    Je dois également souligner les conséquences de l'application du projet de loi C‑228 dans un délai inférieur à sept ans. Pour réduire au minimum les conséquences pour les entreprises, il faudrait tenir compte de la durée des périodes de négociation typiques, qui sont généralement de trois à cinq ans, et des cycles d'évaluation des régimes de retraite, qui sont généralement de trois ans, ainsi que des périodes de préavis pertinentes pour les participants aux régimes au sujet des réformes de ces derniers, qui sont généralement de deux ans.
     Les entreprises qui devront passer à des régimes de retraite à cotisations déterminées en raison de cette mesure législative devront assumer des coûts importants. Dans un tel scénario, les participants aux régimes à prestations déterminées qui sont près de la retraite auraient également besoin de beaucoup de temps pour s'entendre avec leur employeur. De plus, toute date d'entrée en vigueur devrait tenir compte de l'état d'avancement des cycles de procédure d'insolvabilité, plutôt que d'utiliser l'approche actuelle d'application à une date civile donnée.
    En offrant des solutions constructives au versement d'un revenu de retraite qui ne serait pas un fardeau pour les entreprises canadiennes, ces dernières fonctionnant déjà dans un contexte de précarité économique, la Chambre de commerce du Canada encouragerait la modification de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, afin de permettre la nomination de fiduciaires de l'insolvabilité des régimes de retraite des employeurs. Ces fiduciaires auraient le pouvoir de maximiser les fonds de pension disponibles. Comme on l'a déjà mentionné, ce modèle a été déployé avec succès pour que les participants au régime de retraite de Stelco reçoivent la totalité de leurs prestations de retraite.
    Une autre solution que le gouvernement pourrait étudier serait de préparer le terrain pour que les grands régimes de retraite interentreprises intègrent les petits régimes de retraite des entreprises insolvables, afin que des économies d'échelle puissent être réalisées. Un syndic d'insolvabilité des régimes de retraite pourrait également être habilité à fusionner des régimes d'entreprise insolvables, le cas échéant.
    Le fait de bouleverser l'ordre de priorité dans les cas d'insolvabilité aurait des conséquences économiques négatives et imprévues dans l'ensemble de l'économie, surtout en l'absence d'un examen plus large du cadre législatif canadien en matière d'insolvabilité. En fin de compte, la meilleure solution pour les retraités et les employés d'une entreprise en difficulté est d'encourager une restructuration réussie de celle‑ci, afin qu'elle puisse continuer à verser des salaires et à financer son régime de retraite. S'il est adopté, le projet de loi C‑228 découragerait ce résultat universellement souhaitable, malgré ses mérites et son intention louable.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
(1725)
    Merci, monsieur Gray.
    Nous allons maintenant entendre M. Michael Powell, de la Fédération canadienne des retraités.
    Nous avons soumis par écrit les changements précis qui, selon nous, doivent être apportés au projet de loi C‑228, alors je ne vais pas en parler ici.
    Je vais plutôt aborder certains des points inclus dans le mémoire que nous avons présenté avec l'appui de la Fédération canadienne des retraités et de cinq autres organismes canadiens de défense des droits des aînés.
    Le défi fondamental pour ce comité est de choisir entre le statu quo et l'extension de la superpriorité au chapitre de l'insolvabilité au passif non capitalisé des régimes de retraite. Nous savons de quoi le statu quo retourne et nous en connaissons les conséquences. Nous avons entendu parler des histoires et des tragédies qu'ont vécues les personnes touchées. La FCR estime que, depuis 1982, 250 000 aînés canadiens vulnérables ont vu leur revenu réduit pour le reste de leur vie.
    Nous avons tous entendu parler des conséquences imprévues. Voici ce qui avait été dit à une époque: il pourrait y avoir un impact négatif important sur la productivité et l'emploi au Canada puisque les entreprises [...] auront plus de difficulté à obtenir du financement, et leurs coûts pourraient augmenter considérablement. Le cas échéant, ces conséquences auraient un impact important sur l'économie canadienne, un impact mesurable. C'est pourquoi je ne comprends pas pourquoi nous avons cette discussion. C'est en ces termes que l'on avait abordé la question lors de l'examen du projet de loi C‑55, Loi sur le Programme de protection des salariés, effectué en 2005 par le Comité.
    La Loi sur le Programme de protection des salariés étendait la superpriorité aux salaires impayés et à d'autres éléments de l'insolvabilité, et elle a été adoptée en 2005. Il est à noter que la loi a une incidence sur chaque insolvabilité; étendre la superpriorité au passif non capitalisé des régimes de retraite aurait une incidence uniquement sur le nombre relativement faible et d'entreprises ayant des régimes de retraite à prestations déterminées. Où sont les preuves de la piètre performance économique du Canada par rapport à celle de ses concurrents depuis 2005? Si ces accusations sont vraies, nous devrions nous situer au bas de l'échelle de la croissance du PIB, au sommet de l'échelle du chômage, au sommet des entreprises en situation d'insolvabilité et au sommet des liquidations. Où sont les données indiquant cela?
    La réalité, c'est que la superpriorité imposerait simplement un prix à l'abandon des pensions en cas d'insolvabilité. Aujourd'hui, dès qu'une entreprise se trouve en situation d'insolvabilité, le déficit des pensions disparaît comme par enchantement.
    En toute honnêteté, sachant qu'il n'y a pas de pénalité pour le sous-financement d'un régime de retraite et qu'il n'y a aucune obligation qui survit à l'insolvabilité, quel chef de la direction financera entièrement son régime de retraite? L'affectation de fonds au régime de retraite plutôt qu'aux dividendes, par exemple, lorsque la loi ne l'exige pas, serait une cause de congédiement. Comme M. Schaan l'a dit lundi, les compagnies ne font que ce qui est requis d'elles. Lundi, quelqu'un a dit que les régimes de retraite sous réglementation fédérale ne sont pas tenus d'être capitalisés à 100 %, du moins pas selon ce que je comprends du terme « tenus ».
     Les statistiques le confirment. De 2012 à 2020, en moyenne, 73 % des régimes sous réglementation fédérale affichaient une solvabilité inférieure à 100 %, étant donné l'absence d'exigences. Comme nous l'avons mentionné lundi, le financement médian pour 2021 était de 109 %, ce qui signifie qu'il est temps d'agir aujourd'hui, car lorsque l'écart est faible pour atteindre le financement complet et que de nombreux régimes sont entièrement capitalisés, les entreprises peuvent réduire les risques liés à leurs régimes de retraite et ne représenter aucune menace pour les prêteurs à l'avenir.
    Nous savons également que les entreprises s'adressent aux organismes de réglementation et cherchent à obtenir des congés de cotisation, afin de réduire ces niveaux de solvabilité. Le moment est venu d'intervenir et d'arrêter cela. Si vous changez les règles, le comportement des entreprises changera.
    C'était le cas d'Air Canada. Au moment de son insolvabilité en 2003, Air Canada avait un déficit de 1,3 milliard de dollars au titre des pensions. Sous la surveillance du ministère, en 2013, le déficit a grimpé à 4,2 milliards de dollars. En 2013, le ministre des Finances de l'époque, Jim Flaherty, a accepté d'accorder d'autres allégements, sous réserve de restrictions, jusqu'à ce que le régime de retraite soit entièrement capitalisé. Les augmentations de la rémunération des dirigeants, les primes spéciales et d'autres régimes incitatifs ont été réduits. On a empêché la compagnie aérienne de verser des dividendes et de racheter des actions. Grâce à ces restrictions, ce régime était entièrement capitalisé en mai 2015. Si vous exercez une surveillance, les entreprises feront ce qu'il faut; si vous changez les règles, les comportements changeront.
    Au Canada, il y a deux niveaux de législation, et les régimes de retraite sont pris entre deux feux. Nous avons une loi sur l'insolvabilité et 11 lois différentes sur les prestations de retraite.
    L'ACARR — elle n'est pas la seule à le faire, mais elle est ici, alors je vais l'utiliser comme exemple — soutient que les pensions ne devraient pas être protégées en cas d'insolvabilité, et pourtant elle préconise l'élimination des exigences de solvabilité dans les règlements sur les pensions. Le plus récent cas a eu lieu en Saskatchewan il y a quelques années. Vous pouvez le trouver facilement en ligne. Nous savons qu'une capitalisation du déficit de solvabilité inférieure à 100 % augmente le risque pour les retraités. Les pensionnés sont considérés comme des dommages collatéraux acceptables en cas d'insolvabilité.
    Depuis 2005, les solutions proposées par les gouvernements et l'industrie des régimes de retraite sont toutes fondées sur le transfert du risque des entreprises qui ont accepté de plein gré l'obligation pour les pensionnés, sans obtenir le consentement éclairé de ces derniers. C'est la définition même de l'exploitation financière des aînés.
    La superpriorité réglerait au moins en partie le déséquilibre du pouvoir au chapitre de l'insolvabilité.
(1730)
     Ce comité déterminera s'il faut maintenir le statu quo ou protéger les aînés vulnérables au Canada.
    Merci.
    Merci, monsieur Powell.
    Nous allons maintenant entendre Mme Siobhán Vipond, du Congrès du travail du Canada. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Bonjour à vous et à tous les membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous.
    Je m'appelle Siobhán Vipond et je suis vice-présidente exécutive du Congrès du travail du Canada, le plus important organisme du genre au Canada. En tant que représentants syndicaux du Canada, nous défendons les intérêts nationaux de tous les travailleurs d'un océan à l'autre.
    Les pensions sont essentielles à la sécurité financière et au bien-être des travailleurs. Les recherches menées au Canada montrent que le revenu provenant d'un régime de retraite d'employeur peut faire la différence entre la sécurité financière à la retraite et la baisse du niveau de vie comparativement à celui d'avant la retraite. Mis à part leur maison, l'épargne-retraite est l'un des plus importants actifs que les travailleurs accumulent au cours de leur vie.
    Il est important de se rappeler que les pensions en milieu de travail ne sont pas des cadeaux des employeurs. Les prestations de retraite sont des salaires différés, gagnés et payés par les travailleurs. Les employeurs sont tenus par la loi de verser ces prestations lorsqu'un travailleur prend sa retraite. Il est frustrant et injuste que cette obligation légale puisse être supprimée lorsqu'une entreprise devient insolvable.
    Lorsqu'une entreprise entame une procédure d'insolvabilité, les travailleurs et les retraités se retrouvent à l'arrière de la file. Ils sont essentiellement traités comme des créanciers de l'entreprise dont les réclamations sont involontairement non garanties, derrière les banques et les créanciers dont les réclamations sont garanties. Personne n'a demandé aux travailleurs et aux participants aux régimes s'ils consentiraient à leur employeur la valeur de leurs prestations de retraite. C'est tout le contraire. Les participants au régime croient que leur employeur respectera les modalités de versement de la pension.
    Contrairement aux créanciers commerciaux, les employés et les pensionnés sont généralement incapables de se protéger contre le risque d'insolvabilité de leur employeur. Si leur ancien employeur fait faillite, les pensionnés ne peuvent pas facilement retourner au travail et trouver d'autres sources de revenus.
    En 2018, les retraités de Sears Canada à l'extérieur de l'Ontario ont appris que leurs prestations de retraite seraient réduites de 30 %. Un retraité de Sears à Calgary — qui se trouve être ma ville natale — qui avait travaillé pendant 44 ans a vu sa pension mensuelle diminuer de 800 $. Même s'il a travaillé et cotisé toute sa vie, sa pension a été amputée à la retraite.
    Un autre retraité, qui avait travaillé pendant 35 ans, a vu sa pension diminuer de 450 $. En prévision de la réduction de ses prestations, ce retraité de 72 ans a accepté un emploi de préposé à l'accueil chez Home Depot. Pour beaucoup d'autres, il n'est pas réaliste ni prévu d'accepter un emploi au salaire minimum pour compenser une baisse de prestations.
    La façon dont les pensions et les prestations sont traitées en cas d'insolvabilité est scandaleuse et injuste. Malgré cela, le gouvernement n'a pas pris de mesures pour protéger les retraités et les participants aux régimes.
    Les changements législatifs que le gouvernement a apportés en réponse à la débâcle de Sears Canada étaient lamentablement inappropriés. En 2019, le projet de loi C‑97 a apporté des changements mineurs en marge du problème. Aucun de ces changements législatifs n'aurait pu prévenir une autre situation comme celle de Sears Canada ni la douleur et la souffrance qu'elle a causées aux pensionnés de Sears.
    C'est d'autant plus frustrant que de nombreuses entreprises qui ont des régimes de retraite sous-capitalisés pourraient éliminer les déficits de solvabilité de leurs régimes en n'affectant qu'une partie des versements des actionnaires à leur régime de retraite. Des études montrent que de nombreuses entreprises choisissent consciemment de récompenser leurs actionnaires et leurs cadres supérieurs en faisant grimper le cours des actions, plutôt que de financer entièrement leurs régimes de retraite. Cela expose les pensionnés et les participants aux régimes à un risque si l'entreprise devient insolvable.
    Au fil des ans, le CTC a appuyé de nombreux projets de loi de députés bloquistes et néo-démocrates. Aucun de ces projets de loi n'a été adopté. Pendant des années, nous avons exhorté les gouvernements à mettre en place un régime national d'assurance-retraite obligatoire semblable au Fonds de garantie des prestations de retraite de l'Ontario. Nous n'avons pas réussi à faire avancer cette idée.
    Le CTC appuie l'adoption de la version révisée du projet de loi C‑228. Nous appuyons les modifications proposées à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et à la Loi d'exécution du budget. Les modifications proposées à la Loi sur les normes de prestation de pension ne sont pas bien conçues et devraient être supprimées intégralement du projet de loi C‑228.
    Nous serons très heureux de répondre à vos questions. Les travailleurs et les retraités de tout le pays sont au cœur de cette question.
    Je vous remercie de votre attention.
(1735)
    Merci, madame Vipond, et merci au CTC pour votre déclaration préliminaire.
    Nous allons maintenant passer au Syndicat des Métallos par vidéoconférence. Accueillons Nicolas Lapierre, qui est avec nous pour cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je salue tous les membres du Comité et les remercie de leur écoute.
    Le Syndicat des Métallos représente 225 000 travailleurs et travailleuses de partout au Canada, dont 60 000 dans la province de Québec seulement.
    En 2017, 2018 et 2019, le Syndicat des Métallos a rencontré plus de 250 députés et sénateurs pour les sensibiliser à la nécessité de modifier la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Pendant six semaines, plus de 30 militants et militantes étaient sur la Colline pour sensibiliser les gens. Il était question des discussions et des problèmes qui surviennent lorsqu'une entreprise déclare faillite ou se met à l'abri de ses créanciers.
    L'exemple le plus frappant est celui de la minière Cliffs Natural Resources, sur la Côte‑Nord, qui s'est placée à l'abri de ses créanciers. Ainsi, 1 700 travailleurs retraités et conjoints survivants ont vu leurs prestations de retraite diminuer dans une proportion de 21 à 25 %. À la suite des différents recours juridiques, quelques millions de dollars ont pu être récupérés. Il n'en demeure pas moins que les retraités et les conjoints survivants ont subi une perte de 8 à 10 %. Pour certains, cela représentait environ 200 $ de moins par mois, alors que, pour d'autres, la perte a été de 600 $ à 700 $ par mois. Il faut aussi comprendre que la plupart des régimes privés ne prévoient pas d'indexation au coût de la vie. Dans le cas d'une personne qui avait pris sa retraite dans les années 1980, par exemple, puisque ses prestations n'avaient pas été indexées, l'incidence de la réduction subie en 2015 a été encore plus grande.
    Pendant les six semaines qu'a duré le lobbying, nous vous avons écoutés. J'ai personnellement participé aux discussions. Nous avons été sensibles à certains arguments, entre autres à celui selon lequel cela pourrait empêcher la relance des entreprises ou le consentement de prêts aux entreprises par les banques. Nous avons été sensibles à cet argument et nous avons modifié notre position en conséquence. Le projet de loi C‑228 proposé par la députée Marilyn Gladu prévoit justement un changement dans l'ordre de priorité des réclamations des créanciers. Nous passerions tout de suite après les banques. Donc, l'argument selon lequel nous allions empêcher des relances d'entreprises ne tient plus la route. Nous avons répondu à certains partis politiques qui avaient une préoccupation à cet égard. Maintenant, le projet de loi C‑228 nous place derrière les banques, mais avant les commissions scolaires et les municipalités qui veulent recouvrer des taxes. Il s'agit donc d'un bond appréciable pour nous et d'un gain très structurant pour les travailleurs.
    Soit dit en passant, ce serait une avancée non seulement pour les travailleurs syndiqués, mais également pour les travailleurs non syndiqués qui profitent d'un régime à prestations déterminées.
    Au Syndicat des Métallos, nous pensons que, en tant que législateur, vous avez le rôle de protéger les citoyens canadiens d'une possible perte de revenus si jamais une entreprise se place à l'abri des créanciers.
    Je fais appel à votre sens des responsabilités, à votre empathie, à votre souci des êtres humains, particulièrement ceux de 70, 80 ou 90 ans. Ce sont des êtres humains qui vivent une détresse. Les citoyens canadiens ont voté pour vous parce qu'ils avaient confiance en vous pour remplir votre rôle de législateur. C'est maintenant à vous de prendre la balle au bond et de profiter de ce projet de loi pour dire que c'est assez. Cela dure depuis des décennies. Plusieurs projets de loi ont été déposés. De plus, le projet de loi C‑228 émane d'un consensus entre tous les partis politiques.
    En effet, je vous rappelle qu'en 2021, il y avait consensus au sein du comité chargé d'étudier le projet de loi précédent. Malheureusement, des élections ont été déclenchées, alors nous n'avons pas pu atteindre notre but, mais nous en étions tout près. Il y avait pourtant consensus et nous nous étions pliés à votre volonté. Vous étiez préoccupés du fait que les retraités passaient devant les banques. Maintenant, ils passent après les banques, mais, au moins, ils sont devant les municipalités. Le projet de loi C‑228 est le reflet d'un difficile consensus qui tient compte de vos préoccupations. Les banques passent avant nous et les retraités passent après.
    Actuellement, nous ramassons les miettes de pain, nous ramassons ce qui reste, et ce n'est pas acceptable. Si les retraités faisaient un bond appréciable dans l'ordre des créanciers, ce serait un pas de géant pour tous les travailleurs et travailleuses, pour tous les Canadiens. De grâce, pour nos aînés, soyez diligents et mettez de l'eau dans votre vin. Le projet de loi C‑228 n'est pas parfait, mais il constitue un consensus très acceptable ainsi qu'un pas de géant pour les travailleurs et les travailleuses.
(1740)
    Je pourrais vous nommer plusieurs situations, que ce soit celle de la minière Cliffs, celle de Sears en 2018, celle de Mabe Canada, celle de la White Birch ou celle des Aciers inoxydables Atlas. Combien de situations semblables faudra-t-il avant d'agir?
    Je fais appel à votre sens des responsabilités envers les citoyens et à votre devoir de diligence, et je vous demande d'entériner le projet de loi C‑228 rapidement, afin qu'on puisse dire une fois pour toutes qu'on a aidé la classe moyenne.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Lapierre.

[Traduction]

     Je remercie tous les témoins de leur déclaration préliminaire.
    Nous allons passer aux questions. Je signale aux témoins et aux membres du Comité qu'au cours de la première série de questions, tous les partis disposeront d'un temps de parole égal, soit six minutes. Nous commençons par les conservateurs, et nous accueillons aujourd'hui Mme Gladu, qui est l'auteure du projet de loi C‑228.
    Madame Gladu, allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins qui sont ici.
    Je tiens à assurer à M. Lapierre que la priorité qui est prévue dans le projet de loi C‑228 est exactement la même que celle qui figurait dans le projet de loi C‑253 de ma collègue du Bloc, Marilène Gill. Les pensionnés passent avant les banques, les créanciers dont les réclamations sont garanties, les créanciers privilégiés et les créanciers dont les réclamations ne sont pas garanties.
    Comme je n'ai que six minutes, je vais poser quelques brèves questions.
    Ma première question s'adresse à M. VanGorder.
    Êtes-vous d'accord avec la priorité que nous avons prévue dans le projet de loi C‑228?
    Oui. Nous avions des suggestions, comme vous l'avez vu dans la lettre de notre coalition de groupes, mais c'est certainement le genre d'orientation qui permettra de faire de grands progrès pour corriger ce tort.
    Merci.
    Monsieur Powell, nous avons entendu dire que le cycle de réforme des régimes de pension est de trois ans. Nous avons suggéré qu'au lieu du délai de cinq ans après l'entrée en vigueur prévu dans mon projet de loi, trois ans seraient peut-être préférables.
    Êtes-vous d'accord avec la priorité et l'entrée en vigueur proposées?
    Oui, avec les deux.
    Encore une fois, je tiens à répéter que les pensions sont très bien financées à l'heure actuelle et que si nous agissons rapidement, nous pourrons profiter de la situation.
    Oui, j'ai noté que l'incidence des régimes à prestations déterminées pour les régimes fédéraux... C'est la première année qu'ils reçoivent un financement supérieur à 100 %, alors le moment est bien choisi pour agir.
    J'ai une question pour Mme Vipond.
    Il y a plusieurs articles du projet de loi que vous n'aimez pas, je crois. Il y a d'abord les paragraphes 29(8.1) et 29(8.2), qui permettent à une entreprise en faillite de changer le type de prestations de son régime de retraite. Est‑il exact que vous aimeriez que cela soit supprimé?
     Oui, nous savons que les régimes de retraite à prestations déterminées sont les plus solides, alors nous pensons que c'est extrêmement important.
    Je peux céder la parole à mon collègue, Chris Roberts, qui s'est joint à moi aujourd'hui, pour qu'il aborde l'aspect technique de la question. Nous comprenons la priorité qui est accordée, mais je vous remercie d'avoir souligné ces changements.
     Je pense que les dispositions du projet de loi qui permettent à l'administrateur d'un régime de demander au surintendant la permission de transférer le passif et l'actif d'un régime qui est parrainé par une entreprise en difficulté ne comportent tout simplement pas assez de détails. Il faut beaucoup plus de mesures de protection pour les participants aux régimes à prestations déterminées, afin que les prestations accumulées ne soient pas converties en prestations à cotisations déterminées ou en prestations moins élevées.
    À notre avis, il suffit de supprimer complètement cette disposition.
(1745)
    Oui, c'était en fait une erreur de rédaction de ma part. C'était un vestige du projet de loi C‑405. Nous avons essayé de nous débarrasser de cette partie du libellé. Il faudra certainement le faire.
    L'autre chose que je comprends, c'est que le Congrès du travail du Canada est préoccupé par la suggestion d'un mécanisme d'assurance permettant à une tierce partie d'assurer une pension.
    Est‑il vrai que vous aimeriez que cette partie soit supprimée également?
    Oui.
    Encore une fois, il y a une certaine confusion au sujet des termes, les termes non précisés ou non définis, dans cette partie du projet de loi C‑228. Par souci de clarté, de précision et de simplicité, il est préférable d'éliminer ces aspects, alors oui, nous sommes d'accord.
    Merci.
    Monsieur Powell, vous avez entrepris tout un dialogue avec les intervenants de tout le pays. Pourriez-vous décrire au Comité les efforts que vous avez déployés et nous dire ce que vous avez entendu?
    Oui, nous avons participé à la pétition du comité de la Chambre des communes parrainée par Ryan Turnbull. Il y a 12 332 Canadiens qui ont signé, disant que la protection des pensions était importante pour eux.
    À la Fédération canadienne des retraités, nous avons également mené des campagnes par courriel, dont la plus récente à l'appui du projet de loi C‑228. Un peu moins de 7 000 Canadiens d'un océan à l'autre l'ont signé. Ce que j'ai trouvé le plus impressionnant — et si vous avez essayé de faire des campagnes par courriel, vous comprendrez —, c'est que plus de 50 % des gens qui ont répondu ont coché la case indiquant qu'ils aimeraient participer davantage à ce dossier. Une liste d'envoi de 3 600 personnes qui veulent se battre pour votre cause... C'est impressionnant.
     Merci.
    Monsieur Gray, nous avons traversé une période assez difficile au cours de la pandémie, alors je me demande si vous avez des données sur le nombre d'entreprises qui ont fait faillite et sur le nombre d'entreprises dont les fonds de pension seraient insolvables.
     Les entreprises canadiennes ont certainement connu des moments difficiles tout au long de la pandémie. Je n'ai pas ces données sous les yeux, mais nous pourrions les fournir par écrit au Comité.
    Ce serait formidable si vous pouviez nous fournir ces renseignements.
    Un de mes collègues m'a expliqué aujourd'hui que, si un fonds de pension est insolvable, il existe déjà un mécanisme pour transférer le risque à une tierce partie. Pensez-vous que ce mécanisme répondrait à certaines des préoccupations des banques au sujet du crédit?
    C'est possible. Comme je l'ai déjà mentionné, il y a un équilibre délicat dans le cadre de l'insolvabilité et il y a un équilibre délicat qui a déjà été atteint dans le cadre de la faillite également.
    Je vous suggère d'entendre un représentant du secteur des prêts à ce sujet.
    J'ai entendu pas mal de choses de la part des prêteurs et j'ai essayé de trouver un terrain d'entente ou des changements que nous pourrions apporter à différents aspects du projet de loi, mais au bout du compte, je pense qu'ils ont une préoccupation qui n'est pas vraiment fondée. Je pense qu'il existe d'autres façons. Nous savons que le gouvernement est intervenu et a soutenu tous ceux qui avaient une grande société au Canada et qui avaient des problèmes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Gladu.
    Nous passons maintenant aux libéraux, avec M. MacDonald, pour six minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence. C'est une excellente discussion et un sujet très important pour aujourd'hui et pour l'avenir, de toute évidence.
    J'aimerais m'adresser à Ric Marrero et à son équipe de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite. Pouvez-vous expliquer ce qui pourrait causer un passif au titre du régime à prestations déterminées?
    Parlez-vous d'une position non capitalisée au moment où l'entreprise fait faillite?
    Oui.
    Habituellement, ce qui se produit, c'est que l'économie subit des tensions et que le portefeuille de placements adossé au passif comporte un mélange de titres à revenu fixe et d'actions. Les actions perdraient de 15 à 20 % de leur valeur, alors la valeur des actifs diminuerait.
    De plus, les banques centrales adoptent généralement des taux d'intérêt plus bas. À mesure que les taux d'intérêt baissent en période de crise, lorsqu'il y a une récession, le passif augmente. Les gens se retrouvent entre deux feux, la valeur des actifs diminuant à ce moment‑là et celle du passif augmentant.
    Les faillites ne sont pas toutes le résultat d'une récession économique ou d'une période difficile, mais cela arrive dans bon nombre de cas parce que les consommateurs réduisent leurs achats de produits.
(1750)
    Pensez-vous que le fait d'accorder la priorité aux déficits des régimes de retraite ou d'avoir un plafond supérieur permettrait un meilleur équilibre?
    Ce qui nous préoccupe, c'est le fait que... À l'heure actuelle, nous croyons fermement aux régimes à prestations déterminées en raison de leur valeur pour les membres de la société. Cela touche 9 % du secteur privé, alors nous essayons d'équilibrer les divers intérêts pour éviter que ces 9 % tombent à zéro. Le pourcentage a diminué au cours des 20 dernières années, passant de 20 à 9 %.
    Nous avons des solutions. Mme Boctor voudra peut-être ajouter quelque chose.
    Nous sommes contre l'application d'une priorité aux régimes de pension déficitaires. Nous voulons plutôt aider les retraités couverts par les régimes de retraite insolvables. Si leurs prestations sont coupées, le régime est généralement liquidé et les retraités doivent acheter des rentes auprès d'une compagnie d'assurances, comme on l'a mentionné.
    Il existe des mécanismes autres que la superpriorité que nous pouvons utiliser pour améliorer le recouvrement des pensions — comme pour les retraités de Stelco — dans leur intégralité ou, dans une situation d'insolvabilité... Le cas d'Air Canada, qui a été mentionné, est un franc succès. Chaque retraité de la compagnie aérienne reçoit la totalité des prestations promises, grâce à la restructuration concertée qui a eu lieu en 2004. J'ai beaucoup travaillé sur ce dossier.
    Il existe d'autres solutions et nous voulons améliorer les résultats pour les retraités. Ce sont de tristes histoires. Nous avons une profonde sympathie pour ces personnes, mais nous ne devons pas perdre de vue l'essentiel. Ces 9 % représentent 1,2 million de Canadiens qui, en cas de liquidation de leur régime à prestations déterminées, ne toucheront pas des prestations de retraite aussi élevées qu'ils espéraient.
    C'est intéressant.
    Si ce projet de loi est adopté et mis en vigueur, est‑ce qu'il permettrait aux entreprises dotées d'un régime à prestations déterminées de s'adapter et d'éviter ainsi une éventuelle faillite? Quel est votre avis?
    Elles vont liquider leurs régimes.
    Je suis d'accord. Je pense que bon nombre d'entre elles se serviront de cette loi comme catalyseur pour liquider leurs régimes.
    Très bien.
    Comme vous l'avez souvent constaté, et nous parlons ici des évaluations faites par les créanciers...
    Je ne sais pas trop à qui m'adresser. Peut-être à M. Gray, de la Chambre de commerce.
    Pouvez-vous nous donner des exemples d'évaluations exactes des profils de risque — certaines grandes entreprises ont fait de graves erreurs à cet égard, et même des petites entreprises — qui auraient pu avoir une incidence sur les insolvabilités et les faillites?
    Je ne peux pas vous donner un exemple précis, mais je peux cependant vous parler des principales difficultés liées à cet exercice. Examiner la solvabilité d'un régime de pension, c'est plus compliqué que d'aller voir sur votre application combien d'argent vous avez dans votre compte. Cet examen s'appuie sur des prévisions actuarielles qui sont en fait un instantané dans le temps. Il exige parfois des semaines de travail et pas mal de prévisions. Cela donne une bonne idée du défi que représente cet exercice, ce n'est pas nécessairement un calcul facile à faire.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    Comme tout le monde, je pense, nous partons de l'hypothèse qu'il s'agit d'un bon projet de loi auquel il est possible d'apporter des modifications, à en juger par les échanges que nous avons ici. Il semble que nous soyons tous sur la même longueur d'onde, ce qui est plutôt rare.
    Monsieur Powell, comment pouvons-nous en arriver à un consensus et nous assurer que toutes les parties sont prises en compte à cet égard et que nous allons dans la bonne direction? Nous entendons ce que vous dites. Je crois que personne ne remet en question la situation ni le processus. Comment peut‑on y arriver, à votre avis?
    Je dois vous avouer que j'ai un diplôme de premier cycle en génie, cela se répercute sur ma façon de voir les choses. Je pense que vous devez vous appuyer sur les données.
    Je vais vous lancer un défi. Le Programme de protection des salariés a été mis en œuvre en 2005. À l'époque, ces mêmes industries, ces mêmes groupes ont tous prétendu que cela allait mener à la catastrophe, sans pouvoir fournir aucune donnée pour le prouver. Je ne me souviens plus quel représentant de l'ACARR a parlé du cycle économique: des entreprises font faillite et des régimes de pensions sont en péril. Je suis d'accord. Ça, c'est la réponse classique. Cela n'explique toutefois pas pourquoi, tous les ans entre 2012 et 2020, plus de 70 % des régimes de retraite sous réglementation fédérale étaient sous-financés. Ces deux réponses ne concordent pas.
    Je suis désolé de le dire, mais les entreprises jouent un jeu. Elles n'ont pas financé pleinement leur régime de pension. C'est dans leur intérêt de ne pas le faire. C'est un gain de trésorerie pour elles. J'ai vraiment du mal à comprendre comment on peut leur donner les liquidités qu'elles veulent et protéger les retraités. C'est l'autre aspect, à mon avis.
    Je veux aussi clarifier une chose. Stelco est l'un de nos membres. Ce n'est pas parce qu'elle a eu un syndic de faillite qu'elle a réussi, mais parce que ce régime de pension a généré des revenus. Des fonds alimentaient ce régime et c'est encore le cas. L'acquéreur de l'entreprise n'a pas assumé l'entière responsabilité, mais il a investi de l'argent. Il y a une foule de complexités techniques...
(1755)
    Je vous remercie, monsieur Powell, et merci aussi à vous, monsieur MacDonald.
    C'est maintenant au tour des bloquistes de poser des questions.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je salue tous les témoins et les remercie de leur présence. Leurs témoignages et les arguments qu'ils soulèvent sont très intéressants.
    Mes questions s'adresseront à M. Lapierre.
    Monsieur Lapierre, avez-vous des commentaires à faire sur les propos que M. Powell vient de tenir?
    Les lois actuelles permettent aux entreprises de ne pas financer les régimes de retraite, et tout le monde accepte cela. On aimerait que ce ne soit pas le cas, mais c'est la situation actuelle. On sait d'emblée qu'il manque d'argent dans le régime de retraite. Lorsqu'il y a une faillite, c'est difficile de dire aux retraités que, conformément aux lois actuelles, il est permis de ne pas leur payer ce qu'on leur doit.
    Il faut comprendre qu'un régime à prestations déterminées garantit une rente, de la retraite jusqu'à la mort. Les prestations vont même être versées au conjoint survivant ou à la conjointe survivante. Comme l'a dit ma consœur du Conseil du travail du Canada, il s'agit d'un salaire différé. Lorsqu'on négocie des conventions collectives, on fait des choix. Par exemple, on investit moins dans le salaire et on investit davantage dans la retraite.
    Les retraités ou les travailleurs qui deviendront des retraités sont loin de se douter que, 10 ou 15 ans plus tard, ils ne verront pas la totalité de ce qu'on leur a promis. On ne peut pas tolérer cette situation. Au minimum, il faut leur donner plus de chances et les élever dans le rang des créanciers, afin que des drames comme ceux que l'on a vécus ne se reproduisent plus.
    Merci beaucoup, c'est très clair.
    Au fond, quand les travailleuses et les travailleurs négocient leur convention collective, ou bien ils demandent un plus gros salaire horaire ou annuel, ou bien ils acceptent une baisse de salaire pour avoir une meilleure pension. Si l'entreprise fait faillite et qu'ils ont décidé de recevoir de plus gros salaires, ils ne recevront peut-être pas les dernières paies; s'ils ont fait le compromis d'avoir un salaire plus faible pour avoir un meilleur régime de pension, celui-ci sera sous-capitalisé par l'entreprise, parce que la loi actuelle le permet. L'entreprise dira à ses employés que c'est légal et que c'est normal qu'ils perdent de 20 à 30 % de leur pension, comme vous le disiez tantôt.
    Quels sont vos commentaires sur la situation actuelle et sur ce que le projet de loi C‑228 permet de régler concrètement pour les retraités?
    Votre compréhension de la situation est parfaite. Au moins, avec ce projet de loi, on va améliorer les chances des retraités, de leurs conjoints survivants et des travailleurs actifs d'aller chercher plus de sous advenant un processus de liquidation. Ce n'est pas une garantie, parce que, dans certains cas, le déficit du régime de retraite peut être plus grand que les actifs de l'entreprise, mais au moins on améliore grandement les chances de recouvrement pour les travailleuses et les travailleurs retraités ainsi que pour leurs conjoints survivants, je le réitère.
    En 2015, 2016, 2017 et 2018, des personnes de 70, 80 et 90 ans sont venues à mon bureau en pleurs, après la faillite de Cliffs, parce qu'elles devaient faire un choix entre la nourriture et leurs médicaments. Non seulement on avait amputé leur régime de retraite de 25 %, mais elles avaient également perdu leur couverture d'assurance collective. Ce n'est pas tolérable de faire cela à nos aînés, aux gens qui ont bâti notre société.
    Espérons que cette fois-ci sera la bonne et que le projet de loi de ma collègue Mme Marilyn Gladu permettra de redresser la situation.
    Tout ce que vous venez de dire me touche beaucoup. Dans votre témoignage, vous avez rappelé que les pensions n'étaient pas indexées selon l'inflation. Alors, en plus de perdre 10 % ou 30 % de leur pension, les retraités voient leur pouvoir d'achat s'effriter au fil des années et des décennies. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient à choisir entre la nourriture et les médicaments. Ce sont des situations inacceptables, surtout lorsque, comme dans le cas que vous mentionnez, il s'agit d'une grande entreprise qui n'a pas payé ce qu'elle devait payer en sous-capitalisant son régime de retraite.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
(1800)

[Traduction]

    Il vous reste deux minutes et demie.

[Français]

    C'est excellent, merci.
    Dans votre présentation, vous avez expliqué l'importance de laisser les banques, parce qu'elles peuvent accorder du refinancement, passer avant les régimes de pension dans l'ordre de priorité des créanciers. Pouvez-vous dire un mot là-dessus?
    Je viens de voir arriver ma collègue Mme Gladu. Elle ne veut pas poser de questions, mais elle vous salue. Elle participait à un événement pour souligner la mémoire de Louis Riel et elle vient de se joindre à nous.
    Je vous écoute, monsieur Lapierre.
    Comme je l'ai dit, le projet de loi C‑228 est le fruit d'un travail et d'un consensus. C'était le cas également l'année dernière pour celui présenté par Mme Gill, mais je vais me concentrer sur celui-ci. Nous avons passé trois ans à vous rencontrer à Ottawa. Je ne les nommerai pas, mais certains partis étaient extrêmement préoccupés par le fait que nous passions initialement devant les banques. L'argument par excellence de tous les députés qui y voyaient un problème était que cela allait empêcher les relances d'entreprises et les investissements. Nous vous avons écoutés et nous sommes d'accord avec vous. Il a été difficile d'atteindre un consensus sur ce projet de loi, mais nous l'avons atteint et nous sommes satisfaits du projet de loi. Le travail est fait, on a débattu amplement et on a tous les ingrédients pour rapidement régler la situation et démontrer aux Canadiens que l'on se préoccupe de leur santé financière.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    Nous entendons maintenant les néo-démocrates et cela mettra fin à ce premier tour.
    Monsieur Angus, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président. C'est un honneur de siéger à ce comité.
    Si je lisais seulement la presse financière sur les faillites, je trouverais cela attristant: marchés et tragédies, et tout le monde qui essaie de faire de son mieux. Je viens d'une région minière, et nous avons vu comment les choses se passent. Nous avons vu comment la mine d'or Pamour, une exploitation aurifère extraordinaire, a été rachetée par Peggy Witte et la Royal Oak qui l'ont dépouillée de ses actifs et ont versé des bonus à tous les membres du conseil d'administration.
    Ils ont laissé tomber cette mine, ils se sont tous donné des parachutes dorés et ils sont partis. Ce comportement n'a pas été considéré comme criminel. Mme Witte a été désignée femme de l'année du secteur minier et les mineurs de la Pamour, dont beaucoup étaient blessés ou atteints de maladies, n'ont rien obtenu.
    Je veux demander au Congrès du travail du Canada si ce genre de situation se produit seulement dans ma région parmi les travailleurs de la classe moyenne, ou si c'est ainsi que les grandes entreprises canadiennes ont l'habitude de traiter les travailleurs et de s'acquitter de leurs obligations en matière de pensions?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pense que presque tous les témoins ici présents ont des exemples en tête, ce n'est donc pas une situation propre à une seule région. Pour être honnête, en plus de l'exemple que vous venez de donner, il y a aussi celui de Sears Canada, où tout ce qui s'est passé était légal. Tout ce qui est arrivé était permis. Voilà pourquoi nous sommes ici et pourquoi nous vous demandons de faire quelque chose, parce que personne n'est au courant des histoires de ces pensionnés et tout le monde pense que c'est juste et équitable et que c'est ainsi que les choses devraient se passer.
    Nous sommes d'accord pour dire que les travailleurs devraient avoir un bon emploi et une bonne retraite, mais ils sont mal servis par notre système. Les règles sont ainsi faites qu'ils peuvent se faire dérober leur argent. Nous savons qu'il faut changer ces règles afin de protéger les retraités. Comme l'a dit M. Lapierre, on ne peut les obliger à faire un choix entre la nourriture ou leurs médicaments.
    De plus, je pense qu'il est faux de prétendre que cela n'aide pas l'économie. Nous savons que la meilleure façon de bâtir notre économie est de mettre de l'argent dans les poches des travailleurs, qui sont également des consommateurs. Vous savez quoi? Cela signifie donner aux travailleurs assez d'argent pour qu'ils puissent faire des choix.
    Je vous remercie d'avoir présenté les choses ainsi. Vous avez tout à fait raison. C'est déchirant d'entendre des retraités et des pensionnés raconter leur histoire, mais c'est aussi un appel à l'action pour que nous changions les choses.
(1805)
    Je veux enchaîner sur cet appel à l'action parce que quand la mine Pamour a cessé ses activités et que la mine d'or Kerr-Addison, l'une des plus riches du pays, a été dépouillée de ses actifs, les pensionnés se sont retrouvés devant rien. Ils croyaient avoir fait des économies, mais on leur a menti. Ils ont ensuite constaté qu'ils seraient les derniers à recouvrer leur dû.
    Quand j'entends des gens dire que c'est tellement injuste de déplacer ces travailleurs dans l'ordre de priorité, eux qui ont passé leur vie au service de la compagnie et qui y ont laissé leur santé, et que nous nuirons aux affaires si nous faisons cela... L'histoire de la Pamour, c'était il y a 30 ans. J'aurais espéré que les choses changent, mais il y a eu Sears. Et on vient nous dire: « Oh, c'est seulement une entreprise traditionnelle, elle ne pourra jamais soutenir la concurrence. Et bla bla bla. » Sears était une sacrée bonne entreprise. Elle a été rachetée par un bandit des fonds spéculatifs, Eddie Lampert, qui l'a dépouillée. Et là aussi, tout était parfaitement légal.
    On a présenté un projet de loi qui était supposé protéger les travailleurs de Sears. Quelles leçons avons-nous apprises? Le projet de loiC‑97 a‑t‑il donné les résultats escomptés, ou laissons-nous encore ces bandits voler les fonds de pension et dépouiller de leurs actifs des entreprises qui fonctionnent bien?
    C'est exactement ce qui se passe. Nous accordons la priorité aux actionnaires et aux PDG et non aux pensions promises aux travailleurs ni aux prestations et aux salaires différés.
    Il faut apporter ces changements. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous aurons la même discussion dans 30 ans si nous ne prenons pas des mesures afin de protéger ces pensions et ces avantages contre toute tentative d'en tirer des profits arbitraires. Ces profits ne sortent pas du néant, mais des poches des pensionnés. C'est un scénario tout à fait injuste qui se joue.
    Il y a une différence entre un pensionné qui se fait dérober son argent et une banque qui subit une petite perte. Alors pourquoi intervient‑on? Dans le premier cas, vous risquez de perdre votre maison et de ne pas avoir les moyens de payer vos médicaments et de quoi manger. Dans le deuxième, vos profits sont peut-être un peu moins élevés. Je pense que nous devons nous demander sérieusement qui nous protégeons dans le système actuel.
    Certaines des préoccupations que nous avions au sujet de ce projet de loi concernaient une partie du libellé, et je crois comprendre d'après mes conversations avec mon collègue d'Elmwood—Transcona et d'autres collègues, qu'il faut y apporter des améliorations... Les néo-démocrates se sont toujours préoccupés de la protection des indemnités de cessation d'emploi et de départ. Lorsque Peggy Witte a quitté la mine Pamour, tout le monde s'est retrouvé le bec à l'eau. Les travailleurs se sont présentés au travail, mais il n'y avait plus de travail. Les indemnités de cessation d'emploi et de départ, les pensions, tous ces fonds avaient disparu.
    Dans quelle mesure est‑il important de prévoir explicitement cette protection dans la loi?
    Je vais demander à mon collègue, M. Roberts, de répondre. La raison pour laquelle il y a beaucoup d'amendements à ce sujet, c'est qu'il s'agit d'une question complexe et qu'il y a beaucoup de cas. Nous sommes heureux de voir que vous vous penchez là‑dessus.
    Monsieur Roberts, voulez-vous répondre de manière plus détaillée?
    Bien sûr, je vais répondre de mon mieux.
    Le programme de protection des salariés a été étendu aux prestations de cessation d'emploi. C'est une mesure très importante pour les travailleurs vulnérables. Ce serait formidable d'inclure cette protection dans ce projet de loi afin que les paiements dus soient également protégés.
    De plus, les avantages sociaux postérieurs à l'emploi, les autres prestations de retraite et avantages sociaux connexes sont extrêmement importants pour les travailleurs qui prennent leur retraite. Il n'en est pas question dans ce projet de loi.
    Il y a encore du travail à faire. Pour répondre à la question du député qui demandait comment nous pourrions en arriver à un consensus sur quelques propositions, je dirais que les propositions déposées par l'ACARR visant à temporiser les régimes au lieu de les liquider au pire moment possible, sont tout à fait sensées.
    Nous pouvons prendre de nombreuses mesures pour protéger pleinement les pensionnés et les participants à un régime, mais je pense qu'il faut commencer par les avancer dans l'ordre de priorité au lieu de les laisser tout au bas de la liste en cas d'insolvabilité...
    Je vous remercie, monsieur Angus.
    Chers collègues et témoins, nous entamons maintenant le deuxième tour de questions et la parole est aux conservateurs. Monsieur Lawrence, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci également aux témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais dire un bon mot pour les entreprises qui prennent le risque de mettre en place un régime de pension à prestations déterminées. Elles aident les Canadiens en comptant parmi les 9 % des entreprises qui offrent ce genre de régime et non des 91 % qui n'en offrent pas. Je crois que cela mérite d'être souligné publiquement.
    Cela dit, monsieur Gray et monsieur Dunlop, je vous ai entendu dire à maintes reprises que ces régimes de pension allaient être liquidés, et je n'ai pas entendu la moindre preuve de cela, aucune donnée, comme M. Powell l'a signalé.
    Mettriez-vous en jeu votre réputation professionnelle en disant que 50 % des régimes à prestations déterminées vont disparaître si le projet de loi est adopté, ou est‑ce 25, 10 ou 5 %? Est‑ce que l'un de vous est prêt à jouer sa réputation là‑dessus?
(1810)
    Je vais commencer.
    Je ne connais pas le nombre exact, mais je peux vous dire que lorsque je discute avec des clients, ils se disent inquiets.
    Dans le secteur privé, les régimes à prestations déterminées sont passés de 20 % à 9 % au cours des 20 dernières années. Les entreprises s'inquiètent de la disponibilité du crédit et de la hausse du coût du crédit. Il y en aura un certain nombre. Nous assisterons à des liquidations d'entreprises...
    Veuillez m'excuser, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Dunlop, quand je parle à des gens qui risquent de perdre leur pension, je dois utiliser des termes plus précis que « inquiets » et « un certain nombre ». Quand je regarde cela dans une perspective plus large, je constate que vous travaillez tous dans le domaine du risque. L'une des questions que nous nous posons, c'est quel est le capital-actions et qui est le mieux placé pour l'absorber?
    De toute évidence, monsieur Gray et monsieur Dunlop, nous devons convenir que les créanciers garantis, qui sont souvent de grandes sociétés transnationales multimilliardaires, sont mieux placés pour absorber ce risque qu'une personne de 74 ans qui a du mal à payer son loyer ou son hypothèque ou à se nourrir?
    Monsieur Lawrence, puis‑je répondre au nom de l'ACARR?
    Nous avons sondé nos membres. Certains des plus importants promoteurs de régimes de pension à prestations déterminées font partie de ce groupe. Nous leur avons posé la question suivante: Que feriez-vous si le projet de loi C‑228 haussait le coût de l'accès aux capitaux? Plus de 40 % ont répondu qu'ils liquideraient leur régime de pension à prestations déterminées. Incidemment, je peux vous dire que les discussions que j'ai le confirment. À mon avis, c'est le moyen le plus direct pour faire disparaître les régimes de pension à prestations déterminées dans le secteur privé.
    Je comprends ce que vous dites, mais pour être franc, je dirais qu'ils ont un parti pris. Que peuvent-ils dire d'autre? Vont-ils dire que c'est formidable, alors qu'il leur sera plus difficile d'obtenir des liquidités? Il y a eu des discussions à ce sujet. C'est facile d'en parler. En toute franchise, vous sous-entendez que c'est un passe-droit, qu'en changeant simplement la formule d'investissement, nous serons en mesure d'économiser encore plus, cela n'a aucun sens. Si vous augmentez le rendement, vous augmentez le risque. Qui va assumer ce risque? Au bout du compte, ce seront les retraités.
    C'est exact. Je suppose qu'il y a une différence entre investir dans des actifs sans risque, ou presque sans risque, et investir des actifs à risque modéré pour améliorer le rendement à long terme...
    Ce n'est pas une solution. Exposer les retraités à un risque élevé, ce n'est pas une solution raisonnable.
    Ce l'a été pour les pensionnés de Stelco et leur fonds de pension...
    Au casino, on peut parfois gagner et parfois perdre. Ce n'est pas juste pour les personnes qui perdent. Nos sociétés multimilliardaires sont capables d'absorber cette perte, elle ne devrait pas être mise sur le dos des pensionnés.
    Je vais vous demander s'il est juste ou non que les employés actifs n'aient plus de régime de retraite à prestations déterminées. C'est un choix. Vous choisissez entre...
    C'est justement ça le hic. Je vais vous poser la même question.
    Quand je pratiquais le droit, j'avais l'habitude de faire preuve de diligence raisonnable. En fait, s'il n'y a pas de risque, il n'y a pas de coût. Cela veut dire que si les entreprises gèrent leur régime correctement et avec diligence, comme elles sont censées le faire, il n'y aura pas de coûts supplémentaires. Le prêteur va examiner la situation et dire que l'entreprise a un beau régime de retraite — un régime à rentes viagères, qui ne pose aucun risque, qui sera payé et qui est conforme aux règles —, il n'y aura donc pas un cent d'intérêt de plus à payer. C'est seulement pour les entreprises qui font de mauvais investissements et qui sous-financent les employés qu'il y aura des coûts supplémentaires, et peut-être qu'il devrait y en avoir.
    Des études démontrent que le coût du capital augmentera pour les entreprises qui ont une bonne cote de solvabilité et qui offrent des régimes de pension à prestations déterminées. Nous pouvons vous faire parvenir ces études.
    J'ajoute que le fait qu'un régime de retraite soit bien financé à l'heure actuelle ne veut pas forcément dire qu'il le sera toujours. Les banques évaluent les risques. Elles évalueront le risque que ce régime pose. Cela fera grimper le coût du capital pour les répondants de régimes à prestations déterminées.
    Je répète que la mission de l'ACARR est d'aider les retraités, mais pas seulement de cette façon. Le problème, c'est la superpriorité. Dans notre mémoire, nous proposons aux parlementaires trois moyens leur permettant d'aider les retraités. Étant donné que 1,2 million de Canadiens ont un régime de retraite à prestations déterminées dont la valeur devrait également être reconnue, nous exhortons le Comité à poursuivre son étude de la question afin que vous puissiez affirmer qu'il n'y a aucun risque, ou que vous acceptez qu'un grand nombre de ces 1,2 million de retraités perdent leur pension à prestations déterminées parce que c'est le prix à payer pour ce projet de loi et que vous l'acceptez.
    Les études n'ont pas été réalisées pour évaluer cela.
(1815)
    Je vous remercie, monsieur Lawrence.
    Nous passons maintenant aux libéraux. Madame Dzerowicz, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Depuis quelques années, je suis ce dossier avec une grande attention parce qu'un certain nombre de travailleurs de ma circonscription ont été touchés par la faillite de Sears. Ils en sont encore très traumatisés.
    Avant de me lancer en politique, j'ai eu la grande chance de travailler une vingtaine d'années dans le milieu des affaires, en particulier dans les secteurs de la biotechnologie et des banques. D'après les lectures que j'ai faites, je pense que les entreprises savent longtemps à l'avance si elles déposeront leur bilan ou si elles ont l'intention de se restructurer. J'ai souvent constaté que les employés sont les derniers à être mis au courant, je crois donc que les pensionnés ont besoin d'une protection supplémentaire, beaucoup plus importante que celle qui existe déjà. Ils doivent être protégés à 100 %.
    Je tiens à remercier nos témoins de leur présence. Vos quatre exposés et vos réponses sont d'une importance capitale aujourd'hui, je vous remercie donc de votre patience.
    Ma première question est pour l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite.
    J'ai ici une note d'information de la Bibliothèque du Parlement qui dit à peu près la même chose que vous:
Les données de Statistique Canada montrent que le pourcentage de travailleurs rémunérés couverts par un régime de pension à prestations déterminées dans le secteur privé est passé de 21,3 % en 2000 à 9,6 % en 2020. Au cours de cette période, de nombreux employeurs ont abandonné leurs régimes de pension à prestations déterminées en partie en raison des exigences volatiles et coûteuses de financement associées à ces régimes.
    Ma question est la suivante: Est‑ce là une tendance assez généralisée de convertir les régimes de pension à prestations déterminées en régimes à cotisations déterminées? J'aimerais savoir ce que vous en pensez, car vous avez laissé entendre que l'adoption du projet de loi risquerait d'accélérer la liquidation de régimes à prestations déterminées.
    Bien sûr. Je vais commencer et M. Dunlop pourra intervenir.
    Le déclin du régime de retraite à prestations déterminées dans le secteur privé est connu. C'est une tendance que les assemblées législatives provinciales de tout le pays ont tenté de renverser en modifiant légèrement les obligations de financement et, dans bien ces cas, en remaniant les obligations de financement afin que les régimes de retraite puissent être pérennisés et pour encourager davantage le maintien des régimes de retraite à prestations déterminées.
    Ce projet de loi va à l'encontre de toutes ces initiatives.
    Je vais laisser la parole à M. Dunlop.
    Je répète que nous croyons fermement en la valeur du régime à prestations déterminées pour les participants. Nous reconnaissons sa valeur et c'est pourquoi nous essayons de trouver une solution et peut-être de...
    Désolée de vous interrompre. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que nous souhaitons tous ardemment que les régimes à prestations déterminées...
    Oui.
    ... mais là où je veux en venir, c'est que vous avez déjà constaté que des entreprises commencent à abandonner ces régimes.
    Avez-vous une idée du nombre?
    Nous croyons que ce projet de loi risque d'accélérer le déclin bien en deçà des 9 %. Cela laisse donc le groupe actif qui accumule ces prestations avec des prestations moindres.
    C'est ce qui nous préoccupe.
    Je pense que mon collègue a déjà posé une partie de la question. Je veux être très claire. Si ce projet de loi est adopté, diverses propositions sont à l'étude pour sa mise en œuvre, que ce soit dans un an, dans trois ans ou dans cinq ans.
    Selon vous, si le projet de loi était adopté, dans combien d'années pourrait‑il être mis en œuvre?
    En général, il serait préférable de laisser les entreprises examiner leurs emprunts et leurs conventions collectives. Un délai de cinq ans nous semble donc raisonnable.
    Je vais passer à M. Gray.
    Vous avez mentionné un certain nombre de risques. Vous parliez, je pense, de prêts provisoires et de l'impact sur les taux d'intérêt. Vous avez mentionné certains risques.
    À votre avis, quel serait le délai pour la mise en œuvre ou l'entrée en vigueur du projet de loi, si l'on veut dissiper certaines des préoccupations que vous avez mentionnées?
(1820)
    Je suis d'accord avec M. Dunlop pour dire que le plus tard serait le mieux. Compte tenu des cycles d'évaluation des régimes de retraite et des préavis qu'il faut envoyer aux participants, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration... je dirais sept ans.
    Très bien.
    Je tiens à remercier chaleureusement l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite d'avoir présenté trois propositions.
    Monsieur Gray, avez-vous d'autres propositions à faire, si jamais nous apportons des amendements à ce projet de loi afin que les pensions des retraités demeurent intactes, mais aussi pour dissiper certaines des préoccupations que vous avez soulevées au sujet des entreprises?
    Nous avons cosigné une lettre avec l'ACARR concernant les propositions. N'hésitez pas à consulter le site Web de notre comité.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Dzerowicz.
    C'est maintenant au tour des bloquistes. Monsieur Ste‑Marie, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
     J'aimerais entendre les commentaires de M. Lapierre d'abord, puis, s'il reste du temps, de M. Powell.
    On vient de parler de beaucoup d'éléments en lien avec les risques qu'auraient à gérer les entreprises et les gestionnaires de caisse de retraite si le présent projet de loi était adopté.
     Selon vous, est-ce que ces risques sont insurmontables? Le jeu en vaut-il la chandelle? Est-ce qu'on est capable de vivre avec ces risques?
    Je veux juste m'assurer de bien comprendre votre question, monsieur Ste‑Marie.
    Parlez-vous de la possibilité que les entreprises convertissent leur caisse de retraite en un régime à cotisations déterminées?
    Si vous voulez. En fait, prenez l'angle que vous voulez pour répondre à ma question. Ce risque est un de ceux soulevés si le projet de loi était adopté.
    Pour ma part, je ne crois pas que ce risque soit si grand. La majorité des régimes à prestations déterminées se retrouvent dans de grandes entreprises fortement syndiquées. On sait qu'à peine un peu plus de 9 % des travailleurs rémunérés sont couverts par un régime de pension à prestations déterminées.
    Si une entreprise voulait migrer vers un régime à cotisations déterminées, cela devrait donc se faire dans le cadre d'un processus formel de négociations. Si les parties conviennent de ce changement en fonction de leur droit à la libre négociation, c'est correct et on va les laisser prendre cette décision.
    Toutefois, je ne vois pas pourquoi les entreprises décideraient subitement de migrer vers un régime à cotisations déterminées parce qu'il y a des risques. Si les risques les effraient, elles n'ont qu'à capitaliser le régime de retraite. Cependant, ce n'est pas si simple que cela et elles ne voudront pas capitaliser ce régime de retraite, y investir de l'argent. Elles vont supposer, par analogie, qu'elles peuvent très bien vivre avec ce risque.
    On ne peut pas ne pas investir d'argent sans que cela ne soulève des risques par la suite. À un moment donné, il faut être conséquent. Si une entreprise ne veut pas prendre de risques, il faut qu'elle capitalise son régime de retraite. Pourtant, la législation permet qu'on ne capitalise pas un régime de retraite. Acceptons donc l'état actuel du droit et de la législation.
    J'aime bien votre analyse.
    Monsieur Powell, avez-vous un commentaire à rajouter à ce sujet?

[Traduction]

    Là encore, les entreprises ont beaucoup de ressources pour gérer les risques. Je vais revenir aux données. Regardez le pourcentage d'entreprises qui ont tendance à sous-financer leur fonds de pension, c'est un choix qu'elles font, rien ne les y oblige. C'est pour avoir des liquidités qu'elles font ce choix.
    Je vous remercie, monsieur Ste‑Marie.

[Français]

     C'est noté, merci.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Angus. Vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lapierre, mon grand-père, Charlie Angus, était métallo. Il est décédé à la mine, à l'aube de ses 70 ans, parce qu'à l'époque, les mineurs travaillaient jusqu'à leur mort. Je suis récemment descendu sous terre dans une mine d'or de Timmins et j'y ai rencontré un homme de 70 ans qui faisait du forage. Ce sont normalement les jeunes qui opèrent les foreuses. Cet homme continuait à travailler parce que son régime de retraite l'a laissé tomber.
    Certains de nos témoins ainsi que des gens des affaires nous conseillent d'attendre encore et de poursuivre notre réflexion parce que ce projet de loi risque d'avoir une incidence sur les capitaux. Quelle incidence aura‑t‑il, selon vous, sur les métallos, surtout sur ceux dont le régime de retraite est sous-financé?

[Français]

    Cela va certainement les rassurer. À mon avis, cela va surtout démontrer l'importance du travail des parlementaires, qui sont notamment élus pour défendre le bien commun et la classe moyenne et pour trouver un juste équilibre.
     Nous, nous voulons que les entreprises et les travailleurs fassent de l'argent. Nous voulons que les travailleurs vivent bien. Cela étant dit, quand on leur promet une rente au moyen d'un régime à prestations déterminées, il faut tenter d'honorer cette promesse. À tout le moins, il faudrait mettre en place un processus pour minimiser les répercussions négatives sur les travailleurs.
     Je répète que la future loi ne garantit évidemment pas que les travailleurs vont récupérer tout l'argent promis. Cependant, elle augmente leurs chances.
    Je vous donne l'exemple de la minière Cliffs Natural Resources, qui avait une usine à Sept‑Îles et qui a déclaré faillite. La Ville de Sept‑Îles a récupéré 10 millions de dollars de taxes impayées. En parallèle, il manquait 10 millions de dollars à la caisse de retraite pour atteindre 100 % de sa capitalisation.
    Les citoyens sont tous des contribuables, mais une municipalité peut mutualiser ses pertes. Dans le cas présent, la Ville aurait très bien pu emprunter de l'argent et le rembourser sur une période de 20, 30 ou 40 ans. Ainsi, les conséquences pour les citoyens auraient été minimes.
     Une Ville ne meurt pas, mais un retraité, oui. À 70, 80 ou 90 ans, la conjointe survivante est seule au bâton, seule face à l'adversité. On ne peut pas la laisser seule. On ne peut pas laisser les gens vivre de la détresse et de l'anxiété. On ne peut pas les laisser dans l'incompréhension.
    En adoptant ce projet de loi, les parlementaires des partis de l'opposition et du parti au pouvoir enverraient le message qu'ils sont capables de changer les choses.
(1825)
    D'accord. Je vous remercie.
    Merci, monsieur Angus.

[Traduction]

    Nous passons maintenant aux conservateurs.
    Monsieur Morantz, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai écouté très attentivement. C'est une discussion très intéressante.
    J'aimerais avoir des précisions sur quelques points. Je vais commencer par vous, monsieur Powell.
    L'une des préoccupations que je partage avec M. Gray et le milieu des affaires, c'est l'idée que si le régime de pension a priorité sur les créanciers garantis, ceux‑ci voudront étudier l'entente qui leur est présentée et évaluer le risque. Ils voudront savoir exactement à quoi ils s'engagent. Ils examineront et évalueront également les taxes foncières ou tout autre coût pouvant être payables en priorité au prêteur en vertu de la loi actuelle.
    L'un des points qui ont été soulevés concerne les éléments de preuve sur lesquels s'appuie le milieu des affaires pour dire que les prêteurs vont reculer et décider de ne pas investir dans un secteur donné ou, s'ils le font, qu'ils augmenteront leur facture à cause du risque inhérent perçu.
    Je reviens à votre déclaration préliminaire, parce qu'il y a une chose que je n'ai pas bien comprise. Vous avez parlé de ce qui est arrivé en 2005 et je ne sais pas de quoi il s'agit. Vous avez dit que cela pourrait avoir un effet secondaire sur le risque pour les prêteurs. Avez-vous des preuves de cela? Pouvez-vous m'expliquer ce que vous vouliez dire, parce que je veux être certain de bien comprendre. Est‑ce que la loi dont vous parliez plaçait les régimes de retraite pari passu ou en priorité par rapport aux créanciers garantis?
    Désolé. J'avais tellement à dire que j'ai parlé un peu trop rapidement.
     En 2005, la Loi sur le Programme de protection des salariés a été adoptée, et le programme en question a donné préséance aux salaires et indemnités non payés, entre autres. Le problème, c'est ce qui se passe quand quelque chose devient une superpriorité. Je vais citer l'Institut d'insolvabilité du Canada, mais on trouvera ces mêmes propos chez d'autres organisations analogues. Selon l'Institut, il pourrait y avoir de lourdes conséquences sur la productivité et l'emploi au Canada puisque les entreprises auront plus de difficulté à obtenir du financement, et leurs coûts pourraient augmenter considérablement.
    C'est ce que nous avons entendu dire aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑228, mais personne n'a fourni de données indiquant que l'on puisse attribuer des effets négatifs au programme. S'il s'agissait d'une mesure aussi draconienne, s'il devait y avoir une catastrophe financière, nous devrions avoir des données. Ce sont des choses que les gens surveillent.
     C'était une loi fédérale?
    Oui. C'était le projet de loi C‑55. Il a été débattu en 2005 et adopté. Je n'ai pas la date exacte sous les yeux, mais la loi a été adoptée en 2005.
    Qu'est‑ce que la Loi sur le Programme de protection des salariés a fait de différent de ce qui est envisagé dans ce projet de loi?
    Elle couvrait divers aspects. Comme elle avait pour objet de protéger les salariés et que chaque entreprise en procédure d'insolvabilité a des employés, la loi a eu une incidence sur chaque cas d'insolvabilité depuis son entrée en vigueur.
    Il ne s'agit que de 9 %, c'est‑à‑dire des entreprises qui deviennent insolvables, qui ont un régime à prestations déterminées et qui ne l'ont pas entièrement financé. M. Blaikie a fait valoir ce point lundi, à savoir que leur nombre continue de diminuer.
(1830)
    Mon temps est limité, alors je vais passer à Mme Boctor pour un instant.
    Madame Boctor, quant à placer les régimes de pension en situation de superpriorité, peut‑on affirmer à juste titre que l'une des raisons pour lesquelles rien ne prouve que les prêteurs pourraient tenir compte du risque d'accorder des crédits supplémentaires ou refuser de prêter, c'est que les régimes de retraite actuels ne sont pas considérés comme des superpriorités. Il n'y aurait donc pas moyen de mettre cette théorie à l'épreuve?
    Je pense qu'il est possible de mettre cette théorie à l'épreuve en fonction des restructurations précédentes. Par exemple, nous pouvons voir dans un cas à Sault Ste. Marie, en Ontario, que M. Lapierre connaît sans doute très bien, que la loi qui a été adoptée pour permettre aux prêteurs de prêter à l'entreprise une fois qu'elle a été restructurée prévoyait une exemption des dispositions de la loi ontarienne sur la fiducie réputée. Les prêteurs ont refusé de prêter à moins que la Loi sur les régimes de retraite de l'Ontario ne soit modifiée pour éliminer la fiducie réputée. Les membres syndiqués de cette aciérie ont accepté ce changement. C'était la seule condition pour obtenir du financement...
    Je suis désolé. Il ne me reste que 15 secondes, et j'aimerais vous poser une autre petite question.
    Selon votre sondage, 40 % de vos membres ont dit qu'ils allaient fermer leurs régimes de retraite à prestations déterminées. Sur les 9 % des régimes qui existent encore, combien de Canadiens seraient touchés, si votre sondage est exact?
    Les 9 % représentent 1,2 million de travailleurs canadiens qui accumulent un régime de retraite à prestations déterminées. En supposant que ce soit réparti de manière uniforme, 40 % d'entre eux seront touchés.
    Merci, monsieur Morantz.
    Nous allons maintenant passer aux questions des libéraux.
    Madame Chatel, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Nous nous entendons à peu près tous pour dire que les caisses de retraite et les pensions doivent être protégées. Nous en sommes profondément convaincus. Le gouvernement est là pour s'assurer que les droits des travailleurs et des pensionnés sont respectés.
    Selon moi, nous avons un problème, non pas avec toutes les pensions, mais plutôt avec les régimes de pension à prestations déterminées. Je note qu'il y a déjà un déclin de ce genre de régimes, sauf en ce qui concerne la fonction publique, et je pense que ce déclin est inévitable à cause des risques que ces régimes posent. Toutefois, il s'agit d'un autre sujet.
    Monsieur Lapierre, comme vous l'avez dit, une pension, c'est un salaire négocié et différé. Il est donc important que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour potéger les caisses de retraite.
     Cependant, il est tout aussi important de ne pas créer accidentellement une situation qui pourrait être pire pour les travailleurs et les pensionnés. Je pense que personne autour de la table ne veut cela. Or, un élément de ce projet de loi m'inquiète. En effet, il pourrait empêcher la restructuration de certaines entreprises. Une entreprise qui se dirige vers la faillite peut choisir de se restructurer et d'ainsi suver les emplois actuels et la caisse de retraite. Cependant, j'ai entendu des témoins nous dire cette semaine que le projet de loi pourrait poser un problème à cet égard.
    Monsieur Lapierre, je pense que vous avez apporté une solution et je veux m'assurer de bien la comprendre. Je m'inquiète beaucoup des obstacles qui pourraient empêcher une restructuration d'aller de l'avant. Vous proposez de conserver dans l'ordre de priorité les prêts octroyés par les banques, tout juste devant les caisses de retraite. De cette façon, non seulement les pensionnés avanceraient dans l'ordre de priorité, mais cela permettrait aussi de continuer à garantir la survie des entreprises, tout en accordant aussi une priorité aux banques. Ai-je bien compris?
     Vous avez très bien compris, madame Chatel.
    Je vous remercie, cela me rassure.
    Madame Vipond, ma prochaine question s'adresse à vous.

[Traduction]

     Êtes-vous d'accord pour dire que les banques devraient avoir la priorité sur les pensions et permettre la restructuration pour sauvegarder les emplois et les pensions?
    De toute évidence, sauver des emplois est un facteur très important, et il faut que cela se fasse, mais nous ne pensons pas que la superpriorité ou la discussion que nous avons aura autant d'impact que ce qui est proposé.
    M. Roberts peut donner des précisions.
(1835)
    Il importe de retenir que, dans le cadre des procédures en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, les créanciers et les promoteurs pourraient se valoir de la crainte de tout perdre en liquidation pour obtenir des réductions dévastatrices pour les participants au régime. Les retraités et les autres participants au régime se trouvent dans une situation très difficile, mais il en est qui n'en sont même pas conscients. Ils n'ont aucun pouvoir de négociation. On l'a vu à l'Université Laurentienne, ce qui est un excellent exemple. La crainte d'être au bout de la liste d'attente en cas de faillite et de liquidation ne leur permet pas de résister à une réduction vraiment draconienne de leurs prestations de retraite.
    Ce que nous demandons ici, c'est de donner aux participants au régime un certain pouvoir de négociation dans le cadre du processus de restructuration afin que, oui, les entreprises puissent se restructurer, car c'est une préoccupation croissante, mais pas seulement ou principalement sur le dos des participants au régime.
    Par souci de clarté, vous convenez avec M. Lapierre que ce serait une façon de sauver la capacité des entreprises de se restructurer.
    Je viens de dire le contraire. Si les participants au régime sont toujours derrière les créanciers garantis dans la priorité des réclamations en vertu de la Loi sur la faillite, ils n'auront pas le pouvoir de négociation ou la position nécessaire dans la restructuration pour obtenir de meilleurs résultats.
    Il est facile de parler d'un bon processus de restructuration, mais il y a aussi des coûts énormes. Pour donner aux participants au régime, aux travailleurs et aux pensionnés un peu plus de place dans le processus de restructuration, ils devraient passer avant les créanciers garantis.
    Madame Boctor, j'aimerais connaître votre position. Y a‑t‑il moyen d'accorder la priorité aux banques plutôt qu'aux régimes de retraite pour permettre aux entreprises de se restructurer et de sauver des emplois? Est‑ce que ce serait une solution?
    Accorder la priorité aux banques sur les pensions...? Je ne suis pas sûre de comprendre la question.
    M. Lapierre a mentionné plus tôt que l'un des principaux problèmes était la restructuration des entreprises en faillite. Si les pensionnés sont une superpriorité, cela ne permet pas la restructuration. Pensez-vous que le fait d'accorder la priorité aux banques, puis aux pensions, permettrait de restructurer l'entreprise?
    Vous me demandez si ce serait un bon compromis si le déficit des pensions se situait derrière les créanciers garantis, mais avant les créanciers non garantis.
    Je dirais que ce serait peut-être un bon compromis dans certaines situations. L'insolvabilité en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies peut être très complexe et nuancée. Tout dépend de la valeur de liquidation de la société, de la position de tous ces créanciers et de ce qu'il reste à faire. Il se peut que les créanciers garantis récupèrent tout et qu'il ne reste plus rien pour les retraités. Il se peut que ce soit suffisant pour les paiements à des créanciers non garantis, même après le déficit des pensions. Cela dépend vraiment de la loi...
    Merci. Nous avons dépassé le temps alloué.
    Nous en sommes à notre troisième série de questions; nous n'avons tout simplement pas assez de temps pour un troisième tour complet. Nous répartirons donc le temps également. Chaque parti disposera d'environ cinq minutes.
    Mme Gladu, du Parti conservateur, dispose de ses cinq minutes ou plus.
    Merci, monsieur le président.
    Merci encore à nos témoins.
    Monsieur Powell, l'un des mécanismes prévus dans le projet de loi C‑228 est la possibilité pour une entreprise qui a un fonds insolvable d'y transférer de l'argent sans aucune répercussion fiscale, afin qu'elle puisse compléter le fonds et redresser la situation. Vous avez parlé de Stelco et du fait que les pensionnés ont pu toucher leur pension grâce à un apport de revenus dans le fonds de la société. Pouvez-vous nous décrire ce qui s'est passé?
     C'est vraiment compliqué.
    Pour simplifier, le nouvel acheteur n'assumerait pas toute la responsabilité. Il a accepté d'y injecter des fonds régulièrement. Si Stelco faisait plus d'une certaine marge de profit, les pensions en tiraient un revenu. On leur a aussi donné un pourcentage du terrain et des installations. Tout cela a été versé.
    Cela a permis aux gens qui administrent le régime de le maintenir assez stable, mais ils ont reçu cette injection d'argent frais pour le renforcer. En l'absence d'une source pour cet argent, comme dans le cas de Sears, on risque de... Qui va gérer le risque et en être responsable? La personne qui gère les régimes peut dire qu'elle n'a pas d'argent et qu'elle ne peut donc pas prendre de risque, et il n'y aura donc pas de croissance. C'est là qu'on tombe sur...
    Je tiens également à souligner que, du moins depuis la semaine dernière, l'une des pensions de Stelco n'a pas été transformée en rentes et qu'elle fait toujours partie de ce programme. Il s'agit du plan salarial de Stelco pour l'aciérie du lac Érié, qui est membre de mon organisation.
(1840)
    La société Stelco a‑t‑elle constaté des répercussions du fait que les banques ne voulaient pas lui accorder des crédits ou autre effet de la sorte?
    Je ne sais pas.
    Permettez-moi de parler un peu de la date d'entrée en vigueur.
    Pour la gouverne des membres du Comité et de ceux qui n'étaient pas ici l'autre jour, nous avons entendu dire que le choix d'un jour civil pour l'entrée en vigueur du projet de loi C‑228 posait problème. On craignait que, si des entreprises devaient faire face à des procédures de faillite, elles seraient obligées de changer de mesures à mi‑chemin. J'ai consulté la greffière législative qui m'a confirmé que ce n'est pas le cas. L'entrée en vigueur signifie... Les nouvelles mesures ne viseront que les procédures de faillite qui commenceront après l'entrée en vigueur. Je tenais simplement à ce que les membres du Comité le sachent.
    Nous avons également entendu des fonctionnaires du ministère dire que les régimes de retraite gérés par le gouvernement fédéral avaient cinq ans pour devenir solvables. Monsieur Powell, vous avez des données qui laissent entendre qu'ils sont insolvables depuis plus de cinq ans. Qu'en dites-vous?
    C'est une des grandes conceptions erronées que l'on a au sujet des régimes de retraite sous réglementation fédérale. Lorsqu'on dit que l'on dispose de cinq ans pour rembourser le déficit, tout le monde conclut d'emblée que, cinq ans après ce déficit, la caisse de retraite est entièrement capitalisée. Il n'en est rien. Ils ont cinq ans pour rembourser ce déficit.
    Dans le programme fédéral, s'il y a un déficit l'an prochain, on prend ce qui est dû la première année et on l'ajoute à la deuxième année et on obtient cinq années de plus. Avec la troisième et la quatrième année... C'est un excellent incitatif. En fait, j'ai appelé l'Agence du revenu pour m'informer et on ne me laisse pas faire cela avec mes impôts.
    Des voix: Oh, oh!
    Oui, eh bien, nous n'avons pas assez de temps ce soir pour aborder toutes les questions qui relèvent de Revenu Canada.
    D'après ce que je comprends de la situation à laquelle nous faisons face aujourd'hui, il y a eu 10 ans de discussions sur ces projets de loi. Nous avons certainement été très près, dans l'ancienne législature avant les élections, de convenir que la priorité suggérée ici — avant les créanciers garantis, les créanciers privilégiés et les créanciers non garantis — est bonne. À l'heure actuelle, les régimes à prestations déterminées sont financés à 109 %, en moyenne, au gouvernement fédéral. C'est une bonne situation.
    Les gens ont traversé une pandémie, et les banques leur ont accordé d'énormes crédits pour les aider à s'en sortir ou à poursuivre leurs activités. Il me semble qu'avec cela, nous en sommes à point nommé dans l'histoire pour enfin protéger les travailleurs et leurs pensions et trouver le juste équilibre.
    Encore une fois, je tiens à remercier tous les témoins de leurs commentaires et de leurs idées.
    Je vous redonne la parole, monsieur le président.
    Merci, madame Gladu.
    Nous passons maintenant aux libéraux.
    Le secrétaire parlementaire Fillmore a la parole pour cinq minutes.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci encore aux témoins d'être là en personne et en mode virtuel.
    Je ne pense pas qu'il y ait une seule personne dans la salle ou sur appel qui ne soit pas d'accord avec l'idée que nous nous devons de mieux faire pour les retraités du Canada, et qu'il leur appartient de retirer l'argent ou les capitaux qu'ils ont investis dans ces entreprises à compter de la retraite. Bien sûr, l'argent qu'ils retirent n'est pas seulement celui qu'ils y investissent; c'est aussi l'argent gagné par les employés actifs et par le travail continu de l'entreprise pendant que les retraités sont à la retraite.
    Ce que nous entendons — assez clairement, je crois —, c'est que les pensions sont une superpriorité pour les pensionnés. Or, ils ont beau se sentir moralement en droit de recevoir leur pleine pension et croire au pouvoir de négociation que cette superpriorité peut leur donner, cela ne change rien au calcul brutal de ce qui se produit lorsqu'une entreprise doit plier bagage et n'est pas en mesure de se restructurer, justement à cause de la superpriorité des pensions. Il y a ce qui nous semble juste, et ensuite il y a le calcul. C'est entre les deux que nous nous retrouvons actuellement.
    Ce qui ressort de notre conversation d'aujourd'hui, c'est que nous entendons deux points de vue. Il y a peut-être le côté de l'Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite, qui parle au nom des employeurs — les entreprises et les gens qui fabriquent et produisent des biens — et le côté des gens qui parlent au nom des retraités à l'autre bout de l'engrenage, qui reçoivent ce qui leur revient de droit. Ce que nous entendons du premier groupe, c'est que l'engrenage est menacé par la superpriorité des pensions.
    J'aimerais m'adresser à Andrea Boctor et à Ross Dunlop, si vous me le permettez, pour revenir aux aspects pratiques. Nous allons reprendre les calculs purs et simples, si vous voulez.
    À l'heure actuelle, le projet de loi place les pensionnés dans une position de superpriorité par rapport aux créanciers garantis et non garantis. Puis‑je vous demander votre avis sur un amendement au projet de loi qui introduirait une superpriorité plafonnée? Nous l'avons vu dans d'autres pays. Cela continuerait de faire passer les retraités avant les créanciers garantis et non garantis, etc., mais ce serait plafonné, augmentant par là les chances et la marge de manœuvre des entreprises pour se restructurer.
    Puis‑je avoir votre avis à ce sujet?
(1845)
    La mise en œuvre d'une superpriorité, à l'instar de ce que fait la Loi sur le Programme de protection des salariés, de quelques milliers de dollars par pensionné ou par membre, ou quelque chose de cette ampleur qui peut être calculé et réservé par les banques, réglerait très probablement le risque associé à l'accès au capital que nous voyons. Dans notre documentation, nous appuyons l'idée d'une priorité par membre qui ne soit pas volatile, qui soit calculable et qui soit compréhensible.
    Je suis d'accord.
    S'il y avait un plafond défini d'un certain montant par membre, au moins les prêteurs le sauraient et seraient en mesure d'évaluer le risque. Le problème, c'est qu'ils essaient d'évaluer à la fois l'actif et le passif du régime, qui varient constamment en raison des fluctuations de la courbe de rendement.
    Il serait très utile qu'ils évaluent la situation, et ce serait un bon compromis.
    Si on vous demandait de choisir entre — je ne veux pas vous mettre dans l'embarras —cette option et une option dont nous avons entendu parler plus tôt aujourd'hui, qui consistait à placer le passif des régimes de retraite juste en dessous des créanciers garantis et des banques, y aurait‑il une préférence compte tenu des calculs et des résultats positifs potentiels?
    Pour certaines des options que nous proposons, il ne s'agit pas de privilégier l'une par rapport à l'autre, mais simplement de garder ce fonds de pension en vie et de le gérer pour le mieux.
    Ce que nous voulons surtout dire, c'est que nous représentons des gens qui gèrent des régimes de retraite au quotidien. Ils traitent avec des millions de participants chaque année. En toute honnêteté, nous compatissons entièrement avec les retraités et nous convenons qu'il faut en faire davantage, mais nous ne croyons pas qu'une superpriorité soit la bonne approche. C'est une approche qui n'est utilisée nulle part dans le monde en raison de la perturbation qu'elle cause aux régimes financiers et investissements.
    Nous proposons simplement une autre option que le gouvernement peut facilement mettre en œuvre sans interruption.
    D'accord.
    On préconise une période d'application de trois ans pour le projet de loi. Nous avons entendu dire qu'il serait préférable de viser sept ans. J'ai aussi entendu proposer cinq ans. Selon vous, quelle serait la période d'application idéale?
     Je pense que nous sommes en faveur d'une période de cinq à sept ans, et voici pourquoi: il s'agit d'environ deux cycles d'évaluation pour un régime de retraite. Cela permettrait aux promoteurs des caisses de retraite de renégocier les arrangements de prêts et les conventions collectives dans la mesure où ils doivent le faire pour pouvoir continuer d'avoir accès à des capitaux de façon transparente, puis de procéder à la liquidation, au besoin. Il faut de 18 à 24 mois pour liquider un régime de retraite, et ce, pour diverses raisons.
    Compte tenu de tout cela, nous pensons que cinq à sept ans nous donneraient suffisamment de temps pour nous adapter.
    Merci.
    Votre temps est écoulé, monsieur Fillmore.
    Nous allons passer au Bloc et au député Ste-Marie pour cinq minutes ou plus.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Avant de poser ma question, j'aimerais faire un commentaire. Je crois que cela fait à peu près une vingtaine d'années que la Chambre débat de projets de loi semblables à celui-ci, dans le but de mieux protéger les caisses de retraite.
     Comme on l'a déjà mentionné au cours de la présente réunion, le problème, c'est que, pour avoir plus d'argent ou de liquidités, qui lui permettent de générer plus de bénéfices, l'entreprise choisit volontairement de sous-capitaliser sa caisse de retraite. Ce problème doit être corrigé. Les bénéfices de l'entreprise sont faits sur le dos des revenus futurs des travailleurs et des travailleuses, ce qui entraîne une grande iniquité. Cmme on l'a mentionné, il s'agit de grandes entreprises, qui ont les reins solides et qui sont très habiles en matière de finances.
     Ce n'est pas le cas des retraités. Lorsque les travailleurs ou les travailleuses perdent 10 % de leur caisse de retraite, ils peuvent se retrouver dans une mauvaise situation, puisque cela peut faire quelques décennies que leur pension n'a pas été indexée. On doit intervenir.
    Je trouve amusant qu'on dise qu'il faut faire quelque chose, mais pas ce que propose le projet de loi qui est devant nous. Pourtant, ce dernier est tangible. À mon avis, il est un peu trop tard pour revenir en arrière. J'aime le fondement et le principe du présent projet de loi. Encore une fois, je salue la députée qui l'a présenté.
    Comme le disait ma collègue Sophie Chatel, nous ne voulons pas qu'un projet de loi crée plus de mal que de bien. C'est la raison pour laquelle tous les projets de loi sont étudiés en comité. C'est aussi pour cette raison que le Comité permanent de l'industrie et de la technologie a étudié un projet de loi semblable qu'a présenté ma collègue Marilène Gill.
    Les gens autour de la table nous ont donné de bonnes solutions et cela nous rassure. La gestion des risques ne sera pas aussi compliquée que certains le laissent croire et, comme on l'a entendu, cela forcera peut-être les entreprises à bien capitaliser leur caisse de retraite à prestations déterminées.
    Monsieur Lapierre, vous avez dit tantôt qu'en vertu de la loi actuelle, les retraités d'une entreprise en faillite perdent non seulement une partie de leur caisse de retraite, mais aussi leur assurance-médicaments, ce qui est très grave. Comme le disait ma collègue Mme Gill, il est difficile pour quelqu'un de 80 ans de se trouver un nouvel assureur ou une nouvelle assurance-médicaments, et de la payer avec un revenu moins élevé.
    J'aimerais que vous me donniez plus de détails quant à cette réalité. Au quotidien, qu'est-ce que cela représente pour les retraités et pour les conjoints survivants?
(1850)
    Je vous remercie de votre question, monsieur Ste‑Marie.
    Plusieurs conventions collectives prévoient effectivement que les retraités conservent une partie de leur assurance collective, dont l'assurance-vie et l'assurance-médicaments. Ces deux assurances sont très importantes puisque, plus on vieillit, plus on est à risque et moins on devient assurable.
    On a donné l'exemple de la faillite de la minière Cliffs Natural Resources, après laquelle des retraités ont perdu leur assurance-vie et leur assurance-médicaments. Comme on l'a dit, il est impossible pour une personne de 80 ans ou plus de souscrire à une nouvelle assurance-vie. Cela lui cause une grande détresse, puisqu'elle se demande ce qu'elle pourra laisser à sa conjointe ou à son conjoint et à ses enfants. Cela s'ajoute au grand stress provoqué par la perte de revenus découlant de la diminution de la caisse de retraite. Ces personnes vivent des drames et de l'anxiété, et il faut répondre à cette détresse humaine.
    Je vous remercie de votre réponse.
    Souhaitons que ce projet de loi aille de l'avant et permette plus d'équité pour les travailleurs et les travailleuses et pour les retraités.
    Personnellement, je pense qu'il est très grave de ne plus avoir accès à une assurance-vie ou à une assurance-médicaments. C'est un autre argument en faveur de l'adoption du projet de loi.
    Comme vous l'avez dit dans votre allocution, nous sommes des législateurs.
    Chers collègues, il est donc temps de légiférer.
     Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

     Nous allons maintenant passer à notre dernier intervenant, du NPD.
    Le député Angus mettra fin à cette série de questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité et de m'avoir permis de participer à cette discussion fascinante.
    Je me souviens de l'époque où les travailleurs de Nortel sont venus à Ottawa après avoir été privés de leur pension — aux États-Unis, l'écart de 514 millions de dollars était couvert par la Pension Benefit Guaranty Corporation — et je me souviens que des députés de tous les partis se sont manifestés. Ils ont tous dit qu'ils étaient désolés.
    Nous ne parlons pas ici des funérailles de quelqu'un; nous parlons d'une politique qui a échoué. Nous sommes là pour discuter si nous allons oui ou non modifier la politique pour protéger les pensions.
    Mes collègues libéraux ont proposé un amendement à ce projet de loi qui imposerait un plafond aux prestations versées aux retraités afin de ne pas laisser injustement de côté les exploitants de fonds spéculatifs ou les banques.
    Monsieur Powell, pensez-vous qu'un plafond sur ce que les pensionnés devraient obtenir serait équitable? Est‑ce que vous le suggéreriez pour ce projet de loi? Est‑ce qu'un plafond sur ce que les pensionnés reçoivent — les pensionnés qui ne reçoivent pas ce qu'ils méritent par rapport à ce qu'ils ont payé — serait une option raisonnable pour nous?
(1855)
    Ce n'est qu'une autre tentative de prendre le risque que l'employeur a accepté d'assumer, volontairement et librement, et de le transférer aux retraités.
    Cela faciliterait les calculs, mais le gros problème, c'est que les mêmes affirmations qui ont été faites aujourd'hui ont été faites en 2005 au sujet du Programme de protection des salariés. Or, si vous ne pouvez pas fournir de données qui montrent que ce programme a été catastrophique, je ne vois pas comment vous pouvez accepter qu'il y ait un problème avec celui‑ci. C'est une question de calcul.
    J'aimerais poser la question suivante au Congrès du travail du Canada. D'après votre expérience avec vos travailleurs... Les libéraux ont fait deux suggestions. L'une est un plafond, et l'autre, ce serait de déterminer où nous plaçons les droits des pensionnés par rapport à ceux de la banque. Je songe par exemple aux droits du septuagénaire de mes connaissances qui est retourné travailler à des forages souterrains.
    Qu'est‑ce qui serait raisonnable? Les banques ont fait 49,7 milliards de dollars au Canada l'an dernier. Le pensionné devrait‑il se classer devant ou derrière la banque? Serait‑ce un amendement raisonnable?
    Nous sommes là pour dire qu'il faut que ce soit une superpriorité. Si on impose un plafond ou une superpriorité partielle... La réalité, c'est que lorsqu'on investit dans un régime de retraite, on ne le fait pas l'espoir d'en toucher la majeure partie, mais parce qu'on s'attend à ce qu'il atteigne ce niveau.
    Parlons simplement des répercussions. Apparemment, personne ne pourra plus jamais emprunter de l'argent. Les banques tiennent compte de toutes sortes de risques. La possibilité pour les pensionnés d'exiger la pleine valeur de leur pension peut faire partie de cette discussion, certes, mais ce ne sera pas le seul facteur.
    Les créanciers commerciaux, comme les banques et les institutions financières, peuvent prendre des mesures pour protéger leur investissement contre le risque de défaut de paiement. Ils peuvent s'attendre à ce que les entreprises financent entièrement leurs régimes de pension; je pense que ce n'est pas une mauvaise chose. Ils peuvent exiger une divulgation accrue de l'état de capitalisation de leurs régimes de retraite, et ce n'est pas une mauvaise chose.
    Il suffit de suivre les taux d'intérêt au fil du temps pour comprendre que les prêteurs continueront de prêter parce qu'ils sont dans le domaine des prêts. C'est ainsi qu'ils réalisent leurs profits. Rien ne prouve qu'ils vont soudainement retirer tout cela, parce que la réalité, c'est qu'ils doivent aussi rester en affaires.
    Il faut que les travailleurs soient en tête de liste pour que ce ne soient pas eux qui prennent le risque alors que d'autres sont mieux en mesure de le faire.
    Monsieur Powell, j'aimerais terminer avec vous.
    Vous avez parlé du scénario catastrophique qu'on nous a annoncé. Vous ne savez pas à quel point j'ai été choqué d'apprendre que notre débat risquait de faire disparaître tous ces régimes de pension à prestations déterminées.
    J'ai vu des régimes de pension à prestations déterminées disparaître dans ma région pendant des années. Je n'ai jamais vu une de ces sociétés faire faillite; elles ne voulaient tout simplement plus y contribuer.
    Pensez-vous que nous protégeons les pensions des gens qui ont perdu leur pension...? Est‑il possible que rien que par le fait d'en discuter ici, les entreprises vont s'empresser de liquider les pensions de sorte que cette génération de travailleurs sera laissée pour compte? Est‑ce un scénario raisonnable?
    Encore une fois, je ne sais pas, mais si vous utilisez le terme « liquider »... Pour qu'une entreprise en actif puisse liquider un régime de retraite, elle doit le financer entièrement avant de pouvoir le faire, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose.
    L'autre chose, c'est que lorsque vous parlez des 1,4 million de personnes, ce sont les employés actifs. Il y a probablement de quatre à cinq millions de personnes déjà à la retraite qui dépendent de ces prestations et qui les perdent.
    D'après mon expérience — j'ai travaillé pour General Motors du Canada —, au dernier compte annuel, nous avions de 600 à 700 actifs dans le régime de pension et de 6 000 à 7 000 retraités. Ces 1,2 ou 1,3 million de personnes ne sont que les personnes qui travaillent activement. C'est encore une question d'âgisme au gouvernement. Personne ne fait le suivi des pensionnés. Statistique Canada ne le fait pas. Personne ne le fait.
    La catastrophe apocalyptique n'a jamais été prouvée à mon avis. C'est une menace et une prévision, mais elle ne s'est jamais produite.
(1900)
     Merci, monsieur Powell, et merci, monsieur Angus.
    Je tiens à remercier nos témoins experts, au nom du comité des finances, de leur témoignage et des réponses qu'ils ont données à nos nombreuses questions.
    Voilà qui met fin à notre réunion.
    La séance est levée.
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