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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 11 février 2022

[Enregistrement électronique]

(1300)

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 4 février, le Comité reprend aujourd'hui son étude sur la violence entre partenaires intimes et sur la violence domestique au Canada.
    Dans le contexte pandémique et à la lumière des recommandations des autorités de la santé publique et de la consigne du Bureau de régie interne du 19 octobre 2021, il est recommandé que tous ceux qui participent à la réunion en personne suivent les règles que j'énoncerai pour veiller à la santé et à la sécurité de tout un chacun.
    Quiconque souffre de symptômes devrait participer à la réunion sur Zoom et non pas en personne. Tous doivent maintenir une distance physique de deux mètres avec les autres, qu'ils soient assis ou debout. Tous doivent porter un masque non médical en se déplaçant dans la salle. Il est fortement recommandé que les membres du Comité portent leur masque en tout temps, même lorsqu'assis. Les masques non médicaux sont plus pratiques pour la compréhension que les masques en tissu et sont à votre disposition dans la salle. Tous ceux ici présents doivent maintenir une bonne hygiène des mains en utilisant le gel antiseptique pour les mains à l'entrée de la salle. Les salles de comité sont nettoyées avant et après chaque réunion. Dans cet esprit, chacun est invité à nettoyer les surfaces telles que les bureaux, les chaises et les micros avec les lingettes désinfectantes fournies lorsqu'ils prennent place autour de la table ou lorsqu'ils quittent les lieux.
    J'aimerais énoncer quelques règles à suivre pour les participants virtuels.
    Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Les services d'interprétation sont offerts pour cette réunion. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir l'option plancher, anglais ou français. Si vous n'entendez pas l'interprétation, veuillez m'en aviser immédiatement et nous veillerons à ce que le problème soit réglé avant de poursuivre les délibérations du Comité.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la réunion virtuellement, veuillez cliquer sur l'icône du micro pour enlever la sourdine sur votre micro. Pour ce qui est des participants dans la salle, sachez que votre micro sera contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification.
    Je vous rappelle que toutes les interventions doivent se faire par l'entremise de la présidence. Veuillez parler lentement et clairement lorsque vous vous exprimez. Si vous n'êtes pas en train de parler, votre micro devrait être en sourdine.
    Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais vous donner un avertissement. Nous allons discuter d'expériences liées à la violence et à des agressions. Cela pourrait s'avérer difficile pour ceux à l'écoute qui auraient vécu des expériences semblables. Si vous vous sentez bouleversé ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer la greffière.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins pour la réunion d'aujourd'hui.
    Pour le premier groupe, nous accueillons un témoin qui désire demeurer anonyme. Elle sera désignée sous le nom de « Témoin 1 ». Je demande aux membres du Comité de bien vouloir la désigner ainsi. Elle a également indiqué faire partie du Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
    J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à Bonnie Brayton, directrice générale nationale du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Merci beaucoup de vous joindre à nous, madame Brayton.
    Enfin, nous accueillons aussi Melpa Kamateros, directrice générale de Bouclier d'Athéna Services familiaux. J'espère que vous saurez m'aider avec ma prononciation, madame Kamateros.
    Chaque témoin disposera de cinq minutes pour ses remarques liminaires. Je vous montrerai ce joli petit carton lorsqu'il vous restera une minute pour vous en informer, puis nous passerons au premier tour de questions avec les députés qui disposeront de six minutes chacun.
    J'aimerais entamer la réunion d'aujourd'hui avec Bonnie Brayton.
    Allez-y, madame Brayton.
(1305)
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invitée à comparaître devant vous.
    Je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire non cédé des Kanienkehaka à Montréal.
    J'aimerais aller vite étant donné le temps limité.
    Je rappellerai aux témoins et aux membres du Comité que 24 % des femmes vivent avec un handicap selon Statistique Canada. Bien sûr, ce pourcentage va au‑delà de 30 % chez les femmes noires et autochtones.
    Dans le contexte des données importantes que nous devons examiner aujourd'hui, je rappellerai à tous certaines statistiques, à savoir que 39 % des femmes handicapées ont déjà été victimes de violence conjugale et que 46 % d'entre elles ont subi des blessures physiques à cause de la violence. Il existe un certain nombre d'autres statistiques, notamment que les femmes souffrant de troubles cognitifs sont plus susceptibles d'être victimes de violence de la part d'un conjoint de fait.
    Il existe une certaine interdépendance entre la situation de handicap, la violence et les sévices, c'est-à-dire que la violence peut causer un handicap, mais qu'un handicap en soi fait aussi augmenter le risque de victimisation. J'aimerais vous faire part d'une des statistiques importantes à cet égard. Chaque année, on estime que jusqu'à 276 000 femmes au Canada subiront un traumatisme cérébral en raison de la violence d'un partenaire intime. Réfléchissez à cela. De plus, 71 % des femmes handicapées ont déclaré avoir contacté ou avoir eu recours à des services de soutien officiels en raison de la violence d'un partenaire intime. Les femmes handicapées font face à plus d'obstacles pour quitter une situation de violence, car les services pour les personnes en situation de handicap et pour les victimes de violence ne sont souvent pas en mesure de répondre à leurs besoins.
    La violence sexospécifique demeure un problème majeur pour les femmes et les filles handicapées, tel que le souligne l'étude susmentionnée. L'autre recherche dont nous vous ferons part dans notre mémoire — qui contient toutes les données et les faits importants et que je vous exhorte à lire la semaine prochaine — le confirme. Tel que le souligne l'étude, il s'agit d'un enjeu urgent et on y reflète la nécessité d'aborder collectivement les réalités de la violence sexospécifique dans la vie des femmes et des filles handicapées.
    En ce qui concerne ce que j'ai vu, un certain nombre de vos témoins, bien sûr, provient de la communauté des refuges, alors j'aimerais parler directement de cela et dire que bien que nous le comprenions, il existe une distinction importante entre l'accessibilité et l'accès aux refuges en ce qui concerne le type de langage et de réflexions dont nous avons besoin aujourd'hui. Le RAFHC, de même que ses partenaires chez Hébergement femmes Canada et la grande majorité des refuges reconnaissent qu'il existe des lacunes. Celles‑ci s'aggravent encore plus avec la COVID‑19, car les femmes handicapées doivent maintenant se plier à des politiques qui les exposent encore plus aux endroits et aux personnes associés au taux disproportionné de violence dont elles sont victimes. Cela dit, en raison de la pandémie, les refuges sont déjà débordés et manquent de ressources.
    Ce que toutes ces informations nous indiquent maintenant pour le plan d'action national et pour les prochaines étapes, c'est que la discrimination systémique, y compris le capacitisme, le sexisme et le racisme, est omniprésente dans nos recherches, nos politiques, nos programmes et nos interventions. Il est fort tentant, par réflexe, de se concentrer sur les ressources actuelles, mais cela n'entraînera pas le changement systémique nécessaire pour mettre fin à la violence sexospécifique dans notre société.
    Je vais maintenant vous parler de nos recommandations principales. Je vais d'abord aborder les sujets et j'espère pouvoir tous les couvrir avec le temps qui m'est octroyé.
    Il faudrait tout d'abord mettre à jour et réviser la définition du terme « violence entre partenaires intimes » pour la rendre plus inclusive et parler plutôt de « violence interpersonnelle » afin de mieux refléter le fait que pour les femmes handicapées, par exemple, l'agresseur peut aussi être un membre de la famille, un ami, un fournisseur de soins de santé ou encore un préposé.
    Ensuite, le soutien par les pairs est un enjeu si important dans le travail du RAFHC qui reflète ce que nous avons tellement besoin d'entendre aujourd'hui. Tel que mentionné, l'enjeu de la violence sexospéficique contre les femmes handicapées établit clairement que ces femmes ont besoin de soutiens uniques, mais des obstacles systémiques et comportementaux continuent d'en empêcher l'accès. Il existe des organisations de services aux femmes et aux personnes handicapées qui ont été formées pour et par les personnes qu'elles aident, et qui reflètent le pouvoir du soutien par les pairs lorsque les oppressions et la résilience partagées sont transformées en solutions. Il faut étudier les résultats des efforts de ces personnes en premier avant de les reproduire, et ce, non pas en vase clos, mais ensemble.
    Les instruments d'espoir sont un autre enjeu important. Un changement systémique n'est possible qu'avec une vision à long terme et en maintenant le cap. La Stratégie nationale sur le logement, le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le genre et le programme national d'éducation préscolaire et de garde d'enfants ne sont que quelques-unes des initiatives fédérales qui pourraient et devraient être coordonnées. Il existe des mécanismes de financement au sein d'EDSC, de FEGC et d'autres ministères qui fonctionnent déjà très bien, ou qui pourraient bien fonctionner, s'il était possible d'examiner les résultats dans les communautés qui ont eu recours à des projets pilotes dans chaque région. Je vous exhorte tous à penser au fait que vous avez devant vous la possibilité de changer les choses en pensant réellement à ces instruments d'espoir et à ce à quoi ils pourraient mener avec une approche à l'échelle gouvernementale. L'approche silencieuse n'a pas fonctionné pour les femmes et les filles handicapées.
(1310)
    Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, mais je mentionnerai aussi les sévices sexuels vécus dans l'enfance. Aujourd'hui même, des statistiques ont été publiées, confirmant que la victimisation sexuelle des enfants a augmenté de 95 % au cours des cinq dernières années.
    Instaurons la résilience, le changement et la justice.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Brayton.
    Je vous remercie de ce dernier segment. Je pense qu'il s'agit d'un enjeu très important dont nous devons tous discuter.
    Je vais maintenant céder la parole à la représentante du Regroupement des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs membres du Comité, de cette invitation à vous livrer notre témoignage.
    Avant de commencer mon intervention, je tiens à souligner que le territoire sur lequel je me trouve est un territoire traditionnel non cédé des Premières Nations et j'exprime ma gratitude et ma reconnaissance à cet égard.
    Le regroupement que je représente aujourd'hui rassemble 26 centres d'aide et de lutte destinés aux victimes d'agressions à caractère sexuel. Ces centres sont répartis d'un bout à l'autre de la province québécoise. Notre regroupement a vu le jour en 1979. C'est donc depuis 43 ans que nos centres incarnent une expertise provinciale en intervention, en prévention et en défense des droits des femmes en lien avec la violence sexuelle.
    J'aimerais commencer mon intervention en rappelant que 86,3 % des victimes connaissent leurs agresseurs, et que 70 % des agressions sexuelles sont commises dans une résidence privée. Les représentations qui sont souvent véhiculées dans les films et les médias, à savoir que les agressions sexuelles surviennent quand une femme se fait attaquer par un inconnu en marchant toute seule dehors, ne sont pas du tout la norme.
    En fait, dans la majorité des cas, les violences sexuelles surviennent dans la cellule familiale, dans des relations amoureuses ou avec d’anciens partenaires intimes. Il est donc essentiel, si l'on veut s'attaquer au problème des violences sexuelles, de prendre en considération la nature sexospécifique de cette violence. On le sait, 94 % des agresseurs sont des hommes; on sait aussi que cette violence survient surtout dans un cadre familial ou dans le cadre de relations intimes.
    Afin de vaincre cette violence, il importe, selon nous, d'effectuer de la prévention auprès des jeunes et du personnel, notamment dans les écoles secondaires, et de lutter contre les obstacles à la dénonciation des violences sexuelles.
    Notre expertise en matière de prévention nous a démontré qu'une des stratégies les plus efficaces est d'agir auprès des jeunes. Ce que nous proposons depuis 2014, après nous être alliées avec des chercheuses, c'est de présenter une série d'ateliers dans les écoles secondaires, tant aux jeunes qu'à leurs parents et au personnel scolaire.
    Nous proposons déjà des ateliers en classe auprès des jeunes pour aborder des thèmes comme l'importance du consentement libre et éclairé; nous proposons de la formation au personnel scolaire, enseignant et non enseignant, qui aborde des mythes et des préjugés comme celui selon lequel le viol est le seul type d'agression sexuelle; nous proposons aussi des capsules vidéo en ligne pour les parents. En effet, tant les parents que le personnel scolaire doivent savoir repérer ce type de situations et surtout intervenir dans les situations où ils soupçonnent une agression à caractère sexuel ou en seraient témoins.
    Le deuxième problème contre lequel il faut absolument lutter, selon nos observations et nos constats, ce sont les obstacles à la dénonciation des violences sexuelles. Parlons-en. L'obstacle le plus présent, c'est la peur de la victime, si elle dénonce son agresseur, que cela devienne sa parole contre la sienne; elle a peur que personne ne la croie et que la dénonciation ne change rien. En fait, il importe de diffuser, dans tout le pays, le message clair que les victimes seront crues et qu'elles peuvent avoir confiance en leur gouvernement si elles décident de briser le silence.
    L'idée selon laquelle il est très probable et très fréquent qu'une femme accuse à tort son agresseur est un mythe. En fait, nous estimons que les victimes font de fausses accusations dans seulement 2 % des cas. Le risque que cette situation arrive est grandement surestimé et ne devrait pas guider ou régir le passage de chaque victime dans l'appareil judiciaire canadien.
    Un autre frein à la dénonciation touche surtout, cette fois-ci, les victimes qui ont un statut d'immigration précaire. Elles ont peur, si elles vont porter plainte, que les policiers vérifient leur statut et les dénoncent même aux services frontaliers, provoquant ainsi leur expulsion du Canada. C'est vrai dans les cas des femmes migrantes, mais c'est aussi vrai dans le cas des femmes qui ont été parrainées par leur conjoint et qui craignent donc d'être expulsées du Canada si elles en venaient à dénoncer les violences qu'elles subissent à la maison.
    Nous remarquons, au Québec du moins, une faiblesse dans l’interdiction de la police d’enquêter sur le statut migratoire des victimes qui se présentent pour dénoncer une violence qu'elles subissent. Or toute femme devrait avoir droit à une protection contre les violences sexuelles au Canada, indépendamment de son statut migratoire, de son passé, de son âge ou de son orientation sexuelle.
    C'est ce qui conclut mon intervention. Je vous remercie.
(1315)

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Melpa Kamateros de Bouclier d'Athéna Services familiaux. Vous disposez de cinq minutes.
    Vous êtes en sourdine.
    Avons-nous vérifié si elle a sélectionné le bon micro, madame la greffière?
    Oui, son micro fonctionnait plus tôt.
    Le signal était vert tout à l'heure.
    Je ne suis certes pas une experte en technologie, mais si vous cliquez sur le bouton où il est inscrit « en sourdine », vous verrez une flèche qui pointe vers le haut. Cela vous donne l'option de sélectionner un micro. Assurez-vous que l'option micro du casque est bel et bien cochée. Si c'est le cas, alors les choses devraient fonctionner.
    Allez‑y, madame la greffière.
    Pourriez-vous débrancher votre micro de votre ordinateur et le rebrancher, madame Kamateros?
    Nous pouvons vous entendre, maintenant, madame Kamateros.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Bon, alors après tous ces soucis, me voici. Je représente une organisation qui existe depuis plus de 30 ans. Nous avons présentement trois points de service au Québec, soit un refuge d'urgence et deux centres externes. Nous avons aussi un service d'approche communautaire qui nous permet de sensibiliser activement les gens à la violence familiale.
    Nous sommes également en train de mettre sur pied une ressource de deuxième étape qui deviendra notre quatrième point de service. Nous faisons partie de l'alliance des maisons d'hébergement de deuxième étape du Québec.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de certaines situations que nous avons observées dans les tranchées. Nous croyons qu'en parlant aujourd'hui de ce que nous avons observé, nous pourrons peut-être aider les victimes de violence, influencer les politiques publiques, encourager l'adoption de lois et, espérons‑le, changer les perceptions de la société sur ce type de violence.
    Je ne vais pas trop m'attarder là‑dessus, mais nous connaissons tous les effets de la pandémie mondiale sur les femmes victimes de violence et sur les femmes en général. Ce groupe de la population a été le groupe le plus affecté par la pandémie. Cela dit, certains enjeux, dont l'accès inégal aux services, le manque de place dans les refuges, les lois inefficaces, le manque de programmes de prévention ou de sensibilisation sur la violence conjugale, tout comme la minimisation ou la normalisation de la violence conjugale, existaient avant la pandémie mondiale de la COVID‑19.
    La situation est devenue encore plus difficile pour les immigrantes, les femmes provenant des communautés culturelles ethniques — qui font face à des obstacles linguistiques — et celles ayant beaucoup d'enfants. Il est difficile pour ces femmes d'avoir accès aux informations de base, alors ne parlons même pas des services. Leur isolement s'est renforcé.
    L'augmentation de la violence sexospécifique à l'échelle mondiale n'est pas seulement attribuable à la pandémie, mais aussi aux facteurs sous-jacents qui existaient déjà et qui n'ont pas été réglés. Nous aimerions donc proposer une approche plus générale pour que l'on puisse s'attaquer à l'enjeu de la violence conjugale.
    Que voulons-nous dire? Nous voulons dire que nous désirons une loi pertinente qui comprendra une définition élargie de la violence conjugale et qui soulignera l'illégalité de cette violence. Nous ne voulons pas extrapoler certains articles du Code criminel du Canada qui font référence à la violence physique et sexuelle, car la violence conjugale est un sujet beaucoup plus profond. Ce type de violence crée des traumatismes chez les femmes et les enfants, et c'est pourquoi nous voulons une loi à cet égard.
    De plus, nous estimons qu'il faudrait davantage analyser les programmes de prévention. Les statistiques démontrent que des femmes de plus en plus jeunes fréquentent les refuges. Cela signifie que les agresseurs qui commettent cette violence sont eux aussi de plus en plus jeunes, ce qui démontre que les perceptions de la société sur la normalisation de la violence n'ont pas du tout changé.
    Enfin, nous voulons des services intégrés assurant une plus grande continuité pour les victimes, les enfants exposés à la violence et les agresseurs.
    Nous souhaitons également un meilleur accès aux services d'hébergement tout au long des démarches de la victime. Il existe une chronologie en termes d'hébergement pour les victimes de violence. Les choses ne se concluent pas avec l'appel initial au 911. D'abord, il y a l'entrée au refuge. Il existe un gros problème à ce niveau. Je me souviens avoir témoigné devant ce comité il y a quelques années. À l'époque, nous avions parlé de l'enjeu de l'hébergement de deuxième étape. Il s'agit d'un enjeu majeur. Des milliers de femmes et enfants quittent les refuges d'urgence au Québec. Or, nous disposons de 500 places en hébergement de deuxième étape. Si nous comparons la situation actuelle avec la situation d'avant, nous voyons qu'il nous aura fallu 12 ans pour notre ressource de deuxième étape qui est en train d'être mise sur pied.
    Il nous faut améliorer l'accès aux maisons d'hébergement d'urgence et de deuxième étape, mais aussi aux logements sociaux par la suite. Une de nos clientes est venue nous voir il y a deux semaines et elle était très heureuse. Elle était heureuse parce qu'elle avait enfin obtenu son logement social après quatre ans d'attente avec trois enfants à sa charge. Il est évident qu'il existe des lacunes.
    Nous aimerions aussi proposer l'octroi d'un statut spécial aux femmes victimes de violence conjugale. Que voulons-nous dire par statut spécial? La dépendance financière est un enjeu majeur dans les cas de violence conjugale. Nous sommes censés guider les femmes vers l'autonomie et la non-dépendance. Il s'agit d'un enjeu majeur. L'idée de donner une allocation et un statut de femme vulnérable à ces femmes victimes de violence conjugale... Ai‑je besoin de dire à quel point cela serait nécessaire pour les immigrantes qui ne peuvent pas parler la langue du pays, qui n'ont pas de réseau social et qui n'ont pas non plus de moyens de subvenir à leurs besoins?
    Nous proposons d'accorder cette allocation financière aux femmes victimes de violence conjugale. Cela pourrait les aider à surmonter les pires moments de leur traumatisme violent et à devenir un jour autonomes. Ce type d'aide financière devrait être offerte à toute victime de violence conjugale, que ce soit des femmes célibataires ou des mères monoparentales qui ont des enfants à charge.
(1320)
    Pour conclure, j'aimerais que les membres du Comité me croient — je vous prie de me croire, parce que nous travaillons avec les victimes — lorsque je dis que les possibilités qu'une victime retourne vers son conjoint violent ou qu'elle se retrouve dans la rue sont élevées si elle n'a aucun recours, pas beaucoup d'argent et pas d'endroit pour se réfugier.
    Je remercie les membres du Comité de m'avoir écoutée. Merci beaucoup.

[Français]

     Je tiens à préciser que je peux répondre aux questions en français.
    Si je n'ai parlé qu'en anglais, c'est que j'étais nerveuse et que mon temps de parole était limité.

[Traduction]

    Il n'y a pas de problème. Merci beaucoup.
    Je suis certaine qu'on vous posera des questions en français également.
    Nous allons commencer notre première série de questions de six minutes. Encore une fois, je vous ferai signe lorsqu'il vous restera une minute. Je tiens à vous rappeler que la dernière minute vise à la fois la question et la réponse.
    Notre première intervenante, Mme Goodridge, disposera de six minutes.
    Allez‑y, madame.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier les témoins d'aujourd'hui pour leurs déclarations marquantes. Je ne peux parler au nom de tous les membres du Comité, mais nous vous croyons. Nous vous remercions pour le travail que vous faites dans vos communautés et dans l'ensemble du Canada.
    Pour commencer, madame Brayton, vous avez parlé d'accessibilité et de l'accès aux services de soutien. Pourriez-vous nous en parler davantage? Je crois qu'il est très important pour le Comité de vous entendre à ce sujet.
(1325)
    Je vous remercie pour votre question.
    Je tiens à vous en parler plus en détail, parce que c'est un sujet très important. Comme je l'ai dit, j'ai constaté que bon nombre des témoins que vous entendrez offrent des services directs. Je pense notamment au réseau des refuges. Bien que le problème d'accessibilité aux refuges soit évident, ce n'est pas le problème que nous devrions aborder maintenant.
    Le plan d'action national s'échelonne sur 10 ans et nous permet d'examiner la situation d'un point de vue plus structurel, et c'est là que nous devons commencer. Je tiens à vous rappeler que les refuges et les maisons de transition, comme celles décrites par mes collègues — ma bonne collègue du Québec et le Bouclier d'Athéna, et d'autres organisations incroyables à travers le pays — ont été mis en place dans les communautés par les femmes, avec ce qu'elles ont pu trouver — un vieil immeuble, une vieille structure, tout ce qu'elles pouvaient trouver —, pour tenter de répondre à des besoins qui n'étaient pas comblés ailleurs. C'est grâce à ces femmes que nous avons aujourd'hui un réseau de refuges. C'est grâce à elles que nous avons des refuges de deuxième étape. Tout cela, nous le devons aux femmes dans les communautés.
    Selon DAWN Canada, ce n'est pas sur cela que nous devons nous centrer, mais bien sur le fait que les solutions offertes aux femmes des collectivités diversifiées — y compris les femmes handicapées, les femmes noires, les femmes autochtones et les femmes des communautés marginalisées de toutes sortes— ne fonctionnent pas. Ce n'est pas à cause des refuges. Nous devons repartir à zéro et miser sur l'espoir, penser à long terme et revoir la façon dont nous offrons ces services.
    L'accessibilité est... J'ai parlé du soutien des pairs tout à l'heure. Il faut entreprendre une démarche par étapes pour que ces solutions aient une incidence sur les femmes et les filles handicapées, parce qu'il ne suffit pas de construire des rampes d'accès. C'est ce qu'on disait il y a 25 ans.
    Merci.
    Vous avez parlé de la définition de la violence fondée sur le sexe. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je me demandais si vous pouviez nous transmettre vos suggestions par écrit, et expliquer au Comité comment on pourrait mettre à jour ou modifier la définition. Cela nous serait très utile.
    Merci.
    Cela a une incidence sur le financement, et je crois que c'est le principal point que doit retenir le Comité. Si, dans le domaine du financement, on ne comprend pas la différence entre la violence entre partenaires intimes et la violence interpersonnelle, alors les gens qui ne correspondent pas aux critères établis n'obtiendront pas de financement.
    Je vous remercie. Si vous pouviez nous transmettre cela par écrit, nous vous en serions très reconnaissants.

[Français]

    Je vais maintenant m'adresser à la témoin 1, qui était en fait la deuxième témoin à comparaître.
    Vous avez touché à beaucoup de choses, mais j'ai une question concernant les défis auxquels vous faites face.
    Connaissez-vous la loi de Clare, en vigueur en Alberta et en Saskatchewan?
    Non, je ne la connais pas du tout.
    D'accord, je vous remercie.
    Je vais donc m'adresser à Mme Kamateros.

[Traduction]

    Je me demandais si vous aviez entendu parler de la loi de Clare ou si vous aviez des renseignements à nous fournir sur cette mesure législative, ou sur toute autre solution juridique.
    Bien sûr.
    Au Québec, nous avons récemment produit un rapport. Je faisais partie des 21 experts qui l'ont rédigé. L'objectif du rapport, intitulé Rebâtir la confiance, était de regagner la confiance des victimes d'agression sexuelle et des victimes de violence conjugale.
    Nous avons étudié les solutions proposées. L'une d'entre elles était la loi de Clare, qui permet d'informer une femme des antécédents de son partenaire, de son conjoint ou de son copain en matière de violence. Elle s'inspire d'une loi du Royaume-Uni qui porte le nom de Clare, une femme qui a été tuée pour cette raison exactement: elle ne connaissait pas le passé violent de son partenaire.
    Nous croyons que c'est une bonne chose. Cette loi a été adoptée dans plusieurs provinces au Canada. En plus des bracelets émetteurs, il s'agit d'une mesure d'habilitation possible pour les victimes de violence conjugale. Je n'y vois aucun problème, et je ne crois pas que personne n’y voit un problème non plus. Toutefois, il faudrait qu'une telle loi soit associée à d'autres lois et services également.
    En plus d'y associer des lois et des services, pouvez-vous nous dire comment nous pourrions renforcer la loi de Clare? Croyez-vous que le Comité devrait recommander de songer aux façons d'appliquer la loi de Clare dans l'ensemble du pays?
(1330)
    Tout ce qui peut renforcer les droits des victimes... Je crois qu'une telle loi pourrait accroître les droits des victimes et les responsabilités de l'agresseur, parce que la solution va dans les deux sens. D'une part, on protège la victime, mais d'autre part, on responsabilise l'agresseur. C'est une bonne chose et nous sommes tous en faveur de cette loi.
    Vous devriez lire notre rapport, Rebâtir la confiance. Vous auriez une idée de ce qui est fait ici, au Québec.

[Français]

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à notre prochaine intervenante, Anita Vandenbeld, qui disposera de six minutes.
    Madame Vandenbeld, vous avez la parole.
    Je tiens moi aussi à remercier les témoins de nous transmettre leurs connaissances sur ces enjeux.
    J'aimerais commencer avec Mme Brayton. Vous avez dit une chose très importante en ce qui a trait aux personnes handicapées et à la violence entre partenaires intimes. Vous avez parlé de traumatismes cérébraux, mais vous avez aussi évoqué un cycle.
    On pense à des personnes qui sont nées avec un handicap ou qui étaient déjà handicapées au moment d'entreprendre une relation, mais on a également appris que la violence en soi pouvait mener à un handicap, surtout la violence qui entraîne des traumatismes cérébraux, des traumatismes crâniens et d'autres blessures. Comment pouvons-nous briser ce cycle?
    Aussi, comme les traumatismes cérébraux sont souvent très mal compris, mal diagnostiqués et stigmatisés, comment peut‑on les éviter, et éviter de créer ce cycle?
    Je vous remercie beaucoup pour cette question, madame Vandenbeld, parce que ce volet est très important pour le travail du Comité. Il ressort des recherches émergentes, mais c'est un enjeu que DAWN Canada soulève depuis des décennies. Certaines femmes deviennent handicapées à cause de la violence qu'elles ont subie.
    J'aimerais souligner une chose, puisque nous abordons ce sujet: les taux d'incapacité chez les femmes autochtones et les femmes noires sont plus élevés, ce qui donne à penser qu'il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les femmes deviennent handicapées à cause de la violence, et plusieurs liens à faire.
    En ce qui a trait aux traumatismes cérébraux de façon particulière, ils représentent la tempête cachée dont il faut parler, parce que selon les nouvelles données que j'ai mentionnées plus tôt, plus d'un quart de million de femmes ont subi des traumatismes cérébraux... et il faut comprendre que les études au Canada montrent que plus de 50 % des femmes qui séjournent dans un refuge ou une maison de transition ont subi un traumatisme cérébral.
    Ces traumatismes ne sont pas détectés; ils ne sont pas diagnostiqués. Qu'arrive‑t‑il à ces femmes? Je pourrais vous donner des statistiques sur le nombre de femmes sans-abri qui avaient subi un traumatisme cérébral avant de se retrouver dans la rue ou du nombre de femmes emprisonnées qui avaient subi un tel traumatisme avant de se retrouver en prison. Il faut faire ces liens lorsqu'on pense aux solutions à long terme, à l'élaboration des politiques et à l'amélioration des services de soutien pour les femmes victimes de traumatismes cérébraux et de lésions cérébrales acquises en raison de la violence, parce que les deux sont bien réels. Les lésions cérébrales acquises émanent de la violence à long terme et pas nécessairement d'un coup à la tête; elles peuvent être attribuables à d'autres formes d'abus répétés.
    Ces éléments doivent être pris en compte dans l'élaboration du plan d'action national. Les refuges et les services de première ligne doivent comprendre l'ampleur de ce problème. La communauté des personnes handicapées et les titulaires de droits doivent comprendre l'importance du problème, parce que la violence fondée sur le sexe donne lieu à un large éventail de traumatismes cérébraux.
    Je vous remercie de faire la lumière sur cet enjeu, et je crois qu'il sera une composante importante du travail du Comité.
    J'ai une deuxième question, et je sais que Mme Brayton et Mme Kamateros en ont parlé, mais si la témoin 1 voulait ajouter quelque chose, je l'invite à le faire. Elle porte sur l'accessibilité des refuges et les logements.
    Dans ma circonscription, nous avons un refuge, appelé Nelson House. L'une d'entre vous a parlé... Au départ, c'était une vieille maison où les chambres étaient situées sous le toit, et étaient complètement inaccessibles. Nous avons réussi à obtenir du financement et à créer un refuge modulaire moderne et pleinement accessible, mais je sais que ce n'est pas le cas pour la plupart des autres refuges. Bien sûr, lorsque les logements locatifs sont abordables, surtout pour les gens qui bénéficient du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées... Je crois qu'il y a des lacunes à cet égard.
    Est‑ce que l'une d'entre vous aimerait faire un commentaire à ce sujet, et sur les solutions possibles?
(1335)
    Vous pouvez répondre en premier si vous le voulez.
    J'aimerais aussi répondre à cette question ensuite.
    En ce qui a trait au logement, je peux vous donner l'exemple du Bouclier d'Athéna. Au départ, nous offrions des services externes. La maison est arrivée en 2004. Bien sûr, elle a été mise sur pied pour une raison: il s'agit du seul endroit confidentiel et sécuritaire où peut se réfugier une femme lorsqu'elle fait face à un danger imminent pour elle et pour ses enfants. Il nous a fallu beaucoup de temps pour y arriver. En règle générale, il faut beaucoup de temps pour construire un refuge.
    À l'externe, nous offrons des services à des milliers de femmes. Dans le refuge, nous n'avons que 100 places, mais il est ouvert en tout temps et les interventions y sont différentes. Nous offrons des services dans 20 langues différentes, en grande partie de façon externe, mais nous faisons des acrobaties pour les offrir aux femmes qui séjournent au refuge également.
    Je crois qu'il faut affecter beaucoup plus de ressources pour accroître l'accessibilité des refuges et des maisons de transition, comme l'a fait valoir ma collègue, mais on ne peut demander aux organisations d'être responsables de trouver les ressources et d'élaborer les plans. Elles ont déjà un large éventail de services à offrir. Il faut adopter une approche beaucoup plus holistique.
    Comme je l'ai dit plus tôt, le problème va bien au‑delà de l'accès à un environnement bâti. C'est beaucoup plus complexe que cela. Vous venez d'entendre parler des traumatismes cérébraux. Il faut chercher des façons de trouver les victimes, d'entrer en contact avec elles... C'est pourquoi il faut unifier les organisations d'aide aux personnes handicapées et les services de première ligne, pour offrir ce soutien aux pairs.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre Mme Chabot.
    Vous disposez de six minutes. Allez‑y.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Bonjour à tous.
    Je remercie infiniment les témoins de leur présence.
    Bien sûr, il y a des choses que nous connaissons, mais la réalité sur le terrain et les exemples que vous mettez en perspective sont très précieux pour la suite des travaux.
    Je vais m'adresser à la témoin 1.
    Sans dire que je connais à fond le travail au Québec des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, les CALACS, je connais une bonne partie de vos initiatives, que je salue, d'ailleurs. Vous jouez un rôle incontournable dans les solutions à mettre en avant.
    Je voudrais vous parler particulièrement des jeunes filles. Nous savons tout le travail de prévention qui se fait dans notre réseau scolaire. Toutefois, on nous dit qu'il y a une augmentation de ces formes de violence chez les jeunes. Est-ce exact?
     Du côté des jeunes filles, croyez-vous que c'est un recul de penser comme cela? Sont-elles aussi sensibles à la génération qui les suit et aux problèmes soulevés par le féminisme? Tiennent-elles certains progrès pour acquis? Devez-vous redoubler d'efforts en matière de prévention?
    Je vous remercie de votre question.
    En matière de prévention, le refus de certains directeurs d'école d'offrir en classe nos programmes de prévention, ce qui arrive souvent, est l'un de nos plus grands obstacles. Nous sommes déjà confrontés à des obstacles structurels pour faire de la prévention dans le milieu scolaire.
    Ensuite, un autre grand obstacle concerne les mythes et les incompréhensions de ce qui peut être de la violence. Nous le voyons sur le plan de la violence conjugale où, souvent, on ne tient pas compte de l'aspect psychologique de la violence, tout le détournement cognitif qui peut survenir. On ne le perçoit pas comme une forme de violence.
    Pour ce qui est de la violence sexuelle chez les jeunes filles, c'est exactement la même chose. Souvent, les jeunes filles ne perçoivent pas le proxénétisme comme de l'exploitation sexuelle. Elles ne réalisent pas ce que cela représente. Même les amies de leur entourage vont parfois percevoir le proxénétisme comme un travail sans vraiment comprendre tout ce que cela implique. Il est donc d'autant plus important de sensibiliser le personnel scolaire et tous les gens de leur entourage, afin qu'ils soient outillés pour repérer cette forme de violence, pour comprendre ce phénomène et, surtout, pour établir avec les jeunes filles une relation de confiance où elles sentent qu'elles peuvent se confier à un adulte sans se sentir jugées.
    C'est un aspect vraiment important, et c'est ce qui manque actuellement.
     Si je vous comprends bien, lorsqu'on mène des campagnes de sensibilisation auprès des jeunes, il faut une approche un peu particulière plutôt qu'une approche traditionnelle — le mot n'est peut-être pas exact — pour leur parler de prévention.
    Vous avez parlé des différentes formes de violence. Nous savons que les contrôles coercitifs sont souvent précurseurs de violence physique, et même de féminicides. Au Québec, nous en avons malheureusement dénombré plusieurs. Vous n'êtes pas sans savoir qu'au Québec, un tribunal spécialisé sera mis en place pour s'occuper de ces questions, notamment au moyen des bracelets antirapprochement.
    À votre avis, devrait-il y avoir une cohérence juridique avec les lois fédérales? Nous avons parlé de la loi de Clare tout à l'heure, mais trouvez-vous important d'éviter que chacun fasse les choses de son côté et d'élargir l'accès, de judiciariser davantage le processus?
(1340)
    Tout à fait. Il est vraiment important que le gouvernement du Canada lance un message cohérent dans tout le pays, c'est-à-dire que c'est tolérance zéro pour toutes les formes de violence.
    L'un de nos plus grands obstacles est que, même si nous entendons beaucoup parler des tribunaux spécialisés dans les médias et que beaucoup de temps et d'argent sont consacrés à la question, il ne faut pas oublier que la majorité des femmes victimes d'agression sexuelle choisissent de ne pas porter plainte. Donc, il faut évidemment bonifier l'offre de services pour les femmes qui choisissent de porter plainte — ce que nous faisons avec les tribunaux spécialisés — mais ne pas oublier non plus toutes les femmes qui choisissent de se reconstruire d'une autre manière qu'en portant plainte. Il ne faut pas oublier de leur offrir des services à elles aussi. Il est donc important d'offrir, partout au Québec et au Canada, des services adaptés aux différents parcours des femmes et aux différents choix de reconstruction.
    Parmi les obstacles à la dénonciation des violences sexuelles, vous avez indiqué la difficulté pour les victimes d'être crues. Il y a les tribunaux spécialisés, le renforcement de certaines peines, les fonds publics...
    Si je peux me permettre, j'aimerais ajouter que, quand ils s'adressent aux victimes et traitent les plaintes, les policiers, les procureurs et même les juges sont très nombreux à avoir des préjugés. C'est pour cela qu'il faut vraiment offrir de la formation à tous les acteurs, parce que les préjugés sont partout.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Madame Chabot, il vous reste 10 secondes.

[Français]

    J'ai une question à poser à Mme Brayton, mais je la poserai à mon prochain tour.

[Traduction]

    Excellent. Merci, madame Chabot.
    Madame Ashton, nous vous souhaitons la bienvenue au Comité.
    Nous allons vous céder la parole pour les six prochaines minutes. Allez‑y.
    Je suis heureuse de participer à la réunion du Comité, auquel j'ai siégé pendant de nombreuses années.
    Je suis aussi très heureuse de voir des leaders incroyables comme nos témoins. Madame Brayton, c'est un plaisir de vous voir. Cela faisait longtemps. Même par Zoom, c'est agréable.
    Je tiens à remercier tous les témoins de comparaître devant le Comité aujourd'hui.
    Je sais que vous avez toutes réfléchi aux obstacles auxquels font face les femmes, notamment l'insécurité économique. Je remplace aujourd'hui ma collègue, Leah Gazan, qui est une grande défenseure du revenu viable garanti, et qui a présenté une mesure législative à la Chambre à deux reprises. Pourriez-vous nous parler de l'importance du revenu viable garanti pour aider les femmes, notamment les nombreuses femmes qui ont été durement touchées pendant la crise, et qui sont encore plus vulnérables lorsqu'elles n'ont pas de revenu ou de sécurité financière?
    J'aimerais entendre tous les témoins. Madame Brayton, vous pourriez commencer. Nous pourrions ensuite entendre la témoin 1 et Mme Kamateros.
    Merci, madame Ashton.
    Bien sûr, il est important de lier les politiques économiques aux politiques sociales. C'est la seule façon de vraiment pouvoir aborder ces questions. Il est certain que la question d'une prestation nationale d'invalidité ou d'un revenu national garanti a été soulevée et est devenue urgente pendant la pandémie.
    Il était très évident — et bien sûr, la plupart des membres de ce comité parlementaire le savent — qu'il n'y a pas de prestation nationale d'invalidité à l'heure actuelle et que, en fait, les femmes et les filles handicapées étaient et continuent d'être les plus pauvres. Ce sont les femmes et les filles handicapées qui ont les plus faibles revenus dans ce pays. Les mères seules handicapées et les femmes âgées handicapées sont les personnes les plus pauvres de notre pays. Encore une fois, ce sont ces mêmes personnes qui connaissent les taux les plus élevés de violence de tout genre, notamment de violence fondée sur le sexe. Depuis plus de 10 ans, la majorité des plaintes relatives aux droits de la personne dans ce pays sont liées à l'invalidité. Il n'y a absolument aucune autre option que de se mettre au travail à ce stade.
    Madame Ashton, je suis ravie que vous ayez soulevé la question des ressources financières. Les autres témoins nous ont déjà dit à quel point il est important pour les femmes qui fuient la violence de bénéficier d'une sécurité de revenu de base. Souvent, les femmes handicapées ne peuvent pas fuir, et c'est en partie parce qu'elles n'ont pas les moyens de le faire; elles dépendent de l'autre personne ou l'autre personne contrôle leurs finances. C'est un élément très important à intégrer dans le plan d'action national et dans tout ce que nous allons faire à l'avenir.
    Bien sûr, je veux laisser du temps aux autres témoins. Je vous remercie.
(1345)

[Français]

     Je vais me permettre d'ajouter des précisions en lien avec les commentaires de Mme Brayton.
    Les violences, qu'elles soient sexuelles ou conjugales, entraînent souvent de graves séquelles psychologiques chez les femmes. Dans certains cas, elles ont besoin d'un moment de répit pour comprendre véritablement ce qu'elles viennent de vivre. L'État ne doit donc pas minimiser les répercussions de la violence sur la vie professionnelle de ces femmes, car, dans beaucoup de cas, elles se retrouvent dans des situations où elles sont incapables de travailler, du moins pendant un certain temps.
    Au Québec, nous avons le régime d'indemnisation appelé l'Indemnisation des victimes d'actes criminels, ou IVAC, et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Certaines lacunes subsistent encore au Québec, mais aussi dans tout le pays. Il faudrait augmenter ces indemnités pour s'assurer de couvrir toutes les formes de violences dont sont victimes les femmes, car la violence laisse souvent des séquelles psychologiques. II faudrait donc lutter contre les formes de violence, même celles qui ne laissent pas de traces physiques, comme des ecchymoses. Il faut lutter contre toutes les violences typiques qui nous viennent à l'esprit, et pas seulement les formes de violence traditionnelle. Toutes les formes de violence sont à proscrire.

[Traduction]

    La violence conjugale suscite beaucoup de peur chez les femmes, beaucoup de peur et beaucoup de honte. Seulement 30 % des cas de violence sont signalés. C'est un fait établi par Statistique Canada. Nous nous demandons simplement où sont les 70 % qui manquent. Pourquoi ne se sont-elles pas manifestées? Pourquoi n'ont-elles pas essayé d'obtenir de l'aide?
    C'est à cause de tous les tabous qui entourent encore la question de la violence conjugale; parce qu'on banalise et minimise la situation pour les femmes. Nous croyons fermement — et je l'ai dit dans mon exposé — qu'une femme victime de violence conjugale devrait avoir un statut spécial de vulnérabilité lui permettant d'obtenir une allocation, une indemnité financière, qui l'aiderait à progresser vers l'autonomie et à briser le cycle.
    Les femmes sont parfois des mères seules. Parfois, elles sont des femmes seules. Lorsqu'elles forment un tout avec leurs enfants, elles ont aussi la responsabilité envers leurs enfants de briser le cycle. Tout cela est très, très difficile à faire si vous n'avez pas les fonds nécessaires.
    C'est ce que je souhaitais dire.
    Absolument. Je vous remercie beaucoup.
    Je dois dire qu'en tant que Canadienne d'origine grecque, je veux aussi applaudir le travail que vous faites au Bouclier d'Athéna, madame Kamateros.

[Français]

     J'aimerais vous remercier de vos témoignages.

[Traduction]

    Je veux vous remercier toutes de nous avoir parlé de la sécurité économique à l'appui de nos efforts pour mettre fin à la violence contre les femmes.
    Je vous remercie.
    Le temps prévu pour ce groupe de témoins tire à sa fin. Je vais accorder deux minutes au Parti conservateur, deux minutes aux libéraux, une minute au Bloc et une minute au NPD. Je sais que vos questions peuvent être plus ou moins longues.
    Je vais donner la parole à Mme Vien.
    Madame Vien, vous disposez de deux minutes.

[Français]

    Je remercie toutes les témoins. J'aurais des milliers de questions à leur poser, mais le temps me limite un peu.
    Ma première question s'adresse à Mme Brayton.
    Madame Brayton, les femmes handicapées qui dénoncent la violence qui leur est faite sont-elles prises au sérieux?
(1350)
     Vous me faites frissonner, parce que, l'un des grands problèmes, c'est que la société nie cette réalité. Or la plupart des cas de violence faite aux femmes touchent des femmes et des filles handicapées. On utilise le terme « capacitisme systémique » pour parler de ce phénomène très répandu. Les femmes handicapées ne sont ni crues ni écoutées. Les gens ont souvent la perception qu'il doit y avoir une autre explication au problème de ces femmes ou encore que celles-ci ne disent pas la vérité.
     La réponse à votre question est donc non. Malheureusement, les femmes handicapées qui dénoncent la violence qui leur est faite ne sont pas prises au sérieux.
    Témoin 1, c'est à mon tour d'avoir frissonné quand j'ai entendu — à moins que j'aie mal compris — ce que vous avez dit au sujet de votre programme de prévention dans les écoles secondaires. Vous avez de la difficulté à convaincre les directeurs d'offrir votre programme? Comment est-ce possible?
    Cela est inacceptable!
    Oui, cela est inacceptable, mais cela arrive vraiment. Les directeurs ont beaucoup de liberté. Puisque le programme ne provient pas du ministère de l'Éducation, les directeurs ont une grande liberté et agissent comme bon leur semble. Parfois, étant donné que notre programme se donne sur au moins six séances, ils disent que cela prendrait trop de temps. Ils préfèrent un programme d'une heure, mais nous ne pouvons pas changer les mentalités en une heure.
    Nous prenons cela en note.
    Madame Kamateros...

[Traduction]

    Je suis désolée, madame Vien. Je suis si stricte. C'est terrible.
    Madame Sudds, vous avez la parole pour deux minutes.

[Français]

    Vous faites bien d'être stricte, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup, et merci à toutes les témoins d'être ici.
    Je vais essayer d'être brève.
    Madame Kamateros, vers la fin de votre exposé, vous avez mentionné les défis que doivent relever les femmes immigrantes. Je me demande si vous pouvez nous en dire plus sur les obstacles auxquels se heurtent plus particulièrement les femmes immigrantes et réfugiées et les femmes autochtones, et nous expliquer en quoi cette expérience diffère.
    Tout d'abord, en présence d'obstacles linguistiques, la voie d'accès à toute information, à tout choix d'action, à toute option est automatiquement bloquée. C'est automatique. Elle ne peut pas aller au CLSC. Elle ne peut pas aller au poste de police pour faire un signalement. Elle ne peut pas appeler une ligne d'aide. Elle ne peut pas accéder à un refuge, alors comment la femme peut-elle avoir accès à l'information et aux services de base? Il y a là une énorme inégalité. Cela éclipse l'inégalité dont nous parlons, la violence fondée sur le sexe.
    Les femmes immigrantes qui n'ont pas de statut ont beaucoup de mal à obtenir de l'aide sociale. Elles ont du mal à subvenir à leurs besoins. Le droit de l'immigration prime sur les lois relatives à la violence conjugale, et c'est la raison pour laquelle nous parlons de la nécessité d'une loi fondamentale et d'une vision plus globale de la manière dont nous pouvons traiter la violence conjugale.
    En un mot, c'est ça, et très souvent, il n'y a pas tellement de soutien au sein de la communauté ou de la famille. C'est pourquoi notre organisation s'occupe des victimes, mais aussi des communautés, car il est très important que les victimes prennent position et retournent dans leur communauté, et que celle‑ci les soutienne.
    C'est le problème des femmes immigrantes. Il y a une situation d'inégalité flagrante, et elles ont le sentiment d'être, au Canada, des étrangères dans un pays étranger.
    Merci beaucoup. C'est maintenant à Mme Chabot de prendre la parole.
    Madame Chabot, vous disposez d'une minute.

[Français]

    Merci, madame la présidente. C'est bien compris.
    Je poserai une question à Mme Brayton.
    Madame Brayton, il y a beaucoup de choses qui m'ont frappée dans votre témoignage. Je vous crois quand vous dites que les personnes handicapées, racisées ou immigrantes, mais particulièrement les personnes handicapées, vivent ces phénomènes de façon plus intense en raison de leur état. Vous avez parlé de la différence entre « accessibilité » et « accès ». Qu'entendez-vous par « un véritable accès » pour ces personnes?
(1355)
     C’est une question complexe à laquelle il est difficile d'y répondre rapidement — je vois la présidente et son stylo —, mais je vais essayer d’aborder cela un peu.
    Madame Chabot, il est important de comprendre que la première chose à faire, c’est de renforcer les moyens d'action des femmes en situation de handicap. Vous pouvez constater aujourd’hui que je suis la seule personne qui est là pour représenter les femmes en situation de handicap, alors que nous représentons 24 % de la population féminine et que nous sommes le groupe le plus touché. Il faut qu’il y ait, partout au Canada, une présence des femmes en situation de handicap comme activistes, expertes et chercheuses. Cela nous prend une place à la table.
     Je vous remercie beaucoup de cette question.
    Cela me fait plaisir.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Brayton.
    Nous revenons à Mme Ashton.
    Vous avez une minute, madame Ashton.
    Madame Brayton, j'ai une petite question sur le logement.
    Quelle est l'urgence pour le gouvernement fédéral d'investir dans le logement pour les personnes handicapées, le logement abordable et le logement social? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    Je vous sais gré de cette question, madame Ashton, et je sais que vous me faites suffisamment confiance pour me laisser digresser un peu, car c'est ce que je vais faire.
    J'essayais tout à l'heure d'évoquer les outils porteurs d'espoir que tous les membres de ce comité et l'ensemble du Parlement ont devant eux. Il s'agit de la stratégie sur le logement, conjuguée au plan d'action national et au plan pour la garde d'enfants.
    Il est important de prendre un peu de recul et de se poser la question suivante. « Est‑ce que le Conseil du Trésor et le Cabinet peuvent dégager des fonds et commencer à s'intéresser à des collectivités servant de modèle qui utilisent réellement l'argent collectivement? » Nous persistons à tout cloisonner, et nous ne créons pas de véritables solutions. Nous n'allons pas en créer sur le dos de ces organisations de femmes et de ces refuges. Nous devons assumer notre responsabilité sociale et ne pas la transférer aux refuges pour femmes et aux maisons de transition. Il est temps pour nous de prendre du recul et d'avoir une vision d'ensemble.
    Comme je l'ai dit, les outils porteurs d'espoir sont devant nous. Il est temps pour nous de faire preuve de sérieux.
    Merci.
    Formidable.
    Merci beaucoup à nos témoins. Je déteste devoir interrompre la discussion, car votre contribution est énorme.
    Au nom de notre groupe, je tiens vraiment à remercier Mme Brayton et les représentantes du Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel et de Melpa de s'être jointes à nous aujourd'hui. Nous sommes enchantées de vous avoir accueillies.
    Nous allons faire une petite pause pour permettre au deuxième groupe de témoins de se joindre à nous et de faire vérifier leurs micros. Je demanderais à tout le monde de revenir à 13 h 59.
    Merci.
(1355)

(1400)
    Nous reprenons la séance du Comité.
    Bienvenue à toutes nos témoins.
    Nous poursuivons notre étude sur la violence entre partenaires intimes et la violence domestique.
    Je vous présente notre deuxième groupe de témoins. Nous accueillons Sherilyn Bell, psychologue, qui se joint à nous à titre personnel; de l'Institut canadien de recherches sur les femmes, nous avons Jane Stinson, associée de recherche; et de la Fondation canadienne des femmes, nous accueillons Karen Campbell, directrice des initiatives et politiques communautaires.
    Pour commencer la réunion d'aujourd'hui, nous allons accorder à chacune d'entre vous cinq minutes pour présenter vos déclarations liminaires, puis nous passerons aux questions de nos députés.
    Je cède la parole à Mme Bell.
    Madame Bell, vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour à vous, madame la présidente, et aux membres du Comité.
    Je m'appelle Sherilyn Bell et je témoigne aujourd'hui en ma qualité de conseillère en orientation d'une école secondaire à la retraite. J'ai accumulé 30 années d'expérience dans les secteurs privé et public, et je suis actuellement psychologue en pratique privée à Montréal. Mes observations d'aujourd'hui sont fondées sur mon expérience professionnelle auprès d'adolescents âgés de 12 à 17 ans.
    Aujourd'hui, je vais vous parler des aspects plus subtils, mais non moins dommageables, de la violence dans les relations entre adolescents, qui implique le contrôle, la manipulation, la coercition et l'intimidation, et qui peut se produire aussi bien en personne qu'en ligne.
    D'après mon expérience, si la plupart des adolescents, y compris les jeunes de 12 à 14 ans, sont facilement capables de reconnaître ce qui constitue une relation intime physiquement ou sexuellement abusive, il reste des défis à relever pour faire en sorte que de nombreux adolescents, et surtout les plus jeunes, puissent facilement reconnaître les caractéristiques d'une relation intime malsaine qui implique la manipulation, le contrôle et l'intimidation, surtout lorsqu'ils se trouvent eux-mêmes dans une telle relation. Il n'est pas rare que certains jeunes adolescents interprètent à tort la manipulation et le contrôle comme de l'attention et de l'amour, ce qui peut les amener à ne pas reconnaître une relation dysfonctionnelle.
    En ce qui concerne la violence en ligne dans les relations entre adolescents, les progrès rapides des dernières décennies en matière de technologie ont permis à certains adolescents d'accéder facilement à Internet pour insulter, dénigrer, manipuler et contraindre leur partenaire en public, de manière explicite et cinglante. En outre, nombre de ces adolescents cherchent à masquer leur identité en créant des comptes sous différents noms ou en accédant aux comptes de médias sociaux d'autres adolescents et en les utilisant. En raison de la perception d'anonymat que procure l'utilisation d'un faux compte, le langage employé, et les commentaires et images publiés sont souvent beaucoup plus durs qu'ils ne le seraient si tout se passait en personne. Pour les victimes, une telle attaque en ligne peut avoir des effets dévastateurs. Les victimes expriment généralement des sentiments de gêne, d'humiliation et de honte qui se traduisent souvent par une importante dégradation de leurs capacités personnelles, sociales et scolaires.
    Les parents vont parfois constater directement les relations contrôlantes et manipulatrices des adolescents en personne et pourront alors aborder la situation avec leur enfant, voire intervenir, mais il est important de noter que les parents ignorent souvent totalement si leur adolescent est l'auteur ou la victime de violence en ligne. Par peur des conséquences possibles, les adolescents tentent souvent de cacher cette information aux personnes en situation d'autorité, et la situation n'est souvent portée à l'attention d'un adulte que lorsque la victime ou ses amis estiment qu'elle a besoin d'aide ou de protection.
    Selon un article publié en ligne le 19 octobre 2021 et signé par Deinera Exner-Cortens, professeure adjointe à l'Université de Calgary, et Wendy Craig, professeure à l'Université Queen's, un adolescent canadien sur trois âgé de 11 à 18 ans a été victime de violence dans le contexte de fréquentations amoureuses, en 2021. Cette statistique indique qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour résoudre le problème de la violence dans les fréquentations chez les adolescents. Dans ce même article, les autrices nous rappellent que la violence dans les fréquentations chez les adolescents est à la fois un problème de santé publique canadien et un enjeu lié aux droits de l'enfant.
    Il existe au Canada des ressources qui offrent des renseignements sur cette question, comme le Centre canadien de protection de l'enfance. En fait, ce centre propose un excellent livret en ligne intitulé « Autoexploitation juvénile — C'est pas correct : Guide pour les familles », qui fournit de l'information détaillée sur cette question à l'intention des parents et des adolescents, ainsi que des suggestions pour prévenir les incidents ou gérer un incident après coup. Je serais curieuse de savoir dans quelle mesure les parents et les adolescents connaissent cette ressource.
(1405)
    À la lumière de mes observations d'aujourd'hui, voici mes recommandations au Comité. Premièrement, le gouvernement canadien devrait faciliter davantage de ressources subventionnées pour informer et soutenir les adolescents sur les relations saines et malsaines entre partenaires intimes. Deuxièmement, le gouvernement canadien devrait financer davantage les organisations existantes qui s'occupent des problèmes de contrôle, de manipulation et de coercition dans les relations entre jeunes adolescents et partenaires intimes. Troisièmement, il faudrait intensifier les campagnes de sensibilisation à ce sujet à l'intention des parents et des adolescents. Enfin, il faudrait élaborer d'autres programmes d'information, de sensibilisation et de prévention à l'intention des préadolescents et de leurs parents, afin que les enfants et les parents soient mieux renseignés sur la violence entre partenaires intimes avant que les enfants ne deviennent des adolescents.
    Merci beaucoup, madame Bell.
    Nous allons maintenant écouter la représentante de l'Institut canadien de recherches sur les femmes.
    Madame Stinson, vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour. Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je suis associée de recherche à l'Institut canadien de recherches sur les femmes.
    J'aimerais commencer par rendre hommage au peuple algonquin, qui est le gardien traditionnel du magnifique territoire non cédé sur lequel je vis.
    L'an dernier, j'ai travaillé avec des femmes de plus de 40 organisations à l'élaboration du plan d'action national sur la violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe. Je pense que Lise Martin, directrice générale d'Hébergement femmes Canada, vous en a parlé plus tôt cette semaine.
    Aujourd'hui, mes observations s'inspirent de la recherche que nous avons réalisée pour ce plan d'action national, et ils sont guidés par une perspective féministe intersectionnelle qui met l'accent sur les personnes les plus marginalisées et les plus démunies.
    Je veux me concentrer sur l'importance d'un système national public de transport en commun comme moyen de prévenir la violence familiale au Canada, d'y répondre et de l'atténuer. Les systèmes de transport en commun contribuent à prévenir la violence familiale en permettant aux femmes d'accéder aux emplois et aux revenus qu'ils procurent. Ils donnent aux femmes et aux personnes aux diverses identités de genre un moyen d'échapper à la violence familiale infligée par un partenaire intime. Enfin, ils contribuent à atténuer l'expérience de la violence familiale en donnant accès à des services de soutien qui se trouvent peut-être dans une autre collectivité.
    La recommandation 20E du rapport final sur le plan d'action national demande aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi qu'aux administrations municipales de créer, à l'échelle du Canada, un système de transport en commun permettant de prévenir et d'atténuer la violence fondée sur le sexe.
    Je tiens à remercier ce comité pour son rapport de 2019 sur le réseau canadien de refuges et de maisons de transition, dans lequel vous avez recommandé que le gouvernement prenne des mesures pour financer le transport des femmes fuyant la violence qui n'ont pas accès à un refuge dans leur collectivité. C'était important et il faut maintenant que vous recommandiez d'autres mesures en matière de transport.
    La situation s'est considérablement aggravée depuis cette recommandation de 2019. La COVID a contribué à faire grimper les taux de violence familiale, comme vous l'avez déjà entendu. De plus, l'accès aux systèmes de transport s'est détérioré, surtout pour les personnes qui vivent dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques.
    Par exemple, les victimes de violence familiale ont souffert de la décision de la Saskatchewan de supprimer le service d'autobus de sa société d'État, la STC, qui assurait un transport vital entre les collectivités de la province. Selon une étude, 37 % des survivantes de violence fondée sur le sexe en Saskatchewan ont indiqué que l'absence de transport était un obstacle à l'accès aux services et au soutien, depuis la suppression du STC. C'était un bon modèle, et il devrait être reproduit ailleurs.
    En plus de cela, Greyhound a mis fin à son service d'autobus privé — dans certaines régions du pays auparavant, puis dans d'autres régions en 2021. Cela a considérablement aggravé une situation déjà pénible partout au pays, en particulier pour les peuples autochtones des collectivités éloignées.
    Comme vous le savez, les distances qui séparent les collectivités du nord du Canada sont immenses. Les femmes sont souvent obligées de faire de l'auto-stop ou de recourir aux taxis, au covoiturage, à Uber ou à des véhicules privés pour sortir de la ville ou se déplacer entre les villes. Toutes ces options présentent des risques de violence fondée sur le genre.
    Le rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a mis en lumière la façon dont l'absence de systèmes de transport sûrs et abordables contribue à la violence et aux meurtres dont sont victimes les femmes autochtones. Le rapport recommande également à tous les gouvernements de veiller à la mise en place de plans et de fonds suffisants pour des systèmes de transport sûrs et abordables.
    Les femmes ont besoin de systèmes de transport au sein de leur collectivité, entre les collectivités et entre les provinces. Il n'en existe pas à l'heure actuelle. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership, investir dans l'infrastructure de transport et inciter les autres ordres de gouvernement à faire de même. J'espère vraiment que ce comité réclamera plus d'action de la part du gouvernement.
    Je vous ai présenté trois recommandations à examiner.
    La première recommandation est l'objectif à long terme du plan d'action national, sur 10 ans, qui consiste à établir un système de transport pancanadien sûr, accessible et abordable.
    La deuxième recommandation concerne une mesure à prendre à court terme pour y arriver. Il s'agit d'établir un groupe de travail fédéral chargé de s'attaquer au facteur du transport et du transport en commun dans la violence fondée sur le sexe et de définir l'orientation d'un système qui s'impose.
    La troisième recommandation est d'encourager le financement des groupes de femmes qui envisagent le transport comme moyen de lutter contre la violence fondée sur le sexe, afin de donner l'impulsion voulue à la base, de contribuer à l'identification du problème et à la recherche de solutions, et de consolider le travail de ce comité et de FEGC dans la lutte contre ce problème.
(1410)
    Merci beaucoup, madame Stinson.
    Nous allons maintenant écouter Mme Karen Campbell, directrice des initiatives et politiques communautaires à la Fondation canadienne des femmes.
    Madame Campbell, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie. Bonjour. Je suis Karen Campbell, de la Fondation canadienne des femmes, et je me joins à vous aujourd'hui depuis London, en Ontario, sur les territoires traditionnels des peuples Attawandaron, Anishinabe et Haudenosaunee.
    La Fondation canadienne des femmes est la seule fondation publique nationale pour les femmes et les filles au Canada, et l'une des 10 plus grandes fondations pour les femmes dans le monde. En partenariat avec le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, nous avons versé au secteur des femmes 45 millions de dollars en fonds d'urgence liés à la pandémie en septembre 2021, et nous sommes en train d'acheminer les montants affectés par la suite.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer sur cette question urgente.
    En 2018, Statistique Canada révélait que tous les six jours, une femme était tuée par son partenaire intime. Grâce à l'excellent travail de l'Observatoire canadien du féminicide, nous savons que le féminicide est en hausse, avec 160 féminicides en 2020, soit une moyenne d'une femme ou d'une fille tuée tous les 2,3 jours. Nous savons également que 92 femmes et filles ont été tuées au cours des 6 premiers mois de 2021, soit 14 meurtres de plus qu'au cours de la même période en 2020, ce qui représente une augmentation de près de 20 %.
    Cette tendance n'est pas surprenante pour ceux qui travaillent avec les survivantes. Chaque fois que les collectivités sont soumises à un stress, qu'il s'agisse de catastrophes climatiques, de ralentissements économiques ou de crises de santé publique, les taux de violence fondée sur le sexe augmentent. Dans notre contexte, cette augmentation est reconnue à l'échelle mondiale et on parle d'une « pandémie de l'ombre », ou d'une « pandémie fantôme ».
    L'absence d'attention portée à l'augmentation prévisible de la violence fondée sur le sexe dans les plans d'urgence a eu des conséquences désastreuses, en particulier pour les femmes et les personnes issues de la diversité de genre qui sont encore plus marginalisées par leur race, leur origine, leur sexualité, leur handicap, leur statut d'immigrante ou leur situation géographique. La pandémie jette un éclairage sur les causes profondes et systémiques de toutes les formes de violence fondée sur le sexe, y compris la violence entre partenaires intimes, ou VPI.
    La VPI est plus qu'un problème privé ou familial. Elle est le produit de l'inégalité des sexes, de la colonisation, du racisme systémique, du capacitisme et de l'oppression permanente des communautés marginalisées au Canada. Les femmes autochtones connaissent les taux les plus élevés de VPI et sont tuées presque sept fois plus souvent que les femmes non autochtones. Les femmes handicapées sont trois fois plus susceptibles d'être victimes de violence que celles qui ne vivent pas avec un handicap. Les statistiques sur ces populations, entre autres, figurent dans notre mémoire complet.
    Il manque énormément de données sur la VPI telle qu'elle est vécue par les femmes noires et racialisées et les personnes issues de la diversité de genre, ainsi que sur la façon dont la VPI affecte les femmes qui se retrouvent dans plusieurs groupes, comme les femmes noires transgenres ou les femmes racialisées handicapées, ce qui rend très difficile la compréhension des degrés de violence dans les différentes populations. Cependant, les chiffres dont nous disposons révèlent que la violence entre partenaires intimes et la violence fondée sur le sexe sont profondément liées à la violence systémique à laquelle les femmes et les personnes issues de la diversité de genre sont confrontées au quotidien.
    Pour améliorer la protection des personnes qui vivent dans des foyers à risque, nous devons reconnaître la nature sexuée des répercussions sur la santé mentale de la pandémie et des restrictions qui y sont associées. Nous devons mieux comprendre comment la perte d'emploi, l'insécurité alimentaire, la peur de contracter le virus et l'isolement social ont contribué à l'augmentation de la violence fondée sur le sexe.
    Les organisations de services aux jeunes signalent que les jeunes passent plus de temps en ligne, où le risque de violence facilitée par la technologie est préoccupant. Elles sont témoins de l'augmentation des comportements suicidaires et de la consommation d'alcool et de drogues, ainsi que des difficultés rencontrées par les jeunes pour nouer des relations saines fondées sur la culture du consentement dans ce contexte.
    Pour éliminer les obstacles qui empêchent les personnes de quitter un milieu dangereux, nous devons nous concentrer sur les personnes qui subissent le plus les effets économiques et sociaux de la pandémie: les femmes, personnes trans et non binaires qui sont marginalisées par leur race, leur statut d'immigrante, leur âge, leurs capacités et leur statut socio-économique. Pour échapper à la violence, les femmes ont besoin d'un revenu adéquat et équitable, d'un accès au logement, de services de garde d'enfants abordables et de services de transport sûrs et fiables.
    Le sous-financement chronique du secteur qui s'occupe de la violence fondée sur le sexe a mis les survivantes en danger. Ces services, sous-financés et sollicités à l'excès, ont vu la demande augmenter et le personnel s'épuiser. La pandémie nous montre que le secteur n'a pas de capacité de pointe pour faire face aux conséquences de la crise et que des lacunes importantes persistent dans les services destinés aux plus marginalisés. Les fournisseurs de services signalent que les clients se présentent à leurs portes avec des besoins plus complexes, révélant des formes extrêmes de violence physique et sexuelle. La complexité des cas, combinée aux obstacles à l'accès en personne, constitue une charge supplémentaire pour une main-d'œuvre principalement féminine qui est débordée.
    Pour prévenir la violence entre partenaires intimes, nous devons travailler sur le terrain. En plus de répondre aux besoins du secteur de la lutte contre la violence fondée sur le sexe, il faut soutenir les groupes de proximité qui font un travail important pour instaurer une culture du consentement et remettre en question les normes de genre. Une grande partie de ce travail se fait auprès des jeunes, des personnes racialisées, des aînés, et même des hommes et des garçons. Beaucoup de ces groupes ne sont pas admissibles à des dons de bienfaisance en vertu des lignes directrices de l'ARC. Réformer les règles régissant le secteur caritatif de manière à garantir le financement de ces groupes est une étape importante pour mettre fin à toutes les formes de violence fondée sur le sexe.
    Il est important que les politiques publiques ciblent les causes profondes. À cause de l'importance démesurée qui est accordée aux solutions relevant de la justice pénale, on ne fait qu'effleurer la surface et on finit par criminaliser les personnes qui ont le plus besoin d'être soulagées des injustices systémiques auxquelles elles font déjà face. L'ACS+ doit être intégrée dans tous les instruments politiques, et ceux-ci doivent être ancrés dans le vécu des femmes, des personnes trans et non binaires les plus marginalisées.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.
(1415)
    Merci beaucoup.
    Mesdames les témoins, nous allons maintenant passer à la série de questions d'une durée de six minutes. J'enverrai un signal lorsqu'il ne restera qu'une minute.
    Madame Ferreri, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup. J'espère que tout le monde peut m'entendre.
    J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier également le premier groupe de témoins. Elles étaient toutes si passionnées et si formidables. Tout le monde fait un excellent travail.
    Beaucoup de mes questions vont s'adresser au premier témoin que nous avons entendu, Mme Bell.
     J'ai adoré ce que vous avez dit. À vrai dire, j'aimerais pouvoir passer six heures avec vous. C'est un travail vraiment important que vous faites, notamment en ce qui a trait à votre expérience dans le cadre du travail que vous faites auprès des adolescents. Je ne pourrais pas être plus en accord avec tous vos appels à l'action. En tant que mère, c'est un sujet qui m'intéresse énormément, moi aussi. J'ai vécu une grande partie de ce dont vous avez parlé.
    J'aimerais parler de ce que vous recommanderiez. Vous avez parlé de l'éducation des adolescents. Nous en avons beaucoup discuté au sein de ce comité. Si votre référence d'une relation malsaine est elle-même malsaine, vous ne saurez pas faire la différence. Ils ne connaissent pas cette différence. Lorsqu'ils commencent enfin à la voir, quelles méthodes pouvons-nous utiliser pour éduquer les préadolescents et les adolescents tout en leur inspirant confiance? Nous savons qu'ils n'écouteront pas un professeur qui se tient debout à l'avant de la classe. C'est un pair... Que recommandez-vous pour soutenir l'éducation de ces enfants?
    Eh bien, je pense que la prévention est la clé. Je pense que vous avez tout à fait raison quand vous dites que leur référence dépend de ce qu'ils savent ou de leur perception de ce qui est normal. Si leurs professeurs ne leur inspirent pas confiance, alors peut-être qu'il faudrait, je ne sais pas, inviter des conférenciers en classe pour discuter plus en détail de ce qui rend une relation toxique.
    J'ai mentionné comment certains adolescents peuvent confondre attention et manipulation. C'est assurément quelque chose que j'ai pu constater. La différence entre les deux est parfois subtile. Si elles disent: « Mon partenaire m'envoie des SMS et il veut savoir ce que je fais en tout temps », c'est un signal d'alarme pour un professionnel. Une adolescente pourrait dire: « Oh, n'est‑ce pas gentil qu'il se soucie tellement de moi qu'il veut savoir ce que je fais en tout temps? » Alors...
(1420)
    Je suis désolée. Je regrette de vous interrompre, mais j'ai si peu de temps et je veux toucher à tout.
    Je pense que c'est un dilemme, car quand nous parlons des médias sociaux et de ce que vous avez soulevé, c'est tellement poussé. Nous savons que cela peut être une arme à double tranchant. Pourrions-nous utiliser ce même outil dont ils sont si dépendants pour les aider à apprendre ce qu'est une relation saine?
    Je suis certaine que nous pourrions le faire.
    Ce serait une chose que je demanderais ou que j'examinerais, mais il y a aussi la question des parents. C'est un point très important que vous avez soulevé. Encore une fois, j'en ai fait l'expérience. Votre enfant pourrait être l'auteur ou le destinataire de ces gestes, et vous n'en auriez même pas conscience.
     Que recommanderiez-vous pour éduquer les parents afin qu'ils puissent instaurer une relation de confiance avec leur enfant plutôt que de le harceler? Comment pouvons-nous aider les parents à reconnaître ces signes?
    Si l'enfant ne vous dit pas explicitement que quelque chose ne va pas, il arrive que vous le remarquiez dans son comportement. Vous pourrez voir que quelque chose ne tourne pas tout à fait rond chez lui. Il pourra sembler un peu plus replié sur lui-même ou un peu plus anxieux. Tout changement subtil dans son comportement peut être un indicateur que quelque chose est en train de se passer.
    Je pense que beaucoup de parents ne sont pas conscients de tout ce qui se passe. Ils n'ont même pas l'éducation de base. Bien souvent, les enfants en savent plus que les parents. Même les enfants de 12 et 13 ans en savent beaucoup plus que les parents.
    Encore une fois, je pense qu'une campagne pour sensibiliser les parents à toutes ces subtilités et à ce qui se passe dans cette tranche d'âge... Dans le cas des enfants qui entrent au secondaire et qui obtiennent un premier téléphone, je pense vraiment que les parents devraient être sensibilisés à certains des parcours que leurs enfants peuvent emprunter, parfois même à leur insu.
    Vous avez eu accès à des outils qui fonctionnent, à des choses simples qui peuvent être mises en place dans une famille pour encourager une communication positive dans les deux sens, et permettre au parent de parler à son enfant et à l'enfant de parler au parent. Quelles sont vos principales recommandations à l'égard de ces outils?
    Eh bien, je pense que la confiance est essentielle, et elle se construit dès le plus jeune âge. Je pense que les parents doivent être vraiment disposés à mettre de côté toutes leurs émotions, tous leurs sentiments et toutes leurs opinions lorsqu'ils traitent avec leur enfant, et qu'ils doivent s'efforcer de rester calmes et ouverts, et de comprendre — ou d'essayer de comprendre — ce que leur enfant dit en épousant son point de vue. Ils doivent vraiment soutenir...
    Diriez-vous que des choses comme les dîners en famille sont importantes, des repas où les gens posent leur téléphone et s'écoutent activement les uns les autres?
    Absolument, oui. C'est un bon vieux conseil à l'ancienne.
    C'est formidable — et la lecture d'histoires avant de fermer la lumière.
     Merci beaucoup.
    Je vous en prie.
    Bien. Nous allons passer à notre prochaine intervenante.
    Madame Lambropoulos, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier tous les témoins des excellents témoignages qu'elles ont livrés aujourd'hui, et d'être là pour répondre à nos questions.
    Mes questions vont être un peu éparpillées. J'ai réfléchi aux causes profondes de ce type de violence, et je veux vraiment aller au fond des choses afin de cerner les différentes dynamiques qui sont en jeu ici.
    Quelqu'un peut‑il répondre à cette question: les communautés culturelles — et je ne parle pas des femmes autochtones en soi, mais des communautés culturelles ou des communautés d'immigrants — subissent-elles des niveaux de violence plus élevés que les communautés blanches ou les communautés qui ne sont pas nécessairement issues de l'immigration? Je ne sais pas si quelqu'un a des statistiques à ce sujet.
    Non? D'accord.
    La raison pour laquelle je m'aventure de ce côté, c'est que certaines de nos intervenantes de tout à l'heure — et Mme Bell maintenant — ont mentionné que de plus en plus de jeunes femmes s'engagent dans des relations où elles risquent d'être la cible de violences. Dans la tranche d'âge des 12 à 14 ans, une fille sur trois est dans une relation où elle risque de subir des violences. D'ailleurs, dans un témoignage précédent, Melpa Kamateros a dit qu'en ce moment, ce sont les jeunes filles qui cherchent de l'aide dans les refuges.
    Étant moi-même issue d'une communauté culturelle, je sais que les fréquentations à l'adolescence sont mal vues, donc pas forcément autorisées. D'après mon expérience comme enseignante, j'ai l'impression que beaucoup de jeunes que je connaissais et qui étaient issus de milieux culturels n'étaient pas nécessairement ceux qui avaient des fréquentations.
    Madame Bell, d'après votre expérience, quelle serait la raison... Si des personnes de plus en plus jeunes sont touchées par ce genre de problème, et si nous essayons de nous attaquer à la racine de cela et d'empêcher que ce type de violence se poursuive en aval, quelles sont, selon vous, les choses que les gens peuvent faire?
    Tout d'abord, quels sont les signes à surveiller? Vous en avez mentionné trois. Par ailleurs, quels types de programmes le gouvernement fédéral peut‑il mettre en place à cet égard? Nous ne nous occupons évidemment pas beaucoup d'éducation, mais quels types de programmes pouvons-nous mettre en place pour financer des initiatives susceptibles d'aider à éliminer ces signes, disons, dès le début?
(1425)
    Ce sont de bonnes questions. Laissez-moi y réfléchir.
    J'ai mentionné dans mon exposé le Guide pour les familles du Centre canadien de protection de l'enfance, et je l'ai lu. Ce document d'environ 35 pages est vraiment excellent. Comme je l'ai déjà dit, j'ai fait quelques recherches pour vous parler aujourd'hui, et au cours de toutes mes années de pratique, je n'ai jamais su que cette ressource existait. Si je ne l'avais pas cherchée...
     C'est pourquoi, dans l'une des recommandations, j'ai mentionné qu'il existe de très bons outils, mais qu'il faudrait s'efforcer de mieux les faire connaître. C'est une chose à laquelle il faut réfléchir. En ce qui a trait à ce que le gouvernement fédéral peut faire, vous disposez de certains outils « canadiens », et vous pouvez peut-être réfléchir à des moyens d'en informer mieux les gens.
    Qu'avez-vous demandé d'autre?
    En fait, je vois que Mme Campbell a également levé la main, et j'aimerais lui donner la chance de répondre.
    Merci.
    Je suis désolée. J'essayais de trouver le bouton de mise en sourdine pour répondre à votre question sur les populations et les statistiques.
    Je peux chercher des statistiques pour vous, mais nous savons que les femmes immigrantes courent un plus grand risque de subir de la violence conjugale, et ce, pour une foule de raisons. Mme Kamateros a parlé de ces raisons lors de la comparution du premier groupe d'experts: la dépendance économique à l'égard du conjoint ou des proches, les barrières linguistiques, l'ignorance de l'existence de ressources communautaires, et les règles du système d'immigration et de protection des réfugiés concernant les unions conjugales. Ces facteurs peuvent faire en sorte que les gens ont peur de se manifester. De plus, lorsqu'il s'agit de la deuxième génération, comme vous l'avez indiqué, les jeunes ont de la difficulté à parler de ces choses‑là avec leurs parents.
    En ce qui concerne le point soulevé par Mme Bell au sujet des ressources disponibles, et pour répondre à votre question sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire, l'Agence de la santé publique du Canada s'est associée par le passé à la Fondation canadienne des femmes dans le cadre de programmes axés sur les relations saines chez les adolescentes, et a travaillé à édifier le domaine des relations saines chez les adolescentes comme mécanisme de prévention de la violence.
    Nous avons un projet en cours pour essayer de rassembler ces meilleures pratiques, tout en tenant compte des communautés marginalisées pour nous assurer que tout le monde est représenté dans ces programmes. Il existe un bon corpus de ressources et ce serait bien de voir ce genre de choses continuer.
    J'allais poser une question sur l'intersectionnalité, mais vous venez d'y répondre. C'est aussi quelque chose que nous allons examiner dans le cadre du prochain budget.
    Il me reste moins d'une minute, alors je vais me contenter de prendre le temps de vous remercier toutes pour le travail important que vous faites. Madame Bell, pendant une décennie de ma vie, j'ai eu la chance d'observer le travail que vous avez fait. Vous avez personnellement influencé la vie d'un membre de ma famille, alors je vous remercie sincèrement.
    Vous êtes la bienvenue. Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Merci d'avoir ajouté cela, madame Lambropoulos. C'est formidable de savoir qu'il y a des personnes dans nos communautés qui sont là pour aider nos familles et tous les autres. Je vous remercie donc infiniment.
    Nous allons maintenant passer à Mme Louise Chabot.
    Madame Chabot, vous avez six minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Mesdames, je vous remercie de vos témoignages. Ils sont troublants, d'autant plus que nous sommes présentement en 2022.
    Depuis de longues années, on mène des luttes féministes afin d'enrayer ce phénomène. À mon avis, il faut prendre acte qu'il y a encore des problèmes criants à régler.
    J'aimerais parler des manifestations de contrôle coercitif.
    Madame Bell, vous avez parlé des jeunes. Au Québec, il y a actuellement une importante campagne de publicité qui met en lumière des comportements contrôlants qu'un homme dominant exerce sur sa femme au moyen de la violence psychologique, de la violence verbale et de gestes qui frisent la violence physique, mais qui ne vont pas jusque là. Cette campagne vise à démontrer que le problème existe. Les femmes ont souvent de la difficulté à dénoncer la situation de violence, car elles n'ont pas d'ecchymoses ou de marques sur le visage.
    On dit qu'il faut s'attaquer aux causes profondes du problème, et les manifestations de contrôle coercitif en font partie.
    Comment pouvons-nous exercer un contrôle plus serré, afin que ce genre de situations n'aboutissent pas à de la violence physique, à de la violence sexuelle ou à des féminicides?
    De telles voies pourraient être empruntées dans le cas des jeunes. Ils ont peut-être vu leurs parents avoir de tels comportements, et ils les reproduisent ou les banalisent.
    Mesdames, ma question s'adresse à vous trois. Comment les provinces et le Canada pourraient-ils agir de façon cohérente?
(1430)

[Traduction]

    Je peux peut-être commencer.
    Je sais que l'éducation relève des provinces. Je suis heureuse de savoir qu'il existe quelque chose en français sur le contrôle coercitif et la manipulation. Je m'interroge sur la nature de ce programme. Je me demande également s'il y en a un du côté anglais.
    Je pense que c'est fantastique. Je pense que la prévention consiste à éduquer les élèves de la fin du primaire — et les parents — sur ces aspects plus subtils avant qu'ils n'aient des appareils électroniques entre les mains et qu'ils se retrouvent sur ces médias sociaux. Il s'agit vraiment de sensibiliser les jeunes et de leur faire prendre conscience de ce qui existe, de ce qui est approprié et de ce qui commence à glisser vers une utilisation inappropriée. Il s'agit vraiment de faire en sorte que les élèves aient une idée plus claire de ce qu'est une utilisation appropriée et de ce qui ne l'est pas.
    En ce qui concerne les relations et ce qui est sain et malsain, je pense que vous avez mis le doigt sur le problème quand vous avez dit qu'il leur arrive d'être conditionnés par ce qui se passe chez eux. Souvent, ce qu'ils voient à la maison peut leur sembler normal et peut être reproduit dans leurs propres relations lorsqu'ils commencent à en avoir.
    Un élément déterminant est d'inciter les enfants à se poser des questions sur ce qui est approprié, même si cela peut être quelque chose qui est différent de ce qu'ils vivent.
    Si je peux intervenir, je serai brève.
    Je crois qu'il est vraiment important de penser aux possibilités qu'ont les gens de quitter des relations où il y a un contrôle coercitif. Je reviens sur des choses comme l'importance d'un emploi stable comme élément fondamental. Le gouvernement fédéral joue un rôle important à cet égard, tant par les emplois directs qu'il génère en tant que plus grand employeur du pays que par l'exemple qu'il peut donner aux autres. Je pense qu'il est important de s'attaquer à des choses comme l'emploi précaire.
    Je vais m'arrêter là pour donner une chance à ma collègue.
    Je vous remercie.
     Je voudrais simplement ajouter, madame Chabot, que vous avez raison. Les gens en parlent depuis des décennies. Nous plaidons depuis des années en faveur de ce qui doit être fait. Le secteur sait ce dont il a besoin et l'a dit au gouvernement à maintes reprises sous différentes formes.
    Le plan d'action national pour mettre fin à la violence sexiste existe. Il doit être mis en œuvre de toute urgence. Il doit être financé au plus haut niveau pour que ces choses soient mises en place.
    Il en va de même pour le plan d'action national visant à résoudre la crise nationale des femmes autochtones disparues et assassinées. La feuille de route est là. Il suffit de la suivre.
(1435)
    Il vous reste environ 20 secondes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je suis d'accord pour dire que toute personne doit quitter une relation où s'exerce un contrôle coercitif, mais je pense que nous sommes aussi tous d'accord pour dire qu'il faut aussi lui donner les moyens pour le faire.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant laisser la parole à Mme Ashton.
    Madame Ashton, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci énormément à toutes pour vos témoignages percutants.
    Il me fait grand plaisir d'être ici en remplacement de ma collègue Leah Gazan pour la séance d'aujourd'hui: le Comité ne m'est pas inconnu étant donné le travail que j'ai pu réaliser il y a quelques années en condition féminine, et je suis ravie de voir des visages que je reconnais, comme le vôtre, madame Stinson, et d'autres plus tôt aujourd'hui. Merci beaucoup d'être parmi nous.
    Madame Stinson, j'aimerais m'adresser à vous. Vous avez mis l'accent sur des constats clés entourant l'accès au transport et à l'emploi. J'aimerais souligner à quel point c'est critique. Je représente une circonscription du Nord; je vis dans une circonscription du Nord. Dans l'Ouest canadien, nous avons été les premiers à perdre les services de Greyhound. Bien qu'il y ait eu des initiatives, rien n'a réussi à remplacer ce que nous avons perdu, et c'est un gros problème. La Route des pleurs est probablement le cas de figure le plus éloquent qui montre la vulnérabilité des femmes autochtones et du Nord lorsqu'elles n'ont pas accès à du transport sécuritaire. Je vous suis vraiment reconnaissante d'avoir abordé ce point. Il est clair que cette réalité n'est pas aussi bien comprise par les résidents de centres urbains. J'apprécie que vous ayez mentionné ces deux enjeux.
    Je veux aussi relever un autre thème central que bon nombre d'entre vous avez abordé: la nécessité d'avoir accès au logement. Notre pays traverse une crise du logement. Le problème est particulièrement grave pour les Premières Nations et les collectivités du Nord, mais le problème est vraiment généralisé dans tout le pays, tant du côté de l'offre que du côté de l'accès. L'accès à un logement sûr est de moins en moins atteignable pour bon nombre de Canadiennes, même pour de nombreuses qui travaillent, étant donné la réalité, comme vous l'avez remarqué madame Stinson, du travail précaire, etc.
    Madame Stinson, pouvez-vous nous dire à quel point il est urgent que le gouvernement fédéral s'attarde au logement et investisse en habitation, tous types de logements confondus. J'aimerais beaucoup connaître votre perspective.
    Oui, c'est extrêmement important. Le logement gruge une si grande proportion du revenu des particuliers. Cette proportion est censée être le tiers du revenu, mais je pense que pour bien des gens elle est plutôt de la moitié, voire plus. Le logement est hors de portée pour beaucoup de personnes. Le manque de logements et l'instabilité favorisent aussi la violence. On est plus vulnérables à la violence si, par exemple, on dort sur les canapés des autres, si on dépend de l'accueil de nos amis pour nous héberger, si on est en situation de logement précaire, si on vit dans une maison de chambres ou si on a tout autre arrangement de cette nature. Effectivement, le logement inadéquat est très intimement lié à la violence fondée sur le sexe et entre partenaires intimes.
    Comme pour le transport, le gouvernement fédéral joue un rôle clé. Nous l'avons vu avec les garderies. Je crois que les garderies représentent un exemple formidable montrant que le leadership du gouvernement fédéral peut créer des conditions. Dans ce cas‑ci, le régime retenu devrait être à but non lucratif, ce qui est extrêmement important pour bien des services, surtout pour les garderies. Le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file pour dire: « Voici de l'argent. Vous respectez certaines conditions. Travaillons ensemble pour créer un réseau. »
    Je veux aussi donner à Mme Campbell la chance de partager son point de vue sur le logement et à Mme Bell aussi, si elle veut ajouter des commentaires.
    Nous discutons avec nos collègues du milieu depuis le début de la pandémie. À la question « De quoi ont besoin les femmes et les personnes de diverses identités de genre présentement? », le logement arrive au premier rang de la liste. Le logement et l'accès à un revenu adéquat sont vraiment, vraiment importants. L'accès aux garderies et au transport vont de pair pour déterminer si quelqu'un est en sécurité ou non.
    J'imagine qu'il faut sérieusement tenir compte des déterminants sociaux de la santé et s'assurer que les éléments soient en place. Ils sont nécessaires pour la sécurité des femmes.
    Tout à fait, il faut que le gouvernement fédéral adopte un rôle de meneur dans la stratégie nationale sur le logement.
(1440)
    Je suis d'accord avec ce que les deux autres intervenantes ont affirmé. Je ne travaille pas directement avec la population adulte, mais j'appuie certainement ce qu'elles disent sur le sujet.
    Merci beaucoup.
    Madame la présidente, combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste une minute.
    Je serai brève. On a aussi abordé la sécurité du revenu. Ma collègue Leah Gazan est une défenseure du revenu viable garanti.
    Mesdames Stinson et Campbell, je me demande si vous avez une opinion quant à la façon dont cet outil pourrait aider les femmes victimes de violence et qui veulent fuir leur situation.
    Les femmes travaillant au plan d'action national ont en fait eu une séance sur le revenu annuel garanti et avaient une question cruciale à poser. Il y a eu un débat. Il existe un désir d'avoir un revenu minimum, tout à fait, mais on craint que les services disparaîtront. Nous retrouverons-nous dans un système fondé sur le marché où les citoyens recevront de l'argent et devront acheter des services offerts sur le marché? Ce qui importe vraiment, c'est d'éviter que ce ne soit le résultat.
    Nous avons besoin de l'infrastructure. Nous avons besoin d'appui et de services publics, en plus d'un revenu garanti. Personne ne devrait vivre dans la pauvreté.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer la deuxième série de questions. Nous avons assez de temps pour l'intégralité de la série. Nous allons commencer par Mme Vien.
    Madame Vien, vous aurez cinq minutes; madame Sidhu, cinq; madame Chabot, deux et demie; et madame Ashton, deux et demie.
    Je donne la parole à Mme Vien pour cinq minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mes questions s'adressent essentiellement à vous, madame Bell. Je vous demanderais des réponses assez succinctes, parce que j'en ai un certain nombre.
    En tant que psychologue et intervenante ayant une longue expérience, diriez-vous qu'une jeune victime va nécessairement devenir une adulte victime?

[Traduction]

    Oui, c'est ce que je crois.
    Selon les statistiques, un jeune sur trois est touché par la violence chez les adolescents. Pour la personne touchée parmi les trois, la violence se poursuit souvent. Même si on travaille avec les victimes, elles ont parfois tendance à se retrouver à nouveau, à leur insu, dans des situations similaires.

[Français]

    Madame la présidente, je n'entends plus l'interprétation.
    Effectivement, madame la présidente, il n'y a plus d'interprétation.

[Traduction]

    La traduction fonctionne‑t‑elle?

[Français]

    Oui, l'interprétation est disponible maintenant, madame la présidente.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Devrais‑je répéter ce que j'ai dit et continuer?
    Répétez ce que vous avez dit, je vous prie.
    Je suis d'accord avec l'affirmation voulant que les jeunes qui vivent une situation à l'adolescence où ils subissent par exemple de la violence en ligne ou en personne revivent dans bien des cas ces situations et deviennent victimes de violence conjugale même avec différents partenaires.

[Français]

    Madame Bell, je suis désolée, mais je vais devoir vous interrompre. Je sais que c'est très impoli, et je n'aime pas faire cela. Je n'ai pas beaucoup de temps, mais j'ai l'essentiel de votre réponse.
    Dans les exemples que je vais vous donner, lequel, selon vous, serait le plus important, à moins qu'il soit bien compris qu'ils font tous partie des causes.
    Qu'est-ce qui incite les jeunes à la violence? Est-ce que ce sont les médias sociaux? Est-ce l'Internet, la violence familiale ou bien une prédisposition? Est-ce que toutes ces réponses sont bonnes? Que nous diriez-vous? Qu'avez-vous entendu dans votre pratique?
(1445)

[Traduction]

    Je crois que c'est une combinaison de facteurs; je ne pense pas qu'il y ait une seule cause.
    Il peut y avoir des facteurs prédisposants selon ce qui se passe dans la famille. D'autre part, les jeunes peuvent même simplement percevoir des situations de travers, ce qui influence leur perception de la réalité et leurs décisions.
    On ne peut mettre le doigt sur une seule cause. C'est une combinaison de facteurs, et j'imagine que c'est ce qui rend la situation si difficile à régler.

[Français]

    D'accord.
    Je suis la maman d'un jeune homme qui aura bientôt 26 ans. En tant que parents, nous avons également une responsabilité dans la façon dont nous élevons nos garçons.
    Que devraient dire les parents aux garçons?

[Traduction]

    Je ne sais pas à quel point on enseigne l'empathie dans le programme scolaire du primaire, mais c'est vraiment important d'inculquer aux enfants dès la tendre enfance comment voir les choses de la perspective d'autrui et comment se mettre à la place de son prochain.
    Il est également important de discuter avec les enfants de la prise de décisions, du processus de prise de décisions pour un parent. On pourrait expliquer les étapes du processus aux enfants pour qu'ils sachent comment les parents utilisent la pensée critique pour réfléchir à une situation. Ainsi, les enfants pourront se référer à un cadre concret et ne se fieront pas seulement à une interprétation de la situation.

[Français]

    Il me reste une minute.
    En terminant, madame Bell, on connaît les refuges et les maisons d’aide pour les femmes. Quelques organismes aussi viennent en aide aux hommes. Y a-t-il suffisamment de ressources pour aider nos jeunes qui sont violents ou nos jeunes qui sont victimes de violence? Il y a quelques ressources au Québec, dont Tel-jeunes, mais y en a-t-il suffisamment?

[Traduction]

    Je ne pense pas. Je sais assurément que lorsque j'étais conseillère en orientation, les collègues de ma profession et moi n'étions jamais assez nombreux pour la demande — mes conversations avec mes collègues m'ont révélé que le problème était réel dans les autres écoles aussi, dans les secteurs public et privé. Même dans la pratique privée, je sais qu'il y a énormément de demandes pour des psychologues et des thérapeutes.
    Je dirais donc que plus de ressources sont nécessaires.
    Merci beaucoup.
    Nous donnons maintenant la parole à Mme Sidhu.
    Madame Sidhu, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à toutes nos témoins pour leurs excellents témoignages.
    Ma question d'adresse à Mme Stinson.
    Madame Stinson, notre étude englobe également en quoi les comportements coercitifs et manipulateurs constituent une forme d'abus. Nous avons entendu parler des obstacles liés à la langue et du manque de ressources communautaires. Selon vous, quelles mesures s'avèrent plus efficaces pour lutter contre cette forme de violence précise?
    Je veux m'assurer de bien comprendre votre question. À quel type de violence faites-vous référence?
    Quelles mesures sont plus efficaces pour neutraliser ce type de violence?
    Je me concentre sur le transport. C'était mon domaine dans le plan d'action national. Je soulignerais ces éléments par rapport à l'importance des réseaux de transport: leur absence permet aux victimes de rester dans des relations violentes, ou les force à y rester. Selon moi, il faut cerner les systèmes nécessaires pour permettre aux victimes de quitter des relations violentes, qu'il s'agisse du réseau de transport qui leur permet de quitter la ville ou de se rendre à une maison de transition ou, comme on l'a mentionné, l'emploi et le logement.
    J'apprécie l'approche de Mme Bell, qui est psychologue — elle travaille auprès de personnes, et c'est extrêmement important —, mais j'ai plutôt tendance à réfléchir aux systèmes. Sur quels domaines et systèmes le gouvernement fédéral a‑t‑il du contrôle ou peut‑il exercer son influence? Ce sont sur ceux‑là que je vous encourage à vous attarder.
    Merci.
    Madame Campbell, quels types de programmes sont offerts aux filles pour leur enseigner à reconnaître les premiers signes d'une relation de violence, les outiller à réagir de façon sécuritaire et leur donner la confiance nécessaire pour vivre une relation saine?
    Mmes Bell et Campbell peuvent faire des commentaires.
(1450)
    Il me fait plaisir d'intervenir à ce sujet.
    Un éventail de programmes, offerts dans les écoles et les centres communautaires de partout au pays, portent sur l'émancipation des filles et s'intéressent particulièrement à leurs situations dans leurs propres contextes culturels. Nous finançons bon nombre de ces programmes. Nous finançons aussi des programmes partout au pays sur les relations saines à l'adolescence: ils visent à appuyer les jeunes à définir et comprendre ce qu'est une relation saine, avec quelqu'un qu'on fréquente ou avec qui on a des rapports sexuels, mais aussi avec les pairs, son parent ou son enseignant. Il est important de mettre l'accent sur ces compétences et de les inculquer à nos jeunes.
    De façon générale, je dirais que nous devons avoir un secteur de la justice robuste et dynamique pour les femmes et les genres afin que ces programmes puissent être offerts. Présentement, ce secteur est vraiment fragile et aux prises avec des difficultés à cause de la pandémie, alors nous devons vraiment lui accorder notre attention afin de consolider les ressources pour ces groupes.
    Merci.
    Nous savons que les médias sociaux sont parfois une plateforme propice à la violence entre partenaires intimes. Des histoires d'horreur d'adolescentes intimidées se produisent. Je me demande quel rôle vous attribuez aux secteurs de la technologie et de la cybersécurité pour réduire la violence chez les adolescents.
    La question s'adresse à Mme Bell.
    J'aimerais croire qu'ils ont une responsabilité sociale de tenter une solution, soit de repérer le contenu violent ou inapproprié et de parvenir à le retirer d'une manière ou d'une autre. Selon ma compréhension limitée du phénomène, certaines de ces plateformes de médias sociaux essaient de prendre ces mesures, mais la quantité de contenu est à ce point considérable que les changements ne se produisent pas toujours assez rapidement. Je crois que c'est assurément un domaine qu'il faut explorer plus en détail.
    Tout type de campagne de sensibilisation... nous avons entendu cette idée, d'autant plus qu'il y a une incidence sur la santé mentale. Tous les témoins d'incidents remarquent les effets sur la santé mentale. Comment pouvons-nous allouer efficacement les ressources... Pouvez-vous nous donner votre opinion sur la façon dont le gouvernement pourrait contribuer à une stratégie?
    En fait, madame Sidhu, puisqu'il ne reste que quelques minutes à la réunion, vos propos seront plutôt un commentaire qui sera peut-être réutilisé. Nous donnons maintenant la parole à Mme Chabot.
    Madame Chabot, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Madame Campbell, si le gouvernement fédéral mettait en place des mesures législatives pour essayer de contrer en amont la violence conjugale, notamment en criminalisant le contrôle coercitif, est-ce que ce serait une bonne avenue, une piste potentielle, selon vous?

[Traduction]

    Je crois qu'il est extrêmement important de comprendre les causes profondes du contrôle coercitif et, selon moi, ces causes profondes sont très similaires à celles qui entraînent les autres types de violence fondée sur le sexe et entre partenaires intimes.
    Je pense que, peu importe l'orientation que choisira le gouvernement fédéral, elle devra s'appuyer très précisément sur des données probantes et de la recherche. Il serait important d'étudier les effets de la loi de Clare et d'autres mécanismes législatifs entourant le contrôle coercitif ainsi que de mener une analyse sexospécifique vraiment rigoureuse pour saisir les répercussions qui varient d'une communauté à l'autre.
    Il faut réellement s'attaquer aux causes profondes systémiques plutôt que d'adopter une approche qui criminalise le phénomène, à mon avis.

[Français]

    Je vais vous poser une autre question, madame Campbell.
    Je suis très sensible à la situation des personnes en situation de handicap. Or on constate que le taux de violence qu'elles subissent est disproportionné.
    Quelle serait votre approche pour rendre leur situation plus inclusive dans les solutions que nous mettons en avant?
(1455)

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre question. Je veux simplement signaler que le volume de l'interprétation est très faible et difficile à entendre pour moi, mais je pense avoir compris l'essentiel de la question sur l'accès et le soutien pour les femmes handicapées.
    Ici encore, je crois qu'il faut à tout prix adopter une approche s'intéressant aux systèmes. Il est important de comprendre le capacitisme systémique. Je crois que Mme Brayton, dans le groupe de témoins précédent, a expliqué clairement qu'il ne faut pas déléguer les enjeux de ressources et les responsabilités aux organisations qui se démènent et sont fragilisées par les épuisements professionnels et le roulement de personnel; il faut plutôt examiner les questions d'accès sous des angles systémiques.
    Merci énormément, madame Campbell.
    J'ai perçu son sourire parce qu'elle m'a vue faire des cercles avec mon stylo vert. Nous allons passer à Mme Ashton pour les deux dernières minutes et demie.
    Madame Ashton, vous avez la parole.
    J'aimerais revenir à Mme Stinson pour discuter de l'état général de la situation entourant la violence faite aux femmes. Une étude troublante a été publiée dans les derniers mois sur le lien entre la misogynie, la misogynie violente et la montée de la haine et de la politique extrême — en particulier de droite, fasciste. Il y a souvent des discussions sur le besoin de détecter ces signes qui sont intimement liés à la misogynie flagrante et à la misogynie violente qu'affichent les hommes, surtout les jeunes hommes, en ligne.
    Mesdames Stinson, Campbell et Bell, je n'ai pas beaucoup de temps, mais est‑ce un problème que nous devons prendre au sérieux? Faut‑il que le gouvernement fédéral s'attaque à ce qui est publié en ligne et au potentiel que le contenu s'envenime pour se transformer en violence contre les femmes et d'autres personnes?
    Oui. Je pourrais commencer.
    L'ICREF a récemment publié un feuillet d'information sur le lien entre l'extrême droite, les mouvements de haine et leur maltraitance des femmes — une sorte d'approche anti-féministe. Je crois que c'est extrêmement important.
    Nous observons de plus en plus ces connexions. J'habite Ottawa et je vois clairement à quel point ce nouveau mouvement de haine de droite est épouvantable. Ce sont des bourreaux qui s'en prennent à tous, surtout aux femmes et aux personnes de couleur. On a rapporté, entre autres, des incidents décrivant comment des femmes et des personnes de couleur ont été traitées en pleine rue.
    Je crois que l'enjeu est extrêmement important. C'est peut-être un nouvel angle pour ce comité qui pourrait explorer cette connexion. Je vais laisser les autres s'exprimer.
    Je pourrais peut-être intervenir.
    Je suis tout à fait d'accord. Je crois qu'il est primordial de déployer autant d'efforts que possible. J'aime bien ce que Mme Stinson disait à l'instant sur la situation actuelle et la division des groupes de personnes. Nous voyons le même phénomène chez les adolescents. Malheureusement, bien souvent ils n'ont pas l'esprit critique nécessaire pour déterminer ce qui doit être perpétué ou non. Ils observent quelque chose, et si cette chose est un peu différente, ils se l'approprient avec vigueur et l'imitent. Le résultat est catastrophique dans bien des cas.
    Le commentaire revient à ce que je disais sur l'éducation des enfants, mais j'ai poursuivi l'idée de Mme Stinson.
    La réunion est presque terminée. La discussion a été absolument inouïe. J'aimerais sincèrement vous remercier toutes les trois d'avoir participé à la réunion et de nous avoir fourni tous ces renseignements. Si vous avez d'autres renseignements à partager avec le Comité, je vous rappelle que vous pouvez nous soumettre un mémoire sur le sujet. Je suis persuadée que vous avez toutes quelque chose à ajouter.
    Je rappelle à tous les membres du Comité que la sixième réunion aura lieu le mardi 15 février, encore une fois de 15 h 30 à 17 h 30 à l'édifice Wellington. Nous discuterons avec Lana Wells, qui est professeure agrégée à l'Université de Calgary; et Katreena Scott, qui est professeure et directrice du Centre de recherche et d'éducation sur la violence faite aux femmes et aux enfants. Nous aurons aussi parmi nous des représentants de Statistique Canada et des Services de soutien aux femmes battues. Je suis certaine que notre greffière va nous envoyer plus d'information au cours des prochains jours.
    J'aimerais remercier tout le monde d'avoir participé à la réunion d'aujourd'hui. Je remercie vivement encore une fois les témoins pour la discussion passionnante. Vous avez été sensationnelles.
    Nous nous reverrons mardi.
    Ai‑je le consentement de tous pour lever la séance?
    Je vois que oui. Merveilleux. Bonne fin de semaine à tous, et portez-vous bien.
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