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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 101 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 28 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bienvenue à la 101e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.
    Notre réunion se déroule en mode hybride, conformément au Règlement. Des députés siègent en personne et d'autres siègent à distance, au moyen de l'application Zoom.
    Je profite de l'occasion pour rappeler de ne pas faire de capture ou de photo de votre écran. C'est interdit.
    Nous recevons aujourd'hui des témoins qui viennent nous parler des géants du Web, dont trois qui se joignent à nous par Zoom et un autre qui est ici en personne. Tout d'abord, M. Jean‑Hugues Roy, professeur à l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal, témoignera à titre personnel. M. Imran Ahmed représente quant à lui le Center for Countering Digital Hate, dont il est le directeur général, et M. Jason Kint représente l'organisme Digital Content Next, dont il est aussi directeur général. Les trois comparaîtront de manière virtuelle. Enfin, nous avons avec nous M. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique de l'Université d'Ottawa.
    Nous allons entendre les déclarations liminaires de cinq minutes des témoins. Nous commençons avec M. Jean‑Hugues Roy, qui est comme je l'ai dit professeur à l'Université du Québec à Montréal.
    Monsieur, vous disposez de cinq minutes pour présenter une déclaration au comité du patrimoine canadien. Nous vous écoutons.
    Je ne sais pas si votre microphone est désactivé ou si le problème est de notre côté… Je pensais que ces problèmes avaient été réglés il y a deux ans. Je ne sais pas ce qui se passe. J'étais présente dans la salle quand vous avez effectué un test sonore et tout allait bien. Laissez-moi vérifier de nouveau.
    Monsieur Roy, nous ne vous entendons pas. Nous allons passer au prochain intervenant et nous allons revenir à vous dans quelques minutes.
    Nous allons donc entendre la déclaration de cinq minutes de M. Ahmed, le directeur général du Center for Countering Digital Hate.
    Allez‑y.
    Monsieur le président, distingués membres du Comité permanent du patrimoine canadien, merci de me donner la parole aujourd'hui.
    Je m'appelle Imran Ahmed, et je suis le fondateur et le directeur général du Center for Countering Digital Hate. Je vais parler aujourd'hui du rôle que jouent les géants du Web dans notre écosystème de l'information, de la manière dont la conception et le modèle d'affaires de leurs plateformes contribuent au recours croissant à la désinformation et aux discours haineux, ainsi que de leur réaction à l'égard de toute tentative de resserrer la surveillance par la voie d'une réglementation adoptée démocratiquement.
    Pour les entreprises de médias sociaux, malgré leur rôle central dans le discours public, la liberté d'expression n'est pas un objectif en soi. Ce sont des entreprises à but lucratif, qui tirent leurs profits des ventes d'espaces publicitaires associés au contenu créé gratuitement par les éditeurs de nouvelles et les utilisateurs des plateformes. Meta et les autres plateformes ne veulent pas assumer la responsabilité éditoriale du contenu publié sur leurs plateformes —  pour des raisons liées aux obligations et de nature financière — parce que la modération du contenu et le contrôle éditorial requièrent beaucoup de ressources.
    Cependant, en bloquant le partage de nouvelles au Canada, Meta donne la preuve qu'elle s'est toujours arrogé un pouvoir éditorial dont elle est prête à user sans discernement si du contenu compromet son sacro-saint chiffre d'affaires. Ce que nous montre la décision de Meta de bloquer les nouvelles canadiennes, c'est qu'elle et ses semblables sont prêtes à assumer la responsabilité du contenu publié sur leurs plateformes seulement si leurs profits sont menacés.
    C'est ce qui explique leur emportement à l'égard de la Loi sur les nouvelles en ligne. Le projet de loi C-18 oblige les plateformes à négocier des ententes avec les éditeurs de nouvelles qui leur ont fourni du contenu qui leur a permis de s'enrichir et, pour certains, dont elles ont détruit l'entreprise.
    Le Canada se retrouve dans une situation très difficile. Les Canadiens ne peuvent plus partager de nouvelles avec leurs amis, les membres de leur famille et de leur communauté. Cette décision intempestive a été prise dans un accès de colère par une entreprise qui n'a jamais raté une occasion de s'opposer à toute volonté d'un gouvernement démocratiquement élu dans le monde d'exercer une gouvernance.
    Selon une enquête sur les nouvelles numériques menée cette année par l'agence Reuters, 27 % des Canadiens partagent des nouvelles par l'intermédiaire des médias sociaux et des applications de messagerie. Maintenant que les nouvelles ont disparu des fils d'actualité des Canadiens, par quoi sont-elles remplacées? Quel contenu les utilisateurs consultent-ils maintenant que les médias d'information fiables ont été muselés?
    La disparition des nouvelles laisse un vide…
(1105)

[Français]

    Monsieur le président, il y a des difficultés du côté de l'interprétation.

[Traduction]

    Monsieur Ahmed, je dois vous arrêter un instant. Nous avons de la difficulté avec l'interprétation en français. Je suis désolé. Je vais arrêter le chronomètre. Il va vous rester 2 minutes et 40 secondes environ.
    Nous devons attendre. Nous avons des difficultés techniques ce matin.
    Est‑ce que tout le monde entend les interprètes?

[Français]

    Monsieur le président, l'interprète nous fait savoir qu'il y aurait de l'interférence avec un autre microphone.

[Traduction]

    Maintenant, c'est l'interprétation en anglais qui ne fonctionne pas.
    Vous avez dit qu'un microphone est activé, mais je n'en vois pas.
    Nous allons prendre une pause de deux minutes pour corriger le problème et assurer l'accès à l'interprétation en anglais et en français.
(1105)

(1110)
    Le vice-président (M. Kevin Waugh): Il vous reste 2 minutes et 25 secondes. Je suis désolé de cette interruption.
    Vous pouvez poursuivre avec la fin de votre exposé. Il reste 2 minutes et 25 secondes.
    Je suis désolé, mais j'ai entendu 2 minutes et 40 secondes avant. Je vais essayer de présenter la plus…
    Des députés: Ha, ha!
    Vous avez raison. Il vous reste 2 minutes et 40 secondes. Allez‑y.
    Je vais essayer de présenter la plus grande partie possible de mon allocution. Je vous demande encore un peu de patience. Je suis désolé.
    Comme je le disais, la disparition des nouvelles a laissé un vide qui va forcément être comblé, et je suis ici pour vous parler du risque qu'il le soit par la désinformation et les discours haineux alimentés par les algorithmes de ces plateformes.
    Les algorithmes malveillants contribuent à la propagation de la désinformation. Ils sont conçus pour attirer l'attention en priorité sur le contenu publicitaire et faire en sorte qu'il soit consulté par le plus grand nombre d'utilisateurs possible et le plus longtemps possible.
    Mon organisme mène des recherches sur l'intensification de la désinformation et des discours haineux sous l'effet des algorithmes des médias sociaux. Plutôt que de donner aux utilisateurs la liberté de choisir des contenus, les algorithmes recourent à des méthodes comme l'analyse prédictive pour mettre au premier plan les résultats que l'entreprise estime les plus rentables pour elle.
    Je tiens à le répéter. Les algorithmes des plateformes ne vous donnent pas accès aux résultats que vous souhaitez. C'est un mythe. Ils vous donnent accès aux résultats auxquels vous devez vous intéresser selon ce qu'eux ont décidé.
    Ces systèmes extrêmement personnalisés et invasifs sont responsables de la polarisation de la pensée économique, démocratique et sociale, et il existe une corrélation entre eux et la montée de l'extrémisme, des groupes et des réseaux radicaux et haineux.
    Les algorithmes et les systèmes « de recommandation » sont au centre des modèles d'affaires des plateformes technologiques. Cette sensibilité commerciale explique en partie pourquoi les données techniques concernant ces algorithmes sont si difficiles à obtenir.
    Nous avons malgré tout réussi à établir, dans le cadre de nos recherches, qu'il existe un lien étroit entre les algorithmes et la promotion de la désinformation et du contenu conspirationnistes et haineux. Ainsi, en août 2020, quand Instagram a ajouté des recommandations à son expérience utilisateur — en insérant du contenu non sollicité dans les flots de données pour que les utilisateurs prolongent le temps passé sur la plateforme —, le CCDH a voulu comprendre l'incidence de ce changement dans la conception sur la fréquence de la mésinformation et des discours haineux.
    Dans le rapport sur les algorithmes que nous avons publié en 2021, nous donnons des preuves que ce choix conceptuel a contribué à la radicalisation de la mésinformation extrémiste transmise aux utilisateurs. Une fois que les utilisateurs avaient lu le contenu récent sur tous leurs comptes, du contenu complémentaire leur était proposé qui tenait compte de leur intérêt potentiel au vu de leurs données et de leurs habitudes. Par exemple, si un utilisateur avait consulté du contenu contenant de la désinformation au sujet de la COVID‑19, il se voyait offrir un accès à la désinformation publiée par QAnon et antisémite. Les utilisateurs qui avaient consulté le contenu antisémite se voyaient également offrir de la désinformation antivaccins et sur la COVID‑19 en général.
    Les résultats de nos recherches illustrent la manière dont les algorithmes et les choix conceptuels des plateformes peuvent rapidement faire passer les utilisateurs d'un contenu conspirationniste à un autre, d'une question visant à obtenir de l'information sur l'efficacité d'un nouveau vaccin à du contenu conspirationniste sans lien comme celui de QAnon, les théories sur le truquage des élections et la haine antisémite.
    Meta possède et contrôle l'algorithme Instagram, et elle en tire profit, et nous avons la preuve qu'il contribue à intensifier la désinformation et les théories du complot dangereuses. C'est un exemple seulement de la dynamique nocive induite par notre dépendance à un algorithme conçu pour maximiser les revenus.
    Pouvez-vous conclure, monsieur Ahmed? Votre temps de parole est écoulé.
    Oui, je termine.
    Il est encore trop tôt pour faire des recherches sur l'ensemble des conséquences de la décision de Meta de bloquer le contenu de nouvelles au Canada. Toutefois, il m'apparaît tout à fait improbable que le blocage des nouvelles et du journalisme responsable sur le plan éditorial entraîne une amélioration de la qualité des recommandations des algorithmes, ou qu'il mette fin au cycle nocif que je viens de décrire.
    Merci.
    Merci beaucoup. Nous allons maintenant entendre M. Roy, pour un exposé de cinq minutes. Je crois que le problème technique a été réglé.
    Vous avez la parole, monsieur Roy.

[Français]

    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité.
    Je vais d'abord faire une observation préliminaire et je vous transmettrai ensuite quatre recommandations.
    Tout d'abord, je suis renversé d'entendre des porte-parole de Meta et de Google dire que l'information n'a aucune valeur pour eux. J'aimerais rappeler qu'un chercheur français, M. Tristan Mattelart, a bien documenté les efforts de Facebook, à ses débuts, pour inviter les médias d'information à ouvrir leur page Facebook. Meta — Facebook, à l'époque — était à la recherche de contenu de qualité pour enrichir l'expérience de ses abonnés.
    Le président-directeur général, ou PDG, de Meta, M. Mark Zuckerberg, a souvent déclaré que la mission de son entreprise consistait à construire des communautés. En 2017, il précisait qu'il y avait cinq critères pour y arriver et que l'un de ces critères était de construire des communautés informées.
    De son côté, Google s'est rendu compte dès 2001 à quel point l'information pouvait avoir de la valeur. Au moment des attentats du 11 septembre, Google s'est rendu compte que les gens lançaient des recherches sur les mots « World Trade Center » et « attentat » et qu'ils ne trouvaient rien, parce que les robots d'indexation de Google ne balayaient les sites Web qu'une fois par mois. Les ingénieurs de l'entreprise se sont dit qu'ils allaient indexer les sites de nouvelles plus souvent afin de répondre aux besoins des utilisateurs. L'information a enrichi les résultats de recherche de Google et a enrichi l'entreprise pendant plus de 20 ans.
    Je vais maintenant vous transmettre quatre recommandations à propos de la Loi sur les nouvelles en ligne, soit l'ancien projet de loi C‑18. On se rend compte maintenant que ce n'était peut-être pas la meilleure approche. Pour vous éviter d'être victimes de tactiques d'intimidation pratiquées par des plateformes en ligne, je vous invite, vous, les législateurs, à avoir confiance dans votre rôle de parlementaire.
    Ma première recommandation s'appuie sur la Charte canadienne des droits et libertés. L'article 3 de la Charte garantit les droits démocratiques des Canadiens. Sur le site Web du ministère de la Justice, on peut lire: « Une mesure qui prive les électeurs des renseignements suffisants pour leur permettre de voter d'une manière éclairée peut porter atteinte au droit de vote garanti par l'article 3. »
    Pour moi, le blocage des nouvelles par Meta, c'est une mesure comme celle-là. Le droit du public à l'information n'est pas expressément garanti par les chartes, mais je pense que tout le monde ici va s'entendre pour dire que c'est un droit fondamental. Étant donné que 45 % des Canadiens s'informent par le truchement des médias sociaux aujourd'hui, je pense que vous auriez un bon argument pour obliger les plateformes en ligne à fournir de l'information aux Canadiens ou, à tout le moins, leur interdire de retrancher de l'information d'intérêt public pour les Canadiens. Je pense que l'article 51 de la Loi sur les nouvelles en ligne va dans ce sens. Il faudrait simplement lui donner un caractère rétroactif.
    Je passe à ma deuxième recommandation. Les géants du Web Google et Meta ont tous les deux dit qu'ils étaient prêts à verser de l'argent dans un fonds destiné à soutenir le journalisme au Canada. C'est une excellente nouvelle, sauf que c'est à vous, les législateurs, de définir ces montants. Cela pourrait équivaloir à un pourcentage du chiffre d'affaires canadien de ces plateformes en ligne, qui ont permis aux Canadiens d'accéder à de l'information pendant les 15 dernières années. Vous vous demandez peut-être comment on peut calculer ces sommes si on n'a pas d'information financière relativement aux activités de ces plateformes au Canada. Cela m'amène à la troisième recommandation.
    Vous connaissez l'enquête que mène actuellement l'Australie sur les plateformes en ligne pour la période de 2020 à 2025. Hier, d'ailleurs, un septième rapport d'étape a été rendu public. À la lecture de ce rapport, on se rend compte que l'Australie oblige les multinationales qui sont cotées en bourse à lui fournir de l'information. Je ne parle pas juste de celles du Web, mais de toutes les multinationales qui ont une filiale en Australie. Elles sont obligées de fournir à l'Australie des états financiers détaillés sur leur filiale. Pourquoi ne pas faire la même chose au Canada? Donnons-nous — donnez-vous — les moyens d'avoir cette information.
    Ma dernière recommandation vise à ce que nous nous donnions, collectivement, plus de moyens. Dans le but de protéger les citoyens, les gouvernements se sont donné le droit d'aller voir comment certaines entreprises manipulent les aliments, par exemple. On se donne le droit d'aller inspecter les aéronefs et de fouiller les bagages des voyageurs. Il y a plein de bonnes raisons pour faire ce genre d'activité.
    Les plateformes en ligne, en dépit de tous les bienfaits qu'elles nous procurent, peuvent également avoir des effets néfastes. Puisqu'elles ont fait la démonstration, au cours des 12 dernières années, de leur incapacité à atténuer elles-mêmes ces effets néfastes, j'estime que le temps est venu pour le Canada de se donner le droit d'aller voir l'information que ces entreprises possèdent au sujet des citoyens canadiens. Je ne parle pas seulement de Meta et de Google, mais aussi d'Uber, de Netflix, de Spotify et d'OpenAI.
(1115)
     À mon avis, le Canada, devrait se donner le droit d'accéder aux bases de données de ces entreprises et d'en examiner les algorithmes, dans le respect de la vie privée des utilisateurs, évidemment. Je sais que, les algorithmes, c'est comme le secret de la Caramilk. À mon sens, le bien-être des Canadiens est supérieur aux intérêts commerciaux de ces entreprises.
    Ce droit devrait également être assorti d'obligations pour ces plateformes de fournir, toujours dans le respect de la vie privée des utilisateurs, des interfaces de programmation d'applications, ou API, pour permettre aux chercheurs et aux chercheuses, comme moi, M. Geist et d'autres au Canada, d'étudier, de connaître, de savoir ce qui se passe sur ces plateformes, qui ont une place de plus en plus importante dans la vie des Canadiens.
(1120)

[Traduction]

    Nous passons à un autre intervenant qui nous joint en ligne.
    Il s'agit de M. Jason Kint, le directeur général de Digital Content Next. Vous avez cinq minutes. Nous vous écoutons.
    Bonjour. Monsieur le président, merci de m'accueillir devant le Comité.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner au nom de Digital Content Next. Nous sommes le seul groupe commercial qui se consacre exclusivement à l'avenir des entreprises de contenu numérique de qualité qui gèrent des relations fiables et directes avec les consommateurs et les annonceurs.
    Parmi nos membres se trouvent plus de 60 entreprises de médias et des milliers de marques, y compris des organes d'information régionaux, nationaux et internationaux comme The New York Times, The Washington Post, la BBC, The Wall Street Journal, The Guardian, The Philadelphia Inquirer et le Financial Times.
    Mon dernier passage devant le Comité remonte à 2022, soit avant l'adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, que Digital Content Next a soutenue avec enthousiasme. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir fait preuve d'autant de diligence pour l'examen du déséquilibre dans le pouvoir de négocier avec Google et Facebook.
    En guise de contexte, je précise que je travaille depuis près de 30 ans dans le domaine des médias numériques. J'ai consacré les 20 premières années à l'exploitation d'entreprises médiatiques et, durant cette période, j'ai négocié des accords commerciaux majeurs avec de grandes entreprises technologiques.
    Peu à peu, les poursuites antitrust intentées contre Google et Facebook à l'échelle mondiale permettent de mettre au jour des éléments de preuve qui confirment ce dont nous avons été témoins jusqu'ici quand ces sociétés sentent qu'une initiative législative ou réglementaire menace leur chiffre d'affaires.
    Aujourd'hui, je vais commencer par exposer dans les grandes lignes le genre de tactiques d'intimidation dont ces entreprises sont capables.
    La première tactique consiste à proférer des menaces concernant la législation. Comme vous le savez, l'Australie nous a donné des repères pour mener cette enquête, établir une législation et contrer les tactiques d'intimidation contre le projet de loi C-18.
    Une bonne partie du public a entendu parler du nouveau projet de loi de l'Australie quand Facebook a bloqué le partage de nouvelles par les utilisateurs pendant cinq jours, en mars 2021. C'était en plein dans la période où les vaccins commençaient à être distribués. Ce qui est moins connu, c'est que Facebook avait envisagé de bloquer les nouvelles durant la semaine décisive des délibérations au Parlement. Un courageux lanceur d'alerte a divulgué des documents internes du Wall Street Journal qui indiquaient qu'il y avait eu un accès à l'échelon de la haute direction de la société avant que cette personne fasse marche arrière par crainte d'être identifiée et de subir des représailles. On peut penser que les législateurs en auraient appris beaucoup plus si le lanceur d'alerte n'avait pas été dissuadé de témoigner.
    La deuxième tactique est celle des menaces liées aux investissements. Le public est peut-être au courant des hausses importantes des investissements de Facebook au Royaume-Uni ces dernières années. Des dirigeants avaient même été mutés à Londres avant la fermeture du bureau d'Instagram plus tôt cette année. Ce qui est moins connu est ressorti d'une demande soumise au titre de la transparence des dossiers, à l'issue de laquelle nous avons appris que Mark Zuckerberg avait menacé d'annuler un investissement au Royaume-Uni après avoir reçu une demande du Parlement de témoigner sur des questions auxquelles il n'a jamais répondu. Encore aujourd'hui, il refuse d'y répondre, même devant le Parlement canadien, qui l'a même assigné à témoigner.
    Dans le même ordre d'idées, la presse mondiale a parlé du fait que la société avait accepté un règlement de 5 milliards de dollars avec le gouvernement américain. Ce qui est moins connu, c'est que cet accord a donné lieu à une poursuite par un actionnaire qui allègue que Zuckerberg a commis un délit d'initié et que la société a versé une somme excessive au gouvernement américain pour protéger son président-directeur général.
    La troisième tactique consiste à menacer les éditeurs et les salles de nouvelles. Nous avons vu de nombreuses manchettes depuis quelques années concernant le financement de projets de nouvelles et de programmes scolaires par les deux sociétés. En coulisses, ces sociétés ont réussi à tabler sur leurs relations commerciales pour bloquer les nouvelles contenant de l'information sensible les concernant. C'est clair que ceux qui sont traités comme des partenaires et à qui on offre de participer à des programmes très rentables ou un accès privilégié à de nouveaux produits sont beaucoup plus réticents à critiquer publiquement ces sociétés.
    Google et Facebook ont aussi menacé de cesser toute activité liée aux nouvelles. Par exemple, le responsable du secteur des nouvelles de Facebook aurait indiqué aux éditeurs australiens qu'ils pourraient faire une croix sur leur avenir s'ils refusaient de collaborer avec la société.
    En 2018, The Guardian et The New York Times ont publié des reportages sur Cambridge Analytica, le plus gros scandale ayant frappé Facebook à ce jour. Là encore, il est moins connu que Facebook a menacé de poursuivre The Guardian la veille du reportage. La propre responsable des nouvelles de Facebook — je vous rapporte ses propos parce que j'étais assis à côté d'elle à l'occasion d'une table ronde — a affirmé que ce n'était probablement pas leur meilleur coup.
    La quatrième tactique a trait aux dépenses faramineuses en lobbying, notamment en recourant à des intermédiaires. Google et Facebook figurent parmi les 10 premières entreprises pour ce qui concerne l'enregistrement de lobbyistes dans l'Union européenne et aux États-Unis. Outre les employés qui travaillent directement pour elles et les contributions électorales, une longue liste de groupes relayent les arguments des deux sociétés en échange de montants de financement considérables.
    La cinquième tactique est l'intimidation des consommateurs par les sociétés. L'objectif est d'attiser leur indignation, y compris en utilisant les grandes portes d'accès que sont YouTube et les applications de recherche et de messagerie. Cela se fait entre autres en publiant à répétition des allégations comme quoi la réglementation va brimer l'innovation ou mettre fin à un Internet libre et ouvert, même si jusqu'ici Internet a survécu à toutes les nouvelles mesures concernant la protection de la vie privée, que ce soit la directive sur le droit d'auteur de l'Union européenne ou le code de négociation des médias d'information en Australie.
    Facebook va souvent plus loin en laissant planer la menace des frais de service ou de la disparition de milliers de petites entreprises et de millions d'emplois. Je vous rappelle que c'est une société qui engrange des dizaines de milliards de dollars de profits annuellement, tirés en très grande partie des marges faramineuses de la publicité.
    Vous êtes aux premières loges pour savoir que ces sociétés usent de diverses tactiques coordonnées pour ralentir ou stopper l'adoption de toute mesure réglementaire susceptible de compromettre leur rentabilité. Par chance, leur stratégie est de mieux en mieux connue et les décideurs du monde entier passent aux actes.
(1125)
    Je suis très heureux de prendre la parole devant vous et je suis impatient de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Kint.
    Nous allons maintenant entendre le dernier témoin de ce groupe, M. Michael Geist, de l'Université d'Ottawa.
    Monsieur Geist, vous disposez de cinq minutes. Vous avez la parole.
    Bonjour. Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Toutefois, je témoigne aujourd'hui à titre personnel et les points de vue exprimés n'engageront que moi.
    J'ai comparu à maintes reprises devant le Comité, mais il m'apparaît nécessaire d'ajouter à mon introduction habituelle que je n'ai jamais reçu de compensation ou d'avantage de quelque nature d'une entreprise technologique pour aucun de mes témoignages ou des mémoires et énoncés que j'ai soumis concernant une question législative ou réglementaire. Je ne devrais pas avoir à faire cette mise au point, mais compte tenu de la propension de certains observateurs à considérer les détracteurs des projets de loi C-11 et C-18 comme des larbins, je dois insister sur le fait que mes idées ne sont pas à vendre.
    Je dois préciser également qu'il ne faut pas assimiler mes critiques des projets de loi C-11 et C-18 à un refus de toute réglementation dans le secteur des technologies. Les préjudices sont réels et une réglementation est nécessaire. J'ai récemment comparu devant le comité de l'industrie, et j'ai réclamé le renforcement du projet de loi C-27 sur la protection de la vie privée et de la réglementation de l'intelligence artificielle. Je dois admettre que j'ai consacré une bonne partie de mon temps, après les événements du 7 octobre, à la montée inquiétante de l'antisémitisme et au besoin urgent d'intervenir en ligne et hors ligne, y compris en adoptant le projet de loi sur les préjudices en ligne, qui se fait attendre depuis beaucoup trop longtemps.
    Comme votre étude porte sur les efforts des entreprises technologiques pour influencer les politiques, je vais me concentrer sur ce sujet.
    Des études et des rapports marquants ont fait état des efforts des entreprises technologiques pour influencer les politiques. Notamment, Tech Transparency Project a produit un rapport sur les recherches soutenues par Google. Le rapport cite de nombreux articles et travaux d'universitaires qui ont des liens avec la société ou qui ont reçu une aide financière de celle‑ci. Toutefois, les enquêtes n'ont relevé pratiquement aucun exemple canadien. En fait, selon une recherche sur les articles et les rapports recensés depuis le début du projet d'enquête auprès de multiples entreprises technologiques, ces pratiques semblent très marginales au Canada.
    Pour ce qui concerne les efforts de lobbying — dont nous venons d'entendre parler —pour influencer le projet de loi C-11 et le projet de loi C-18, un organisme en particulier mène le bal, et ce n'est pas Meta. La société a eu très peu de rencontres liées à ces projets de loi, et certainement beaucoup moins que l'Association canadienne des radiodiffuseurs, que l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, que la Coalition pour la diversité des expressions culturelles ou que l'Association canadienne des éditeurs de musique. Google arrive au deuxième rang pour le nombre de rencontres avec des lobbyistes enregistrés. C'est Médias d'Info Canada qui occupe le premier rang.
    Je trouve important de préciser, si vraiment nous parlons aujourd'hui des sanctions à imposer pour le blocage des liens aux nouvelles en réaction au projet de loi C-18, que nous faisons fausse route. Les entreprises et de nombreux experts ont pointé à répétition les graves lacunes de cette mesure législative. Les liens aux nouvelles sont bloqués depuis des mois sur Facebook et Instagram, mais cette entreprise ne semble aucunement intéressée par une réforme réglementaire. Que nous faut‑il de plus pour admettre que c'est une conséquence de la législation et non une tactique pour l'influencer? Ce n'était pas du bluff, comme beaucoup se sont plu à le répéter. Je dirais au contraire que depuis le début, les deux entreprises n'ont pas vraiment dérogé à leurs prises de position sur cette législation.
    Sous maints aspects — nous venons d'entendre parler des menaces de supprimer ou de cesser des investissements —, des manœuvres très semblables pourraient être reprochées à Bell quand elle menace de renoncer à un investissement en immobilisations de 1 milliard de dollars par suite d'une décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, au sujet des tarifs de gros des services Internet. La même chose pourrait être dite de Stellantis, qui a mis ses investissements au Canada en veilleuse au début de l'année après l'annonce de l'accord avec Volkswagen. Les lois et les règlements ont des conséquences, c'est aussi simple que cela.
    Si l'objectif est réellement de s'attaquer aux préoccupations suscitées par l'influence sur la réglementation et la législation, ce ne sont pas les tactiques qu'il faut mettre en cause. Ce qui est réellement en cause, c'est la capture réglementaire, un aspect qui doit vraiment nous préoccuper au Canada. Le projet de loi C-11 a donné lieu à de multiples exemples d'efforts de capture réglementaire menés par un petit nombre de groupes culturels bien établis qui ont monopolisé les réunions avec les fonctionnaires et le temps de ce comité. Les créateurs canadiens de contenu numérique ont souvent été muselés ou tenus à l'écart, y compris des créateurs autochtones et des communautés noires et de couleur. Certains ont même décrié le manque de respect, voire les manœuvres d'intimidation du ministère ou des fonctionnaires à leur égard.
     Le problème s'est accentué avec la présentation du projet de loi C-18. Des membres du Comité se sont dits prêts à entamer l'étude article par article avant même d'avoir entendu la version de Meta. Durant cette étude, quelqu'un a même affirmé que les organismes de nouvelles en ligne ne produisent pas de vraies nouvelles. Cette forme de capture réglementaire a été particulièrement nuisible. Les médias d'information en ligne ont sonné l'alarme à propos des risques liés au projet de loi, et ce sont eux qui ont le plus souffert du blocage des liens aux nouvelles. Ils ont aussi été ignorés. Certains ne font plus d'embauches ou ont dû suspendre leurs activités, alors que Médias d'Info Canada a réussi, sur une période de 5 ans, à soutirer une aide financière de 600 millions de dollars, l'adoption rapide du projet de loi C-18 et, depuis peu, l'élargissement du crédit d'impôt pour la main-d'œuvre journalistique et la satisfaction complète de ses demandes financières. C'est ce que j'appelle de l'influence.
    Les politiques culturelles sont au centre des travaux de ce comité, mais la culture n'est pas statique. Il est primordial que le Comité et le ministère fassent obstacle à la capture réglementaire et qu'ils donnent voix au chapitre à tous les intervenants. Autrement, les politiques qui ressortiront de cet exercice seront forcément bancales et le risque d'intimidation sera encore plus grand, y compris de la part du gouvernement ou du Comité, de façon volontaire ou non.
(1130)
    Merci de votre attention. Je suis impatient de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Geist.
    Nous allons entamer la première série de questions, avec des segments de six minutes.
    La première intervenante sera Mme Rachael Thomas, du Parti conservateur.
     Ma première question s'adresse à M. Geist. Vous n'êtes pas sans savoir qu'une plainte a été déposée au Bureau de la concurrence par Médias d'Info Canada, l'Association canadienne des radiodiffuseurs et la CBC. La plainte porte sur le projet de loi C-18 et la décision de Meta de ne plus publier de liens vers des nouvelles. Bien avant son adoption, Meta avait annoncé sans équivoque que c'est l'avenue qu'elle prendrait en réaction au projet de loi.
    Maintenant, les médias — ou les organisations syndicales — que je viens de nommer se plaignent de ce qui suit:
En refusant de négocier de bonne foi avec les organismes de nouvelles canadiens concernant l'accès au contenu de nouvelles canadien sur les plateformes de Meta, et en bloquant ce contenu de nouvelles sur les plateformes, Meta prive ces organismes d'une rémunération juste pour leur contenu. Leurs ressources s'en trouvent limitées et il devient difficile pour eux de soutenir efficacement la concurrence dans le marché de l'information.
    Si je me concentre sur la dernière phrase, selon laquelle les ressources limitées des organismes canadiens ne leur permettent pas de soutenir la concurrence dans le marché de l'information, j'en déduis que Meta était un véhicule ou une plateforme pour le partage de ces sources d'information. Ce véhicule n'existe plus et ces médias d'information affirment que cela leur fait du tort.
    Pourtant, la prémisse principale du projet de loi C-18 était justement qu'étant donné que les médias d'information créent la valeur, Meta doit les rémunérer en conséquence. Or, ils semblent reconnaître maintenant que le véritable avantage découlait du véhicule fourni par Meta.
    Pouvez-vous nous en donner votre point de vue ou des précisions à ce sujet?
    Volontiers. Comme beaucoup l'ont fait remarquer, la réalité est que les éditeurs tiraient énormément d'avantages des médias sociaux et des recherches, et qu'ils ont été pendant très longtemps la base de tout cela.
    Ce que nous observons depuis l'adoption de la législation en juin n'a fait que le confirmer. Ce serait une erreur de sous-estimer cette réalité. Les préjudices causés sont réels: des organes de presse ont subi une diminution d'achalandage qui peut aller jusqu'à 30 %. Des médias d'information ont tout simplement mis fin à leurs services ou ils ont suspendu leurs activités.
    Il faut également souligner les préjudices liés aux investissements au Canada. Des organismes m'ont affirmé que la conjoncture et la structure de la législation ne sont absolument pas favorables aux investissements dans l'information au Canada.
    Les préjudices sont réels et ils découlent d'un a priori assez étrange voulant que l'achalandage généré gratuitement sur les sites des éditeurs — dont la valeur nous saute aux yeux actuellement — mérite une rémunération. Il faut l'avouer, l'objectif était d'exiger des paiements pour des liens, et c'est pourquoi j'ai toujours été profondément en désaccord avec les fondements de la législation, et je sais que nous sommes nombreux dans ce cas.
    Merci, monsieur Geist.
    J'aimerais revenir à une autre de vos déclarations, qui a un lien avec ce qui précède.
    Nous savons que pour les grands diffuseurs, soit Rogers, Bell et la CBC, le projet de loi C-18 pourrait être très avantageux. En revanche, les plateformes émergentes en ligne, qui selon Mme Hepfner ne sont pas de véritables médias d'information — je ne partage pas ce point de vue parce que selon moi elles sont tout à fait légitimes —, seront très désavantagées par cette législation. Vous avez affirmé dans votre déclaration liminaire que beaucoup d'entre elles ne font plus d'embauches parce qu'elles risquent d'avoir à cesser leurs activités à cause de cette législation.
    Selon votre estimation… Ce n'est pas juste de vous demander pourquoi, je suis désolée. Je ne peux pas vous demander de faire des spéculations, mais je m'interroge. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Le projet de loi C-18 devait avantager les petits joueurs selon le ministre Rodriguez qui était en poste au moment de sa présentation. Il était censé soutenir les journaux locaux, les médias ethniques, les entreprises médiatiques locales, dont plusieurs sont présents en ligne.
    Comment sommes-nous arrivés à proposer une mesure qui profite maintenant aux grands diffuseurs?
(1135)
    Ma réponse comportera plusieurs volets.
    Tout d'abord, les grands diffuseurs sont ceux qui sont les plus avantagés. Le directeur parlementaire du budget a indiqué que 75 % des fonds iront aux radiodiffuseurs et aux télédiffuseurs, en raison essentiellement de la structure. Elle ne tient pas compte du cadre actuel des organisations journalistiques canadiennes admissibles qui régit le crédit d'impôt pour la main-d'œuvre journalistique, et fait en sorte que les diffuseurs, et surtout une poignée de gros joueurs, seront les grands gagnants au Canada.
    Personnellement, je crois que c'est une erreur. Si l'intention était vraiment de soutenir ce qui constitue le noyau, soit les journaux et les éditeurs de contenu numérique, c'est sur eux que la législation aurait dû se concentrer.
    Par ailleurs, je pense qu'il existe une réponse à votre question concernant le pourquoi. Une partie de la réponse vient de ce que beaucoup d'organismes d'information en ligne n'ont pas eu voix au chapitre. Trop souvent, on ne leur a pas donné la possibilité de donner leur point de vue, et les rares fois où ils ont eu cette possibilité, que ce soit devant ce comité ou même devant le Sénat, on leur a manqué de respect.
    Je peux citer en exemple le traitement reçu par Village Media, un des principaux organes indépendants, dont les activités touchent plusieurs communautés ontariennes, quand il a comparu devant le Sénat. Le président et chef de la direction, Jeff Elgie, s'est fait demander par le sénateur Harder s'il était content que d'autres journaux cessent leurs activités parce que son entreprise pouvait récupérer une partie de leurs employés et faire sa place dans les marchés d'information désertés.
    L'idée qu'un organisme d'information en ligne puisse célébrer ou se réjouir parce que des difficultés s'annoncent témoigne d'une très mauvaise lecture de la réalité. Ce que nous entendons depuis quelques mois de la part de beaucoup de ces organismes, de Village Media à Narcity, ce sont leurs cris de désespoir devant les immenses préjudices subis. Le minimum, selon eux, serait de trouver un terrain d'entente avec Google. Autrement, les conséquences seront désastreuses. Il reste à espérer que tout le monde réussira à trouver une solution de compromis.
    Les préjudices sont réels, et non seulement ils étaient prévisibles, mais ils ont été prédits.
    Merci, monsieur Geist.
    La parole va maintenant aux libéraux, avec Mme Lisa Hepfner. Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais commencer avec M. Ahmed, qui nous joint en ligne.
    J'ai trouvé votre déclaration liminaire fort intéressante. Vous avez dit entre autres que les plateformes comme Facebook ne veulent pas assumer la responsabilité éditoriale, mais qu'elles ont donné la preuve qu'elles peuvent l'exercer en bloquant l'accès à du contenu de nouvelles. À votre avis, c'est une responsabilité que seule une menace pour leurs finances peut les pousser à assumer cette responsabilité. Vous avez aussi dit qu'elles sont des accès de colère.
    Tout ce que nous avons obtenu en retour, c'est une montée de la haine et de l'extrémisme en ligne.
    Monsieur, que pensez-vous des arguments que nous avons entendus aujourd'hui comme quoi leurs actions découlent de toute évidence d'une décision d'affaires, qu'elles avaient annoncé leurs intentions et que nous ne pouvions pas nous attendre à autre chose?
    Ces arguments reflètent ce qu'on qualifie de doux sectarisme des faibles attentes que nous avons appris à avoir à l'égard de ces sociétés.
    De manière assez paradoxale, c'est mon organisme qui a révélé que Meta a accepté de publier des annonces contenant de la désinformation qui étaient payées par des médias d'État de pays totalitaires. En 2022, nous avons publié un rapport sur un média d'État chinois qui a acheté de l'espace publicitaire sur Facebook pour diffuser de la désinformation au sujet du conflit en Ukraine. En même temps que Meta pénalise les éditeurs de nouvelles canadiens en bloquant leurs activités sur la plateforme, elle tire profit du contenu de désinformation payé par des médias contrôlés par l'État ailleurs dans le monde.
    La vérité, c'est que nous nous sommes habitués à voir les plateformes, et Meta tout particulièrement, agir de la manière la plus ignoble qui soit. Ces règlements sont non seulement… Je crois que le projet de loi C-18 est valable, mais une des mesures que nous avons pressé les ministres canadiens de prendre quand nous les avons rencontrés, et que nous réitérons aujourd'hui, c'est de mettre en place un cadre plus complet pour régir ces plateformes.
    Si elles trouvent un moyen d'échapper à leurs responsabilités et de riposter aux mesures que vous proposez, elles n'hésiteront pas. C'est pourquoi il faut un cadre plus complet, conçu pour assurer la sécurité, la transparence des algorithmes, la reddition de comptes et la responsabilité — ce que le CCDH appelle le cadre STAR —, qui tient compte des considérations économiques et qui intègre une politique d'application axée sur les contenus. Ce cadre exige une reddition de comptes véritable et valable à l'égard d'instances démocratiques comme la vôtre, de même que la responsabilité partagée pour les préjudices causés. Les effets externes des actions de ces sociétés ont un coût intenable pour nos sociétés, qu'il s'agisse de la destruction des entreprises d'information ou de la souffrance des jeunes filles et des jeunes enfants qui ont accès à du contenu lié à l'automutilation ou aux troubles de l'alimentation.
    Tout cela pour dire que ce qu'il faut comprendre, c'est que ces sociétés vont s'en sortir par tous les moyens possibles. Elles sont prêtes à toutes les bassesses, et c'est pourquoi nous avons besoin d'une législation plus complète, ou d'un cadre, comme l'intervenant précédent l'a évoqué.
(1140)
    Dernièrement, j'ai rencontré des gens qui s'occupent du journal étudiant de l'Université McMaster, The Silhouette. Ils sont dans une situation très difficile puisque, comme ils ne peuvent pas partager de contenu sur Facebook et Instagram, ils sont incapables d'atteindre leur lectorat, c'est‑à‑dire les étudiants de l'Université McMaster. Ce qu'ils constatent, c'est que plutôt que de s'informer auprès des sources de nouvelles, les étudiants lisent des opinions publiées sur le Web.
    Je suis très au fait du très bon travail de certains organismes de nouvelles qui publient du contenu en ligne seulement. Si jamais mes remarques précédentes ont poussé certains à croire que ce n'était pas le cas, c'est parce qu'elles ont été mal citées. Je suis parfaitement consciente que de grands journalistes publient leurs articles sur le Web, mais force est d'admettre que les opinions qui ne sont fondées ni sur l'actualité ni sur des faits y pullulent.
     Que pensez-vous des tactiques qui ont des répercussions sur des organismes qui ne sont même pas visés par le projet de loi C-18? Le projet de loi C‑18 ne profitera d'aucune façon aux étudiants-journalistes qui font les frais de cette tactique d'intimidation.
    Je vais demander à M. Ahmed de répondre à cette question en premier.
    Je crois que c'est une autre preuve de la susceptibilité de Facebook. Elle se tire dans le pied en criant au martyre et en alléguant qu'elle n'a pas le choix si elle veut protéger son entreprise.
    Comment cette société peut-elle sérieusement prétendre que c'est une décision d'affaires rationnelle? Comment peut-elle alléguer que les étudiants de l'Université McMaster produisent du contenu journalistique menaçant pour son chiffre d'affaires et qu'elle n'a pas le choix de leur bloquer l'accès à ses services?
    Cette manifestation de sa susceptibilité, les répercussions démesurées de sa décision et le peu de rigueur avec laquelle elle a été prise sont très révélateurs de ses intentions. Merci de l'avoir souligné.
    De rien. Merci pour cette réponse.
    Monsieur Kint, je vais me tourner vers vous.
    Dans la minute qui me reste, j'aimerais que vous nous donniez un aperçu des poursuites judiciaires qui ont été intentées aux États-Unis et de la manière dont les législateurs ailleurs dans le monde abordent les enjeux auxquels nous essayons de nous attaquer au Canada.
    Merci de cette question.
    Les poursuites antitrust et liées à l'utilisation abusive des données sont parmi les plus intéressantes. Par conséquent, et c'est d'ailleurs un des thèmes de l'étude menée en Australie, nous savons que leur emprise sur le marché et le déséquilibre dans le pouvoir de négociation découlent, dans le cas de Google et de Facebook en particulier, de leur accès à toutes les données, de la distribution et du fait qu'elles sont les portes d'entrée.
    Dès qu'il y a une nouvelle législation, des poursuites sont intentées qui font intervenir ce genre d'interactions des forces du marché.
    L'étude porte sur les préjudices causés par le blocage de l'achalandage sur Facebook. C'est un fait que cet achalandage a une valeur pour les éditeurs, mais ces sociétés peuvent se permettre d'agir ainsi, de bloquer entièrement l'accès avec les préjudices immenses qui s'ensuivent, à cause de leur emprise sur le marché. C'est de cela qu'il faut parler: le déséquilibre dans le pouvoir de négociation.
    Merci, monsieur Kint.
    Nous passons au Bloc québécois. Monsieur Champoux, vous avez six minutes.
    Nous vous écoutons.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie nos invités d'être des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Roy, dans votre allocution d'ouverture, vous avez dit que le projet de loi C‑18, au bout du compte, n'était peut-être pas la bonne approche. Cela m'a un peu surpris.
    Je ne dis pas que le projet de loi C‑18 est la seule approche que nous devions adopter, mais en concluant que ce n'était pas la bonne, ne trouvez-vous pas qu'on enterre grand-papa un peu trop vite?
    J'ai juste dit que ce n'était pas la meilleure approche.
    Cependant, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cela fait partie des outils qui, si le Canada réussit à amener Google à conclure des ententes avec les médias d'information, pourraient être intéressants dans le système actuel?
    Oui, cela peut être intéressant, mais il est aussi possible d'aller plus loin. On parlait d'un fonds tout à l'heure.
    Le projet de loi C‑18 a aussi un côté complexe. Engager des négociations avec tout le monde, par exemple, cela peut être long. Si deux entreprises se disaient prêtes à mettre de l'argent dans un fonds, cela pourrait être à vous, les législateurs, d'établir la valeur de cette contribution. Vous pourriez l'établir à 30 % de leur chiffre d'affaires, par exemple. Il y a déjà des mécanismes qui existent pour distribuer ces sommes par la suite, comme le Fonds des médias du Canada, auquel on pourrait ajouter un volet lié à l'information.
(1145)
    Vous me devancez en parlant du Fonds des médias du Canada. Vous avez peut-être entendu parler de la récente proposition qui a été faite au CRTC, par des gens de Québecor, concernant un fonds de 20 %. Celui-ci serait divisé de façon à créer un fonds pour le journalisme et un autre pour le secteur culturel.
    Une partie de ce fonds pourrait aussi servir, par exemple, à alléger le fardeau réglementaire, notamment les exigences liées à l'alinéa 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion.
    Avez-vous un peu réfléchi à cela? Avez-vous une idée de la valeur que pourrait avoir ce fonds, ce prélèvement ou cette redevance, que le Canada pourrait demander aux géants du Web?
    C'est un peu difficile à dire. Selon une récente étude, Google devrait donner environ 11 ou 12 milliards de dollars américains aux médias d'information aux États‑Unis. Personnellement, je trouve cela exagéré.
    Pour ce qui est de Google au Canada, c'est très difficile à calculer. Au cours des dernières années, je me suis penché sur le cas de Meta. L'année dernière, le chiffre d'affaires de Meta était de 4 milliards de dollars canadiens, et la valeur de l'information était d'environ 200 millions de dollars. Je pense qu'on pourrait aller chercher une partie de ce montant. Si on coupait la poire en deux et qu'on recevait 100 millions de dollars de Meta, cela m'apparaîtrait raisonnable.
    Je trouve intéressant que vous fassiez allusion à cette étude, qui est relativement récente. Cependant, les chiffres dont elle fait mention n'ont rien à voir avec ceux ayant été mis en avant depuis le début de l'étude du projet de loi. En effet, ils sont beaucoup plus élevés que ceux censés correspondre à la valeur des nouvelles sur les plateformes. C'est notamment le cas pour Meta et pour Google. Cela m'avait un peu surpris.
    Je vous avais entendu réagir dans les médias à ce sujet. Vous aviez notamment dit qu'il fallait toujours prendre ces études avec un grain de sel, parce que les vrais chiffres ne sont pas accessibles. Il nous manque des données pour faire une évaluation précise.
    N'avez-vous pas l'impression que, la stratégie de ces grandes entreprises, c'est justement de s'assurer que les vrais chiffres ne sont pas connus? Elles peuvent ainsi se faufiler et faire en sorte qu'il soit difficile d'établir la valeur d'une redevance juste et équitable, par exemple.
    C'est exactement la raison pour laquelle j'ai fait les deux dernières recommandations. Il faut être plus exigeant envers ces plateformes. Le Canada pourrait exiger que lui soient transmis les chiffres pour les filiales canadiennes de Google, d'Airbnb et de toutes les multinationales du numérique qui sont cotées en bourse et qui mènent des activités au Canada. Leurs activités ont des effets sur la vie des Canadiens et des Canadiennes.
    Ensuite, donnez-vous un droit de regard sur les données que ces entreprises possèdent au sujet des Canadiens. Cela me semble fondamental. Évidemment, il faut respecter la vie privée des utilisateurs. Si on veut réglementer ces entreprises, il faut mieux les connaître. Je pense que vous pouvez vous donner les moyens de mieux les connaître.
    Selon votre expertise, pensez-vous que nous avons bien fait d'aborder la réglementation des géants du numérique par secteur?
    Au lieu de mettre en place une réglementation et des projets de loi secteur par secteur, comme dans le cas de la culture ou des nouvelles — nous allons d'ailleurs le faire pour ce qui est de la réglementation touchant la haine en ligne et l'intelligence artificielle — pensez-vous que nous aurions dû nous inspirer de la législation européenne sur les services numériques?
    Autrement dit, aurions-nous dû faire en sorte d'englober plus d'éléments au lieu de procéder secteur par secteur? Une loi qui englobe tout aurait-elle été plus efficace?
    Ne nous sommes-nous pas un peu tiré une balle dans le pied en procédant un petit morceau à la fois, si je peux m'exprimer ainsi?
    Je ne crois pas que le Canada se soit tiré une balle dans le pied. Le journalisme avait besoin de fonds et cela semblait être une solution intéressante. Selon moi, ce que vous proposez est une bonne idée pour un chantier à venir.
    Êtes-vous optimiste?
    En ce qui concerne le domaine de l'information au Canada, je suis peu optimiste, pour l'instant.
    Lorsque Facebook avait bloqué des contenus d'actualité en Australie pendant six jours, j'avais mené un projet de recherche sur l'effet de la suppression d'information en français au Canada en 2020. J'avais trouvé peu de désinformation. Depuis trois mois, Facebook bloque les nouvelles au Canada. Je constate que c'est moins bénin que je ne l'anticipais. Beaucoup de contenus viraux proviennent des médias d'information, mais on y a ajouté des éléments trompeurs ou carrément faux. Facebook sans information est beaucoup plus toxique que je ne le pensais.
(1150)

[Traduction]

    Merci, monsieur Roy. Le temps est échu.
    Merci, monsieur Champoux.
    C'est maintenant au tour du Nouveau Parti démocratique, avec M. Julian.
    Monsieur Julian, vous avez six minutes.
    Je remercie l'ensemble des témoins.
    Monsieur Ahmed, je commence par vous. Nous sommes nombreux à vous considérer comme un héros en raison du travail que vous avez accompli pour mettre au jour les pratiques incroyablement toxiques des géants du Web.
    Le rapport Malgorithm du Center for Countering Digital Hate donne froid dans le dos. Les constats sont franchement troublants. Vous y parlez de la manière dont Meta a gavé les utilisateurs de mésinformation au sujet de la COVID‑19, du truquage des résultats électoraux et de QAnon. C'est profondément dérangeant. Nous savons que dans les États et les provinces où les taux de vaccination ont été les plus faibles, les taux de mortalité ont été plus élevés. Nous savons que des gens sont morts à Washington. Des actes de violence ont été associés à QAnon.
    Pouvez-vous nous dire si vous faites un lien entre la violence réelle et les pratiques toxiques et irresponsables de Meta et de X?
    Oui, sans l'ombre d'un doute. Si un type de contenu est vu plus souvent, l'illusion de fréquence nous porte à croire que c'est plus susceptible d'être vrai. Notre psychologie est ainsi constituée. Les plateformes gavent les utilisateurs de désinformation par l'intermédiaire de leur fil de nouvelles, qui est une action de publier.
    Il existe un mythe selon lequel le contenu qui nous est proposé est vu par un milliard de personnes. Bien entendu, c'est faux. Le programme est conçu expressément pour nous. Le discours n'est pas le même pour tous. Il est contrôlé par des algorithmes, qui sont conçus pour avoir un impact commercial. C'est quelque chose qui revient sans cesse dans le témoignage des personnes qui ont été accusées d'infractions criminelles liées à l'insurrection du 6 janvier au Capitole, qui soit dit en passant se trouve à quatre pâtés de ma résidence, où je suis en ce moment. C'est aussi ce que me racontent mes amis et mes collègues du domaine médical, qui ont vu leurs patients à bout de souffle dans les salles de soins intensifs réclamer désespérément un vaccin qu'ils avaient cru nocif et qui arriverait malheureusement trop tard pour eux. Beaucoup de ces personnes sont décédées. Nous parlons d'êtres humains qui ont vécu des situations tragiques et qui ont laissé des familles démunies à cause de la désinformation dont on les a gavés, littéralement, par l'intermédiaire d'actions de publication délibérées.
    Je pourrais parler aussi des victimes d'attaques terroristes. Dernièrement, j'ai présenté une allocution à Pittsburgh, à la synagogue Tree of Life. Là encore, nous avons un exemple de gens qui ont été gavés de théories du complot et qui en viennent à croire qu'elles sont acceptables et normales, ou qui considèrent qu'il est acceptable de tuer un autre être humain au nom du dieu qu'ils vénèrent ou de ceux qu'ils choisissent d'aimer.
    Vous avez fait allusion aux meurtres antisémites perpétrés à la synagogue Tree of Life. Je rappelle quant à moi les meurtres islamophobes perpétrés à London, en Ontario, et dans la ville de Québec; les meurtres homophobes perpétrés à Colorado Springs, ou les meurtres racistes perpétrés à Buffalo, à New York et à Charleston, en Caroline du Sud. La liste est infinie. Je souligne qu'en 2022, toutes les tueries motivées par des considérations idéologiques qui ont eu lieu en Amérique du Nord ont été les produits du terrorisme d'extrême droite. C'est une menace claire et immédiate pour notre démocratie.
    L'Anti-Defamation League et le Southern Poverty Law Center ont lancé la campagne « Stop Hate for Profit » pour lutter contre la propagation totalement irresponsable de la haine à des fins lucratives par Meta.
    J'aurais une question à vous poser, monsieur Ahmed. Le Canada subventionne indirectement Meta et Google en versant des subventions énormes, qui dépassent le milliard de dollars par année, à des entreprises qui font de la publicité sur Meta. Ces subventions prennent la forme de déductions fiscales. Les contribuables canadiens payent la facture pour Meta et Google. Pensez-vous qu'il est responsable de subventionner généreusement des entreprises qui participent de façon aussi délibérée à la fomentation de la haine?
    Dans quelle mesure pouvons-nous contrer l'antisémitisme et l'islamophobie en cessant de subventionner aussi massivement ces entreprises?
(1155)
    Monsieur Julian, merci infiniment de vos bons mots au sujet du travail accompli par le CCDH. Je précise que nous sommes à peu près 25 personnes et que nos revenus annuels sont de 2,5 millions de dollars environ. Il faut comprendre que nous menons des recherches novatrices, qui vous donnent accès à des perspectives que ne vous donneront pas les entreprises à qui vous versez 1 milliard de dollars par année en subventions. Jamais elles ne feront ce travail de fond essentiel pour déterminer si leurs plateformes sont sûres ou si elles contribuent aux préjudices dans divers domaines.
    C'est tout simplement scandaleux que ces entreprises aient pu, pendant si longtemps, profiter de subventions gouvernementales — vous n'êtes pas le seul pays dans cette situation —, que leurs fondateurs, des gens comme M. Zuckerberg et M. Musk, reçoivent des éloges, et qu'ils ne se donnent même pas la peine de faire les vérifications élémentaires… Ils laissent ce travail à la société civile, à des organismes comme le Center for Countering Digital Hate, qui sont financés par des philanthropes et des membres du public, ou à des gens comme M. Kint. J'en profite d'ailleurs pour souligner que lui aussi est un de mes héros.
    Merci.
    Ce sera ma dernière question pour l'instant. Vous avez mentionné en introduction que des médias chinois contrôlés par l'État ont publié des annonces publicitaires sur Facebook, et que sur 50 annonces, 88 % avaient été retirées de la bibliothèque d'annonces publicitaires de Meta après leur publication. Pouvez-vous nous donner des explications à ce sujet?
    Rapidement, s'il vous plaît.
    Non, je ne peux pas. Vous allez devoir leur demander pourquoi ils ont décidé de balayer leur honte sous le tapis. Ces entreprises… Là encore, elles s'entendent comme larrons en foire avec des régimes répressifs dans le monde entier, mais elles font preuve d'un total manque de respect à l'endroit d'un gouvernement démocratiquement élu comme celui du Canada.
    Nous allons entamer la seconde série de questions, avec des segments de cinq minutes pour les libéraux et les conservateurs.
    La parole ira tout d'abord à Mme Marilyn Gladu, du Parti conservateur. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je commencerai par M. Geist.
     Monsieur Geist, vous avez peut-être pris connaissance de certaines des interventions que j'ai faites ici au sujet du projet de loi C-18, où je commençais par souligner au ministre du Patrimoine d'alors ce qui était survenu en Australie quand Meta a bloqué le contenu de nouvelles. Je lui demandais quelles mesures il comptait prendre pour éviter que cela se produise au Canada. Il m'avait répondu qu'il s'agissait d'une simple décision d'affaires.
     Quand les représentants de Meta et Google se sont présentés ici, je leur ai demandé si, advenant que le projet de loi C-18 soit adopté dans sa forme actuelle et que le gouvernement les oblige à payer pour que les gens partagent des liens d'actualités, ce serait pour eux une décision d'affaires raisonnable de ne pas le faire parce qu'ils devraient payer. Les deux représentants ont répondu par l'affirmative, et c'est pourquoi je n'ai pas été surprise par ce résultat, même si les libéraux et les néo-démocrates ont, eux, semblé choqués et surpris. Il semble que cela ait des effets très négatifs sur les petites entreprises locales, alors que le but premier du projet de loi C‑18 était d'essayer de protéger les petits organes de presse locaux.
     Avez-vous été surpris? D'après vous, quels ont été les impacts?
    Je vous remercie de votre question.
     Non, je n'ai pas été surpris. J'ai comparu à quelques reprises devant ce comité au sujet du projet de loi C-18, et je pensais qu'en comprenant le modèle d'affaires en place...
     Nous avons entendu beaucoup de choses sur les aspects négatifs du modèle d'affaires, et c'est pourquoi je pense que la réglementation a un rôle à jouer pour contrer certains des préjudices qui ont été évoqués, mais là n'était pas la visée du projet de loi C-18. Si vous comprenez le modèle d'affaires, qui, comme on nous l'a dit, consiste à inciter les gens à demeurer sur la plateforme, à saisir l'information et à leur envoyer des publicités, l'idée selon laquelle le contenu de nouvelles est absolument indispensable aux géants technologiques n'a jamais eu beaucoup de sens. En réalité, c'est ce type de contenu qui éloigne les gens, qui les fait quitter le site. Considérant ce qui s'est passé, il me semblait que cette issue était à prévoir.
     Je dois aussi ajouter que, parfois, on ne semblait pas avoir pleinement réfléchi à certaines des conséquences. En tout respect, c'est votre comité qui a établi une exception propre aux stations de campus pour les inclure dans la loi, et nous venons d'apprendre aujourd'hui que les stations de campus ne sont pas incluses. Votre comité a littéralement inclus les stations de campus dans un de ses amendements pour les rendre admissibles.
     C'est également votre comité qui a adopté un projet de loi indiquant que le fait de faciliter l'accès à tout contenu de nouvelles, que ce soit au Canada ou ailleurs, vous inclut dans la catégorie des intermédiaires de nouvelles numériques. Vous auriez pu choisir de dire que cela s'appliquait uniquement aux nouvelles provenant d'une organisation journalistique canadienne qualifiée, ou provenant d'une entreprise admissible aux paiements, ce qui aurait eu pour effet d'exclure certaines de ces autres entités et un grand nombre d'entités étrangères, mais ce n'est pas le choix que vous avez fait.
     À mes yeux, ces choix ont été faits dans la loi et leurs résultats étaient assez prévisibles.
(1200)
    Merci.
     Il semble que les modalités d'application du projet de loi C-18 ont engendré encore plus de préjudices que prévu. Vous avez peut-être vu hier la publication de ma collègue Michelle Rempel Garner sur Substack, où elle s'inquiétait de l'impact particulier que la mise en application du projet de loi C‑18 aurait sur les médias des diasporas et les petits médias ethniques.
     D'après vous, quel a été l'impact du projet de loi C-18 sur ces médias?
     Si vous me le permettez, j'aimerais répondre en parlant non seulement de C-18 mais aussi de C-11.
     Parmi les réelles inquiétudes soulevées par l'approche législative privilégiée par ce comité et par la loi au sujet de la loi sur la diffusion en continu et de la loi sur les contenus de nouvelles, c'est que cette approche a d'importantes répercussions négatives sur l'accès au contenu étranger pour les communautés des diasporas. Une des véritables craintes que nous inspire ce qui se passe au CRTC est la probabilité que le coût accru de la réglementation et de l'enregistrement — mais plus encore que l'enregistrement, les coûts réels de la réglementation — pourrait fort bien amener de nombreux services étrangers de diffusion en continu à tout simplement bloquer le marché canadien, parce qu'il n'est plus rentable. Ces communautés pourraient être celles qui seraient les plus directement touchées. Il en va de même pour le secteur des nouvelles.
     Oui, on pouvait s'attendre à ce résultat. Encore une fois, je reviendrai à mes remarques préliminaires pour souligner que si vous n'écoutez pas ces acteurs, si vous estimez qu'il vous suffit d'écouter Médias d'information Canada et quelques autres meneurs de claque, alors vous passeriez à côté de cette information capitale.
    Revenons‑y un instant.
     Vous avez dit que Médias d'information Canada était le principal lobbyiste au sujet de ce projet de loi et avait obtenu tout ce qu'il voulait. Immédiatement après l'adoption du projet de loi C-18, Bell Média a décidé de fermer plus de 1 200 médias d'information locaux, et Métro a fait de même. En bout de piste, il semble que le projet de loi C-18 a totalement manqué sa cible, et que ce sont plutôt les lobbyistes et la CBC, Bell et Rogers qui aient empoché la part du lion de l'argent des contribuables.
     Êtes-vous d'accord?
    Je dirais que pour l'instant, personne n'a obtenu quoi que ce soit.
     On peut certainement espérer conclure un accord avec Google, et dans ce cas toucher certains revenus. Je dois dire qu'au vu de ce qui semble être une position inamovible, où Facebook, Meta et Instagram ne réintégreront pas le marché des nouvelles dans l'environnement actuel, il sera très difficile de compenser les dégâts déjà causés par cette loi. Je pense que cette situation aide à expliquer ce qu'on vient de voir dans l'énoncé économique de l'automne, c'est‑à‑dire les 129 millions de dollars qui viennent gonfler et plus que doubler ce qu'offre déjà par journaliste le crédit d'impôt pour la main-d'oeuvre journalistique.
    Merci, monsieur Geist.
     Nous passons maintenant aux libéraux, pour cinq minutes.
     À vous la parole, Michael Coteau.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie tous nos témoins. Ma première question s'adresse à M. Ahmed.
     Merci encore de votre présence. Une grande partie de votre exposé m'a vraiment interpellé.
     J'aimerais vous demander si vous pourriez nous résumer brièvement la trajectoire suivie par le discours haineux depuis 10 ans — nous avons assisté à une forte croissance du contenu haineux en ligne — et la façon dont les grandes plateformes ont contribué aux principaux jalons de cette trajectoire, à la hausse ou à la baisse, de la haine en ligne.
    Certainement.
     En ce qui concerne les observations sur les chiffres réels, on a clairement assisté à une forte hausse du contenu haineux en ligne, une hausse qui se répercute hors ligne. Quand j'ai lancé le Center for Countering Digital Hate en 2016, il était quelque peu controversé d'avancer que ce qui se passait en ligne avait des répercussions hors ligne. On me traitait constamment de cinglé pour avoir dit cela. Aujourd'hui, personne ne le conteste.
     Ce qu'on voit, cependant, c'est une normalisation accrue, où les idéologies marginales se répandent par l'action algorithmique des entreprises qui s'efforcent de diffuser le contenu le plus racoleur, le plus controversé et le plus croustillant possible, et ce le plus souvent possible. C'est la normalisation des concepts marginaux.
     Deuxièmement, on assiste à un accroissement du volume de contenu haineux, qui exerce vraiment un impact sur les communautés autochtones, noires et de couleur et LGBTQ+. J'ai la peau brune, et je ne sortirais pas dans ma rue à Washington si les gens me hurlaient des injures chaque fois que je mets le pied dehors. Je resterais chez moi. C'est la même chose avec les plateformes des médias sociaux. Qui peut bien vouloir aller sur une plateforme qui regorge… On l'a vu quand Elon Musk a pris les commandes de X, le volume de discours haineux anti-Noirs a grimpé de 202 %. Pourquoi les gens voudraient-ils publier sur cette plateforme, qui fourmille d'individus utilisant les termes les plus offensants possible? Voilà pour cet aspect.
     Aussi, on observe une hybridation des mouvements. À cause de cette activité de barattage que j'ai décrite dans « Malgorithm » au sujet d'Instagram, où les théories du complot s'interfertilisent, nous assistons à l'apparition de nouvelles théories du complot qui émergent tout d'abord en ligne. Je dirais que la « grande remise à zéro » est un très bon exemple d'une telle théorie conspirationniste hybridisée, où la convergence entre mouvements conspirationnistes et mouvements haineux conduit à de nouvelles idéologies hybrides. En fait, ce phénomène progresse à une vitesse vertigineuse, et crée un environnement de menace d'autant plus vociférant et compliqué. Je suis convaincu que vos responsables de la sécurité nationale vous disent la même chose.
     La cause réside dans les algorithmes des entreprises, mais aussi dans l'incapacité de ces dernières à appliquer leurs propres politiques, à respecter les normes communautaires que nous, en tant qu'utilisateurs, avons la responsabilité d'observer et, corollairement, dont nous avons le droit de s'attendre à ce qu'elles soient respectées par les autres usagers et à ce que quelqu'un les fasse respecter. Dans l'ensemble, c'est un fouillis.
(1205)
    La diffusion de la haine en ligne est en fait monétisée par les plateformes. Est‑ce exact?
    Oui.
    Pensez-vous que ces plateformes qui bénéficient financièrement de diffuser de la haine ont la capacité de s'autoréglementer, ou bien qu'on a dépassé ce stade et que l'État doit réglementer davantage pour éviter la propagation de toutes ces faussetés?
    Est‑ce qu'elles peuvent s'autoréglementer? Oui. Est‑ce qu'elles le font? Non.
     Aujourd'hui, l'indulgence des individus qui étaient autrefois de jeunes cadres cools de San Francisco, aux idées apparemment libérales — bien sûr, ils essaieront de bien faire... Je pense qu'ils ne peuvent plus prétendre au bénéfice du doute... Il est temps de passer à une réglementation complète, comme l'a fait l'Union européenne avec la législation sur les services numériques et comme l'a fait le Royaume-Uni, mon pays d'origine, avec la Loi sur la sécurité en ligne, qui a finalement reçu la sanction royale il y a quelques semaines.
     À mon avis, il est grand temps que le Canada emboîte le pas au reste de la planète en adoptant une loi qui fera en sorte que les externalités négatives de ces entreprises, de même que leur incapacité à penser à la sécurité dès la conception, leur conception négligente des produits, débouchent vraiment sur des mesures de dissuasion économique d'où émergera une culture où ces entreprises commenceront à réfléchir à l'impact qu'elles exercent sur notre écosystème informationnel et, par conséquent, sur notre monde.
    Je vous remercie de votre contribution.
    Merci.
    Je vous remercie. Juste à temps.
     Nous passerons maintenant au Bloc, pour deux minutes et demie avec M. Champoux.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Roy, je vais revenir sur le même sujet que celui abordé par M. Ahmed.
    Des lois, comme l'Online Safety Bill, un texte de loi qui a été adopté tout récemment au Royaume‑Uni, comme le disait M. Ahmed, et la réglementation mise en place dans des pays de l'Union européenne, imposent des amendes très salées aux géants du numérique.
    Pensez-vous que de tels instruments législatifs fonctionneraient bien au Canada? Devrions-nous emprunter cette voie pour prévenir la violence en ligne?
    Je me suis toujours demandé pourquoi nous ne serions pas capables, au Canada, de faire ce que l'Union européenne réussit à faire. Encore une fois, il ne tient qu'à vous, les parlementaires, de le faire.
    J'en conclus que vous serez content de revenir quand nous discuterons de ces projets de loi.
    N'est-ce pas?
(1210)
    Cela me fera plaisir.
    Monsieur Geist, vous avez parlé tout à l'heure des lobbyistes qui sont intervenus le plus souvent dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑18. Vous avez notamment parlé de Médias d'info Canada. Vous avez raison de dire que ses membres ont été très actifs. Cette organisation représente 830 journaux, quotidiens, hebdomadaires et journaux communautaires d'un bout à l'autre du Canada. C'est un peu normal, étant donné qu'il s'agit du groupe le plus touché par la crise, notamment à cause de la domination des entreprises numériques, que ce soit les membres de ce groupe qui soient les plus actifs dans la recherche d'une réglementation.
    Je comprends qu'on peut avoir des discussions très larges sur les modèles d'affaires non seulement des entreprises numériques, mais aussi des entreprises traditionnelles, lesquels sont peut-être à revoir.
    Récemment, j'ai d'ailleurs proposé que nous fassions une pause afin de mener une large étude sur l'état des médias traditionnels au Québec et au Canada, particulièrement sur l'état des médias d'information.
    Êtes-vous d'accord sur cette idée? N'est-il pas temps de lancer des états généraux pour revoir ces modèles et nous tourner vers l'avenir avec une meilleure idée de ce qui s'en vient?

[Traduction]

    Nous n'avons peut-être pas beaucoup de temps, mais je vous remercie de votre question.
     Je pense que le moment idéal pour mener le type d'études dont vous parlez — pour mieux comprendre le secteur numérique — est, à bien des égards, avant de légiférer.
     Honnêtement, même le titre de cette audience semble en présupposer le résultat. Comme chercheur, je commence généralement par poser la question, après quoi je mène la recherche, et ensuite j'arrive à la conclusion. Le titre de cette étude semble déjà en prévoir la conclusion, tout ce qu'il reste à faire est de remplir les blancs.
    Pour répondre à votre question, c'est la même chose. Légiférer et ensuite étudier? Je pense qu'il aurait fallu procéder à l'inverse.
    Merci. Nous devons continuer.
     Je vous ai donné 30 secondes supplémentaires, monsieur Champoux.
     Passons maintenant à M. Julian, du Nouveau Parti démocratique.
    Allez‑y, monsieur Julian.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Roy, on entend parler d'attaques islamophobes, antisémites, homophobes et racistes qui ont un effet dans la vie réelle. On sait qu'il y a un lien entre ce qu'on voit en ligne et ce qui est véhiculé dans le vrai monde. On a mentionné tantôt que l'on était en train de subventionner Meta et Google à hauteur de plus de 1 milliard de dollars par année. C'est la Bibliothèque du Parlement qui a fait ce calcul.
    Vous avez parlé des tactiques d'intimidation, justement. On continue de subventionner des compagnies qui refusent de respecter notre démocratie et qui se livrent à des pratiques qui nuisent à notre société. Selon bien des gens, ces pratiques provoquent de la violence.
    Trouvez-vous cela inquiétant?
    Cela me préoccupe vivement.
    Au sujet de la subvention de 1 milliard de dollars, je crois que vous parlez de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Effectivement, cela n'a aucun sens.
    Vous dites que ce qui se passe en ligne a un effet dans la vie réelle. Effectivement, c'est ce que je crains. J'ai aussi de vives inquiétudes concernant le blocage des nouvelles. Il y a beaucoup de gens, surtout nos plus jeunes concitoyens et concitoyennes, dont la vie se déroule par le truchement de leur téléphone cellulaire. Leur vie se déroule essentiellement en ligne, sur les réseaux sociaux, et on exclut l'information de ce qu'ils voient sur les réseaux sociaux. Si cela continue, j'ai l'impression que les gens vont penser que l'information n'existe pas, que l'information journalistique vérifiée n'existe pas. Il n'y aura que des influenceurs.
     Seriez-vous d'accord pour que le gouvernement enlève cette subvention indirecte immédiatement?
    On est en train de pousser Google et Meta à contribuer à la désinformation et, en même temps, on leur donne de l'argent. Cela n'a pas de sens. Ces géants du numérique reçoivent plein d'argent provenant de subventions indirectes.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    J'avais oublié cet article de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cela pourrait faire l'objet d'une cinquième recommandation, à savoir enlever les subventions indirectes le plus rapidement possible. Il faudrait corriger cette situation sans tarder.

[Traduction]

    Merci, monsieur Julian.
     Nous avons maintenant cinq minutes pour les conservateurs, avec monsieur Shields.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins de leur présence. C'est un bon exemple de liberté d'expression et de liberté d'opinion. Je les remercie tous.
     Monsieur Geist, pour commencer, quand on parle de verser plus d'argent à Meta, on sait fort bien qu'une fois publiée la mise à jour financière, les libéraux ont immédiatement commencé à dépenser beaucoup d'argent. Une trentaine de publicités ont immédiatement été diffusées sur les géants du Web. Le NPD a récemment dépensé 2,5 millions de dollars, et son chef 400 000 $. Nous utilisons tous ce service particulier. Il y a dans ma circonscription de nombreux hebdomadaires, qui disent que les 30 % de revenus en publicité fédérale qu'ils ont perdus ont abouti dans les poches des grandes entreprises technologiques.
     Quel est le rôle du gouvernement dans le secteur de l'information? Est‑ce que c'est faire de la publicité? Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans le secteur des nouvelles au Canada?
    Je surveille une partie de l'activité publicitaire. On voit que le Parti conservateur et le Parti libéral diffusent des publicités. Je ne crois pas avoir vu de publicité du NPD.
     Cette notion de subventions est souvent évoquée. La publicité gouvernementale n'est pas une subvention. La publicité gouvernementale a pour but d'informer la communauté, que ce soit sur la COVID, sur d'autres questions ou sur les possibilités pour la population de se prévaloir de différents programmes, comme l'obtention d'un passeport ou quoi que ce soit d'autre. Il ne s'agit pas de subventions.
     Il me semble que ce que vous devez faire, c'est permettre de rejoindre les gens là où ils se trouvent. S'ils sont sur une de ces plateformes, c'est là que vous ferez de la publicité. Vous pouvez décider de ne pas le faire, comme on l'a vu à la suite du blocage des liens de nouvelles par Facebook. Malgré cela, je ne considère pas qu'il s'agit d'une subvention.
     Pour être honnête, cette notion de déduire la publicité à titre de subvention me semble vraiment étrange. C'est une déduction pour les entreprises qui font de la publicité. À mes yeux, cette idée d'empêcher ces entreprises de diffuser des publicités en certains endroits les rend moins concurrentielles.
     Je comprends qu'on puisse se désoler de voir les grandes entreprises technologiques empocher cet argent. Taxons-les. Si vous pensez qu'elles ne paient pas leur juste part, alors la solution est de les taxer. Ne plaçons pas nos entreprises dans une position concurrentielle désavantageuse en leur disant qu'elles ne peuvent pas déduire ce type de publicité.
(1215)
    Je vous remercie.
     D'après vous, en quoi la suppression des liens dans les médias sociaux a modifié le paysage canadien? Les médias sociaux ont supprimé les liens.
     Quand les médias sociaux l'ont fait, quel a été l'effet sur notre tissu social et notre pays?
    Nous avons déjà parlé de la manière dont la suppression des liens menant aux nouvelles a clairement nui à de nombreuses entreprises de nouvelles, en leur faisant perdre de l'auditoire. D'autres témoins craignent que ce vide soit comblé par des contenus haineux ou d'autres types de contenus. Certains rapports portent à croire que cet espace a été en partie occupé par des mèmes, des photos d'amis et d'autres choses du genre. Ce n'est pas si préjudiciable.
     Je tiens à le dire sans équivoque, car M. Julian a soulevé la question de la haine et de l'antisémitisme en ligne. Nous devons être absolument clairs sur ce point. Je me suis exprimé ouvertement sur ces enjeux; j'ai été la cible de Laith Marouf sur ces enjeux.
     Il y a environ un an, un ancien membre de ce comité a laissé entendre que j'étais raciste pour avoir posé des questions sur l'antisémitisme. En ce moment, c'est là un enjeu profondément personnel, pour moi et ma communauté. Il faut agir. Nous avons également besoin d'une véritable responsabilisation, où tout le monde accepte de se lever et de parler. Quand ce n'est pas le cas, je trouve extrêmement troublant que de telles choses se produisent.
     Quand vous faites référence aux projets de loi C‑11 et C‑18, qui devrait fixer les normes? Qui devrait fixer ces normes? Que devrions-nous faire, d'après vous?
    Des normes pour quoi faire? Pour ce qui paraît sur les réseaux sociaux?
    Oui. Qui doit fixer ces normes?
    Il y a clairement un enjeu de liberté d'expression, mais le gouvernement a le loisir de mettre en place une loi sur les préjudices en ligne, qui crée des garde-fous et qui s'attaque à certains de ces enjeux.
     Honnêtement, parmi les choses que je trouve les plus inexplicables dans la stratégie du gouvernement, ce n'est pas qu'il n'ait pas décidé d'agir et de s'attaquer à certaines de ces questions. Il est nécessaire de s'y attaquer. Ce qui m'intrigue, c'est que la protection de la vie privée a été largement laissée de côté ou confinée à la fin. On a introduit l'intelligence artificielle sans consultation complète, et on ne s'est pas préoccupé des préjudices en ligne.
     Je ne veux pas dire que le gouvernement devrait intervenir pour réglementer tout ce que les gens peuvent dire. Je pense que la réglementation de la mésinformation et de la désinformation présente de réels défis. Nous pouvons certainement veiller à ce que les plateformes agissent de façon responsable lorsqu'il s'agit de contenus dont on sait déjà qu'ils sont illégaux, par exemple les contenus terroristes, certains types de contenus haineux, etc. Il y a là une occasion à saisir, et beaucoup de personnes sont frustrées de voir que cette question n'a pas été priorisée, et que d'autres l'ont été.
    Merci, monsieur Shields.
     Nous allons passer au Parti libéral, pour cinq minutes.
     Madame Dhillon, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie nos témoins.
     Mes questions s'adressent à M. Ahmed.
     D'après vous, est‑ce que les grandes entreprises technologiques cultivent la collaboration d'universitaires, d'experts, de groupes de réflexion et de groupes de revendication qui ont des vues similaires aux leurs pour maintenir le statu quo et combattre la réglementation? Par le passé, nous avons vu que les géants de la technologie tentent de contrer, de saper et de saboter l'action des experts qui aimeraient les réglementer. Pouvez-vous commenter?
    Merci de cette question.
     Nous avons vu émerger une version encore plus sophistiquée de la panoplie de groupes d'influenceurs qui appuient les entreprises de médias sociaux dans les efforts qu'elles déploient pour combattre la réglementation et se laver les mains des externalités inhérentes à leurs propres activités. En outre, et c'est encore plus important, ces entreprises contrôlent l'écosystème de l'information numérique. Elles le façonnent — et nous savons qu'elles l'ont fait par le passé — pour étayer les narratifs qui leur sont favorables.
     Je pense qu'avec le pouvoir sans précédent dont elles disposent pour façonner le narratif et avec l'énorme quantité d'argent qu'elles ont en poche pour inciter les autres à les aider à façonner le narratif, vous avez raison. Sur ce terrain, nous faisons face à un ennemi vraiment dangereux.
(1220)
    Avant de céder la parole à M. Gainey, je vais vous demander ceci: Pour contrer cette menace, que conseillez-vous aux législateurs, au gouvernement et à la société civile en général?
    Je ne suis pas Canadien, donc pour moi, les disputes politiques internes entre partis au Canada, c'est comme les disputes entre mes beaux-parents, je ne veux pas m'en mêler. Ce que je peux dire, c'est que nous sommes tous des patriotes, car le service public est un travail de patriote.
     En ce moment même, Meta essaie de se moquer du Canada et de la capacité des démocraties à mettre des entraves aux entreprises qui créent des préjudices sur leur territoire. Comme patriote de mon propre pays, et comme individu qui soutient le gouvernement canadien, je vous demande de ne pas considérer cela comme un recul. Considérez cela comme une raison d'implanter une loi plus complète qui couvre tout l'éventail des enjeux: des données de qualité grâce à la transparence, une responsabilisation significative, une responsabilité partagée pour les externalités et une culture de la sécurité dès la conception.
    Merci beaucoup, c'est un plaisir de vous entendre tous aujourd'hui.
     Monsieur Kint, ma question s'adresse à vous. Nous vous avons laissé tranquille jusqu'à maintenant.
     J'aimerais savoir. Dans toutes les interventions sur les géants de la technologie, on parle de Google, de Meta et parfois de Twitter. Je pense qu'Apple fait également partie des géants du Web, mais on n'en entend pas souvent parler dans le contexte de l'information. Je pense que le modèle de nouvelles d'Apple s'est développé rapidement. C'est en tout cas un outil que j'utilise quotidiennement sur mon téléphone.
     Comment fonctionne ce modèle? Quelle est la position d'Apple vis-à-vis de l'information locale, et comment percevez-vous son modèle de profit? Pourquoi cette question n'a-t-elle pas été abordée jusqu'à présent?
    C'est une excellente question, et je vous remercie de l'avoir posée.
     C'est en partie dû au fait que notre ministère de la Justice enquête toujours sur Apple. Contrairement à Amazon, Google et Facebook, Apple n'a pas encore fait l'objet de poursuites de la part de notre ministère de la Justice, d'un commissaire fédéral au commerce ou d'un procureur général d'État, qui poursuivent tous les autres entreprises d'une manière ou d'une autre. Je pense que cela rehausse le niveau d'attention.
     Vous avez raison de dire qu'Apple a un pouvoir de gardien du goulet d'étranglement. Je pense que c'est pourquoi les auteurs de la législation sur les marchés numériques en Europe ont été si brillants de les inclure. Ça limite leur pouvoir de gardien des portes.
     Nous apprenons, notamment grâce au procès antitrust intenté contre Google aux États-Unis, que le partage de pouvoir entre Google et Apple, en vertu duquel Google verse à Apple plus de 20 milliards de dollars par an et 37 % de chaque dollar prélevé sur les recherches faites sur Google à partir d'appareils Apple, représente un véritable goulot d'étranglement. Tout cela commence à être mis en lumière, et je pense qu'Apple attirera également l'attention.
    Monsieur Ahmed, éclairez-moi. Au Royaume-Uni, le cheminement du projet de loi sur les préjudices en ligne a été assez pénible. Je l'ai suivi de loin.
     Rapidement, avez-vous des conseils à nous donner sur l'expérience britannique concernant ce texte de loi en particulier?
    Ça a été un très long processus.
    J'ai été le premier témoin à m'exprimer devant le comité des projets de loi en septembre 2021. Il a fallu deux ans pour promulguer cette loi.
    Je dirai simplement qu'il y a de l'élégance dans la solution britannique qui dit: « Vous fixez vos propres règles, mais nous voulons voir si vous les appliquez ou pas de la bonne façon. » Il n'est pas nécessaire de compliquer les choses en disant: « Si vous faites preuve de négligence dans l'application des règles que vous demandez aux autres de respecter, et si cela porte préjudice à notre société, nous vous imposerons des conséquences économiques importantes. »
    Je pense que c'est la nature globale, le fait de travailler dans le cadre des normes communautaires propres à la plateforme — parce qu'elle a besoin de publicité et que les annonceurs n'y feraient pas de publicité autrement — qui fait l'élégance de cette loi.
    Je vous remercie.
(1225)
    Je vous remercie, madame Gainey.
    Nous allons passer à la troisième série de questions. Je pense que nous avons le temps.
    Il y aura cinq minutes pour les conservateurs et, en fait, je vais commencer.
    Monsieur Geist, je trouve ironique que le jour où le projet de loi C-18, la Loi sur les nouvelles en ligne, a été adopté à la Chambre des communes — certains pensaient que j'étais conspirationniste —, les grands radiodiffuseurs ont glissé à l'oreille du président du CRTC qu'ils voulaient faire moins de nouvelles locales. N'est‑ce pas ironique?
    Évidemment, le projet de loi C-18 n'a pas encore rapporté d'argent aux grands radiodiffuseurs, mais ils s'y préparent, et je peux vous dire que, dans ma ville, la chaîne de télévision locale diffuse deux heures par jour depuis le 216 First Avenue North.
    Je pense, en fait, que la réaction des radiodiffuseurs, en ce qui concerne les nouvelles et les appels à revoir à la baisse les obligations de contenu canadien, que nous entendons maintenant, découle de cette loi.
    S'agissant du contenu canadien, par exemple, il était évident que, si l'on souhaitait voir des diffuseurs internationaux — des diffuseurs étrangers — prendre une plus grande part de responsabilité, les radiodiffuseurs canadiens allaient, entre autres, demander à réduire leurs obligations dans ce contexte.
    Pour ce qui est des nouvelles, je soupçonne qu'il s'agit d'une coïncidence, mais en ce qui concerne la quantité de nouvelles que nous pourrions obtenir de certains de ces radiodiffuseurs, pas grand-chose ne dit que les résultats qu'ils pourraient obtenir du projet de loi C-18, qui semblent à présent très limités — puisqu'une seule entreprise y est maintenant assujettie — changeraient la trajectoire de certaines des choses sur lesquelles ces entreprises se concentrent en matière de nouvelles.
    Je vous remercie.
    Nous allons donner la parole à M. Shields.
    Je vous en prie. Vous disposez de trois minutes.
    Je vous remercie.
    Je vais reprendre là où je me suis arrêté, à propos de ce que vous avez dit sur le projet de loi C-11 et le projet de loi C-18 dans vos observations préliminaires et sur le fait que certaines personnes ont peut-être été exclues pour diverses raisons.
    Nous venons d'entendre qu'il a fallu deux ans au Royaume-Uni pour faire adopter le projet de loi sur les préjudices en ligne. Vous avez expliqué que nous nous y sommes mal pris dans notre étude des projets de loi C-18 et C-11. Quelles sont les erreurs que nous devrions, selon vous, relever dans les projets de loi C-11 et C-18 qui font que nous avons des lois qui ne sont peut-être pas ce qu'elles devraient être et que nous avons exclu des personnes du processus? Mon idée est qu'il faut parler à tout le monde pour s'assurer que tout le monde est entendu si l'on veut obtenir quelque chose de bien. Que proposez-vous en ce qui concerne le projet de loi sur les préjudices en ligne?
    À mon avis, si le projet de loi sur les préjudices en ligne tarde à être adopté, c'est notamment parce que, selon toute vraisemblance, il est considéré — et à juste titre — comme étant encore plus controversé que les projets de loi C-11 et C-18, et je pense que c'est vrai.
    Je pense également qu'il n'a jamais été logique de rattacher ce projet de loi à Patrimoine canadien. Je ne sais pas pourquoi les préjudices en ligne relèvent du patrimoine. Il semblerait qu'il ait maintenant été déplacé au sein du gouvernement. Je pense que c'est une bonne chose, car il s'agit davantage, selon moi, d'une question liée à la justice et à la sécurité publique.
    Je dirais que ce dont nous avons vraiment besoin dans le cadre de ce projet de loi — et je peux avoir l'air d'un universitaire naïf —, c'est d'une ouverture, d'une volonté de s'engager dans un processus politique itératif ouvert à l'étape de l'étude en comité, car apporter des changements ne constitue pas une erreur et ne signifie pas que quelqu'un s'est trompé, mais plutôt que l'on cherche à améliorer le projet de loi.
    Avec tout le respect que je vous dois, j'ai trop souvent l'impression que les comités sont davantage conçus comme un théâtre de consultation que comme un cadre de consultations réelles et engagées, et que l'idée d'apporter des changements, même potentiellement importants, est en quelque sorte considérée comme un aveu d'échec. Or, je ne crois pas que ce soit le cas.
    Ce sont des projets de loi qui n'auraient pas dû être aussi controversés. Je pense qu'une partie du problème tient au fait que, dès le jour où ils sont présentés — et cela vaut depuis longtemps pour les gouvernements successifs, à vrai dire, autant conservateurs que libéraux —, tout changement important revient à dire que l'on a commis des erreurs, ce qui est un signe de faiblesse.
    Je ne pense pas que ce soit un signe de faiblesse. En fait, c'est tout le contraire, à mon avis. J'y vois un signe de volonté d'élaborer la meilleure politique possible.
    Je vous remercie.
     Il y a, selon moi, des cas où cela s'est peut-être produit. Je me souviens que je siégeais à un comité avec l'actuel ministre du Logement et qu'il y avait une erreur de terme. Je savais que ce n'était pas le bon terme d'un point de vue juridique. Le comité était décidé à adopter le texte, mais j'ai rappelé au ministre qu'il était avocat et je lui ai demandé de regarder ce terme et de me dire s'il s'agissait du bon terme. Il s'est aperçu de l'erreur et a demandé qu'elle soit corrigée.
    Je pense que c'est ce que vous dites que nous devrions être capables de faire, mais il faut beaucoup de monde à cette table pour y parvenir.
    En effet. Je sais qu'il y a des négociations dont le public n'est pas informé, où les membres autour de cette table négocient le nombre de témoins que vous allez recevoir et la durée des audiences.
    Selon moi, le point de départ ne doit pas être le nombre de témoins, mais qui vous devez entendre et qui est le plus pertinent. Pour être franc, dans le cadre du processus du projet de loi C-18, on a cherché à conclure après seulement quatre réunions, si je me souviens bien, alors qu'un large éventail de personnes — favorables au projet de loi comme critiques à son égard — n'avaient pas été entendues.
(1230)
    Je vous remercie, monsieur Geist.
    Je dois passer aux libéraux pour cinq minutes.
    Monsieur Noormohamed, vous avez la parole.
    Je vous sais gré à tous d'avoir pris le temps d'être des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Ahmed, je commencerai par vous.
    Compte tenu du peu de temps dont nous disposons, il nous serait très utile que vous acceptiez de nous remettre un mémoire nous expliquant en quoi les choses fonctionnent ou pas — selon le cas —, de votre point de vue, au Royaume-Uni. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Monsieur Kint, nous vous saurions gré d'accepter de faire la même chose.
    Est‑ce que cela vous conviendrait à tous deux?
    Je suis certain que nous le ferons tous deux avec plaisir, M. Kint et moi.
    Soyons clairs, il est un peu tôt. La loi a été promulguée il y a quelques semaines seulement, et l'Ofcom en est encore aux étapes de consultation pour déterminer précisément comment il utilisera ses pouvoirs.
    Il y a trois ans, nous avons organisé une conférence à Washington avec des législateurs du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande pour parler de lois. Nous ferons la même chose l'an prochain, afin de tirer mutuellement des enseignements de la mise en oeuvre un an plus tard.
    Très bien. Je vous remercie.
    Monsieur Kint, je me tourne vers vous.
    D'après ce que vous avez observé, l'expérience canadienne de certaines des stratégies adoptées par les plateformes correspond-elle à celle de l'Union européenne, de l'Australie, des États-Unis et d'autres pays encore?
    C'est très cohérent. Je pense que la seule différence est que l'on accorde beaucoup d'attention ici à la perte de trafic de Facebook lorsqu'il a décidé très tôt, à vrai dire, de bloquer toutes les nouvelles.
     Je pense qu'il est important de dire que les nouvelles étaient en difficulté avant l'adoption du projet de loi C-18 ou avant que Facebook décide de cesser d'en diffuser. Le trafic de Facebook et de Meta est en baisse dans le monde entier. Cette idée ou ce mythe selon lequel il s'est soudain passé quelque chose parce que vous avez adopté le projet de loi  C‑18, qui n'est même pas encore entré en vigueur, et que c'est là le problème, est absurde si l'on examine et étudie le marché international des nouvelles.
    Vous avez, selon moi, courageusement adopté un projet de loi en vous inspirant de lois intelligentes qui portent fruit ailleurs. Il s'agit, de la part de Facebook, de ce que l'on a qualifié de crise de colère passagère. Il y a, selon moi, des expériences très cohérentes.
    Beaucoup de préjudices en aval dont il est question aujourd'hui correspondent aussi à ce que nous voyons ailleurs. J'encourage vivement tout le monde à s'intéresser aux poursuites intentées par les procureurs généraux de différents États américains contre Meta pour les préjudices causés aux enfants mineurs par ses plateformes. Nous parlons de plus de 40 procureurs généraux qui intentent une action multipartite.
    Même si l'on regarde ce qui se passe aux États-Unis et que l'on pense ne pas pouvoir s'entendre sur certaines choses, on s'entend très manifestement sur les préjudices causés et sur le fait qu'Instagram et Facebook ne font pas attention à leurs produits.
    C'est un point de vue intéressant. Ce serait bien de voir une approche multipartite similaire face aux mêmes problèmes au Canada, mais de toute évidence, ce n'est pas nécessairement le cas.
    Étant donné certaines des méthodes dont vous venez de parler, je m'interroge sur l'approche ou la thèse selon laquelle les grandes entreprises technologiques cultivent leurs relations avec des universitaires, des experts, des groupes de réflexion et des groupes de pression qui leur sont favorables pour qu'ils demandent le maintien du statu quo et s'opposent à une réglementation.
    Qu'en pensez-vous? Est‑ce bien cela qui se passe? Quels conseils donneriez-vous aux gouvernements et à la société civile pour résister face à ces efforts et à cette méthode?
    Je suis entièrement d'accord.
    Pour ce qui est de la recherche et des universités, j'ai vu des chercheurs très importants... Un groupe de l'Université de New York, ici, aux États-Unis, s'est vu interdire par Facebook la recherche qu'il tentait de mener parce qu'elle était considérée comme conflictuelle, car elle essayait d'exposer certains des préjudices subis sur la plateforme.
    D'un autre côté, Google a organisé Newsgeist au Canada lorsque vous commenciez à examiner le projet de loi C-18. Je suis presque sûr que certains des témoins qui ont défendu Google étaient présents à Newsgeist, qui est une conférence à huis clos, sur invitation seulement, qui se déroule selon la règle de Chatham House, et à laquelle sont conviés un grand nombre d'universitaires et de représentants du monde de l'information qui prient pour être invités par Google.
    Au fait, je n'y suis pas invité.
(1235)
    Il me reste peu de temps, mais quelqu'un a déclaré tout à l'heure qu'à cause du projet de loi, on n'investit pas dans les nouvelles. Il me semble qu'il ne s'agit pas d'une tendance canadienne, mais d'un problème que nous constatons dans le monde entier, où il y a de moins en moins d'argent à gagner dans les nouvelles, de sorte que les investisseurs avisés n'y placent tout simplement pas leurs capitaux.
    Quelle part de ce phénomène attribuez-vous au projet de loi, qui n'est pas encore entré en vigueur dans ce pays, et quelle part attribuez-vous à la triste réalité que nous observons dans le monde entier en ce qui concerne les investissements réalisés dans l'information et le journalisme de qualité?
    Non. Les investissements iront à un journalisme de qualité lorsqu'il y aura une concurrence entre les plateformes et qu'elles ne pourront pas abuser des entreprises de nouvelles en siphonnant les données et en plaçant ensuite les publicités en regard du contenu le moins cher possible, qui est souvent un contenu nuisible.
    La concurrence est nécessaire, tout comme la protection des données. Les deux aideront l'industrie de l'information.
    Je vous remercie.
    Nous passons à M. Champoux pour le Bloc québécois pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous dirai bien franchement que je trouve toujours les discussions très intéressantes. Parfois, nos questions sont trop longues et il ne reste pas suffisamment de temps pour les réponses. Nous devrions, moi le premier, en prendre bonne note. Nous allons certainement finir par bien connaître les ficelles du métier.
    Je remercie beaucoup les témoins de nous éclairer sur ces questions, qui divisent beaucoup les gens.
    Monsieur le président, comme je suis préoccupé par ce que l'on observe présentement aux audiences que tient le CRTC, mais aussi par l'étude que nous avons faite des projets de loi et par la situation générale des médias, particulièrement les médias d'information, je souhaite déposer immédiatement une motion et en débattre.
    Je propose ce qui suit:
Considérant que:
1- Une crise secoue les médias de l’information en raison, notamment, de la domination des entreprises numériques étrangères;
2- Des centaines de postes dans les salles de nouvelles à travers le Canada ont été coupés depuis le début de l’année, et que des centaines d’autres risquent de l’être dans un avenir proche;
3- Des radiodiffuseurs canadiens, des associations de journalistes, des syndicats du secteur de l’information et plusieurs experts sont d’avis que des mesures urgentes doivent être mises en place pour permettre une couverture journalistique adéquate et diversifiée dans toutes les régions du Québec et du Canada;
Que, conformément à l’article 108(2) du Règlement, le Comité entreprenne une étude visant à déterminer la pertinence de tenir des états généraux sur les médias et que le Comité en détermine les paramètres.
Que le Comité consacre un minimum de 4 réunions et fasse ses recommandations à la Chambre.
    Monsieur le président, nous avons fait parvenir un peu plus tôt à la greffière la version française de la motion. Je vous cède la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Champoux.
    Nous l'avons reçue en français. Nous essayons de la faire traduire en anglais. Il y a un lien. Nous allons donc en débattre, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    M. Julian invoque le Règlement.
    Monsieur le président, nous avons encore des questions pour les témoins. Ce groupe est très important.
    Je demanderai à M. Champoux de patienter. Je pense que nous pouvons avoir un débat après la dernière série de questions.
    J'ai d'autres questions très importantes. Malheureusement, je ne pense pas qu'il soit approprié d'interrompre les témoignages.

[Français]

    Revenons-nous sur ce rappel au Règlement, monsieur le président?

[Traduction]

    Monsieur Champoux et monsieur Julian, j'ai décidé que la motion peut faire l'objet d'un débat. Nous parlons de l'industrie de l'information. Vous présentez cette motion et elle est en rapport avec cette industrie.
    Monsieur Champoux, vous avez la parole.
    Je suis désolé, monsieur le président...

[Français]

    Excusez-moi, monsieur Julian. Je crois avoir la parole.
    Je sais que nous attendons toujours la version anglaise de la motion. Or, je n'ai aucune objection à ce que le Nouveau Parti démocratique poursuive ses questions. On pourra nous faire signe quand la traduction sera disponible. Nous pourrons alors commencer le débat sur la motion. Si cela vous convient, je suis tout à fait disposé à procéder de cette façon.

[Traduction]

    Il faut pour cela un consentement unanime. Avons-nous l'unanimité?
    Est‑ce que nous continuons d'interroger les témoins le temps que la motion soit traduite en anglais? Il faut un consentement unanime. Sinon, c'est l'impasse et nous devons attendre la traduction en anglais, ce qui pourrait demander... C'est assez long. Je dirai même que cela pourrait prendre beaucoup de temps. Je ne sais pas, mais j'ai vérifié auprès de la greffière et elle pense que cela pourrait prendre du temps.
    Madame Thomas, vous avez la parole.
(1240)
    Par égard pour M. Champoux, il faut, à mon sens, être clair. Si la motion n'a pas été traduite d'ici la fin de la réunion, qu'en advient‑il?
    Il y a deux possibilités. D'une part, nous pouvons proposer de suspendre la séance jusqu'à ce que nous recevions la traduction. D'autre part, nous pouvons lever la séance, puis présenter de nouveau la motion.

[Français]

    Monsieur le président, je vais prendre le risque de déposer à nouveau ma motion à la prochaine occasion. La traduction n'est pas prête, et il ne sert absolument à rien d'arrêter les travaux du Comité en attendant qu'elle nous parvienne. Je pense que nous pouvons continuer les tours de questions. Je fais confiance à ce comité pour ne pas m'empêcher de la déposer à nouveau à la prochaine occasion.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Avons-nous un consentement unanime pour poursuivre? Non, je ne l'ai pas de ce côté. Non.
    Je pense, par conséquent, que nous devons suspendre...
    Je suis désolé, monsieur le président. Alors, je conteste votre décision.
    La motion avait un rapport avec le sujet du jour. Elle était très...
    Je conteste votre décision. Les témoins sont présents. Nous avons des questions. Si les conservateurs font encore du blocage, c'est leur problème, mais j'aimerais continuer de poser des questions. La meilleure façon de procéder, avec tout le respect que je vous dois, est de contester votre décision, ce qui nous permet de revenir aux questions.
    Je vous en remercie, monsieur Julian. Nous allons passer au vote sur la contestation de la présidence.
    Allez‑y, madame Desjardins.
    Je précise que le vote porte sur la contestation de la décision de la présidence selon laquelle la motion est actuellement recevable.

[Français]

    Je pense que c'est la décision de suspendre le débat qui est contestée.

[Traduction]

    Non, monsieur le président. Il porte sur votre décision d'accepter maintenant la motion. J'appuie la motion, et je suis certainement favorable à ce qu'elle soit de nouveau présentée, mais je conteste votre décision parce que cela nous permet de revenir aux témoins.
    D'accord. Je cède la parole à la greffière aux fins de compréhension.
    Allez‑y, madame Desjardins.
    Si j'ai bien compris, une motion a été présentée. Elle a été jugée recevable, et cette décision est contestée. Le vote porte sur la contestation de la présidence. Si vous votez oui, vous êtes d'accord que la motion est recevable et nous passons au débat. Si vous votez non, nous ne passons pas au débat.
    Et nous revenons aux témoins.
    M. Coteau et Mme Thomas lèvent la main.
    Monsieur Coteau, vous avez la parole.
    Je suis désolé. Tout va bien.
    J'aimerais avoir une précision. Je ne vois pas très bien ce qui est contesté en l'occurrence.
    Vous avez demandé s'il y avait consentement unanime, et vous ne l'avez pas obtenu. Est‑ce que c'est l'objet de la contestation?
    Non, je conteste la décision de la présidence de permettre que la motion soit examinée.
    Excusez-moi, je suis désolée, monsieur le président. Je m'adresse à vous. Je vous remercie.
    Donc, monsieur le président, c'est votre décision selon laquelle la motion de M. Champoux est recevable qui est contestée.
    La greffière: C'est cela.
    Mme Rachael Thomas: D'accord. Je vous remercie. Vous dites qu'elle est, en effet, recevable.
    Elle est recevable.
    Pouvons-nous mettre la contestation aux voix?
    (La décision de la présidence est cassée par 6 voix contre 4.)
(1245)
    Autrement dit, ma décision est rejetée. Nous passons à deux minutes et demie.
    Monsieur Champoux, il vous reste une minute.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais en profiter pour faire un commentaire à l'intention de mes collègues du Comité. Avec tout le respect que je dois à tous les gens qui siègent à ce comité, cela fait au moins deux fois, récemment, qu'une décision de la présidence est remise en question, alors que cette décision repose sur les règles et usages qui régissent les travaux des comités. Ce n'est pas une question d'interprétation du Règlement. Des règles existent concernant nos pratiques et elles doivent être respectées. On conteste une fois de plus une décision de la présidence pour la casser parce que l'on préfère continuer. Ce qui est tout à fait correct et légitime, on veut continuer d'interroger les témoins.
    J'appelle ce comité à faire preuve d'une grande prudence. Il y a des règles, et le Comité a beau être souverain et maître des décisions qu'il prend sur son fonctionnement, on est sur un terrain extrêmement glissant et dangereux quand on casse des décisions qui sont, de toute évidence, conformes aux règles basées sur le Règlement de la Chambre.
    C'est arrivé il y a quelques semaines lorsqu'une décision sur une motion proposant de lever la séance a été contestée. Cette fois, on conteste une décision sur l'admissibilité d'une motion.
    Je vais m'arrêter là.
    Monsieur le président, je tiens à ce qu'il soit bien consigné dans le compte rendu de la réunion que j'invite ce comité à faire preuve d'une grande prudence quant à cet ensemble d'outils parlementaires dont nous disposons.
    Merci.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Champoux.
    M. Noormohamed invoque le Règlement.
    J'aimerais souligner deux choses.
    L'une est que je partage la préoccupation de M. Champoux de voir que des manoeuvres au sein du Comité font qu'il lui est très difficile de mener ses travaux.
    M. Champoux a eu l'amabilité de proposer que nous continuions, le temps que la motion soit traduite. Il est très décevant que nous n'ayons pas retenu cette option. Il est important de reconnaître qu'il serait bon que nous puissions faire en sorte que les choses évoluent de manière à nous permettre d'avancer normalement, plutôt que de recourir à des manoeuvres dilatoires qui semblent fréquentes de nos jours.
    Je vous remercie, monsieur Noormohamed.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous passons à M. Champoux, puis ce sera le tour de quelqu'un d'autre pour deux minutes et demie.

[Français]

    Je veux juste réagir à ce rappel au Règlement, monsieur le président.
    C'est tout à fait de bonne guerre que les libéraux attaquent les conservateurs et que les conservateurs attaquent les libéraux. Cela fait partie du jeu. Je comprends cela.
    Par contre, dans ce cas-ci, l'obstruction ne venait pas des conservateurs. Je tiens à dire que ce sont les libéraux et le NPD qui ont voté pour casser votre décision, monsieur le président. Votre décision était basée, je le rappelle, sur le Règlement tel qu'il est écrit, qui est clair et qui devrait être suivi.
    Dans des cas exceptionnels, on peut casser une décision d'un président, mais je trouve que cela devient une habitude et cela m'inquiète.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Julian, du NDP, vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Bien sûr que cette décision était en jeu. Le Comité a parfaitement le droit de prendre cette décision. Je suis d'accord avec M. Champoux pour dire que les travaux des comités reposent souvent sur un consentement unanime, et j'espère que nous y reviendrons.
    Monsieur Ahmed, je reviens vers vous.
    Je suis stupéfait d'apprendre que votre équipe compte 25 membres. Veuillez transmettre nos sincères remerciements aux 25 personnes qui font un travail aussi remarquable face aux grands groupes technologiques et à l'augmentation massive de la haine et de la désinformation à laquelle nous assistons.
    La transparence des algorithmes en ligne est un des moyens de lutter contre la haine et la désinformation. C'est ce que vise à obtenir le projet de loi C-292 à l'étude au Parlement du Canada.
    Aux États-Unis, comme vous le savez, le sénateur Ed Markey a présenté au Congrès américain un projet de loi similaire visant à obliger les grandes entreprises technologiques à dévoiler les algorithmes qu'elles utilisent pour diffuser, imposer dans ce cas, de la haine et de la désinformation à un si grand nombre de personnes.
    Les grandes entreprises technologiques craignent bien sûr des poursuites en diffamation s'il existe un lien direct entre les attaques terroristes massives liées à la haine, qu'elle soit antisémite, homophobe ou raciste, et leurs algorithmes. Une responsabilité juridique serait établie.
    Est‑il important pour le Parlement et pour le Congrès américain d'adopter ce type de loi pour que leurs pratiques scandaleuses valent aux grandes entreprises technologiques des poursuites en diffamation?
(1250)
    Ce projet de loi visant la transparence est essentiel, car sans lui, nous ne pouvons pas créer d'arguments en faveur de la responsabilité. La transparence est le fondement absolu d'un mécanisme de responsabilisation efficace, puis de partage des responsabilités pour tout préjudice causé.
    L'Union européenne fait également des choses très intéressantes en ce moment. Elle va lancer à Séville de nouvelles études algorithmiques qui seront bientôt opérationnelles. Nous disposerons ainsi de beaucoup plus de données sur le fonctionnement de ces plateformes.
    Soyons très clairs: les algorithmes sont le produit. Si vous pensez qu'il s'agit de plateformes de contenu, ce n'est pas le cas. Il s'agit d'une plateforme d'algorithmes qui publie une chronologie ordonnée par algorithme pour vous rendre dépendant. C'est ce qui est crucial dans le projet de loi que vous promulguez.
    Je vous remercie.
    Les deux minutes et demie sont écoulées.
    Il me reste 10 secondes, monsieur le président.
    Le vice-président (M. Kevin Waugh): Il me semble plutôt que vous avez dépassé votre temps de parole de cinq secondes.
    M. Peter Julian: Pouvez-vous nous en dire plus sur Séville, monsieur Ahmed?
    Je me ferai un plaisir de communiquer quelque chose par écrit au Comité.
    Je vous remercie.
    Il est prévu que les deux dernières séries de questions soient de cinq minutes. Étant donné l'heure, je dirai qu'il y a trois minutes chacun pour les conservateurs et les libéraux, si vous le permettez, pour boucler la troisième série de questions.
    Les conservateurs disposent de trois minutes. Nous commencerons par Mme Thomas.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Geist, en ce qui concerne le projet de loi C-11, vous avez mentionné que les personnes autochtones, noires et de couleur et d'autres encore qui travaillent dans cet espace numérique... Nous les appelons souvent les « créateurs de contenu numérique ». Ces personnes n'ont pas été à proprement parler consultées. Vous avez dit dans vos observations qu'elles ont été « tenues à l'écart ».
    Quelle est l'incidence du projet de loi C-11 sur les créateurs de contenu numérique au Canada et quelle incidence pourrait‑il avoir sur eux par la suite?
    Je vous remercie de cette question.
    Je pense que beaucoup de créateurs de contenu numérique restent très préoccupés par les conséquences du projet de loi C‑11. Il est évident qu'une orientation stratégique a été donnée afin d'apaiser certaines de ces craintes. Cependant, même dans le cadre de cette orientation stratégique, il reste des références à la perspective d'avoir affaire à des algorithmes, par exemple. Je pense qu'il y a encore des inquiétudes. Il y a eu une couverture médiatique, en particulier sur la question des créateurs autochtones, noirs et de couleur. Dans un cas, Vanessa Brousseau, qui a pour pseudonyme Resilient Inuk, a rencontré des responsables de Patrimoine canadien et elle s'est sentie complètement intimidée et non respectée.
    Je dois dire que je trouve qu'il y a un décalage incroyable entre toute une série de changements, légitimes, proposés dans le projet de loi afin de soutenir ces communautés et leur créativité, et l'expérience vécue par certains dans le cadre du processus législatif, où leurs efforts pour exprimer leurs préoccupations, que ce soit au Comité ou, par la suite, au Sénat, ont été ignorés. Le Sénat a entendu beaucoup plus de créateurs de contenu numérique, de tous horizons, que le Comité n'a pris le temps d'en entendre en ce qui concerne le projet de loi C‑11.
    Il ne suffit pas, à mon sens, d'avoir un projet de loi qui semble intéressant. Il faut veiller à ce que les groupes concernés aient aussi la possibilité de se faire entendre.
    Je vous remercie, monsieur Geist.
    Je voudrais maintenant présenter une motion qui a été déposée et proposée lors de la dernière réunion. Cependant, nous n'avons pas eu l'occasion de la mettre aux voix. J'espère qu'aujourd'hui, nous pourrons le faire assez rapidement pour continuer d'avancer.
    Je vais lire la motion.
Étant donné que, le ministère du Patrimoine canadien, sous la direction de l’honorable Pablo Rodriguez, a approuvé des subventions « antiracistes » de plus de 130 000 $ à Laith Marouf du Community Media Advocacy Centre (CMAC), le 21 octobre 2022, l’honorable Pablo Rodriguez a comparu devant le Comité du patrimoine, au cours de laquelle un certain nombre de députés l’ont interrogé sur la date à laquelle il a été mis au courant des remarques désobligeantes de Laith Marouf sur les juifs et les francophones, et le ministre a indiqué au Comité qu’il n’a été informé qu’après le 22 août 2022, un article du Globe and Mail et une demande d’accès à l’information indiquent que des courriels de l’ancien ministre de la Diversité et de l’Inclusion, l’honorable Ahmed Hussein, de son ancien chef de cabinet, de l’ancien chef de cabinet du ministre Rodriguez et de la sous-ministre de Patrimoine canadien ont circulé entre le 17 et le 19 août 2022, y compris un courriel envoyé au compte personnel du ministre Rodriguez intitulé « Laith Marouf et les discours haineux antisémites », le Comité invite l’ancien ministre du Patrimoine canadien, l’honorable Pablo Rodriguez, à comparaître devant le Comité dès que possible pendant au moins deux heures pour clarifier ses propos concernant Laith Marouf, et que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre.
    Monsieur le président, j'ai donné lecture de la motion. Ma demande est claire: que nous entendions l'ancien ministre du Patrimoine canadien. C'est lui qui a décidé ou approuvé le versement de 130 000 $ à Laith Marouf. C'est également lui qui a demandé le remboursement de cette somme. Elle n'a pas été remboursée. Laith Marouf aurait dû être rappelé à l'ordre et se voir retirer l'argent bien plus tôt que ne l'a fait le ministre, qui a préféré fermer les yeux.
    Il incombe au ministre en question de se présenter devant le Comité pour lui expliquer pourquoi il a pris cette décision ou pour clarifier ses commentaires précédents.
    Je propose la motion.
(1255)
    Je vous remercie, madame Thomas.
    Je vais mettre aux voix le passage au débat. C'est la bonne...
    Monsieur Coteau, vous avez la parole.
    Vous venez de nous demander si nous étions d'accord pour trois minutes supplémentaires de chaque côté. C'était la demande.
    Évidemment, la députée peut présenter une motion quand elle le souhaite, mais le Comité a décidé d'accorder trois minutes à chaque côté...
    Cela peut encore se faire, monsieur Coteau, si nous pouvons...
    Vous savez quoi? Je suis désolé, mais la seule façon pour le Comité de travailler en concertation, c'est de respecter les ententes qu'il conclut.
    Si j'avais su que nous allions entrer dans un débat sur une motion à la dernière minute, trois ou quatre minutes avant la fin de la réunion, nous n'aurions pas accepté de la prolonger.
    En fait, monsieur Coteau, si vous prenez la troisième série de questions, au lieu de cinq minutes pour les conservateurs et les libéraux, j'ai apporté un changement de forme pour passer à trois minutes. Nous étions encore à la troisième série de questions, mais le temps passant, j'ai décidé de...
    Certes, mais il m'a été expressément demandé, par l'intermédiaire de la greffière, si nous étions d'accord avec cela. Je suis désolé, mais je ne pense pas que ce soit une bonne façon de procéder. Ce n'est pas une bonne façon de fonctionner pour un comité.
    Je veux juste terminer, monsieur le président, si c'est possible.
    Chaque semaine, en fait, deux fois par semaine maintenant, nous recevons des témoins qui, dans certains cas, viennent de tout le pays pour nous fournir des... Ils ne sont pas payés comme les membres du Comité pour siéger ici. Ils viennent de leur plein gré parce qu'ils s'intéressent à des questions qui comptent pour eux, des questions qui leur tiennent à coeur. Le fait qu'ils comparaissent devant le Comité et qu'ils ne puissent pas, tout d'abord, s'exprimer sur ces questions, n'est pas révélateur d'un bon fonctionnement du Comité.
    Je vous remercie.
    Je vais mettre aux voix... pour le débat.
    Monsieur le président...
    Nous en avons discuté.
    Monsieur le président, êtes-vous en train de dire que je ne peux pas continuer de parler?
    Non, je pense que la motion est...
    Vous avez tenté à deux reprises de m'empêcher de parler.
    Pourquoi? De toute évidence, vous voulez passer au vote.
    Non. Il s'agit d'une motion dilatoire, monsieur Coteau.
(1300)
    J'ai la parole. Combien de fois avons-nous siégé ici en tant que membres du Comité et écouté la députée qui présente cette motion parler pendant, dans certains cas, 50 minutes sans être interrompue, et me voici... Je ne parle pas beaucoup au Comité — vous le savez —, et voilà que le président m'interrompt, à deux reprises, pour me demander de cesser de parler. Je ne pense pas que le procédé soit équitable.
    Si vous voulez parler d'équité, alors nous devrions laisser les membres s'exprimer et, en fait...
    Madame Gladu, présentez votre rappel au Règlement.
    Que je sache, lorsqu'il y a une motion, il ne peut pas y avoir de mise aux voix tant que toutes les personnes qui ont levé la main n'ont pas eu la possibilité de parler. Est‑ce bien le cas?
    M. Coteau a tout à fait le droit de continuer.
    Je vous remercie. Je vous en suis reconnaissant. Je dis toujours que vous apportez beaucoup de clarté au Comité, et vous savez que je l'ai déjà dit. Je ne le dis pas seulement parce que c'est à mon avantage à cet instant.
    Je suis désolé, monsieur Coteau, mais lorsque nous avons une motion dilatoire, elle ne peut pas faire l'objet d'un débat. Nous passons immédiatement au vote. C'est pourquoi je vous ai interrompu deux fois. Il s'agit d'une motion dilatoire. J'ai demandé à la greffière de procéder au vote. J'écoute la greffière. Il s'agit d'une motion dilatoire. Elle me l'a confirmé.
    Puis‑je poser une question, monsieur le président?
    S'il est 13 heures, pouvons-nous lever la séance?
    Je vais demander à la greffière d'expliquer.
    Une motion dilatoire vise à remplacer le sujet traité par une autre question.
    Le vote ne porterait pas sur la motion même. Le vote porte sur la reprise du débat sur la motion, et il s'agit d'une motion dilatoire, qui ne peut être ni débattue ni modifiée.
    Devons-nous continuer?
    Comme il s'agit d'une motion dilatoire, monsieur Coteau, nous pouvons nous prononcer maintenant ou quand nous revenons jeudi, et nous commencerions alors par un vote sur cette motion.
    En tant que président, je mets aux voix, et ensuite, nous passerons à...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Pour dépasser le temps imparti au Comité, il vous faut un consentement unanime, que vous n'avez pas. Nous avons donc terminé.
    Nous avons trois minutes supplémentaires, monsieur Noormohamed.
    Maintenant, nous avons des minutes supplémentaires. Formidable.
    Eh bien, non, nous avons parlé tout le temps.
    Oh, je vois. D'accord.
    Mais j'aimerais mettre aux voix...
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Nous passons d'innombrables heures à discuter.
    M. Champoux a présenté une motion. Le Comité aurait pu travailler en collaboration pour continuer de poser des questions. Malheureusement, cela ne s'est pas fait, car certaines personnes estimaient que ce n'était pas approprié.
    Ensuite, nous avons convenu, en tant que groupe, par votre intermédiaire, monsieur le président, que chaque parti restant disposerait de trois minutes.
    Oui, juste les deux partis, le vôtre et les conservateurs.
    C'est exact. C'est ce que nous allions faire.
    Il semblerait raisonnable, pour une personne raisonnable, que dans un accord comme celui‑ci, conclu entre des personnes que je suppose honorables, chacun dispose de trois minutes pour poser des questions, étant donné le temps que nous consacrent les témoins.
    Il semble que, si telle est l'approche que le Comité souhaite adopter à l'avenir, nous nous protégerons certainement en conséquence, mais comme l'a très bien dit M. Coteau...
    Un député: Nous nous sentons pris au dépourvu.
    M. Taleeb Noormohamed: ... nous siégeons ici afin de faire ce travail avec beaucoup de députés de l'autre côté dont nous pensons qu'ils agissent de bonne foi.
    C'est maintenant la deuxième réunion consécutive où cela se produit, où, sachant que nous nous sommes entendus pour terminer notre temps de parole et pour que cela nous soit permis. Les deux fois, une motion a été présentée à la toute dernière minute, ce qui revient à s'assurer sciemment que nous n'aurons pas notre temps de parole.
    Si c'est le ton, la teneur et l'approche que vous voulez adopter au Comité, soit. Cependant, c'est une décision prise par les conservateurs, certainement pas par nous, et je dirais même pas par les membres des autres partis présents dans cette salle.
    Je vous remercie.
    Il s'agit d'une motion. Elle ne peut pas faire l'objet d'un débat, cependant.
    J'ai demandé l'ajournement, et cela a préséance.
    Un député: De plus, il est 13 h 3.
    Il n'a pas la parole.
    Une motion a été présentée. Je vais de nouveau la mettre aux voix.
    Un député: Je demande l'ajournement, monsieur le président.
    Monsieur le président, vous n'avez pas le consentement unanime du Comité pour continuer de siéger au‑delà de 13 h 3. Vous ne l'avez pas. Nous ne vous l'avons pas accordé. Je ne pense pas que vous l'ayez de la part de M. Julian.
    Un député: Vous ne pouvez pas nous y forcer. Vous devez respecter le Règlement.
    Pouvons-nous remercier les...?
    Nous vous remercions de votre présence en personne ou en ligne. Merci beaucoup.
    Je vais suspendre la séance, ce qui veut dire que nous reviendrons sur le sujet jeudi.
    Non. Une motion d'ajournement a été présentée. Elle a préséance.
    Il n'a pas la parole.
(1305)
    Si vous voulez traiter cette question lorsque le ministre sera là, au lieu de parler avec lui, c'est votre prérogative.
    Le Comité est‑il d'accord pour lever la séance?
    Soit nous nous prononçons pour l'ajournement, soit vous levez la séance, parce que vous n'avez pas de consentement unanime pour continuer. Tels sont les choix et ils aboutissent tous deux à l'ajournement, à moins que vous ayez un consentement unanime pour continuer.
    La présidence dit que la séance est levée.
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