Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la septième réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
La réunion d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 novembre 2021. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Je vous rappelle que les captures d'écran ou la prise de photos de votre écran ne sont pas autorisées.
[Traduction]
Chers collègues, c'est merveilleux de voir tant de monde présent en personne ici aujourd'hui. On n'a pas vu cela souvent depuis un an environ, mais je vous rappelle, bien sûr, de garder à l'esprit les règles sanitaires auxquelles nous sommes tous habitués.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, nous reprenons notre étude de la chaîne d'approvisionnement agricole et agroalimentaire.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
Nous accueillons aujourd'hui par téléconférence Mme Jennifer Wright, qui est directrice générale par intérim et directrice des opérations, des programmes et des partenariats au Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture.
Soyez la bienvenue.
Nous accueillons aussi les représentants du Conseil canadien de l'horticulture, soit Mme Rebecca Lee, directrice générale, et M. Quinton Woods, président du Comité du commerce et de la mise en marché.
Nous avons aussi avec nous M. Murad Al‑Katib, qui préside la table sectorielle des stratégies économiques de l'agroalimentaire, au ministère de l'Industrie.
Vous disposerez de cinq minutes.
Chers collègues, nous n'avons pas siégé la semaine dernière, et je crois qu'il est important de porter au compte rendu que nous avons été témoins des terribles événements entourant l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Je sais que je parle en votre nom à tous lorsque je dis que nous dénonçons et condamnons cette violation flagrante du droit international. Les images que nous avons vues étaient atroces.
Nos pensées et nos prières accompagnent tous les Ukrainiens et ceux qui luttent pour la liberté. Je sais qu'à titre de parlementaires, nous voudrons aller au‑delà des pensées et des prières pour passer à l'action, comme nous l'avons déjà vu, et je sais que ce sera une priorité absolue pour tous les députés et les représentants élus dans les jours à venir.
C'est un rappel que la démocratie et la liberté ne vont pas de soi, et qui a peut-être quelque chose de solennel aujourd'hui, alors que nous entreprenons notre important travail de parlementaires. Je tenais à le dire. Je sais que je parle au nom de tous mes collègues au Comité et ailleurs.
J'invite maintenant Mme Wright à faire sa déclaration préliminaire, après quoi nous entendrons Mme Lee et M. Al‑Katib.
Madame Wright, vous avez cinq minutes.
Mme Jennifer Wright (directrice générale par intérim et directrice des opérations, des programmes et des partenariats, Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture):
Merci, monsieur le président.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à participer à votre étude.
Je m'appelle Jennifer Wright et je suis directrice générale par intérim et directrice de la recherche, des programmes et des partenariats au Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture, le CCRHA.
Mes observations d'aujourd'hui porteront sur la pénurie de main-d'œuvre qui sévit actuellement dans l'agriculture canadienne et sur ce que nous pouvons faire ensemble pour y remédier.
Cela fait plus de 15 ans que le CCRHA se penche sur les besoins de main-d'œuvre du secteur agricole canadien. Il est évident que le secteur ne peut pas continuer à produire des aliments sains, salubres et abordables pour les Canadiens et les consommateurs du monde entier sans un apport suffisant de travailleurs agricoles.
La pandémie de COVID a fait ressortir encore plus le problème et confirmé qu'il n'y a plus de temps à perdre. Nous devons unir nos efforts pour trouver des solutions systémiques et durables aux pénuries de main-d'œuvre qui persistent dans le secteur agricole.
Notre étude du marché du travail révèle que les postes vacants sont nettement plus nombreux en agriculture que dans d'autres secteurs, ce qui a entraîné des manques à gagner de près de 3 milliards de dollars en 2018. L'incapacité de combler tous les postes vacants avec des travailleurs canadiens ou étrangers complique énormément la production alimentaire au Canada.
Des travailleurs étrangers viennent chez nous occuper des emplois pour lesquels on ne trouve pas de travailleurs canadiens. Bien qu'il en vienne environ 60 000 chaque année, il reste encore des milliers de postes vacants, dont 16 500 en 2018. En fait, les pénuries de main-d'œuvre doublent tous les 10 ans, et on prévoit un manque total de 123 000 travailleurs agricoles d'ici 2029. Les entreprises qui n'arrivent pas à combler les postes vacants subissent d'importantes pertes de production et voient retarder leurs plans d'expansion, quand elles n'abandonnent pas carrément leurs activités.
Il est toujours difficile pour les entreprises agricoles de s'assurer un effectif complet de travailleurs. Ce l'est encore plus en temps de pandémie. Notre étude de l'incidence de la COVID confirme des répercussions considérables sur les exploitations agricoles, dont les retards de production, les coûts des heures supplémentaires et le report ou l'annulation d'investissements ou de projets d'expansion.
Alors que les employeurs agricoles du Canada se démènent pour trouver et retenir davantage de travailleurs, le problème apparaît dans toute son ampleur. Le secteur est présentement dans un cul‑de‑sac, avec un nombre d'emplois vacants qui augmente sans cesse. Pour relever les innombrables défis qui se posent en agriculture et en fabrication de produits alimentaires, il faut une action concertée des ministères, des établissements d'enseignement, des associations sectorielles et des autres intervenants.
Il est temps de veiller à ce que le système de production alimentaire sorte indemne de la pandémie de COVID et qu'après, il puisse surmonter les pénuries de main-d'œuvre qui n'en finissent plus de freiner sa croissance. Nous devons de toute urgence nous doter d'une stratégie nationale de la main-d'œuvre en agriculture et en fabrication de produits alimentaires, comme l'ont fait d'autres pays comme l'Australie.
Au printemps de 2021, le CCRHA a commencé à ébaucher une telle stratégie, de concert avec ses partenaires, Aliments et boissons Canada et la Fédération canadienne de l'agriculture, dans le but d'amener les parties concernées à élaborer une feuille de route praticable pour remédier à cette pénurie croissante de main-d'œuvre. Il y a plus de 50 organisations engagées dans ce processus.
Notre stratégie cerne des mesures à court, à moyen et à long terme dans différents domaines: développement des compétences, automatisation et technologie, ressources humaines et culture du milieu de travail, perceptions de l'industrie, immigration et travailleurs étrangers. Les thèmes prédominants sont l'équité, la diversité et l'inclusion, l'infrastructure, les données et la compétitivité, et enfin la rentabilité. Nous faisons aussi appel au comité consultatif autochtone du CCRHA pour éclairer nos démarches.
Nous sommes heureux que la et la se soient engagées toutes deux à élaborer une stratégie de la main-d'œuvre agricole. Nous avons hâte de travailler avec nos partenaires de l'industrie, de l'éducation et des pouvoirs publics pour faire avancer les choses. En particulier, nous encourageons le gouvernement fédéral à poursuivre et à soutenir les travaux que nous avons entrepris à ce jour.
En résumé, comme la pandémie l'a si bien fait ressortir, les aliments sont essentiels aux Canadiens et les travailleurs sont essentiels à leur production. À moins de stabiliser l'apport de main-d'œuvre et d'affecter aux emplois agricoles les bonnes personnes ayant les bonnes compétences, notre secteur est condamné à stagner. Il est temps de veiller à la bonne marche du système de production alimentaire, pour qu'il soit en mesure de surmonter les pénuries persistantes de main-d'œuvre qui l'affectent et qui limitent sa croissance. Nous pouvons commencer par travailler ensemble à l'élaboration d'une stratégie pancanadienne de la main-d'œuvre en agriculture et en fabrication de produits alimentaires.
Je serai heureuse de répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Wright.
Nous passons maintenant à M. Woods, qui dispose de cinq minutes.
M. Quinton Woods (président, Comité du commerce et de la mise en marché, Conseil canadien de l'horticulture): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité. Merci de m'inviter à me joindre à vous aujourd'hui pour vous parler, au nom des producteurs, des perturbations de la chaîne d'approvisionnement qui affectent actuellement les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Je m'appelle Quinton Woods. Je suis directeur des ventes et des opérations chez Gwillimdale Farms, à Bradford, en Ontario. Je suis aussi président du Comité du commerce et de la mise en marché au Conseil canadien de l'horticulture.
Le Conseil canadien de l'horticulture est une association nationale dont le siège est à Ottawa. Il représente 14 000 producteurs canadiens de fruits et de légumes qui pratiquent plus de 120 types de cultures différentes, avec des ventes à la ferme qui ont totalisé 5,7 milliards de dollars en 2020.
Je dirais pour commencer que les problèmes actuels d'approvisionnement ne sont pas nouveaux et qu'ils existaient bien avant le début de la pandémie. Par contre, les problèmes de santé publique des deux dernières années ont aggravé les difficultés économiques et logistiques dans les chaînes mondiales d'approvisionnement.
Étant donné que les fruits et les légumes sont périssables, nos producteurs continuent de ressentir ces effets et travaillent quotidiennement à trouver des solutions pour que les consommateurs du Canada et du monde entier aient toujours accès à des produits sûrs, sains et nutritifs. L'augmentation des coûts et des retards dans la chaîne d'approvisionnement menace notre sécurité alimentaire et la viabilité économique à long terme du secteur des fruits et légumes. Entre autres difficultés que nos producteurs doivent affronter, il y a les congestions qui paralysent les ports, les retards d'expédition des conteneurs, la livraison irrégulière des produits, les pénuries constantes de main-d'œuvre et les hausses sans précédent du prix des intrants.
Les coûts de main-d'œuvre notamment ont grimpé en flèche, surtout parce que la main-d'œuvre se fait rare et qu'il est difficile d'y avoir accès. Nous devons composer aussi avec les hausses de prix qui touchent le bois d'œuvre, ce qui se répercute sur la disponibilité des palettes, qui touchent la pâte et la résine servant à fabriquer les cartons et les emballages de plastique, et qui touchent aussi les produits utilisés pour protéger les récoltes. Une des plus fortes hausses que nous avons constatées cette année est celle du coût des engrais, allant jusqu'à 53 % chez certains producteurs.
Enfin, une des plus grandes difficultés — tout à fait dans l'air du temps d'après ce qu'on a vu récemment — est la pénurie de camions et de camionneurs. Elle existait certes avant la pandémie, mais les nouvelles mesures frontalières ont encore réduit l'effectif des camionneurs dont nous avons besoin pour transporter nos marchandises outre-frontière.
Il est important de noter que les producteurs comme moi ne peuvent pas assumer entièrement les coûts associés à ces perturbations et que, dans la mesure du possible, nous allons devoir les refiler aux consommateurs. Malheureusement, ces hausses de prix qui se répercutent jusqu'au consommateur final risquent de se poursuivre et d'affecter surtout ceux qui peuvent le moins les absorber.
Je vais maintenant céder la parole à Rebecca Lee.
Mme Rebecca Lee (directrice générale, Conseil canadien de l'horticulture): Merci, monsieur Woods.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Rebecca Lee et je suis directrice générale du Conseil canadien de l'horticulture.
Comme vous l'avez entendu, les perturbations continues de la chaîne d'approvisionnement sont lourdes de conséquences pour le secteur canadien des fruits et légumes. Les producteurs que nous représentons dans tout le pays, dont M. Woods, ont fait preuve d'une résilience remarquable au cours des deux dernières années pour continuer à fournir à nos collectivités des aliments frais et nutritifs, mais pour qu'ils puissent continuer de le faire, nous demandons au gouvernement fédéral de prendre des mesures promptes et décisives afin de remédier aux lacunes de notre chaîne d'approvisionnement.
Nous sommes heureux que ce besoin ait été reconnu lors du sommet convoqué récemment sur la chaîne d'approvisionnement et que le gouvernement ait créé dans la foulée un groupe de travail national sur cette question. Les enjeux sont complexes et nécessiteront la collaboration de nombreux ministères et intervenants. Nous croyons que le gouvernement doit les aborder dans une optique multilatérale et holistique.
Afin que le groupe de travail puisse réunir les acteurs nécessaires autour de la table et remédier concrètement à ces perturbations, nous demandons la nomination d'un commissaire à l'approvisionnement, chargé de diriger le groupe, comme l'ont fait de nombreuses autres associations de l'industrie. Cela refléterait la démarche entreprise aux États-Unis.
Le commissaire doit avoir un pouvoir de décision et empêcher la bureaucratie gouvernementale d'entraver la prise de mesures concrètes. Sinon, les problèmes actuels auront des répercussions à long terme, nuisibles à toutes les économies nord-américaines, notamment des faillites, des litiges juridiques, des concentrations d'entreprises, l'inflation et la flambée des prix des aliments.
Malgré toutes ces menaces, le secteur agricole du Canada a redoublé d'efforts pour assurer une offre stable d'aliments sains aux familles canadiennes, ce qui a été essentiel au maintien...
Le président: Madame Lee, je m'excuse. Je vous ai même laissé quelques secondes de plus. Je suis désolé. Je sais que les députés auront l'occasion de poser des questions.
Mme Rebecca Lee: Ça va.
Le président: Monsieur Al‑Katib, les cinq prochaines minutes sont à vous.
M. Murad Al‑Katib (président, Tables sectorielles de stratégies économiques - l'agroalimentaire, ministère de l'Industrie): Merci beaucoup. Je suis heureux d'avoir l'occasion de rencontrer le Comité aujourd'hui.
Je m'appelle Murad Al‑Katib. Je suis ici à titre de président du conseil de la stratégie agroalimentaire et aussi à titre de chef de la direction d'AGT Foods, une entreprise de Regina.
Aujourd'hui dans mes propos, je vais m'attarder surtout sur les particularités du système de culture de l'Ouest canadien. Je tiens tout d'abord à reconnaître que le Canada est extrêmement bien doté en ressources agricoles, avec des terres arables qui comptent parmi les meilleures et les plus fertiles du monde, ce qui fait de lui un chef de file mondial de la production et des exportations agricoles.
Pendant des décennies, nous avons été reconnus comme le grenier du monde; depuis quelques années, cependant, on nous reconnaît de plus en plus comme le premier arrêt sur la route des protéines. Riche en aliments, en carburants, en engrais et en fourrages, le Canada a ce qu'il faut pour répondre aux besoins du monde; son agriculture est en première ligne pour offrir des solutions de société aux enjeux mondiaux d'approvisionnement en protéines, en aliments et en carburants renouvelables. Nous jouerons un rôle vital dans la mission que s'est donnée la FAO aux Nations unies, soit que le monde produise au cours des 40 prochaines années autant de nourriture qu'il en a produit en 10 000 ans de civilisation pour répondre aux besoins d'une population qui atteindra 10 milliards d'habitants d'ici 2050.
Notre secteur agricole, avec ses exploitants et leurs familles, ses transformateurs et ses exportateurs, est prêt à relever ce défi. Nous appliquons des solutions durables, comme la rotation de trois cultures, soit le canola, les légumineuses fixatrices d'azote et le blé, et des techniques comme la gestion agricole sans labour et à labour minimal. Nous réussissons même dans un contexte de hausse des prix du carburant, de politiques sur le carbone qui augmentent les coûts des intrants, et d'autres difficultés que doivent affronter nos familles d'agriculteurs et nos transformateurs partout au pays.
Pour continuer à prospérer, cependant, nous devons faire face aux risques et aux aléas et assurer l'avenir de notre secteur, y compris devant une plus forte concurrence et des consommateurs toujours plus soucieux de la qualité des protéines végétales, de la préservation de l'environnement et de la propreté de l'énergie.
La rareté de la main-d'œuvre est un obstacle majeur en agriculture, et je suis certain que vous aurez des questions à ce sujet. Dans un contexte post-pandémie, on note un effet spectaculaire sur la disponibilité de la main-d'œuvre à tous les niveaux. Les travailleurs recrutables sont passés à d'autres emplois offrant un salaire plus élevé, de meilleurs avantages sociaux et autres, tandis que d'autres sont sortis complètement de la population active.
Bien qu'il existe des moyens pour pallier aux pénuries de main-d'œuvre, comme la technologie, la robotique et l'automatisation, la main-d'œuvre demeure un enjeu constant, surtout lorsque les transformateurs investissent dans de nouveaux équipements pour accroître leur capacité et répondre aux demandes croissantes des consommateurs.
Avec des projets comme l'usine d'extraction de protéines d'AGT à Regina et l'usine de broyage de canola de 360 millions de dollars, menés en partenariat avec Federated Co‑operatives et annoncés le mois dernier en vue de produire un milliard de litres de diesel renouvelable, dans le cadre du projet de complexe agricole intégré de 2 milliards de dollars, la disponibilité d'une main-d'œuvre prête et formée est de la plus haute importance.
Dans le secteur agricole, nous avons toujours été aux prises avec des problèmes liés au transport, surtout en raison de notre climat froid et de nos marchés enclavés par nature. Récemment, des options de financement comme la reconstitution du Fonds national des corridors commerciaux dans notre budget ont été très bien accueillies. Un leadership fort est toujours nécessaire, cependant, pour établir des politiques de transports qui soutiennent le commerce et pour continuer d'assurer un financement à long terme afin de renforcer la capacité, d'investir dans l'infrastructure, d'éliminer les goulots d'étranglement et d'apporter à la chaîne d'approvisionnement des améliorations essentielles au maintien de la réputation du Canada comme fournisseur fiable de produits.
Vous savez peut-être que je faisais partie du groupe d'experts nommé par le gouvernement fédéral pour examiner la Loi sur les transports au Canada, qui a produit le rapport Emerson, lequel portait une attention particulière aux recommandations visant le secteur agricole. J'ai aussi eu l'honneur de présider le sous-comité de l'agriculture au Conseil de la stratégie industrielle avec Monique Leroux. Nous avons déposé notre rapport en 2020.
Il s'agissait essentiellement de renouveler les recommandations sur la planification de l'infrastructure à long terme. Comment pouvons-nous élaborer une stratégie multimodale dans notre pays si nous planifions dans des cycles électoraux de 2 à 4 ans au lieu d'avoir des horizons de 10, 20 et même 50 ans? Nous devons veiller à ce que le bien-être des Canadiens et le maintien de nos programmes sociaux et de notre mode de vie soient vraiment liés à la prospérité économique. L'infrastructure du commerce est donc ici essentielle.
À la table sectorielle sur les stratégies de l'agroalimentaire, nous avons produit un rapport énonçant un certain nombre de recommandations clés, dont plusieurs sous-tendent nos discussions avec vous aujourd'hui. On y cernait cinq domaines d'intervention pour assurer collectivement l'avenir de notre secteur agricole et agroalimentaire en renouvelant notre système de réglementation pour gagner en agilité et en adoptant l'innovation numérique pour offrir aux humains et aux animaux d'élevage des aliments et des ingrédients sûrs, traçables et durables. Grâce à ce travail, nous ne pouvons que jeter les bases de l'agriculture 2.0. C'est l'occasion d'une génération et il n'y en a jamais eu de plus excitante pour notre économie.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur les problèmes d'approvisionnement, les transports, la main-d'œuvre et les compétences.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup. Nous passons directement aux questions, en commençant par M. Epp, qui dispose de six minutes.
M. Dave Epp (Chatham-Kent—Leamington, PCC): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leurs excellents exposés.
Je m'adresse d'abord à Mme Wright, du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture.
Je vais commencer par les pénuries de main-d'œuvre à long terme. Vous avez dit que le secteur serait à court de 123 000 emplois d'ici 2029. Pouvez-vous mettre cela en contexte? Quel pourcentage de notre main-d'œuvre est‑ce que cela représenterait?
Mme Jennifer Wright: Je n'ai pas le pourcentage sous les yeux, mais je dirais qu'il est important et qu'il a une incidence sur la croissance qui peut se produire d'ici là.
Ce que nous avons constaté au cours de la dernière décennie et qui se confirme durant la pandémie, c'est que les producteurs agricoles n'atteignent pas leur potentiel de revenus et de production, au point que certains renoncent à prendre de l'expansion et même à poursuivre leur activité.
M. Dave Epp: Merci. Voyons maintenant un peu plus à court terme.
Vous participez aussi à la création du programme des travailleurs étrangers d'urgence, de concert avec d'autres organisations agricoles. Puis‑je vous demander où on en est dans ce dossier? Je sais qu'on a demandé que des changements soient apportés d'ici la fin de janvier, ce qui fait déjà un mois. Pouvez-vous nous mettre au courant des progrès réalisés?
Mme Jennifer Wright: La demande provenait en fait du côté de la fabrication alimentaire dans la chaîne de valeur, et le CCRHA n'y était pas mêlé directement. Je ne peux pas vraiment me prononcer sur les progrès réalisés. En tout cas, c'est une demande essentielle pour les fabricants d'aliments et ils cherchent fortement à la faire avancer.
M. Dave Epp: Merci.
Je m'adresse maintenant au Conseil canadien de l'horticulture. J'ai une question différente, sur le sujet précis de votre commissaire à l'approvisionnement dont les attributions s'étendraient à l'ensemble du gouvernement. L'Association canadienne de la distribution de fruits et légumes nous a fait part de son point de vue.
Madame Lee ou monsieur Woods, quels problèmes essayez-vous de résoudre avec ce genre d'approche au niveau des producteurs?
M. Quinton Woods: Un des plus gros problèmes que nous essayons de régler, c'est d'avoir quelqu'un en place qui puisse prendre les décisions de simplifier les systèmes d'approvisionnement et commencer à aplanir certaines des difficultés que doivent affronter les producteurs.
Nous avons des producteurs qui commencent à se demander s'ils vont continuer à produire des aliments pour notre pays. Il devient très difficile de travailler dans ce milieu.
M. Dave Epp: On a parlé des engrais. J'aimerais aborder la question sous deux angles. Il y a évidemment le coût, mais il y a aussi les discussions concernant une diminution progressive de 30 % des taux d'épandage, avec une baisse des émissions de gaz à effet de serre pouvant aller jusqu'à 20 %, voire plus.
Pouvez-vous nous parler des effets, en particulier sur les produits horticoles? Je viens de ce milieu‑là, alors je sais que l'horticulture consomme souvent plus d'azote. Quelle serait l'incidence d'une telle proposition ou d'une telle orientation stratégique?
M. Quinton Woods: L'incidence directe dans le secteur horticole serait une baisse de la production. Les engrais que nous utilisons actuellement sont tous soumis à des analyses de sol précises, grâce auxquelles nous appliquons les bons taux d'épandage au sol. Dès que nous commençons à réduire les taux d'engrais, la production diminue.
M. Dave Epp: Toujours au sujet de l'horticulture, j'ai remarqué que le Budget supplémentaire des dépenses prévoit plus de 350 000 $ pour établir un autre niveau de surveillance à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. Je sais que l'horticulture utilise beaucoup de produits spécialisés pour protéger les récoltes.
Pouvez-vous nous parler de l'offre et du manque éventuel d'offre, en ce qui concerne surtout notre compétitivité par rapport à notre principal concurrent et principal fournisseur de fruits et de légumes d'importation au Canada? Que pensez-vous d'un autre niveau de surveillance à l'agence de réglementation?
Mme Rebecca Lee: Comme vous pouvez l'imaginer, nos producteurs sont déjà assujettis à un grand nombre de mécanismes de surveillance. Ajouter quoi que ce soit ne ferait qu'alourdir leur charge de paperasse au détriment de ce qu'ils font le mieux, c'est‑à‑dire produire des aliments. Du côté gouvernemental, notre préoccupation première est de garnir le coffre à outils de tout ce dont ils ont besoin pour produire.
Ce dont nous avons vraiment besoin, ce sont des mécanismes par lesquels le gouvernement puisse simplifier le processus de recherche des produits qu'il faudrait offrir, et accroître la productivité et la compétitivité de nos producteurs par rapport à ceux d'autres pays, surtout notre voisin du Sud.
M. Dave Epp: Merci.
Je veux parler d'infrastructure, de congestion portuaire, de transport des conteneurs et des coûts qui s'y rattachent. Comme je viens de la région du pays où on trouve la plus grande concentration de serres, j'en sais un peu sur les manques d'infrastructure. Pouvez-vous nous donner plus de détails? Je sais que dans notre région, nous voulons construire des égouts. Nous avons aussi des problèmes de main-d'œuvre chez nous, mais plus particulièrement dans l'ensemble du pays. Pouvez-vous aller plus loin que la question des ports, ou est‑ce vraiment de cela que le gouvernement fédéral doit s'occuper en premier?
M. Al‑Katib: Je dirais que la définition d'infrastructure englobe bien plus que cela. Il faut certainement s'occuper de l'eau, des eaux usées et de la connectivité des routes, des chemins de fer, des ports et de l'infrastructure en général. La planification à long terme, c'est... Nous projetons des villes et des agrandissements, mais nous ne pensons pas à ce que seront les besoins dans 10, 20, 30, 40 ou 50 ans, dans une infrastructure multimodale connectée. Nous devons changer notre façon de faire.
Le président: Merci, monsieur Al‑Katib et monsieur Epp.
C'est maintenant le tour de M. Drouin, qui dispose de six minutes.
M. Francis Drouin (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui ont pris le temps de venir témoigner devant ce comité.
Madame Wright, j'aimerais commencer par vous.
Vous avez soulevé quelques questions qui ont retenu mon attention, dont celle du cadre national pour une stratégie de la main-d'œuvre. Vous avez dit que cela s'est fait en Australie. Je ne connais pas la réponse, alors je vous demande, où les Australiens en sont-ils avec leur stratégie? Est‑ce qu'elle donne de bons résultats? Êtes-vous au courant de cela?
Mme Jennifer Wright: La stratégie a été élaborée durant l'année 2020, peut-être 2021. Nous avons été contactés parce qu'ils voulaient nous consulter sur l'expérience canadienne dans ce domaine. D'après ce que je peux voir jusqu'à maintenant, ce qu'ils ont préparé, c'est plus un rapport qu'autre chose.
Ce que nous cherchons à faire est un peu différent. Nous cherchons à créer un véritable plan d'action stratégique, avec des mesures à court, à moyen et à long terme et une évaluation en cours de route pour nous assurer de progresser. Ce serait un peu différent de la stratégie australienne.
M. Francis Drouin: D'accord. Comment mesurez-vous le succès du Canada par rapport à celui d'autres pays? Comment soutenons-nous la comparaison avec certains pays du Nord de l'Europe, par exemple la Hollande? Comment mesurez-vous les besoins en main-d'œuvre par rapport à la production?
Je m'explique rapidement: si un travailleur, il y a 10 ans, pouvait produire 10 boisseaux de maïs ou peu importe, aujourd'hui, il peut produire beaucoup plus grâce à la technologie, etc. Est‑ce que vous soupesez ce genre de besoins pour l'avenir, et est‑ce que vous êtes en mesure de comparer des ensembles de données avec ceux d'autres pays?
Mme Jennifer Wright: Cela fait partie de l'élaboration de la stratégie de la main-d'œuvre que nous envisageons. Je suis désolée de ne pas avoir ces données‑là sous la main, mais ce sont des choses que nous regardons. Je peux dire que les pénuries au Canada ont poussé les travailleurs à augmenter leur propre production d'environ 33 % pour compenser le manque de main-d'œuvre. Nous examinerons comment cela pourrait changer avec l'automatisation au cours de la prochaine année.
M. Francis Drouin: À court terme, je suppose que nous ne pouvons pas prendre à la légère notre dépendance à l'égard des travailleurs étrangers temporaires. Nous devrions faire tout en notre pouvoir pour simplifier le processus et faciliter les choses pour le secteur agricole.
Mme Jennifer Wright: Absolument. Nous avons vraiment besoin des travailleurs étrangers temporaires. Comme le montrent les chiffres, ils sont près de 60 000 à venir nous aider à combler notre manque de main-d'œuvre. Sans eux, la production agricole ne serait probablement pas viable.
M. Francis Drouin: Oui, et nous l'avons vu au Québec, même lorsque le premier ministre Legault a invité publiquement les Québécois à venir travailler dans les champs, par exemple. Même si le taux de chômage était élevé, ils n'ont pas répondu à l'appel. De toute évidence, nous avons du mal à engager de la main-d'œuvre canadienne dans le secteur agricole.
Vous avez parlé du besoin de collaboration dans le secteur de l'éducation. Est‑ce que vous travaillez avec les provinces pour mettre davantage de programmes en ligne et inscrire davantage d'étudiants aux études agricoles?
Mme Jennifer Wright: Oui. Une nouvelle initiative que nous avons lancée l'an dernier consiste à travailler davantage avec les établissements postsecondaires. Au niveau secondaire, nos collègues de l'agriculture sont en classe, par exemple, et nous les appuyons avec nos recherches et ce genre de choses.
Une partie du travail que nous faisons au postsecondaire vise à sensibiliser les gens aux possibilités qu'offre l'agriculture et à créer des liens entre établissements et étudiants afin que ces derniers restent dans des cours qu'on n'associe pas nécessairement à l'agriculture — la biologie, les affaires, les finances — et qu'ils aient l'occasion de prendre part à des programmes coopératifs, des stages et des concours en entreprise qui approfondissent leur connaissance de l'agriculture et des débouchés qui s'offrent à eux. Il s'agit de sensibiliser des étudiants autres que ceux déjà inscrits à des programmes d'études agricoles.
M. Francis Drouin: Parfait. Merci.
Madame Lee, vous avez dit que nous pourrions nous adresser au commissaire à l'approvisionnement pour régler certains des problèmes persistants que nous avons. Est‑ce que vous verriez, par exemple, un commissaire fédéral à l'approvisionnement se pencher davantage sur les problèmes de transport? Nous avons souvent parlé au Comité de l'interconnexion ferroviaire, mais il y a d'autres problèmes, comme les blocages dans les ports.