FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des finances
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 3 décembre 2020
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la neuvième séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi adopté le 19 novembre 2020, le Comité se réunit dans le cadre des consultations prébudgétaires en vue du budget de 2021.
La séance d'aujourd'hui se déroule de façon hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 23 septembre 2020. Les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Je vous rappelle que l'écran de la webdiffusion montre toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
J'invite les membres du Comité et les témoins à faire attention à leur micro et à le mettre en sourdine quand ils n'ont pas la parole. Cela facilite beaucoup les choses pour tout le monde.
Premièrement, je m'excuse envers les témoins. Les votes virtuels ont duré une heure et demie. Cela nous prend beaucoup de temps, donc je m'excuse à tous. Nous avons décidé, dans les circonstances, d'essayer de combiner les deux groupes de témoins.
C'est un peu problématique. Je sais, monsieur Julian, que vous devez partir à 18 heures. M. McLeod doit lui aussi partir tôt, mais je sais que M. Poilievre et les conservateurs aimeraient que nous siégions pendant deux heures au complet, étant donné que plusieurs des témoins qu'ils ont sélectionnés comparaissent aujourd'hui.
Je me demande si nous pourrions, comme un tour dure normalement... Habituellement, lors des audiences d'une heure, nous avons...
Habituellement, lors des audiences d'une heure, tous les partis ont six minutes chacun au premier tour, après quoi les libéraux et les conservateurs ont chacun cinq minutes, puis le Bloc et le NPD ont deux minutes et demie, et c'est la fin.
Je me demande si nous pourrions permettre à M. Julian et à M. McLeod de partir, mais tout de même donner la parole à M. Julian. Quand nous arriverons au deuxième tour, nous pourrions lui donner les six premières minutes pour qu'il puisse prendre la parole, après quoi nous pourrions continuer pour siéger les deux heures au complet, et M. Julian et M. McLeod pourraient partir. Pouvons-nous nous entendre afin qu'il n'y ait pas de motions ni de votes pendant le reste de la séance?
Est-ce que cela vous paraîtrait acceptable, monsieur Julian? Nous pourrions ainsi siéger pendant deux heures, comme M. Poilievre le souhaite vraiment, je le sais.
Monsieur le président, je vous suis reconnaissant d'essayer de trouver un entre-deux.
Je me dis que comme je ne me sens pas à l'aise de quitter la séance avant la fin, pour des raisons évidentes, je pourrais céder mon deuxième tour aux conservateurs pour qu'ils puissent poser une série de questions supplémentaire. De cette façon, si les exposés commencent tout de suite, je pense que nous pourrons interroger tous les témoins. Je serais prêt à céder mon deuxième tour aux conservateurs si nous terminons à 18 heures.
Très bien.
Que pensez-vous de cette proposition, monsieur Poilievre?
Je ne vous vois pas, mais je vois votre nom.
Nous aurions tout de même le même temps au total, nous ne faisons que combiner les deux groupes de témoins et...
Nous avons besoin de ces deux heures au complet, monsieur le président. Il doit y avoir une solution.
J'essayais justement de trouver une solution en donnant d'abord la parole à M. Julian.
Y a-t-il quelqu'un d'autre qui pourrait vous remplacer, monsieur Julian?
Et puis M. McLeod pourrait rester.
Ce à quoi je pensais, pour les questions, c'est que vous auriez le même temps si nous vous placions à la place des conservateurs au premier tour. Vous pourriez partir ensuite.
Encore une fois, je pense que l'idéal serait que je cède mon deuxième tour aux conservateurs. Je ne me sens pas à l'aise de quitter la réunion avant la fin, et je ne suis pas sûr de pouvoir trouver un substitut à la dernière minute.
Je ne veux pas prendre plus de temps pour cela. Nous y reviendrons si nous le pouvons, mais commençons. Vous pouvez peut-être communiquer entre vous hors ligne, monsieur Julian et monsieur Poilievre, pour voir si vous pouvez trouver un terrain d'entente.
Nous commencerons par les témoins qui devaient faire partie du premier groupe. Si vous pouvez limiter votre exposé à cinq minutes, ce serait fantastique. Nous entendrons les témoins du deuxième groupe juste après, après quoi nous poserons nos questions.
Nous entendrons d'abord Mme Tammy Moore, directrice générale de la Société canadienne de la SLA, puis M. David Taylor, vice-président de la Recherche.
Je vous remercie également de nous avoir soumis votre mémoire en août.
La parole est à vous, madame Moore.
Monsieur le président, honorables membres du Comité permanent des finances, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Tammy Moore et je suis directrice générale de la Société canadienne de la SLA. Je suis accompagnée aujourd'hui de David Taylor, vice-président de la Recherche. Nous vous remercions de pouvoir vous présenter aujourd'hui CAPTURE ALS, une plateforme de recherche canadienne première en son genre. La SLA est une maladie neurodégénérative terminale causant graduellement la paralysie, puis la perte de la capacité de bouger, de parler et de respirer.
Beaucoup de membres de ce comité connaissent bien les effets dévastateurs de la SLA pour avoir côtoyé leur collègue parlementaire, l'honorable Mauril Bélanger, qui est mort dans l'année qui a suivi son diagnostic. La dégradation de son état a été rapide, mais pas hors-norme, puisque 80 % des personnes vivant avec la SLA en meurent dans les cinq ans suivant leur diagnostic.
CAPTURE ALS est une initiative nationale novatrice qui élèvera le Canada au rang de chef de file mondial dans le secteur de la recherche en santé et transformera la façon dont nous comprenons les maladies rares, réalisons des essais cliniques et mettons de nouveaux traitements au point. De plus, elle permettra à tous les partis de tenir une promesse faite en 2017, lorsqu'ils ont adopté à l'unanimité la motion 105 en mémoire de Mauril Bélanger, afin de mettre le gouvernement au défi de faire preuve de leadership dans l'appui à la recherche sur la SLA et aux efforts nationaux pour trouver un traitement contre la maladie.
CAPTURE ALS permettra au gouvernement de respecter sa promesse envers tous ceux et celles qui se battent contre les maladies rares en se dotant d'une stratégie sur les maladies rares. Elle fera du Canada un chef de file pour aider les Canadiens à avoir accès rapidement à des essais cliniques et aux futures thérapies contre la SLA. Elle lui permettra de miser sur un modèle novateur en matière de recherche pour comprendre les autres maladies, y compris la COVID-19 et toutes les maladies rares. Cette plateforme attirera l'attention des sociétés pharmaceutiques et stimulera l'investissement au Canada, ce qui contribuera beaucoup à notre leadership dans les efforts mondiaux pour comprendre et traiter la SLA.
Je céderai maintenant la parole à M. Taylor, qui pourra vous parler un peu plus des nombreux avantages que les Canadiens ont à tirer d'un investissement dans la plateforme CAPTURE ALS.
La SLA est une maladie extrêmement complexe. Cependant, la recherche sur la SLA a beaucoup avancé au cours des dernières années, grâce au travail en laboratoire, mais nous ne connaissons toujours vraiment pas assez la SLA chez l'humain.
Qu'est-ce que je veux dire par là? Ce qui fait peur, de cette maladie, c'est que même sans prédispositions médicales, certaines personnes sont génétiquement ou biologiquement plus susceptibles que d'autres d'avoir de la difficulté à combattre les infections (comme la COVID-19). Le monde dépense des milliards de dollars pour essayer de comprendre ce phénomène.
Comme la COVID-19, la SLA s'exprime différemment d'une personne à l'autre. Certaines personnes, comme M. Bélanger, observeront d'abord des symptômes dans leurs muscles de l'élocution et de la déglutition, et leurs symptômes évolueront très vite, alors que d'autres personnes seront d'abord atteintes à un membre (c'est la SLA spinale) ou éprouveront des changements cognitifs, et leurs symptômes progresseront plus lentement.
Nous devons comprendre ces phénomènes. Pour traiter efficacement la SLA, offrir les bons traitements et les bons médicaments à chaque personne atteinte de la maladie, il faut investir dans CAPTURE ALS. Nous sommes heureux de l'engagement important, au Canada, à appuyer l'élaboration d'une stratégie sur les maladies rares. CAPTURE ALS est un outil tangible pour faire avancer la recherche sur les maladies rares, qui contribuera à orienter la création de cette stratégie. CAPTURE ALS fournira des données de qualité qui renforceront l'élaboration de politiques. La recherche sur aucune maladie rare n'est aussi bien placée pour cela. Faisons de CAPTURE ALS un catalyseur de votre stratégie sur les maladies rares.
CAPTURE ALS positionnera aussi le Canada comme la destination par excellence pour les investissements pharmaceutiques et les essais cliniques, ce qui signifie que les Canadiens seront les premiers à pouvoir accéder aux thérapies les plus prometteuses. Grâce à cet outil, le Canada disposera de la masse de données concrètes dont les sociétés pharmaceutiques ont tant besoin, qui n'aura son pareil dans aucun autre pays. Tout ce que CAPTURE ALS nous permettra d'apprendre créera un environnement propice à des essais cliniques et à des thérapies plus efficaces, ce qui nous fera économiser des milliards de dollars à long terme.
Il est urgent d'accélérer l'accès aux meilleures thérapies expérimentales et éprouvées pour les patients atteints de la SLA, et je suis persuadé que vous êtes nombreux à avoir pu être témoins de la puissance de ce message par la voix fantastique de vos électeurs. Un investissement dans CAPTURE ALS signalera que le gouvernement fédéral se donne lui aussi comme priorité de créer un environnement dans lequel on répond à un diagnostic de la SLA avec leadership et on fait tout le possible pour stimuler l'innovation et l'espoir.
CAPTURE ALS est l'aboutissement de dizaines d'années d'investissements dans une infrastructure canadienne clinique et de recherche sur la SLA qui se démarque dans le monde. Elle suscite de nouvelles collaborations novatrices partout au pays. D'autres pays, comme les États-Unis et l'Australie, investissent beaucoup plus que nous dans la recherche sur la SLA, mais ici, pour une fraction de cet investissement, le Canada a l'occasion de faire quelque chose de véritablement transformateur.
Enfin, nous nous sommes assurés d'un financement initial pour lancer CAPTURE ALS en 2021. Cet outil a été validé par un examen par les pairs rigoureux, en concurrence avec d'autres initiatives nationales, et l'investissement du gouvernement permettra de véritablement capitaliser ce financement initial et de faire de ce projet pilote une plateforme à part entière. Sans cela, bon nombre des effets positifs présentés aujourd'hui ne seront jamais possibles.
Je vous remercie encore une fois de nous permettre de vous présenter aujourd'hui CAPTURE ALS et les raisons pour lesquelles nous croyons que ce sera un gain pour les Canadiens à tous les niveaux, que cet outil aura une incidence sans précédent sur la population que nous servons, soit les personnes vivant déjà avec la SLA aujourd'hui et celles qui en recevront le diagnostic demain.
Merci, monsieur Taylor et madame Moore.
J'aimerais avoir une précision. Demandez-vous toujours 35 millions de dollars sur cinq ans comme dans votre mémoire?
Merci infiniment de m’avoir invité à comparaître. C’est vraiment un honneur pour moi d’être à nouveau ici devant le Comité permanent des finances au moment où vous préparez le budget 2021.
J’utiliserai mon temps de parole pour parler des contributions de l’Alberta au Canada, de la Norme sur les combustibles propres et de la stabilisation fiscale. J’aimerais commencer par vous rappeler la devise de Fairness Alberta: « Proudly Canadian, fiercely Albertan ».
Nous sommes un groupe de Canadiens qui pensent que l’Alberta n’est pas traitée équitablement, et la situation est assez grave pour que nos 14 administrateurs, 38 membres votants et bien d’autres sympathisants consacrent de leur temps et de leur argent à la cause pour essayer de changer la donne. Nous pensons qu’en sensibilisant respectueusement, mais avec fermeté les Canadiens à des faits fondamentaux, nous pourrons persuader une majorité de gens d’appuyer des réformes en profondeur.
Je peux vous dire qu’il y a beaucoup de pessimisme ici. Certains nous reprochent de ne pas tenir de discours au moins quasi-séparatiste, mais nos membres estiment qu’il y a des millions de Canadiens aux vues similaires aux nôtres qui ont seulement besoin d’entendre des messages clairs, positifs, appuyés sur des faits pour mieux comprendre la légitimité de la colère et de la frustration ressenties dans l’Ouest et unir leurs voix aux nôtres pour réclamer des changements.
Nous voulons avant tout exprimer à quel point la productivité de l’Alberta est bénéfique pour l’ensemble du Canada. Au titre du bilan fédéral seulement, les Albertains ont versé 324 milliards de dollars de plus à Ottawa au cours des 20 dernières années qu’Ottawa n’en a dépensés en Alberta, en partie en raison des revenus plus élevés ici, mais aussi parce que l’Alberta est de loin la province qui bénéficie le moins des dépenses fédérales. Ces 324 milliards de dollars depuis l’an 2000 équivalent à un transfert net de 320 000 $ de chaque famille albertaine au gouvernement fédéral et à un gain de 42 000 $ pour les familles de l’extérieur de l’Alberta.
Après cinq ans de crise énergétique, exacerbée par une guerre des prix entre la Russie et l’OPEP et par la COVID-19, cette productivité est menacée. Beaucoup d’Albertains ont l’impression que si c’était le centre ou l’Est du Canada qui étaient frappés dans un secteur économique de premier plan, le gouvernement fédéral serait là, avec un soutien financier ciblé et d’autres mesures.
Non seulement n’avons-nous pas vu de mesure unique, mais l’entrée en vigueur éminente de la NCP pourrait aggraver la situation. Selon une étude réalisée par Canadian for Affordable Energy, il en coûtera au Canada 30 000 emplois et 22 milliards de dollars en investissement de capitaux. Si la NCP entre en vigueur, nous deviendrons le seul pays à assujettir son gaz naturel à une norme sur les combustibles. Même la Californie ne le fait pas.
En fait, pendant que nous cherchons à devenir le leader mondial de la taxation du gaz naturel, la plupart des pays cherchent plutôt à favoriser son utilisation comme source d’énergie propre. Cette norme n’a aucun sens compte tenu de la faible densité de notre population, de notre climat froid et de notre statut de pays exportateur où les réserves de gaz naturel abondent. Cela placera tous ceux qui, au Canada, utilisent le gaz pour se chauffer (les ménages, les fabricants, les entrepôts, les utilisateurs industriels comme les exploitants de sables bitumineux et les fabricants de produits pétrochimiques) dans une position concurrentielle désavantageuse dans le monde, au moment même où le monde cherche à se remettre de cette crise financière et de l’emploi.
Par ailleurs, l’Alberta accueille à bras ouverts les possibilités qu’offre cette ressource grâce à une stratégie ambitieuse sur le gaz naturel visant le recyclage des plastiques, ainsi que la valorisation de l’hydrogène, des produits pétrochimiques et du GNL. Pour toutes ces initiatives de relance de l’emploi, nous avons besoin que les gouvernements travaillent ensemble, plutôt que l’un contre l’autre. Nous avons l’impératif moral de redonner des chances de prospérité aux nombreuses familles qui ont souffert des pertes d’emplois et des fermetures d’entreprises au Canada, plutôt que de les prolonger à la faveur d’autres priorités.
En tant que membres du Comité permanent des finances vous savez mieux que quiconque que les dettes ahurissantes engagées pour lutter contre la COVID devront aussi être remboursées et que chaque dollar emprunté cette année diminuera notre marge de manœuvre à l’avenir. Il faut arrêter l’hémorragie et faire en sorte que chaque province puisse tirer le meilleur parti de son économie pour que le Canada se remette de cette crise financière et de l’emploi.
Comme lors de la récession de 2009, la productivité de l’Alberta peut stimuler l’économie canadienne si les politiques fédérales nous permettent de réaliser notre plein potentiel. C’est la raison pour laquelle nous réclamons de multiples changements, particulièrement en ce qui concerne la Norme sur les combustibles propres. Au nom de l’unité, nous avons également des propositions à faire en matière de péréquation et de stabilisation fiscale.
Je terminerai brièvement en soulignant le changement en matière de stabilisation annoncé cette semaine. Il s'agit certes d'une amélioration modeste au plafond imposé à la stabilisation fiscale, mais le gouvernement a complètement fait fi de l’accord unanime des 13 premiers ministres des provinces et des territoires pour éliminer ce plafond rétroactivement, à partir de 2015, en reconnaissance des contributions de l’Alberta.
En 2015, les revenus ont chuté de 8 milliards de dollars dans la province, alors que le paiement de stabilisation de l’Alberta s’est élevé à 250 millions de dollars, soit à 3 % de cette somme. Selon la nouvelle formule, avec un plafond de 170 $ par personne, le nouveau versement ne couvrira toujours que 9 % des pertes, ce qu’on peut difficilement qualifier de stabilisation. Les Albertains ont fourni chaque année au gouvernement fédéral un pouvoir de stabilisation d’environ 4 000 $ par personne ou plus, mais tout ce que nous arrivons à récupérer quand nous en avons besoin, c’est 170 $. Il semble évident que les flux financiers entre l’Alberta et le Canada sont vraiment déséquilibrés.
S’il est vrai qu’il faut revoir les transferts fiscaux dans une perspective d’équité et d’unité nationale, la plus grande priorité, en ce moment, doit être la relance de l’économie, afin qu’il reste de la richesse à partager au Canada.
Je vous prie de ne pas nous imposer la norme sur les carburants propres. Je vous demande à tous de lutter contre l’adoption de toute autre politique qui aurait pour effet de prolonger les horribles souffrances que cette crise de l’emploi inflige aux familles, pas seulement en Alberta, mais partout au Canada.
Je vous remercie encore une fois pour ces consultations prébudgétaires et pour m’avoir permis de prendre la parole devant vous aujourd’hui. Je serai ravi de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Bewick. La présentation visuelle derrière vous était aussi très bien.
Nous allons maintenant entendre M. Saras du Conseil national de la presse et des médias ethniques du Canada.
Merci également pour votre mémoire, monsieur Saras.
À vous la parole.
Les médias ethniques sont essentiels à l’intégration des nouveaux arrivants au sein de la société canadienne et sont la source d’information vers laquelle se tournent de nombreux immigrants. Pour bon nombre d’entre eux, les médias ethniques sont d’ailleurs la seule source d’information. La pandémie nous a montré à quel point il était important de pouvoir compter sur une presse ethnique forte. Malgré le pouvoir d’achat des membres des communautés minoritaires, il peut être difficile pour les annonceurs de monter une campagne de publicité générale devant être diffusée en plusieurs langues via les médias ethniques.
Contrairement à des chaînes de langue française et anglaise comme Postmedia, Torstar et Québecor dont le contenu peut être diffusé par l’entremise de plusieurs journaux, sites Web et plateformes, les différents médias ethniques doivent être mobilisés un à la fois. Les médias ethniques ont amorcé la transition vers le numérique et de nouvelles sources de revenus, mais une aide doit être offerte pour que ces médias disposent de la marge de manœuvre nécessaire afin de rééquiper leurs organisations en fonction d’un nouvel espace médiatique, d’autant plus que les revenus d’origine numérique ne remplacent pas entièrement ceux qui sont perdus en raison du déclin des publications papier.
Dans son budget de 2018, le gouvernement a investi 50 millions de dollars pour venir en aide aux médias. Comme c’était pour une période de cinq ans, cela correspond à 10 millions de dollars par année. De ce montant de 10 millions de dollars, la presse ethnique a reçu seulement 600 000 $. Le problème c’est qu’il y a quelque 900 médias ethniques sur le territoire canadien. Les 600 000 $ reçus n’ont donc permis d’aider qu’une faible proportion d’entre eux, soit à peine 53 médias. Nous avions reçu quelque 270 demandes. Vous pouvez vous imaginer à quel point il peut être difficile de gérer tout cela et de refuser des demandes pour le simple motif que nous n’avons pas suffisamment de fonds.
C’est l’unique raison pour laquelle je comparais devant vous aujourd’hui. Je veux vous demander s’il serait possible que les médias ethniques obtiennent un montant forfaitaire d’au moins 7 millions de dollars de telle sorte que nous puissions aider nos membres qui desservent près de 40 % de la population canadienne.
Je veux maintenant porter à votre attention les colossales pertes de revenus subies par les médias ethniques qui ont déjà commencé à faire des coupures en conséquence. De fait, 42 % des travailleurs ont été mis à pied, et les coupures toucheront une autre tranche de 21 % si nous n’obtenons pas une aide supplémentaire. Les médias ethniques ont vu leurs revenus chuter de 62 %. En fait, je peux vous garantir qu’à ce moment-ci les pertes de revenus atteignent 100 %. Les médias qui continuent d’être imprimés le sont uniquement parce que l’éditeur dispose encore des ressources nécessaires à cette fin. D’autres pertes de revenus sont à prévoir à court terme. La diminution de 62 % touche tous nos membres, et serait encore plus marquée si ce n’était des publications mensuelles avec des abonnements vendus à l’avance. Si l’on exclut ces publications de l’équation, on en arrive à une réduction de 71 %.
Les mesures de soutien prises dans le contexte de la pandémie n’ont pas été d’un grand secours pour la presse ethnique. Parmi nos membres, 89 % connaissent la Subvention salariale d’urgence du Canada, mais 68 % n’y sont pas admissibles. Alors que 93 % de nos membres connaissent l’existence du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, ils sont 76 % à ne pas y avoir droit. Une aide supplémentaire pour les éditeurs dans le cadre du Fonds du Canada pour les périodiques a été annoncée pour ceux qui en avaient bénéficié en 2019, mais ce n’est pas le cas pour 84 % de nos membres qui ne sont donc pas admissibles à ce soutien financier.
La plupart des médias de la presse ethnique n’ont pu avoir accès à l’aide gouvernementale. Ainsi, 73 % de nos membres ont indiqué que le gouvernement du Canada n’avait pas acheté d’espace publicitaire dans leurs publications; 84 % ont dit que le gouvernement provincial n’avait pas placé d’annonce; 84 % ont signalé également une absence de dépenses publicitaires de la part des municipalités; et 92 % ont fait savoir qu’aucune autre organisation publique n’avait acheté d’espace publicitaire.
Les perspectives sont sombres pour les médias ethniques: 51 % vont fermer leurs portes au cours des six prochains mois; 62 % ont indiqué qu’ils allaient devoir mettre la clé dans la porte d’ici un an si l’on n’intervient pas de façon significative pour les aider; 33 % ont dit pouvoir tenir le coup pendant un maximum de trois mois; 80 % ont indiqué qu’ils allaient devoir interrompre leur publication d’ici six mois; 11 % ont fait savoir qu’ils pourraient poursuivre leurs activités pendant une autre année sans obtenir une aide ciblée avant de devoir fermer leurs portes. De plus, 34 % ne savaient tout simplement pas combien de temps encore ils pourraient tenir le coup dans les circonstances actuelles.
Monsieur Saras, je vais devoir vous demander de conclure rapidement. Nous comprenons que la situation est épouvantable, mais pourriez-vous en venir tout de suite à vos demandes? Nous avons peu de temps.
Nous estimons avoir besoin d’une aide gouvernementale immédiate de 7 millions de dollars pour assurer la survie de la majorité des médias ethniques — tout au moins de ceux qui sont au service des nouveaux arrivants au Canada, lesquels ont absolument besoin de la presse ethnique.
Il y a également autre chose. À même l’enveloppe de 10 millions de dollars, je pense qu’il serait équitable que nous recevions tout au moins de 1,5 million de dollars à 2 millions de dollars, plutôt que 600 000 $.
D’accord.
Merci. Nous avons votre mémoire. Nous pourrons le consulter au besoin pour clarifier certaines choses.
Nous allons maintenant entendre la directrice générale par intérim d’Oxfam Canada, Mme Kate Higgins.
À vous la parole.
Merci de me donner l'occasion de vous présenter les recommandations d'Oxfam Canada en prévision du prochain budget fédéral.
Les droits des femmes et l'égalité entre les sexes sont au cœur du travail effectué par Oxfam Canada ici même au pays ainsi qu'auprès de certaines des communautés les plus pauvres de la planète. Comme nous le savons maintenant, la COVID-19 ne connaît pas de frontière et ne fait pas de discrimination. Il y a toutefois une autre chose que nous n'ignorons pas. Dans un monde marqué par des iniquités criantes, les conséquences sanitaires, sociales et économiques de la pandémie en affectent certains plus que d'autres. Ici au Canada, comme d'ailleurs aussi dans le reste du monde, ce sont les femmes et particulièrement celles qui sont marginalisées, qui ont été touchées de façon disproportionnée.
Depuis le début de la pandémie, de nombreuses femmes se sont retrouvées avec la triple tâche de faire l'école à la maison, de s'occuper des enfants et des aînés et d'avoir un emploi rémunéré, si bien qu'elles sont vraiment à bout de souffle. Les femmes comptent pour 70 % des personnes ayant perdu leur emploi en raison de la pandémie au Canada. Beaucoup de femmes ont perdu leur emploi et arrivent difficilement à réintégrer le marché du travail en raison des importantes responsabilités qu'elles assument à titre d'aidantes. La participation à la population active a chuté à 55 % pour les Canadiennes, le niveau le plus bas en 30 ans. C'est ce qui a incité certains experts à qualifier la crise économique que nous vivons de récession au féminin.
J'aimerais vous soumettre aujourd'hui trois recommandations en prévision du budget de 2021. Ces recommandations visent à offrir des solutions à la crise dont nous ressentons très concrètement les effets, mais elles jettent également les bases d'une transformation économique d'inspiration féministe ayant pour but de mettre fin à des inégalités qui perdurent depuis trop longtemps au Canada et dans le reste du monde.
Premièrement, le gouvernement fédéral doit investir dans le secteur de la prise en charge et des soins. S'il y a une chose que la pandémie a mise en lumière, c'est bien le rôle essentiel joué par le personnel soignant et les aidants dans nos vies, notre société et notre économie. Le plan de reprise du Canada doit mettre en valeur le travail rémunéré et non rémunéré des femmes en plus de stimuler et de protéger l'emploi dans le secteur de la prise en charge et des soins. Si l'on investit pour offrir des places plus nombreuses et de meilleure qualité pour la garde d'enfants et les soins à prodiguer aux malades et aux aînés, les femmes qui s'occupent actuellement de leurs proches pourront réintégrer la population active, ce qui nous permettra de redresser ce taux de participation scandaleusement faible que je mentionnais tout à l'heure.
En outre, la main-d’œuvre de ce secteur — les préposés en garderie, notre brave personnel des établissements de soins de longue durée et les travailleurs de la santé de première ligne — est principalement constituée de femmes. Des investissements dans le secteur pourraient générer des centaines de milliers d'emplois pour des femmes, une forte hausse des recettes gouvernementales et une importante stimulation à long terme du PIB du Canada. Nous voyons d'un bon œil l'engagement à mettre en place un système national de services de garde d'enfants financés par l'État qui a été annoncé lundi dans le cadre de la mise à jour économique de l'automne. C'est un pas dans la bonne direction.
Nous demandons au gouvernement d'inclure dans le budget de 2021 un montant de 2 milliards de dollars pour l'éducation préscolaire et la garde d'enfants, avec une majoration annuelle de 2 milliards de dollars par la suite pour le financement public d'un système de garde d'enfants en partenariat avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones. Les transferts aux provinces à ce titre devraient être assortis d'objectifs mesurables en matière d'accessibilité, d'abordabilité, de qualité et d'inclusion.
J'en viens à notre deuxième recommandation. Il est urgent que le gouvernement fédéral intervienne pour garantir la protection sociale des femmes et leur assurer des conditions de travail décentes. Il est stupéfiant de voir tous ces emplois jugés essentiels pendant la pandémie — pourvoyeurs de soins, caissiers, traiteurs, préposés à l'entretien, employés de bureau — qui sont peu rémunérés et n'ouvrent pas droit à des avantages sociaux comme le congé de maladie. Les femmes noires, autochtones et racisées, y compris les immigrantes récentes, sont surreprésentées au sein de ces groupes professionnels.
De nombreuses femmes occupant des emplois précaires mal rémunérés arrivent difficilement à établir leur admissibilité à l'assurance-emploi au moment où elles en auraient le plus besoin. Nous exhortons le gouvernement à faciliter l'accès à l'assurance-emploi pour les femmes en corrigeant des lacunes importantes via une modernisation du régime en place. Nous devons adopter les pratiques qui ont fait leurs preuves avec la Prestation canadienne d'urgence de telle sorte que les prestations d'assurance-emploi puissent être versées plus rapidement, que les critères d'accès soient mieux adaptés à la réalité du marché du travail au Canada, que les seuils d'admissibilité soient abaissés et que le montant des prestations soit accru afin de satisfaire aux normes établies pour assurer un revenu suffisant à chacun.
Notre troisième et dernière recommandation part du principe que la COVID-19 ne connaît pas de frontière, si bien que la réponse du Canada à la pandémie devrait être vraiment de portée planétaire. Dans le cadre de l'aide internationale que nous offrons, le Canada devrait investir un montant additionnel de 2 milliards de dollars pour des interventions dans le contexte de la COVID-19 qui mettent l'accent sur les programmes féministes, le soutien à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, la lutte contre la violence sexiste, l'investissement dans le secteur de la prise en charge et des soins et l'appui aux mouvements féministes. Dans une perspective à plus long terme, nous devrions accélérer la mise en œuvre de la Politique d'aide internationale féministe du Canada en doublant notre enveloppe consacrée à l'aide internationale pour la faire passer de 6,2 milliards de dollars à 12,4 milliards de dollars sur une période de cinq ans.
En misant sur ses forces et en axant son aide internationale sur des interventions féministes, le Canada peut exercer un leadership crucial à l'échelle planétaire pour la protection et le maintien de gains important en matière d'égalité entre les sexes qui sont menacés par la pandémie.
Merci encore une fois de m'avoir permis de prendre la parole devant vous aujourd'hui.
Merci beaucoup, madame Higgins.
Nous allons maintenant entendre M. Jeffrey Booth, entrepreneur et auteur.
Monsieur Booth, à vous la parole.
Je tiens à remercier le Comité des finances de m’avoir invité de nouveau à prendre la parole.
Lors de ma dernière comparution, je vous ai expliqué, comme je le fais dans mon livre, qu’une politique économique se fondant sur l’inflation est incompatible avec une technologie évoluant à un rythme exponentiel. Ce sont deux forces qui s’opposent. Les entrepreneurs qui utilisent la technologie essaient d’en offrir toujours plus à moindre coût pour la société, ce qui correspond à une déflation, alors que l’inflation va tout à fait dans le sens contraire. Il est facile de se leurrer en regardant en arrière, mais le fait est que la plupart des avancées technologiques sont devant nous, si bien que la volonté d’en faire plus avec moins — la déflation — est un processus tout à fait naturel d’exploitation de l’innovation au sein d’un libre marché.
Autrement dit, une politique évitant les manipulations permet de profiter pleinement des progrès technologiques en répartissant leurs bienfaits dans l’ensemble de la société, plutôt que de les concentrer au bénéfice de quelques-uns seulement. En négligeant de cerner les causes profondes du problème pour plutôt s’attaquer à ces symptômes, les décideurs deviennent à leur insu des participants à un jeu qui peut avoir des conséquences désastreuses pour nous tous. Je vais justement utiliser l’exemple d’un jeu bien connu pour illustrer la manière dont les choses se passent.
Au Monopoly, lorsque l’un des joueurs réussit à acquérir suffisamment de propriétés, les autres en viennent à ne plus avoir les moyens de payer le loyer et sont ainsi acculés à la faillite. La partie prend alors fin. Si vous avez déjà joué, vous avez peut-être été à même d’observer le fonctionnement du système. Si vous avez l’occasion de prendre l’avantage rapidement, la partie devient plus facile pour vous. Vous encaissez des loyers qui vous permettent d’acheter d’autres terrains et d’y construire des maisons et des hôtels. Il se crée en quelque sorte un cercle vertueux favorisant la concentration de la richesse. Vous avez peut-être aussi pu constater qu’il pouvait y avoir une part de chance dans la bonne fortune d’un joueur. En atterrissant sur les bonnes cases très tôt dans la partie, vous profitez d’un avantage considérable. Il s’agit d’être au bon endroit au bon moment. Au contraire, le joueur qui ne réussit pas à acquérir de tels actifs en début de partie se retrouve dans un cercle vicieux dont il lui est difficile de s’extirper par la suite. En devant payer des loyers de plus en plus élevés au fil de leurs déplacements autour du plateau de jeu, les pauvres s’appauvrissent jusqu’à devenir insolvables.
Heureusement, ce n’est qu’un jeu. La partie se termine. L’un des joueurs peut pavoiser. Si l’on commence une nouvelle partie, chaque joueur débute avec des chances égales de l’emporter. Mais qu’adviendrait-il si ces mêmes cercles vertueux et vicieux se dessinaient dans la vraie vie avec des vainqueurs qui en acquerraient toujours davantage parce qu’ils ont été les premiers à posséder des actifs, qui concentreraient leur richesse et qui bénéficieraient d’un accès privilégié à ce qui se fait de mieux en matière d’éducation, de soins médicaux et d’autres services?
À des fins d’illustration, imaginons qu’un jeu semblable s’infiltre dans la trame de nos existences avec une force gigantesque — que nous pourrions appeler la banque centrale — exigeant qu’il y ait inflation et empêchant par conséquent toute baisse des prix, ce qui ne ferait qu’accélérer la concentration de la richesse sans autoriser une remise à zéro des compteurs de telle sorte que tous puissent à nouveau jouir de chances égales. Pendant combien de temps les perdants d’un jeu semblable continueraient-ils à jouer une fois qu’ils se rendraient compte que les dés sont pipés à leur désavantage? Que se passerait-il s’il leur était impossible de payer leur loyer, les frais de scolarité ou l’épicerie pendant que leur situation continuerait de se détériorer? Et si cette partie n’avait jamais de fin pour eux? Que feraient ces gens-là? Et, question plus importante encore, que feriez-vous à leur place?
Je dirais que vous feriez l’une des trois choses suivantes. Premièrement, vous pourriez prêter une oreille attentive aux promesses des chefs politiques qui s’engagent à vous donner de l’argent sans rien demander en retour, et vous pourriez voter pour eux. Paradoxalement, cet argent libre d’attaches risque fort de vous enchaîner dans un cycle d’iniquité qui ne va surtout pas améliorer votre sort. La dette est trop considérable pour que l’on puisse songer à la payer un jour avec des impôts plus élevés. Pour vous offrir cet argent qui vous tombe du ciel, il faut en imprimer et laisser l’inflation faire son œuvre. L’inflation est la pire de toutes les ponctions fiscales pour une société. C’est une taxe déguisée. Ce sont les plus vulnérables qui en font les frais parce qu’ils ne possèdent pas les actifs nécessaires pour bénéficier de l’inflation et ne savent pas comment se tirer d’une telle impasse. En période d’inflation, ils voient s’éroder le pouvoir d’achat que leur procurent leur rémunération et leurs économies.
Deuxième possibilité, vous pourriez vous soulever contre les gagnants et tout mettre à sac. Je pense que l’on peut observer des comportements semblables un peu partout dans le monde.
Troisièmement, vous pourriez décider de vous mettre à un nouveau jeu où vous ne risqueriez pas de perdre votre argent en raison de politiques inflationnistes. C’est ce qu’on peut constater avec la ferveur croissante que connaît maintenant le bitcoin.
Il y a des conséquences pour la société lorsqu’on change ainsi les règles du jeu en minant la capacité naturelle des marchés de remettre les compteurs à zéro, ce qui fait obstacle à l’arrivée de nouveaux joueurs. Il en résulte une concentration de la richesse et du pouvoir qui rend notre monde encore plus dangereux qu’il ne l’est déjà. Les conséquences sont très prévisibles. Le plus cocasse, c’est que ce même résultat que les banques centrales et les gouvernements s’efforcent tant de contrer — une baisse naturelle des prix en raison des avancées technologiques exponentielles — serait peut-être la meilleure chose qui pourrait nous arriver.
Mon message est exempt de toute partisanerie politique. Je suis pleinement conscient de l’importance des choix que les décideurs des deux côtés de la Chambre doivent faire dans leurs efforts pour sauver le système, alors qu’ils ne contribuent en fait qu’à aggraver les choses. Ce sont des choix difficiles pour lesquels il n’existe pas de solutions faciles. Je crois cependant que les Canadiens méritent qu’on leur dise la vérité relativement à une chose aussi importante que leur argent, plutôt que de leur servir des discours creux. Il faut qu’ils sachent d’où vient cet argent et pourquoi on juge nécessaire d’en manipuler la valeur au sein du système actuel.
La manipulation de la valeur de l’argent a des conséquences. Ces conséquences sont beaucoup plus graves que semblent le croire les décideurs adeptes de la théorie monétaire. Les progrès technologiques ont changé les règles du jeu. En continuant à imprimer de l’argent sans tenir compte de cette transformation structurelle, on génère des coûts considérables pour notre société, notre environnement et nos enfants. Si l’on poursuit dans la même veine, la situation va grandement se détériorer.
Dans l’intérêt de tous les Canadiens, j’encourage le gouvernement à étudier de plus près ces enjeux. Nous pourrions emprunter une voie beaucoup plus saine qui irait dans le sens de l’innovation et des progrès technologiques pour nous mener vers une abondance mieux répartie entre tous.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, monsieur Booth.
Nous allons maintenant écouter Jack Mintz, boursier de la présidente à l’École de politique publique de l’Université de Calgary.
Monsieur Mintz, nous pouvions au moins nous toucher le coude la dernière fois. Ce n’est même pas possible aujourd’hui.
La parole est à vous.
Oui, nous pouvons vous entendre. Monsieur Mintz, vous allez devoir vous exprimer un peu plus lentement qu’à l’habitude en raison de l’interprétation.
Merci beaucoup.
Je remercie le Comité des finances de la Chambre des communes de m’avoir invité à comparaître de nouveau. J’espère que vous ne serez pas déçus.
La mise à jour budgétaire révèle une grande tendance qui mérite qu’on s’y attarde davantage, à savoir que la pandémie a des répercussions sur le chômage structurel. À la page 57, nous voyons que les mises à pied temporaires ont chuté considérablement alors que les mises à pied permanentes gagnent du terrain. En tenant compte des sorties de la population active, le recul de l’emploi atteint environ 3,5 % depuis février 2020. Plus d’un million de travailleurs sont sans emploi ou travaillent moins de 50 % de leurs heures normales. De ce nombre, 90 % ne travaillent aucune heure, mais ne sont pas considérés comme des chômeurs en raison notamment de la subvention salariale qui maintient leur lien d’emploi avec les entreprises.
Le chômage structurel résulte du choc de l’offre attribuable à la pandémie, étant donné qu’on a demandé aux gens de rester chez eux. Ce choc a entraîné une forte baisse du nombre d’emplois et du nombre d’heures travaillées dans certains secteurs, surtout l’hôtellerie, les voyages, les commerces de détail et l’immobilier commercial. Lorsque la pandémie sera derrière nous, probablement en 2022, de nombreux travailleurs de certains secteurs ne pourront pas retourner à leur employeur initial, étant donné que le comportement des consommateurs et des entreprises aura changé à long terme. Ce type de chômage est différent du chômage cyclique, où les emplois disparaissent en période de récession, mais reviennent en période de prospérité grâce à la demande. Même si le gouvernement tente de ranimer la demande au moyen de programmes de relance, il ne pourra rien pour ceux qui n’ont pas les compétences nécessaires afin de trouver un nouvel emploi. Le chômage structurel est donc un des problèmes.
L’autre problème se rapporte à la productivité du travail, qui n’a pratiquement pas bougé depuis 2015, soit bien avant la pandémie. On sait que les pays dont la productivité du travail est supérieure ont aussi tendance à avoir un revenu personnel par habitant plus élevé. La productivité du travail est particulièrement importante étant donné que les retombées générées chaque heure de travail contribuent au revenu disponible pour payer les salaires, les impôts et d’autres revenus pour les Canadiens. Nos programmes sociaux sont trop coûteux si notre productivité fait défaut.
L’investissement est un des principaux facteurs qui influencent la productivité. Il permet aux entreprises d’adopter les dernières générations de capital, qui donnent généralement lieu à des idées novatrices dans les pratiques commerciales. La formation de capital non résidentiel, public et privé au Canada a diminué de 12 % entre 2014 et 2019. Alors que la baisse la plus marquée a été enregistrée dans les secteurs de l’extraction minière, pétrolière et gazière, où elle atteint 53 %, l’investissement par employé au sein d’autres industries a chuté de 10 %. Même les investissements dans les produits de propriété intellectuelle ont diminué de 10 %, alors que les investissements par habitant en recherche et en développement pharmaceutique ont été réduits de moitié depuis 2007.
Si nous voulons reconstruire en mieux, nous devrons nous attaquer à la fois au chômage structurel attribuable à la pandémie et aux problèmes d’investissement en matière de productivité qui ont commencé bien avant la pandémie. Dans l’immédiat, puisque la COVID nous menace encore, nous avons aidé les entreprises à conserver leurs travailleurs grâce à des programmes de subventions salariales similaires à ceux de sept autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE. Même s’il y avait de bonnes raisons de maintenir le lien d’emploi, nous devons admettre que la subvention salariale est défavorable aux activités hautement capitalistiques, un problème qui est en partie réglé par le programme de subvention pour le loyer.
Certains pays ont adopté d’autres politiques à court terme qui favorisent également l’investissement commercial, en plus du report du paiement de l’impôt des sociétés qui a été accordé par 28 pays de l’OCDE, y compris le Canada. Ces politiques comprennent des crédits d’impôt pour l’investissement ou la recherche et le développement, ou des déductions supplémentaires pour 14 pays; un amortissement accéléré pour 5 pays — même si nous avons introduit cette mesure en 2018 — et des subsides reçus en capital pour 9 pays.
Outre les reports, la politique en matière d’impôt des sociétés la plus courante a été adoptée par 18 pays, et consistait à bonifier l’utilisation des pertes fiscales des sociétés. Il était possible de prolonger les périodes de report rétrospectif des pertes ou de report à plus tard, de repousser les limites entourant l’utilisation des pertes et, dans quelques cas, d’obtenir un remboursement. Ces politiques étaient judicieuses, car le report rétrospectif des pertes laissait plus de liquidités aux sociétés qui étaient rentables par le passé. Les sociétés déficitaires ne peuvent toutefois pas s’en prévaloir. À plus long terme, la bonification de l’utilisation des pertes fiscales offre un traitement plus neutre aux jeunes entreprises par rapport aux entreprises établies, et réduit la pénalité fiscale attribuable au risque.
Pendant la pandémie, le Canada a été un des rares pays à ne pas se servir de l’impôt des sociétés ou d’autres politiques pour soutenir directement les entreprises au moyen d’investissements en capital. Ce volet doit changer pour la reprise, car il faut améliorer le rendement de nos investissements pour stimuler à la fois l’innovation et la croissance.
Chose surprenante, la mise à jour ne parlait pas beaucoup des investissements privés, qui sont pourtant fort importants. Comme nous l’avons vu pendant la pandémie, c’est le secteur privé qui fournit la technologie, les vaccins et même les produits alimentaires à la population. Les programmes gouvernementaux devraient donc favoriser l’investissement privé plutôt que de l’entraver.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de politiques.
Le gouvernement fédéral devrait procéder à une réforme réglementaire afin de stimuler l’investissement. Par exemple, des politiques comme le mécanisme de contrôle des prix des médicaments empêchent le Canada de créer ses propres médicaments et vaccins.
Voici un autre exemple. Le délai nécessaire pour obtenir les permis de projets d’infrastructure compte parmi les plus longs de l’OCDE. Même le régime d’approbation réglementaire des ressources, qui a été modifié récemment, n’a pas pu réduire le temps nécessaire à l’approbation d’un pipeline comme le projet de NOVA Gas Transmission Ltd de 2,3 milliards de dollars, qui a été retardé d’un an inutilement.
Par ailleurs, le gouvernement fédéral devrait exercer davantage son rôle de chef de file dans l’union économique interne du Canada. Les obstacles au commerce interprovincial et les politiques fédérales régionales en matière de fiscalité, de réglementation et d’emploi empêchent la libre circulation du capital et de la main-d’œuvre au Canada. Le coût des obstacles au commerce intérieur représenterait à lui seul 4 % du PIB.
Je dirai une dernière chose. Nous devons veiller à ce que les politiques sociales n’augmentent pas le taux d’imposition marginal déjà élevé des travailleurs à faible revenu, en raison de programmes fondés sur le revenu. Ces mesures auront un effet dissuasif sur le travail, l’éducation et la formation si le revenu qui en résulte est imposé plus lourdement.
Je pourrais continuer longtemps. Je vais toutefois m’arrêter ici, et je répondrai à vos questions tout à l’heure.
Je vous remercie, monsieur Mintz. J’ai horreur d’interrompre les gens, mais je suppose que c’est mon travail aujourd’hui.
Nous allons écouter M. Rocha, président de 4 Pillars Consulting Group Inc.
La parole est à vous, monsieur Rocha.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m’avoir invité à vous parler aujourd’hui au nom de 4 Pillars Consulting Group.
[Français]
Merci de nous offrir cette occasion.
[Traduction]
Le groupe conseil 4 Piliers est un réseau de franchises composé de propriétaires de petites entreprises qui offrent des services de consultation en matière d'endettement, d'éducation financière et de rétablissement du crédit en cas d'insolvabilité. Nous sommes en activité depuis 20 ans et avons 50 bureaux dans tout le Canada. Au cours de notre longue histoire, nous avons aidé des dizaines de milliers de Canadiens croulant sous le poids des dettes à s'y retrouver dans les dédales complexes du système d'insolvabilité. Nous les aidons à se sortir de leur situation unique en leur proposant des solutions d'allégement de la dette et de recouvrement des créances.
Nous sommes conscients que le Comité recueille depuis des mois des témoignages sur le rétablissement économique après la pandémie. Vous êtes parfaitement au courant des chiffres, et nombreux sont ceux qui ont exprimé leur inquiétude à l'égard de la hausse des niveaux d'endettement des ménages canadiens avant la pandémie. J'aimerais aujourd'hui me concentrer sur ce que ces données veulent dire sur le terrain pour les dizaines de milliers de clients que nous servons.
Les personnes qui franchissent nos portes chaque jour sont souvent accablées, honteuses et sans espoir. Le poids des dettes a une incidence négative sur la santé mentale, la stabilité familiale et la productivité d'une personne. Je suis vivement préoccupé par la crise qui frappe actuellement les Canadiens, mais notre inquiétude grandit depuis de nombreuses années.
La Loi canadienne sur la faillite et l'insolvabilité vise à offrir aux débiteurs canadiens honnêtes le droit de prendre un nouveau départ, de composer avec des dettes écrasantes et de tourner la page. Nous avons toutefois remarqué que la loi et le système qui l'appuie présentent des défis systémiques de taille, de sorte que ce nouveau départ est loin d'être assuré.
Pour que notre économie nationale se rétablisse, les Canadiens devront avoir une assise financière durable et solide. Par conséquent, nous recommandons principalement au Comité d'entreprendre un examen rigoureux de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité du point de vue des débiteurs. Il y a plus particulièrement trois domaines d'intérêt qui, à mon avis, doivent être pris en considération.
Le premier élément est le droit des débiteurs à l'égalité des chances pour tous. Le système actuel privilégie le créancier. Les banques disposent de ressources considérables et ont pour mandat de faire gagner de l'argent aux actionnaires. Elles sont tout à fait en mesure d'accéder à des conseils juridiques et financiers sur la manière de faire valoir leurs réclamations contre les débiteurs.
Le Bureau du surintendant des faillites est un arbitre équitable et transparent entre les créanciers et les débiteurs. Les agents du Bureau, des syndics autorisés en insolvabilité, sont actuellement les seules personnes autorisées par la loi fédérale à administrer les propositions et les faillites en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Toutefois, les syndics sont rémunérés en fonction de la taille de la dette que les débiteurs remboursent aux créanciers. Le syndic n'est pas non plus responsable de la réhabilitation financière du débiteur. Dans notre société axée sur le crédit, les débiteurs sont les gens ordinaires, mais à la différence du système judiciaire canadien, il n'existe actuellement aucune entité désignée pour les défendre.
Le deuxième élément est le droit du débiteur à prendre des décisions financières éclairées. Cette capacité est fondamentale à la liberté de choix. Dans notre système actuel de réglementation de la dette et de l'insolvabilité, personne n'est vraiment responsable de l'étape déterminante que 4 Piliers appelle le « suivi ». À l'heure actuelle, les débiteurs insolvables sont tenus d'assister à deux séances de consultation obligatoires qui sont administrées par le syndic. Dans les faits, cette disposition de la loi est plutôt perçue comme une punition que comme une aide. Les chiffres montrent que la démarche ne donne pas les résultats escomptés étant donné que le taux de récidive continue d'augmenter.
Troisièmement, nous avons des données très limitées sur le comportement des débiteurs, et celles-ci appartiennent à différentes entités et administrations. Si nous ne recueillons pas les données nous permettant de comprendre les diverses causes fondamentales de l'endettement excessif des Canadiens, nous ne pourrons pas concevoir des interventions efficaces. En outre, notre capacité est limitée quand vient le temps de prévoir le genre de choc économique que nous vivons actuellement, ou d'en protéger les Canadiens.
La Canadian Debtors Association, dont 4 Piliers est membre, défend les intérêts des débiteurs. Comme nous le savons tous, l'accès au crédit est désormais essentiel à notre vie. À l'instar de 4 Piliers, l'Association croit également que la Loi sur la faillite et l’insolvabilité doit être remaniée de fond en comble. Récemment, des membres du conseil d'administration ont communiqué avec certains d'entre vous pour discuter des façons de procéder à une révision à l'échelle parlementaire.
4 Piliers estime que la discussion doit évoluer de façon à mettre l'accent sur les débiteurs. Si le niveau d'endettement vertigineux que nous connaissons aujourd'hui se transformait en crise d'insolvabilité, nous serions obligés de placer les débiteurs au centre de la solution.
Pour conclure, permettez-moi de vous offrir notre aide. Nous avons l'expérience et les connaissances nécessaires pour contribuer à ce travail, et nous ne pensons pas qu'il incombe au secteur public d'assumer seul ce fardeau. Nous nous réjouissons à l'idée de pouvoir travailler avec vous pour améliorer la situation des débiteurs consommateurs au Canada.
Je vous remercie.
Merci beaucoup, monsieur Rocha.
Notre dernier intervenant sera M. Cross, de l'Institut Macdonald-Laurier.
Monsieur Cross, la parole est à vous. Vous avez déjà témoigné à bien des reprises.
Je vous remercie. J'espère avoir réussi à activer mon microphone.
J'aimerais commencer par souligner le travail remarquable de Paul Rochon, qui a été sous-ministre des Finances pendant six ans dans des circonstances fort difficiles.
L'énoncé économique de l'automne produit une dissonance cognitive, ou nécessite ce que George Orwell a appelé la « doublepensée » dans son oeuvre 1984, puisqu'il faut croire à deux idées contradictoires en même temps. D'une part, les projections des dépenses et des déficits du gouvernement reflètent peu d'effets à long terme de la pandémie. D'autre part, ces effets mineurs à long terme reposent sur l'hypothèse que les taux d'intérêt resteront bas en raison d'une croissance inférieure à la normale pour les années à venir.
Malgré le choc sans précédent attribuable à la pandémie, les finances publiques devraient essentiellement revenir à leur niveau de départ, selon les prévisions. Après avoir doublé cette année, les dépenses publiques totales reviennent à 14,5 % du PIB en 2025. C'est légèrement inférieur au niveau de départ de 2019, même si la dette a pratiquement doublé d'ici là. Les recettes publiques devraient augmenter d'environ un demi-point de pourcentage du PIB. En 2025, le déficit fédéral en pourcentage du PIB devrait donc être légèrement supérieur à ce qu'il était en 2019.
Toutefois, cette prévision de l'effet négligeable qu'aura la flambée de la dette cumulative sur les déficits annuels suppose que les taux d'intérêt demeureront au plus bas et que l'augmentation des dépenses publiques est temporaire. Or, le marché obligataire indique sans équivoque que l'activité économique restera timide pendant une période prolongée. L'énoncé économique de l'automne reconnaît que la pandémie réduit notre PIB potentiel de 50 milliards de dollars d'ici 2025. Pourtant, malgré le ralentissement de la croissance potentielle et le vieillissement de la population, les dépenses publiques ne sont pas affectées comme par magie.
Alors que les marchés ont fixé les prix pendant une période prolongée de faibles taux d'intérêt, l'énoncé économique de l'automne en ignore l'incidence sur notre système financier et notre système de pensions. De toute évidence, les faibles taux d'intérêt ont un effet majeur. La plupart des régimes de retraite reposent sur des hypothèses actuarielles où les taux d'intérêt réels atteignent 2 à 3 % à long terme, ce qui est bien plus que depuis des années.
Dans sa mise à jour budgétaire de décembre 2019, le ministère des Finances reconnaissait l'incidence négative des faibles taux d'intérêt sur son propre régime de retraite des employés. Cette mise à jour révisait le déficit à la hausse en raison notamment de la « hausse des charges liées aux réévaluations actuarielles des régimes de retraite des employés », pour un total de 33,4 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Ce n'est qu'une des nombreuses distorsions causées par les taux d'intérêt très bas. Pourtant, il n'est question nulle part de l'incidence de la baisse des taux d'intérêt sur la viabilité et la prise de risque des régimes de retraite.
La mise à jour budgétaire admet que cette récession diffère de toutes les autres et qu'elle a des conséquences durables. La page 57 — qui a aussi retenu l'attention de M. Mintz — montre que les mises à pied permanentes constituent une part de plus en plus importante du chômage tandis que le choc initial de la pandémie s'estompe. M. Mintz en a déjà parlé, mais je dirai ceci. L'essentiel, c'est que les mises à pied temporaires représentaient 86 % des chômeurs en avril, alors qu'en octobre, le chômage a diminué de plus de moitié, mais les mises à pied permanentes se chiffrent à 74 %.
Ces données laissent entendre que la reprise allait inévitablement ralentir à l'automne et à l'hiver, car le rétablissement rapide des industries qui se sont facilement adaptées à la distanciation sociale a fait place au cas beaucoup plus difficile des autres industries qui demeureront fermées pour la plupart tant que le virus circulera.
Le document camoufle les erreurs politiques commises au début de la pandémie: il tente de transformer des mesures clairement destinées à offrir un soutien à court terme pour en faire des mesures de stimulation à long terme. Le Canada enregistre le plus important déficit public du G20 parce qu'il a augmenté les revenus des ménages plus que tout autre pays. Une grande partie de l'augmentation extraordinaire du déficit canadien est attribuable au fait que les prestations étaient mal ciblées. Il y a 27 % d'entre elles qui ont été versées à des ménages qui gagnent plus de 100 000 $, selon l'Institut Fraser.
Il n'est pas surprenant qu'une grande partie de cet argent ait contribué à l'épargne. Cependant, plutôt que d'admettre que le soutien du revenu était excessif et mal ciblé, l'énoncé budgétaire dit que ces économies sont une « mesure de stimulus économique en réserve » et affirme que la « libération de ces économies sera un élément clé » de la relance, comme si c'était le plan depuis le début. Cette justification improvisée — on ne peut pas la qualifier de plan digne de ce nom — est problématique.
Pourtant, les pires dommages de la pandémie pourraient bien se situer dans notre façon de réfléchir à l'économie et d'en parler. Rappelez-vous le tollé qu'a provoqué en 2015 le recul du PIB de 0,1 et 0,2 %, selon les estimations préliminaires, en raison du choc pétrolier. Voilà qui a plongé de nombreux commentateurs au pays dans une frénésie afin de savoir si l'économie était en récession. Certains ont même insisté pour que nous accumulions des déficits pour ramener une croissance positive, au moins temporairement.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des baisses du PIB réel littéralement de 89 à 177 fois plus importantes, mais le même mot, « récession », est utilisé comme si les deux cas étaient équivalents. Le seul bienfait de cette pandémie, c'est peut-être qu'elle nous immunisera pendant des années contre le fait de laisser des mouvements insignifiants du PIB ou d'emplois dicter la politique.
Les mots comptent, beaucoup. Dans les années 1950 et 1960, les récessions ont été fréquentes et ont été dominées par le cycle des stocks, mais elles n'ont généralement pas entraîné de pertes d'emplois. Après la récession de 1974, le public et les décideurs politiques ont commencé à associer les récessions à des pertes importantes de revenus et d'emplois et, de plus en plus, ont fait tout leur possible pour les retarder. Il en a résulté deux choses. D'une part, il y a eu une surutilisation chronique de mesures de relance, ce qui réduit la croissance à long terme et, paradoxalement, rend l'économie plus vulnérable aux récessions. D'autre part, les récessions sont devenues des événements graves qui se produisent une fois par décennie, entraînant souvent des crises financières qui freinent aussi considérablement la croissance à long terme.
De même, l'augmentation d'un déficit de 39 à 381 milliards de dollars a été rendue banale dans le langage public. Avant 2020, on ne pouvait imaginer un déficit même de 100 milliards de dollars, mais aujourd'hui, beaucoup de gens haussent les épaules comme si c'était devenu la norme. Au lieu de traiter un déficit de 39 milliards de dollars comme quelque chose d'exceptionnel, l'énoncé économique de l'automne le présente comme un objectif satisfaisant à atteindre.
En mettant l'accent sans relâche sur les mesures de stimulation monétaire et de relance budgétaire à court terme, on ne s'est pas préoccupé des effets négatifs que cela aurait à long terme sur la croissance potentielle. Il n'est pas étonnant que les économistes appellent de plus en plus la croissance lente la « nouvelle normalité ».
Merci.
J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Nous avons organisé quelque chose pour que nous puissions continuer jusqu'à 18 h 15. M. Poilievre a accepté de prendre la deuxième intervention de deux minutes et demie du NPD.
C'est ce que nous ferons. Je vous remercie tous les deux d'avoir eu cette idée.
Passons directement aux questions. J'ai sur ma liste M. Kelly, puis Mme Dzerowicz et M. Fraser se diviseront le temps d'intervention, et ensuite, M. Ste-Marie et M. Julian. Après cela, il y aura M. Poilievre et M. McLeod.
Monsieur Kelly, la parole est à vous.
Je pense que je vais céder une partie de mon temps alors. Si c'est moi qui commence, je vais céder une partie de mon temps à M. Poilievre. Je sais qu'il veut poser des questions.
Je vais poser une question à M. Bewick. Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
Nous avons 13 dirigeants provinciaux et territoriaux qui ont convenu qu'au nom de l'équité, l'Alberta devait recevoir un paiement de stabilisation rétroactif unique. Ce moment unique, où 13 dirigeants provinciaux et territoriaux ont convenu — non pas qu'ils devaient recevoir plus d'argent, mais qu'au nom de l'équité, une province devait le recevoir —, n'a pas été mentionné dans l'annonce.
Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur l'annonce concernant la stabilisation?
Je pense que l'on sait qu'il n'est pas toujours si difficile de convaincre les premiers ministres de demander à Ottawa de leur donner à tous plus d'argent. Dans ce cas-ci, c'était une situation unique. Tous les premiers ministres ont accepté qu'on donne à une province un paiement rétroactif spécial en reconnaissance des contributions des Albertains pour maintenir le bilan du pays pendant 15 ans.
Il est très décevant de constater qu'il n'en a pas été du tout question dans l'annonce de lundi. On avait l'occasion ici de manifester sa reconnaissance aux Albertains pour avoir tant contribué aux coffres fédéraux, mais on ne l'a pas saisie.
En 2015, les Albertains ont rapporté 25 milliards de dollars en impôts à Ottawa, comparativement aux dépenses qui sont revenues à l'Alberta. À la fin de l'année, cependant, les revenus ont chuté de 8 milliards de dollars. Le paiement de stabilisation fiscale de 250 millions de dollars que nous avons reçu, une sorte de programme d'assurance permettant aux provinces de maintenir les services en cas d'une chute soudaine des revenus, représente 1 % des 25 milliards de dollars que les Albertains ont envoyés pour aider Ottawa.
C’est absolument renversant. Ce sont des chiffres renversants. Je vous remercie de nous avoir fourni cette information.
Je vais céder le reste de mon temps à M. Poilievre.
Merci.
J’aimerais poser une question aux représentants de la Société canadienne de la sclérose latérale amyotrophique.
J’ai participé à une table ronde avec un groupe de personnes qui sont atteintes de la SLA. Elles disent très clairement qu’elles n’ont pas de temps. Il semble que les changements concernant le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés feront en sorte qu’il leur sera encore plus difficile d’obtenir les médicaments dont elles ont besoin.
Pourriez-vous nous en parler? Les changements apportés auront-ils des répercussions sur leur accès au nouveau traitement pour cette maladie?
Nous sommes très inquiets des conséquences que les changements auront sur l’accès. Nous pensons que cela suscitera des préoccupations au sein des sociétés pharmaceutiques en ce qui concerne le marché qu’est le Canada. Cela va, en fait, restreindre l’accès, tant quand on pense aux essais cliniques et au potentiel de se rendre au Canada, que quand on pense au Canada comme un marché pour les nouvelles thérapies.
Merci.
J’ai une brève question à poser à M. Mintz.
Compte tenu du montant des impôts reportés, soit environ 124 milliards de dollars, qui sont sortis des poches des consommateurs, y a-t-il une marge de manœuvre pour des augmentations d’impôts, comme l’ajout d’un impôt sur la fortune du NPD ou encore de nouvelles taxes sur la diffusion en continu qui sont proposées? Recommanderiez-vous que l’on reporte les augmentations des cotisations au RPC commencées en janvier, compte tenu des problèmes qu’ont les petites entreprises?
Tout d’abord, je pense qu’en pleine pandémie — et je l’ai dit à plusieurs reprises d’ailleurs —, nous ne devrions pas augmenter les taxes et les impôts à ce stade. Je pense non seulement que l’augmentation des cotisations au RPC devrait être reportée, mais aussi que nous aurions dû éviter les augmentations de la taxe sur le carbone et que nous devrions éviter toute autre mesure, y compris — même si j’appuie l’idée — l’application de la TPS aux services numériques. Je prendrais ces mesures une fois la pandémie terminée.
Pour ce qui est de la question que vous avez posée au début, concernant les impôts...
Oui, les impôts reportés. Je pense que nous allons devoir réfléchir à une réforme fiscale sérieuse. Nous avons un sérieux problème de compétitivité. Nous perdons des capitaux au profit d’autres pays. Nos entreprises canadiennes investissent à l’étranger. Nous avons de mauvais résultats en matière d’investissement. Nous devons vraiment faire en sorte que les gens retrouvent un emploi et que notre économie connaisse une certaine croissance.
Comme nous dépensons beaucoup d’argent par les programmes de dépenses, je crois que, tôt ou tard, des augmentations d’impôts généralisées seront nécessaires. Un impôt sur la fortune ne permettra pas de recueillir beaucoup d’argent. C’est une très petite source de revenus. Il faudra des augmentations d’impôt généralisées.
Nous devons être honnêtes envers les Canadiens. La TPS augmentera. Il pourrait y avoir des charges sociales et d’autres choses si nous essayons de créer de nombreux nouveaux programmes qui n’étaient pas abordables avant la COVID, mais qui, soudainement, deviennent abordables, ce qui n’est pas le cas.
Monsieur Mintz, vous avez également parlé du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés et de questions relatives à la réglementation. Pourriez-vous nous en parler également?
Je pense que nous devons nous inquiéter de cette diminution importante des dépenses pharmaceutiques au Canada au cours des... J'ai retiré cela du site Web d'ISDE et en tenant compte de l'inflation et de la croissance de la population, nous voyons qu'il y a eu une réduction importante des dépenses par habitant.
De nombreuses sociétés pharmaceutiques sont réellement préoccupées par deux questions relatives à la réglementation, l'une étant la propriété intellectuelle et la protection des brevets. Il se trouve que je sais qu'une très grande entreprise allait investir au Canada récemment et a décidé de ne pas le faire pour cette raison.
La question du contrôle des prix est également très importante. Si nous parlons de capacité de fabrication de vaccins et d'autres choses, je pense qu'il sera très important de nous assurer que nous pouvons attirer des investissements des sociétés pharmaceutiques. Nous devons donc être prudents quant à la manière dont nous élaborons nos politiques.
Merci à tous.
Mme Dzerowicz et M. Fraser divisent leur temps de parole en deux.
Vous disposez de six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président. Veuillez s'il vous plaît m'interrompre après trois minutes.
Je remercie tous les témoins de leurs exposés très importants et de leur présence aujourd'hui.
Je poserai d'abord une question à M. Saras.
Monsieur Saras, je vous interromprai lorsque nous en serons à une minute. Je m'en excuse, mais c'est que j'ai aussi une question à poser à deux autres personnes.
Je tiens à vous remercier tout particulièrement pour votre exposé. Ma circonscription de Davenport compte au moins six ou sept médias ethniques, qui informent non seulement les nouveaux Canadiens, mais aussi les Canadiens qui sont ici depuis des décennies. C'est par ces médias qu'ils ont des nouvelles locales et également qu'ils restent en contact avec leur pays d'origine dans leur propre langue.
Votre principale demande était de 7 millions de dollars. Pourriez-vous nous expliquer à quoi servirait cet argent?
Il y a environ 900 médias ethniques. Nous allons soutenir certains des plus importants afin que des gens puissent continuer à travailler avec eux. À l'heure actuelle, environ 15 000 personnes perdent leur emploi parce que les médias n'ont pas les moyens de maintenir des travailleurs en emploi. Il y a les étudiants des écoles de journalisme, et ils ne peuvent plus travailler. C'est la pire chose, parce que quelqu'un finira ses études en journalisme...
Je suis vraiment désolée, monsieur Saras. Merci beaucoup. Je vais lire votre mémoire, mais sachez que vos recommandations sont très importantes.
Ma prochaine question s'adresse au représentant du groupe conseil 4 Piliers, M. Rocha.
Monsieur Rocha, votre exposé était très convaincant. Que recommanderiez-vous principalement pour soutenir les Canadiens en cette période où nous sortons de la pandémie et où nous nous attendons à voir le nombre de faillites augmenter? Apporter des modifications à la réglementation ou aux lois peut prendre beaucoup de temps. Quelle serait la seule chose que nous pourrions faire qui serait utile aux Canadiens?
De notre point de vue, les débiteurs doivent être représentés équitablement. Idéalement, les parlementaires doivent contribuer à faire en sorte que les électeurs soient représentés, mais surtout, que les acteurs du secteur de l'insolvabilité travaillent ensemble collectivement. À l'heure actuelle, le système privilégie les créanciers, comme je l'ai mentionné dans mon mémoire. Je pense que les débiteurs ont besoin d'être mieux représentés. Faites accepter les personnes qui travaillent avec les débiteurs.
Merci.
Ma dernière question s'adresse à M. Mintz, pour les 15 secondes qu'il me reste.
Monsieur Mintz, croyez-vous que nous devrions éliminer les barrières au commerce interprovincial pour favoriser la libre circulation des personnes et des biens?
Un élément de notre Constitution — l'article 121— visait à essayer de supprimer les barrières commerciales. Je pense que nous devrions le faire, mais nous ne devons pas oublier que le gouvernement fédéral a lui-même des politiques régionales qui nuisent au libre-échange.
Si l'on regarde les règles de l'Union européenne sur l'établissement permanent, etc., certaines des choses que fait le gouvernement fédéral — sans parler des provinces — ne se feraient jamais en Europe.
Oui, je pense que le gouvernement fédéral devrait essayer d'en faire plus.
Merci, monsieur le président.
Puisque mon temps est limité, je vais passer aux questions. J'espère pouvoir en poser une à deux témoins, alors je vous demande d'être concis, si possible.
Ma première question s'adresse à la Société canadienne de la SLA. Lorsqu'il est question de la SLA dans le discours public, je trouve qu'on insiste beaucoup sur les difficultés que pose la maladie pour les personnes qui en sont atteintes et leurs familles. Je veux attirer l'attention sur la qualité de vie des personnes qui vivent avec cette maladie. J'ai perdu un oncle à cause de la SLA, en septembre. Il s'appelait Leo Duggan. C'était le type le plus intéressant que l'on puisse rencontrer et un entraîneur de volley-ball formidable. Il a organisé la course Terry Fox à Upper South River, et il a travaillé dans les écuries de Sherbrooke Village pendant des années. C'était un type formidable qui a eu un impact immense.
Pour ajouter aux questions que vous avez soulevées dans votre exposé, je veux dire que lorsque je parle à vos sections locales, elles soulèvent entre autres l'importance de répondre aux besoins ordinaires pour aider les gens à être à l'aise chez eux, et l'attention que leur famille leur accorde — ou non. Je suis sûr que ma tante Janet, par exemple, qui était une sainte, aurait eu besoin d'un soutien supplémentaire.
Y a-t-il des choses que nous pouvons faire pour améliorer la qualité de vie des personnes qui continuent à vivre avec la SLA et des personnes qui s'occupent d'elles?
Absolument, il est possible de faire beaucoup de choses. Les sociétés de l'ensemble du pays aident à combler les lacunes du système de santé dans chaque province, car les besoins peuvent varier considérablement d'une province à l'autre. Dans certaines provinces, nos sociétés fournissent, en fait, des choses essentielles comme des lits d'hôpitaux, des fauteuils roulants et des lève-personnes fixés au plafond, afin que les gens puissent rester chez eux en toute sécurité. C'est encore plus important pendant cette période de COVID — pouvoir s'assurer que les gens et leurs soignants sont en sécurité.
Il y a également beaucoup à faire pour les aidants. Monsieur Fraser, le type de soutien qu'apporte votre tante est nécessaire. Il y a beaucoup de choses auxquelles nous devons penser lorsqu'il s'agit du système de soins de santé dans son ensemble. Cela ne fera que s'intensifier maintenant que nous voyons les thérapies arriver sur le marché et ce que cela pourrait vouloir dire pour notre population.
Merci
C'est une transition parfaite en ce qui concerne les soignants. J'ai une question à poser à Mme Higgins.
Je vous remercie beaucoup de votre témoignage éloquent. J'aimerais vous poser une brève question sur les investissements dans l'éducation préscolaire et la garde d'enfants au Canada. L'une des principales plaintes que formulent les opposants aux investissements de cette nature, c'est le coût immense. Nul doute que la mise en place d'un bon système national d'éducation préscolaire et de garde d'enfants coûte cher.
Selon vous, et selon l'expérience des provinces qui ont mis en place un tel système, avez-vous réellement constaté que l'augmentation des revenus liée à une plus grande présence des femmes sur le marché du travail, à laquelle vous faites référence dans votre témoignage, est suffisante pour couvrir le coût de cet investissement initial?
La réponse est oui. Le YMCA a récemment publié un rapport. Des données du Centre for Future Work révèlent une augmentation des recettes publiques allant jusqu’à 29 milliards de dollars, environ 725 000 emplois supplémentaires potentiels dans le secteur des travailleurs de la petite enfance et des fournisseurs associés de places en garderie et d’apprentissage précoce et une augmentation du PIB du Canada d’environ 100 milliards de dollars par année. C’est très important. Je pense que le rendement est prometteur.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Fraser.
Je vous remercie tous les deux.
Monsieur Ste-Marie, vous avez six minutes. La parole sera ensuite à M. Julian et à M. Poilievre.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Je tiens d'abord à saluer tous les invités qui sont venus témoigner. C'est toujours très intéressant.
Mes questions s'adressent à Mme Higgins d'Oxfam Canada.
Je recommencerais là où vous avez laissé la discussion avec M. Fraser.
En effet, au Québec, nous avons une politique familiale avec des centres de la petite enfance qui sont subventionnés. Les études démontrent que c'est payant pour le gouvernement. Ce qui est investit dans les centres de la petite enfance et dans toute la politique familiale permet un taux d'activité plus élevé des femmes sur le marché du travail et celles-ci se trouvent ensuite à payer plus d'impôt. Non seulement cela crée des changements sociaux dans la structure même de la société, mais c'est payant, même s'il faut avancer des fonds au début.
Si le gouvernement fédéral mettait en œuvre un tel programme, nous demanderions un droit de retrait avec pleine compensation pour le Québec, pour que ce dernier puisse bonifier son système qui fonctionne déjà.
J'ai fait assez de commentaires.
Madame Higgins, j'aimerais vous entendre plus en détail sur les modifications à l'assurance-emploi que vous demandez.
Concrètement, qu'est-ce que vous suggérez et qu'est-ce qui peut être changé?
Est-ce que ce sont les délais de carence, les taux de cotisation ou le nombre d'heures?
J'aimerais vous entendre à nouveau plus en détail sur les changements que vous demandez.
[Traduction]
Je pense qu’en ce qui nous concerne, au bout du compte, le système d’assurance-emploi doit être modernisé. De nombreuses leçons tirées de la mise en œuvre de la Prestation canadienne d’urgence pourraient être appliquées à la modernisation de l’assurance-emploi.
Le point que nous faisons valoir, c’est qu’en raison de la nature du marché du travail et particulièrement de la nature des emplois occupés par les femmes, à savoir que ce sont des emplois très précaires et mal rémunérés, ces emplois ne sont pas nécessairement couverts par l’assurance-emploi ou les prestations ne sont pas suffisantes, et ces femmes doivent passer d’un emploi à l’autre.
Nous préconisons donc un système qui offre une plus grande souplesse. Par exemple, il faut abaisser les seuils d’admissibilité au système d’assurance-emploi, et ce système doit offrir des prestations améliorées qui répondent aux normes en matière de revenus adéquats. Bref, l’assurance-emploi devrait offrir un salaire de subsistance aux personnes qui font une demande.
C’est très important, et je pense que si la COVID-19 nous a démontré une chose, c’est que notre système d’assurance-emploi doit être modernisé pour refléter son époque, afin qu’il soit adapté au marché du travail actuel et qu’il offre une protection de l’emploi à ceux qui en ont le plus besoin.
[Français]
Madame Higgins, je vous remercie de cette réponse très claire.
Lundi, dans son énoncé économique, le gouvernement annonçait qu'il y aurait un certain montant pour un plan de relance qui viendrait plus tard, peut-être dans le prochain budget. Nous sommes encore dans la pandémie, mais lorsque nous en sortirons, on pourrait mettre en place un plan de relance de l'économie.
Je crois que vous suggérez que le gouvernement investisse dans l'économie verte.
Est-ce que pour vous, ce serait l'occasion, au sortir de la pandémie de la COVID-19, d'investir dans l'économie verte? De quelle façon cela pourrait-il être fait?
[Traduction]
C’est certainement une occasion d’investir dans l’économie verte.
[Français]
Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Permettez-moi d’abord de parler de l’économie des soins. Lorsque nous pensons à l’économie des soins, nous ne pensons pas nécessairement qu’il s’agit d’un investissement dans l’économie verte. Mais le point que nous soulevons dans notre mémoire budgétaire, c’est que les investissements dans l’économie des soins représentent un excellent moyen de progresser vers une économie à faibles émissions de carbone.
Je pense que ma première recommandation serait donc de prendre un peu de recul et d’établir ce lien entre les investissements dans l’économie verte et les investissements dans l’économie des soins, et de nous rendre compte que l’économie des soins offre une occasion formidable de créer des emplois à faibles émissions de carbone.
Je pourrais en dire beaucoup plus, mais je vais m’arrêter ici.
[Français]
Je vous remercie de votre question.
[Traduction]
Certainement.
Le deuxième point que j’aimerais faire valoir, c’est que les investissements dans l’économie verte sont absolument essentiels. Nous tenons à ce que les investissements dans l’économie verte tiennent compte de la diversité des personnes qui ont besoin d’un emploi. Nous devons veiller à ce que les investissements dans une économie à faibles émissions de carbone, c’est-à-dire une économie verte, tiennent compte des emplois pour les Autochtones, pour les personnes issues de milieux racialisés et pour les Canadiens noirs, afin de veiller à ce que ces investissements dans l’économie verte nous donnent aussi l’occasion de nous attaquer aux graves inégalités qui existent au Canada.
Je vous remercie.
La parole est maintenant à M. Julian, qui sera suivi de M. Poilievre.
Monsieur Julian, vous avez la parole.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
J’aimerais remercier nos témoins de leurs excellentes déclarations. Nous espérons que vous et vos familles êtes en sécurité dans la pandémie actuelle.
J’ai trois questions. Je tenterai de les poser rapidement.
La première s’adresse à Mme Higgins. Nous vivons au milieu de profondes inégalités qui ont été exacerbées par la pandémie. En effet, des milliardaires ont ajouté 53 milliards de dollars à leur fortune et les profits des banques ont explosé cette semaine. Pourtant, comme vous le soulignez, l’investissement dans des services nationaux de garde d’enfants se traduirait en fait par une relance économique au Canada.
Pensez-vous que c’est une question de choix? À l’heure actuelle, nous ne prélevons aucun impôt sur la fortune. Nous ne prélevons aucun impôt sur les profits exceptionnels comme nous le faisions pendant la Deuxième Guerre mondiale. Nous perdons 25 milliards de dollars par année au profit des paradis fiscaux étrangers. Nous dépensons des milliards de dollars en soutiens pour le secteur pétrolier et gazier. Selon vous, devrions-nous adopter différentes priorités, par exemple en investissant dans des choses comme les services de garde d’enfants et la mise en œuvre d’un système fiscal équitable, afin que les plus riches et les plus privilégiés paient leur juste part d’impôts?
Oui, certainement. Oxfam Canada et Oxfam sont pour la mise en œuvre d’un impôt sur la fortune. Comme vous l’avez dit, nous avons observé d’énormes augmentations des inégalités à l’échelle mondiale et dans notre pays. Au Canada, les 1 % les plus riches possèdent beaucoup plus que les 70 % les moins riches, et nous sommes donc d’avis qu’un impôt sur la fortune représente une stratégie, une tactique et une mesure fiscale importantes que nous pouvons utiliser pour tenter de réduire ces inégalités que nous avons observées. C’est donc mon premier point.
Mon deuxième point — et je sais que je commence à me répéter, mais je tiens à être parfaitement claire —, c’est que nous avons dès maintenant l’occasion d’investir dans l’économie des soins. C’est le bon moment. La population comprend que la pandémie de COVID-19 a mis en évidence le caractère essentiel de l’économie des soins pour nos familles, nos collectivités et notre économie. Je pense que des preuves de plus en plus nombreuses démontrent qu’il ne fait aucun doute que les investissements dans les services de garde d’enfants et dans le secteur des soins s’autofinanceront au bout du compte.
Comme je l’ai dit, c’est une stratégie essentielle pour veiller à ce que les femmes puissent réintégrer le marché du travail pendant et après la pandémie. Nous avons observé une énorme réduction de la participation des femmes sur le marché du travail, et c’est donc une stratégie et une façon de favoriser la croissance économique. Cela permettrait également d’offrir des emplois à des femmes qui travaillent dans les services de garde d’enfants, le secteur des soins à long terme et le secteur des soins de santé.
Dans notre mémoire, nous soulignons deux points sur lesquels j’aimerais également mettre l’accent...
Votre mémoire était excellent. Comme on l’a souligné, des pays très prospères comme la Norvège et la Suisse ont mis en œuvre un impôt sur la fortune, et il serait donc temps que le Canada commence à prendre des décisions intelligentes en ce qui concerne son système fiscal. Je vous remercie.
Madame Moore, nous connaissons tous des personnes qui souffrent de sclérose latérale amyotrophique. Je pense à mon bon ami Norm MacIsaac, avec qui j’ai déjà été enseignant. En une minute, pourriez-vous nous décrire ce qui arriverait si vous n’obteniez pas les 35 millions de dollars sur cinq ans, et ce qui pourrait arriver si vous receviez plus de 35 millions de dollars? Que pourriez-vous faire de plus avec cet argent?
Je vous remercie.
En fait, je vais demander à M. Taylor de répondre à cette question, car il représente notre programme de recherche.
Si nous n'obtenons pas les 35 millions de dollars, nous ferons alors comme nous le faisons toujours, c'est-à-dire que nous nous battrons pour notre communauté et que nous ferons tout ce que nous pouvons pour recueillir ces fonds, car nous en avons absolument besoin. Toutefois, nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une énorme lacune, et nous venons d'entendre parler du soutien et des besoins en matière de soutien d'un bout à l'autre du pays. La collecte de fonds effectuée à l'échelle du pays par les membres dévoués de la communauté de la SLA contribue grandement à ce soutien. Nous devons nous tourner vers le gouvernement pour qu'il puisse combler cette lacune relative au financement de la recherche, notamment pour que nous puissions en arriver à un point où le Canada profite d'investissements pharmaceutiques importants qui pourront soutenir efficacement la recherche sur la SLA.
Pour répondre à votre question sur ce que nous pourrions faire de plus avec des fonds supplémentaires, nous pourrions par exemple veiller à ce que chaque personne qui reçoit un diagnostic de SLA au Canada puisse faire partie du programme CAPTURE ALS. Actuellement, cela représente environ 1 000 personnes, mais nous pourrions faire beaucoup plus, et je pense que des fonds supplémentaires nous permettraient certainement de transformer cette maladie en maladie traitable beaucoup plus rapidement.
Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Saras, je représente une circonscription où l'on parle plus de 150 langues différentes, et en ce qui me concerne, la presse ethnoculturelle est la presse principale de ma communauté.
Vous avez souligné le manque de soutien auquel vous avez fait face pendant la pandémie. Pouvez-vous nous parler un peu des effets de la concurrence exercée par des entreprises comme Facebook qui ne paient pas d'impôts au Canada? En effet, ces entreprises sont en mesure d'être concurrentielles et d'entraîner la fermeture d'un grand nombre de vos associés et d'autres médias, puisque le gouvernement n'a jamais pris de règlements à cet égard et ne leur a jamais demandé de payer des impôts au Canada.
Au cours des dernières années, nous avons tenté de communiquer avec le gouvernement pour régler ce problème. En effet, les entreprises étrangères génèrent environ 170 millions de dollars en recettes publicitaires grâce au gouvernement du Canada et elles ne paient aucun impôt. Nous travaillons jour et nuit pour survivre sans profiter de ces recettes publicitaires fournies par le gouvernement du Canada, et parfois sans recettes publicitaires du gouvernement provincial ou même des gouvernements locaux. Nous tentons donc de survivre avec les moyens du bord.
Le problème, c'est que... Nous employons des Canadiens; nous donnons de l'argent aux Canadiens. En même temps, un membre de la presse ethnoculturelle est un fonctionnaire non rémunéré. En effet, il offre aux nouveaux Canadiens la possibilité d'apprendre à connaître la culture et la politique de leur nouveau pays et de les aider à s'intégrer dans la société canadienne. Malheureusement, on nous a enlevé tous les soutiens possibles.
Je vous remercie.
Monsieur Poilievre, vous avez la parole. Étant donné que nous avons le temps, je vais vous donner une série de questions de six minutes.
Je vous remercie beaucoup.
Monsieur Mintz, le gouvernement semble penser, tout comme la Banque du Canada, que nous n'avons pas à nous inquiéter des dettes monstrueuses accumulées par les secteurs public et privé. Nous avons maintenant — et de loin — le ratio de la dette au PIB le plus élevé des pays du G7, à l'exception du Japon, avec notre ratio de la dette au PIB de 384 % pour les secteurs public et privé combinés. C'est de loin le plus important de l'histoire du Canada.
La Banque et le gouvernement nous disent de ne pas nous inquiéter, car les taux d'intérêt sont bas et ils n'augmenteront pas tant que l'économie ne s'améliorera pas. Cependant, vous savez mieux que quiconque que les taux ont monté en flèche à la fin des années 1970, passant de 8 à 22 %, même si notre économie était anémique à l'époque en raison d'une mauvaise croissance et d'un taux de chômage élevé. Les taux d'intérêt ont augmenté pour contenir une inflation démesurée.
Vous avez mentionné que nous sommes en situation de choc d'offre et que ce choc d'offre exerce une pression à la hausse sur les prix. À votre avis, est-il possible que nous soyons surpris par l'inflation à moyen terme et que les taux d'intérêt augmentent plus rapidement que ce que nous disent les décideurs du gouvernement?
Tout d'abord, je pense qu'à l'heure actuelle, si les dépenses étaient maintenues à un niveau peu élevé pendant les prochaines années, pour croître avec la population et les prix par exemple, et que nous étions en mesure de faire face à certains autres problèmes que nous devons régler, je pense que tout irait bien.
Toutefois, si nous continuons à accumuler d'importants déficits au cours des prochaines années et que la dette continue de s'accumuler, alors que la dette nette... Même la mise à jour économique et financière laisse croire qu'elle pourrait augmenter à 60 % d'ici 2025, ce qui commence à devenir très... et c'est uniquement à l'échelon fédéral, on ne parle même pas de l'échelon provincial.
Bien entendu, vous avez mentionné notre dette des ménages et des entreprises en plus de tout cela, mais en laissant cela de côté pour l'instant, nous arriverons à un point où un pays très endetté pourrait découvrir tout à coup que les investisseurs internationaux s'inquiètent de détenir cette dette, ce qui pourrait entraîner une augmentation des écarts de taux et une hausse des taux d'intérêt beaucoup plus rapide que ce à quoi nous nous attendons.
Donc, oui, je pense que la menace existe et qu'elle se manifestera au cours des cinq prochaines années, surtout si nous répétons la période de 1976 à 1985, pendant laquelle nous avons connu de très importants déficits primaires et où non seulement nous n'avons couvert aucune charge d'intérêt, mais où nous n'avons pas couvert nos dépenses liées aux programmes. Ma plus grande crainte, c'est que nous nous retrouvions dans cette situation.
C'est vrai, et comme vous le savez, selon le vieux dicton, les intérêts composés sont le meilleur serviteur et le pire maître. Ils jouent en faveur du prêteur, mais ils peuvent jouer contre l'emprunteur.
Selon vous, est-il possible que les taux d'intérêt augmentent à moyen terme? Le cas échéant, le Canada se trouverait-il dans une sorte de crise de la dette?
Eh bien, je pense que nous devons aussi nous rappeler que nous accumulons très rapidement la dette, et que la base s'élargit. À l'heure actuelle, nous sommes à 1,2 billion de dollars. J'ai établi les prévisions pour 2025, en présumant que les 100 milliards de dollars en dépenses supplémentaires sont adoptés. Nous nous retrouverons alors avec une dette de 1,6 billion de dollars, ce qui n'inclut pas les autres dettes provinciales et ne tient pas compte du passif actuariel.
S'il y a une hausse des taux d'intérêt, en particulier sur cette base beaucoup plus importante... Disons qu'en moyenne, ils passeraient de 1,5 à 3 %. Ce serait donc le double, et nous avons plus que doublé la taille de la dette, ce qui signifie que nous avons quadruplé la taille de la dette. Soudainement, ces frais d'intérêts commencent à représenter une partie beaucoup plus importante du budget et à coûter beaucoup plus cher et au bout du compte, nous consacrons une plus grande partie de l'argent des contribuables au paiement des intérêts que nous le faisons en tentant de financer d'autres...
Très rapidement — parce qu'il ne me reste presque plus de temps —, est-ce que cela pourrait mener à une crise de la dette?
Je pense que oui, mais il ne faut pas non plus oublier qu'un autre mauvais événement pourrait survenir. De nombreuses personnes ont recours à ces modèles en présumant que rien d'autre n'arrivera après la COVID.
Exactement. Je me souviens avoir entendu un journaliste de la CBC me dire qu'il n'y aurait pas de récession, et que tous les experts s'entendaient là-dessus. C'était en décembre 2019. Évidemment, deux mois plus tard, nous frôlions la récession. Les événements imprévisibles arrivent.
En ce qui a trait à l'inégalité des richesses, nos amis du NPD parlent d'une taxe de 6 milliards de dollars sur la fortune, mais ils ignorent du même coup le gonflement subventionné des avoirs des personnes les plus riches par l'entremise du programme d'assouplissement quantitatif. La Banque du Canada imprime de l'argent et achète les biens des personnes très riches, ce qui gonfle leur prix et permet aux milliardaires de faire fortune, sans égard à l'industrie au sein de laquelle ils œuvrent, non pas en raison de leurs ventes, mais bien en raison de l'inflation de la valeur de leurs biens. Ce sont 400 milliards de dollars qui sont injectés dans les biens des personnes très riches.
Le NPD se préoccupe de ces 6 milliards de dollars. Très bien, mais je crois que nous dormons tous aux commandes alors que les personnes les plus riches du pays obtiennent la plus importante augmentation d'une fortune non gagnée que j'ai vue de ma vie. Je demanderais à M. Booth de nous éclairer au sujet de ce monstrueux transfert de richesse des travailleurs — dont le salaire perd de la valeur en raison de cet exercice d'impression d'argent — vers de riches propriétaires d'actifs dont les actions, les obligations et les biens immobiliers augmenteront de valeur.
Il est difficile de répondre à une telle question en une minute, monsieur Booth, mais M. Poilievre a largement dépassé son temps de parole.
Allez-y. Je suis désolé.
Je peux y arriver.
C'est exactement ce qui se passe et bon nombre des conversations que j'entends aujourd'hui, même si elles sont bien intentionnées, se centrent sur l'intérieur du système. Tout le monde veut obtenir quelque chose du système, alors que ce système contribue à l'inégalité générale et empire la situation. C'est le problème. Le système a besoin de l'inflation et de tous les assouplissements monétaires.
Dans un marché libre, les taux d'intérêt seraient beaucoup plus élevés. Le Canada ne pourrait pas s'en sortir. C'est pourquoi on imprime de l'argent: pour pouvoir réaliser cette expérience monétaire, qui creuse l'écart de richesse. C'est encore pire. C'est important. À l'heure actuelle, on pense à rétablir l'économie verte. C'est peut-être bien en partie, mais il faut creuser davantage.
Aujourd'hui, nous avons l'énergie solaire, qui est moins coûteuse et qui représente une source supplémentaire pour le marché, à un plus faible coût. Elle entraîne une baisse du prix du pétrole et de tout le reste. La seule façon de surmonter cela et de sortir nos économies de là est de manipuler l'argent davantage.
En d'autres termes, l'impression d'argent représente un problème plus grand pour le climat. Ce n'est pas l'enjeu environnemental auquel les gens pensent. C'est à l'intérieur du système. Malgré toutes les innovations qui entrent dans le système, il faut imprimer plus d'argent pour mettre fin à cela et pour maîtriser le système inflationniste.
Merci, monsieur Booth, de faire de votre mieux.
Mme Koutrakis et M. Fragiskatos se partageront les six prochaines minutes.
Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins.
Par souci de concision, je vais tenter de poser deux questions, à l'intention de M. Mintz.
Monsieur Mintz, à titre de pourcentage du PIB, les paiements d'intérêts présentent des taux historiquement bas, malgré le déficit attribuable à la COVID-19. Dans l'Énoncé économique de l'automne, la ministre des Finances a fait valoir que le gouvernement allait transférer une plus grande partie de la dette vers des obligations à long terme — jusqu'à 30 ans —, dont le rendement est inférieur à 2 %.
En même temps, le président de la Réserve fédérale, M. Powell, un républicain conservateur, demande au Congrès de présenter un autre plan de stimulation économique le plus tôt possible pour empêcher l'économie américaine de tomber au point mort.
Étant donné le très faible coût de l'emprunt et le fait que nous ne sommes pas encore sortis du bois, malgré l'arrivée des vaccins, et puisque nous avons perdu du potentiel de croissance, le gouvernement ne devrait-il pas profiter de l'occasion pour aider l'économie et faciliter le retour aux niveaux du plein emploi de 2019 le plus tôt possible?
Je vais vous répondre rapidement.
Je crois qu'il ne faut pas oublier... Il est vrai que les taux d'intérêt sont bas à l'heure actuelle. En fait, le terme de la structure de la dette du Canada était parmi les plus courts des pays avancés. Je crois qu'il est avantageux de faire une transition vers une structure à plus long terme, parce qu'elle réduit le montant pour lequel nous devons aller sur les marchés internationaux en vue d'obtenir un financement. À l'heure actuelle, 22 % de la dette est reporté chaque année.
Il ne faut pas non plus oublier les gouvernements provinciaux. Ils sont eux aussi importants. Je suis tout à fait d'accord avec vous: nous devons soutenir l'économie alors que nous passons à travers cette crise sanitaire. À mon avis, 2021 sera probablement une autre mauvaise année, parce que les vaccins prendront trop de temps à arriver, et qu'il faudra attendre à l'automne avant d'atteindre l'immunité collective.
Si c'est le cas, alors je crois que nous avons vraiment besoin d'aide, mais je crois qu'il faut une action mieux ciblée. Mon ami, Michael Smart, a publié un très bon article aujourd'hui pour rappeler aux gens que la subvention salariale du Canada, contrairement à celle du Royaume-Uni et à d'autres, n'est pas bien ciblée. Nous donnons de l'argent à des entreprises qui auraient gardé leurs employés de toute façon, ce qui coûte très cher. Nous pourrions améliorer les choses.
À mon avis, la PCU — et maintenant la PCRE — ne vise pas la bonne cible. Nous accordons le même montant aux travailleurs à temps partiel qu'aux travailleurs à temps plein. Je ne dis pas qu'il ne faut pas aider les gens, mais pas dans la mesure où le Canada — contrairement à tous les autres pays de l'OCDE, à part les États-Unis — l'a fait. La prestation a tellement rehaussé le revenu des ménages pendant la récession que les gens gagnaient plus qu'avant en moyenne: 11 % de plus selon les chiffres de l'OCDE, et 13 % après une mise à jour. C'est énorme. Il faut faire un peu plus attention.
Si nous n'avions pas offert ces programmes, est-ce qu'il ne coûterait pas plus cher... La relance ne serait-elle pas plus longue?
Si nous n'avions pas pris ces mesures, la relance économique ne serait-elle pas plus difficile?
Non, selon votre raisonnement, la demande entraîne la croissance.
Nous sommes face à un choc de l'offre. On peut lancer des tonnes d'argent, mais les gens ne dépensent pas. La consommation a diminué et l'épargne a grandement augmenté. C'est donc le contraire. Nous avons donc hypothéqué l'avenir par excès de zèle et nous avons exagéré. C'est là où je veux en venir... Je ne dis pas qu'il ne fallait pas dépenser, mais bien que nous avons trop dépensé.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Cross, vous avez écrit qu'il n'y avait pas de récession au féminin au Canada. En d'autres termes, selon vous, la pandémie n'a pas touché les femmes de façon disproportionnée. Est-ce exact?
Je fais référence à votre article paru dans le Financial Post.
Cela m'intrigue, parce que nous avons entendu le contraire, pas seulement aujourd'hui, mais dans le cadre des réunions précédentes également, de la part d'économistes de renom comme Armine Yalnizyan et de nombreux autres intervenants qui ont étudié la question.
Je suis un peu embêté, parce que dans l'article du Financial Post, vous utilisez des données qui couvrent une période prenant fin en août pour affirmer qu'il n'y a pas de récession au féminin. Vous utilisez un petit échantillon.
Mme Yalnizyan a écrit... et ce n'est pas mon travail de la défendre. Je veux simplement le dire aux fins du compte rendu et je veux m'assurer que les membres du Comité — moi y compris — disposent de renseignements exacts. Elle a réfuté ce que vous avez avancé, et a fait référence aux données du mois de septembre, qui sont les plus récentes données disponibles; je vais la citer.
Elle dit qu'au mois de septembre, plus de 350 000 emplois ont « disparu » en raison de la COVID-19, et que 85 % des emplois perdus étaient occupés par des femmes. En septembre, il y avait 12 000 hommes de plus dans la force de l'âge — de 25 à 54 ans — qui travaillaient qu'en février. Elle a aussi dit qu'en septembre, 54 000 hommes de plus ont intégré le marché du travail, tandis que 57 000 femmes l'ont quitté.
J'ai du mal à comprendre, monsieur Cross.
Monsieur Fragiskatos, je dois donner à M. Cross le temps de répondre, et je sais qu'il est difficile de mettre fin à votre intervention maintenant.
Voulez-vous répondre, monsieur Cross?
Oui. J'ai aussi réfuté ce qu'a dit Mme Yalnizyan dans le Financial Post. J'ai fait valoir qu'elle utilisait des données qui n'étaient pas désaisonnalisées. En utilisant des données désaisonnalisées, on constate que la perte d'emploi est égale pour les hommes et les femmes. Sinon, on obtient un rapport de 85:15. C'est ce qu'elle a utilisé. En gros, elle a utilisé...
Vous pouvez terminer, monsieur Cross. Ce n'est pas la première fois qu'il y a un différend en comité.
Allez-y, monsieur Cross.
Tout ce qu'a démontré Mme Yalnizyan, c'est que les hommes et les femmes présentent un schéma saisonnier différent en ce qui a trait à l'emploi. Les hommes perdent leur emploi en hiver parce qu'ils travaillent plus à l'extérieur; ils se sont donc mieux rétablis à l'été. C'est tout ce que démontrent ses données.
M. Falk n'a pas eu l'occasion d'intervenir. Je croyais qu'il pourrait utiliser les deux minutes et demie du temps de parole de M. Julian. Je crois que personne ne s'objectera si M. Falk prend la parole. Nous terminerons à 18 h 20.
Est-ce que cela vous convient, monsieur Julian?
Monsieur Falk, vous avez la parole. Je suis heureux que vous disposiez de ces deux minutes et demie pour intervenir.
Merci beaucoup, monsieur Easter.
Ma question s'adresse à M. Mintz.
Dans son exposé, M. Booth a parlé du danger de l'inflation et de ses effets disproportionnés sur les gens ayant un faible revenu. La Banque du Canada s'est engagée à maintenir le taux d'inflation à environ 2 %, en donnant des centaines de milliards de dollars supplémentaires au gouvernement, pour les sorties de fonds.
Vous avez parlé des dépenses inefficaces dans un article du Financial Post d'octobre. Pourriez-vous nous en parler un peu plus, et nous parler de l'incidence de cette énorme dette sur les gens qui se trouvent en bas de l'échelle économique?
Ce que j'ai essayé de dire plus tôt, c'est que je m'inquiétais de ces dépenses exagérées qui font augmenter la dette et qui peuvent bien sûr entraîner une hausse de l'inflation. Nous ne subissons pas de pressions inflationnistes à l'heure actuelle, et elles n'apparaîtront peut-être pas avant plusieurs années, mais elles pourraient se faire sentir.
Lorsque l'inflation augmente, la valeur du dollar diminue grandement, et c'est un autre problème. J'aimerais vous parler rapidement de l'une des situations les plus tristes que j'aie connues. Lorsque je travaillais pour la Banque mondiale, j'ai eu un mandat en Bulgarie. C'était tout juste après la dévaluation entraînée par d'importants déficits au cours de la période entourant 1998. C'était très triste de voir des gens très pauvres, qui avaient un revenu fixe et qui étaient pensionnés pour la plupart, souffrir alors que les prix avaient doublé en une année seulement.
C'est pourquoi les économistes disent souvent que l'inflation touche plus durement les gens qui ont un faible revenu ou un revenu fixe, parce qu'ils n'obtiennent pas de compensation en retour.
Je n'aime pas devoir précipiter les choses, comme nous l'avons fait aujourd'hui, mais c'est notre réalité, je suppose.
Je remercie tous les témoins d'avoir comparu devant nous et d'avoir répondu à nos questions. Comme je l'ai dit plus tôt, nous n'en sommes pas à nos premiers désaccords en comité. Ils nous permettent d'apprendre.
Sur ce, merci beaucoup. Le Comité se réunira à nouveau lundi soir.
La séance est levée.
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