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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je sais que, sur le plan technologique, l'interprétation entre le français et l'anglais peut poser un défi, je vais donc me limiter à faire ma présentation en français. Évidemment, je serai en mesure de répondre aux questions en anglais ou en français, s'il y en a.
Monsieur le président, chers membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, d'entrée de jeu, je voudrais tout simplement vous souligner que j'appuie les commentaires qui vous ont été adressés un peu plus tôt ce matin par mon collègue de la Colombie-Britannique, le chef régional Terry Teegee. Comme vous l'avez su ce matin, il partage avec moi la responsabilité du dossier de la justice au niveau national pour l'Assemblée des Premières Nations au Canada. Je me permets aussi de remercier la nation huronne-wendat, qui me reçoit aujourd'hui pour que je fasse cette présentation.
D'entrée de jeu, la discrimination systémique doit être considérée comme faisant partie du passé colonial du Canada. Les forces de l'ordre ont joué un rôle majeur dans le processus de colonisation. Par exemple, c'est la police qui a enlevé nos enfants pour les emmener de force dans les pensionnats. C'est la police qui a empêché nos peuples de participer à leurs cérémonies et de pratiquer leur spiritualité. Alors que d'autres considéraient la police comme un service destiné à assurer leur protection et leur sécurité, nos peuples la considéraient comme l'oppresseur, à tel point que, dans de nombreuses langues des Premières Nations, comme le disait mon collègue plus tôt ce matin, le mot « police » se traduit par « ceux qui nous enlèvent ».
Malgré les garanties constitutionnelles, et après plusieurs décisions de la Cour suprême, les droits constitutionnels et les droits issus de traités des Premières Nations continuent d'être violés en toute impunité. Bien que le racisme et la discrimination systémiques soient largement reconnus et documentés, certains préfèrent les considérer comme les problèmes des autres, niant le fait qu'ils sont ancrés dans le tissu même de la société canadienne. Le droit à la protection et à la sécurité est une chose que les autres citoyens peuvent considérer comme acquise. Cependant, nous, les peuples des Premières Nations vivant sur nos territoires, n'avons pas ces assurances. Il s'agit avant tout d'une question de droits de la personne, mais aussi d'une question de relations entre le système judiciaire, les policiers et nos peuples.
Pourquoi la question de la relation entre les peuples des Premières Nations au Canada et les forces de l'ordre est-elle si difficile à aborder? Les relations tendues entre les peuples des Premières Nations et la police ont fait l'objet de très nombreux reportages depuis les années 1960 et ont été documentées à maintes reprises. Depuis 1967, au moins 13 rapports ont examiné cette relation. Ils ont abordé toutes les facettes de la situation. Il existe d'innombrables rapports de recherche à s’être penchés sur la question. Dans tous les cas, la conclusion est la même: le Canada a échoué.
Ceux qui doutent encore que le système judiciaire ait échoué à l'égard de nos peuples voudront peut-être examiner de plus près notre réalité actuelle. De nombreuses études ont confirmé que les membres des Premières Nations sont plus susceptibles d'être détenus par la police à la suite d'une arrestation, le plus souvent sur la base de préjugés et de racisme. Ils sont également plus susceptibles d'être détenus pendant de longues périodes dans le cadre du processus de mise en liberté sous caution. Ils sont plus susceptibles d'être condamnés à une peine d'emprisonnement et, trop souvent, pour de longues périodes. Ils sont plus susceptibles d'être emprisonnés pour non-paiement d'amendes. Vous pouvez ajouter à ces faits déplorables que les membres des Premières Nations sont plus susceptibles d'être tués dans le cadre d'interventions policières.
Les femmes des Premières Nations ne sont pas exclues de ces statistiques. Un récent rapport publié sur le Service de police de la Ville de Montréal indique que les femmes des Premières Nations constituent un groupe cible, car elles ont 11 fois plus de chances d'être arrêtées que les femmes blanches. Comme l'indique le rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, il existe de nombreux témoignages d'abus policiers, de recours excessifs à la force, de mauvaise conduite et de profilage racial. Ces gestes, posés par des représentants de l'État responsables de la sécurité publique, sont incompatibles avec leurs fonctions d'agent de la paix et sont révélateurs de la présence d'un racisme systémique.
Aujourd'hui plus que jamais, l'État doit veiller à ce que la police protège le public et à ce que des mécanismes de protection du public soient mis en place. Au fil des ans, malgré de nombreuses tentatives pour remédier à la situation, l'État n'a pas réussi à adopter des mesures d'accommodement qui atténuent réellement les effets de l'imposition de la législation canadienne sur les peuples des Premières Nations.
Les problèmes de discrimination systémique à l'endroit des Premières Nations ne sont toujours pas traités d'une manière qui reflète l'urgence de la situation. La violence à l'encontre des Premières Nations continue de faire la une des journaux. Le temps de la rhétorique et de l'immobilisme politique est révolu; il est temps d'aborder les divers problèmes qui affligent les systèmes judiciaire et policier.
D'autres études ou enquêtes ne nous en diront pas davantage sur ce que nous savons déjà. Le Canada doit prendre des mesures immédiates, introduire un plan national et engager les provinces à reconnaître officiellement le racisme systémique. Ce plan d'action doit également engager tous les ordres de gouvernement afin d'éradiquer toutes les formes de racisme et de discrimination à l'égard des peuples des Premières Nations dans les institutions du pays, à commencer par les services de police.
La bonne voie à suivre est d'établir une stratégie et un plan d'action nationaux en matière de justice et de services policiers des Premières Nations. Nous avons besoin d'un processus d'engagement collaboratif pour élaborer conjointement une loi conçue pour mettre en oeuvre les réformes nécessaires du système de justice pénale et des services de police. Cette tâche est devant nous. Il s'agit d'une urgence nationale. Le racisme systémique dure depuis bien trop longtemps.
En terminant, j'aimerais également réitérer l'appui que je donne aux recommandations formulées par mon collègue le chef régional Terry Teegee ce matin devant vous.
Tshinashkumitin.
Je tiens tout d'abord à mentionner les deux territoires dans lesquels se déroule notre rencontre de cet après-midi : le territoire non cédé de Wikwemikong, qui regroupe les peuples ojibwa, odawa et potawatomi, et le territoire de la nation algonquine anishinabeg.
Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter au comité ces observations au nom d'Indigenous Police Chiefs of Ontario, un organisme qu'on appelle aussi IPCO. Je m'appelle Terry McCaffrey. Je suis chef de police du Wikwemikong Tribal Police Service et président d'IPCO.
Depuis le début de ma carrière de policier, il y a 24 ans, j'ai eu l'honneur de servir dans plus de 35 communautés des Premières Nations dans trois provinces — l'Alberta, le Manitoba et l'Ontario — dans le cadre du Programme des services de police des Premières Nations.
IPCO regroupe neuf services de police autogérés de l'Ontario, soit le service de police Mohawk d'Akwesasne, le service de police Anishinabek, le service de police du lac Seul, le service de police Nishnawbe-Aski, le service de police de Rama, le service de police Six Nations, le service de police du Traité no 3, le service de police UCCM Anishnaabe, et le service de police tribale de Wikwemikong.
L'organisme Indigenous Police Chiefs of Ontario a été constitué sous l'autorité de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif le 16 septembre 2019.
IPCO a pour vice-président Jerel Swamp, qui est chef du service de police de Rama, et pour secrétaire-trésorier Roland Morrison, chef du service de police Nishnawbe-Aski.
Les membres d'IPCO s'expriment d'une seule voix pour réclamer le traitement égal des services de police autochtones. Selon notre énoncé de mission, nos neuf services de police autochtones indépendants unissent leurs efforts afin de promouvoir l'équité dans les services policiers au sein de nos communautés et parmi nos membres; d'obtenir le statut de service essentiel; d'obtenir la parité totale avec les autres services de police de l'Ontario, notamment en ce qui touche le salaire, les avantages sociaux et les rentes; d'avoir un personnel complet et adéquat, qui répond de façon équitable à nos besoins particuliers; d'être reconnus comme les experts légitimes en matière de services de police autochtones; et d'avoir des services de police pleinement autonomes.
On note depuis plusieurs décennies un sous-financement chronique des services de police autogérés des Premières Nations en Ontario. Les agents des Premières Nations sont donc forcés de travailler dans des conditions que les agents travaillant ailleurs en Ontario, ou ailleurs au Canada, n'auraient jamais à endurer.
Les services de police autochtones ne sont assujettis à aucune loi sur les services de police. Nos communautés ne peuvent donc pas bénéficier de services soutenus par la primauté du droit. Le grave sous-financement des services de police autochtones pousse les services de police, les communautés et les dirigeants politiques à unir leurs voix pour demander aux gouvernements fédéral et provincial un financement juste et équitable afin que les services de police autochtones puissent fournir des services efficaces, efficients et responsables sur le plan culturel dans les communautés qu'ils servent. Nous sommes fiers d'avoir réussi, malgré toutes les embûches, à faire des progrès et à établir avec nos communautés des liens fondés sur l'autonomie et le respect de la culture.
IPCO s'est réjoui d'entendre le dire que les services de police autochtones devaient devenir un service essentiel, et reconnaître qu'on nous néglige depuis trop longtemps. Dans l'édition du Toronto Star du 23 juin 2020, qui citait les propos du ministre Blair sur la nécessité de faire des services de police autochtones un service essentiel, il était aussi question d'un rapport du Conseil des académies canadiennes. Selon ce rapport, en l'absence de services de police autochtones, de nombreuses communautés autochtones doivent vivre avec un modèle de police colonial qui fait fi des traditions culturelles autochtones et ne permet pas de créer les liens de confiance nécessaires.
Les services de police membres d'IPCO s'efforcent d'adapter leurs services aux valeurs de la communauté, au lieu de tenter de forcer les communautés à entrer dans le moule des valeurs policières conventionnelles. Nous sommes les experts en matière de services policiers adaptés à la culture.
Voici un exemple qui illustre parfaitement comment nos services de police s'adaptent aux valeurs de la communauté. Il porte sur la fermeture récente des territoires de Premières Nations et sur les mesures prises par la communauté dans le cadre de la pandémie de COVID. Au début mars, des dirigeants des Premières Nations envisageaient de fermer le territoire afin de protéger la santé et la sécurité des membres de la communauté. Les dirigeants politiques ont indiqué clairement aux services de police autochtones qu'ils voulaient s'appuyer non pas sur une délégation de pouvoirs en vertu de la Loi sur les Indiens, mais plutôt sur leurs droits inhérents, et ils ont demandé au service de police de faire respecter la fermeture du territoire.
Travaillant en consultation et en collaboration avec les dirigeants politiques, nos services de police autochtones ont contribué à l'élaboration d'un modèle de gouvernance qui s'appuyait sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et, pour l'application, sur des lois provinciales en vigueur telles que la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence et la Loi sur l'entrée sans autorisation.
Au début, ce modèle de gouvernance s'est heurté à une résistance. La solliciteure générale de l'Ontario, Mme Sylvia Jones, a recommandé à la communauté d'adopter des règlements en vertu de la Loi sur les Indiens pour imposer la fermeture des frontières, même si les règlements pris de cette façon ne s'accompagnent d'aucun mécanisme de poursuite ou de décision. Elle recommandait d'utiliser ces règlements comme un outil de sensibilisation. Ce scénario a été rejeté d'emblée par nos communautés. Les dirigeants voulaient un processus de gouvernance qui permettrait de faire respecter la fermeture des frontières et les mesures relatives à la COVID dans la communauté.
Les dirigeants politiques et IPCO ont envoyé une correspondance considérable au procureur général de l'Ontario et à la ministre Jones. Le 13 juillet 2020, le procureur général Downey nous a informés que le gouvernement provincial prenait très au sérieux « l'importance de faire en sorte que les mesures de protection d'urgence mises en place dans les communautés des Premières Nations pour garantir la sécurité et le bien-être de leurs membres pendant la pandémie soient mises en application de manière efficace et homogène ». La lettre ajoute que le gouvernement provincial intentera des poursuites en justice pour toutes les accusations relatives à la fermeture des frontières portées en vertu de la Loi sur la protection civile et la gestion des situations d'urgence et de la Loi sur l'entrée sans autorisation.
Je sais que certains aspects du modèle de police autochtone ne se transfèrent pas aux services policiers conventionnels. Je conviens aussi que le modèle de police autochtone n'est pas parfait. Cela dit, nous avons une chose qui manque parfois aux services policiers conventionnels, particulièrement dans les communautés racialisées et autochtones : la confiance de la population.
Comme les services de police conventionnels ciblent de façon excessive les Autochtones, les Noirs et les autres personnes marginalisées depuis des années, ces personnes ont appris à se méfier considérablement de la police. Nous avons pu le voir aux États-Unis, lors des manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd, ainsi qu'au Canada, où la police a été mêlée récemment à la mort d'un homme autochtone, M. Rodney Levi, et d'une femme autochtone, Mme Chantel Moore. Les communautés tiennent à ce que la police rende des comptes.
Pour leur part, les services de police autochtones sont tenus de rendre des comptes à leurs communautés, et ce, non seulement lorsqu'une tragédie survient. Nous sommes responsables de nos gestes chaque jour, puisque nos services doivent être adaptés à la culture des communautés autochtones que nous servons. Nous concevons nos services pour qu'ils soient adaptés à la culture, et nous formons nos agents pour qu'ils soient en mesure d'offrir des services de police adaptés à la culture. C'est une norme qui fait notre force.
Comme sir Robert Peel l'indique dans ses neuf principes sur le travail des policiers, si la police veut être en mesure de s'acquitter de ses fonctions, il faut que le public approuve ses actes; et plus les policiers ont recours à la force physique, plus la coopération du public diminue. Les services de police autochtones mettent ces principes en pratique.
Si IPCO a participé à ce processus aujourd'hui dans un esprit d'amitié et de réconciliation, malgré ses préoccupations à propos du financement inadéquat consacré aux services de police autochtones, c'est parce que nous sommes réellement convaincus qu'il y a, dans la collaboration avec la communauté et la façon dont les services de police autochtones adaptent leurs services à la culture, des modèles qui pourraient aider les services de police conventionnels du pays à regagner la confiance du public.
Je vous remercie de votre attention.
Merci. Kinanaskamitanow.
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Eh bien,
dä`nnch'e et bon après-midi, où que vous soyez.
Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette conversation très importante.
C'est avec plaisir que je vous parlerai de ma communauté, la Kwanlin Dün First Nation ou KDFN, et que je vous donnerai un aperçu de l'approche collaborative et communautaire que nous avons créée pour trouver des solutions aux préoccupations de la communauté concernant la sécurité.
Je ne suis pas ici aujourd'hui pour débattre de l'existence ou de l'inexistence du racisme systémique dans les services policiers. Bien qu'il soit moins répandu que par le passé, nous pouvons tous convenir, je crois, qu'il existe bel et bien et qu'il est présent dans de nombreuses communautés et institutions à l'heure actuelle.
Dans le contexte de la conversation qui se déroule actuellement à l'échelle mondiale, je tiens à dire, avant toute chose, que j'appuie ouvertement les personnes qui dénoncent le racisme systémique et que je reconnais ses conséquences néfastes sur la santé et le bien-être des personnes des Premières Nations et des autres personnes de couleur.
Cela dit, je vois une utilité à nos services de police actuels. Je ne soutiens pas les appels à une réduction du financement des services policiers, mais je considère qu'une réforme s'impose. Je suis certaine que notre propre service de police aurait besoin de ressources supplémentaires, étant donné l'augmentation du nombre de crimes dans notre région. La hausse des cas et le manque de ressources ont parfois des répercussions, notamment sur les appels jugés prioritaires et sur les délais d'intervention. Des citoyens ont signalé qu'il faut parfois attendre une heure ou plus avant qu'un agent arrive et que, dans certains cas, aucun agent ne vient même si on a appelé.
Voici un peu plus de contexte. Peu après mon élection, en 2014, la Kwanlin Dün First Nation a commencé à chercher des façons de régler les inquiétudes de la communauté concernant la sécurité. Le meurtre de deux personnes a marqué un moment décisif. Ces terribles tragédies nous ont poussés à changer les choses. Elles ont mis en lumière bon nombre des enjeux et des défis auxquels est confrontée une Première Nation urbaine.
Grâce à de nombreuses conversations avec nos concitoyens, nous avons appris qu'il y avait beaucoup d'entrées par effraction et de crimes violents. Des mères célibataires nous ont dit qu'elles gardaient un bâton de baseball à côté de leur lit pendant la nuit; des aînés nous ont dit qu'ils craignaient de sortir se promener, et des gens se sont dits préoccupés par la contrebande d'alcool et les piqueries. De toute évidence, notre communauté avait désespérément besoin de changement.
Il était aussi évident que les gens se méfiaient fortement de la police. Pour bien des gens, faire affaire avec la police rappelle les traumatismes causés par les pensionnats, la rafle des années 1960 et les déplacements forcés. Les répercussions intergénérationnelles demeurent aussi un enjeu. À cela s'ajoute la question des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées, qui n'est toujours pas réglée.
La voie à suivre a été établie au départ, à bien des égards, par la Commission de vérité et réconciliation et ses 94 recommandations, ainsi que nos accords définitifs et nos accords d'autonomie gouvernementale protégés par la Constitution.
Quand survient une crise, la première étape est toujours d'admettre qu'il y a un problème. Il faut montrer clairement qu'on est prêt à écouter et à participer aux discussions difficiles qui s'imposent. Il faut aussi être prêt à regarder de près son propre environnement. Pour pouvoir formuler des critiques, il faut être prêt à accepter ses propres lacunes. Pour notre part, nous avons choisi d'écouter, d'apprendre les uns des autres et de passer de la parole aux actes.
Nous savions dès le départ qu'il nous faudrait la participation de la communauté pour changer les choses, et que tout changement profond devait nécessairement venir de l'intérieur. Il nous fallait aussi renouer et retisser des liens avec nos partenaires communautaires. Nous avons donc préparé ensemble, avec l'aide de la communauté, un plan global sur la sécurité de la communauté.
Nous avons établi un groupe de travail regroupant des partenaires communautaires tels que la GRC, le service des règlements municipaux, l'unité Communautés et quartiers sûrs, le secteur Sécurité publique et enquêtes, et le Service correctionnel du Canada. Nous avons lancé un programme d'agents de sécurité communautaire, le programme ASC, en 2016.
C'est sur le programme d'agents de sécurité communautaire que je souhaite me concentrer aujourd'hui. Ce programme est conçu pour renforcer des liens. Fondé sur une étroite collaboration avec les forces policières, il permet de repérer rapidement les conflits et de les désamorcer, et il est adapté à la culture. Ce programme a été bien accueilli par nos concitoyens.
Je tiens à dire clairement que le programme des agents de sécurité communautaire ne vise pas à remplacer la police. Les quatre agents du programme n'ont pas pour tâche de faire respecter la loi. Ils aident simplement à désamorcer certaines situations. Ils sont aussi intervenus dans des situations qui auraient pu mal tourner, particulièrement pour des femmes qui étaient en danger.
C'est un excellent exemple de résolution non conflictuelle, une méthode dont la valeur a été reconnue non seulement par la communauté, mais aussi par la GRC, qui soutient ce programme qu'elle juge très utile. Le programme ASC permet aux agents de la GRC de se concentrer sur d'autres tâches, puisque les appels ont beaucoup diminué depuis le début du programme.
Bien que le financement demeure un enjeu, le programme bénéficie du plein soutien du gouvernement du Yukon, de la GRC et de nombreux autres partenaires communautaires. Nous avons tous appris à mieux nous connaître grâce à ce processus.
Les agents qui travaillent dans une communauté des Premières Nations doivent bien comprendre la dynamique de la communauté, sa culture, son histoire et ses traumatismes. C'est essentiel pour renforcer les liens entre les agents et la communauté.
Nous sommes résolus à poursuivre ce travail. Nous avons signé dernièrement, avec la GRC, un document d'importance historique qui définit une nouvelle relation. La lettre d'attentes crée des conditions propices à une relation de collaboration positive et prévoit, en ce qui concerne les services de police, des priorités, des objectifs et des stratégies qui répondent aux besoins de la Kwanlin Dün First Nation.
Il s'agit, au final, de choisir une voie axée sur des partenariats forts qui nous permettront d'arriver au genre de services de police dont notre communauté a besoin. Pour que les choses changent vraiment, le système de justice doit ouvrir la porte à des initiatives de sécurité communautaires comme la nôtre. Nous conviendrons tous, je crois, qu'ensemble, nous pouvons agir pour que les changements dont nous avons tant besoin deviennent réalité.
Sha¨`w nithän, gùnálchîsh, mahsi cho.
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Je vous remercie de votre question, qui est on ne peut plus pertinente.
Il y a effectivement un engagement. Nous sommes présentement à l'étape de l'engagement. La prochaine session se tiendra à l'automne. Évidemment, nous souhaitons que des travaux soient amorcés rapidement en préparation à cette session. Comme nous le savons tous, le temps est compté. Par conséquent, plus les choses se feront rapidement, plus on sera en mesure de déposer un projet législatif qui soit à la hauteur de nos attentes.
Nous avons eu l'occasion de corédiger un projet de loi, ce qui a été pour nous une expérience très concluante. Je parle ici du projet de loi , qui porte sur les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, c'est-à-dire des Autochtones. Évidemment, nous souhaiterions que les choses se fassent d'une manière semblable.
J'ajouterai que, depuis plusieurs années, la position voulant que nos services soient reconnus comme un service essentiel est souvent exprimée. Cela dit, en tant qu'exécutif national, nous avons voté récemment une résolution spécifiant que le financement devrait être accordé en fonction des besoins exprimés par les communautés, et non pas uniquement sur une base paritaire. Je pense que c'est une nuance extrêmement importante.
Bref, nous espérons qu'il sera possible, concrètement, de se mettre à la table rapidement et de commencer les travaux.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins qui participent à la séance d'aujourd'hui.
À la fin de mon intervention, je partagerai mon temps de parole avec Mme Damoff.
Le chef Picard a tout d'abord placé les services de police dans leur perspective historique. Par ailleurs, plusieurs témoins ont parlé des répercussions qu'ont ces services sur les peuples autochtones et, par conséquent, de la nécessité d'encourager davantage d'Autochtones à devenir policiers, en plus de souligner l'importance de l'autonomie en matière de services de police, un élément encore plus crucial.
Je souhaite adresser les questions que voici au chef McCaffrey et à la chef Bill. Si on pense à la confiance de la population envers les services de police, dans les communautés que vous servez, cette confiance est-elle plus grande, beaucoup plus grande, ou exceptionnellement plus grande que lorsque les services de police ne sont pas dirigés par des Autochtones?
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à prendre un instant pour dire combien je suis impressionné par le panel de témoins que nous entendons aujourd'hui. J'aimerais avoir 10 ou 15 minutes pour poser des questions à chacun d'entre vous mais, comme le président vient de l'annoncer, je dispose de trois minutes. J'entre donc rapidement dans le vif du sujet.
Ma première question s'adresse au président et chef McCaffrey. Votre allocution et votre parcours professionnel m'impressionnent beaucoup, chef McCaffrey.
Je prendrai une minute pour parler d'un conseil tribal de ma circonscription, dans le Nord de la Saskatchewan, qui a écrit dernièrement au parce qu'il souhaite créer un corps policier pour les 12 Premières Nations qu'il sert. Je parle ici du Grand conseil de Prince Albert.
À la lumière de votre vaste expérience et de vos vastes connaissances, quels sont les conseils, les cadres de référence, les premières étapes ou les pratiques exemplaires que vous pourriez proposer au Grand conseil pour l'établissement de son service de police?
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Je souhaite un bon après-midi aux membres du Comité. Je vous remercie de me permettre de venir témoigner.
Je m'appelle Jeffrey Schiffer, et je suis un Métis. Comme le président l'a dit, je suis actuellement le directeur exécutif des Native Child and Family Services de Toronto.
J'aimerais d'abord souligner que nous sommes réunis aujourd'hui en territoire algonquin, et que je proviens du territoire traditionnel des peuples wendat, haudenosaunee et anishinabe.
Je vous félicite d'avoir convoqué une série d'audiences afin de discuter du racisme systémique au sein des services de police. Il s'agit d'un problème qui remonte à la création même du Canada.
Comme vous le savez tous, notre nation a été fondée sur des traités. Le statut légal du Canada actuel en tant que nation provient des traités. Comme nombre de commissions, enquêtes et rapports d'envergure nationale l'ont indiqué, les signataires autochtones de ces traités avaient une compréhension très différente des répercussions de ces accords.
Au Canada, les services de police ont vu le jour en partie comme moyen d'appuyer et d'étendre la colonisation. La Police à cheval du Nord-Ouest, créée en 1873, a joué un rôle clé dans la gestion et le contrôle des peuples autochtones au fur et à mesure de la progression des colons européens. Elle a été un instrument essentiel de la relocalisation forcée des peuples autochtones dans des réserves créées par la Couronne et du retrait des enfants autochtones de leurs familles dans le but de les placer dans des pensionnats indiens. Depuis près de 150 ans, la police canadienne sert à imposer l'interprétation coloniale des traités originaux et à mettre en œuvre les lois canadiennes qui, parfois, ne correspondent pas à la vision de partage d'une nation promise à l'origine aux peuples autochtones.
Le Canada est maintenant à la croisée des chemins. Comme l'a déclaré la commissaire de la GRC Brenda Lucki, « le racisme systémique fait partie de toutes les institutions, la GRC y comprise. » Nos services de police national, provinciaux, territoriaux et municipaux demeurent encarcanés dans des idéologies coloniales et racistes qui ont teinté leur création il y a maintenant si longtemps. À preuve, les statistiques qui persistent à révéler que les Autochtones font plus souvent l'objet d'interrogatoires et d'enquêtes de la part de la police, qu'ils risquent davantage d'être victimes de violence et d'exploitation sexuelle, voire de mourir, lorsqu'ils sont entre les mains de la police, et qu'ils sont grandement surreprésentés dans le système de justice pénale.
À une époque de vérité et de réconciliation, ces problèmes deviennent plus criants au lieu de s'amenuiser. Par exemple, depuis avril 2010, la population autochtone dans les prisons a augmenté de près de 44 %, tandis que la population non autochtone a diminué de près de 14 % pendant la même période.
Des recherches indiquent que cette croisée des chemins sur laquelle nous nous trouvons aujourd'hui nous offre une occasion fugace d'une importance capitale. Le choc que nous vivons en ce moment en raison de la COVID-19 et des manifestations coordonnées mondiales contre le racisme systémique des services de police nous offre une occasion de changement unique.
Je crois qu'en tant que leaders, nous avons la responsabilité de veiller à ce que la sécurité publique et la sécurité nationale ne soient pas uniquement fondées sur des preuves, mais aussi empreintes de réconciliation, d'équité et de diversité. Nous devons nous demander ce que les données nous disent au sujet des réussites et des échecs des services de police. Quelles voies possibles en matière d'innovation pourraient nous mener à de meilleurs résultats pour les peuples autochtones partout au pays?
En mai dernier, Regis Korchinski-Paquet, une femme autochtone noire de 29 ans, est décédée après être tombée de son appartement, situé au 24e étage d'un immeuble, tandis que des policiers répondaient à un appel concernant une crise de santé mentale. En juin, Chantel Moore, une mère autochtone de 26 ans, a été abattue par la police pendant une vérification de son bien-être. Une semaine plus tard, Rodney Levi, un Autochtone de 48 ans ayant des antécédents de problèmes de santé mentale, a été tué par balle par la GRC qui répondait à un appel concernant un intrus dans une résidence.
Ces trois décès ne sont que des fragments d'un bien plus vaste tableau. Selon une étude publiée en juin, même si les Autochtones ne représentent qu'environ 5 % de la population, 38 des 100 dernières personnes tuées par la police au Canada étaient des Autochtones. Au cours de la décennie allant de 2007 à 2017, les Autochtones ont représenté plus du tiers des personnes abattues par balle par des agents de la GRC.
Ces preuves qui s'accumulent sont révélatrices. Elles nous indiquent que les policiers ont de la difficulté à gérer les vérifications de bien-être, les crises de santé mentale et divers autres types d'appels et d'interactions, en particulier lorsqu'ils concernent des Autochtones. Des études récentes ont révélé que les méthodes typiquement utilisées par les services de police pour répondre à ces situations sont inefficaces.
Dans une vaste étude regroupant des données provenant de plus de 700 établissements du secteur privé entre 1971 et 2002, des chercheurs ont enquêté sur les répercussions des initiatives des services de police en matière de formation, de promotion de l'inclusion et de création d'une responsabilité institutionnelle. Parmi ces trois stratégies, c'est la formation qui s'est révélée la moins efficace. Par ailleurs, même si ces trois stratégies avaient certains effets positifs lorsqu'elles étaient combinées, les chercheurs ont constaté que le racisme systémique de la police est motivé par un vaste ensemble d'éléments individuels, de groupe, institutionnels et sociaux.
En résumé, les services de police n'ont peut-être pas la capacité de résoudre eux-mêmes le racisme structurel. Le soutien du gouvernement et d'organismes communautaires sera essentiel si nous voulons que des changements positifs s'opèrent dans ce domaine.
De récents appels visant à réduire le financement de la police sont fondés sur des preuves selon lesquelles certains services actuellement assurés par la police peuvent être effectués plus efficacement et avec moins de ressources par des organismes communautaires. À mon avis, il s'agit moins de réduire le financement de la police que de repenser à la façon dont les ressources pourraient être réaffectées à des organismes communautaires afin qu'ils prennent en charge une partie des services liés à la sécurité communautaire, aux problèmes de santé mentale et aux services aux victimes pour les Autochtones et les communautés racialisées.
Avant de terminer, j'aimerais vous soumettre trois recommandations.
Premièrement, je recommande que le gouvernement fédéral travaille avec les provinces, les territoires, les municipalités et les communautés autochtones afin de réaffecter les fonds et les responsabilités en matière de services en santé mentale et d'aide aux victimes à des organismes autochtones. Deuxièmement, je recommande que des fonds soient spécifiquement alloués à l'intervention en santé mentale et aux services aux victimes pour les Autochtones. Le besoin est particulièrement pressant dans des centres urbains comme Toronto, où on constate une croissance rapide et importante de la population autochtone. Enfin, je recommande que le gouvernement fédéral crée un groupe de travail dirigé par des Autochtones afin de mieux examiner les besoins en matière de services en santé mentale et d'aide aux victimes pour les populations autochtones en milieu urbain qui augmentent rapidement.
Cela dit, j'aimerais remercier les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner ici aujourd'hui. J'ai hâte de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
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Comme on l'a déjà dit, je suis le professeur Akwasi Owusu-Bempah, de l'Université de Toronto.
J'aimerais moi aussi remercier le Comité de cette occasion de pouvoir m'exprimer devant vous aujourd'hui. Je remercie aussi le Dr Schiffer de ses commentaires.
Outre mes propres recherches sur les questions de races et de maintien de l'ordre, j'ai travaillé dans le domaine des politiques en matière d'opérations policières et, directement et indirectement, avec des services de police sur des dossiers liés à la race, au racisme et à l'équité. J'ai interviewé et sondé des membres du public sur leurs perceptions et leurs expériences à l'égard du racisme et du maintien de l'ordre, et effectué des recherches et des entrevues semblables auprès des populations les plus sujettes à l'attention de la police. J'ai aussi consacré beaucoup de temps à des recherches auprès d'agents racialisés et j’ai travaillé avec eux au sujet des situations auxquelles ils sont confrontés dans le cadre de leur travail. Aujourd'hui, mes commentaires reflèteront non seulement mes recherches académiques, mais aussi ces expériences professionnelles et pratiques.
Je crois qu'il est important, dans le contexte de la discussion d'aujourd'hui, d'aborder certaines définitions. On parle de racisme systémique. Je crois qu'il serait sage de faire la distinction entre le racisme structurel, le racisme systémique et le racisme institutionnel. Les trois sont pertinents dans le contexte canadien.
En ce qui me concerne, lorsque je songe au racisme systémique dans le contexte du maintien de l'ordre, je pense davantage au racisme structurel, qui décrit un système où les politiques, les pratiques institutionnelles, les représentations culturelles et d'autres normes fonctionnent de façons diverses qui, parfois, se renforcent mutuellement afin de perpétuer des inégalités raciales. La clé, ici, c'est que le racisme structurel tient compte du rôle que notre histoire et notre culture ont joué dans la création d'un système social qui privilégie ce qui est blanc par rapport à ce qui ne l'est pas. Plutôt que de se concentrer sur des pratiques institutionnelles individuelles, le racisme structurel considère le racisme comme faisant partie intégrante de nos systèmes sociaux, économiques et politiques.
Le racisme institutionnel renvoie à politiques et des pratiques institutionnelles qui, volontairement ou non, produisent des résultats qui favorisent ou défavorisent systématiquement certains groupes par rapport à d'autres.
On constate que le racisme structurel joue un rôle dans le maintien de l'ordre quand on examine pourquoi certains groupes raciaux ont plus souvent des contacts avec la police que d'autres simplement à cause de qui ils sont et où ils vivent. Dans divers secteurs de notre société, le racisme influence bien entendu la nature du travail des policiers. La plupart des gens s'attendraient à une présence policière accrue dans les secteurs où le taux de criminalité est plus élevé. Si les Noirs et les Autochtones souffrent de discrimination raciale dans les domaines de l'emploi et de l'éducation, ce qui augmente les niveaux de pauvreté et la probabilité qu'ils vivent dans des quartiers défavorisés où les taux de criminalité et de violence sont plus élevés, il est logique de penser que ces personnes seront plus souvent confrontées à une présence policière et, par conséquent, qu'ils seront plus à risque de subir des contrôles et de fouilles, d'être arrêtés, brutalisés, etc.
On considère par exemple que le racisme structurel joue un rôle dans les arrestations pour infractions mineures liées à la drogue. Des données provenant du Canada et d'autres pays indiquent que les membres de différents groupes raciaux consomment de la drogue à des rythmes relativement semblables, mais on constate pourtant des différences marquées dans le nombre d'arrestations pour possession de drogue en fonction de la race. Même si on peut probablement attribuer ces différences au comportement des policiers et aux politiques et pratiques institutionnelles, la présence policière accrue dans la vie des Noirs et des Autochtones y est aussi pour beaucoup. On peut trouver tellement de solutions à l'extérieur du monde du maintien de l'ordre.
Je crois que le gouvernement devrait donner suite à la demande de l’Association canadienne des chefs de police de d'abord décriminaliser les autres substances, puis de les légaliser et les réglementer. Ainsi, la police n'aurait plus à s'occuper de ces problèmes mineurs.
Selon moi, un exemple de racisme institutionnel dans le maintien de l'ordre consiste à privilégier les approches orientées vers l'application de la loi au détriment des efforts d'interaction communautaire au moment des évaluations de rendement et de l'attribution des promotions. Si les policiers sont évalués en fonction du nombre d'arrestations qu'ils effectuent plutôt que sur l'importance des liens qu'ils tissent dans la communauté, ils auront davantage tendance à effectuer des arrestations, justifiées ou non, plutôt que de participer à d'autres activités qui pourraient favoriser la sécurité publique. L'accent mis sur le nombre d'arrestations aura probablement comme conséquence que les policiers adopteront la facilité, ce qui signifie souvent des arrestations pour des infractions mineures dans des quartiers où la criminalité est plus élevée. Ici encore, les différences raciales dans les types de logements et une plus grande présence de certains groupes raciaux parmi la population pauvre, sans parler des stéréotypes raciaux dans notre société se combineront pour créer des disparités raciales.
Bien entendu, il y a un chevauchement entre le racisme structurel-systémique et le racisme institutionnel. Nul doute que j'ai dû semer la confusion dans l'esprit de certains d'entre vous depuis que j'ai commencé à parler. Je serai heureux de répondre à vos questions plus tard.
Je crois qu'il est important de reconnaître qu'un nombre considérable de Canadiens croit que le racisme est endémique dans les services de police du pays. Mon collègue Scot Wortley et moi venons tout juste de terminer la troisième d'une série d'études portant sur les différentes perceptions de la police selon les races dans la région du Grand Toronto. Nous avons constaté qu'entre 60 % et 80 % des personnes de race noire, de race blanche et d'origine asiatique de cette région croient que la police fait preuve de discrimination. Je sais que d'autres études semblables ont été menées partout au pays et ont obtenu des résultats similaires, mais peut-être pas aussi extrêmes.
Mes propres travaux indiquent que ces perceptions négatives proviennent d'expériences personnelles et indirectes. Mes propres travaux démontrent que les personnes de race noire, plus que celles de race blanche, estiment qu'elles ont été maltraitées par la police lors de leur dernière rencontre avec celle-ci, que la police leur a manqué de respect et qu'elle n'agissait pas de manière juste en matière de procédure.
On sait aussi que le traitement des personnes après les interpellations présente des différences. Une recherche menée récemment par ma collègue Kanika Samuels-Wortley de l'Université Carleton révèle des écarts dans les décisions relevant du pouvoir discrétionnaire des policiers, plus précisément au sujet de la proportion de jeunes racialisés à qui on offre un programme de déjudiciarisation. Nous notons que ce type de programmes est offert davantage aux jeunes Blancs par rapport aux jeunes Noirs et Autochtones.
Je ne parlerai pas en détail de l'usage de la force par la police parce que le sujet a déjà été couvert. Je souligne toutefois que, par exemple à Toronto, les Noirs vivent une situation semblable à celle des Autochtones: ils sont non seulement beaucoup plus susceptibles d'être la cible de l'usage de la force par la police, mais ils subissent également une force accrue. Par exemple, dans les cas de fusillades, il y a beaucoup plus de tirs de la part de la police si l'individu n'est pas blanc, et le seuil d'utilisation de ce type de force est inférieur.
Je dirais, ou je ferais valoir, que nous avons besoin d'une base de données nationale pour recenser les cas d'usage de la force par la police. En ce moment, nous ne connaissons pas dans quelle mesure la police a recours à la force parce que ces données ne sont pas systématiquement recueillies par nos services de police. Par conséquent, le gouvernement, les décideurs et les chercheurs comme moi n'y ont pas accès.
Il est important de tenir compte de l'expérience des agents racialisés. Partout au pays, de nombreux services de police ont déployé de grands efforts pour accroître la diversité de leurs effectifs. Par diversité, j'entends les différences dans l'apparence des agents. Malheureusement, selon mes propres recherches, les agents racialisés n'ont pas l'impression d'être inclus dans la sous-culture policière ni de faire partie de la fraternité des policiers, et j'utilise le mot « fraternité » sciemment. On ne leur attribue pas certaines tâches et assignations à des secteurs, et ils sont souvent écartés lors d'une promotion.
Il est impossible de mener un examen complet des répercussions du racisme individuel, institutionnel et systémique ou structurel sur les services de police canadiens sans avoir accès à leurs données désagrégées selon la race. Ces données ne doivent pas se limiter à des indicateurs clés, comme les interpellations et les fouilles ou les arrestations. Elles doivent aussi inclure de l'information sur les résultats de l'activité policière.
Nous avons besoin de connaître les taux d'interception à la suite des interpellations et le nombre d'accusations qui sont abandonnées par la Couronne. Nous devons en savoir plus sur l'expérience des agents racialisés. Je félicite l'Association canadienne des chefs de police et Statistique Canada qui ont annoncé qu'ils allaient colliger des données sur les activités policières en fonction de la race. Il faut toutefois que les données soient exhaustives. Si elles sont fragmentaires, elles seront facilement récupérées pour stigmatiser encore plus des groupes et pourraient mener à la création de politiques qui accentueront la marginalisation.
Merci.
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Je remercie le comité de l'invitation à témoigner. J'aimerais aussi remercier le greffier et son équipe de tout le travail de préparation. Je leur en suis reconnaissant.
Je suis membre de la Première Nation de Beaver Lake sur le territoire du Traité no 6, et je tiens à souligner que je m'y trouve en ce moment. Hier, un prêtre et un aîné m'ont rappelé que, lorsque je participe à des réunions sur Zoom, je devrais reconnaître que nous nous trouvons dans l'espace du Créateur, ce que je viens de faire.
Je suis le président des Associations nationales intéressées à la justice criminelle et, depuis lundi, l'ancien président du Family Violence Death Review Committee, en Alberta. J'ai travaillé en Australie à la mise en œuvre d'une partie des recommandations de l'enquête Wood. En fait, la GRC a soutenu le gouvernement de l'Australie dans le cadre de cette enquête. J'ai participé activement à la mobilisation communautaire lorsque j'ai travaillé pour le premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud. En ce moment, j'ai aussi le rôle de facilitateur du dialogue avec les chefs de l'Alberta. La semaine dernière, nous avons tenu une rencontre avec notre ministre provincial de la Justice et quatre ministres fédéraux, y compris le et une de ses collègues, Mme Damoff.
J'aborderai un certain nombre de sujets en m'appuyant sur l'ensemble de mon expérience. Je tenterai d'être le plus bref possible. Au lieu de lire mes notes, je vais souligner quelques points essentiels.
Je vais d'abord parler de l'usage de la force. Comme un grand nombre d'enquêtes et de plaintes contre la police sont passées par mon bureau, j'aimerais parler du Code criminel. L'article 25 permet aux forces de l'ordre d'employer la force dans le cadre de leurs fonctions, et l'article 26 criminalise le fait pour les policiers d'utiliser une force excessive. Cependant, la définition de ce qu'est le recours à une force raisonnable est très vague. Pour cette raison, les forces policières provinciales et municipales ont leur propre cadre juridique. Il n'y a donc pas d'uniformité à l'échelle du pays, ce qui crée un défi.
Il faut passer en revue les diverses définitions du « recours à une force raisonnable » et créer une norme fédérale qui sera incorporée non seulement au Code criminel, mais également à la loi sur la police nationale. Il est important d'avoir une définition claire pour bien comprendre en quoi consiste l'usage de la force. Une telle norme doit être créée avec l'apport des civils, des femmes, des Premières Nations, des Inuits, des Métis et des nombreuses autres minorités du pays. Ces consultations sont très importantes.
La police peut examiner les enregistrements et déterminer qu'une force raisonnable a été utilisée. L'arrestation musclée du chef Allan Adam en est un bon exemple. Selon les policiers, une force raisonnable a été utilisée dans ce cas alors que la plupart des Albertains et des Canadiens ont déploré le recours à une force qu'ils qualifient d'excessive. Les policiers et les civils doivent s'entendre sur la définition de « raisonnable ».
L'examen des incidents devrait suivre un processus indépendant. Les services de police fédéraux, provinciaux et municipaux ont besoin d'un organisme plus indépendant qui examine les plaintes et qui rend des comptes au gouvernement fédéral, aux gouvernements provinciaux et aux administrations municipales. Historiquement, et encore aujourd'hui, le travail de la commission de traitement des plaintes relatives à la GRC n'a pas changé de façon marquée l'expérience des Autochtones par rapport aux services de police au pays. La commission doit être plus inclusive, plus accessible et plus transparente. Elle doit avoir la capacité d'imposer des sanctions dans certains cas.
Les examens doivent également être accessibles. Les processus actuels sont compliqués, et il est difficile de s'y retrouver pour de nombreux Canadiens. Tous les Canadiens doivent pouvoir comprendre le processus de traitement des plaintes et y avoir accès. Leurs plaintes doivent être reçues et traitées avec respect.
Par ailleurs, les examens devraient permettre la participation pleine et active des Autochtones tout au long du processus indépendant. Ainsi, il faudrait inclure des dirigeants autochtones dans l'équipe ou la commission, nommer des experts autochtones à des postes décisionnels et embaucher des enquêteurs autochtones.
L'organisme d'examen doit compter des Autochtones, des non-Autochtones et d'autres minorités, en plus d'autres Canadiens, qui ont une vaste expertise en matière de forces policières et de justice sociale. Par souci de transparence, le processus d'examen indépendant doit être détaillé et accessible aux Canadiens, à quelques exceptions près. Ces exceptions doivent être mieux définies.
Il doit y avoir des conséquences claires. Les conséquences de l'utilisation d'une force excessive, des cas de racisme et des abus de pouvoir doivent être importantes et transparentes pour le public. Les organismes d'enquête doivent être en mesure de recommander des sanctions dans certains cas et avoir le pouvoir d'en imposer.
En ce qui concerne les services de police des Premières Nations, je vais parler de mon interaction avec les chefs et les ministres provinciaux et fédéraux ainsi que du suivi récent auprès des chefs. Les services de police autogérés des Premières Nations doivent recevoir un financement plus équitable et plus régulier. Ces services doivent être reconnus comme essentiels, tout comme les autres forces policières, dans les lois fédérales et provinciales.
Pour établir ce financement, il faut négocier une entente avec les Premières Nations qui reconnaît leur droit de veiller au maintien de l'ordre dans leur collectivité ou encore négocier la prestation des services de police par la GRC ou des autorités provinciales.
De plus, les chefs de la région de l'Alberta ont demandé de participer directement, au moyen de négociations, à l'élaboration de toutes les politiques et les lois qui touchent les services de police des Premières Nations ou la réforme de la justice pénale.
Je voudrais dire un mot sur la nation de Siksika, qui compte environ 8 000 personnes. Le hameau à côté de Siksika a une population d'un peu plus de 200 personnes. Le détachement de police est situé dans ce hameau de 200 personnes. Il compte 20 agents.
Ces 20 agents fournissent des services de police — des services très limités, mais tout de même présents — à la Première Nation de Siksika. Tout le monde se pose la même question: pourquoi le détachement n'est-il pas situé dans la réserve pour servir la population la plus importante de la région? Ce n'est là qu'un exemple des nombreux défis par rapport aux services de police situés à l'extérieur des collectivités.
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Bien sûr, avec plaisir. Merci.
Il y a quelques années, j'étais à la tête du bureau de l'autochtonisation de l'institut de justice de la Colombie-Britannique, qui est responsable de la formation de tous les agents de police municipaux de cette province. Pendant mon mandat là-bas, j'ai eu l'occasion de soutenir l'élaboration du programme d'agents de sécurité communautaire de la Première Nation des Kwanlin Dün. Ce programme a été très médiatisé, en plus d'être accueilli très favorablement par la communauté. Il n'est pas seulement question d'une forte diminution du nombre d'appels à la police. Le programme permet d'établir des relations positives et prévoit la participation à une grande partie des activités culturelles dont j'ai parlé.
Ces agents ne sont pas des agents de police. Ce sont des agents de sécurité communautaire. Cependant, au moment d'élaborer le programme, nous nous sommes posé la question: « Quels sont les besoins de la communauté? » Nous sommes parvenus à la réponse suivante: « Nous savons que cette communauté est aux prises avec des problèmes de santé mentale. Nous savons que ces situations doivent être désamorcées avec des moyens particuliers. » Quand je pense aux 7 000 personnes uniques que nous soutenons chaque année dans la ville de Toronto, au Native Child and Family Services of Toronto, je sais qu'un grand nombre d'entre elles ont vécu des expériences très négatives avec les services de police.
Plus tôt dans mon exposé, j'ai parlé d'une étude qui a été menée aux États-Unis. Elle révèle qu'on y investit environ 8 milliards de dollars par année dans la formation des agents de police et que rien n'indique que cette formation a modifié leurs comportements. La formation à elle seule n'est pas suffisante. Elle doit être accompagnée d'une série de changements structurels.
À Native Child, nous travaillons sur un projet pilote, en collaboration avec la communauté et les partenaires de la région. Nous voulons déterminer ce qui se passerait si des agents de sécurité spécialisés dans les services aux victimes et la santé mentale devenaient les premiers répondants et pouvaient ainsi prendre en charge et désamorcer certaines des situations qui tournent mal lorsque la police s'en mêle. Nous sommes conscients que les services de police devront parfois intervenir. Je pense toutefois que nous pourrions enlever certains cas de la charge de travail du Service de police de Toronto. De plus, grâce à cette approche, les agents de police auraient la possibilité d'effectuer plus de tâches critiques parce qu'ils manquent souvent de temps pour le faire.
À mon avis, on soutient les agents de police en leur permettant de se concentrer sur les choses qu'ils font bien tout en laissant de la place aux solutions communautaires qui produisent de meilleurs résultats.
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Je pense qu'il y a une distinction importante entre un possible racisme institutionnel et un racisme structurel évident. Nous pouvons considérer le racisme structurel comme une forme de racisme systémique, mais il existe divers types d'inégalités dans notre société, comme je l'ai dit au début, qui produisent des résultats disparates en fonction de la race dans les services de police.
Comme je l'ai mentionné, la discrimination dans les domaines de l'éducation et de l'emploi crée un environnement où les interventions des policiers, même si ces derniers se comportent de manière impartiale, sont susceptibles d'avoir des répercussions différentes selon la race. Étant donné que les policiers sont des agents de l'État, je pense que ce fait doit être pris en considération dans le cadre de vos travaux.
Est-il juste qu'une personne, uniquement à cause de l'endroit où elle vit et du fait qu'elle est pauvre, est plus susceptible d'être criminalisée pour ses actes que ses pairs plus privilégiés?
Je pense que vous devriez examiner les politiques et les pratiques institutionnelles des services de police qui, à première vue, peuvent sembler neutres sur le plan racial, mais qui produisent aussi des résultats disparates en fonction de la race. Je pense notamment aux contrôles de routine. Puis, surtout, comme je l'ai mentionné au début de mon discours, il existe des politiques qui utilisent les contrôles de routine ou même des arrestations comme des mesures de rendement, ainsi que des outils qui permettent d'évaluer les facteurs de risque afin de déterminer si une personne devrait être libérée, par exemple la possession ou non d'un domicile fixe.
Il y a diverses pratiques institutionnelles au sein des services de police et divers phénomènes sociétaux auxquels ces derniers doivent s'attaquer qui produisent des résultats disparates en fonction de la race. Je pense que vous devez aussi vous pencher sur ces phénomènes sociétaux dans le cadre de vos travaux parce que si on met seulement l'accent sur ce que la police fait, sans tenir compte de ce qui se passe dans la société où elle travaille, les Noirs et les Autochtones continueront d'être victimes en grand nombre d'usage de la force et d'actes de violence. Ces deux choses sont le résultat de pratiques institutionnelles, mais aussi de pratiques sociétales.
C'est pourquoi M. Schiffer parlait de retirer certaines tâches aux policiers. En effet, plus nous pouvons diminuer la présence de la police dans la vie des personnes marginalisées quand son intervention n'est pas nécessaire, plus cela diminuera le risque de conséquences négatives.
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Il s'agit là d'une excellente question, et j'aimerais savoir ce qu'en pensent certains des autres intervenants.
À mon avis, nous ne serions pas forcément en mesure de nous servir d'un modèle élaboré dans un autre pays. Nous devrions plutôt adopter des éléments de pratique de services de police donnés, par exemple. Nous avons entendu parler des agents de soutien communautaire qui, essentiellement,...[Difficultés techniques], ... sur la côte Ouest, mais qu'on trouve aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le recours à ces agents s'est révélé très prometteur, et il a entraîné une réduction de l'usage de la force. En fait, quand des personnes en semi-uniforme et non armées effectuent des patrouilles, cela a des effets dissuasifs. Il s'agit donc d'une bonne pratique.
Le service de police de Las Vegas, par exemple, a établi une politique il y a plusieurs années qui oblige ses agents, dans la mesure du possible, à ne pas recourir à la force lors de poursuites parce que nous savons que si leur système nerveux sympathique est activé et qu'ils ressentent une montée d'adrénaline, ils seraient plus susceptibles d'utiliser davantage de force. Les agents de Las Vegas suivent aussi une centaine d'heures de formation sur la désescalade.
Il existe des modèles et des pratiques exemplaires mais, comme je l'ai dit, je ne crois pas qu'il y ait un seul pays dont nous pourrions nous inspirer. Nous devons plutôt adopter des pratiques exemplaires de différents pays.
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Je vous remercie, monsieur le président. Je crois que Gary Anandasangaree sera le prochain intervenant.
Je tiens à dire, comme d'autres l'ont fait, que tous les témoins ont donné des témoignages très convaincants. Je les remercie de leur présence et de leurs témoignages.
Professeur Owusu-Bempah, je veux vous parler un peu plus des données sur la race. Nous savons que la collecte de telles données au sein des services de police pourrait être extrêmement utile pour améliorer la reddition de comptes envers le public et éclairer les politiques et les pratiques policières, notamment en ce qui concerne le recours à la force.
Statistique Canada a récemment annoncé qu’il allait commencer à recueillir des données sur la race des victimes d’actes criminels et des personnes accusées d’actes criminels. Je suis fière de représenter la circonscription de Brampton-Ouest, l'une des circonscriptions les plus diversifiées du Canada, qui compte la plus grande communauté racialisée du pays. En tant que députée d'une telle circonscription, j'ai certainement entendu parler de l'importance de recueillir des données sur la race. J'aimerais que vous expliquiez un peu plus pourquoi c'est si important.
Pourriez-vous aussi parler un peu plus des facteurs dont il faut tenir compte lors de la collecte des données et de leur utilisation, ainsi que des préoccupations relatives à la vie privée ou des moyens de garantir que ces données ne sont pas utilisées pour ternir davantage la réputation de la communauté ou renforcer des stéréotypes racistes? Vous y avez fait allusion plus tôt. Il serait très utile pour la communauté si vous pouviez peut-être nous dire comment concilier ces choses et quelles mesures supplémentaires il faudrait prendre à la GRC en ce qui a trait à la collecte de données sur la race.
Merci.
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Je vous remercie de votre question.
Dans l'ensemble, je comprends que la collecte de données sur la race a comme avantage, d'abord et avant tout, de nous permettre d'avoir une meilleure idée des expériences que les différents groupes raciaux ont avec les services de police. Ces données pourraient être utiles pour déceler les disparités raciales dans les résultats des activités policières, ce qui ne suppose pas forcément qu'il y ait de la discrimination. Comme je l'ai dit, il y a divers facteurs au sein de la société qui augmentent les probabilités que les membres de certains groupes raciaux entrent en contact avec la police et commettent des crimes.
Comme je l'ai mentionné, il pourrait également être utile de cerner les domaines de discrimination, par exemple les enjeux relatifs aux contacts avec les services de protection de l’enfance. Selon des études de la Colombie-Britannique, les enfants ayant affaire aux services de protection de l’enfance sont plus susceptibles d'avoir des démêlés avec la justice que d'obtenir leur diplôme d'études secondaires. Nous pouvons commencer à établir un lien entre les expériences vécues dans les institutions sociales. Au lieu de simplement considérer la police comme un problème, nous pourrions d'abord trouver des solutions de rechange qui permettront d'éviter l'intervention policière.
Tel que je l'ai indiqué, nous pouvons également déterminer les possibilités de discrimination dans les résultats des services de police. Une partie de ce que nous avons vu s'applique aux interpellations ainsi qu'aux arrestations. Il semble que, aux États-Unis, le seuil d'interpellation à l'égard des Afro-Américains est inférieur à celui des Blancs, tout comme le seuil d'arrestation. Quand on examine le « taux d'interception » des marchandises de contrebande, des armes ou des drogues, on constate qu'il est inférieur chez les Noirs que chez les Blancs parce que, comme je l'ai dit, la police utilise un seuil moins élevé pour les Noirs. C'est ce qu'on doit vérifier quand on examine les pratiques de la police, de même que les arrestations qu'elle effectue.
Par exemple, si nous constatons que, pour toutes les 10 personnes arrêtées, 8 personnes blanches subissent un procès, mais seulement 2 personnes noires et que la Couronne a décidé d'abandonner les accusations contre 6 des personnes noires, on pourrait commencer à se demander si ces accusations auraient dû être portées au départ, si la Couronne estime qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve. Voilà le genre de mesures que nous pouvons commencer à prendre.
Comme je l'ai dit, les données que nous consultons doivent être exhaustives afin que nous n'examinions pas uniquement les taux d'arrestation et de perquisition. Comment...
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Eh bien, je pense à certaines choses. En Alberta, j'ai observé des véritables changements: les municipalités, les Premières Nations et les Métis ont noué un dialogue constructif sur la sécurité des communautés et la criminalité en milieu rural, en plus de collaborer sur certaines questions relatives à la prestation de services en santé mentale et en toxicomanie. Cela faisait longtemps que des changements n'avaient pas été effectués. Au cours des dernières années, c'est surtout la Fédération canadienne des municipalités qui les a apportés.
Sur la scène municipale, nous avons de véritables défis à relever. Je vais utiliser la ville d'Edmonton comme exemple. Nous avons donné à 1 400 agents de la police municipale une formation sur les traumatismes historiques et intergénérationnels. Nous avons vu de vrais changements. Pas plus tard qu'hier, des hauts fonctionnaires de la police sont venus à mon bureau pour discuter des contrôles d’identité. De plus, on a observé un renforcement de la mobilisation communautaire au sein de la police municipale.
Ce qui nous pose réellement problème, c'est quand il y a des cas d'abus de la part des policiers. Il y en a eu un autre hier à Edmonton. Cela détruit tous les progrès qui ont été réalisés. D'autres intervenants en ont parlé plus tôt. Nous pensons que la mobilisation communautaire à d'autres niveaux est très importante. Par exemple, les membres des communautés devraient aborder ensemble les problèmes de santé mentale, au lieu de réclamer l'intervention des policiers dans de telles situations.
En tant qu'ancien président du Family Violence Death Review Committee, j'ai été témoin de bon nombre de ces défis. Quand des experts en violence familiale intervenaient, il y avait moins d'accusations, moins d'arrestations et moins d'accusations d'abus. En fait, nous avons constaté qu'il y a moins de morts lorsque des experts plus compétents en la matière que la police interviennent. Il est important de le reconnaître.
Puis, il y a le Programme de formation des précadets autochtones, qui a été mis en place par quelques agents de la GRC en collaboration avec les plus grandes Premières Nations du Canada, les Premières Nations Hobbema, qui incluent quatre bandes. Le programme a été élargi dans les petits centres, et on le considère maintenant comme une stratégie urbaine dans le cadre de laquelle des minorités sont embauchées pour travailler avec des policiers sur ce programme. Voilà une véritable mobilisation communautaire.
Je pense...