Je vous souhaite la bienvenue à la 26e séance du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Conformément à l’ordre de renvoi du 26 mai 2020, le Comité poursuit sa séance d’information sur la réponse canadienne à la pandémie de COVID-19.
Afin d’assurer le bon déroulement de la réunion, j’aimerais vous exposer quelques règles à suivre.
L’interprétation dans le cadre de cette vidéoconférence fonctionnera pratiquement de la même manière qu’à une réunion régulière du Comité. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l’anglais ou le français. Lorsque vous parlez, si vous avez l’intention de passer d’une langue à l’autre, vous devrez chaque fois changer le canal d’interprétation pour choisir celui qui correspond à la langue que vous employez. Vous voudrez peut-être faire une courte pause chaque fois que vous changez de langue. Avant de prendre la parole, veuillez attendre d’être nommé par le président ou, pendant la période des questions, par le député qui pose la question.
Quand vous serez prêt à intervenir, vous pouvez cliquer sur l’icône du microphone pour activer votre micro. Je tiens à vous rappeler que les députés et les témoins doivent toujours adresser leurs observations à la présidence. Lorsque vous ne parlez pas, assurez-vous que votre micro est désactivé.
J’aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
Nous accueillons la Dre Joanne Liu, médecin et ancienne présidente internationale de Médecins Sans Frontières, qui témoigne à titre personnel. Nous recevons également le président de l’Association canadienne des radiologistes, le Dr Michael Barry, et son vice-président, le Dr Gilles Soulez. Enfin, nous accueillons Arden Krystal, présidente-directrice générale du Southlake Regional Health Centre.
Nous allons commencer par les exposés de nos témoins.
Docteure Liu, nous vous écoutons. Vous avez 10 minutes.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent.
Mon intervention se limitera à mon domaine d’expertise, qui est, en gros, la lutte contre les épidémies et les pandémies régionales à petite et à grande échelle. Ce faisant, je m’appuierai sur mon expérience à titre de travailleuse humanitaire, ainsi que sur ma formation en tant que titulaire d’une maîtrise en éducation et en gestion de la santé. Cela fera bientôt 100 jours que la pandémie a éclaté et, malheureusement, le Québec a franchi le cap des 5 000 décès causés par la COVID-19.
Je tiens à rappeler à tous que nous n’avons toujours pas de vaccin ni de traitement précis et que nous ne savons toujours pas grand-chose de l’immunité que les gens acquièrent après avoir contracté l’infection. Par conséquent, la meilleure façon d’y réagir consiste à prendre des mesures d’atténuation — c’est là notre meilleur allié. Mon exposé portera donc sur la prévention de ce qui peut être évité.
Nous avons absolument le devoir de tirer les leçons qui s’imposent après ces 100 jours. Je pense qu’il faut également comprendre que toute réponse entraîne des coûts, mais que, malgré cela, compte tenu de la récurrence des pandémies au cours des 15 dernières années — le SRAS en 2003, la grippe porcine en 2009, le SRMO en 2012, le virus Ebola en 2014 et 2015, le virus Zika en 2015 et, maintenant, la COVID —, tout ce que nous faisons aujourd’hui est un exercice préparatoire pour la prochaine fois, et il s’agit d’un investissement. Nous avons beaucoup appris et nous avons réussi, tout au long de la pandémie, à gérer une pénurie de stocks. Certaines variables en ont subi les conséquences, mais je n’y reviendrai pas, car j’en ai déjà parlé lors de mon premier témoignage il y a quelques mois. Mentionnons, entre autres, l’approvisionnement, les patients, le personnel et les hôpitaux.
Une des leçons que nous avons apprises au cours des derniers mois, c’est la brutalité de la maladie et la solitude des patients qui meurent seuls. Nous avons appris à déceler les divers groupes vulnérables: les aînés, les détenus et les sans-abri. Nous avons appris comment isoler les gens au sein de leur collectivité. Nous avons appris à la dure comment véritablement personnaliser les services de prévention et de contrôle des infections. Nous avons aussi appris, espérons-le, qu’il faut protéger, mentalement et physiquement, notre personnel et nos travailleurs de première ligne. Nous avons appris qu’il faut gérer la mobilité des personnes. Nous avons appris que des éclosions surviennent dans les hôpitaux, même dans les hôpitaux universitaires, et ce, plus souvent que nous le voudrions. Nous avons appris qu’il faut communiquer le bon message, faute de quoi les gens ne s’y retrouvent plus. Nous avons appris que les autorités de santé publique doivent mettre en œuvre les éléments de base: tests, recherche des contacts, isolement et traitement. Enfin, nous avons appris que la capacité d’appoint interne a été mise à rude épreuve et que les patients non atteints de la COVID ont eu du mal à accéder aux soins.
Quel est le rôle du gouvernement, à l’échelle fédérale, maintenant que nous avons enfin dépassé le pic et aplani la courbe dans une certaine mesure? Cela nous permet de souffler un peu, et nous pouvons probablement passer d’un mode réactif à une approche beaucoup plus préventive. Ce que je souhaite à tout prix — sachant que le fédéral est le seul niveau qui nous permet d’avoir une vue d’ensemble de tout le pays —, c’est, en quelque sorte, des normes et des conseils sur les pratiques exemplaires qu’il faut mettre en œuvre.
À cet égard, il y a cinq points dont j’aimerais vous parler.
Tout d’abord, il faut faire une distinction entre le deuxième pic et les rebonds. Beaucoup de gens parlent avec assurance de la possibilité d’un deuxième pic. La réalité, c’est que nous ne savons pas comment se manifestera le comportement saisonnier, à supposer que le coronavirus entre en phase dormante; nous ignorons donc s’il y aura un retour en force à l’automne. Nous devons nous préparer au pire. Dans cette optique, je pense que nous devrions élaborer une stratégie concrète de vaccination contre la grippe, en prévision de son retour, parce que nous ne voulons pas engorger nos hôpitaux à l’automne. Nous devons tout faire pour prévenir la deuxième vague, si jamais elle se produit.
Pendant ce temps, ma plus grande crainte, ce sont les rebonds répétés, c’est-à-dire les microéclosions répétées loin de l’épicentre. C’est ce que nous avons observé dans le cas de nombreuses autres éclosions, qu’il s’agisse du virus Ebola, du choléra ou de la fièvre jaune. Je sais que c’est différent, mais je pense qu’il y a une récurrence. Alors que nous assouplissons le confinement et que nous augmentons la mobilité des Canadiens, surtout pendant les vacances d’été, nous risquons de faire face à des microéclosions dans différentes régions rurales.
Pourquoi faut-il s’en inquiéter? Parce que, dans bien des régions rurales, les gens n’ont pas été exposés au virus, d’où le faible nombre de cas, ce qui signifie qu’il n’y a pas beaucoup d’immunité. C’est là une des raisons. L’autre raison, c’est que les hôpitaux dans les régions rurales sont souvent dotés de ce que nous appelons des « médecins dépanneurs ». Entre 20 et 80 % des quarts de travail en salle d’urgence sont essentiellement assurés par des médecins suppléants. Comment encadrer les consultations de ces médecins? Nous ne les mettrons probablement pas en quarantaine pendant 14 jours. Allons-nous faire en sorte qu’ils ne deviennent pas des vecteurs de la COVID-19? Allons-nous les soumettre à des tests et, le cas échéant, faut-il le faire avant leur départ ou pendant qu’ils sont sur les lieux? Voilà un point dont il faut tenir compte.
Par ailleurs, en ce qui concerne les régions rurales, je conseille fortement la mise en place d’équipes d’intervention rapide ou de groupes d’intervention d’urgence, comme j’aime les appeler, pour stabiliser la situation en cas de microéclosion et pour nous assurer que nous optimisons les services de prévention et de contrôle des infections et que nous soutenons l’intervention.
Mon autre sujet de préoccupation concerne la mobilité interprovinciale et la façon dont elle peut contribuer aux microéclosions. Le cas de Campbellton, au Nouveau-Brunswick, est un bon exemple qui montre comment une personne peut se déplacer d’un épicentre vers une province en se rendant à des endroits où il y a eu peu de cas de transmission — et voilà, nous avons une éclosion. Je dirais qu’il faut formuler, au niveau fédéral, des conseils sur la manière de contrôler la mobilité interprovinciale.
À l’échelle internationale, ce qui me préoccupe le plus, c’est, en effet, la frontière. Je crois que nous avons conclu un accord selon lequel la frontière sera fermée jusqu’au 21 juin, si je ne me trompe pas, mais comment allons-nous faire pour respecter cette exigence, sachant que le contrôle de la frontière relève du fédéral, mais que le suivi des personnes se fera probablement par les autorités provinciales de santé publique? Allons-nous assurer le suivi des visiteurs? Allons-nous transmettre leurs renseignements? Allons-nous leur demander de surveiller leurs symptômes? Allons-nous les suivre à la trace? Allons-nous leur demander de s’isoler?
Voilà donc le premier point que je voulais soulever en ce qui concerne la deuxième vague de microéclosions.
J’en viens maintenant à mon deuxième point, soit l’épuisement du personnel.
D’après ce que j’ai observé dans le contexte de nombreuses autres épidémies, lorsque nous franchissons la première vague, nous devons composer avec l’épuisement du personnel et des travailleurs de première ligne. Serons-nous prêts à combler le vide lorsque cela se produira? Quelle est la marge de manœuvre en matière de personnel? Aurons-nous une capacité d’appoint, sachant que les militaires finiront par se retirer des endroits où ils ont été déployés?
Je pense qu’à moyen et à long terme, nous devons envisager de créer une force de réserve civile qui serait formée et qui pourrait intervenir et être fonctionnelle. Par exemple, la Croix-Rouge a élaboré certains modèles de ce genre, mais nous devons y réfléchir, et cela devrait probablement se faire à l’échelle fédérale.
Troisièmement, nous avons absolument besoin de conseils sur les pratiques exemplaires en matière de dépistage et de recherche des contacts dans les établissements de soins de longue durée. La raison pour laquelle le dépistage s’impose, c’est parce qu’il y a des gens qui se déplacent d’un endroit à l’autre, et nous savons que certaines personnes sont asymptomatiques ou présymptomatiques, ce qui signifie qu’elles n’ont pas de symptômes, mais qu’elles développeront la maladie dans un délai d’un à sept jours. Ces gens peuvent être des vecteurs de la maladie. Nous devons disposer d’une stratégie globale en matière de dépistage. Il faut des prélèvements et des tests sérologiques, et nous devons faire en sorte que le système fonctionne. Ainsi, des conseils à ce sujet seraient les bienvenus.
Pour ce qui est de la recherche des contacts, nous devons savoir si nous aurons la capacité et les moyens de le faire en cas de deuxième vague. Nous savons que, dans certaines provinces, cela a été un véritable défi. Quelle est notre capacité d’appoint à cet égard?
Enfin, en matière de conseils, je pense que nous devons adopter une approche claire en ce qui a trait aux établissements de soins de longue durée. Pour ce faire, nous devons nous assurer de tester les personnes qui s’y trouvent et de les protéger, en plus de faire en sorte que ces établissements soient dotés d’un personnel adéquat. Nous devons également tirer des leçons de certaines expériences qui ont donné de bons résultats.
Le quatrième point concerne l’accès aux soins pour les patients qui ne sont pas atteints de la COVID. Dans bien des régions, le système de santé ne fonctionne toujours pas à plein régime. Nous devons établir une liste de priorités pour que notre secteur puisse intensifier ses services, car nous devons éviter que les patients non atteints de la COVID-19 deviennent les dommages collatéraux de la réponse à la COVID-19. Je crois qu’il serait utile d’avoir des conseils à ce sujet.
Le dernier point que j'aimerais soulever porte sur les efforts à l'échelle internationale. Nous avons constaté à quel point le monde est interrelié et interdépendant, sous l'effet de facteurs complexes. Nous savons que la sécurité de tous dépend de la sécurité de chacun. Autrement dit, pour améliorer la santé de tout le monde, il faut améliorer la santé de chaque personne. Nous ne pouvons pas combattre la COVID-19 isolément du reste du monde.
Le Canada a investi massivement dans la recherche et le développement d'un vaccin, à hauteur de 150 millions de dollars. Nous ne savons pas encore quelle serait la capacité de production à grande échelle, en cas de réussite, et nous ignorons dans quelle mesure le vaccin serait abordable et accessible. Plus récemment, une somme de plus de 600 millions de dollars a été prévue pour Gavi, soit l'Alliance du vaccin, dans le cadre de la lutte mondiale contre la polio. À mon avis, si nous comptons investir autant dans la recherche et le développement d'un vaccin, nous devons absolument avoir notre mot à dire afin de pouvoir influer sur le résultat, à savoir la mise au point d'un vaccin pour le bien public grâce à la recherche et au développement. À défaut de quoi, il sera probablement très difficile d'exercer une influence sur le processus.
Entretemps, je recommande vivement que nous élaborions une stratégie relativement à la façon dont nous nous y prendrions pour vacciner les Canadiens, advenant la création d'un vaccin d'ici la fin de 2020 ou le début de 2021. Nous devrions nous en occuper maintenant que les choses se sont calmées un peu. Il faut déterminer qui nous allons vacciner en priorité, comme les travailleurs de première ligne ou les groupes vulnérables de la population. Nous ne devrions pas improviser le tout à la dernière minute. Il faut y réfléchir mûrement.
En somme, je crois qu'il est tout à fait important que nous fassions tout en notre pouvoir pour mettre en place les mesures d'atténuation. Nous n'avons toujours pas de traitement ni de vaccin. Nous n'en savons pas davantage sur l'immunité. Nous devons prévenir l'évitable. Il s'agit d'empêcher les gens d'être infectés et de tomber malades, mais surtout, il s'agit de sauver des vies.
Je vous remercie infiniment.
Comme vous le savez, les mesures liées à COVID-19 ont forcé le report des imageries diagnostiques pour des centaines de milliers de Canadiens. À l'échelle du pays, les services d'imagerie médicale ont été réduits de moitié. De plus, les dépistages non urgents de cancer ont été suspendus. Cela s'est traduit par un énorme retard dans les services d'imagerie diagnostique et l'émergence d'un véritable sentiment d'urgence.
Comme vous le savez, avant la crise, nous avions déjà de longues listes d'attente dans tout le pays, plus longues que dans bien d'autres pays. Avant la pandémie, les patients attendaient en moyenne de 50 à 82 jours pour un tomodensitogramme et jusqu'à 89 jours pour une IRM, une imagerie par résonance magnétique. Ces temps d'attente sont de 20 à 52 jours plus longs que la norme recommandée. Ces listes d'attente pour les services essentiels font en sorte que la santé des Canadiens est désormais mise en péril pendant des périodes beaucoup plus longues qu'avant. Cela est particulièrement préoccupant pour les patients atteints de cancer qui attendent un traitement d'importance névralgique dépendant de l'imagerie médicale.
Le débit de traitement d'un service de radiologie est actuellement estimé à 70 % de ce qu'il était avant la COVID, principalement en raison des protocoles de désinfection et de distanciation sociale. Cette réalité ne changera pas avant un bon moment en raison de l'éventualité d'une deuxième vague.
À titre d'exemple, à Québec, un patient de 20 ans s'est présenté avec des douleurs abdominales. Son médecin a rempli une demande pour qu'il aille passer un tomodensitogramme au Centre hospitalier de l'Université Laval de Québec, le CHUL. Or, en raison des retards accumulés, l'homme a dû attendre deux mois avant d'être reçu. La douleur était débilitante. Un grand lymphome rétropéritonéal de 20 centimètres a été découvert. Un traitement aigu a donc été entrepris, mais avec un retard important, ce qui a nui aux chances de rétablissement du patient.
À Québec, la liste d'attente pour les IRM a de quoi inquiéter. Au CHUL, cette liste compte actuellement 12 000 noms. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le débit de traitement pour ces services est à environ 70 % de ce qu'il était avant la COVID. Le personnel hospitalier travaille à éliminer de la liste d'attente les examens moins importants. Or, même en éliminant 20 % des demandes, la liste d'attente atteindra quand même 17 000 noms d'ici un an, ce qui vous donne un ordre de grandeur.
En Alberta, on a calculé que la suspension au cours des deux derniers mois du dépistage du cancer du sein par mammographie avait fait en sorte qu'on avait déjà laissé passer 250 cas de cancer qui auraient dû être traités sur-le-champ.
Nous comprenons que le report des services d'imagerie médicale non urgents était nécessaire au plus fort de la pandémie. Maintenant que la première vague est passée et que la propagation du virus a été contenue, nous sommes prêts à reprendre l'imagerie diagnostique à sa pleine capacité, mais de manière sécuritaire.
La santé et la sécurité des Canadiens sont notre priorité numéro un. Nous respectons également le bien-être émotionnel des patients et du personnel. La reprise de l'imagerie diagnostique doit se faire de manière planifiée, efficace et sécuritaire afin de ne pas submerger le système de santé et nos travailleurs de la santé.
Notre groupe de travail sur la reprise des services de radiologie a récemment fourni des lignes directrices pour aider les services de radiologie à reprendre l'imagerie médicale en toute sécurité. Étant donné les délais d'attente déjà très longs pour ces procédures et les retards accentués provoqués par la pandémie — les patients doivent attendre encore plus longtemps qu'avant —, nous sommes d'avis qu'il s'agit d'une urgence nationale.
Avant la pandémie, on estimait qu'en 2017, le PIB avait perdu 3,5 milliards de dollars de PIB en raison du fait que les gens en attente de procédures d'imagerie médicale ne pouvaient pas travailler. La COVID ne manquera pas de faire augmenter ce chiffre de façon considérable. Par exemple, une baisse de 25 % du nombre de patients examinés se traduira par une perte additionnelle de 1 milliard de dollars au titre du PIB, ce qui portera le total à près de 5 milliards de dollars.
Monsieur Barry, veuillez expliquer ce que nous demandons.
:
Merci, monsieur Soulez, d'avoir passé en revue certains de ces exemples.
Comme le Comité peut le constater, étant donné les retards qui plombent certaines de ces procédures d'imagerie, les gens ont encore peur de revenir aux urgences ou à l'hôpital pour subir leurs tests. La perspective d'une visite à l'hôpital est devenue quelque chose de très énervant. Presque tout le monde porte un masque.
Nous allons soumettre deux demandes fermes au Comité. L'une d'entre elles ne vous sera pas étrangère, puisque nous l'avons déjà soumise il y a un an ou deux, sauf que cette fois, elle est plus étoffée. Il s'agit de cet investissement de 1,5 milliard de dollars sur 3 ans que nous réclamons en matière d'imagerie médicale pour nous mettre sur un pied d'égalité avec nos partenaires du G7. À l'heure actuelle, nous sommes à peu près au neuvième rang mondial pour ce qui est de l'imagerie avancée, nommément la tomodensitométrie, l'IRM et certaines autres procédures de pointe. Nous sommes loin derrière les autres pays, et la COVID-19 a aggravé la situation. L'investissement de 1,5 milliard de dollars ne permettra pas de venir à bout des listes d'attente, mais ce sera un bon début, un pas dans la bonne direction.
Pour ce qui est des enseignements tirés de la situation actuelle, nous avons constaté que nos infrastructures nationales étaient plutôt obsolètes. Il n'y a pas assez de salles d'attente, de salles de consultation ou d'espace dans l'hôpital. Certaines choses aussi simples que l'ingénierie causent aussi des problèmes, comme ces systèmes de ventilation sans fenêtres, qui datent des années 1970. Avec la COVID-19 et les pandémies futures, ces aspects sont une préoccupation bien réelle. C'est pour cette raison que l'Association canadienne des radiologistes demande au Comité d'envisager la création d'un vaste groupe de travail pour examiner non seulement les besoins en nouveaux équipements pour tenir compte de l'afflux de patients, mais aussi le manque d'espace dans les salles d'attente, les besoins additionnels en matière de nettoyage et les mécanismes destinés à préserver la sécurité des personnes pendant la pandémie.
En conclusion, une autre leçon que nous avons retenue de ce qui s'est passé, c'est que notre système de santé n'était pas prêt à faire face à la demande. Dans les grands centres urbains, en particulier à Toronto, à Montréal et, dans une moindre mesure, à Vancouver et à Calgary, nous n'avions ni l'équipement médical ni le personnel pour faire face à des temps d'attente prolongés ou à l'afflux de patients très malades. Nous avons également appris que nos politiques de distanciation n'étaient pas rigoureuses et que nos équipements de protection personnelle n'étaient pas adéquats. Nous avions des retards dans bien des domaines, mais nous avons pris des notes et nous avons tiré des leçons pour la suite des choses.
Nous demandons au gouvernement fédéral, par l'intermédiaire de votre comité, de soutenir la reprise de l'imagerie en investissant, par le biais des transferts fédéraux, dans de nouveaux équipements et de nouvelles infrastructures d'imagerie médicale ainsi que dans l'embauche de radiologues, de techniciens en radiation médicale et de sténographes supplémentaires pour nous permettre notamment d'améliorer la qualité des soins que nous offrons à nos patients.
Voilà notre présentation. Je crois qu'il y aura des questions plus tard.
Merci encore une fois au président et au Comité d'avoir écouté notre plaidoyer.
Je vais d'abord vous présenter brièvement Southlake et le rôle que nous jouons en Ontario, puis je vous parlerai de ce que nous avons vécu avec la COVID-19.
Notre centre de santé compte plus de 525 lits. C'est l'un des plus grands hôpitaux de l'Ontario. Nous sommes situés à Newmarket, qui se trouve à 30 minutes au nord de Toronto. Nous offrons des services hospitaliers communautaires au large bassin de population de York et du Sud de Simcoe, ainsi que des programmes de soins tertiaires régionaux tels que des services d'oncologie et de cardiologie. Notre programme de soins cardiaques est le troisième en importance de l'Ontario.
Nous avons eu toute une expérience avec la COVID-19. La pandémie a eu une incidence considérable sur nos hôpitaux de la région du Grand Toronto. Ces répercussions nous ont permis de tirer de nombreuses leçons. J'aimerais parler de ces dernières et des bonnes choses que cette situation a pu apporter.
Parmi les initiatives que nous avons prises, il y a eu, à la fin du mois de janvier, la mise en place d'une équipe de gestion des incidents et d'un centre d'opérations d'urgence. C'était plus tôt que dans la plupart des autres administrations, et cela nous a été très utile. Nous avons en effet pu commencer à anticiper très tôt le genre de choses que nous aurions à mettre en place et à faire fonctionner.
Le centre d'opérations d'urgence se réunissait sur une base quotidienne. Nous y avons consacré de nombreuses heures, jour après jour, et de nombreux responsables, administrateurs, médecins-chefs et autres y ont travaillé de nombreuses heures. Nous avons organisé des assemblées publiques quotidiennes avec le personnel et nous nous sommes efforcés de lui fournir beaucoup d'informations. Il ne fait aucun doute que la transparence des communications, tant sur le plan local et provincial qu'à l'échelon fédéral, a eu une incidence déterminante sur nos interventions en réponse à la pandémie.
L'une des choses que nous avons faites, c'est que nous avons fait preuve d'une grande transparence pour la divulgation de nos volumes, de nos réserves en matière d'équipements de protection personnelle et de nos projections. Afin de soutenir notre réponse, nous avons élaboré un modèle de régression logistique pour prévoir la demande de lits dans les unités de soins intensifs et nous avons modélisé le taux de reproduction épidémiologique local dans les régions que nous desservons.
Notre unité des soins intensifs a reçu son premier patient le 16 mars, soit 5 jours après que l'Organisation mondiale de la Santé ait déclaré la pandémie. À ce jour, 88 patients atteints de la COVID-19 ont été admis dans notre unité des soins intensifs et dans nos autres unités, et nous avons malheureusement dû déplorer 22 décès.
À partir de la mi-mars, nous avons mis en place un centre d'évaluation au volant. Nous avons littéralement testé des milliers de personnes, aussi bien par le truchement de ce centre que dans nos maisons de retraite et de soins de longue durée, et dans les lieux de rassemblement de notre zone d'intervention. Nous sommes récemment devenus l'un des deux premiers hôpitaux de l'Ontario à recevoir l'ordre donné par le ministère des Soins de longue durée en vertu d'une ordonnance de gestion obligatoire de prendre en charge la gestion d'un foyer de soins de longue durée sous le coup d'une éclosion.
Dans cette optique, je voudrais parler de certaines des grandes difficultés que nous avons eues et au sujet desquelles nous pensons que le gouvernement fédéral pourrait faire quelque chose.
La première concerne les chaînes d'approvisionnement et les équipements de protection personnelle. Il ne fait aucun doute que l'un des aspects les plus stressants de la COVID-19 et de notre réponse a été la disponibilité des équipements de protection personnelle. L'approche actuelle de l'Ontario en matière d'approvisionnement et de livraison — l'approche « juste à temps » qui, je le sais, est aussi très courante dans toutes les autres provinces, car j'ai également passé une grande partie de ma carrière en Colombie-Britannique — doit assurément être revue en profondeur.
On a laissé se périmer les réserves de matériels pandémiques du gouvernement fédéral et de certaines provinces, dont l'Ontario, qui les avaient mis en place en préparation du SRAS. Résultat: nous n'avons pas été en mesure d'utiliser une impressionnante quantité de stocks qui avaient coûté cher. Aussi, cela a créé un scénario dans lequel nous étions à court d'argent alors que nous aurions dû être disposés à en dépenser. L'une des recommandations que nous avons formulées à ce sujet est que le gouvernement fédéral et les provinces travaillent ensemble pour faire alterner les stocks pandémiques avec la chaîne d'approvisionnement régulière afin d'éviter la péremption de ces stocks et de faire en sorte que nous soyons prêts la prochaine fois qu'une telle chose se produira.
Ces pénuries ont non seulement occasionné bien des angoisses, mais elles ont également donné lieu à de nombreuses difficultés quant à l'organisation du temps et des efforts nécessaires pour concilier et modéliser notre approvisionnement en équipements de protection personnelle. On pense ici à la gestion et au dénombrement des stocks, aux commandes et aux allers-retours incessants entre les chaînes d'approvisionnement centrales et les nombreux autres fournisseurs. Il s'agissait d'une énorme quantité de travail et de temps. Il convient aussi de dire que le changement de stratégie et d'approche concernant les équipements de protection personnelle a été à la source d'un stress important qui a plombé le moral des troupes. Nous devons examiner ce que nous avons fait à cet égard et apporter quelques changements pour l'avenir.
Les soins de longue durée sont l'autre domaine pour lequel j'aimerais donner des avis et des conseils. Nous savons depuis de nombreuses années que le modèle de soins de longue durée que nous avons en Ontario, mais aussi dans d'autres provinces, a d'importantes lacunes, lesquelles ont été clairement mises en lumière par la COVID-19.
Des carences en matière de surveillance, d'inspections et d'intégration avec le reste du système ont causé d'importants problèmes dans de nombreuses résidences. Beaucoup de ces résidences sont désuètes, vétustes et surpeuplées, des conditions qui rendent presque impossible la prévention des épidémies.
Il y a un manque de formation du personnel, un manque de personnel dans certains cas et un manque de capacité de gestion dans de nombreux cas. Il serait utile d'avoir des normes nationales pour les soins de longue durée, très semblables à celles que nous avons dans d'autres juridictions hospitalières.
Nous avons également un besoin pressant d'investissements dans les infrastructures. En raison de leur taille et des problèmes qu'ils éprouvent à contrôler les infections, beaucoup de ces foyers ne peuvent tout simplement pas fonctionner comme ils le devraient pendant une épidémie.
En ce qui concerne la capacité des hôpitaux, il ne fait aucun doute que les établissements du Canada, toutes provinces confondues, fonctionnaient à plus de 100 % de leur capacité, même bien avant la COVID-19. Or, pour faire écho aux observations de mes collègues radiologues, lorsque nos capacités ne suffisent plus à la tâche, la seule façon de récupérer les moyens nécessaires pour affronter une pandémie comme celle-là est d'annuler les procédures facultatives.
Notre hôpital est tombé à 30 % de son volume normal. Nous avons calculé que pour les seules prothèses de la hanche et du genou, il nous faudra peut-être sept ans pour effectuer le nombre d'interventions chirurgicales nécessaires, et ce, à condition de travailler le soir, le week-end, etc. Bien sûr, le problème à cet égard en est un de ressources humaines. Comme l'ont mentionné mes autres collègues, les employés sont vraiment rendus au bout du rouleau. Il serait très difficile d'essayer de leur faire faire les heures supplémentaires nécessaires, même si nous avions l'argent pour cela. Une fois de plus, nous devons repenser notre secteur hospitalier.
Je vais mentionner très rapidement les points positifs. Les soins virtuels ont été un point très positif. Après toutes ces années où l'Ontario et d'autres provinces ont lamentablement traîné de la patte quant aux soins virtuels, la pandémie en a précipité l'adoption généralisée. Nous réalisons maintenant qu'il n'est pas nécessaire de revenir exactement à la façon dont nous faisions les choses. Nous serons en mesure de convertir un nombre important de visites, notamment ambulatoires, en soins virtuels.
Nous avons également remarqué que la bonne collaboration entre le secteur hospitalier et certains autres secteurs nous a aidés, mais ce n'est pas généralisé. Il faut aller vers une meilleure intégration dans toutes les provinces et certainement dans tous les secteurs. Le degré d'intégration que nous avons atteint ici en Ontario par l'intermédiaire des équipes de santé a été très utile.
Enfin, je tiens à remercier chaleureusement nos collectivités de leur appui. Tout au long de cette pandémie, notre personnel et nos médecins ont été continuellement soutenus par un soutien sans précédent de la part des collectivités que nous servons. Pour les personnes très fatiguées et accablées — et qui souffrent parfois dans une certaine mesure d'un syndrome de stress post-traumatique —, ce soutien a été incroyablement utile, et nous leur en sommes extrêmement reconnaissants.
Je vais m'arrêter là et attendre vos questions.
À titre d'information pour les témoins de notre deuxième groupe, je veux mentionner que nous poursuivons la 26e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Nous nous réunissons conformément à l'ordre de renvoi du 26 mai 2020. Le Comité poursuit sa séance d'information sur la réponse canadienne à la pandémie de la COVID-19.
J'aimerais faire quelques observations à l'intention de nos nouveaux témoins.
Pendant que vous parlez, si vous prévoyez passer d'une langue à l'autre, vous devrez également changer le canal d'interprétation pour qu'il corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Vous voudrez peut-être faire une courte pause lorsque vous changerez de langue. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône de microphone pour activer votre micro. Je tiens à vous rappeler que tous les participants doivent transmettre leurs commentaires par l’intermédiaire de la présidence.
L'interprétation de cette vidéoconférence sera très semblable à celle qui se fait dans le cadre d'une réunion normale. Vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque ce n'est pas vous qui avez la parole, votre micro devrait être éteint.
J'aimerais maintenant vous souhaiter à tous la bienvenue.
Nous accueillons des représentants de l'Association dentaire canadienne: le président, le Dr Jim Armstrong; et le directeur adjoint aux affaires professionnelles, le Dr Aaron Burry. Nous accueillons également M. Jason Nickerson, conseiller aux affaires humanitaires de Médecins Sans Frontières; et le Dr Dave Neilipovitz, chef du Département des soins critiques de l'Hôpital d'Ottawa.
Chaque organisation dispose de 10 minutes pour présenter un exposé. Nous entendrons d'abord celui de l'Association dentaire canadienne.
Docteur Armstrong ou docteur Burry, vous disposez de 10 minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à tous les membres du Comité. Je suis ravi de témoigner au nom de l'Association dentaire canadienne.
Je préside l'Association dentaire canadienne depuis avril, mais j'ai siégé au conseil d'administration au cours des six dernières années et j'ai fait du bénévolat dans des associations dentaires au pays pendant trois décennies. Je gère également une coopérative qui compte 10 cabinets et 150 membres d'équipe à Vancouver. De plus, je suis professeur auxiliaire à la Sauder School of Business de l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis un dentiste ayant un MBA.
Je suis ravi d'être accompagné par le Dr Aaron Burry, qui est le directeur adjoint aux affaires professionnelles de l'Association dentaire canadienne. Le Dr Burry est un dentiste en santé publique qui compte plus de 30 ans d'expérience dans l'examen de questions liées tant à la pratique qu'aux politiques publiques. Il a lui aussi un MBA. En plus du travail qu'il a accompli pour diriger les travaux de l'association afin de comprendre et de relever les défis de la COVID-19 dans notre profession, le Dr Burry a servi des patients en urgence dans une clinique de santé publique au cours des derniers mois et il peut vous parler de cette expérience unique.
Nous avons trois recommandations essentielles à faire aujourd'hui. Premièrement, une plus grande attention devrait être accordée aux dentistes en tant que travailleurs de la santé de première ligne essentiels en ce qui concerne l'accès à l'équipement de protection individuelle. Deuxièmement, il faut que le gouvernement fédéral crée une enveloppe de 3 milliards de dollars pour la santé buccodentaire dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé. Troisièmement, tout examen de l'état de santé dans les établissements de soins de longue durée devrait inclure des normes de base en matière de santé buccodentaire à l'avenir.
Je reviendrai sur chacune de ces recommandations tout au long de mon exposé, mais j'aimerais d'abord vous parler des défis auxquels la dentisterie a été confrontée en raison de la pandémie, ainsi que ceux qui se dessinent.
En mars, conformément à des ordonnances de santé publique, les cliniques dentaires du Canada ont cessé de fournir des traitements de santé buccodentaire, à l'exception de soins d'urgence très limités, ce qui avait pour objectif de tenir les patients loin des opérations d'urgence dans les hôpitaux. Les cliniques dentaires entament maintenant prudemment un retour progressif à la pratique, conformément aux orientations définies par leurs organismes de réglementation dentaire provinciaux, les autorités de santé publique et les organismes de réglementation de la sécurité au travail.
Ces orientations varient d'une province à l'autre et ont entraîné une grande confusion chez les dentistes et les patients. En outre, au sein des provinces, malheureusement, entre ces organismes de réglementation, il y a parfois des conflits concernant les règlements qui exigent l'utilisation de procédures ou de protocoles différents pour un même type de traitement. Cela entraîne également une grande confusion et une grande angoisse chez les dentistes, qui tentent d'établir la nouvelle normalité.
En reprenant la pratique, les dentistes vivent une expérience physiquement exigeante et mentalement épuisante. Les cabinets dentaires sont essentiellement des mini hôpitaux qui offrent des soins externes et, comme tout hôpital qui offre des soins externes, nous suivons des mesures et des pratiques de lutte contre l'infection strictes. Ce n'est pas nouveau. Toutefois, les nouvelles orientations et règles découlant de l'apparition de la COVID-19 ont rendu les interventions en consultation externe plus difficiles, physiquement épuisantes et longues.
Les dentistes doivent consacrer plus de temps à la préparation avant de voir un patient, et d'après notre première expérience de retour au travail, ils traitent entre 50 et 67 % moins de patients par jour. Il est également beaucoup plus difficile de communiquer avec les patients. Ce n'est pas simplement un seul aspect de la nouvelle approche qui pose problème, mais plutôt l'effet domino des changements apportés à chaque aspect des soins: du travail préparatoire qui est accompli avant d'arriver au cabinet, en passant par le stationnement, qui est devenu notre zone d'accueil...
:
... jusqu'aux aires cliniques où il faut assurer une distanciation beaucoup plus marquée entre les patients.
Il faut également veiller à ce que des équipements de protection individuelle de plus en plus variés soient portés, retirés et décontaminés adéquatement, ce qui transforme considérablement nos modes de fonctionnement. L'enchaînement des différentes tâches a changé à un point tel qu'elles ne peuvent pour ainsi dire plus s'enchaîner.
Il est possible que certaines de ces difficultés s'aplanissent avec le temps, mais tout cela met à rude épreuve nos pratiques de médecine dentaire et notre capacité à fournir des soins. Il faut bien sûr préciser que les difficultés en question ne se poseront que si nous avons effectivement accès aux équipements de protection individuelle requis pour procéder aux interventions nécessaires.
Dès le début de la crise, nous avons signalé que les risques de pénurie d'équipements de protection individuelle pourraient placer le secteur de la dentisterie dans une situation critique. Nous avons fait valoir à l'Agence de la santé publique du Canada et au Bureau du dentiste en chef du Canada qu'il deviendrait impossible pour nos cabinets d'offrir les soins d'urgence en cas de pénurie grave.
Nous sommes conscients des défis de toutes sortes à l'origine des pénuries d'équipements de protection individuelle. Le niveau sans précédent de la demande actuelle a été exacerbé par les problèmes qui ont touché les chaînes d'approvisionnement, surtout en Chine.
Au début de la pandémie, alors que tous les hôpitaux manquaient cruellement d'équipements de protection individuelle, de nombreux dentistes au pays se sont départis de leurs propres stocks pour en faire don aux travailleurs de première ligne au sein de leur communauté. La réouverture de nos cabinets nous oblige toutefois à rappeler une considération primordiale: les dentistes sont aussi des pourvoyeurs de soins de première ligne. Bien que nous espérions au départ que l'accès aux équipements de protection individuelle auprès de nos sources traditionnelles deviendrait plus facile avec la réouverture des chaînes d'approvisionnement et l'émergence de nouvelles chaînes, nous attendons toujours que cela se concrétise. Il devient même beaucoup plus difficile de trouver certains équipements, comme les gants en latex.
En outre, les différents cabinets de dentiste essaient d'acquérir les mêmes types d'équipements de protection individuelle que les grandes entités gouvernementales, soient principalement les respirateurs N95, qui sont essentiels et, dans bien des cas, obligatoires pour offrir des soins dentaires dans le contexte actuel. Ces entités gouvernementales, y compris le gouvernement du Canada lui-même, peuvent miser sur leur pouvoir d'achat pour acquérir de grosses quantités d'équipements ou encore imposer aux fournisseurs des lignes directrices les obligeant à prioriser leur approvisionnement en leur qualité d'entités actives aux premières lignes du combat contre la COVID-19.
Il en résulte un approvisionnement en équipements de protection individuelle qui demeure très difficile, voire impossible, avec des prix à la hausse en raison de la demande. Pour prodiguer des soins à leurs patients dans le contexte actuel, les dentistes canadiens ont besoin d'un million de pièces d'équipements de protection individuelle par jour. Ce besoin pourra grimper jusqu'à quatre millions de pièces si jamais nous recommençons à fonctionner au maximum de nos capacités.
Les gouvernements et les pourvoyeurs de soins de santé conjuguent leurs efforts pour trouver des solutions à long terme afin d'assurer un approvisionnement stable et fiable en équipements de protection individuelle au Canada, et les dentistes devraient avoir leur mot à dire dans cette démarche.
Tout cela nous ramène aux préoccupations que nous exprimons depuis plusieurs années déjà concernant le financement public des soins de santé buccodentaire au Canada. La plupart des Canadiens peuvent avoir accès à ces soins grâce au régime d'avantages sociaux financé par leur employeur. Malheureusement, nos programmes publics souffrent d'un sous-financement chronique partout au pays. À peine 6 % de nos soins dentaires sont offerts aux Canadiens par l'entremise des programmes publics, alors même que la croissance du recours aux programmes de soins de santé buccodentaire avec financement public est particulièrement marquée chez les aînés à faible revenu, les enfants et les personnes aux prises avec un handicap physique ou un trouble du développement. La nouvelle normalité fera en sorte qu'il deviendra encore plus difficile d'offrir des soins à ces personnes, si tant est que l'on puisse effectivement les prendre en charge.
Au cours de la dernière décennie, l'érosion du financement de ces programmes par les provinces et les territoires a fait en sorte qu'il n'est plus possible de satisfaire adéquatement aux besoins des membres de ces groupes vulnérables. Compte tenu des problèmes économiques graves qui découleront de la COVID-19, de nombreux Canadiens n'auront plus accès au régime d'avantages sociaux financé par leur employeur. Les programmes publics seront ainsi mis encore plus à l'épreuve.
Dans ce contexte, le gouvernement fédéral n'a d'autre choix que de contribuer à faire en sorte que les programmes provinciaux et territoriaux en place soient à la hauteur des défis qui se pointent à l'horizon. Nous recommandons plus précisément au gouvernement fédéral de créer une enveloppe de 3 milliards de dollars spécialement consacrée aux soins de santé buccodentaire dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé. Alors même que les budgets de la santé publique sont sollicités de toute part au Canada, nous ne pouvons pas simplement laisser ces programmes attendre leur tour à la fin de la file en espérant que des fonds se rendront jusqu'à eux.
Enfin, si nous considérons les défis qui nous attendent, il faut certes reconnaître que les établissements de soins de longue durée vivent une véritable crise partout au pays.
Il y a plusieurs années, nous avons demandé au ministère des Anciens Combattants d'instaurer des normes de base pour la santé buccodentaire des anciens combattants dans les établissements de soins de longue durée. Nous espérions que l'adoption de normes semblables bénéficierait non seulement aux anciens combattants eux-mêmes, mais aussi aux autres résidents de ces établissements. Malheureusement, on nous a informés que le ministère n'avait pas de contrat avec ces établissements, mais seulement des accords de contribution. Il revenait donc aux différentes provinces de s'assurer que des soins appropriés y sont offerts.
Les normes que nous suggérons ne sont pas coûteuses, mais correspondent d'après nous au strict minimum quant aux soins qui devraient être offerts aux aînés pris en charge. Il s'agit d'une évaluation de la santé buccodentaire au moment de l'accueil, d'un plan à suivre quotidiennement pour la santé buccodentaire, d'une visite annuelle à un dentiste, et d'un emplacement au sein de l'établissement où les services de dentisterie peuvent être offerts.
Nous sommes conscients que l'amélioration des soins à offrir aux aînés dans ces établissements va faire l'objet d'un vaste débat qui va porter sur de nombreux enjeux. Dans le contexte actuel de la COVID-19, ces normes en matière de santé buccodentaire peuvent sembler d'importance mineure, mais ce sont autant de petits pas en avant qui pourraient contribuer au développement d'une culture des soins et de la prise en charge responsable qui sera essentielle si l'on veut s'occuper correctement de nos aînés.
Au nom du Dr Burry et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier vivement pour l'attention que vous portez à notre situation. Nous serons ravis de répondre à toutes vos questions.
:
Merci à vous, monsieur le président ainsi qu'aux membres du Comité, de me donner l'occasion de vous parler de la pandémie de COVID-19 et des mesures que pourrait prendre le Canada pour s'assurer que, partout dans le monde, les gens ont accès aux soins de santé dont ils ont besoin.
Je prends un instant pour me présenter. Je suis conseiller en affaires humanitaires pour Médecins Sans Frontières (MSF), une organisation basée ici même à Ottawa. Je suis également inhalothérapeute avec une expérience en milieu clinique et en santé publique acquise au Canada et à l'étranger. Je suis titulaire d'un doctorat en santé des populations, et j'ai travaillé comme clinicien-chercheur dans des hôpitaux et des universités du Canada.
MSF est une organisation humanitaire internationale qui fournit des soins de façon impartiale dans plus de 70 pays. Dans certains des environnements les plus complexes de la planète, nous offrons des services de santé essentiels à des gens touchés par des conflits, des épidémies, des catastrophes naturelles et d'autres situations d'urgence.
Nous sommes toutefois confrontés aujourd'hui à une crise sans précédent qui a été créée à la fois directement et indirectement par la pandémie de COVID-19. Tous les pays où MSF est présent sont touchés. Ce sont autant d'endroits où la pandémie ne fait qu'amplifier les inégalités déjà existantes. Nos intervenants de première ligne peuvent le constater au quotidien. Nous voyons des cas de COVID-19 éclore dans des contextes exigeant déjà une intervention d'urgence, ce qui crée un mélange explosif de risques pour la santé publique.
Dans les camps de Cox's Bazar au Bangladesh, près d'un million de réfugiés rohingyas vivent dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité très propices à la propagation de la COVID-19.
À Haïti, un pays où j'ai travaillé à maintes reprises, nos équipes ont ouvert un centre de traitement de la COVID-19 qui s'est rempli en quelques jours à peine, si bien que l'on a dû doubler le nombre de lits. Plusieurs patients sont morts à leur arrivée, et de nombreux autres étaient gravement malades. Il y a seulement deux laboratoires au pays capables d'analyser les tests de dépistage de la COVID-19, et le système de santé n'est pas bien préparé à affronter ce que l'avenir pourrait lui réserver.
C'est dans ce contexte que nous devrons tous faire face à une bien triste réalité. Ainsi, le seul moyen pour nous de sortir de cette pandémie est sans doute un vaccin qui n'existe pas encore et qui doit être rendu accessible rapidement à presque tous les habitants de la planète.
Il y a deux mois, j'ai écrit un article pour servir la mise en garde suivante. Étant donné le mode de fonctionnement actuel de notre système planétaire de recherche et développement dans le secteur médical, nous sommes confrontés au risque bien réel de voir les vaccins et les médicaments conçus pour la COVID-19, même s'ils sont le fruit de travaux scientifiques financés par les contribuables, devenir des produits inabordables et inaccessibles détenus par le secteur privé, plutôt que des biens publics accessibles à tous. Les investissements publics dans le perfectionnement des connaissances scientifiques sur la COVID-19 sont essentiels, mais nous devons revoir nos approches stratégiques afin d'en optimiser les retombées.
Nous pouvons compter aujourd'hui sur un solide bassin de vaccins expérimentaux pour la COVID-19. Il y en a plus d'une centaine à l'étape des études précliniques et 10 qui font l'objet d'essais cliniques sur des sujets humains pour huit plateformes vaccinales différentes. Bon nombre de ces prototypes bénéficient de milliards de dollars en financement public et philanthropique, y compris plus de 850 milliards de dollars de financement canadien pour les activités de recherche et développement visant la conception de tests diagnostiques, de traitements et d'un vaccin pour la COVID-19.
Notre système mondial de recherche et développement n'est toutefois pas conçu pour accorder la priorité à un accès abordable, surtout à l'extérieur des pays les mieux nantis. Il y a de nombreuses iniquités quant à l'accès aux médicaments vitaux. Ce n'est pas un problème propre à la COVID-19, mais plutôt le résultat de l'incapacité de notre système planétaire d'innovation médicale à prioriser les maladies faisant peser la plus lourde menace sur la santé publique. La COVID-19 n'est que le dernier exemple en date qui nous démontre très clairement que nous devons repenser la façon dont nous produisons des médicaments et des vaccins de manière à donner la priorité aux patients et à la santé publique, plutôt qu'aux profits.
Voici la façon dont les choses se passent le plus souvent. Les découvertes et les travaux précliniques, qui bénéficient de la majorité du financement offert actuellement au Canada, sont réalisés par des chercheurs universitaires ou d'autres établissements bénéficiant d'un financement public. Certains de ceux qui s'intéressent ainsi à la COVID-19 ont d'ailleurs comparu devant votre comité. À partir de là, les médicaments et les vaccins les plus prometteurs, souvent à une étape très préliminaire de leur développement, sont vendus ou cédés sous licence au secteur privé aux fins de leur exploitation subséquente. Dans la plupart des cas, cette cession se fait sans condition et sans obligation que le produit fini soit vendu à un prix abordable ou tout au moins juste, et sans exigence voulant qu'il soit développé rapidement ou que les données et les technologies pertinentes soient communiquées à d'autres instances qui en auraient besoin. Ces médicaments et ces vaccins deviennent ainsi des biens privés dont nous perdons le contrôle, exception faite peut-être de certaines redevances modestes pouvant être versées.
Il y a deux ans, j'ai comparu devant votre comité à l'occasion de son étude sur les travaux de recherche en santé financés par le gouvernement fédéral. J'ai alors expliqué à quel point ce système complique la tâche des équipes de MSF. Depuis près de 50 ans, nous devons faire des pieds et des mains au quotidien pour avoir accès aux médicaments, aux vaccins et aux tests de diagnostic dont nous avons besoin pour nos patients. Lorsque de tels outils existent, ils sont souvent inaccessibles, soit parce que leur coût est exorbitant, sans aucun lien avec les coûts engagés pour les concevoir ou les produire, ou simplement parce que les entreprises pharmaceutiques choisissent de ne pas les faire homologuer dans les pays où nous travaillons parce que nos patients ne représentent pas un marché assez lucratif pour eux.
Depuis des dizaines d'années, nous voyons des millions de personnes se voir refuser un traitement pour des maladies comme le VIH, la tuberculose et l'hépatite C du fait que les médicaments brevetés sont inabordables. On ne peut pas continuer ainsi, aussi bien pour la COVID-19 que pour toutes les autres maladies.
Dans son rapport publié en 2018, le Comité formulait neuf importantes recommandations qui devraient guider les mesures prises par le Canada en matière d'innovation en réponse à la pandémie de COVID-19. À ma connaissance, on n'a malheureusement mis en oeuvre aucune de ces recommandations qui auraient pu assurer dans l'ensemble de la planète un accès équitable aux technologies de soins conçues grâce au financement public canadien.
Le rapport recommandait notamment que le Canada mette en place les mesures de protection nécessaires pour veiller à ce que les accords de licence soient assortis d'exigences précises quant à un accès à coût abordable partout dans le monde. Certaines universités canadiennes ont déjà adopté de telles dispositions sur une base volontaire. Il s'agit fondamentalement d'exiger des bénéficiaires de fonds publics qu'ils instaurent les mécanismes exécutoires requis pour s'assurer que les médicaments, les vaccins et les autres technologies de la santé conçus au moyen du financement public canadien soient rendus accessibles à des prix équitables dans tous les pays où on en a besoin, y compris le Canada. Il s'agit ainsi de faire en sorte que tout investissement de fonds publics se traduise par des technologies de la santé abordables et accessibles à tous. Autrement dit, on veut que les fonds publics investis au Canada et à l'étranger produisent un rendement juste et équitable.
Nous savons tous qu'il serait inacceptable qu'un vaccin pour prévenir la COVID-19 ou un médicament pour la traiter soit développé grâce au financement public canadien sans toutefois être rendu disponible ou accessible à des milliards de personnes dans les pays à revenu faible et intermédiaire, et même à certains Canadiens. En l'absence de politiques adéquates assurant la mise en commun de ces technologies et des droits afférents, l'accès à ces nouveautés est pourtant mis en péril.
Il est grand temps de faire passer la vie des patients avant les profits des entreprises privées. Voici ce que le Canada doit faire à cette fin.
Il faut d'abord reconnaître que la pandémie est, par définition, planétaire et que nous allons tous être perdants si nous permettons que la course au développement et à la diffusion de vaccins, de traitements et de tests diagnostiques pour la COVID-19 sombre dans le nationalisme, ou que ces produits soient rendus accessibles aux plus offrants seulement. Non seulement serait-il inadmissible de permettre ainsi aux pays les mieux nantis d'avoir accès aux médicaments essentiels alors que les plus pauvres devraient s'en passer, mais ce serait aussi inefficace. Nous ne pourrons pas en effet mettre un terme à cette pandémie tant et aussi longtemps que les nouveaux vaccins ou médicaments pour la COVID-19 ne seront pas accessibles à tous les citoyens de tous les pays du monde.
Deuxièmement, il faut concrétiser l'engagement du en veillant à ce que les vaccins et les autres outils de santé publique soient produits à une échelle et à un coût qui les rendent accessibles à tous les pays du monde. Malgré les discours que l'on peut entendre un peu partout sur la planète quant à la nécessité de faire des vaccins et des médicaments pour la COVID-19 des « biens publics mondiaux » ou « le vaccin du peuple », les instances publiques de financement, y compris au Canada, ont jusqu'à maintenant négligé d'imposer des conditions obligatoires dans l'intérêt public à ceux qui bénéficient de fonds de l'État.
Veiller à ce que les investissements publics aient véritablement une incidence sur la population devrait être l'un des principes directeurs de toutes les activités de financement au Canada pour la conception de nouveaux médicaments, particulièrement dans le contexte d'une pandémie. En outre, le Canada devrait exiger la transparence à toutes les étapes des activités de recherche et développement qu'il finance. Cela doit comprendre l'enregistrement et la mise en commun des données des essais cliniques ainsi que la communication des coûts de recherche et développement, des coûts de fabrication et des prix des produits. Si la population investit dans la mise au point de ces technologies d'importance vitale, elle devrait être tenue au fait en toute transparence de l'utilisation qui est faite des produits dont elle a appuyé le développement.
Troisièmement, il faut appuyer la science ouverte et supprimer les monopoles à l'égard des technologies touchant la COVID-19 en rendant ces technologies et les connaissances qui s'y rattachent accessibles sur une plateforme mondiale. Jusqu'à maintenant, les chercheurs travaillent en collaboration et de façon ouverte pour la mise en commun d'immenses quantités de données, de connaissances et de matériel pour en arriver à comprendre ce virus et ses faiblesses. Grâce à cette approche, le délai pour la mise au point de prototypes de vaccins et de médicaments se calcule en mois, plutôt qu'en années. Cette ouverture est une exception à la règle et, compte tenu du mode de fonctionnement du système mondial de recherche et développement hors du contexte d'une pandémie, il y a un risque véritable que le processus d'innovation devienne plutôt fermé et axé sur le droit à la propriété.
Si nous ne mettons pas en place des mesures de protection efficaces pour rendre obligatoires l'accessibilité, l'abordabilité, la transparence et la mise en commun des connaissances, nous allons permettre la privatisation de nos découvertes qui nous seront revendues, à nous et aux autres pays du monde, à des prix que nous ne contrôlons pas, car, le plus souvent, nous n'essayons même pas de négocier ces droits. C'est ce qu'on appelle dans le milieu des affaires une mauvaise décision commerciale. Il n'y a aucune entreprise privée au monde qui vendrait une technologie dans laquelle elle a investi en sachant qu'elle en aura un jour besoin sans négocier des droits d'accès justes et raisonnables pour elle-même, et nous ne devrions pas le faire nous non plus.
Nous ne sommes pas les seuls à réclamer de telles mesures. Une pétition en cours sur le site Web de MSF demandant au Canada de mettre en place ces mécanismes de protection tout à fait logiques relativement aux technologies de la santé dont nous finançons la mise au point a recueilli plus de 28 000 signatures en trois semaines à peine. Les Canadiens veulent que l'on agisse pour veiller à ce que les gens de toute la planète puissent bénéficier des vaccins et des médicaments dont nous finançons la conception.
Nous avons besoin que vous fassiez le nécessaire compte tenu de ce qui nous attend. Nous nous inquiétons de plus en plus de la situation de pays comme le Bangladesh et Haïti où l'impact de la COVID-19 vient s'ajouter à celui des crises existantes pour créer des besoins humanitaires démesurés.
Le Canada doit continuer à afficher sa solidarité à l'échelle mondiale ainsi que son soutien à l'aide humanitaire internationale, mais il peut et devrait également exiger de meilleures conditions afin d'assurer un accès à tous les patients ainsi qu'une meilleure abordabilité en échange de l'utilisation des technologies de lutte contre la COVID-19 qui sont mises au point grâce aux fonds publics canadiens.
Les Canadiens apprennent bien des choses grâce à la pandémie. L'une des leçons tirées devrait être qu'il faut repenser la façon dont nous développons des médicaments et des vaccins afin que les patients soient la priorité plutôt que les profits.
Merci beaucoup de m'avoir écouté aujourd'hui. Si les membres du Comité ont des questions supplémentaires ou souhaitent obtenir des éclaircissements, ils peuvent communiquer avec moi directement. Merci.
:
Bonjour. Monsieur le président, honorables membres du Comité, merci de me recevoir aujourd'hui.
Je suis le Dr David Neilipovitz et je suis médecin dans un service de soins intensifs qui a accueilli des patients atteints de la COVID-19 pendant la pandémie. J'ai vu des patients s'en remettre de façon miraculeuse. J'ai également soigné des patients qui n'ont pas eu cette chance, y compris un mari et sa femme, mariés depuis plus de 50 ans, qui sont tristement morts tous les deux du virus.
Je suis le chef des soins intensifs de l'Est de l'Ontario. De plus, je dirige les soins intensifs de L'Hôpital d'Ottawa depuis presque 10 ans. Je faisais donc partie des groupes chargés d'organiser les soins intensifs en vue d'accueillir les patients pendant la pandémie. J'espère ainsi vous donner la perspective à la fois des professionnels de la santé et des administrateurs des soins intensifs face à la pandémie.
La pandémie de la COVID-19 a certainement appelé bon nombre de professionnels des soins de la santé à donner le meilleur d'eux-mêmes. Elle a également révélé certains échecs et faiblesses de notre système de santé canadien. Un échec évident, c'était la façon dont nos résidences de soins à long terme sont gérées, un thème sur lequel, je le soupçonne, se penchera votre comité.
J'aimerais cependant souligner une autre faiblesse, à savoir la capacité des unités de soins intensifs, notamment la façon dont elles fonctionnent et dont elles accueillent les patients. Si le Canada avait connu une éclosion de la COVID-19 comme celle de la ville de New York ou de l'Italie, je crois que vous seriez en train d'étudier les unités des soins intensifs et leurs faiblesses.
Comme bon nombre d'entre vous se souviendront, au début de la pandémie, on s'inquiétait d'avoir suffisamment de respirateurs mécaniques pour les patients aux soins intensifs. Or, il ne s'agit que d'un seul aspect important des soins intensifs. Si je n'ai pas l'espace, les moniteurs ou un élément encore plus important, à savoir le personnel pour s'occuper des patients, le fait d'avoir plus de respirateurs est essentiellement inutile.
Mon équipe a pu accroître la capacité des soins intensifs de niveau 3 de notre hôpital, le niveau 3 étant le niveau le plus élevé possible de soins intensifs, en amenant notre capacité actuelle de 57 lits à plus de 200 lits, une hausse de plus de 300 %. Nous n'étions pas les seuls et bien des hôpitaux du Canada ont pu augmenter leur capacité en faisant presque doubler les places en soins intensifs de niveau 3. Or, cela n'aurait pas été suffisant si nous étions à New York ou en Italie, et il faut donc voir comment nous pourrions améliorer la situation pour obtenir de meilleurs résultats.
Je propose trois stratégies au Comité.
Tout d'abord, il n'existe aucune attente ou norme nationale à l'égard des unités de soins intensifs au Canada. La structure des USI, leur fonctionnement, la composition de leur personnel ou même leurs équipements, tout cela ne fait l'objet d'aucune norme nationale ou attente réelle. Certaines USI disent être de niveau 3 en n'ayant des respirateurs que pour 20 % de leurs lits, par exemple. Bien franchement, c'est inacceptable. Bon nombre d'hôpitaux n'ont pas de médecins ou de personnel infirmier ayant été formés en soins intensifs, malgré les fonds disponibles pour former le personnel infirmier et, plus important encore, il y a des médecins formés qui n'ont pas de travail. C'est inadmissible. J'espère que notre gouvernement fédéral s'attaquera à la question immédiatement.
Deuxièmement, si nous étions en mesure d'offrir des soins intensifs par télémédecine, nous pourrions certainement améliorer la capacité de tous les hôpitaux d'offrir de meilleurs soins à tous les patients du Canada. Nous savons tous que le Canada est un pays vaste, et il est difficile d'offrir des soins dans toutes les localités dans le meilleur des cas. Si, toutefois, nous avions une réelle capacité de télémédecine, les plus grands hôpitaux comme le mien pourraient certainement aider ceux des régions plus éloignées, que ce soit dans le Nord ou dans d'autres lieux isolés, à offrir de meilleurs soins à leurs patients aux soins intensifs et à leurs résidants, nos Canadiens, qui le méritent certainement.
Nous aurions pu offrir de meilleurs soins dans ces collectivités, et nous aurions pu améliorer ou même éviter l'évacuation des patients malades. Je suis sûr que vous comprendrez que malheureusement, il n'y a parfois rien à faire pour certains patients. En les gardant sur place, nous leur permettrions de mourir dans leur collectivité, entourés de leur famille et de leurs proches, ce qui est grandement préférable à mourir seul dans un hôpital loin de chez soi. Le gouvernement fédéral pourrait fournir une solution globale en augmentant la capacité de télémédecine au Canada, ce qui améliorerait grandement la situation.
J'ai une troisième et dernière proposition pour améliorer la capacité des unités de soins intensifs du Canada ainsi que les soins qui y sont offerts.
Tous les Canadiens ont droit aux soins de santé. C'est incontestable, à mon avis. Ce qui est difficile, cependant, c'est de décider sur quels soins les Canadiens ont le droit d'insister? Les USI de New York et de l'Italie ont dû limiter l'accès aux soins intensifs. C'est horrible et injuste. Cependant, c'est également injuste lorsque certaines familles insistent pour que les USI raniment leurs proches et leur infligent des thérapies, y compris un traitement mécanique et médicamenteux, en l'absence de chance raisonnable de guérison. Ces soins sont contre-indiqués. Cela limite aussi grandement la capacité des professionnels de la santé de soigner d'autres patients et pèse lourdement sur nos ressources en soins intensifs.
Le gouvernement fédéral est la seule instance qui puisse se pencher sur la question. Je demande respectueusement à notre gouvernement et au Comité de s'attaquer à ce dossier, certes épineux, qui s'impose urgemment.
Merci encore de m'avoir donné l'occasion de vous faire part des trois façons dont le gouvernement fédéral pourrait améliorer et augmenter la capacité des soins intensifs au Canada. Il pourrait le faire en établissant des normes nationales, en améliorant la capacité de télémédecine et en abordant la question difficile des soins qui sont ou non indiqués.
Je serais heureux de répondre à vos questions ou préoccupations. Vous pouvez également communiquer directement avec moi.
Merci.
Il existe bien sûr d'autres modèles de recherche-développement ailleurs dans le monde. Des organisations sont à l’œuvre ici au Canada. Je vais sans doute faire référence à l'étude antérieure, car de très bonnes observations ont été faites par le Consortium génomique structurelle. C'est une organisation qui prône la science ouverte et qui crée des médicaments d'une façon différente.
MSF est l'un des fondateurs de l'initiative des médicaments contre les maladies négligées, une organisation à but non lucratif qui œuvre dans le domaine de la recherche-développement pharmaceutique et qui a mis au point, il me semble, sept formulations différentes ou nouvelles de médicaments existants, par exemple des polythérapies pédiatriques contre le VIH ou le paludisme, ou encore de nouveaux médicaments, comme le féxinidazole, qui sert à traiter la trypanosomose africaine, la maladie du sommeil.
Cette organisation agit en fonction d'un ensemble de principes. Elle travaille avec des chercheurs, l'industrie pharmaceutique et le secteur privé, mais tout le travail qu'elle effectue est encadré par un ensemble de principes, et le gouvernement canadien devrait s'en inspirer pour créer des normes fédérales. Elle reconnaît la nécessité de vendre à prix raisonnable les produits finaux dont ont besoin les patients, qu'il s'agisse de médicaments ou de vaccins, d'en assurer un accès équitable, et elle cherche à mettre au point des produits thérapeutiques qui sont considérés comme étant des biens publics mondiaux.
Pour ce faire, il faut négocier des dispositions d'accès équitable, avec des clauses de mise en application, des licences et des contrats, et ainsi de suite, qui stipulent les attentes à l'égard des bénéficiaires en aval de la propriété intellectuelle pour ce qui est des données, du savoir-faire et de la substance au cœur des médicaments ou des vaccins, ainsi que des indications claires sur le prix, l'homologation dans les pays où la maladie est endémique, l'encadrement du travail avec les fabricants afin d'assurer une production mondiale et une répartition équitable, et ainsi de suite.
Il existe en fait de nombreux exemples de façons différentes dont on peut développer des médicaments et des vaccins. Il y a notamment la Communauté de brevets des médicaments de notre organisation, ainsi que l'initiative des médicaments contre les maladies négligées, que j'ai déjà mentionnée. On ne cherche pas à remplacer le bon travail qui se fait déjà au Canada, mais plutôt à reconnaître que nous vivons dans un monde dans lequel les médicaments deviennent de plus en plus chers et hors de prix, et nous prévoyons des mécanismes de protection logiques. Si nous, le public, payons pour que quelqu'un développe ou découvre quelque chose, nous savons qu'il faut y rattacher des clauses prévoyant un prix juste ainsi qu'une garantie selon laquelle le produit sera offert à tous les patients partout dans le monde qui en ont besoin.
:
Je vous remercie pour ces deux questions. Je vais répondre à la deuxième question en premier, car elle est plus simple.
Je ne peux pas vous dire à quoi ressemblera la situation, car les choses évoluent quotidiennement. La semaine dernière, 3 000 nouveaux articles ont été publiés au sujet de la COVID. Il y a trop de facteurs: le temps que durera la pandémie, le moment où nous aurons un vaccin et la durée de la période pendant laquelle nous devrons modifier nos processus.
J'aimerais revenir aux propos du Dr Neilipovitz concernant la télémédecine. Nous commençons à utiliser la télédentisterie, qui présente, selon moi, un grand potentiel pour l'accès équitable aux soins.
Il est certain que l'Association dentaire canadienne souhaite rendre l'accès aux soins plus équitable, réduire les coûts des soins et en accroître la qualité.
Pour répondre à votre première question, au sujet des 3 milliards de dollars, je peux dire que le Canada, comparativement à bien d'autres pays, sous-finance la santé publique et l'aide publique. Comme l'un de vos collègues, l'honorable Don Davies, l'a souligné, entre 30 et 35 % des Canadiens ne bénéficient d'aucune assurance dentaire ou leur assurance n'est pas suffisante. Ce qui nous préoccupe véritablement, c'est le nombre de Canadiens qui perdront cette assurance, car la récession à laquelle la pandémie donnera lieu risque d'être très profonde et très longue.
Si une partie du financement était destinée aux soins buccodentaires, ce serait une bonne chose, car le financement de ces soins provient souvent des services sociaux et non du budget de la santé. Ces soins sont les derniers à être financés et les premiers à subir des compressions. Nous disposons de très bonnes cliniques privées, mais nous avons également de très bonnes installations en milieu hospitalier, mais elles sont sous-financées. Si nous pouvions obtenir le financement nécessaire... Je crois que nous avons tous dit que nous sommes ouverts à des suggestions. Nous sommes disposés à examiner tous les moyens d'accroître le financement, car le problème demeure l'accès équitable aux soins pour l'ensemble des Canadiens.