Passer au contenu
;

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 138 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 novembre 2018

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Mesdames et messieurs, commençons. Nous serons vraisemblablement interrompus par un vote au cours de la séance.
    Je tiens à remercier le greffier et les analystes d'avoir préparé cette réunion malgré un très court préavis.
    Il y a eu du nouveau depuis que nous avons décidé de tenir cette séance spéciale sur INTERPOL, notamment l'élection du candidat sud-coréen comme président. Néanmoins, la présente réunion sera utile parce que très peu de Canadiens, et je m'inclus, connaissent le fonctionnement d'INTERPOL, à part le fait d'en avoir une idée très générale. Nous espérons que le surintendant Doran et le sergent Cameron pourront nous éclairer. Nous accueillerons ensuite MM. Marcus Kolga et Bill Browder.
    Sur ce, je vais demander au surintendant Doran d'expliquer aux membres du Comité le fonctionnement interne d'INTERPOL. Merci.
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
    Je m'appelle Scott Doran et, à titre de directeur général des services spéciaux internationaux du Programme de police fédérale de la Gendarmerie royale du Canada, je suis heureux d'être présent aujourd'hui pour vous parler des liens entre la GRC et INTERPOL. Mon collègue, le sergent Ross Cameron, vient de la Police provinciale de l'Ontario, mais il travaille pour la GRC auprès d'INTERPOL depuis environ six ans.
    Pour réaliser de façon efficace le mandat de la GRC à l'échelle municipale, provinciale, territoriale, fédérale et internationale, nous devons maintenir une solide relation avec les autorités policières partout au pays, et, presque plus important encore, avec celles ailleurs dans le monde. Ces liens sont essentiels à notre capacité de réagir de façon efficace aux menaces à la sûreté et à la sécurité du Canada et des Canadiens, au pays et à l'étranger.
    INTERPOL est l'un de nos principaux partenaires internationaux et l'organisation internationale de police la plus importante au monde. Son mandat est double: elle doit, d'une part, assurer la plus grande coopération possible entre les corps policiers du monde entier, et favoriser cette collaboration; et, d'autre part, mettre sur pied des organismes qui serviront à la prévention et à l'élimination de la criminalité.
    Chacun des 194 pays membres d'INTERPOL, dont le Canada, doit maintenir un bureau central national composé d'experts et de personnel hautement qualifié en matière d'application de la loi.
    INTERPOL Ottawa, qui est situé dans les installations de la GRC à Ottawa, constitue le bureau national central au Canada. La GRC est la ressource désignée pour le Canada, et la gestion du bureau lui incombe. Le personnel du bureau comprend des responsables de l'application de la loi, des civils et des fonctionnaires de la GRC, de même que des policiers provenant d'autres organismes canadiens d'application de la loi, comme la Sûreté du Québec et la Police provinciale de l'Ontario.
    INTERPOL Ottawa agit comme intervenant de première ligne dans le cadre d'enquêtes policières menées au Canada et lorsque des responsables de ministères ont besoin d'aide internationale en matière de crimes. C'est aussi ce bureau qui reçoit et évalue les demandes d'aide de pays membres. De fait, le bureau sert de pôle pour traiter et effectuer des échanges de renseignements criminels entre des services de police canadiens et internationaux afin d'appuyer des enquêtes criminelles.
    L'engagement de la GRC envers INTERPOL et les efforts qu'elle consacre à cette organisation sont soulignés par la mise en candidature récente de Gilles Michaud, commissaire adjoint de la GRC, et par son élection comme membre du comité exécutif d'INTERPOL à titre de délégué pour les Amériques lors de la 87e assemblée générale d'INTERPOL, qui a eu lieu cette semaine à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Le commissaire adjoint Michaud compte parmi les neuf délégués qui représentent les plus hauts responsables des corps policiers dans leurs régions et pays respectifs, et ses homologues et lui-même sont chargés d'établir la politique et l'orientation organisationnelles d'INTERPOL, de même que d'effectuer la surveillance au chapitre de l'exécution des décisions prises lors de l'assemblée générale d'INTERPOL. Le fait d'avoir un représentant au sein du comité exécutif nous permettra de mieux saisir les défis auxquels fait face INTERPOL, de mieux comprendre la coopération internationale en matière d'application de la loi et d'être mieux placés pour participer à la mise en oeuvre de solutions efficaces en collaboration avec nos partenaires de l'application de la loi à l'échelle internationale.
    Par ailleurs, la GRC fournit deux cadres supérieurs à temps plein à INTERPOL — une personne au Secrétariat général d'INTERPOL, à Lyon, en France, et l'autre, au Complexe mondial INTERPOL pour l'innovation, situé à Singapour.
    Le Canada et la GRC appuient INTERPOL depuis longtemps. Nous croyons fermement que notre relation est mutuellement avantageuse. Le réseau international d'INTERPOL joue un rôle véritablement précieux quant à la réalisation d'opérations d'application de la loi au pays et à l'échelle internationale.
    Permettez-moi de vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je serai heureux de répondre aux questions du président et des membres du Comité.
(0850)
    Merci, surintendant Doran.
    Madame Sahota, vous disposez de sept minutes.
    Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Comme vous le savez, INTERPOL et son fonctionnement ont soulevé beaucoup de controverses. J'espère que la réunion d'aujourd'hui nous permettra de mieux comprendre certains aspects du fonctionnement d'INTERPOL.
    Comme vous l'avez mentionné, la création d'INTERPOL avait pour but d'établir une organisation non partisane qui officialise la coopération des corps policiers du monde entier, mais je crois que cette organisation est actuellement remise en cause.
    D'après les grands titres que nous avons vus dans les médias, comment se fait-il que le directeur d'INTERPOL se soit rendu en Chine et se soit fait interdire toute communication avec sa famille, et que, ensuite, sa lettre de démission ait été transmise, apparemment, d'après ce que nous avons entendu et lu, sans signature? En somme, les dirigeants du monde entier demeurent silencieux. Nous n'avons pas entendu beaucoup de déclarations du Canada ni de la GRC à ce sujet.
    Que se passe-t-il?
    Je ne crois pas que ce serait approprié que je parle d'une enquête menée par les responsables chinois visant un de leurs policiers.
    Je peux toutefois affirmer que la personne a été arrêtée et est détenue en Chine. Il s'agit d'une question nationale propre à la Chine qui doit être traitée par ce pays, peu importe si la personne en question était le président d'INTERPOL, une organisation internationale. Si les autorités chinoises ont établi qu'un geste criminel a été commis ou qu'il y a eu malversation, il leur appartient de s'occuper de l'affaire.
    Si la personne n'avait pas été citoyenne de la Chine, les choses auraient-elles été différentes? Les responsables de la GRC et d'INTERPOL auraient-ils envisagé la chose différemment, c'est à dire pas comme une affaire interne?
    Si la personne n'avait pas été citoyenne de la Chine...?
    Oui.
    Je vais devoir vous demander de me décrire un peu plus le scénario pour que je puisse comprendre la nature de votre question. Il s'agit d'un citoyen de la Chine...
    Le président est chinois. Si cela n'avait pas été le cas, la réaction aurait-elle été différente? Les responsables de la GRC et d'INTERPOL auraient-ils pris des mesures différentes?
    Très bien.
    Aidez-moi à comprendre votre question. Cherchez-vous à savoir quelle serait la réaction si une personne qui n'était pas citoyenne de la Chine disparaissait, comme vous le dites — je ne crois pas que la personne ait disparu —, et était détenue en Chine?
    Oui, tout à fait.
    Je crois que la communauté internationale l'aurait peut-être vu différemment, mais je ne suis pas certain. Il nous faudrait évaluer un tel cas, en tenant compte de tous les faits connus, si cela se produisait.
    Êtes-vous d'avis que, vu la situation actuelle, l'opinion publique est moins favorable quant à la capacité d'INTERPOL de véritablement protéger les gens ou d'accomplir son travail de façon efficace?
    Non, je ne crois pas que le public ait moins confiance en l'INTERPOL, si c'est ce que vous voulez dire.
    Je crois que les rouages d'INTERPOL sont régis par un ensemble de lignes directrices et de règles strictes et que, quand ces règles sont respectées — comme nous le faisons au Canada, bien évidemment —, c'est un mécanisme qui demeure très efficace.
    De façon générale, pouvez-vous m'en dire un peu plus à propos des gens qui éprouvent des difficultés à l'étranger? Si quelque chose devait arriver à des Canadiens en voyage à l'étranger, comment pourraient-ils demander de l'aide dans ce genre de situation, et quelle réponse recevraient-ils?
    Un certain nombre de scénarios différents pourraient se produire. De façon générale, si des Canadiens qui voyagent à l'étranger éprouvent des difficultés, il existe des conventions établies par les Nations unies qui feraient en sorte qu'on aurait recours aux services consulaires offerts par les responsables d'Affaires mondiales. Je n'expliquerai pas en détail leurs activités, leurs méthodes et les motifs qui y sont liés. C'est leur travail.
    Pour ce qui est d'INTERPOL, je ne vois pas de situations particulières où des personnes voyageant à l'étranger qui se trouvent dans une situation difficile communiqueraient avec cette organisation. Cela ne fait pas partie de son mandat. INTERPOL est une plateforme qui permet aux autorités policières d'échanger des renseignements et des éléments de preuve dans le cadre d'enquêtes criminelles.
(0855)
    Croyez-vous que l'organisation devient aussi une plateforme? Beaucoup accusent l'organisation d'être maintenant perçue comme un outil politique, et pas seulement un outil d'application de la loi. Quelle serait votre évaluation à cet égard?
    Je n'ai pas évalué cet aspect.
    Je dirais que, du point de vue canadien, l'organisation n'est pas utilisée comme outil politique. Nous respectons les modalités de notre engagement à l'égard d'INTERPOL. Il y a 194 pays différents. Il serait possible de faire 194 analyses différentes sur la façon dont ces pays respectent les règles, mais je ne sais rien du fonctionnement des autres pays.
    Du point de vue du Canada, je peux affirmer que nous respectons l'esprit et le statut d'INTERPOL dans nos échanges avec d'autres bureaux centraux nationaux.
    Pouvez-vous m'expliquer la différence entre les notices rouges qui sont publiées et les diffusions? Apparemment, il y a eu une augmentation au cours des dernières années de ces notices.
    Pouvez-vous m'éclairer un peu à ce sujet?
    INTERPOL utilise un système de notice. Il y en a un certain nombre: rouge, jaune, noire, verte, et ainsi de suite. La notice rouge est celle qui, j'imagine, a été immortalisée dans les films et à la télévision, et c'est celle qui est la plus connue. En résumé, elle est utilisée pour demander l'arrestation d'une personne.
    Si un pays cherche à faire publier une notice rouge par l'entremise du système, les responsables doivent présenter une demande au Secrétariat général à Lyon. La demande est examinée, et on vérifie différents points, pour s'assurer qu'elle respecte la primauté du droit et l'esprit de la Déclaration sur les droits de l'homme des Nations Unies, que respecte INTERPOL, et pour authentifier la demande. Après que les responsables d'INTERPOL à Lyon ont déterminé qu'il est acceptable de publier la demande au moyen de son système, la notice rouge est publiée, et elle est accessible par tous les bureaux centraux nationaux.
    Du point de vue canadien, une notice rouge constitue une alerte. Toutefois, nous ne procédons pas à l'arrestation de personnes à la suite de la publication d'une notice rouge. Quand une notice rouge est publiée, cela nous indique qu'une personne est recherchée dans un autre pays. Si nous croyons qu'il s'agit d'une notice rouge valide, nous effectuons aussi notre propre processus d'évaluation à cet égard.
    Il y a deux niveaux de protection. D'abord, il y a le niveau assuré par INTERPOL, à Lyon, puis celui de la vérification, qui est effectuée ici, à Ottawa, au bureau central national. Nous sommes les premiers à recevoir une notice rouge s'il y a un lien avec le Canada. La vérification est effectuée, et...
    Mais il y a moins de protections dans le cas des diffusions.
    Malheureusement, nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci.
    Je vous remercie.

[Français]

     Monsieur Paul-Hus, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie de votre présence.
    Il s'est passé bien des choses, dont la possibilité qu'un Russe soit nommé à la tête d'INTERPOL, ce qui était très inquiétant pour nous. Actuellement, 194 pays sont membres d'INTERPOL, et plusieurs d'entre eux s'interrogent beaucoup au sujet du niveau de corruption des gouvernements. On parle de la Chine et de la Russie, mais il y a d'autres pays, plus petits et moins connus, dont le gouvernement est corrompu.
    Le but premier d'INTERPOL est de permettre aux corps policiers d'échanger de l'information. Cela posé, on vient de parler des codes rouges qui peuvent donner lieu à un mandat d'arrestation ou à une demande d'extradition. Vous avez dit que, lorsque la demande vient d'un pays membre d'INTERPOL qui est considéré comme étant plus ou moins fiable, c'est au bureau chef d'INTERPOL, à Lyon, que les faits sont analysés. À ce bureau d'INTERPOL, qui est chargé de déterminer si la demande est légitime ou non?
    Si cela ne vous dérange pas, je vais vous répondre en anglais pour m'assurer d'être bien compris.

[Traduction]

    Le bureau des affaires juridiques d'INTERPOL, situé à Lyon, est chargé d'évaluer les demandes. Le processus de demande de publication d'une notice rouge est plutôt ardu.
    Je ne ferai pas de commentaires sur des pays en particulier, mais je dirai que le système et le statut de gouvernance d'INTERPOL visent à atténuer les différences entre les pays et à créer des règles uniformes, pour ainsi dire, relativement aux enquêtes criminelles. Encore une fois, l'organisation respecte l'esprit de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et son mandat énonce assez clairement que l'organisation ne traite pas de demandes à caractère politique, religieux, militaire ou racial. Donc, à mon avis, le processus d'analyse est assez robuste.
    Certaines demandes se glissent-elles entre les mailles du système à l'occasion? Je crois que oui. Comme n'importe quel système, il n'est pas parfait, et il peut y avoir des failles. C'est pourquoi le Canada a mis en place un deuxième processus de contrôle qui est très robuste.
    Je crois qu'il est pertinent que, alors que le bureau d'INTERPOL peut recevoir une demande d'un organisme étranger ou agir à la suite de la publication d'une notice rouge, la portée de nos activités découlant de cette notice, du point de vue d'un service de police, soit d'identifier le suspect ou l'individu, de confirmer qu'il est réellement au Canada, d'informer les autorités du pays étranger en question de la présence de cette personne au pays et de leur expliquer que, si elles souhaitent poursuivre l'affaire, elles doivent communiquer avec le ministère de la Justice et entamer un processus d'extradition ou présenter une demande d'extradition par l'entremise du Groupe d'assistance internationale. C'est à ce moment qu'un processus de contrôle important et très robuste serait mené, ce qui exigerait que l'entièreté du dossier d'enquête soit communiquée aux autorités canadiennes...
(0900)

[Français]

     D'accord, mais les gens qui travaillent au bureau de Lyon et qui font l'évaluation des demandes proviennent de différents pays. S'agit-il de postes particuliers ou d'affectations? Combien de pays interviennent-ils dans les décisions? Qui prend ces décisions?

[Traduction]

    Le bureau des affaires juridiques d'INTERPOL est situé, évidemment, au Secrétariat général. Des employés à temps plein d'INTERPOL évaluent les demandes selon le processus d'examen de l'organisation.

[Français]

    Ces gens proviennent-ils de pays membres? Sont-ils des Européens? Qui travaille là en général?

[Traduction]

    Ces employés viennent, bien entendu, de pays membres, mais il s'agit de membres du personnel formés dans le domaine juridique qui sont des employés à temps plein d'INTERPOL.

[Français]

    Le Comité exécutif d'INTERPOL a maintenant un président Sud-Coréen, et M. Gilles Michaud y siège également. Ce sont les 194 pays membres qui ont un droit de vote là-dessus.
    A-t-on raison de croire que, parmi ces 194 pays, il y en a trop qui ont des problèmes de gestion gouvernementale et qui, par conséquent, ne devraient pas être membres d'INTERPOL? Qu'en pensez-vous en tant que Canadien?
    C'est une question de confiance. Prenons l'exemple du Groupe des cinq. Il faut que ces pays se fassent mutuellement une confiance extrême pour échanger de l'information. En tant que force policière, le Canada a-t-il des doutes sur certains membres? Devrait-on penser à exclure certains pays membres d'INTERPOL?

[Traduction]

    Je crois que j'ai plus d'une réponse à cette question. Tout d'abord, le comité exécutif a comme mandat de surveiller à la fois les activités courantes d'INTERPOL et le respect des décisions de l'assemblée générale. Ainsi, bien entendu, si un pays a perdu la confiance du comité exécutif, et peut-être aussi celle de l'assemblée générale, il existe des processus pour expulser, si vous voulez, un pays de l'organisation. Je ne crois pas qu'une telle décision serait prise à la légère, de toute évidence.
    L'autre aspect, c'est... Je crois que nous devons peut-être tenir compte de la différence entre la communauté des services policiers et la communauté politique. Certains pays peuvent avoir des problèmes politiques, mais, dans les faits, monsieur, nous devons parfois interagir avec leurs autorités policières malgré tout, parce que nous tentons de mener une enquête criminelle. Dans d'autres situations, nous communiquons avec elles, tout en tenant compte de la Charte et des droits de l'homme ainsi que des directives ministérielles relatives à l'échange de renseignements. Néanmoins, nous sommes parfois dans une situation où nous traitons avec des pays par obligation afin de mener des enquêtes criminelles.

[Français]

    J'ai une dernière question à poser.
    Cette semaine, le National Post nous apprenait que le bureau de M. Goodale avait dit aux journalistes qu'il y aurait bientôt des changements pour réformer le concept des avis rouges. Êtes-vous au courant de ces changements?

[Traduction]

    Non, je ne le suis pas.

[Français]

    D'accord, je vous remercie.

[Traduction]

    Monsieur Dubé, vous avez sept minutes.
(0905)

[Français]

    Merci, monsieur le président
    Messieurs, je vous remercie d'être avec nous ce matin.
    Vous avez parlé des directives ministérielles sur l'échange d'information. Dans la mesure du possible, pouvez-vous nous dire sur quel protocole vous vous appuyez pour échanger de l'information avec les différentes agences avec lesquelles vous collaborez par l'entremise d'INTERPOL?

[Traduction]

    Il ne s'agit pas que d'INTERPOL, même si cette organisation fait évidemment partie du processus lié à l'échange de renseignements. En ce qui concerne la directive ministérielle relative à l'échange de renseignements avec des pays étrangers qui ont possiblement des pratiques douteuses quant au respect des droits de la personne, nous disposons d'un comité consultatif sur le risque relatif aux renseignements étrangers au sein de la GRC. Il s'agit d'un comité interne qui nous permet de mener des évaluations sur le risque que présentent des pays avec lesquels nous avons l'intention d'échanger des renseignements. Il est présidé par le directeur général de notre unité d'enquêtes criminelles relatives à la sécurité nationale. Il comprend un bon nombre de membres, y compris certains d'INTERPOL.
    Mon collègue Ross a participé aux réunions du comité consultatif sur le risque relatif aux renseignements étrangers, tout comme moi-même. Notre groupe de direction stratégique de la police fédérale effectue une évaluation du pays, et ensuite nous évaluons le risque par rapport aux besoins d'échanger des renseignements. Selon la nature du crime qui fait l'objet de l'enquête, il est parfois préférable de ne pas échanger de renseignements, alors que dans d'autres situations, il peut être jugé nécessaire de le faire.
    Cela dit, ce processus est assez robuste, et c'est la façon dont nous traiterions une telle situation. Dans le cas de pays que nous qualifions d'État à risque, INTERPOL peut avoir recours à un comité consultatif sur le risque relatif aux renseignements étrangers, mais cela ne se limite pas aux employés d'INTERPOL. Des membres de notre personnel des secteurs de la sécurité nationale ou du crime organisé pourraient aussi y participer. Bien entendu, nous avons aussi plus de 48 agents de liaison et analystes en poste à l'étranger qui sont chargés des activités d'échange de renseignements avec les pays. Ces agents participent aussi au processus mené par le comité consultatif sur le risque relatif aux renseignements étrangers pour s'assurer que nous vérifions correctement les renseignements que nous communiquons et que nous sommes à l'aise de les échanger avec les pays visés.

[Français]

     Je me demande comment on arrive à la décision de transmettre de l'information à INTERPOL.
    Vous pardonnerez ma naïveté ou mon ignorance, mais, prenons l'exemple d'un mandat d'arrestation qui serait lancé contre quelqu'un qu'on soupçonne être aux États-Unis. Évidemment, étant donné nos liens étroits en tant qu'alliés, il doit y avoir des ententes particulières qui gèrent notre relation avec les Américains sur lesquelles on s'appuiera plutôt que de signaler le nom de cette personne à l'échelle internationale par l'entremise d'INTERPOL.
    Dans le cas de quel mandat précis déciderait-on d'interpeller toute la communauté internationale plutôt qu'un ou quelques pays seulement, de façon bilatérale ou multilatérale?

[Traduction]

    Je crois que c'est une bonne question, et qu'elle met en lumière le fait qu'il y a différentes façons d'échanger des renseignements avec des entités étrangères. Une de ces manières, c'est par l'entremise d'INTERPOL. Bien souvent, ce moyen est utilisé quand il s'agit de pays avec lesquels nous n'avons pas de relations équivalentes à celles que nous avons avec les membres du Groupe des cinq. Bien entendu, il y a aussi des enquêtes conjointes menées avec les autorités de certains pays. Évidemment, la GRC collabore à des enquêtes avec le FBI, bien souvent aux fins de la lutte contre le terrorisme, de façon régulière, tout comme elle le fait avec les autorités du Royaume-Uni. Ces entités échangeraient des renseignements entre elles, sans utiliser le cadre d'INTERPOL.
    En ce qui concerne des renseignements liés à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité nationale, nous n'aurions habituellement pas recours à INTERPOL dans ces cas, même si cette organisation a, au cours des dernières années — je crois que c'est depuis 2004 — commencé à échanger davantage de renseignements relatifs à la lutte contre le terrorisme et à participer à davantage d'activités en ce sens. Toutefois, de façon générale, nous n'utilisons pas INTERPOL pour échanger des renseignements classifiés. Nous aurions plutôt recours à notre réseau international d'agents de liaison dans ces cas. Quand il s'agit de pays avec lesquels nous n'avons peut-être pas encore une relation solide ou étroite, mais que nous devons échanger des renseignements classifiés ou des renseignements touchant la sécurité nationale, nous utilisons notre réseau d'agents de liaison.
    Je dirais que les activités d'une grande partie du réseau d'INTERPOL ressemblent, par exemple, au procédé suivant lequel nous menons une enquête nationale et délivrons un avis de recherche pour une personne et signalons cette personne au moyen du système du Centre d'information de la police canadienne, le CIPC, qui fait en sorte que les renseignements deviennent accessibles à tous les corps de police canadiens. INTERPOL est utilisé de façon semblable, mais à l'échelle internationale.
    Cela répond-il à votre question?
(0910)

[Français]

    Je trouve intéressant que vous ayez parlé des efforts antiterroristes. L'impression que nous avons est peut-être erronée en raison de la couverture médiatique, mais je vous demanderais d'apporter quelques précisions. Ultimement, INTERPOL sert davantage à cibler certains types de crimes que d'autres suivant les relations multilatérales ou bilatérales des différents pays. Ai-je bien compris cet élément?

[Traduction]

    Je dirais qu'il y a un type de crimes, mis à part la sécurité nationale, de façon générale. Cela ne veut pas dire que d'autres pays n'utilisent pas INTERPOL pour acheminer vers le Canada des demandes liées à la sécurité nationale. D'autres États le font de façon régulière, auquel cas INTERPOL transmet habituellement ces demandes à nos unités des enquêtes liées à la sécurité nationale, et, ensuite, le réseau d'agents de liaison prend le relais.
    Cela dit, j'affirmerais que l'étendue de la criminalité, exception faite de ce qui touche la sécurité nationale, dont s'occupe INTERPOL est aussi vaste que l'ensemble des infractions prévues dans le Code criminel. Je crois qu'il est toutefois important de garder à l'esprit ce que j'ai expliqué plus tôt concernant le statut d'INTERPOL et le fait que l'organisation ne mène pas d'activités liées à des croyances religieuses, des opérations militaires et ainsi de suite, parce que, et je crois que c'est pertinent, comme bureau d'INTERPOL au Canada, nous examinons les demandes reçues et nous assurons qu'elles respectent à la fois notre cadre juridique et notre système de justice pour faire en sorte que nous prenions les mêmes mesures que celles que nous aurions prises si l'affaire n'était menée qu'ici, si vous voulez.
    J'espère que cela répond à votre question.

[Français]

    J'aurais encore une question à vous poser, mais mon temps de parole est terminé.

[Traduction]

    Très bien. Je vous remercie, monsieur Dubé.
    Monsieur Picard, vous disposez de sept minutes.
    Merci, messieurs.
    Je vous invite à effectuer avec moi un exercice pédagogique, principalement à l'intention des membres du public et des élèves que notre discussion d'aujourd'hui intéresserait, et mes collègues et moi examinerons les aspects politiques.
    J'ai quelques questions courtes. Je vais commencer par une question facile. INTERPOL a-t-elle le pouvoir d'arrêter une personne?
    Ainsi, INTERPOL a besoin du soutien d'un corps de police local.
    INTERPOL n'a pas d'organe d'application de la loi.
    La GRC est-elle la seule entité qui agit au nom d'INTERPOL, ou la Police provinciale de l'Ontario et la Sûreté du Québec peuvent-elles le faire aussi?
    La GRC gère le bureau central national, où travaille mon collègue de la Police provinciale de l'Ontario. Toutefois, le bureau d'INTERPOL Ottawa communique avec tous les corps policiers au Canada et avec les ministères pour échanger des renseignements et demander de l'assistance de la part des autres organisations, au besoin.
    En ce qui concerne la chaîne de commandement, quand INTERPOL signale une personne d'intérêt aux autorités d'un pays, la police locale peut-elle décider seule d'agir en conséquence ou de ne rien faire?
    Par exemple, si INTERPOL vous informe que je suis une personne d'intérêt, les responsables de la GRC peuvent-ils décider d'agir ou non, ou ont-ils l'obligation d'agir?
    Si INTERPOL nous transmet une notice rouge, par exemple, indiquant qu'un pays étranger arrêterait la personne en question si elle se trouvait sur son territoire, nous n'utiliserons peut-être pas la même norme. Nous n'utiliserons pas cette norme.
    Si vous agissez, pouvez-vous le faire si le crime allégué est reconnu comme tel dans notre propre système de justice pénale? Peut-être que les gestes commis ne constituent pas un crime ici, mais que c'est le cas ailleurs. En conséquence, dans quelle situation vous trouvez-vous alors?
    Il s'agirait d'une situation générale, et je crois que j'en ai parlé un peu plus tôt, je suis désolé si je n'ai pas été assez clair.
    Je n'écoutais peut-être pas.
    D'accord.
    Si les autorités d'un pays étranger font publier une notice rouge indiquant, par exemple, qu'elles souhaiteraient arrêter cette personne si elle se trouvait sur leur territoire, mais qu'elles croient qu'elle se trouve au Canada, cela ne suffit pas pour que nous procédions à l'arrestation. Nous recevrions leur demande. Elle aurait déjà été traitée au bureau de Lyon, et sa légitimité aurait déjà été vérifiée.
    Une fois la notice transmise au Canada, nous effectuons ensuite un autre processus de contrôle pour nous assurer que nous avons tous les renseignements pertinents. Même si c'est le cas, nous ne ferions que confirmer que cette personne est au Canada, et nous ne l'arrêterions pas en nous appuyant sur une notice rouge. Nous saurions simplement qu'elle est au pays. Bien entendu, nous serions informés de la présence d'un possible criminel ou de l'existence d'une possible menace sur notre territoire, donc nous déciderions peut-être de mener notre propre enquête si nous avons des motifs raisonnables de croire que la personne a commis une infraction au Canada. Sinon, s'il est responsable de le faire, nous informerions les autorités du pays étranger que, en effet, la personne recherchée est au Canada, et nous leur demanderions de communiquer avec le ministère de la Justice pour présenter une demande d'extradition.
(0915)
    Pourquoi vous faut-il procéder par extradition au lieu d'utiliser le pouvoir d'arrestation?
    Après que les autorités étrangères ont fait parvenir leurs documents d'enquête au ministère de la Justice, ce dossier serait alors soumis à un autre examen rigoureux et, si les responsables du ministère de la Justice soutiennent le processus d'extradition, ils obtiendraient un mandat d'arrestation provisoire. Nous serions alors en mesure d'arrêter la personne et de l'amener devant les tribunaux, tout comme n'importe quelle autre personne arrêtée au Canada.
    Quand ils sont transmis par INTERPOL, les renseignements proviennent-ils d'un corps policier qui demande à INTERPOL d'agir et de collaborer pour que, par exemple, la GRC ou toute force policière agisse, ou INTERPOL peut-il établir ses propres cibles? Les renseignements viennent-ils spécifiquement des membres?
    De façon générale, le processus d'INTERPOL comprend une collaboration entre pays par son entremise. Cela dit, au cours des dernières années, INTERPOL a constitué des bases de données sur des terroristes allégués et d'autres types de crimes. En ce qui concerne notre collaboration avec INTERPOL, les activités quotidiennes et le traitement des notices rouges, et d'autres notices, un corps policier fournirait les renseignements à INTERPOL à Lyon. Les responsables de l'organisation sont les seuls à pouvoir consigner les renseignements dans le système d'INTERPOL et publier une notice rouge, par exemple, et ils effectueraient leur contrôle. Ils ne mènent pas d'enquête. Ils ne font que valider les renseignements qui leur sont transmis. Ensuite, ces renseignements seraient communiqués au Canada, ou à un autre pays, mais, dans notre exemple, c'est au Canada, et nous effectuerions une autre validation pour nous assurer que nous sommes satisfaits quant à la validité des renseignements fournis.
    Par exemple, dans certains pays, il est peut-être contraire à la loi d'avoir certaines croyances religieuses, donc, en conséquence, certaines personnes pourraient être offensées, ce qui pourrait mener à une enquête criminelle et au dépôt d'accusations contre une personne. Si une telle demande arrivait jusqu'ici, de toute évidence, elle serait considérée comme allant à l'encontre du statut d'INTERPOL. Nous communiquerions avec le bureau de Lyon et ferions valoir que ce geste n'est pas une infraction au Canada, et qu'il ne devrait pas être considéré comme une infraction pour laquelle INTERPOL prend des mesures. Les responsables au bureau de Lyon recevraient nos observations et, vraisemblablement, s'ils sont d'accord avec nous, ils supprimeraient la notice rouge.
    Selon le processus de contrôle d'INTERPOL, l'organisation peut décider si une demande est valide ou pas, ou si une demande d'un corps policier est acceptable ou non. INTERPOL a le pouvoir de décider d'acquiescer ou non à une demande.
    C'est le cas.
    Cela signifie aussi que, si les responsables d'un corps policier lié à un dossier en particulier ont des opinions très arrêtées et des liens solides avec les autorités concernées, il y a de fortes chances que ces responsables transmettront directement leur demande et tenteront de la faire valoir auprès du gouvernement du pays où se trouve la personne d'intérêt, en espérant que les responsables de ce pays appuieront leur demande. C'est un cas très...
    Ils pourraient faire appel à INTERPOL. Ils pourraient aussi communiquer de façon bilatérale, directement avec le pays concerné pour obtenir des résultats. Ils ne sont pas obligés d'utiliser INTERPOL s'ils ne le souhaitent pas.
    Utilisent-ils un traité d'entraide juridique, ou ce document est-il réservé aux enquêtes?
    Un traité d'entraide juridique sert à obtenir des éléments de preuve. Dans le cadre d'une enquête, les responsables peuvent tout simplement présenter une demande. Si nous appuyons l'enquête, et qu'elle respecte notre cadre juridique, nous pouvons envisager de mener une enquête, ou pas.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Avant que nous cédions la parole à M. Motz, l'analyste vient de me poser une question qui est pertinente quant au sujet discuté. Les renseignements contenus dans ces notices rouges sont-ils versés dans le système du CPIC? Si c'est le cas, à quel moment le sont-ils?
    Les renseignements figurant dans une notice rouge ne sont jamais versés dans le système du CPIC directement à partir de la base de données d'INTERPOL. Cela dit, il existe une interface entre le système du CPIC et les bases de données internationales d'INTERPOL. Si un agent décide de mener une recherche à l'aide de cette interface, il peut consulter les résultats de recherche dans la base de données d'INTERPOL grâce à son terminal du système du CPIC.
    À l'inverse, nous pouvons saisir certains renseignements dans le système du CPIC aux fins de nos enquêtes au pays, mais cela n'est fait qu'au bureau central national, à Ottawa. Quand notre dossier est conclu, nous supprimons ces renseignements. Les renseignements contenus dans une notice rouge ne sont jamais transcrits mot à mot dans la base de données du système du CPIC.
(0920)
    Il est possible de cocher une case au moment d'effectuer une requête. Si on clique sur la case INTERPOL, on reçoit les renseignements. S'il y a des résultats dans le système INTERPOL, on les reçoit. Les notices rouges...
    Vous les recevrez après avoir effectué une requête à partir du système du CPIC.
    C'est exact.
    Les renseignements transmis par INTERPOL doivent-ils toujours passer par la GRC ou le bureau de liaison d'INTERPOL ici, ou peuvent-ils être transmis directement à un agent de police de la rue Bank, par exemple?
    Tout agent d'application de la loi qui a accès à un terminal du système du CPIC peut l'utiliser pour interroger les bases de données d'INTERPOL. Cela dit, il existe des protocoles d'entente entre la GRC et différents services de police — le mien inclus — qui facilitent l'accès direct des agents au portail Web à partir duquel ils peuvent interroger directement la base de données. On considère cela...
    En théorie, l'agent de police de la rue Bank n'aura pas à suivre les protocoles que vous devez suivre concernant la validité de la notice rouge.
    Si on effectuait la même recherche d'informations dans cette base de données en utilisant l'interface auquel a accès l'agent à partir de son terminal du système du CPIC, on obtiendrait une version abrégée de la notice rouge. Les renseignements obtenus seraient loin d'être aussi détaillés que ceux figurant dans le document original.
    Le fait qu'un agent puisse effectuer une recherche signifie que la notice n'a pas encore été supprimée des bases de données d'INTERPOL en raison d'une mauvaise utilisation cernée ou tout autre motif. Par ailleurs, si l'agent reçoit des renseignements grâce à sa recherche, il n'a pas de pouvoir juridique au Canada pour effectuer une arrestation au titre des accusations en instance dans le pays étranger en question.
    À ce moment, l'agent noterait, vraisemblablement, ses observations relatives au scénario et à l'objet de sa recherche, et nous en ferait rapport à INTERPOL Ottawa. Nous ferions une évaluation de ces renseignements et, le cas échéant, les renseignements seraient ensuite communiqués aux autorités du pays ayant fait la demande.
    À aucun moment un agent de police de la rue Bank, suivant notre exemple, n'échangerait directement des renseignements avec une autorité d'application de la loi d'un pays étranger.
    Très bien. Je ne veux pas insister sur ce point, mais nous étions curieux.
    Non, monsieur, vous avez soulevé un bon point.
    Si une notice rouge est publiée à Lyon et que la personne visée est soupçonnée être au Canada, la notice sera transmise au bureau central national aux fins de contrôle, de traitement et d'examen. Toutefois, si une personne qui arrive d'un autre pays et qui est visée par une notice rouge, laquelle n'est pas du tout liée au Canada, débarque en sol canadien, au moins, l'agent de police peut savoir que cette personne est visée par une notice rouge. Les policiers au Canada savent qu'on ne peut arrêter une personne au motif d'une notice rouge. Nous ne le faisons pas.
    Merci.
    Monsieur Motz, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui, messieurs.
    La principale raison pour laquelle nous sommes réunis pour discuter ce matin tient aux inquiétudes suscitées par, d'un côté, le fait que l'ancien président d'INTERPOL a été arrêté en Chine et, de l'autre côté, les rumeurs de moyens musclés employés par les Russes pour mettre en poste leur candidat comme président d'INTERPOL ou leurs demandes très soutenues à cet égard.
    Nous savons qu'il y a de l'ingérence politique. Avant de poser une question, j'ai besoin de certains éclaircissements. Vous avez mentionné, monsieur le surintendant principal, qu'il y a un comité exécutif au sein d'INTERPOL. De toute évidence, les pays membres choisissent les personnes qui le forment. Je soupçonne, alors, que le choix des membres est politique.
    Non.
    Si ce n'est pas le cas, pouvez-vous nous expliquer comment le comité exécutif est... ? Tout d'abord, comment les candidats sont-ils choisis dans ces pays? Comment forme-t-on le comité exécutif au sein d'INTERPOL même?
    D'accord. Je vais essayer de répondre du mieux possible à cette question, monsieur. Je ne connais pas tous les rouages du processus d'élection.
    Il ne me reste que quatre minutes et je souhaite obtenir une réponse.
    D'accord, je serai bref alors.
    En résumé, les agents de police, habituellement de hauts dirigeants, peuvent poser leur candidature eux-mêmes à un poste. Bien entendu, durant le processus qui mène aux élections, il y a beaucoup de démarches pour obtenir des appuis et de discussions avec des représentants de pays qui partagent les mêmes idées.
    D'abord, il y a le poste de président, trois postes de vice-présidents et neuf postes de délégués, lesquels sont répartis entre quatre régions du monde. Il y a des représentants de l'Asie, de l'Europe, de l'Afrique et des Amériques. Quand les candidatures sont présentées à l'assemblée générale, ce sont les représentants des 194 pays membres qui votent pour élire les membres aux différents postes de vice-présidents et de délégués ainsi qu'à celui de président, et ainsi de suite.
    J'ajouterais que, à propos de vos inquiétudes concernant le candidat russe au poste de président, vous savez peut-être qu'il a été vice-président pendant un certain nombre d'années et que le comité exécutif fonctionne comme une unité. Le président en est en quelque sorte l'administrateur, à défaut d'avoir un mot plus juste, mais il n'a pas de pouvoir plus important que n'importe quel autre membre du comité exécutif.
    Ainsi, il s'agit véritablement de chercher le consensus et de prendre les meilleures décisions possible pour les communautés qui forment INTERPOL.
(0925)
    Cela dit, dans le cas d'un pays comme le Canada, et compte tenu de votre rôle de membre de la GRC et de représentant du Canada au sein d'INTERPOL, de quelle façon défendons-nous le fait d'apporter un soutien accru aux victimes de l'utilisation abusive des notices rouges, comme Bill Browder? Que faisons-nous comme pays pour assurer la crédibilité d'INTERPOL, parce que cela est...? La diffusion des notices rouges constitue une ingérence politique éhontée et flagrante dans certains cas et cela suscite de l'inquiétude chez les pays membres.
    D'après vous, quel rôle le Canada devrait-il jouer et comment ses représentants doivent-ils agir pour faire en sorte que nous puissions accroître le soutien offert aux personnes qui sont visées à tort par une notice rouge?
    Je dirais que la structure même d'INTERPOL contient des mécanismes pouvant être utilisés par des personnes visées par une notice rouge, par exemple, quand elles sont d'avis qu'elles ne devraient pas l'être. Il existe la Commission de contrôle des fichiers, qui est un organisme indépendant d'INTERPOL, dont la mission vise à assurer le respect du statut de l'organisation et des exigences en matière de droits de la personne relativement aux notices rouges et aux autres notices publiées par INTERPOL.
    Une personne peut présenter une demande auprès de cette commission pour faire retirer son nom de la liste. Cela dit, je crois que, actuellement, nous sommes dans une position favorable vu que nous avons un représentant canadien solide parmi les membres du comité exécutif. Ces questions peuvent assurément être soulevées auprès du comité exécutif aux fins de discussion.
    Par ailleurs, notre Code criminel est très robuste, mais des gens semblent l'enfreindre constamment. Je crois que nous devons garder à l'esprit que, peu importe le nombre de règles et de mesures mises en place, il y aura toujours des problèmes. Quand les problèmes sont soulevés, je crois que les membres du comité exécutif doivent s'en occuper.
    Cela dit, monsieur, la crédibilité ou l'intégrité d'INTERPOL n'est-elle pas mise en cause à certains égards?
    Il y a d'excellents pays membres, et il y en a d'autres qui, de l'avis de tous, peuvent soulever des soupçons quant à leur crédibilité. Cette situation ne mine-t-elle pas la crédibilité d'INTERPOL quant à sa capacité de gérer de façon adéquate les données qu'elle possède et son personnel?
    On pourrait citer en exemple des notices rouges et d'autres enquêtes utilisées dans un but politique. Il semble que, dans ces pays, les autorités utilisent des moyens policiers, notamment INTERPOL, pour appuyer leurs propres objectifs politiques.
    Comment faisons-nous... ?
    Veuillez répondre très brièvement.
    J'ai été très généreux à votre égard, monsieur Motz.
    Merci, monsieur le président.
    Je dirai tout simplement, monsieur, que je ne suis pas en mesure, évidemment, de parler d'un cas en particulier. Comme je l'ai dit précédemment, il y a différents niveaux de participation. Y a-t-il de la malfaisance à l'occasion? Oui.
    Je crois que le statut d'INTERPOL et ses règles de gouvernance ont une grande portée et visent à assurer l'intégrité d'INTERPOL.
    Monsieur Motz, vous abusez de ma générosité.
    Je sais, mais y a-t-il des répercussions? Voilà ce que nous devons savoir.
    Il s'agit de questions importantes, mais M. Wrzesnewskyj a aussi des questions importantes à poser, donc il dispose de cinq minutes.
    Bienvenue au sein du Comité.
    Merci d'être avec nous aujourd'hui.
    Les notices rouges et leur utilisation abusive par la Russie et le Kremlin ainsi que la façon dont ces notices ont été politisées posent un grave problème. Elles ne sont pas simplement utilisées dans le but d'atteindre des ennemis politiques ou des adversaires du régime de Poutine. Des pays comme le Kosovo, qui tentent d'adhérer à INTERPOL, ont été bloqués par les lobbyistes russes. Cela a tout à voir avec la géopolitique.
    INTERPOL est censée être au-dessus de la politique, mais, il est possible de constater lors des assemblées que la géopolitique joue un rôle important. La Russie a exercé de très fortes pressions afin d'empêcher le Kosovo de se joindre à INTERPOL. Le Département d'État a mentionné que cela avait créé des lacunes, ce qui a empêché INTERPOL de combler un écart critique en matière de sécurité dans les Balkans. Les Balkans sont un autre foyer d'importance pour la cybercriminalité, le trafic de stupéfiants et d'armes et le passage de clandestins.
    Je me demandais si vous étiez en mesure de commenter la façon dont la Russie, en raison d'enjeux géopolitiques, a réussi à politiser les structures d'INTERPOL.
(0930)
    Je ne sais pas comment la Russie a pu jouer un rôle ou non dans cette élection au sein d'INTERPOL. Je peux simplement dire qu'INTERPOL compte 194 pays membres, qui possèdent tous un droit de vote. Certainement, chacun vote selon ses propres convictions. Je ne sais pas si ces pays ont été influencés par la Russie. Je ne peux vraiment pas prendre position par rapport à cette question.
    Il m'apparaît clair, et je tiens compte des déclarations faites par les pays qui ont pris part au vote, que la Russie et la Serbie, en fait, ont exercé énormément de pressions en ce qui a trait au Kosovo.
    Diriez-vous que la Russie est une kleptocratie?
    Je ne vais pas catégoriser la Russie. Cela ne me semble pas pertinent dans le cadre de cette conversation ni dans le cadre de la conversation sur INTERPOL, monsieur.
    Un pays qui est vu par nombre de personnes comme une kleptocratie, voire un État gangster, non seulement est membre d'INTERPOL, mais a vu l'un de ses principaux fonctionnaires être élu à un conseil qui prend des décisions très importantes au chapitre de la politique internationale. Un pays qui accorde l'asile à des criminels internationaux impliqués dans le trafic d'armes, d'êtres humains et de stupéfiants a accès à une partie des renseignements les plus importants que possède ce service de police afin de tenter de régler ces mêmes problèmes.
    Ne s'agit-il pas là d'un problème important dans la structure d'INTERPOL, lacune qui compromet l'objectif même de cette organisation?
    Je ne suis pas certain que le surintendant principal Doran soit en mesure d'émettre tout commentaire à ce sujet. Il s'agit peut-être d'un point tout à fait légitime, mais le surintendant principal Doran est ici afin de nous expliquer comment fonctionne le système actuel. Ne nous perdons pas en conjectures.
    Il vous reste une minute.
    Permettez-moi de reformuler. Nous avons manifestement connu des situations ici au Canada où des notices rouges ont été utilisées — dans le cas de Bill Browder — qui d'une façon a compromis les mêmes méthodes qu'INTERPOL utilise pour régler les problèmes de criminalité internationale, ce qui nous a posé problème en raison de leur utilisation abusive.
    Je ne parlerai pas du cas de M. Browder en particulier. Je ne connais pas assez cette affaire pour prendre position. Cependant, je comprends votre inquiétude concernant le fait que la Russie fasse partie du comité exécutif d'INTERPOL et même qu'elle fasse partie des membres tout simplement.
    Je vais simplement ajouter que la Russie n'est représentée que par une seule personne parmi les neuf membres délégués, les trois vice-présidents et le président qui sont à même de diriger les opérations d'INTERPOL. Par conséquent, on compte une représentation mondiale. Les réalités géopolitiques y sont toutes présentes. Nous sommes certainement chanceux d'avoir un représentant canadien solide qui est en mesure d'insuffler bon nombre de valeurs canadiennes au système d'INTERPOL.
    Bien que je comprenne vos inquiétudes, j'estime que du côté d'INTERPOL, il y a une représentation équilibrée qui devrait venir dissiper vos préoccupations.
(0935)
    Merci, monsieur Wrzesnewskyj.
    Monsieur Eglinski, s'il vous plaît, vous avez cinq minutes.
    Je tiens à remercier les deux témoins d'être avec nous ce matin.
    Vous parliez de la surveillance. J'aimerais approfondir ce sujet.
    INTERPOL peut-elle mettre de la pression sur le Canada ou sur la GRC si vous décidez de ne pas réagir dans une situation en particulier? Vous avez mentionné avoir un groupe de surveillance au sein de la GRC, composé non seulement de membres de la GRC mais aussi de membres d'autres services de police. Êtes-vous en mesure de simplement dire: « Non, nous ne ferons pas cela. Non, nous n'allons pas vous transmettre ces renseignements. Non, nous n'estimons pas que cela soit pertinent. Non, cela va à l'encontre des droits de la personne »?
    Tout à fait. Nous allons nous fonder sur notre propre ensemble de règles pour décider quels renseignements seront transmis, en tenant compte du fait que le Canada est membre d'INTERPOL et que le but de cette organisation est d'accroître le partage de renseignements et d'en faire le plus possible à l'échelle internationale.
    Si nous éprouvions des inquiétudes par rapport à l'échange de renseignements, nous pourrions de façon unilatérale décider de ne pas participer.
    Il n'y a aucune pression extérieure qui puisse vous faire changer d'avis.
    D'accord.
    En ce qui a trait au comité exécutif que vous avez mentionné, qui est composé de neuf personnes provenant de certains des 194 pays membres, est-ce que tous les représentants possèdent une certaine expérience au sein de services de police de leur pays d'origine?
    Oui. Il y a neuf représentants, trois vice-présidents et un président, qui proviennent tous d'un organisme quelconque d'application de la loi.
    Il s'agit probablement de hauts gradés dans leur pays.
    C'est exact.
    Notre représentant est un sous-commissaire.
    C'est exact.
    D'accord.
    Pour combien de temps nos représentants du Canada restent-ils normalement en poste au sein de l'organisation? Actuellement, vous êtes surintendant en chef. Vous pourriez devenir sous-commissaire.
    Les personnes que nous nommons ont-elles une connaissance considérable des activités d'INTERPOL et de nos programmes internationaux d'application de la loi?
    Oui. L'ancien représentant canadien siégeant au comité exécutif était le sous-commissaire Todd Shean, qui vient tout juste de prendre sa retraite. Il a passé un certain nombre d'années au sein de la police fédérale et est donc à même de comprendre le fonctionnement d'INTERPOL, dont il était responsable lorsqu'il travaillait au quartier général avant qu'il ne devienne sous-commissaire.
    Le sous-commissaire Gilles Michaud a fait partie de la police fédérale tout au long de sa carrière, il connaît donc très bien INTERPOL.
    J'ai une petite question. Pour une année moyenne, combien de notices rouges le Canada peut-il avoir?
    Parlez-vous ici de celles que nous recevons de la part d'autres pays?
    Oui.
    Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres exacts.
    En recevez-vous beaucoup?
    Oui.
    En moyenne, INTERPOL procède à l'ouverture d'environ 4 000 dossiers par année. Il s'agit à la fois de demandes reçues et présentées par le Canada. Il y en a autour de 4 000; il s'agit non seulement de notices rouges, mais aussi de simples demandes de renseignements.
    D'accord.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute.
    Remarquez, M. Motz a pris plus que votre minute.
    Merci.
    Vous avez également mentionné qu'en plus du groupe de surveillance présent au sein de la GRC, si un pays membre cherche à procéder à l'exécution d'un mandat, il doit passer par le système de justice. Puis vous avez mentionné qu'il y a un organisme de surveillance au sein du comité de la justice qui se penchera sur la question de savoir s'il faut activer le mandat et autoriser une arrestation.
    Savez-vous qui effectue cette surveillance?
    Il s'agit d'un bureau du ministère de la Justice, qui s'appelle le Groupe d'entraide internationale et qui est responsable de toute demande reçue ou présentée par le Canada concernant l'extradition. Ce sont des experts en ce qui a trait aux questions portant sur la Loi sur l'extradition. Ils sont responsables de superviser l'application des traités d'extradition que nous avons avec divers pays. Ils sont experts en la matière.
(0940)
    S'ils donnaient la permission d'activer un mandat, selon le type de crime commis dans le pays qui a présenté la demande, est-ce que la GRC enverrait ce mandat à un autre service de police, ou est-ce que la GRC travaillerait avec le corps de police canadien pour procéder à l'arrestation?
    Cela dépend. De façon générale, un mandat d'arrêt délivré pour extradition sera traité par le service de police compétent. Le Groupe d'entraide internationale, à ce stade, prendra des décisions. Ils demanderont alors au service de police compétent de faire un suivi. Ils peuvent également contacter la GRC, et bien souvent, nous sommes évidemment ceux qui ont compétence.
    Merci, monsieur Eglinski.
    Nous allons entendre M. Spengemann pour les cinq dernières minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux que vous soyez d'humeur généreuse aujourd'hui.
    Monsieur Doran, monsieur Cameron, je vous remercie de votre présence aujourd'hui et de vos années passées au service du Canada.
    L'élection du sous-commissaire Michaud a été un grand moment pour le Canada. J'aimerais le féliciter et lui souhaiter la meilleure des chances dans ce poste très important. Il représente les Amériques.
    Pourriez-vous préciser un peu en quoi consiste le poste que le sous-commissaire occupe, non pas seulement comme agent canadien à INTERPOL mais plus précisément comme représentant des Amériques? Quel type de questions d'application de la loi pourrait-il avoir à traiter?
    Je m'en remettrais probablement à lui pour qu'il vous explique les caractéristiques de ce rôle. De façon générale, le comité exécutif doit se réunir trois fois par année. En tant que représentant des Amériques, il devra réunir différents problèmes et différentes affaires stratégiques, peut-être même des problèmes portant sur certains pays et sur la façon dont les gens agissent au sein d'INTERPOL. Il présentera alors ces problèmes au comité exécutif d'INTERPOL afin qu'on les consigne, qu'on en discute et qu'on détermine une orientation stratégique.
    De plus, à la suite de l'assemblée générale, qui vient tout juste de se terminer, bon nombre de dossiers atterrissent sur son bureau, concernant des points à l'ordre du jour à discuter, des décisions à prendre et bien plus. Le comité exécutif doit alors, à défaut d'un meilleur terme, « mettre en marche » les décisions prises lors de l'assemblée générale, afin qu'elles soient appliquées, dans le cas échéant, pour les Amériques, et continuer de travailler sur ces problèmes.
    Il est vraiment en mesure de faire entendre la voix des pays des Amériques. Ces pays peuvent se fier à lui pour les représenter.
    Oui, et il y a un vice-président des Amériques, et un certain nombre de délégués. Ils seront en mesure, ensemble, de coordonner les activités de l'hémisphère ouest.
    À quand remonte la dernière fois qu'un Canadien a représenté les Amériques? Si vous n'êtes pas en mesure de répondre, est-ce quelque chose que vous pourriez...
    Le vice-président des Amériques qui vient de quitter son poste — le sous-commissaire Todd Shean — était canadien. Le sous-commissaire Michaud a alors pris sa place en tant que représentant plutôt que comme vice-président.
    Excellent. Merci.
    Vous avez dit qu'INTERPOL était presque l'équivalent un pour un des Nations unies dans le domaine de l'application de la loi. Presque tout le monde fait partie de ce groupe.
    De quelle façon INTERPOL travaille-t-elle avec les organismes d'application de la loi des Nations unies? Je pense particulièrement à l'ONUDC, ou à d'autres secteurs de l'ONU qui participent à la prévention du crime.
    En toute honnêteté, je ne suis pas au courant de la façon dont ils interagissent entre eux. Je sais qu'INTERPOL a été reconnue par les Nations unies en tant qu'organisation internationale. INTERPOL fonctionne en vertu du droit international, tout comme les Nations unies, et travaille avec l'ONU. L'une des notices, en fait, est la notice spéciale du conseil INTERPOL-ONU, qui est émise pour des groupes et des individus associés à Al Qaïda et aux Talibans, et assujettis à des sanctions, etc. INTERPOL travaille de pair avec différentes organisations des Nations unies, différents sous-comités et autres, lorsqu'il y a un certain intérêt au chapitre de l'exécution de la loi.
    Voilà qui est utile, merci.
    Serait-il juste de dire que le commerce de la drogue et le crime organisé sont des éléments qui préoccupent énormément INTERPOL et qui pourraient soulever des questions d'ordre opérationnel?
    Oui, c'est juste.
    Auriez-vous des chiffres?
    En matière de... ?
    La GRC aurait-elle recueilli des données quant à l'ampleur du travail d'INTERPOL dédié à la lutte contre les stupéfiants et le crime organisé ou autre?
    Nous avons ce type de données. Je ne les ai pas avec moi, mais je peux certainement...
    M. Sven Spengemann: Sont-elles disponibles... ?
    Surint. pr. Scott Doran: Elles le sont.
    Merci.
    Vous avez mentionné la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies, dont nous allons bientôt célébrer le 70e anniversaire. Pourriez-vous préciser un peu plus de quelle façon l'application du cadre des droits de l'homme des Nations unies est liée au réseau d'INTERPOL et à ses mandats opérationnels?
(0945)
    Je dirais qu'INTERPOL a déclaré fonctionner dans l'esprit de cette déclaration, avec tout ce que cela sous-entend. INTERPOL se fie aux normes mises en place par les Nations unies quant à la situation des droits de la personne et à tout ce qui touche ces droits. INTERPOL organise ses politiques et son statut en se fiant à ces règlements.
    D'accord.
    Finalement, il ne me reste que 30 secondes, mais je veux préciser un point. Vous avez déclaré que le pouvoir de la personne à la tête d'INTERPOL serait restreint en raison de la culture de consensus parmi les vice-présidents. Même si le président d'INTERPOL était une personne d'intérêt — il pourrait également s'agir d'un vice-président —, les freins et contrepoids sont tels qu'aucune personne seule ne peut infliger de dommages à l'organisation. S'agit-il d'un bon résumé de ce que vous aviez dit?
    J'ai deux points à formuler.
    D'abord, oui, il s'agissait d'un bon résumé selon moi. Le comité exécutif représente des gens de partout dans le monde qui possèdent des valeurs différentes et ainsi de suite et qui jouent un rôle dans la prise de décisions.
    Ensuite, j'aimerais ajouter qu'il y a 194 pays de représentés. Même s'il est possible que nous voyions une personne d'un mauvais oeil, quelqu'un d'autre, et peut-être même une majorité de gens, a élu cette personne. Voilà la nature même des tribunes internationales. Nous devons être prudents à ce sujet, et nous le sommes. J'estime que le système en place permet de reconnaître ces problèmes. Par conséquent, une approche générale axée sur le consensus est utilisée.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Je me sens généreux aujourd'hui. M. Picard souhaite faire une déclaration de 15 secondes.

[Français]

     Merci.
    J'espère que mes collègues seront d'accord avec moi pour dire que l'exercice de ce matin ne vise pas à remettre en doute le sérieux et la crédibilité d'INTERPOL, malgré d'éventuels agissements d'individus ou d'un groupe d'individus qui iraient à l'encontre de ses intérêts.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur le surintendant principal et monsieur Cameron, merci d'être présents avec nous aujourd'hui malgré un préavis aussi court. Nous sommes heureux que vous éclaircissiez ces subtilités pour nous. Cependant, je dois admettre que je suis curieux. Si le secrétaire général des États-Unis devait retourner dans son pays natal puis disparaître, la communauté internationale en entier serait bouleversée, et c'est en partie là-dessus que notre enquête est fondée.
    Je vais suspendre la séance pour une minute ou deux. Nous recevrons M. Browder par téléconférence et M. Kasparov par téléphone, et nous savons tous que les connexions techniques ne fonctionnent pas toujours comme elles le devraient. Nous suspendrons donc la séance pour quelques minutes afin de garantir le bon fonctionnement des appareils. Merci.
(0945)

(0950)
    Nous voilà de retour, chers collègues.
    Nous avons avec nous M. Browder, par téléconférence depuis Londres et M. Kolga, depuis Toronto. M. Kasparov comparaît par téléphone depuis New York. C'est l'Action de grâce américaine, et nous le remercions de nous accorder un peu de temps.
    Il n'y a pas d'ordre en particulier, mais je vais commencer par M. Browder puisqu'il est le plus éloigné.
    Allez-y.
    Merci de m'avoir invité à vous parler d'INTERPOL aujourd'hui. Il s'agit d'un problème d'actualité qui est important, et qui s'est dernièrement hissé à la tête de l'ordre du jour mondial. Cependant, cette question est à mon ordre du jour depuis bien plus longtemps. J'ai estimé qu'il serait utile de faire part à ce comité de mon expérience vis-à-vis l'utilisation abusive d'INTERPOL par la Russie pour permettre une meilleure compréhension des failles dans le système.
    Bon nombre d'entre vous me reconnaîtront en raison du travail que j'effectue depuis les neuf dernières années dans le cadre de la Magnitsky Justice Campaign. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je m'appelle Bill Browder. J'ai été l'employeur de Sergei Magnitsky, mon avocat, en Russie. Sergei Magnitsky a découvert un énorme stratagème de corruption de 230 millions de dollars. Il a dévoilé ce stratagème et a été arrêté, puis torturé pendant 358 jours et assassiné en novembre 2009.
    Depuis les neuf dernières années, ma mission est de faire en sorte que justice soit rendue, et mes activités ont principalement porté sur la promotion d'une loi, nommée en l'honneur de Sergei Magnitsky, appelée la Loi Magnitsky. En 2012, j'ai milité aux États-Unis pour que le Congrès américain adopte ce projet de loi, ce qu'il a fait en décembre de la même année. Je dois dire que cette loi a grandement contrarié Vladimir Poutine, parce qu'elle gèle les actifs aux États-Unis des Russes ayant violé les droits de la personne et leur interdit de séjourner en sol américain. Vladimir Poutine est un transgresseur des droits de la personne, et il possède beaucoup d'actifs. C'est pourquoi il s'est senti particulièrement visé par cette loi.
    Il a par la suite déclenché une vendetta à mon égard, laquelle est toujours en cours actuellement. L'un des premiers et des plus importants signes de cette vendetta tient au fait qu'en mai 2013, environ cinq mois après l'adoption de la Loi Magnitsky aux États-Unis, la Russie a émis une notice rouge d'INTERPOL à mon sujet. Une notice rouge d'INTERPOL est ce qui se rapproche le plus d'un mandat d'arrêt international. La Russie a donc, par l'entremise d'INTERPOL, réclamé mon arrestation dans n'importe quel pays du monde.
    Après que nous avons été mis au courant de cette affaire, mes avocats ont fourni une preuve détaillée établissant que cette demande était illégitime et motivée par des considérations politiques. J'estime être un militant très médiatisé. L'affaire de la publication de la notice a également été très médiatisée, et cela a donné lieu à un examen d'une organisation d'INTERPOL appelée la Commission de Contrôle des fichiers d'INTERPOL. Il s'agit de l'organisation qui examine la légitimité des notices rouges dans le cas où une contestation valable est soulevée.
    La Commission de Contrôle des fichiers d'INTERPOL, environ deux semaines après le dépôt de nos documents, est arrivée à la conclusion que la demande d'arrestation émise par la Russie constituait une violation du statut d'INTERPOL, lequel déclare qu'INTERPOL ne doit pas être utilisée pour des motifs d'ordre politique, religieux ou militaire. En l'occurrence, les commissaires ont déclaré que cette demande constituait une violation du statut car elle était motivée par des raisons politiques et l'ont donc rejetée. Ils ont alors informé les 194 pays membres de ne pas respecter cette notice rouge et l'ont supprimée de leur système.
    Je pensais en avoir fini avec cette histoire. Je pensais en avoir fini avec la Russie et INTERPOL.
    Peu après, dans le cadre de la vendetta de Poutine, un procès à mon égard a été tenu en mon absence en Russie. Je n'étais pas le seul à subir ce procès, puisque Sergei Magnitsky, mon avocat qui avait été assassiné trois ans plus tôt, était mon codéfendeur. Il s'agissait du premier procès contre un défunt de toute l'histoire de la Russie. À la fin de ce procès en juillet 2013, Sergei Magnitsky et moi-même avons été reconnus coupables, et la Russie a émis une fois de plus une notice rouge, pour les mêmes chefs d'accusation qui avaient été rejetés auparavant. Encore une fois — je n'ai pas eu à intervenir cette fois-ci —, la demande de la Russie a été rejetée.
(0955)
    À ce moment-là, je pensais que mes problèmes concernant la Russie et son utilisation abusive d'INTERPOL étaient finis pour de bon, mais ce n'était pas le cas. En 2014, le gouvernement russe a émis une autre demande d'arrestation par l'entremise d'INTERPOL. Cette demande a encore une fois été rejetée en 2015. Deux autres demandes ont suivi, lesquelles ont toutes été rejetées.
    Puis, en octobre de l'année dernière, le Parlement canadien, donc vous-même, a adopté la loi Magnitsky canadienne. Littéralement un jour après que cette loi a été adoptée, la Russie a émis une autre notice d'INTERPOL. Cette fois, il s'agissait d'une diffusion, non pas d'une notice rouge. Une diffusion est un type de mandat d'arrestation qui fait l'objet d'une vérification moins rigoureuse. Il s'agit d'un mandat d'arrestation préliminaire qui est en vigueur pendant le traitement d'une notice rouge. La Russie a émis une diffusion à mon égard. Encore une fois, environ une semaine après que j'ai présenté une demande à INTERPOL et ai souligné que ce mandat était également motivé par des raisons d'ordre politique, INTERPOL l'a rejeté. C'était la sixième fois que la Russie faisait appel à INTERPOL contre moi.
    Mardi de cette semaine, l'Union européenne a entamé de sérieuses discussions pour l'adoption d'une loi Magnitsky européenne. Dans la même journée, le gouvernement russe a annoncé tout un tas de nouvelles accusations contre moi, dont une accusation incroyable et ridicule liée à l'assassinat de Sergei Magnitsky, que j'aurais commis d'une quelconque façon. Le pays a alors annoncé qu'il ferait appel à INTERPOL pour une septième fois. La Russie abuse régulièrement d'INTERPOL. Les responsables russes n'ont toujours pas compris après la sixième fois.
    Quelle est la morale de cette histoire? La voici:un pays qui veut abuser d'INTERPOL peut simplement continuer à le faire, et le nombre de tentatives n'importe pas.
    Les règlements d'INTERPOL comportent un ensemble de règles qui prévoient que si un pays abuse constamment d'INTERPOL, ce pays n'a plus le droit d'utiliser les systèmes de l'organisation. Je dirais que mon cas — je parlerai d'autres cas dans un moment — est un exemple parfait de la façon dont un pays peut abuser d'INTERPOL à répétition. Cette disposition au sein du statut d'INTERPOL n'a jamais été utilisée, mais je dirais qu'une partie de mon objectif pour les quelques mois à venir est de présenter formellement une demande à INTERPOL pour qu'elle empêche la Russie d'utiliser ses systèmes.
    Je terminerai en disant que mon histoire d'abus à répétition. En théorie, certaines personnes d'INTERPOL pourraient dire: « Notre système fonctionne bien, puisque chaque fois que la Russie a tenté de s'en prendre à Bill Browder, nous avons rejeté la demande. » Voilà qui est bien beau et bien gentil, excepté le fait que je suis probablement la personne la plus médiatisée dans le monde qui a ce problème. J'ai d'ailleurs écrit un livre qui s'intitule Notice rouge, et qui est un best-seller international. Tout le monde me connaît, en raison de ma notoriété et de mes ressources, mais il y a littéralement des centaines, voire des milliers d'avocats spécialisés en droits de la personne, de militants et de politiciens de l'opposition en Russie qui n'ont pas ma notoriété, mes ressources ni mes avocats, et qui sont poursuivis.
    Merci.
(1000)
    Merci. Nous allons maintenant passer à M. Kasparov. J'espère que notre technologie fonctionne et que vous pouvez nous entendre.
    Monsieur Kasparov, êtes-vous prêt pour votre exposé de 10 minutes?
    Merci beaucoup de m'avoir invité.
    J'ai entendu l'histoire de Bill à maintes reprises. Chaque fois que je l'entends, je n'en crois pas mes oreilles. Si je n'avais jamais habité en Russie, je n'aurais probablement pas cru ce qu'il disait, mais je sais qu'il a absolument raison. Il aurait sans doute pu en dire plus, mais le temps était limité.
    La Russie n'a pas de magistrature indépendante. Les tribunaux russes sont au service de Poutine, et non de la justice, comme vous venez de l'entendre. Les tribunaux russes sont souvent utilisés pour fabriquer des accusations à l'endroit d'opposants au régime et de leaders de l'opposition et pour faire reconnaître ces personnes coupables.
    S'ils habitent à l'étranger, comme bon nombre d'entre nous ont été obligés de le faire, on aura souvent recours à INTERPOL pour les persécuter. Cela s'est produit à de nombreuses occasions. J'ai été choqué d'apprendre qu'INTERPOL était sur le point d'élire un général russe à la tête de son organisation.
    Soit dit en passant, comme l'a dit Bill, la Russie ne va pas abandonner. Prokopchuk, l'homme qui n'a pas réussi à devenir président, est encore le vice-président d'INTERPOL. Il a obtenu 61 votes. Soixante et un représentants nationaux ont cru que ce serait une bonne idée qu'un général de la police russe du gouvernement Poutine soit à la tête d'INTERPOL. Si cela est possible, j'aimerais consulter cette liste.
    Au cours des derniers jours, alors qu'il y avait une campagne de grande envergure dans le monde libre pour dénoncer cette candidature inacceptable, nous avons entendu des personnes faire des analogies et dire que cela équivaudrait à confier la responsabilité du service des incendies à un pyromane, ou encore à confier la garde du poulailler à un renard. Je ne crois pas que ces comparaisons permettent de saisir la gravité de ce qui s'est presque produit hier, étant donné que le fait de confier la responsabilité de l'application de la loi à l'échelle mondiale à un général issu du régime mafieux et corrompu du gouvernement Poutine est bien pire.
    Pour faire suite à ce que Bill a dit, si le Canada refusait d'extrader l'une des cibles politiques de Poutine vers la Russie, pourquoi ce pays aurait-il le droit d'émettre une notice rouge? Renverriez-vous un transfuge nord-coréen dans son pays?
    Je ne crois pas qu'il vaille la peine de décider au cas par cas alors que les dictatures peuvent fabriquer autant de fausses accusations qu'elles le souhaitent. Comme vous l'avez entendu il y a quelques minutes, elles continuent d'en fabriquer même si on les rejette. Les ennemis de Poutine comme Bill Browder ou Mikhail Khodorkovsky ont tous deux été accusés de meurtre par les tribunaux russes après l'échec des premières accusations de fraude et de vol. Cela n'a pas de fin.
    Comme Bill l'a mentionné, la plupart des personnes ciblées par Poutine n'ont ni les ressources ni la notoriété dont jouissent Mikhail Khodorkovsky ou Bill Browder. Bon nombre de ces personnes ont simplement été arrêtées en raison de ces notices rouges et sont en attente de leur extradition.
    Souvenez-vous de certaines affaires très médiatisées concernant des crimes commis par la Russie à l'étranger. Par exemple, Alexander Litvinenko a été assassiné à Londres en 2006 par empoisonnement au polonium, un élément composé d'isotopes radioactifs, et son présumé tueur s'est échappé pour retourner en Russie. Les Britanniques ont demandé au Kremlin de l'extrader ou, du moins, de le questionner, mais en vain. Le Kremlin n'a pas autorisé à ce qu'il soit interrogé ou extradé. Au lieu de cela, Lugovoi a été nommé membre du parlement russe. C'est la manière dont le gouvernement Poutine se mobilise.
(1005)
    Monsieur Kasparov, je suis désolé de vous interrompre, étant donné que votre témoignage est très important.
    La sonnerie d'appel retentit, ce qui veut dire que théoriquement je dois suspendre la séance. Après tous les efforts déployés pour rassembler les membres de ce comité, c'est vraiment exaspérant.
    Chers collègues, puis-je tenir pour acquis que nous pouvons continuer durant encore 15 minutes et au moins entendre le témoignage de M. Kolga? En gros, cela voudra dire que nous ne pourrons pas poser de questions. Cela est-il raisonnable? Nous aurons encore le temps de nous rendre à la Chambre pour voter sur ces questions de procédure.
    Veuillez poursuivre, monsieur Kasparov. Il vous reste environ six minutes.
    Je termine mon exposé dans deux minutes.
    Merci.
    Comment vous l'avez mentionné, il y a seulement quelques mois de cela, la Chine a fait disparaître un de ses citoyens, Meng Hongwei, l'ancien président d'INTERPOL, prétendument pour l'accuser de corruption. Je crois que le gouvernement Xi Jinping était très insatisfait du faible nombre de personnes répertoriées sur sa liste mondiale de cibles qu'il avait réussi à appréhender. Soit dit en passant, la liste des 100 personnes les plus recherchées par la Chine s'appelle officiellement Operation Skynet. Cela indique clairement qui est vraiment aux commandes, et ce sera le cas pour la Russie aussi, notamment pour tous les oligarques et bureaucrates russes partout dans le monde. Ils servent Poutine à titre amovible, et eux et leurs familles vivent à titre amovible, comme campagne mondiale d'assassinat le fait savoir très clairement.
    La question est la suivante: comment en sommes-nous arrivés là? Comment un général russe est-il devenu le président d'INTERPOL? On a emprunté la route pavée de bonnes intentions. Depuis la fin de la Guerre froide, la mission, du point de vue occidental, est de mobiliser les membres des régimes dictatoriaux pour qu'ils prennent part à des groupes comme le G7, INTERPOL, l'OMC, et ainsi de suite. Il était question de créer ces partenariats et ces relations économiques de sorte à libéraliser leurs autocraties et à améliorer les normes de transparence et les niveaux de vie dans ces pays.
    Dans pratiquement tous les cas, les choses se sont déroulées tout autrement. La Chine est sur le point de devenir une dictature autocratique comme celle de Poutine, et la Russie est un État entièrement autoritaire. L'indice de liberté à l'échelle mondiale a diminué durant sept années consécutives. INTERPOL n'est que l'exemple le plus récent de ce qui arrive lorsqu'on laisse tomber ses normes et ses principes au nom de la collaboration. Au lieu de répandre la libéralisation et la coopération, la collaboration internationale a permis à la Russie et à d'autres pays de propager la corruption dans le but de rabaisser tout le monde à leur niveau.
    Après avoir invité les représentants de tels régimes à participer aux activités des organisations du monde libre, il sera plutôt difficile de les expulser, mais cela doit se faire si ces organisations défendent un principe quelconque. Autrement, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elles soient renversées et s'opposent aux notions de liberté et de justice qu'elles étaient destinées à préserver. Pensons, par exemple, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies à l'égard de l'Arabie saoudite, de l'Iran et d'autres contrevenants aux droits de la personne tristement célèbres.
    J'espère que ces audiences vous aideront à mieux comprendre le danger de l'influence de pays comme la Russie au sein d'INTERPOL ou d'autres organisations internationales, qui, comme vous l'avez dit, sont régies par le droit international, mais également souvent par leurs propres lois. Il y a très peu de transparence, ce qui est d'ailleurs inacceptable.
    Merci.
    Merci, monsieur Kasparov.
    Monsieur Kolga, vous avez dix minutes, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, d'avoir organisé cette importante audience.
    Je vais vous remettre un peu en contexte en ce qui concerne le Canada.
    Bien que l'élection d'hier d'un nouveau président d'INTERPOL ait eu un résultat positif, des problèmes graves persistent au sein de l'organisation. Parmi les différents régimes autoritaires qui ont fait une utilisation abusive du système de notices d'INTERPOL à des fins politiques, le régime Poutine est en tête de liste. L'utilisation abusive du système de notices rouges représente des risques importants pour les détracteurs des régimes autoritaires, comme l'a mentionné M. Browder. Les Canadiens pourraient également devenir la cible de cette utilisation abusive si une réforme d'INTERPOL n'est pas réalisée bientôt à l'égard de la Russie, de la Chine et d'autres États membres appliquant un régime autoritaire.
    Dans le contexte russe, les lois visant à restreindre la liberté d'expression, sans égard aux frontières, sont utilisées pour cibler et inculper des détracteurs à l'échelle mondiale, après quoi il est possible de limiter leur mouvement à l'aide du système de notices rouges. Les lois russes anti-gais qui criminalisent les activités publiques de défense des droits des homosexuels ont été utilisées dans le passé pour réduire au silence les militants étrangers. Quiconque dont l'interprétation de l'histoire soviétique est différente de la version officielle de l'État russe peut être aussi poursuivi en justice.
    Cela expose les Canadiens et d'autres étrangers au risque d'être éventuellement poursuivis par contumace en Russie, et au risque subséquent de faire l'objet d'une diffusion ou d'une notice rouge. Le Kremlin ne voit pas d'inconvénient à juger les détracteurs par contumace, et les responsables l'ont fait à maintes reprises dans le passé, notamment dans le cas de Bill Browder, et même à l'endroit de son avocat, Sergei Magnitsky, après sa mort.
    À l'heure actuelle, le système de notices rouges d'INTERPOL permet au Kremlin et à d'autres régimes autoritaires d'élargir la portée de leur oppression partout dans le monde, et bien qu'il incombe aux autorités locales de décider si elles veulent réagir à ces notices, elles constituent une menace considérable pour les militants, qui courent le risque d'être la cible de lois destinées à les réduire au silence.
    Par exemple, en 2014, Vladimir Poutine a promulgué une loi qui permet effectivement au Kremlin de poursuivre et d'incarcérer, pour une période allant jusqu'à trois ans, quiconque désapprouve sa version de l'histoire soviétique. Les lois russes criminalisent la « diffusion d'informations délibérément fausses sur les activités de l'Union soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. »
    Les collectivités du Canada et de l'Europe centrale et orientale qui se réunissent chaque 23 août pour commémorer la signature du pacte Hitler-Staline, lequel a déclenché les invasions coordonnées de la Pologne par les nazis et les Soviétiques et ainsi que le début de la Seconde Guerre mondiale en août et septembre 1939, seraient probablement toutes reconnues coupables en vertu de cette loi.
    En 2016, Vladimir Luzgin, un mécanicien automobile originaire de Perm en Russie, a été reconnu coupable conformément à cette loi en raison d'un texte publié dans un blogue où il a déclaré que les nazis et les Soviétiques avaient en fait envahi la Pologne en 1939. M. Luzgin a depuis présenté une demande à la Cour européenne des droits de l'homme pour qu'elle examine son cas.
    Advenant le cas où les autorités russes et le Kremlin se sentiraient menacés par des militants canadiens présents dans les collectivités locales russes, ukrainiennes, polonaises ou baltes, ils pourraient se servir de la même loi pour les juger par contumace et demander d'utiliser une diffusion ou une notice rouge pour entraver leur mouvement ou, dans le pire des cas, pour les extrader d'un pays ami.
    La loi relative à la propagande anti-gais présente également un risque pour les Canadiens, puisqu'elle interdit toute activité de défense des droits des homosexuels ou toute critique des politiques d'État, ce qui a notamment entraîné l'incarcération systématique dans des camps de concentration des hommes gais se trouvant dans la province russe de la Tchétchénie. La loi interdit en particulier toute promotion des relations sexuelles non traditionnelles. Sous ce régime, les étrangers qui sont reconnus coupables d'avoir enfreint cette loi peuvent être emprisonnés pendant 15 jours au plus, malgré le fait que l'article 3 du statut d'INTERPOL interdit strictement toute intervention ou activité dans des affaires présentant un caractère politique ou discriminatoire.
    Des régimes comme celui de Vladimir Poutine continuent d'utiliser le système des notices rouges d'INTERPOL pour cibler leurs détracteurs. Comme cela a été déclaré dans un rapport rédigé lors d'une assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en 2017 et qui porte sur le recours abusif à INTERPOL, on a manifestement fait une utilisation abusive du système des notices rouges « en vue d'atteindre des objectifs politiques, ce qui opprime la liberté d'expression ou donne lieu à la persécution de membres de l'opposition politique au-delà des frontières de ces pays ». Selon ce même rapport, le fonctionnement adéquat du système de notices rouges dépend « de la confiance mutuelle entre les divers intervenants et de la croyance que les États membres auraient recours à INTERPOL de bonne foi, uniquement aux fins pour lesquelles l'organisation a été fondée ». Pour ce qui est du gouvernement russe, cette confiance a été endommagée de façon irrémédiable en raison du recours systématique aux notices rouges à l'encontre de multiples cibles politiques, y compris Bill Browder.
    La gravité des crimes imputés aux personnes ciblées par les notices rouges utilisées par les régimes autoritaires varie aussi.
    Alexander Lapshin, un blogueur de voyage ukrainien, a été arrêté à Minsk à la suite de l'émission d'une notice rouge de nature politique par le gouvernement de l'Azerbaïdjan en décembre 2016 pour avoir fait des commentaires sur ses visites dans le Haut-Karabakh en 2012.
    Natalia Bushuyeva a été détenue à Moscou à la suite de l'émission d'une notice rouge par l'Ouzbékistan à des fins politiques en juillet 2016. Elle était correspondante pour la Deutsche Welle et avait couvert le massacre de manifestants par le gouvernement uzbek à Andijan en 2005.
(1010)
    En 2013, la Russie a émis une notice rouge à l'égard d'Eerik-Niiles Kross, un parlementaire estonien et l'un des principaux détracteurs de Vladimir Poutine, quelques jours avant une élection à laquelle il prenait part.
    Il est également important de noter que mardi, l'animatrice d'une populaire émission russe de discussions sur l'actualité, Olga Skabeeva, a dit aux téléspectateurs qu'une fois que le Kremlin assumerait la présidence d'INTERPOL, il enverrait tout le gouvernement de l'Ukraine en prison.
    Les activités que je mène ici au Canada et à l'étranger pour exiger le respect des droits de la personne en Russie, en tant que militant de l'opposition favorable à l'adoption au Canada d'une loi Magnitsky, ont fait de moi une cible des trolls et de la propagande du Kremlin. Déjà, en 2008, j'ai reçu des menaces de mort pour avoir critiqué publiquement l'invasion de la Georgie par le Kremlin et son occupation subséquente de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie.
    En 2016, j'ai organisé une conférence à l'Université de Toronto en mémoire du leader de l'opposition russe assassiné Boris Nemtsov. Bill faisait partie des participants. Vladimir Kara-Murza, Zhanna, la fille de Boris, et Irwin Cotler en faisaient également partie. Peu de temps après l'événement, l'avocate du Kremlin qui avait organisé la réunion à la tour Trump en juin 2016, laquelle est actuellement au coeur de l'enquête menée par le procureur américain Robert Mueller, Natalia Veselnitskaya, a publiquement critiqué l'événement, ce qui a encouragé un membre de la Douma russe, Yevgeny Fedorov, à présenter une demande officielle au procureur général de la Russie afin qu'une enquête soit menée sur mes activités au Canada.
    Bien que je n'ai pas eu à faire face à des problèmes immédiats à la suite de cette demande, cela indique la volonté du Kremlin de menacer les militants et les détracteurs, peu importe où ils se trouvent.
    J'espère que ce gouvernement et ce comité vont lancer une enquête beaucoup plus approfondie en ce qui concerne la réforme d'INTERPOL et de son système de notices rouges, dont le Kremlin fait déjà une utilisation abusive à l'heure actuelle.
    Merci de m'avoir invité aujourd'hui afin que je témoigne et d'avoir organisé cette audience d'urgence très importante.
(1015)
    Merci, messieurs Kolga, Browder et Kasparov d'avoir organisé vos horaires de façon à ce que le Comité puisse entendre vos témoignages qui sont d'une très grande importance. Malheureusement, nous devons tous passer aux votes. Pour ceux qui connaissent la démocratie, nous devons procéder de cette façon.
    Joyeuse Action de grâce, monsieur Kasparov. Monsieur Browder, célébrez-vous encore l'Action de grâce américaine?
    Oui, de tout coeur.
    D'accord.
    Merci encore une fois.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU