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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 mai 2016

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    J'aimerais commencer par souhaiter la bienvenue à Julia Bicknell, directrice de World Watch Monitor. Elle est de Londres, et elle est venue pour témoigner devant nous.
    Je tiens à souligner aux membres du Comité que, comme vous le voyez dans l'horaire des activités du Comité, nous allons prendre 10 minutes à la fin pour mener certains travaux à huis clos, et nous allons donc rajuster les périodes de questions en conséquence.
    Cela dit, encore une fois, merci de vous joindre à nous. Nous allons commencer avec votre déclaration de 10 minutes.
    Merci beaucoup. Je vous remercie tout particulièrement de m'avoir invitée ici depuis le vieux pays.
    En tant qu'ancienne journaliste de la BBC, j'ai pensé que je structurerais simplement ce que je vais dire au cours des 10 prochaines minutes autour des cinq questions qui sont essentielles pour tout journaliste, à savoir qui, quoi, où, pourquoi et comment.
     Je vais me présenter. Comme vous l'avez entendu, mon nom est Julia Bicknell. J'ai commencé à travailler comme journaliste pour le BBC World Service en 1980. Au sein du World Service, que j'espère plusieurs d'entre vous avez écouté à un moment ou un autre au cours de vos voyages, je travaillais à la salle des nouvelles principale du World Service en anglais. Nous recueillions des nouvelles de partout dans le monde. Nous les rédigions. Nous vérifiions les sources afin de produire ces bulletins de nouvelles. J'ai aussi passé du temps à réaliser Newshour, la principale émission de nouvelles et d'actualités. Dans cette émission, nous faisions de l'analyse des nouvelles.
    En 1991, deux semaines avant que la guerre du Koweït éclate, j'étais sur le point d'arriver au Pakistan pour y effectuer un séjour de trois mois grâce à une bourse de voyage. J'avais prévu de parcourir tout le Pakistan sac au dos, et je suis tombée amoureuse du pays. J'ai demandé à la BBC si je pourrais y retourner pour y être postée. Je suis arrivée de nouveau en 1992. Durant mon année là-bas, j'ai essentiellement couvert les inondations, les émeutes, les écrasements d'avions, les changements de gouvernements, et ainsi de suite.
    J'ai aussi couvert la situation des confessions minoritaires au Pakistan. Cela comprenait les ahmadis, que j'ai rencontrés très tôt au cours de mon voyage, les ismaéliens et les chrétiens.
    Il y avait une question qui touchait tout particulièrement les confessions minoritaires à cette époque. Il s'agissait de l'intention du gouvernement pakistanais d'instaurer un régime de cartes d'identité obligatoires qui indiquaient votre religion. J'ai couvert ce sujet pour le BBC World Service.
    Dans le cadre de ce reportage, j'ai suis allée rendre visite à une communauté chrétienne minoritaire juste à l'extérieur d'Islamabad, la capitale, où je vivais. Ces gens vivaient — je ne blague pas — au milieu de pierres tombales. Ils vivaient dans un cimetière. C'était là que vivait leur communauté.
     Mon amie Iqra connaîtra le terme katchi abadi. Ça veut dire « bidonville » en ourdou. Leur atchi abadi était dans un cimetière. L'image qu'ils se faisaient du monde occidental leur arrivait par leur télévision satellitaire. Peu importe à quel point ils sont pauvres, ils ont une télé satellitaire. Qu'est-ce qu'ils écoutaient en 1992? Ils écoutaient Dallas et Dynasty. C'était cela, l'image du monde qui entrait dans leur bidonville. Cela m'a vraiment affectée.
    Avance rapide jusqu'à l'été 1994. C'est une année au cours de laquelle j'ai passé tout l'été au World Service à lire le bulletin de nouvelles du BBC World Service: « 17 h temps moyen de Greenwich — les nouvelles, lues par Julia Bicknell ».
    Cet été a été l'été du Rwanda. Comme vous pouvez l'imaginer, je lisais jour après jour des nouvelles au sujet des atrocités commises dans ce pays. Comme vous le savez, votre propre Roméo Dallaire priait durant cet été les Nations unies d'intervenir dans cette situation.
    Après ces expériences, je suis passée à un secteur de la BBC appelé le World Service Trust. C'est ce que j'appelle la branche du développement international de la BBC. C'est ce que j'appelle faire du développement international en développant les médias dans les pays en développement. Nous sortions souvent de la BBC. Nous étions invités par les gouvernements de pays pour transformer leurs médias de manière à les rendre plus aptes à obliger leurs gouvernements à rendre des comptes et à poser à leurs politiciens des questions difficiles sur des sujets comme la corruption au sein des gouvernements.
     Dans l'exercice de ces fonctions, je suis allée vivre au Vietnam. Pendant que je vivais au Vietnam, j'ai formé des journalistes locaux à la radio et la chaîne de télé nationale à réaliser — ce n'était pas la télé, c'était la station de radio. Ils réalisaient, pour la toute première fois, des émissions de tribunes téléphoniques nationales. Ils ne savaient pas ce qu'était une émission de tribune téléphonique. Lorsque je suis arrivée, pensant que j'allais leur enseigner comment réaliser une émission de tribune téléphonique, je me suis rendu compte qu'ils n'avaient aucune conception de gens qui appellent au téléphone au cours d'une émission comme vous le faites au Canada. Un de mes amis réalise Cross Country Checkup. Vous avez une façon de tenir un débat national ouvert à l'échelle du pays tout entier. Dans un pays comme le Vietnam, il était parfaitement inconcevable de faire la même chose en 1998.
    J'ai vraiment compris ce qui arrivait aux confessions minoritaires au Vietnam, en particulier aux gens de l'ethnie hmong. Ils étaient victimes de discrimination s'ils ne partageaient pas les convictions du Parti communiste, le gouvernement communiste à l'époque.
(1310)
    J'ai ensuite déménagé en Afrique et je me suis rendue régulièrement au Soudan, aussi bien dans le nord que dans le sud du pays. J'ai passé du temps aux frontières du Darfour, au plus fort de la crise au Darfour, et je suis arrivée à Djuba trois semaines après la signature de l'accord de paix.
    Toutes ces expériences ont fait que, tout en visitant des endroits comme le Kenya et la Somalie, j'ai réussi à travailler. Je gérais des programmes financés par UNICEF et le PNUD.
    John Kerry a dit la semaine dernière aux États-Unis: « Il revient à nous de reconnaître que nous ne pouvons pas diriger un monde que nous ne comprenons pas et que nous ne pouvons pas comprendre le monde si nous ne parvenons pas à comprendre et à honorer le rôle central que joue la religion dans la vie de milliards de gens. »
    Il m'a semblé que les expériences que j'avais observées et que vivaient les membres de confessions minoritaires partout dans le monde ne recevaient pas toute l'attention médiatique qu'elles méritaient. Il y a eu des événements violents majeurs qui sont survenus en Inde et au Pakistan, et dont je n'ai jamais même entendu parler parce que je travaillais en Afrique. Alors que j'étais assise au coeur de la BBC, j'ai pensé que si je n'étais pas au courant de ces événements, cela voulait dire que 99 % de la population mondiale n'en avait pas connaissance non plus, parce que je suis une accro des nouvelles internationales.
    Cela m'amène au « quoi » et au « quand ».
    À l'été 2012, j'ai quitté la BBC et j'ai démarré ce que j'ai appelé une agence de presse créneau en ligne qui rapporte ce qui arrive aux chrétiens soumis à des pressions à cause de leur foi partout dans le monde. Vous vous demandez peut-être tout de suite pourquoi je me concentre sur les chrétiens. Eh bien, notre site Web énonce que nous respectons le droit de chacun à la liberté de pensée, de conscience et de religion, mais nous existons pour dire avec exactitude et autorité la partie qui concerne l'église globale qui subit des pressions à cause de sa foi, qu'elle soit catholique, protestante ou orthodoxe.
    Maintenant, la question du « où ».
    Je devrais ajouter que, bien que nous nous concentrions sur le monde en développement, et non sur le monde occidental, j'ai beaucoup plus d'histoires que je peux en traiter qui proviennent d'Asie et d'Afrique. Je ne rapporte pas à l'heure actuelle ce qui se passe au Canada ni aux États-Unis ni, d'ailleurs, en Europe de l'Ouest. Nous visons à mettre au jour les histoires dont personne d'autre dans les médias de masse n'a connaissance ni n'entend parler. Nous aspirons à être la source d'information qui inspire le plus de confiance, qui est la plus fiable et qui fait le plus autorité au sujet de l'église globale.
    Comment trouvons-nous nos sources et comment obtenons-nous notre information?
    Au cours des quatre dernières années, j'ai bâti un réseau de reporters locaux — il s'agit de reporters professionnels — partout dans le monde dans ces endroits, comme dans le Nord du Nigéria, en Inde et au Pakistan. Ce ne sont pas seulement mes reporters qui me font des comptes rendus: j'ai aussi développé des réseaux de chefs religieux, d'ONG et de groupes communautaires de confiance dans ces pays. Étant donné qu'ils sont sur le terrain et qu'ils appartiennent à la collectivité locale, ils peuvent arriver sur les lieux rapidement.
    Je vais vous donner un exemple rapide.
    En décembre 2014, un jeune couple de chrétiens qui étaient des travailleurs asservis pour dettes au Pakistan — ce qui, en fait, est techniquement illégal — ont été attaqués par une foule violente de plus de 600 personnes qui avaient été incitées à la violence par des messages diffusés au moyen du haut-parleur de la mosquée selon lesquels la femme avait commis un blasphème. Mon reporter m'a téléphoné et a laissé un message à mon attention disant que cela s'était produit vers 7 heures du matin. Quelques heures plus tard, il était déjà dans le village. Il a interviewé les parents des victimes, il est rentré chez lui en voiture, et il a rédigé son reportage cette nuit-là. Je me suis levée tôt le lendemain matin, je l'ai édité, puis nous l'avons diffusé dans le monde entier. C'était une histoire horrible qui a choqué le Pakistan, mais nous avions un homme sur le terrain qui nous faisait un compte rendu de cet événement. Il avait recueilli des déclarations de témoins oculaires.
    Notre site Web fonctionne par abonnement. Il est gratuit. Vous n'avez pas à payer pour y avoir accès; vous pouvez tout simplement vous connecter au site Web. Vous pouvez vous abonner pour n'importe quel pays ou pour tous les pays.
    J'aimerais mentionner une dernière affaire, soit les filles de Chibok, dont bon nombre d'entre vous ont entendu parler.
     Quel impact le World Watch Monitor a-t-il eu? Notre reportage sur les filles de Chibok — les filles de Chibok ne sont pas un incident isolé — a fait les manchettes internationales, mais, en fait, cela faisait partie d'un cycle d'atrocités que Boko Haram commet contre des femmes et des enfants depuis 1999. Un organisme appelé Portes Ouvertes — Paul Johnson en est l'administrateur général ici au Canada, et il est mon hôte durant mon séjour — qui avait fait beaucoup de recherches avec des chercheurs sur le terrain, avait relevé ce cycle de violence contre des femmes et des filles dans le Nord du Nigéria. Nous n'avons pas fait de promotion spéciale de ce rapport, mais il a été publié. Des gens de centres juridiques à New York l'ont relevé, Amnistie Internationale l'a relevé, Human Rights Watch l'a relevé, et notre rapport a servi d'élément de preuve pour monter le dossier contre Boko Haram devant la Cour pénale internationale à La Haye au titre d'atrocités commises contre des femmes et des filles.
(1315)
    Je n'ai pas vu combien j'ai de temps, mais je pense que mon temps est écoulé. C'était un exposé rapide.
    Merci.
    Merci. En fait, vous avez pris exactement 10 minutes. C'est très impressionnant...
    C'est ma...
    J'allais dire que c'est votre expérience à la BBC.
    Nous allons commencer avec la première ronde de questions.
    Monsieur Anderson, allez-y.
    Nous sommes très excités que vous soyez ici parmi nous aujourd'hui. Nous avons eu une conversation l'autre jour, et quelqu'un m'a mentionné qu'il est important de savoir comment distinguer le signal du bruit.
    Oui.
    En Irak, par exemple, tout le monde était tué ou se faisait tuer — tous les groupes —, mais lorsque vous décidez de choisir un événement pour en faire un cas de principe...
    J'ai beaucoup de mal à vous entendre, David.
    Votre écouteur.
    Ah, il faut que j'introduise ceci. D'accord, désolée.
    Le canal un est l'anglais.
    Désolée. Je pensais que je vous entendais naturellement.
    Je peux parler plus fort. Est-ce que ça va?
    Oui, j'entends mieux maintenant. Je pensais que si vous parliez anglais, je serais capable de vous entendre.
    Je voulais vous demander comment vous distinguez le signal du bruit dans les événements que vous choisissez de couvrir.
    Comme je le dis souvent, je passe autant de temps à démonter des histoires que j'en passe à les monter. Cela signifie reconnaître les histoires qui sont exagérées, les histoires dont certaines personnes font la promotion. Je dois faire cela parce que les gens veulent obtenir de l'argent de donateurs. Je vérifie toujours les sources en remontant jusqu'à l'origine. Je ne me contente pas de lire quelque chose sur Internet et de penser que ça doit être vrai.
    Avec ma formation à la BBC, j'en sais beaucoup sur quelles agences de presse sont de confiance partout dans le monde. Par exemple, en ce qui concerne la Syrie, le Syrian Observatory for Human Rights, basé à Londres, s'est révélé assez fiable. Il y en a dont je sais que je peux leur faire confiance. Il y en a dont je sais que je dois me méfier un peu.
    Évidemment, vous pouvez trianguler. Vous obtenez quelque chose d'une agence de presse et vous vérifiez si c'est ce que vous entendez des gens sur le terrain, si ça confirme. Par exemple, les gouvernements mettent souvent beaucoup de temps à confirmer le nombre de personnes tuées lors d'une atrocité. Bien souvent, les ONG basées dans une collectivité ont une idée beaucoup plus claire. C'est ce genre de choses. Tous mes antécédents m'ont formée aux façons de distinguer le signal du bruit.
    Vous avez parlé de votre expérience à traiter avec des chrétiens qui subissent des pressions. Est-ce que le Canada et l'Occident se sont montrés suffisamment sensibles au sort des chrétiens qui subissent des pressions dans des pays en développement, ou sommes-nous devenus complaisants et avons-nous omis de prêter attention à ce problème?
    Les gens ont une idée de ce qu'est le christianisme. Ils pensent que c'est une religion occidentale ou, si j'ose dire, nord-américaine. Nous oublions parfois, à notre péril, que le christianisme est apparu au Moyen-Orient. En fait, ce n'est pas une religion de personnes blanches. C'est une religion qui est issue du Moyen-Orient. Des gens m'ont dit qu'ils sont choqués lorsqu'ils entendent que des chrétiens parlent arabe. Ils ne se rendent pas compte qu'il y a des millions de chrétiens qui parlent arabe. Il y a beaucoup d'éducation qui doit être faite dans nos pays.
    Je pense que nous devons éduquer les églises autant que nous devons éduquer n'importe qui. Il y a un véritable sentiment d'analphabétisme religieux, en particulier dans les médias, et je peux lever la main comme ayant été l'une d'eux. Ce qui arrive souvent, c'est que les gens, s'ils n'ont pas une foi qui leur est propre, ne peuvent pas se mettre dans l'état d'esprit de quelqu'un pour qui cela fait absolument partie de la vie. John Kerry dit que nous devons reconnaître, si nous voulons comprendre le monde, que pour peut-être 90 % de la population mondiale, la religion est une clé, elle fait partie intégrante de leurs vies. Je pense que nous devons nous dégager de notre état d'esprit occidental et commencer à être plus conscients de comment vit le reste du monde.
(1320)
    Connaissez-vous les travaux du Bureau de la liberté de religion?
    Je le connais un peu. J'ai rencontré Andrew Bennett. Je l'ai rencontré deux fois. Je l'ai rencontré une fois au Foreign Office au Royaume-Uni et une autre fois l'année dernière à Rome.
    Il réalisait certains travaux importants au plan international. Ce bureau a été fermé, comme vous le savez certainement.
    Comment le gouvernement du Canada peut-il appuyer efficacement des organisations religieuses qui travaillent à promouvoir la liberté de religion partout dans le monde?
    J'ai été très impressionnée par Andrew Bennett lorsque je l'ai rencontré à Londres et de nouveau à Rome. Je me suis promenée dans Rome avec lui et j'ai eu une conversation assez profonde avec lui au sujet de ce qui se passe en Ukraine. J'ai été triste d'apprendre que son bureau avait été fermé, mais c'est la décision du gouvernement.
    Je pense que nous voudrions que le gouvernement canadien veille à ce que les travaux qu'il a entrepris puissent se poursuivre. Il revient à d'autres parlementaires et à des gens ayant une expérience similaire de continuer à profiter de cette expérience qu'il avait commencé à développer. Je recommanderais cela vivement.
    Pourriez-vous nous donner votre opinion sur les façons dont la persécution religieuse est souvent liée à la répression d'autres droits de la personne? Trouvez-vous qu'il y a un lien entre elles?
    Pardon, la persécution...
    La persécution religieuse est liée à la répression d'autres droits de la personne.
    Nous parlons beaucoup de droits de la personne, et je dirais que le droit fondamental de la personne que nous avons tous est la liberté de pensée, de conscience ou de religion. Ça, c'est numéro un. En tant qu'être humain, c'est de ce droit que découle tout le reste, dans un sens.
    Évidemment, si des gens d'une confession religieuse décident que d'autres membres de leur population n'ont pas le droit d'avoir cette même liberté, c'est là que vous avez un conflit religieux et c'est là que vous avez de la persécution religieuse. Si nous défendons les droits de la personne, nous devons défendre ce droit fondamental de la personne qu'est la liberté de religion.
    Au Royaume-Uni, nous sommes très clairs: nous disons « liberté de religion ou de croyance », et cela comprend le droit de ne pas avoir de religion et la liberté d'entretenir une croyance.
    Lorsque nous avons notre groupe parlementaire sur la liberté de religion ou de croyance composé de représentants de tous les partis, un représentant de la British Humanist Association y participe. Il fait bien partie de ce groupe, mais il est aussi aux côtés des Bahà'is, des Ahmadis et des Hindous.
    Vous ne pouvez pas faire fi du droit des gens de choisir leur religion lorsque vous défendez d'autres droits de la personne.
    Nous avons réalisé une étude portant sur la population musulmane rohingya au Myanmar. Je ne sais pas si vous connaissez bien le Myanmar, mais si oui, pourriez-vous nous donner des conseils sur ce que nous pourrions recommander dans notre étude quant à savoir comment réagir face à certains de ces problèmes et face à la manière dont les minorités religieuses sont traitées dans ce pays?
    J'ai visité la Birmanie, comme je l'appelle, il y a environ trois ans. Évidemment, je suis ravie que, bien qu'Aung San Suu Kyi ne dirige pas le pays, elle soit très engagée dans la direction du pays. Je sais qu'il y a eu des décisions et de l'inquiétude du fait qu'elle n'a pas dénoncé aussi vigoureusement qu'elle aurait pu le faire, ou que beaucoup de gens auraient voulu qu'elle le fasse, le sort des Rohingyas. Je sais qu'il y a aussi une discussion quant à savoir si nous, ou plutôt eux, devraient même utiliser le terme Rohingya.
    Mon collègue et ami Benedict Rogers, un militant au sein de Christian Solidarity Worldwide, est un véritable spécialiste des Rohingyas, en particulier en Birmanie. D'après mon expérience en Birmanie, et lorsque je regarde la Birmanie, il me paraît effectivement très étrange que le gouvernement ait édicté une loi interdisant à une personne d'une religion d'épouser une personne d'une autre religion. Je ne comprends tout simplement pas cela. Cela me paraît tout simplement tellement étrange. Évidemment, ils veulent préserver l'identité birmane de la population majoritaire, mais je ne vois pas en quoi cette mesure constituera la façon de s'y prendre, et je ne pense pas que de nombreux citoyens canadiens...
(1325)
    Madame Bicknell, je vais vous demander de conclure cette réponse. Aimeriez-vous avoir encore 10 secondes?
    Non, c'est parfait. Je crois que j'ai exposé mon point principal. Merci.
    La deuxième question va venir de Mme Khalid.
    Merci beaucoup, madame Bicknell, d'être venue aujourd'hui et de nous avoir livré cette communication. C'est certainement un honneur de vous avoir ici et d'écouter votre point de vue.
    Je pense que c'était Weber qui disait que la religion est l'opium des masses. Étant moi-même née au Pakistan, j'ai vécu personnellement les troubles qui ont secoué des pays comme le Pakistan, où la religion semble dominer la discussion et semble être la principale source de conflits.
    Vous avez vécu des expériences dans de nombreux autres pays différents. Y a-t-il une raison socio-économique élémentaire qui définit véritablement les conflits religieux dans ces régions selon vous? Pensez-vous qu'il y a d'autres raisons que la religion, des raisons sous-jacentes principales, qui pourraient provoquer des conflits dans ces régions?
    Je pense que le Pakistan est un cas particulier, parce qu'évidemment, si l'on remonte à 1947 et à la partition — et encore une fois, je suis désolée, je suis Britannique, et les Britanniques étaient la puissance coloniale — il a été décidé qu'ils découperaient un pays distinct pour accommoder la population musulmane, les vastes millions d'habitants qui faisaient partie de l'Inde coloniale. Dans un sens, le Pakistan a été créé pour les musulmans.
    Toutefois, Jinnah, son fondateur, a été très clair. Il a dit que c'était un pays de toutes les confessions, et il a nommé les confessions minoritaires, et il a dit que le Pakistan était pour eux tous. Telle était sa vision. Ce n'était jamais censé devenir un pays où quelqu'un qui n'embrasse pas l'Islam comme religion devrait être un citoyen de seconde classe ou être vicitime de discrimination.
    Selon moi, et vous connaissez peut-être l'histoire du Pakistan mieux que moi, des gens comme le général Zia ont édicté la loi sur le blasphème en 1987. Il a dit qu'ils s'engageaient dans une voie menant à l'islamisation, que cela serait enchâssé dans une loi. Cette loi, si j'ose dire — et beaucoup de gens partout dans le monde sont d'accord — a été employée abusivement pour régler des litiges fonciers, pour régler des disputes entre voisins, etc.
    Maintenant, il y a une foule de facteurs, comme vous et moi le savons. Encore une fois, mes faits ne sont pas tout à fait à jour, mais quand j'étais correspondante là-bas, le Pakistan dépensait quelque chose comme 65 % de son PNB sur son armée. Ainsi, il ne le dépensait pas sur les écoles, les hôpitaux, les routes, l'infrastructure, quoi que ce soit; il le dépensait sur son armée.
    Pourquoi dépense-t-il sur son armée? Parce qu'il a peur d'une guerre avec l'Inde, et d'autres choses semblables. Si vous avez un pays qui dépense 65 % de son PNB sur son armée, il s'ensuit que vous avez des niveaux très élevés, des niveaux similaires, d'analphabétisme au sein de la population majoritaire. Par conséquent, vous avez tous ces facteurs qui accompagnent ce phénomène. Il y a de la pauvreté, un manque d'argent, ce qui mène à un manque d'éducation. Quand vous n'avez pas d'argent, vous ne pouvez pas acheter la santé, alors vous avez tous ces problèmes.
    Je pense que la création d'un pays pour les musulmans à partir de l'Inde s'est combinée à beaucoup d'autres facteurs. Ensuite, vous ajoutez l'Afghanistan, vous ajoutez ce qui se passe là avec la montée des talibans. N'oublions pas que j'étais là dans les années 1990. Les Américains, l'ISI au Pakistan... Il y avait beaucoup de choses derrière la création de ce que sont maintenant les talibans, et nous ne devrions pas méconnaître ces réalités. Je pense que si vous ajoutez l'Afghanistan et vous ajoutez Al-Qaïda, vous avez un pays qui a beaucoup de problèmes avec sa minorité religieuse.
    Merci pour cela.
    Vous avez mentionné que le droit fondamental que possède chaque personne est son droit à la religion et son droit à la croyance. Soit dit avec égards, je ne suis pas d'accord. Je pense que c'est le droit à la vie, la liberté et la sécurité de sa personne, ce droit fondamental qui détermine si nous pouvons exister ou non, et je ne pense pas que cela devrait être fondé du tout sur ce que nous croyons.
    Comme notre collègue l'a mentionné, nous avons étudié précisément les musulmans rohingya et tout le sort de cette région en général. La question que je veux vous poser est la suivante: y a-t-il des préoccupations socioéconomiques qui, si elles sont atténuées, pourraient améliorer le sort de ce groupe précis d'individus dans cette région?
(1330)
    J'ai des amis qui sont actuellement au Pakistan et qui travaillent sur le programme d'éducation du Pakistan, et vous avez peut-être constaté qu'il y a eu un récent rapport il y a à peine quelques semaines. Je pense que la Commission on International Religious Freedom des États-Unis, ou un de ces organismes, a publié un rapport sur le système d'éducation et les manuels scolaires au Pakistan. Lorsque vous regardez les manuels, vous voyez que dès les tout débuts, on enseigne aux enfants que les gens qui sont ahmadis, les gens qui sont de foi chrétienne — je n'arrive même pas à me souvenir de la langue — sont décrits en des termes que je détesterais voir dans mes manuels scolaires.
    Il y a certaines initiatives positives que j'ai observées, et au sujet desquelles j'ai d'ailleurs fait des reportages, qui engagent la confession majoritaire et la confession minoritaire dans un dialogue. Dans des endroits comme Lahore, ils se rencontrent, et chacun apprend à connaître l'autre, mais ils doivent surmonter toute cette, si j'ose dire, cette information et cette éducation erronées sur ce que sont ces gens qui vivent parmi eux. Je pense que le système d'éducation serait vraiment un bon endroit où commencer.
    Vous avez 45 secondes.
    Alors je vais tout simplement laisser tomber. Ma question est un peu plus longue que cela, mais c'est parfait. Merci.
    D'accord. Très bien.
    Le Comité reçoit un invité aujourd'hui, le député Weir.
    La parole est à vous.
    Merci beaucoup au Comité de me recevoir. J'apprécie votre témoignage.
    L'église anglicane St. James de Regina se trouve au milieu de ma circonscription, et elle parraine deux familles de réfugiés chrétiens irakiens. J'ai assisté à certaines levées de fonds à l'appui de ce projet, et j'ai donc rencontré des chrétiens qui parlent arabe, et j'ai apprécié vos observations à ce sujet.
    Je devrais peut-être préciser que la congrégation était plutôt ouverte à l'idée de parrainer des réfugiés de n'importe quelle confession, mais la famille initiale était chrétienne, et je pense que cette famille a joué un rôle dans l'identification d'une autre famille à faire venir.
    Sur ce thème de la persécution des chrétiens, je voulais simplement évoquer l'Index Mondial de Persécution de Portes Ouvertes. Les plus grands violateurs de la liberté de religion des chrétiens semblent être des pays qui ont des gouvernements dictatoriaux et des antécédents de conflit.
    Pourriez-vous nous parler un peu du rapport entre les conflits et la persécution religieuse?
    C'est une grosse question. Quand vous dites « rapport », pourriez-vous préciser un peu ce qui sous-tend votre question?
    Nous tentons de cerner les causes profondes de la persécution religieuse, et pourquoi elle se produit et comment on peut l'atténuer ou la prévenir. Vous pourriez, j'imagine, parler de n'importe quel facteur qui pourrait nous aider à faire cette évaluation, mais je me demande s'il y a certains types de caractéristiques qui causent ce problème dans certains pays.
    Si vous regardez de nombreux pays dans le monde, vous verrez qu'il y a toute une combinaison de facteurs.
    Je vis à Londres. C'est une ville très multiculturelle. Nous venons tout juste d'élire notre premier maire musulman. Je vis côte à côte avec des gens d'origines différentes, et cela ne me pose aucun problème, mais, dans beaucoup de ces pays, si vous y pensez, ce qui se passe, c'est l'autre, l'autre personne. Elle a plus d'argent, elle a une plus grosse maison. Elle est privilégiée, elle a ceci, ceci et ceci, et, si je suis pauvre et je n'ai pas d'emploi et je n'ai aucune perspective d'emploi, je me sens marginalisé dans ma propre société, ou quoi que ce soit, je suis susceptible de blâmer l'autre.
    Si, dans ce contexte, j'entends qu'il faut peut-être se méfier de l'autre, qu'il est peut-être toujours corrompu, ou quoi que ce soit — comme je le disais dans le système d'éducation pakistanais —, si ces notions me sont inculquées depuis l'enfance, ou si je vis dans une société où j'ai grandi en entendant dire que ces gens son malveillants ou ces gens sont ceci ou cela, alors, évidemment, quand tous ces facteurs sont réunis et un homme arrive et m'offre, dans certains cas j'ai entendu parler de 20 $ ou 50 $ pour que je me joigne à Boko Haram ou à État islamique ou quoi que ce soit, je dois dire que ça tend à être attrayant pour un certain type de personne.
    Voilà les facteurs qui contribuent à monter une communauté contre une autre communauté.
    Alors oui, il y a tous les facteurs sociaux et économiques, et les politiciens peuvent aussi jouer un rôle. Les politiciens sont très habiles à utiliser la religion pour rallier des appuis à une certaine position, en disant que si vous m'appuyez, vous ferez ceci à ces gens, ou quoi que ce soit. J'ai le regret de dire que l'église peut utiliser l'autre, et, dans le passé, dans mon pays, au XVIe siècle, elle l'a fait, comme dans: « Nous ne voulons pas l'autre. Il est malveillant. Il est dans l'erreur. Nous allons nous en débarrasser. Nous allons le tuer. »
    C'est ça qui arrive. C'est tout un ensemble complexe de facteurs, je pense.
(1335)
    Pour ce qui concerne le rôle de l'église, le pape François a clairement dénoncé la persécution des chrétiens partout dans le monde. Croyez-vous que ses efforts ont porté fruit? Ont-ils fait une différence?
    Je suis une admiratrice du pape François. Il vit sa foi chrétienne à travers les choses très pratiques qu'il fait en lavant les pieds des sans-abri et ces symboles très tangibles qu'il incarne dans sa propre vie. Lorsqu'il se rend dans un camp de réfugiés comme celui qui se trouve sur l'île de Lesbos, en Grèce, et il rencontre des réfugiés, et il leur parle, et il ramène certains d'entre eux à Rome à bord de son avion, je pense qu'il montre ce que c'est que de vivre sa foi chrétienne.
    Je pense qu'il attire aussi l'attention sur le fait que beaucoup de ces réfugiés sont, en fait, chrétiens — pas tous, évidemment, loin de là. Il permet à cette discussion d'intégrer le courant dominant de la société de manière à ce qu'on l'on comprenne mieux les facteurs qui ont poussé des chrétiens, s'ils ont été dans un pays comme la Syrie ou l'Irak, à prendre un bateau pour aller, disons, de la Turquie à la Grèce — toutes ces choses dont j'ai parlé, comme la discrimination à l'embauche, en éducation ou au travail.
    En Érythrée, certaines églises sont enregistrées. Quiconque n'est pas membre d'une de ces cinq églises enregistrées risque non seulement la conscription militaire, qui touche tout le monde, mais est aussi privé de toute possibilité de pratiquer sa propre foi, de sorte que ces gens finissent par prendre un bateau ou traverser d'abord l'Afrique, ce qui, en soi, est tout un exploit, puis ils tentent de venir au Royaume-Uni ou en France.
    Merci.
    Pour ce qui concerne le travail que vous faites, pourriez-vous nous parler des principaux obstacles au journalisme d'enquête portant sur les violations des droits de la personne? Est-ce qu'il y a des choses que le Canada pourrait faire pour promouvoir et faciliter ce travail partout dans le monde?
    Les principaux obstacles consistent simplement à protéger nos sources et à protéger les gens dont nous voulons raconter l'histoire. Bien souvent, ils sont terrifiés, et la dernière chose qu'ils veulent, c'est que l'on raconte dans les médias ce qui leur est arrivé, de sorte que nous avons toujours une discussion très complexe quant à savoir si nous pouvons les nommer.
    Comme vous le savez, lorsque nous vérifions nos sources en tant que journalistes, une des choses essentielles est de demander où nous avons obtenu notre information et comment nous savons ce que nous savons. Si nous parlons à quelqu'un qui craint pour sa vie, qui est peut-être profondément traumatisé, mais qui a été témoin d'une atrocité, la dernière chose que nous voulons est de risquer que cette personne soit victimisée de nouveau, soit immédiatement ou plus tard. Peut-être que sa famille pourrait être ciblée.
    Lorsque nous interviewons des gens qui sont parvenus même jusqu'au Royaume-Uni, ils disent souvent: « Je suis content de vous parler, mais je ne veux pas que vous publiiez mon nom, parce que ma famille est encore au pays, et elle pourrait être tuée. » Un pays comme l'Iran constitue un bon exemple. Vous pouvez tomber sur quelqu'un qui s'est converti de l'Islam au christianisme, qui a réussi à se frayer un chemin jusqu'en Europe, et qui se fait harceler. Peut-être qu'il se fait narguer; peut-être qu'il se fait même attaquer par d'autres réfugiés dans un camp de réfugiés. Deux de mes reporters se sont rendus dans un des camps de réfugiés et ont rencontré ces gens, et ils ont très peur pour leur famille restée dans leur pays d'origine.
    C'est l'élément clé: bâtir une relation, les amener à vous faire confiance, être capable de vous fier à ce qu'ils vous disent, et aussi, faire des vérifications à leur sujet.
    Je vais vous donner un exemple pratique. Je parlais à ma collègue, une femme du nom de Lindsey Hilsum, qui est la correspondante internationale principale de Channel 4. Elle s'est rendue dans les camps de réfugiés et...
(1340)
    Madame Bicknell, est-ce que je peux vous demander de terminer?
    Oui, permettez-moi seulement de terminer celle-ci: c'est très intéressant. Elle a dit que, parce que le gouvernement allemand avait dit qu'il prendrait des réfugiés syriens, tout le monde prétendait être Syrien, alors elle commençait à leur dire: « Comment vous appelez-vous? De quelle partie de la Syrie venez-vous? » Elle a dit que c'était étonnant combien d'entre eux, en fait, ne provenaient pas de Syrie; c'étaient des Afghans ou des gens originaires d'autres pays.
    Mais, évidemment, elle le sait, parce qu'elle a cette expérience, tout comme nous. Si quelqu'un me dit...
    Merci.
     Étant donné qu'il nous reste seulement environ 10 ou 12 minutes, si le Comité est d'accord, je vais vous proposer que nous passions à des questions plus brèves durant cette période. De cette façon, tout le monde aura trois minutes pour poser une question et entendre la réponse.
    Pour débuter cette ronde de questions, je cède la parole à M. Tabbara.
    Ma question sera très brève.
    Merci d'être ici.
    Comme vous le savez, le conflit syrien dure depuis maintenant cinq ans. Beaucoup de gens ont été déplacés — des millions, plus de la moitié de la population. Dans le cas des chrétiens syriens là-bas, à quoi ressemble leur situation? Pouvez-vous élaborer sur la situation des chrétiens syriens qui sont à Damas, et sur la situation de ceux qui sont à l'extérieur de Damas, où c'est beaucoup plus dangereux?
    Ce n'est pas surprenant; c'est une guerre civile.
    Je dirais que des centaines de milliers, sinon un million... je ne sais pas. Je ne veux pas évoquer de nombres du tout, mais beaucoup, beaucoup de chrétiens ont fui la Syrie au cours des cinq dernières années, tout comme beaucoup d'autres membres de la population civile. Toutefois, en fait, beaucoup d'entre eux souhaitent, consciemment, y rester.
    En fait, ils choisissent. Je connais personnellement des gens qui ont la possibilité d'aller aux États-Unis. Ils ont de la famille aux États-Unis, et ils choisissent de ne pas y aller. Ils choisissent de ne pas y aller parce qu'ils ne veulent pas quitter la terre de leur foi et de leur demeure. C'est chez eux. Leur famille, leur tradition, leur culture et leur langue sont toutes enracinées dans ce pays.
    Je connais personnellement des gens qui, malgré les bombes qui leur tombent sur la tête, et malgré que leurs enfants ne puissent pas aller à l'école, restent là parce qu'ils veulent y demeurer. Ils ne veulent pas partir. Ils savent aussi que partir n'est pas nécessairement la réponse à tout. Lorsqu'un réfugié arrive dans un pays comme le Royaume-Uni ou le Canada ou les États-Unis, ce n'est que le début d'un autre ensemble de questions complexes. Beaucoup d'entre eux disent que, par-dessus tout, ils veulent seulement rentrer chez eux ou ils veulent rester chez eux.
     Je pense que ça dépend d'où ils viennent dans le pays. Comme vous le savez, parce que votre famille est aussi originaire du Moyen-Orient, Marwan , différentes régions du pays sont beaucoup plus touchées que d'autres à différents moments, et, en ce moment, c'est tout le monde à Alep. Il y a beaucoup de chrétiens qui ont choisi de rester à Alep. Ils sont maintenant très anxieux parce que la guerre est littéralement venue à Alep. La situation à Damas, contrôlée par al-Assad, n'est pas si difficile. Je pense que leur état d'esprit à l'heure actuelle dépend effectivement de la région d'où ils viennent.
    Merci beaucoup.
    Ce serait ensuite au tour du député Sweet.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais avancer une notion différente de ce dont nous avons discuté plus tôt concernant le droit inaliénable à la liberté de religion.
    Lorsque vous êtes arrivée à cet édifice, sur cette tour sous laquelle vous êtes passée, vous avez dû passer sous trois Écritures:
Ô Dieu, donne tes jugements au roi, et ta justice au fils du roi.

Quand il n'y a pas de révélation, le peuple est sans frein.

Il dominera d'une mer à l'autre.
    Je pense que nous avons été les bénéficiaires de... Notre jurisprudence ici au Canada a certainement été une bénéficiaire de notre héritage religieux.
    Ces Écritures, soit dit en passant, monsieur le président, proviennent de la Torah ainsi que d'Écritures chrétiennes.
    Je crois fermement que lorsqu'on se bat pour la liberté de religion... Si on a la liberté de religion, on a la liberté de conscience, la liberté de réunion et la liberté de parole. Beaucoup de ce que nous appelons des droits « inaliénables » découlent de cela.
    Je me demande comment vous vous sentez à cet égard, et si je vous comprends bien. Est-ce que c'est une de vos motivations?
(1345)
    Oui, ce l'est, et, pour revenir, évidemment, à la vie, la liberté et la poursuite du bonheur, comme diraient les Américains, qu'est-ce que la poursuite du bonheur? Comment est-ce que vous, en tant que citoyen pris individuellement, suivez vos rêves de ce que c'est que d'être heureux? J'avancerais que c'est en ayant la liberté de conscience, en ayant la liberté de croyance ou de n'avoir aucune croyance.
    Pour moi, qui ai eu l'immense privilège d'être née au Royaume-Uni, après avoir séjourné dans ces pays, et après avoir vu que le simple hasard fait que d'autres gens sont nés dans un pays où ils ne peuvent pas jouir de ces libertés, une de mes motivations tient à ce que si je crois que, pour tout être humain, la vie, la liberté et la poursuite du bonheur impliquent la liberté de croire ce qu'il choisit de croire, j'aimerais lutter pour ce droit pour ces gens autant que je voudrais le faire pour mes propres concitoyens au Royaume-Uni.
    Vous êtes une experte du Pakistan. Vous avez connu Shahbaz Bhatti, comme moi, et comme plusieurs personnes autour de la table. Il a été tué brutalement. Il était ministre des minorités religieuses.
    Est-ce que quoi que ce soit a changé au Pakistan en ce qui concerne les lois sur le blasphème? Y a-t-il des signes d'espoir pour l'avenir?
    Le plus récent développement, d'après ce que je comprends, c'est que les tribunaux pakistanais sont d'accord. Les tribunaux pakistanais se sont rendu compte qu'il y a beaucoup de brèches dans les lois sur le blasphème, je pense en particulier à la lumière de la dernière atrocité à Lahore, où, bien que de nombreux musulmans aient aussi été tués, la branche des talibans qui a revendiqué cette bombe a dit qu'elle ciblait précisément les chrétiens le dimanche de Pâques.
    Je pense que beaucoup de Pakistanais extraordinaires, le genre de personnes que j'ai rencontrées et que j'ai vraiment aimé côtoyer, voient que la loi sur le blasphème est utilisée de manière abusive, et je pense que la vaste majorité de la société pakistanaise se rend compte que cette loi est injuste. Les tribunaux sont d'accord sur ce point. Ils attendent que le parlement modifie... Ils ont essentiellement renvoyé cette loi au parlement et ont dit qu'ils voulaient provoquer des changements.
    Depuis le début de cette année, autant que je sache, il ne s'est pas passé grand-chose à ce chapitre, mais il serait bon que d'autres gouvernements partout dans le monde demandent au Pakistan qu'est-ce qu'il fait dans son parlement avec cette loi et disent: « Si les tribunaux l'ont renvoyée et ont dit qu'elle doit être améliorée, est-ce que le parlement pourrait s'activer? »
    Merci.
    Le député Mendicino est le suivant.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et, madame Bicknell, merci d'être ici et de faire part à ce sous-comité de votre expérience de journaliste de par le monde.
    Il y a tellement de choses à couvrir et si peu de temps pour le faire, mais je me demande si nous pouvons examiner deux idées.
    Vous avez déjà entendu certaines questions de mes collègues au sujet de la corrélation entre la persécution religieuse et la suppression d'autres droits fondamentaux, comme la liberté d'expression. Je me demande si vous êtes d'accord avec l'hypothèse selon laquelle il y a une corrélation entre la persécution religieuse et la répression d'autres droits fondamentaux, dont la discrimination fondée sur certaines caractéristiques inaliénables comme le sexe, le handicap et l'orientation sexuelle.
    Êtes-vous d'accord avec cette hypothèse?
    Est-ce que je suis d'accord avec cette hypothèse...
    Êtes-vous d'accord que la persécution religieuse est accompagnée de la répression de droits de la personne inaliénables comme ceux que je viens d'énumérer?
    Ça peut arriver. Je ne dis pas que c'est toujours le cas, mais la preuve démontre que lorsqu'il y a de la persécution religieuse, il y a aussi de la répression de... Par exemple, dans le cas de Boko Haram, il y a de la répression des droits des femmes et des enfants. Ils sont violés, torturés, traumatisés, maltraités, arrachés à leurs familles.
    Il faut regarder la preuve partout dans le monde. Prenez État islamique. Qu'est-ce qu'il a fait aux femmes et aux enfants, non seulement des chrétiennes, mais aussi des femmes yazidies? Les preuves sont là.
    Mais, encore une fois, pour répondre à votre question quant à la façon de mettre ces faits au jour, de mettre ces détails au jour, c'est très difficile de recueillir ces preuves.
    J'imagine que vous convenez aussi qu'au cours des 30 dernières années, la persécution religieuse a évolué d'une manière très négative en ce que l'on voit plus de violence et plus d'extrémisme. Je pense que c'est assez évident. D'ailleurs, je suis certain que vous en avez traité dans bon nombre de vos reportages.
    Est-ce que c'est juste?
(1350)
    Nous vivons maintenant dans un monde de médias numériques en continu, de sorte que nous sommes au courant de choses qui se passent à l'autre bout du monde dont nous n'étions peut-être pas au courant auparavant. Des atrocités de ce genre étaient commises dans le passé, mais nous ne le savions pas nécessairement.
    Encore une fois, les preuves démontrent... et c'est quelque chose que vous avez mentionné. L'Index Mondial de la Persécution que Portes Ouvertes établi chaque année montre que le taux de persécution religieuse est en hausse et qu'il y a de la persécution religieuse dans plus de pays que jamais auparavant. Ça, c'est seulement leurs recherches. Des recherches validées par des pairs aux États-Unis et d'autres recherches fiables prouvent que ce phénomène est en hausse, et il est en hausse à cause de plusieurs facteurs. Il faut regarder les preuves, et c'est clair.
    Je vais utiliser ces quelques dernières secondes pour vous poser la plus simple de toutes les questions. Dans quelle mesure votre foi personnelle se réflète-t-elle dans votre travail?
    Il est certain qu'elle a une incidence, mais j'ai aussi en moi un ensemble complet de ce que j'appelle de l'ADN de la BBC. Mon ADN de la BBC me dit qu'il faut examiner les preuves et qu'il faut rapporter ce qui se passe de manière équitable, fiable et exacte. Si, pour cela, je dois critiquer des chefs religieux ou quoi que ce soit s'ils ont été impliqués dans des violations, je vais le faire. Je ne vais pas me faire l'apologiste de choses que je crois être répréhensibles.
    C'est vraiment main dans la main. J'ai une foi personnelle, mais je dirais que cela m'aide à comprendre clairement la foi d'autrui, y compris celle des musulmans. Je dirais que certains de mes plus proches amis au Pakistan à l'époque où j'y vivais étaient des musulmans, sont des musulmans, et continuent d'être des musulmans, et ils continuent d'être mes amis.
    Merci, madame Bicknell.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Je pense que cela met fin aux questions du Comité. Encore une fois, je tiens à remercier le député Sweet d'avoir recommandé que vous veniez témoigner. La discussion a été très instructive, et je sais qu'elle nous donnera matière à réflexion longtemps après que la réunion sera terminée.
    Encore une fois, merci d'être venue de Londres. Merci à vos collègues qui sont assis avec vous. C'est super.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais simplement vous rappeler, puisque mon animateur Don est ici, d'aller à worldwatchmonitor.org si vous voulez en savoir plus.
    Merci beaucoup.
    Merci pour le tuyau.
    Nous allons maintenant suspendre, après quoi nous allons poursuivre à huis clos. Nous allons attendre quelques minutes pour que la salle se libère.
     [La séance se poursuit à huis clos.]
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