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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 avril 2016

[Enregistrement électronique]

(0850)

[Traduction]

    Bonjour et bienvenue à toutes et à tous au Comité national de la défense qui étudie l’état de préparation de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord. J'accueille nos deux témoins qui comparaissent en personne, Aurel Braun et Elinor Sloan. Merci beaucoup de vous être déplacés. Et, par vidéoconférence, nous entendrons Margarita Assenova qui est en train de s’installer.
    Nous commencerons par la professeure Sloan, si cela vous convient. Madame, vous aurez 10 minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux deux autres témoins. Vous avez la parole et merci de vous être déplacée.
    Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes sur ce sujet important. Dans les 10 prochaines minutes, je parlerai brièvement de la menace émergente qui pèse sur l’Amérique du Nord et sur le NORAD de même que sur l’état de préparation aérospatiale du Canada face à ces menaces. Et bien sûr, je serai ensuite heureuse de répondre à vos questions.
    Commençons par les attentats du 11 septembre. J'estime qu’ils ont révélé l’existence d’une menace aérienne interne sur l’Amérique du Nord et qu'ils ont donné lieu à d’importants changements organisationnels, opérationnels et procéduraux au sein du NORAD et des gouvernements fédéraux américains et canadiens, comme l’élargissement du mandat d’examen interne du NORAD, la création du Commandement du Nord, la communication continue des données de NAVCAN et de la FAA au NORAD, l’opération Noble Eagle, etc. Ces changements se poursuivent aujourd’hui en réponse, donc, à cette menace aérienne contre l'Amérique du Nord.
    À mon avis, le NORAD dispose des moyens et des procédures nécessaires pour contrer la menace aérienne interne qui pèse sur l’Amérique du Nord. Les plus importants changements survenus dans les dernières années sont justement liés aux menaces externes. L’été 2007 a été une période marquante : la Russie avait repris ses patrouilles de bombardiers en bordure de l'espace aérien de l’Amérique du Nord et planté un drapeau sur le fond océanique au pôle Nord. Depuis, la Russie militarise l’Arctique à un rythme d’ailleurs toujours croissant ces dernières années. Elle y établit de nouvelles infrastructures, elle a commencé à construire de nouveaux navires, des brise-glace et des sous-marins armés de missiles balistiques et elle a augmenté la fréquence de ses patrouilles de bombardiers.
    Le nouveau missile de croisière de précision de longue portée à armement conventionnel que la Russie a mis au point est particulièrement inquiétant. Celui-ci pourrait facilement atteindre l’Amérique du Nord à partir de l’espace aérien ou des eaux russes. Le missile de croisière Kh-101 est difficile à détecter au radar et on croit qu’il a une portée intercontinentale de 3 000 à 5 000 kilomètres. L’automne dernier, la Russie a lancé le Kh-101 à partir de bombardiers stratégiques contre des cibles en Syrie. Le missile peut aussi être lancé à partir de navires et de sous-marins et il vient dans une version à armement nucléaire, le Kh-102. Les sous-marins et les avions russes étaient certes déjà équipés de missiles de croisière dans les années 1980, mais le nouveau missile est beaucoup plus précis et sa portée beaucoup plus grande.
    La Corée du Nord représente aussi une menace potentielle pour l’Amérique du Nord. Depuis de nombreuses années, elle s’emploie à développer un missile balistique intercontinental, ICBM, pouvant atteindre l’Amérique du Nord, de même qu’une ogive nucléaire miniaturisée pouvant être montée sur un ICBM. Selon certains renseignements, la Corée du Nord se rapproche de son objectif. Elle met aussi au point des missiles balistiques pouvant être lancés à partir de sous-marins. Si l’on tient aussi compte de l’instabilité à la tête du pays, on peut dire que les capacités et le comportement de la Corée du Nord représentent, pour le moins, une menace à moyen terme pour l’Amérique du Nord.
    D’autres menaces et défis potentiels découlent de la fonte des glaces dans l’Arctique et de l’intérêt qui en résulte pour les ressources de cette région — intérêt atténué par la baisse des prix du gaz et du pétrole — et l’utilisation de voies maritimes commerciales dans l’Arctique. La Chine, par exemple, s’intéresse depuis longtemps et de plus en plus à l’Arctique. En janvier, elle a commandé son deuxième brise-glace de classe polaire, bien que son territoire se situe à des milliers de kilomètres de l’Arctique.
    Des activités de surveillance et de contrôle sont nécessaires pour réagir à ces menaces. Autrement dit, nous devons posséder la capacité de détecter les menaces, puis la capacité de les contrer. Le NORAD a, depuis longtemps, la capacité de détecter le lancement de missiles balistiques grâce à ses systèmes spatiaux et terrestres, qui appartiennent tous aux États-Unis, aucun ne se trouvant en sol canadien.
    Plus récemment, dans le cadre de leur système de défense antimissile balistique, les États-Unis ont déployé des capteurs sur des navires dans la mer du Japon et sur une grande barge dans le Pacifique Nord. Le Canada a accès à tous ces renseignements et aurait connaissance d’un lancement de missile balistique. Pour contrer une menace potentielle, les États-Unis ont déployé des intercepteurs terrestres dans des bases en Californie et en Alaska.
    En 2005, le Canada a décidé de ne pas participer à la défense antimissile balistique et, en conséquence, du moins en théorie, il n’aurait pas de voix au chapitre en ce qui concerne la réponse à un lancement de missile balistique contre l’Amérique du Nord. Le territoire canadien serait défendu dans l’éventualité d’une attaque seulement à condition qu’il fasse partie de ce que les États-Unis définissent comme leur « territoire défendu », dont l’étendue est classifiée. La décision du Canada de ne pas participer à l’élément « réponse » de la défense antimissile balistique est illogique et j’espère qu’elle sera revue dans le cadre de l’examen de la défense.
     En ce qui concerne la menace aérobie, le NORAD reçoit des données de surveillance et d’alerte précoce au sujet d’aéronefs s’approchant de l’Amérique du Nord. Il les reçoit du Système d’alerte du Nord, constitué de radars répartis le long du 70e parallèle, de même que de radars côtiers installés sur les côtes Est et Ouest du Canada. Le Système d’alerte du Nord a été construit dans les années 1980 et au début des années 1990 et il devra être modernisé ou remplacé au cours de la prochaine décennie. Un système de surveillance et de détection spatiales est une option. La constellation de trois satellites de Radarsat dont le lancement est prévu à compter de 2018 pourrait être bien adaptée à cette mission. Une autre possibilité serait basée sur des véhicules aériens sans pilote de haute altitude, comme l’UAV Global Hawk des États-Unis.
    Des chasseurs américains et canadiens sont affectés à la mission de contre-menaces aériennes potentielles du NORAD. Après le 11 septembre, le NORAD a ordonné des milliers de décollages immédiats d’appareils de chasse en réaction à des situations internes et externes. Le cahier des charges du nouvel avion de chasse basé à terre devra tenir compte d’une évaluation du nombre d'appareils dont le Canada a besoin pour bien s’acquitter de son rôle en matière de défense aérienne. La question des ravitailleurs en vol devra aussi faire partie de la discussion.
    La capacité de détecter les menaces que représentent les missiles de croisière et d’y répondre est une lacune notable de la surveillance et du contrôle de l’espace aérien de l’Amérique du Nord. Les missiles de croisière volent très près du sol. Ils sont difficiles à détecter et encore plus difficiles à intercepter. Le NORAD ne possède qu’une capacité de détection limitée des missiles de croisière, capacité faisant probablement appel à des avions dotés d’un système aéroporté de détection et de contrôle. L’inquiétude que le nouveau missile de croisière russe suscite aux États-Unis est telle que le pays s’emploie à mettre au point un système de détection d’attaque terrestre par missiles de croisière, constitué de dirigeables géants munis de radars. Il sera déployé autour de Washington. Le système de radar, encore à un stade précoce de développement, permettrait aux F-16 de la Garde nationale d’abattre des missiles de croisière volant à faible altitude.
    Aux fins de la surveillance générale de ses approches territoriales, le Canada possède une flotte d’aéronefs de patrouille maritime de longue portée qui survolent l’Arctique et les côtes Est et Ouest de façon périodique. Polar Epsilon est une capacité de surveillance reposant sur Radarsat II qui produit aussi des images du Nord lorsque le satellite survole cette région. Cependant, à mesure que l’Arctique continue de fondre et que le trafic maritime augmente, le Canada voudra établir une surveillance plus soutenue de la région. La constellation de satellites de Radarsat et les véhicules aériens sans pilote de haute altitude, que j’ai déjà évoqués, pourraient représenter la meilleure solution pour assurer une surveillance soutenue de l’espace aérien et maritime de la région, mais il se pourrait que trois satellites ne soient pas suffisants et qu’il en faille donc davantage.
    Une dernière remarque sur les capacités de défense aérospatiale en Amérique du Nord : le rôle conventionnel assuré par l’avion de patrouille maritime Aurora — affecté à la lutte anti-sous-marine — prend de plus en plus d’importance dans le nouvel environnement de sécurité. Nombre de nos alliés, dont la Grande-Bretagne, l’Australie et la Norvège, investissent dans leur flotte d’avions de patrouille maritime. Le Canada voudra accorder la priorité à l’aéronef multimission qui est en gestation depuis un certain temps pour remplacer ses Aurora modernisés, mais vieillissants, qui sont en outre en nombre limité.
    Je suis disposée à répondre à vos questions.
(0855)
    Merci beaucoup, madame Sloan.
    Nous allons maintenant nous rendre à Washington, par vidéoconférence, pour entendre Mme Assenova.
    Si vous êtes prête, madame, nous sommes prêts à vous entendre. Vous avez 10 minutes. Vous avez la parole.
    On m'a demandé de parler des menaces que la Russie fait peser sur l'Europe centrale, orientale et septentrionale dans le contexte de la sécurité de l'Amérique. Les responsables militaires américains ont récemment dit de la Russie qu'elle constitue la plus importante menace pour l'Amérique, une menace que les Américains qualifient d'existentielle, puisque la Russie est le seul pays au monde à être doté d'une capacité nucléaire susceptible de détruire les États-Unis et, bien sûr, le Canada.
    Bien que la capacité nucléaire russe existe depuis des décennies, le comportement agressif de Moscou depuis le conflit en Géorgie, en 2008, a fait croire que ce pays pourrait mettre ses capacités au service de ses intentions. L'annexion de la Crimée qui a suivi ce premier conflit, et l'intervention militaire russe en Ukraine sous la forme d'un appui militaire apporté aux séparatistes, mais aussi de l'envoi de troupes russes dans l'est de l'Ukraine, ont fait craindre davantage que Moscou poursuive une stratégie néo-impérialiste s'exprimant par une série d'agressions.
    Cela représente des menaces pour l'Amérique du Nord, et à plusieurs niveaux. D'abord, en enfreignant le droit international, la Russie a sapé le système de sécurité qui régit l'Europe et le monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Deuxièmement, les Russes ont établi un dangereux précédent que d'autres pourraient être tentés de suivre. Troisièmement, l'agression russe est venue miner les organisations internationales comme l'Organisation des Nations unies et des alliances militaires comme l'OTAN. Et puis, la Russie menace directement les États membres de l'OTAN en Europe, ce qui soulève la question de savoir si elle ne serait pas tentée de menacer également l'Amérique du Nord. Enfin, la militarisation des zones stratégiques, comme la mer Noire, la mer Baltique et l'Arctique, confirme que la Russie entend dominer militairement une vaste région du monde.
    L'agression russe ne se limite pas à ce qui se passe en Ukraine, comme l'a montré le comportement de Moscou en Europe centrale, orientale et septentrionale, de même qu'en mer Baltique. La Russie a recours à de nombreux instruments de subversion dans les pays qui la bordent. On peut songer aux menaces militaires, aux pressions diplomatiques, à l'espionnage, à la pénétration économique, à la dépendance énergétique, aux réseaux des vieux camarades, à la corruption, à la déstabilisation des sociétés démocratiques et au sabotage de l'unité européenne, à l'appui des ultranationalistes, à la guerre du renseignement, à la cybersécurité et à l'agitation ethnique, non seulement par le biais des minorités russes, mais aussi par une action exercée sur d'autres minorités dans la région.
    Il s'agit d'une stratégie fort bien pensée, qui s'inscrit dans le long terme et qui est destinée à restaurer la pertinence et l'influence de la Russie. Dans certains cas, elle vise à dominer et à contrôler de grandes parties du continent européen et eurasien, de même qu'à établir la Russie en tant que pilier principal d'un monde multipolaire. Le comportement de Moscou n'est pas simplement opportuniste. Il est soigneusement calibré en fonction de sa stratégie néo-impérialiste, mais il fait aussi appel à différents instruments de subversion quand l'occasion se présente.
    La mer Noire est une zone contestée et une composante géopolitique majeure du révisionnisme russe. Il est plus important et plus efficace pour les Russes de prendre pied dans cette zone que de conquérir du territoire, puisque cela n'exige pas la prise d'un territoire côtier. L'annexion de la Crimée a précisément répondu à cette visée puisqu'elle a permis à la Russie de rallonger sa ligne de côte sur la mer Noire et, par conséquent, d'augmenter la domination militaire dans cette mer.
    Tout cela a débuté en 2008, lors du conflit en Géorgie, par la conquête de l'Abkhazie qui est d'une grande importance stratégique pour la puissance navale russe en mer Noire. C'est pour cela que les Russes avaient envisagé d'aménager le port d'Ochamchira, en Abkhazie, et de le relier par la route avec le nord du Caucase. Bien que l'Ossétie du Sud ne représente pas une grande valeur stratégique pour la Russie, si ce n'est que pour déstabiliser la Géorgie, l'Abkhazie est stratégiquement importante à cause de l'ouverture qu'elle donne sur la mer Noire. Moscou a besoin de l'Abkhazie pour instaurer sa suprématie sur la mer Noire, ce qui est son objectif stratégique et l'une des principales raisons de l'annexion de la Crimée.
    La stratégie russe en mer Noire risque de renverser les gains que l'OTAN a réalisés dans cette partie critique de l'Europe. Elle est également destinée à nier à l'OTAN l'accès à l'Ukraine, à la Moldovie et au Caucase. En 2015, Moscou a formulé une doctrine articulée autour de la notion de bulle A2/AD ou interdiction pour l'OTAN d'accéder à la mer Noire et augmentation de la menace sur le flanc sud-est de l'Alliance.
    Moscou consacre davantage son attention et ses investissements à la militarisation de la mer Noire tout en se retirant des régions où l'OTAN est moins présente, comme en Asie centrale. À l'évidence, le Kremlin accorde davantage d'importance à une confrontation avec l'OTAN plutôt qu'à la concurrence qui l'oppose à la Chine.
(0900)
    La stratégie russe en mer Noire fait déjà peser beaucoup plus de menaces sur la Bulgarie et la Roumanie, y compris le long des voies maritimes d'approvisionnement énergétique situées dans la zone économique exclusive de la Roumanie. En mer Noire, la Roumanie se trouve, de facto, à partager une frontière maritime avec la Russie. Cela veut dire que l'OTAN elle aussi partage des frontières maritimes avec la Russie en mer Noire.
    Cette situation impose évidemment un lourd tribut aux forces militaires bulgares et roumaines qui doivent patrouiller la région et intervenir en cas de violation de leur espace aérien. La Bulgarie n'a que quatre avions en état de vol, tous de fabrication russe, mais elle envisage d'en acheter de nouveaux, le plus tôt possible, sans doute des F-16. La Roumanie a acheté 12 F-16 au Portugal et elle envisage d'en acquérir 12 autres en 2017. L'augmentation de la capacité militaire de ces deux pays — deux alliés de l'OTAN en mer Noire — portera également sur l'achat de nouveaux bateaux de patrouille.
    Le contrôle qu'exerce la Russie sur les ports et les voies maritimes risque d'étrangler le commerce le long des voies d'approvisionnement énergétique et d'empêcher l'OTAN de projeter ces forces pour assurer la sécurité de ses membres en mer Noire et aussi de donner à Moscou davantage voix au chapitre dans l'exploitation des combustibles fossiles au large. Les dépôts pétroliers au large de la Crimée sont tombés sous le contrôle de la Russie. Cette situation risque de perturber ou de compliquer l'approvisionnement énergétique par oléoduc entre le bassin de la mer Caspienne et l'Europe et, du même coup, d'entraver les efforts que déploie l'Europe pour diversifier ses sources d'énergie. Cela pourrait également couper l'approvisionnement de l'Union européenne en énergie venant d'Asie centrale et saborder la livraison envisagée de gaz naturel en provenance du Turkménistan et de l'Azerbaïdjan.
    La mer Baltique est une autre région qui intéresse la Russie. Elle occupe un rôle central dans les plans de Moscou qui sont de consolider son flanc nord dans son projet d'expansion en Eurasie. Elle occupe une position vitale le long de la route commerciale vers la deuxième plus grande ville de Russie, Saint-Pétersbourg; c'est par cette mer que passe le pipeline de gaz naturel vers l'Allemagne et le quartier général de la flotte russe dans la Baltique se trouve à Kaliningrad.
    Malgré l'opposition exercée par le Kremlin au cours des 20 dernières années, la mer Baltique est essentiellement devenue le terrain de jeu de l'OTAN, puisque six de ses membres sont riverains de cette mer : les membres traditionnels que sont le Danemark et l'Allemagne et de nouveaux membres que sont la Pologne, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie. En outre, depuis l'agression russe en Ukraine, les deux autres États neutres, la Suède et la Finlande, se rapprochent de l'OTAN pour essayer de protéger leur sécurité dans cette région où la situation est de plus en plus imprévisible.
    Le flanc nord de la Russie est constitué de deux ensembles de pays qui font de plus en plus l'objet de pressions venant de Moscou : les pays baltes et les pays nordiques. Les trois États baltes occupent la position la plus vulnérable, surtout la Lituanie et l'Estonie où l'on retrouve une forte population russe et...
(0905)
    Excusez-moi un instant, madame Assenova.
    Pourriez-vous ralentir un peu votre débit, parce que nos interprètes ont du mal à vous suivre.
    Excusez-moi.
    C'est parfait. Continuez. Merci.
    Chacun de ces États fait campagne afin de bénéficier d'une meilleure protection de l'OTAN, de sorte à contrer toute tentative russe visant à déséquilibrer leur sécurité interne. Dans la foulée de l'agression russe contre l'Ukraine, les États baltes ont officiellement demandé à l'OTAN de déployer des milliers de militaires sur leur territoire, à titre de dissuasion. Ils réclament une unité de la taille d'une brigade, soit de 3 000 soldats environ, afin que chaque pays dispose d'au moins un bataillon sur son territoire.
    Dans la prochaine décennie, la mesure dans laquelle les États membres de l'OTAN parviendront à dissuader Moscou de lancer des attaques sur plusieurs fronts sera déterminante pour la crédibilité de l'alliance. Si un membre de l'OTAN devait être démembré par la Russie, non seulement Moscou aurait vengé sa défaite de la guerre froide, mais elle serait parvenue à démanteler l'alliance occidentale.
    Les membres des pays nordiques qui n'appartiennent pas à l'OTAN, soit la Suède et la Finlande, sont aussi de plus en plus préoccupés par les activités de Moscou le long de leurs frontières. Les événements survenus en Ukraine en 2014 ont fait cruellement ressortir le manque de capacité des pays nordiques après des années de réduction des budgets militaires et d'insistance sur les opérations de gestion de crise plutôt que de défense territoriale. L'Europe du Nord s'est retrouvée dangereusement exposée à la coercition militaire en une période d'incertitude croissante. Si la stabilité régionale était menacée à cause des actions de la Russie, la Suède et la Finlande pourraient demander à devenir membres de l'OTAN, ce qui ne ferait que consommer la rupture entre Washington et Moscou et donner davantage de justifications à la Russie pour ses agressions régionales.
    Advenant que Moscou décide d'attaquer directement l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie, soi-disant au nom de la défense de ses intérêts nationaux, la Russie chercherait à obtenir une parfaite manoeuvrabilité militaire dans la mer Baltique et à restreindre l'intervention de l'OTAN. Dans sa confrontation militaire avec l'Occident, à la faveur de manoeuvres de grande envergure, de la construction de bases et de violations fréquentes des espaces aériens et des eaux côtières des États riverains, Moscou cherche à réaliser plusieurs objectifs.
    Premièrement, une montée en puissance militaire est censée faire la preuve que la Russie est redevenue une grande puissance et qu'elle peut instaurer un climat d'incertitude dans les régions baltiques et nordiques. Deuxièmement, Moscou teste les réactions politiques et militaires de l'OTAN et ajuste ses propres tactiques et opérations en vue d'une préparation éventuelle à un conflit armé. Troisièmement, dans le cas de la Lettonie, de l'Estonie et de la Lituanie, les pressions militaires exercées par le Kremlin s'inscrivent dans le cadre d'une offensive plus large, sur plusieurs fronts, qui vise à affaiblir les gouvernements de ces pays, à créer des agitations sociales et des conflits ethniques et à démontrer que l'OTAN ne serait pas en mesure de défendre ces pays même en cas de guerre.
    Tout au long de la crise ukrainienne, l'Europe orientale et l'Europe centrale ont été divisées. Cela montre l'emprise que la Russie a sur ces pays. Les responsables russes cherchent surtout à infléchir les décisions politiques dans chacune des capitales par un jeu de pressions diplomatiques, de contacts personnels et professionnels, de manoeuvres économiques et de dépendance énergétique. On apprend régulièrement qu'en Slovaquie, en Hongrie et dans d'autres États, les réseaux des vieux camarades se portent bien du côté des politiciens locaux et de Moscou. Ces liens sont davantage fondés sur des intérêts financiers que sur des convictions idéologiques ou politiques. Ils permettent au Kremlin d'exercer une influence politique sur certains dirigeants et gouvernements, de contester les positions unifiées de l'Union européenne et de l'OTAN et d'appuyer les aspirations de Moscou à l'échelle internationale.
    Madame Assenova, comme je veux que nous ayons suffisamment de temps pour vous poser toutes les questions que je sais inévitables, pourriez-vous très rapidement résumer votre exposé? Merci beaucoup.
(0910)
    Fort bien.
    Pour résumer, je dirais que l'Europe occidentale et les Balkans, ou encore l'Europe méridionale, sont soumis à d'intenses pressions émanant de la Russie sous la forme de menaces à leur sécurité et de menaces d'intervention économique et de dépendance énergétique, outre que cette situation est un terreau fertile pour réveiller les vieilles rivalités ethniques, surtout dans l'ex-République de Yougoslavie. Tout cela est fort pénible.
    L'agression russe en Ukraine n'a pas convaincu la Hongrie de se retirer du contrat avec Rosatom, par exemple. Les pays d'Europe centrale maintiennent des relations avec la Russie, sans égard aux sanctions, sauf la Pologne. La République tchèque n'a pas demandé de renforts de l'OTAN en Europe. La Slovaquie a adopté une position plutôt mitigée durant la crise ukrainienne. Même chose dans le cas des Balkans, surtout en ce qui concerne la Serbie qui est un proche allié de la Russie, contrairement à la Bulgarie et à la Roumanie qui ont résolument appuyé le régime de sanctions.
    Pour conclure, je dirais que depuis l'invasion de l'Ukraine et l'annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, l'Occident a officiellement beaucoup changé la façon dont il perçoit l'administration Poutine. La Russie est plus justement perçue comme étant dans les mains d'un régime révisionniste, revanchard et agressif plutôt que dans les mains d'un pouvoir pragmatique, désireux de coopérer. Contrairement à la situation de statu quo durant la guerre froide et à celle du rapprochement après la guerre froide, les conséquences du conflit entre la Russie et le reste des pays de l'Est seront beaucoup moins prévisibles et beaucoup moins stables. Il y aura des répercussions sur l'avenir de l'OTAN et de l'Union européenne dont l'unité politique et la portée stratégique, ainsi que la volonté politique et la capacité face à la Russie belligérante seront mises à l'épreuve. L'Occident devra également envisager la possibilité d'une implosion de la Russie si sa surextension impériale devait être associée à un déclin économique à long terme, à des perturbations sociales croissantes et à une fracture territoriale. Cela ne serait pas sans conséquences énormes pour les régions voisines et les institutions occidentales.
    Merci beaucoup, je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Passons au professeur Braun à qui je rappelle gentiment qu'il n'a que 10 minutes.
    Merci pour ce rappel et merci pour votre invitation de comparaître devant le Comité qui me donne l’occasion de m'exprimer sur un sujet crucial et urgent.
    Je souhaite toutefois préciser d'entrée de jeu que, de mon point de vue, tout examen de la défense nord-américaine ne peut être envisagé qu’à des fins d'analyse et à certaines fins fonctionnelles. La compréhension complète des problèmes et des modalités de défense du Canada et, en définitive, de l'Amérique du Nord doit s'articuler dans un contexte nettement plus vaste, car nous vivons et fonctionnons dans un système mondialisé. Les menaces sont, par conséquent, interconnectées et des événements qui surviennent bien loin d'ici ont un impact, parfois très lourd, sur notre défense et sur celle du continent.
    Je propose que nous nous concentrions ici sur les préoccupations canadiennes et continentales spécifiques en matière de défense, tout en gardant à l’esprit la perspective plus vaste que je viens de mentionner. Dans cette analyse étroite, nous devrions quand même tenir compte de la gamme complète de menaces, qu'elles soient politiques, militaires ou environnementales. J’espère que l'examen exhaustif en cours de la politique de défense du Canada, qui devrait se terminer en 2017, obéira à cette approche holistique et mondiale.
    La défense du Canada, à mes yeux, se décline en trois volets : le pays, les accords continentaux et la grande alliance transatlantique. En gros, et comme c'est le cas de n'importe quel État, le Canada est d'abord et avant tout responsable d'assurer la protection de sa souveraineté et de ses intérêts nationaux. Cependant, il est aussi également membre du NORAD et de l'OTAN et, depuis des décennies, sa défense et celle du continent, du moins au nord du Rio Grande, est un mélange de ces trois volets.
    En ce qui concerne le pays, nous savons que le Canada gère la Force opérationnelle interarmées (Nord) et que les Forces canadiennes assurent une présence permanente dans les régions nordiques. La mission de l’Aviation royale canadienne, quant à elle, va des missions de recherche et de sauvetage à la protection de la souveraineté. Le Canada pratique aussi la coopération et la collaboration militaires par le biais des trois commandements; je parle ici de la relation entre le Commandement des opérations interarmées du Canada, le U.S. Northern Command et le NORAD. Le NORAD, commandement militaire binational, exerce une présence marquée dans le Nord par les opérations et l'entraînement auxquels il se livre. Qui plus est, le Système d'alerte du Nord du NORAD, constitué d'un chapelet de radars couvrant 4 800 kilomètres, surveille les activités aériennes. Depuis 2006, il est aussi à l'affût de menaces maritimes potentielles. Hors de cette région, le Canada coopère aussi avec l'OTAN sur les questions de sécurité mondiale.
    Toutes ces activités se déroulent dans un certain contexte et dans un certain environnement et l'on ne peut juger de la situation en raisonnant dans l'abstrait. Autrement dit, le Canada fait face à des menaces particulières. Par ailleurs, comme les deux personnes qui m'ont précédé l'ont souligné, les deux principales menaces qui pèsent contre le Canada — en plus de la menace en périphérie — viennent de la Russie et éventuellement de la Corée du Nord. Mais la plus importante des deux vient de la Russie.
    Je commencerai par affirmer que nous n’avons pas affaire à une nouvelle guerre froide. Je suis même prêt à soutenir que la Russie n'est qu'un vestige de l’Union soviétique, bien qu’il y ait lieu de s’inquiéter de ses actes d’agression. Nous ne sommes plus en présence de deux idéologies universalistes conflictuelles et irréconciliables s'affrontant sur Terre. Les menaces d'apocalypse nucléaire et d'hiver nucléaire ont reculé et, au chapitre de la guerre conventionnelle, l'Occident n'est plus confronté à des dizaines de divisions soviétiques prêtes à franchir la Passe de Fulda pour atteindre la Manche. Cela ne revient pas à dire que nous devons être totalement rassurés, parce que la Russie a eu recours à des tactiques fermes, voire agressives, dont les manifestations les plus virulentes ont eu lieu en Ukraine et, avant cela, en Géorgie. On a assisté, en ce sens, à un retour à la géopolitique, comme l'a laissé entendre Water Russel Mead.
    Et puis, le gouvernement russe sonde et fouille l’Occident pour en débusquer les faiblesses et il annonce des ambitions nouvelles, particulièrement dans la vaste et stratégique région arctique, qui pèse pour beaucoup dans les préoccupations du Canada en matière de protection de sa souveraineté.
    Les déclarations qui émanent de Moscou et de Washington sont troublantes. En février 2016, lors de la conférence de Munich, le premier ministre Dimitri Medvedev a déclaré : « nous sommes retombés dans une nouvelle guerre froide […] chaque jour ou presque, l'OTAN ou l'Europe, ou les États-Unis disent de nous que nous sommes l’une des plus terribles menaces. » Cela est ironique, puisque c'est la Russie qui, recourant à des moyens guerriers hybrides, a annexé la Crimée et qui continue de financer, d'armer et de diriger les rebelles séparatistes dans l'est de l'Ukraine.
(0915)
    Les Américains aussi se disent inquiets. En février 2016, le secrétaire d'État américain à la Défense, Ashton Carter, a lui aussi exprimé sa profonde préoccupation en des termes on ne peut plus clairs : « nous n'avons pas eu à nous inquiéter de la menace d'attaque ou d'ingérence russe pendant 25 ans, mais ce n’est plus le cas et j'aimerais bien qu'il en soit autrement. »
    Malgré ces déclarations, ainsi que je le soulignais, nous n'en sommes pas encore à une guerre froide et les capacités générales de la Russie sont limitées, puisque son produit intérieur brut, à l'échelle nominale, n'équivaut qu'à celui de l'Italie. Cela ne revient pas à dire qu'elle ne bénéficie pas d'avantages importants sur le plan régional, comme d'autres l'ont dit, et je ne voudrais surtout pas minimiser ces menaces. Cependant, comment y faire face?
    L'Occident est ancré dans de vieilles habitudes de négociation, ce qui n'est pas forcément mauvais. Toutefois, cela ne correspond pas nécessairement à l'approche russe ni à l'approche actuelle du Kremlin. La politique étrangère russe est, dans une grande mesure, pilotée par une série de crises intérieures qui s'entremêlent. C'est une réalité qu'il nous faut comprendre si nous voulons composer avec la menace militaire, parce que celle-ci se situe dans un contexte politique plus large. Cette réalité est persistante et elle devrait se poursuivre pendant longtemps sous l'actuel régime du Kremlin.
    La dynamique politique interne en Russie et les menaces militaires que ce pays fait peser sur d’autres sont très largement mues par quatre crises internes : une crise de légitimité politique, une crise économique, une crise identitaire et une crise de succession au pouvoir. À la lumière de l'inaptitude ou de la réticence du Kremlin à prendre les mesures fondamentales qu'il faudrait pour résoudre ces crises, le gouvernement Poutine n'a pas seulement rétréci l'espace démocratique en Russie, il s'en est de surcroît remis à la fabrication de menaces externes et à des efforts de création d'une sorte de mobilisation permanente de la population comme source première de légitimation politique.
    Et puis, ses problèmes économiques ont poussé la Russie à gagner le plus possible le contrôle de l'Arctique en fonction d'objectifs politiques et d'objectifs économiques. L'Arctique regorge de ressources potentielles, mais c'est aussi une région très fragile. Pour ce qui est, justement, des menaces dans l'Arctique, elles sont de quatre ordres : premièrement, l'environnement et l'écologie; deuxièmement, l'exploration énergétique; troisièmement, le commerce et la navigation et, quatrièmement, la sécurité. Je passerai par-dessus les trois premières parce que je veux réserver un peu plus de temps à la quatrième.
    Il va sans dire que tout déversement important dans l'Arctique serait catastrophique. L'exploration se déroulerait dans l'une des régions écologiquement les plus fragiles du monde et il se trouve qu'aucun pays n'a de pire bilan écologique que la Russie et qu'aucun pays n'aspire autant à faire autant d'exploration que la Russie... outre que ce pays cherche également à contrôler les voies maritimes, ce qu'il peut faire grâce à ses brise-glace que d'autres pays n'ont pas. C'est une question à laquelle ni les Américains ni les Canadiens n'ont prêté suffisamment d'attention et qui, selon moi, donne certains avantages à la Russie.
    Quatrièmement, les aspirations militaires et en matière de sécurité de la Russie dans l'Arctique sont immenses. La Russie a créé un commandement stratégique interarmées nommé SEVER, elle a déployé une brigade arctique à 50 kilomètres au nord de sa frontière avec la Finlande et elle conduit régulièrement des manœuvres à grande échelle dans le Nord, comme en 2015 avec la participation de 80 000 militaires.
    En décembre 2014, le Kremlin a mis sur pied le Commandement stratégique arctique, à qui il a donné le même statut juridique qu'à ses quatre autres compétences militaires qui existent depuis longtemps. En mars 2015, M. Poutine, outre qu’il a créé une mission de coordination du développement de l’Arctique dotée de pouvoirs dans toutes les régions et pour toutes les activités, a confirmé la nomination à la présidence de cette commission, l’agressif et notoirement anti-occidental premier ministre Dimitri Rogozine, célèbre pour avoir dit que « les chars d'assaut n'ont pas besoin de visa ». La Russie a également déployé d'importants moyens nucléaires dans l'Arctique, y compris les sous-marins nucléaires de la classe Boreï, qui sont équipés de missiles Bulava.
    De toute évidence, le Canada ne peut faire face seul à une menace de cette ampleur et il a besoin de l’aide de son allié américain du NORAD et de ses autres alliés de l'OTAN.
(0920)
    Dans le cas du NORAD, cependant, en plus de la menace russe, on risque aussi de se trouver bientôt face à une menace nucléaire de la part de la Corée du Nord qui, d'après nos renseignements, chercherait à miniaturiser des ogives nucléaires et à déployer des missiles mobiles.
    On a beaucoup compté sur les États-Unis jusqu'ici dans le cadre du NORAD, mais étant donné la propension du président Obama à limiter l'engagement américain, à « diriger depuis l'arrière » et à réduire les dépenses de défense, il n'échappe pas aux alliés que la tendance à s'en remettre aux États-Unis est désormais lourde d'incertitudes.
    L'Islande, la Norvège et le Danemark ainsi que les États-Unis sont membres de l'OTAN, tout comme le Canada, mais l'alliance n'a pas vraiment connu de grands succès dans le maintien de ses capacités de défense. Malgré l'engagement pris par les 28 membres de l'OTAN, lors du sommet d'il y a deux ans au pays de Galles, d'atteindre l'objectif consistant à consacrer 2 % de leur produit intérieur brut aux dépenses de défense, seuls cinq États s'y tiennent. Et parmi ces cinq États, les États-Unis et le Royaume-Uni ont réduit leurs dépenses. Le Canada, avec des dépenses de défense à hauteur de 1 % de son produit intérieur brut et sans aucune augmentation en 2014-2015, ne peut guère se vanter de ses efforts de protection de sa souveraineté compte tenu de l'immensité de son territoire. Quant à l'Allemagne, la deuxième économie en importance au sein de l'OTAN, ses dépenses s'élèvent à 1,2 % de son produit intérieur brut et, en chiffres absolus, elles ont décliné l'an dernier.
    II n'y a pas de solutions magiques dans le domaine de la défense. Il faut de l'argent et il faut des armes. Les négociations, la coopération et des pratiques discursives améliorées sont toutes utiles, mais la réponse à la menace régionale la plus importante, celle qui vient de Russie, doit se fonder en fin de compte sur des capacités et sur la volonté de dissuader Moscou de prendre des mesures politiques, militaires ou économiques agressives, comme ça a été le cas notamment en Arctique. Sans parler des États baltes, dont le cas est différent, la menace n'est pas celle d'une attaque totale, du moins dans l'Arctique. Là, le risque tient davantage aux erreurs de perceptions et de calculs, aux éventuels faux pas. La réaction devra être guidée par la prudence, pas par la paranoïa.
    En conclusion, le Canada doit protéger ses droits dans l'Arctique, et sa puissance aérienne doit jouer dans cette protection un rôle clé, mais il devra agir avec mesure et détermination dans le cadre d'un plan d'ensemble coordonné. La Russie, comme tout autre État, mérite le respect, mais une certaine réalité doit être communiquée au Kremlin. Les adroites tactiques de Moscou, le recours à la guerre hybride dans différentes parties du monde et les pressions politiques ne changent pas les fondements d'un pays qui devrait se concentrer bien davantage sur la valorisation de ses vastes ressources humaines et naturelles pour devenir un État moderne, plutôt que de se lancer dans des aventures étrangères en poursuivant la chimère du retour à un statut de superpuissance.
    L'Occident doit adopter une approche intégrée, un genre de stratégie ample au sein de laquelle le Canada collabore avec les États-Unis, par l'entremise du NORAD et avec l'OTAN, dans sa façon d'appréhender les menaces qui pèsent sur l'Arctique et sur l'ensemble de l'Amérique du Nord.
    La Russie devrait aussi être amenée à comprendre que non seulement un conflit proprement dit, mais aussi une concurrence militaire débridée seront en définitive très mauvais pour elle, car elle ne peut tout simplement pas se mesurer à la capacité conjuguée de tout l'Occident. Elle devrait s'inspirer de la judicieuse observation de Sancho Panza, dans le Don Quichotte de Cervantès, sur le sort du pot de terre : « si la pierre donne contre la cruche, ou la cruche contre la pierre, tant pis pour la cruche »; en cas d'affrontement, la cruche, serait la Russie. Ainsi, peut-être la Russie pourrait-elle être persuadée de se concentrer davantage sur ses problèmes nationaux, auxquels les aventures externes ne peuvent tenir lieu de solution.
     Un autre écrivain et philosophe européen l'a exprimé particulièrement bien : Voltaire, dans Candide, fait dire à son héros, normalement très optimiste, mais que la réalité vient d'ébranler : « Il faut cultiver notre jardin. » Ce conseil me semble tout à fait de mise pour la Russie et pour d'autres qui font peser des menaces sur l'Amérique du Nord.
(0925)
    Merci beaucoup, monsieur Braun.
    Nous en venons à notre premier tour de questions. Chaque tour dure sept minutes. Je vous encourage tous par conséquent à être brefs dans vos réponses de manière à ce que nous entendions autant de questions que possible.
    Nous allons céder la parole à M. Fisher, pour la première question.
    Allez-y, monsieur Fisher. C'est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci beaucoup à nos invités d'avoir partager leurs vastes connaissances.
    Madame Sloan, notre non-participation au système de défense antimissile a fait couler beaucoup d'encre au fil des années. À l'heure actuelle, nous n'y participons pas.
    Quels sont les risques historiques, et ces risques ont-ils changé depuis que nous avons sciemment décidé de ne pas participer?
    Vous parlez de la menace que présentent les missiles balistiques?
    Oui, en ce qui concerne notre non-participation au système de défense antimissile balistique. Les risques ont-ils changé, quels sont les risques historiques et ont-ils changé?
    Autrefois, il n'y avait pas de système de défense contre les missiles balistiques. Cela a commencé en 2004. L'administration Bush a pris cette décision en raison essentiellement du comportement de la Corée du Nord.
    En 2004, nous avons décidé que les renseignements relatifs à la détection des missiles balistiques pouvaient être communiqués au Commandement du Nord, dont la mission est d'assurer la défense antimissile balistique.
    Le risque de notre non-participation au système de défense tient au fait que nous n'aurions pas notre mot à dire au moment de décider d'abattre un missile balistique. Disons qu'un missile se dirige vers Churchill au Manitoba et que l'abattre pourrait causer des dommages collatéraux, ou avoir quelque autre conséquence, eh bien, notre commandant n'a rien à dire en ce qui concerne une éventuelle frappe. Il y a ce risque, mais il y a un autre risque, encore plus grand, qui est celui de ne recevoir aucune information.
    Dans mes commentaires écrits, j'ai précisé qu'il existe de l'information et que nous n'en sommes pas coupés. En réponse à mes questions au NORAD, on m'a assuré que nous n'étions pas coupés de cette information, mais que cela est possible parce qu'il y a beaucoup de détecteurs de missiles qui ont été déployés depuis notre décision en 2005 de ne pas prendre part à la défense antimissile.
    Il y a le radar dans la bande des rayons X dans le Pacifique Nord, les croiseurs Aegis, les bâtiments de guerre dans la mer du Japon, comme je l'ai signalé. Et aussi un nouveau système de détection terrestre, au sud du Japon, je crois. Il y a de nouveaux détecteurs qui ont été mis en place depuis 2005.
    Toute cette information est acheminée vers le commandement stratégique, qui se trouve au Nebraska. Je ne sais pas si le commandement local et le commandement stratégique font suivre toute cette information au NORAD — il ne faut pas perdre de vue que le NORAD est notre seule fenêtre d'observation sur le sujet —, mais je crois qu'il existe un risque. C'est le risque d'un partage incomplet de l'information.
(0930)
    Très bien. Je vais citer un passage de vos observations écrites.
    Vous dites que le NORAD a depuis longtemps la capacité de détecter des missiles balistiques au moyen des systèmes spaciaux et terrestres, dont aucun ne se trouve sur le sol canadien.
    Compte tenu du fait que je n'ai pas les connaissances que vous avez en la matière, est-ce que nous sommes protégés ou pas? Est-ce que l'on peut se sentir le moindrement protégé contre les missiles balistiques?
    Oui. Pour ce qui est de la détection, le système terrestre dont je parle est un système satellitaire qui a été mis en orbite dans les années 1960-1970. Nous avons toujours reçu cette information. Les systèmes terrestres dont je parle se trouvent en Alaska, au Groenland et dans le nord du Royaume-Uni. C'est ce qu'on appelle les radars du système de détection lointaine de missiles balistiques.
    Il s'agit des systèmes terrestres et spatiaux qui fonctionnent sans arrêt depuis 30 et 40 ans. Cette information a toujours été communiquée au NORAD et nous la recevons.
    Ce qu'il y a de nouveau, c'est ce que j'ai mentionné, comme les navires dans la mer du Japon, le système radar terrestre au Japon et aussi ce radar en bande X installé à Pearl Harbour et qui peut remonter jusqu'au détroit de Béring au besoin. Il y a les nouveaux systèmes de détection directement axés sur la menace nord-coréenne, parce que les satellites et le système de détection lointaine de missiles balistiques sont dirigés vers la Russie.
    Voilà pour ce qui est de la détection. En termes de défense, vous savez qu'il y a des silos au Dakota du Nord, etc. C'est la défense de la guerre froide contre les missiles russes.
    En ce qui concerne la nouvelle menace émanant de la Corée du Nord, il y a des intercepteurs terrestres en deux endroits : la Californie et l'Alaska, sur les bases aériennes de Vandenberg et de Greeley, respectivement. Il y a environ 30 intercepteurs, et les Américains s'efforcent d'en porter le nombre à 44 d'ici 2017. Il s'agit des intercepteurs terrestres qui visent à répondre à la menace nord-coréenne. Ils sont tous américains, bien sûr.
    Tous américains.
    Oui. Nous n'y participons pas du tout.
    Sans vous demander de répondre par oui ou par non, pensez-vous que le Canada bénéficie du niveau de protection dont nous avons besoin en ne participant pas au système de défense antimissile balistique?
    Non, je ne le pense pas. Je pense que nous devrions participer au volet du système de défense antimissile balistique relatif à la réponse. Nous participons déjà au volet détection, mais je pense qu'il nous faudrait participer au volet réponse.
    Très bien.
    Je n'ai pas d'autre question à poser, monsieur le président. Merci.
    Merci beaucoup. Nous allons entendre Mme Gallant.
    Vous avez la parole et vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président. Mes questions s'adressent à Mme Sloan.
    Même si nos autorités militaires considèrent qu'aucun acteur étatique ne présente une menace contre le Canada, quel est le meilleur système de défense contre les missiles de croisière?
    La détection et l'interception sont indispensables lorsqu'il est question de missiles de croisière. L'information relative à la détection est classifiée et je n'y ai pas accès. Je le sais parce que j'ai déjà posé la question et c'est ce qu'on m'a répondu. Mais je crois qu'autour de l'Amérique du Nord, la détection des missiles de croisière est prise en charge par le système aéroporté d’alerte et de contrôle qui appartient aux Américains, mais auquel le Canada fournit des effectifs. Il est basé dans l'Oklahoma.
    Je crois que le Système d’alerte du Nord a une capacité de détection de missiles de croisière très limitée, mais qu'il a été optimisé pour cette fonction. Le Système d’alerte du Nord a été mis en place le long du 70e parallèle pour détecter des missiles de croisière. Mais les missiles de croisière sont beaucoup plus difficiles à détecter parce qu'ils volent au ras du sol.
    Est-ce que des intercepteurs et détecteurs terrestres installés au Canada permettraient une protection plus intégrale contre les missiles de croisière?
(0935)
    Oui, un système de détection terrestre aiderait. Tout dépend de l'endroit où il est installé. Nous avons eu par le passé des systèmes de défense aérienne installés sur la côte Est et la côte Ouest. Je pense qu'ils ont été mis hors service. Des systèmes de détection terrestre installés dans certains lieux précis au nord du Canada aideraient.
    Vous avez parlé du nouveau missile de croisière qu'ont les Russes. Des rapports font état d'un lancement par-dessus l'Iran vers la Syrie; la trajectoire aurait été écourtée, ce qui a fait en sorte que le missile est tombé en Iran.
    Selon certains rapports, il y aurait des sous-marins nucléaires russes dans l'Arctique, et vous avez dit que l'on pouvait lancer des missiles de croisière à partir de navires de guerre ou de sous-marins. Je ne suis pas certaine que vous avez parlé de sous-marins, mais vous avez dit marine. Faudrait-il prendre des mesures pour détecter et intercepter ces missiles, et surtout, faut-il développer les installations militaires dans l'Arctique pour pouvoir patrouiller et détecter ces missiles plus tôt?
    Oui, l'Arctique serait un bon emplacement.
    Vous avez parlé de la frappe contre l'Iran et la Syrie. Ce qui a surpris la communauté internationale à propos de ce nouveau missile de croisière à longue portée, c'est qu'il n'était pas nécessaire pour la Russie de l'utiliser contre la Syrie parce qu'il avait été conçu pour échapper aux défenses aériennes d'un pays beaucoup plus puissant. Cela visait donc pratiquement à impressionner la galerie; il s'agissait peut-être pour la Russie de montrer qu'elle dispose de missiles de croisière à longue portée pouvant être tirés à partir des eaux russes, de sous-marins, de bombardiers et également de navires de guerre.
    Pour se défendre contre cela, il faut une capacité de détection, faisant intervenir des AWACS, des F-35 qui sont, je crois, équipés d'un dispositif de détection des missiles de croisière et éventuellement des détecteurs terrestres. Le problème avec les avions chargés de détecter des missiles de croisière, c'est qu'il faut qu'ils soient constamment dans les airs, et ce n'est donc pas réellement une solution à long terme.
    La Constellation RADARSAT pourrait constituer un observatoire et un moyen de détection des missiles de croisière. Elle est conçue pour la détection des navires et elle est donc beaucoup plus puissante qu'un satellite en orbite beaucoup plus élevée, elle pourrait par conséquent servir à détecter des missiles de croisière. De même que des véhicules aériens sans pilote... Je crois avoir mentionné le Global Hawk, qui en fait a remplacé les U-2 — vous vous souvenez des U-2 de de la guerre froide —, qui peut détecter les missiles de croisière.
    Mais si vous pensez à une surveillance permanente, il faut alors penser aux satellites, à des engins aériens sans pilote à haute altitude ou à un système terrestre. Bien sûr, lorsque le territoire est vaste, le choix de l'emplacement est difficile.
    Très bien. La menace la plus immédiate, nous dit-on, est celle d'une attaque de la part d'organisations djihadistes. Qu'une de ces organisations puisse contraindre un acteur étatique à lancer un missile vers l'Amérique du Nord vous semble-t-il une menace réaliste? Autrement dit, est-ce que l'EI, Al-Shabaab, ou Al-Qaïda ont les moyens de payer, par exemple, la Corée du Nord, pour lancer une frappe contre nous? En ce moment, on n'a pas l'impression qu'ils soient un ennemi très redoutable, que de façon réaliste…
    Vous parlez de lancer un missile de croisière?
    Je dirais un missile de croisière ou balistique, parce que, à l'heure actuelle, ils n'ont pas la capacité de lancer ni l'un ni l'autre.
    À ce stade, l'intervention d'un acteur étatique me semble indispensable et ce scénario est des plus improbable.
    Vous avez parlé d'avions de combat. Nous savons qu'il y aura un retard. Tout d'abord, est-ce que vous pensez qu'ils risquent d'être dépassés avec le développement de véhicules aériens sans pilote plus sophistiqués? Je pose la question parce que le gouvernement actuel a retardé la décision de remplacer les F-18 au cours du présent mandat et l'on sait que les retards dans les décisions d'achat peuvent avoir des effets négatifs et à retardement. Aujourd'hui, justement, on a appris que l'écrasement d'un Griffon en Afghanistan, en 2009, a été causé en partie par la surcharge de l'hélicoptère. Nous n'avions pas la capacité d'emport de l'hélicoptère.
    Il se trouve que l'annulation en 1993 du contrat pour les EH-101 — manoeuvre purement électorale — a coûté presque 1 milliard de dollars après les frais d'annulation, et que le gouvernement en fin de compte est revenu aux EH-101 pour les services de recherche et de sauvetage. Nombre de Canadiens ont été inutilement tués en conséquence de cette décision d'annuler ce contrat et d'autres priorités de dépenses injustifiées.
    Ma question est la suivante : est-ce qu'il convient de prendre une décision plus tôt au lieu d'attendre encore quatre ans avant de décider de remplacer les F-18 par quelque chose d'autre?
(0940)
    Non, je crois qu'il convient de décider immédiatement. J'espère qu'un énoncé des besoins est en cours d'élaboration. Je suis certaine qu'il en existe un ou qu'il est en cours d'élaboration parce que les élections remontent à six mois. Mieux vaut prendre la décision plus tôt que plus tard, absolument. Je crois comprendre que les F-18 continueront de voler jusqu'en 2025 environ. Le chiffre est nouveau. L'ancien c'était 2017, la toute dernière date. La date a changé parce que lorsque l'appareil vole moins, il peut durer plus longtemps. Il y a eu un arbitrage portant sur la disponibilité opérationnelle de l'appareil. Pour que l'appareil soit opérationnel en 2025, il faut se mettre à la tâche très, très rapidement.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les témoins qui comparaissent aujourd'hui.
    Je voudrais poursuivre un moment avec Mme Sloan. Vous avez employé l'expression « lacunes notables » dans votre présentation sur la surveillance aérienne, ce qui implique qu'il y a d'autres lacunes. C'est le point qui m'intéresse.
    L'une des préoccupations concerne la réorganisation des achats. Vous venez de le mentionner. Les conservateurs ont remis à plus tard 6,5 milliards de dollars de dépenses. Les libéraux viennent de remettre à plus tard 3,7 milliards de dollars de dépenses. Cela nous fait 10 milliards de dollars de dépenses qui ont été « reprofilées » jusqu'à après 2019. Je voudrais revenir sur ce dont vous venez tout juste de parler. Sommes-nous en présence de réelles lacunes en termes de capacité concernant les avions de combat, les avions-citernes et les avions de surveillance? Est-ce ce dont vous parlez lorsque vous faites référence à des lacunes importantes dans un domaine?
    Je vois, je vois. Oui.
    La question du missile de croisière se pose depuis des années et elle n'est pas facile à résoudre. C'est pourquoi elle a continué à se poser.
    L'autre composante renvoie peut-être au volet missile balistique. Les États-Unis cherchent à accroître leur capacité de détection contre la Corée du Nord, et cela pourrait bien être une lacune. En fait, je n'ai pas parlé du tout de l'Iran, mais ce pourrait être des missiles venant de l'autre côté également.
    Du côté des avions de combat, il s'agit, je crois, d'une question absolument fondamentale. Nous ne sommes pas dans une nouvelle guerre froide, mais nous sommes dans une situation qui s'apparente à une guerre froide en termes de menace. Nous avons besoin aujourd'hui et pour les prochaines années d'une aviation de combat similaire, logiquement parlant, à celle dont on avait besoin pendant la guerre froide. Je dis cela parce que pendant la guerre froide, nous avions 120 F-18. Ce nombre est passé à 80 au moment de la modernisation de la flotte, si je ne m'abuse. Or, nous avons dit que nous allions acheter 65 avions de combat. Il me semble absolument indispensable de procéder à une évaluation pour déterminer de combien d'avions de combat on a besoin pour assurer une défense efficace du Canada, compte tenu du fait que la menace aujourd'hui commence à ressembler vraiment beaucoup à la menace du milieu et de la fin des années 1980, juste avant que Gorbatchev ne mette fin aux patrouilles de bombardiers.
    Monsieur Braun, vous avez parlé de l'engagement des 2 % en matière de dépenses au titre de la défense et du fait que non seulement le Canada n'est qu'à 1 %, mais que nous semblons engagés dans la mauvaise direction par rapport à cet objectif. Compte tenu du fait que le budget actuel prévoit une augmentation des dépenses de défense inférieure au taux de l'inflation et au taux de croissance du PIB, nous allons même descendre sous la barre du 1 %.
    J'ai trouvé très intéressant ce que vous aviez à dire à ce sujet, à savoir qu'il n'y a pas de solution de rechange aux dépenses qui s'imposent sur l'équipement dont on a besoin. Est-ce que vous pourriez développer un peu ce commentaire?
(0945)
    En tant qu'universitaire, je préférerais naturellement que l'on dépense ces fonds pour des universités et des hôpitaux et pas sur des armements. Mais la réalité, c'est que nous vivons dans un système international où existent des menaces significatives.
    La Russie cherche à voir jusqu'où elle peut aller trop loin et a remporté quelques succès tactiques, à un coût élevé pour l'économie nationale. Les erreurs de perception et de calculs sont souvent la cause de conflits. Je ne pense pas que la Russie cherche délibérément à entrer en conflit avec les pays occidentaux, mais la faiblesse peut passer pour une provocation, comme on dit.
    Le danger c'est que le Canada, tout comme d'autres membres de l'alliance, ne peut pas choisir uniquement ce qui lui convient. Lorsqu'on parle du danger de ne pas participer, il est question de technologies qui ont déjà été élaborées. La défense antimissile balistique a considérablement évolué. On peut se protéger contre les missiles de croisière, mais pour cela il faut dépenser de l'argent. Il faut avoir la force de volonté et il faut démontrer que c'est ce que l'on fait.
    La dissuasion est cruciale. Pour se défendre contre des missiles de croisière, ce qu'on déploie sur le terrain n'est pas tout, ce qui compte également, c'est la perception de ce que vous êtes prêts à faire, le message que vous faites passer. La dissuasion fait intervenir un rapport psychologique. Si vous dépensez systématiquement moins que prévu, si vous avez une situation où l'Allemagne, par exemple, se rend compte aujourd'hui que la plupart de ses avions de combat sont inutilisables...Quelque 42 % de ses Tornados sont incapables de voler. Alors vous avez tous ces problèmes.
    Dans le cas du Canada, nous devons réfléchir sérieusement à ce que nous pouvons faire, dans les étroites limites du budget à notre disposition. Nous ne pouvons pas rivaliser avec la Russie, disons, en termes de quantité. Il nous faut, par conséquent, essayer de compter sur la qualité. C'est l'atout dont ont traditionnellement bénéficié les pays occidentaux.
    Que faut-il entendre par qualité? L'emploi de la technologie dernier cri. La technologie dernier cri ne concerne pas un avion, mais un système. Faut-il opter pour la quatrième génération ou la quatrième et demie? Il nous faut réellement opter pour la cinquième génération et faire face à la dépense. Il n'existe pas de moyen peu coûteux de contourner le problème. Il existe une obligation de faire partie de cette alliance. Il est essentiel d'en donner la démonstration.
    Il nous faut comprendre également que d'un bout à l'autre de l'éventail politique des États-Unis, on commence à être à bout de patience. Ce n'est pas juste Donald Trump qui déblatère contre les resquilleurs. Ils sont aussi visés dans la campagne de Bernie Sanders. Pareil du côté de Hillary Clinton. Les critiques du président Obama envers la France et la Grande-Bretagne vont dans le même sens.
    Si nous prenons la protection de notre souveraineté au sérieux, si nous prenons nos alliances au sérieux, alors le risque concerne la gestion de l'alliance, la défense réelle. Le risque, c'est également de priver notre industrie d'une technologie que nous pourrions partager, qui pourrait nous servir de tremplin. Lorsqu'on calcule le risque, il faut le calculer sur tous les plans, politique, économique et psychologique.
    Dans votre présentation, vous avez fait référence à...
    Cela fait sept minutes pile, dirait-on.
    Je vais passer à la question suivante pour respecter notre horaire.
    Monsieur Spengemann, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux trois experts ici présents. Vos commentaires et votre expertise nous sont précieux.
    Je voudrais commencer par adresser une question à Mme Sloan.
    Je voudrais changer la perspective un petit peu en m'éloignant du paradigme des rapports entre États et avancer l'idée que, outre les menaces en provenance de la Russie et de la Corée comme entités d'État, l'une des menaces les plus préoccupantes aujourd'hui est celle du terrorisme d'origine intérieure. Dans la mesure où cette menace existe, elle vise sans aucun doute en premier lieu les principaux centres urbains.
    La question que je souhaite vous poser concerne l'emplacement futur des ressources de combat occidentales au Canada. L'armée de l'air américaine procède actuellement à un nombre assez considérable d'atterrissages dirigés sur le sol canadien. À la lumière de ce fait, je me demande, si les ressources de combat occidentales sont stratégiquement déployées de manière convenable à l'heure actuelle à Cold Lake ou Bagotville, ou s'il ne serait pas plus rationnel de les déplacer sur la côte Ouest vers Vancouver, dans un endroit comme Comox, par exemple. Je me demande quel est votre avis là-dessus.
(0950)
    Le choix de l'emplacement de nos bases d'avions de combat répond à la menace de la guerre froide. Je suis d'accord sur le fait que notre aviation aurait du mal à atteindre nos grandes villes assez tôt pour répondre à une menace. Par conséquent, c'est aux États-Unis qu'il appartient de faire face à cette menace en franchissant notre frontière. Alors, oui, il serait sans doute plus rationnel de rapprocher ces bases de nos centres urbains.
    Je ne suggérais pas du tout de déplacer les bases, mais plutôt de déployer de manière stratégique nos forces aériennes vers...
    Nos chasseurs ne restent pas en permanence dans les bases. Par exemple, nous avons parfois des F-18 à l'aéroport d'Uplands, ici à Ottawa; ils sont déployés dans différents endroits au Canada. Il s'agit de s'assurer qu'ils sont sur les lieux lorsqu'une menace se présente ou lorsqu'on estime qu'une menace potentielle pourrait exister. Par exemple, pendant les Jeux olympiques de Vancouver, je n'en ai pas la certitude, mais j'imagine que les F-18 ont été déployés plus près de ces activités.
    D'accord.
    Monsieur Braun, vous seriez également d'accord avec cela?
    Il ne s'agit pas simplement du lieu du déploiement; il faut avoir quelque chose à déployer. Si vous n'avez pas assez d'appareils, il n'y a pas de magie.
    Oui, bien sûr, mais prenons la situation d'aujourd'hui. Nous avons la capacité, et je parlais du déploiement des ressources existantes ou à venir quelles qu'elles soient.
    Bon, nous avons une certaine capacité. Il nous faut naturellement essayer de déployer nos ressources aussi sagement que possible en fonction du lieu le plus probable où se présentera la menace. Mais il nous faut coopérer avec nos alliés. Nous n'avons pas assez et nous n'aurons jamais assez de moyens, donc il nous faut agir conjointement. Je suis certain que l'on peut affiner notre politique, nous pouvons l'adapter. Tout déploiement militaire valable s'adapte et s'adapte à des menaces en évolution.
    C'est justement ce que j'étais...
    C'est là la façon raisonnable de procéder. Si c'est cela que vous préconisez, c'est le bon sens même.
    Merci pour cela. C'est précisément à cela que je voulais en venir.
    Pour aborder la question sous un angle plus large, en changeant un peu de perspective et à propos de l'Arctique, permettez-moi de dire que la menace la plus imminente ne consiste peut-être pas en une prise de possession de territoires de la part de la Russie ou de la Chine ou d'une autre entité étatique. Nous avons une banquise arctique en train de fondre, le passage du Nord-Ouest qui s'ouvre, une forte chute des prix du pétrole, et un regain d'intérêt correspondant dans d'autres ressources que l'on trouve dans l'Arctique et potentiellement sur les fonds marins.
    On peut imaginer un scénario, et ma question s'adresse à tous les trois, où une entité non étatique — un quelconque consortium — se met simplement à exploiter ces gisements dans les eaux territoriales canadiennes, que ce soit sur le fond océanique ou ailleurs. C'est ce genre de menace — dans l'ombre peut-être d'une entité étatique se livrant à des gesticulations militaires — que l'on risque d'avoir à affronter à court terme.
    La réponse, bien sûr, serait d'ordre politique, diplomatique, en ce qui concerne les mesures à prendre dans l'immédiat, mais dans la perspective de la disponibilité opérationnelle des forces aériennes, quel genre de ressources seraient nécessaires dans le cadre d'un tel scénario et est-ce que nous disposons de ces ressources sur le terrain à l'heure actuelle?
    Détecter cela suppose la capacité de détecter des navires, et c'est précisément ce que la constellation RADARSAT permettra de faire. RADARSAT-2 peut déjà le faire; le problème, c'est que ce n'est pas une constellation et pour avoir une surveillance constante, il faut… Je sais que le plan de constellation prévoit trois satellites, mais il se peut que quatre ou cinq satellites soient nécessaires pour une surveillance constante de la région arctique. Comme je l'ai dit, des véhicules aériens sans pilote seraient également à même d'assurer la surveillance de la région.
    Ça, c'est l'élément détection. Je pense que nous avons également des détecteurs sous-marins dans certains endroits dans le nord.
    Pour faire face à la situation, le navire de patrouille de haute mer dans l'Arctique constituera un atout important, mais seulement pendant les mois d'été. Bien sûr, il ne peut briser que des glaces ne dépassant pas un mètre d'épaisseur. La construction de notre brise-glace de classe polaire est très importante, le nouveau brise-glace qui est censé être construit à Vancouver.
    Mais pour en rester à la disponibilité opérationnelle de notre aviation, dans la perspective d'une interdiction ou d'une dissuasion potentielle, quel genre de ressources faudrait-il déployer selon vous?
    Vous faites allusion à l'exploitation minière, aux gisements pétroliers en mer et à ce genre de choses?
    C'est exact.
    Pour la détection, on peut utiliser des moyens aériens, mais d'après moi, pour le volet réponse, ça ne conviendrait pas.
    D'accord.
    Monsieur Braun?
    Pour la détection, je dirais que c'est exactement ce qu'il faut, mais pour la réponse, on a besoin de navires. Il faut des hommes sur le terrain et il faut des brise-glaces. Là, la Russie dispose d'un énorme avantage.
    Les acteurs non étatiques ne me préoccupent pas. Il est peu probable qu'ils le fassent; ils n'ont guère de capacités. Mais avec la Russie, il se pose un problème et il y a un problème juridique. Les Russes se sont montrés très agressifs en termes juridiques. Sur ce terrain, c'est une espèce de guerre froide. Les arguments qu'ils avancent, en termes de droit international… Je ne fais que me citer : j'achève un ouvrage sur la Russie, l'Arctique occidental et la sécurité.
    L'un des problèmes tient aux revendications rivales concernant les dorsales de Lomonosov et Mendeleïev et les zones où l'exploration serait permise.
    Il y a également la question de la navigation. Les Chinois s'y intéressent de beaucoup plus près, parce que si l'on peut raccourcir l'itinéraire de navigation, cela peut avoir une incidence très importante sur les échanges commerciaux. Ils ont pour le moment le statut d'observateur — ce n'est pas seulement le Conseil de l'Arctique — et ils font réellement pression sur ce point. Nous avons donc besoin d'une capacité de détection, et toute capacité, pas seulement… Depuis 2006, le NORAD est plus orienté vers la menace maritime, mais il faut un système et des outils appropriés.
    C'est pourquoi, dans notre débat sur l'avion de combat, il serait absurde de chercher autre chose que les F-35, parce qu'ils font partie d'un système, c'est quelque chose d'intégré. C'est ce que les États-Unis sont en train de se procurer; c'est ce qu'a la Norvège, c'est ce que le Danemark aura sans doute. Cela fait partie d'un système de détection et de réponse dans le domaine aérien, qui doit ensuite être combiné avec d'autres choses, y compris l'obtention de ces brise-glaces — et quelle est l'échéance prévue pour les nouveaux brise-glaces? Est-ce 2020, 2022?
(0955)
    Leur construction prendra beaucoup de temps.
    Monsieur le président, merci. Voilà les questions que je souhaitais poser. S'il reste un peu de temps, je voudrais qu'il soit alloué au prochain libéral.
    En fait, vous avez légèrement empiété. Le moment est bien choisi.
    Nous passons maintenant à nos tours de questions de cinq minutes.
    Il revient à M. Gerretsen de poser les premières questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma première question sera pour vous, madame Sloan. Nous avons pas mal parlé de la défense antimissile balistique et du fait que nous participons au volet détection, mais pas au volet réponse. Vous préconisez, c'est du moins ce que j'ai compris, notre participation à ce volet.
    Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ce que cela comporterait? Qu'est-ce que cela suppose du point de vue de l'engagement? S'agit-il d'un engagement financier ou plutôt d'ordre politique? Pourriez-vous nous éclairer là-dessus?
    Au départ, en 2004, l'administration Bush demandait un engagement politique. Depuis, il n'y a pas eu de nouvelles demandes. Bien que l'on en parle de notre côté de la frontière, et je suis sûr que les États-Unis souhaiteraient que le Canada participe, ils n'ont pas officiellement demandé notre participation depuis. Mais si nous devions participer, je crois comprendre que, cette fois, au delà d'un engagement politique, notre participation comporterait un certain investissement financier.
    Et vous ne savez pas ce que...
    Je ne sais pas quel serait cet investissement financier.
    Nous parlions d'importants problèmes de détection et j'ai signalé que les États-Unis cherchaient peut-être un autre emplacement où installer des détecteurs ou des intercepteurs. Ils cherchent à différents endroits aux États-Unis, mais ils pourraient également chercher sur le territoire canadien.
    Merci.
    J'aimerais entendre le point de vue de chacun de vous concernant ma prochaine question. Je commencerai peut-être par vous, madame Assenova.
    Il a beaucoup été question de notre souveraineté aujourd'hui, en particulier dans l'Arctique, et de notre défense du Nord. On a beaucoup parlé d'acteurs étatiques, des Russes et de l'intérêt de la Chine. Pourtant, d'après les témoignages présentés devant notre Comité ici et récemment encore au mois de mars, il n'y aurait pas de menace militaire provenant d'autres États, au moins pour les 10 prochaines années.
    Madame Assenova, je sais que vous avez parlé un petit peu de l'intention. J'ai retenu de ce que vous avez dit que l'intention pourrait changer. Je serais curieux d'entendre vos commentaires là-dessus. Ces commentaires selon lesquels il n'y aurait pas de menace militaire pour le Canada à l'horizon des 10 prochaines années vous semblent-ils valables? Ou est-ce que l'intention pourrait tout aussi bien brutalement changer?
    Bien, nous avons vu comment ont évolué l'intention et le comportement des Russes au cours des 10 dernières années. Il est difficile de prédire s'il y aura ou non une menace militaire.
    Une chose me semble claire, c'est que M. Poutine ne sera pas enclin à utiliser l'arme nucléaire, parce que cela serait un suicide pour lui et qu'il est assez épris de la vie telle qu'elle est. Il s'agit plutôt d'une tactique visant à irriter l'adversaire. D'une tactique visant à démontrer sa supériorité ou ses capacités de sorte que la Russie soit prise au sérieux et puisse retrouver la place qui était la sienne pendant la guerre froide, lorsque nous avions un monde bipolaire.
    M. Poutine n'accepte pas le fait qu'il y a aujourd'hui une force dirigeante, un pays qui mène le monde. Il veut rétablir ce monde dit multipolaire et faire de la Russie l'un des piliers de ce monde. On voit l'emploi qui a été fait des missiles de croisière à cette fin, comme je l'ai déjà dit. Cela est extrêmement dangereux pour les pays autour de la mer caspienne, parce qu'ils sont impliqués dans une guerre qui n'est pas du tout la leur. Ils sont manipulés par la Russie également.
    Cela dit, nous ne pouvons pas prédire l'intention à ce stade. Les autorités militaires des États-Unis redoutent que le schéma de comportement puisse en fin de compte modifier l'intention. À ce stade il est très important d'avoir une défense suffisante. En même temps, sur le plan psychologique, comme l'a dit M. Braun, il est très important de disposer de cette défense.
    Contrairement à la guerre froide, lorsque les choses étaient prévisibles, nous avons maintenant une situation imprévisible. Une situation où la Russie calcule et calibre ses actions en fonction des gains qu'elle en attend. Ce n'est plus le système établi, équilibré, que nous avions durant la guerre froide. C'est pire aujourd'hui en fait. C'est pourquoi il importe de montrer notre force au fier-à-bras en ce moment, indépendamment de l'emploi que nous aurons à en faire ou pas.
(1000)
    Mon temps de parole est épuisé?
    Oui, il est épuisé.
    Nous passons à M. Paul-Hus. Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Depuis le début de nos rencontres avec les différents intervenants, dont M. Burke, qui est adjoint de recherche sur les études portant sur la sécurité nationale, nous tentons d'évaluer exactement la menace qui pourrait peser sur le pays. À l'heure actuelle, je crois que les Canadiens ont besoin d'une reprogrammation mentale à la suite de l'ancienne guerre froide. Nous étions en quelque sorte programmés de manière à considérer la Russie et l'ancienne Union soviétique comme un seul bloc et comme une menace nucléaire, alors que la situation est totalement différente aujourd'hui.
    Je vais d'abord vous demander si vous croyez que le Canada estime réellement que la Russie constitue une menace possible? Personnellement, je dirais que ce n'est pas le cas, mais que vous disent vos études et vos analyses? Est-ce que le Canada reconnaît le fait que la Russie représente une menace? N'importe qui d'entre vous peut répondre à la question.

[Traduction]

    Oui, je pense que les Canadiens reconnaîtraient que c'est une menace si on leur présentait des preuves, et je pense que ces preuves nous apparaissent sous la forme des capacités que j'ai décrites dans ma présentation, et aussi des intentions. On peut considérer comme un seuil, bien sûr, les actions menées en Géorgie et en Ukraine, qui reflètent un schéma de comportement.
    À l'autre bout du monde, la Corée du Nord dessine également un schéma de déclarations tonitruantes qui s'accompagnent aussi du développement de capacités.
    J'ai parlé de la Corée du Nord comme d'une menace à moyen terme parce que, sur le plan technologique, elle doit franchir le cap de la miniaturisation des armes nucléaires pour les monter sur des missiles balistiques, et de la capacité de mettre au point un missile balistique à longue portée. Mais d'après les rapports en matière de renseignement que j'ai lus, elle s'engage dans cette direction et je pense que les Canadiens, si les preuves leur étaient présentées, seraient disposés à accepter cela.
    Dans un sens, ça se rattache à d'autres questions qui ont été posées. Il nous faut des éclaircissements, au plan conceptuel, sur ce qui constitue une menace. Lorsqu'on dit « voyez, il n'y a pas de menace », il n'y a pas de menace au sens où on l'entendait pendant la guerre froide, où on voyait des forces massives, avec des dizaines de milliers de tanks dans le cadre d'une stratégie qui faisait intervenir une poussée vers la Manche. Ce n'est pas ce que la Russie a l'intention de faire. Ce n'est pas ce que la Russie est capable de faire.
    Toutefois, la menace émane d'un pays qui teste les limites et recherche des avantages tactiques, qui cherche à résoudre ses problèmes intérieurs et le problème de l'instabilité intérieure. Le contrat social qui était en vigueur ne tient plus et le Kremlin cherche une sorte de légitimation extérieure. Les ingrédients d'un conflit accidentel sont réunis.
    On voit les Russes envoyer des sous-marins dans les eaux des États voisins. Les Suédois étaient quasiment sûrs qu'il y avait un sous-marin russe dans leurs eaux. On voit des espèces de défis dans les airs, avec les Britanniques et d'autres, avec des appareils russes qui frôlent leur espace aérien. On a frôlé l'accident à plusieurs reprises. Cela faisait longtemps que cela ne s'était pas produit. Il faut remonter à l'époque soviétique pour voir des provocations de ce genre de l'aviation russe. Ce sont tous là les ingrédients d'une erreur de calcul inévitable.
    On a une situation similaire en Corée du Nord. Le pays est misérable, la population meurt de faim, les gens essaient de s'échapper, et pourtant le pays dépense toutes ses ressources pour tenter de se présenter comme une puissance capable d'intimider et de produire des armes nucléaires.
    C'est la panoplie du dictateur. Lorsqu'on n'a pas de légitimité intérieure, lorsqu'on ne réussit pas à résoudre les problèmes intérieurs ou à faire usage d'une espèce de réalisme magique local pour se rallier la population, on cherche alors à créer un état de mobilisation permanente en recourant à la menace extérieure et à l'ultranationalisme. Cette politique est elle aussi soumise à sa propre loi des rendements décroissants. Ce qui oblige à constamment hausser la tension d'un cran et c'est précisément ce que la Russie a fait. Cela présente des dangers.
    En raison de ses problèmes économiques, la Russie est obligée de se montrer agressive pour tenter d'obtenir plus de ressources énergétiques. Qu'exporte la Russie? Des produits énergétiques, des armes et de la corruption. Ça se limite à peu près à ces trois choses, alors où vont-ils obtenir davantage de ressources énergétiques? Eh bien, ils lorgnent l'Arctique.
    S'il devait se produire une marée noire catastrophique dans l'Arctique, celle du Golfe du Mexique passerait pour du pipi de chat. C'est aussi une menace. Nous avons donc la menace économique, la menace écologique et la menace militaire. Il nous faut bien les situer dans leur cadre conceptuel et leur contexte et bien les comprendre et il nous faut envoyer le message approprié. L'Occident dispose de capacités beaucoup plus vastes, mais nous ne les avons pas mobilisées, pas en vue d'un affrontement, mais pour envoyer un message clair à la Russie: réglez vos problèmes intérieurs, ne cherchez pas des aventures à l'international. Il n'y a pas de raison que la Russie ne puisse être un État moderne prospère. Elle ne l'est pas.
(1005)
    C'est l'heure. Désolé.
    Vous avez la parole, madame Romanado. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais tout d'abord, remercier M. Braun, Mme Sloan et Mme Assenova de leur présence aujourd'hui.
    On a beaucoup parlé de surveillance et de contrôle. En termes de surveillance, madame Sloan, vous avez souligné certaines faiblesses concernant les intercepteurs terrestres et notre constellation de satellites RADARSAT. En matière de contrôle, mon collègue a dit quelques mots concernant l'emplacement de nos équipements de défense aérienne, le fait que les intercepteurs terrestres pour les États-Unis sont basés en Californie et en Alaska — bref, sur la côte ouest — et que nos avions de combat sont à Bagotville et Cold Lake, en ce moment.
    J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus quant à l'importance du soutien de nos avions-citernes compte tenu de l'immensité du territoire à surveiller. Vous voulez bien?
    Le Canda a cinq avions-citernes. Leur base est Trenton. Je pense que c'est suffisant, mais tout juste suffisant, parce que l'on en a souvent besoin à l'étranger. Voilà en deux mots ma réponse. Si l'un de ces avions est affecté au théâtre syrien, un autre en phase d'entretien, un autre affecté à une autre mission, et un autre enfin en Amérique du Nord, la marge est des plus mince. Le pays est grand. Le Canada doit fréquemment faire appel aux avions-citernes des États-Unis pour réapprovisionner nos chasseurs en carburant.
(1010)
    D'accord.
    On a évoqué le remplacement de nos CF-18. Certains collègues ici présents ont abordé le sujet. Vous avez rédigé un excellent rapport en 2014 sous le titre « Something Has to Give: Why Delays Are the New Reality of Canada's Defence Procurement Strategy ». Dans ce rapport, vous décrivez la problématique liée à ce remplacement et les défis à relever aujourd'hui.
    Nous avons entendu M. Braun, qui a parlé des F-35. Compte tenu de nos équipements actuels et du temps qu'il faut pour se procurer des actifs de Défense, quelle recommandation pourriez-vous nous faire concernant le plan d'action à prendre? Que doit-on envisager? Qu'est-ce qui est réaliste dans la situation actuelle?
    En termes d'actifs aériens en général ou en termes d'avions de combat?
    D'avions de combat.
    En termes d'avions de combat, j'ai été contente de voir que le gouvernement Trudeau a placé le F-35 dans la liste des candidats. Je ne suis pas prête à vous dire aujourd'hui lequel du Super Hornet ou du F-35 est le meilleur avion. Mais je suis convaincue que le processus de sélection ne doit pas souffrir de retard. Si l'énoncé des besoins est déjà fin prêt, on pourrait alors disposer d'un avion d'ici quatre ans, et à coup sûr d'ici 2025, qui est désormais la nouvelle date de péremption donnée pour nos F-18 sur la base de leur cellule.
    Nous devons, je crois, prendre en considération certaines choses. Je suis plutôt d'accord avec la façon dont le gouvernement Trudeau aborde la question, en mettant de l'avant la souveraineté canadienne et les besoins auxquels doit répondre l'avion pour la garantir. C'est pourquoi je ne pense pas nécessairement qu'un avion furtif de cinquième génération soit absolument indispensable pour nous donner les moyens d'éliminer les batteries anti-aériennes dans une opération à l'étranger. Nous nous engagerons probablement toujours dans de telles missions aux côtés des États-Unis, je crois. C'est ce qui s'est passé en Lybie, les avions furtifs américains ont d'abord éliminé la défense anti-aérienne, puis le reste de l'OTAN a mené ses missions de frappe de précision.
    Mais il se peut que l'on ait besoin d'un avion furtif dans des opérations dirigées contre la Russie dans le nord. Selon certaines indications, comme je l'ai dit, les F-35 pourraient être en mesure de détecter des missiles de croisière. Les facteurs à prendre en compte pour choisir le meilleur avion sont très nombreux. Je ne souhaite pas me prononcer aujourd'hui sur l'orientation à suivre.
    Venons en à M. Bezan. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue aux témoins. C'est un plaisir de vous voir ici, monsieur Braun et madame Sloan.
    Madame Assenova, c'est un plaisir de vous revoir. Plusieurs semaines se sont écoulées depuis notre dernière conversation.
    J'estime que nous sommes ici pour parler des risques et des menaces auxquels font face le Canada et les États-Unis. Vous avez tous les trois bien résumé, je trouve, nos préoccupations relativement à la Russie, en particulier dans l'espace aérien voisin de l'Arctique, mais aussi relativement à leurs capacités. Je sais, pour vous avoir écoutés tous les trois, que ce qui vous empêche de dormir la nuit, et moi aussi, c'est la prolifération des missiles de croisière, la technologie incroyable démontrée par les Russes en matière de missiles de croisière.
    Mais je veux parler aussi de l'un des sous-traitants américains en matière de missiles de croisière, dont les systèmes ont été piratés, il y a des années de cela. Cette information est devenue disponible dans la sphère mondiale. Quels autres pays et autres acteurs non-étatiques éventuellement, ont-ils accès, selon nous, à ces schémas pour construire, leurs propres missiles de croisière?
    Qui d'autre, si je vous ai bien compris, pourrait lancer des missiles de croisière contre l'Amérique du Nord? Seul un État peut disposer d'une telle capacité. J'en suis convaincue. Elle n'est pas aujourd'hui ni ne sera dans un proche avenir, à la portée d'un acteur non étatique. C'est la Russie, je crois, qui retient plus particulièrement votre attention, mais la Corée du Nord n'a d'yeux que pour les missiles balistiques aujourd'hui.
    Pour en revenir à la Russie, on a dit que la faiblesse constitue une provocation pour Poutine.
    Je commencerai par vous, madame Assenova. De quels moyens de dissuasion a-t-on besoin en Amérique du Nord pour tenir Poutine à distance, pour tenir le Kremlin occupé? Ils continueront bien sûr de se comporter en agitateur et en agresseur dans la sphère mondiale, plus particulièrement en Europe de l'Est. Que nous faut-il dans le contexte de l'Amérique du Nord pour dissuader Poutine de considérer que nous sommes faibles et qu'il a beau jeu dans le contexte de l'expansionnisme et de l'aventurisme dont il a fait preuve récemment.
(1015)
    Je pense qu'il nous faut la réponse ferme que nous avions durant la guerre froide dans des situations semblables. Il nous faut aider nos alliés en Europe de l'Est à créer leurs défenses. Ils doivent accroitre leurs dépenses également, pour ne pas tomber dans la même catégorie que le Canada et la France, qui ne dépensent pas réellement 2 % de leur PIB. Certains envisagent déjà d'augmenter graduellement leur budget. Ils doivent le faire beaucoup plus rapidement.
    Les composantes de défense balistique qui seront implantées en Roumanie, Pologne et Turquie sont très importantes également. La Russie viole l'espace des pays riverains de la mer Noire depuis des mois, des années déjà. La Turquie est le seul pays à avoir abattu un chasseur russe en Syrie, mais ce n'était pas le premier incident de cette ampleur dans la région.
     Il nous faut montrer à la Russie que nous avons une protection et que l'Alliance de l'OTAN est là, derrière les pays d'Europe de l'Est. Il ne vise pas les États-Unis ni le Canada, pour le moment. Je dis « pour le moment » parce qu'on ne sait pas quand il changera d'idée. Il vise les flancs proches de la Russie, de l'Europe du Nord à l'Europe de l'Est, le Caucase et l'Asie centrale. La Russie a commencé à réduire ses dépenses dans certaines de ces régions — j'ai parlé de l'Asie centrale — et même à réduire sa base militaire au Tadjikistan, en réduisant ses capacités. Elle se retire de projets concernant sa marine au Kazakhstan, il importe de le souligner parce que cela veut dire que la Russie connaît de graves problèmes financiers. Elle ne pourra pas poursuivre indéfiniment sa militarisation et accroître sa puissance militaire. Il nous faut aider les Européens de l'Est, parce que c'est, selon moi, la réponse la plus importante et la plus parlante que le président russe, M. Poutine, ait à considérer que l'Occident est fort. Au lieu de ça, on a vu une crise des réfugiés en Europe, provoquée en partie par l'intervention russe en Syrie visant à affaiblir l'Europe, et l'on voit en même temps les candidats à la présidence américaine rejetant l'OTAN comme alliance militaire. Ces prises de position seront du petit lait pour M. Poutine. On ne devrait pas permettre cela.
    Monsieur Braun.
    Cela conclut les cinq minutes. Je vais devoir passer à la question suivante, désolé.
    Monsieur Rioux, vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
     En ce moment, dans l'actualité, il est surtout question de l'État islamique. Je pense qu'on néglige de parler du cas de l'Arctique. On en a parlé beaucoup aujourd'hui. Certains affirment que d'autres pays ont augmenté leur armement dans l'Arctique. On a parlé aussi évidemment des brise-glaces et des dispositifs antimissiles. Tout d'abord, s'agit-il d'une réalité? Je vais en fait vous poser quelques questions en rafale ce qui vous permettra de répondre de façon générale.
    J'aimerais aussi savoir si la menace pour le Canada se situe dans le maintien de notre souveraineté sur les territoires ou davantage dans l'attrait qu'ont d'autres pays pour nos ressources naturelles? Vous en avez parlé tout à l'heure. Quel est le délai à cet égard? Si je ne me trompe pas, ce sont principalement la Russie et la Chine qui manifestent un intérêt à ce sujet, mais dans quelle mesure respectivement? La menace est présentement à l'endroit de notre souveraineté. En fait, d'autres pays sont intéressés par nos ressources naturelles? Croyez-vous qu'il y ait d'autres genres de menaces et sont-elles pressantes?
    Monsieur Braun, je vous cède la parole.

[Traduction]

    Il se dégage des débats un tableau très complexe d'opportunités et de menaces. La région est vaste, les ressources immenses. L'Arctique abrite quelque 22 % des ressources potentielles en combustibles fossiles. La tentation est formidable. Avec la fonte des glaces arctiques, le potentiel de navigation, la route maritime du Nord risque de chambouler les flux commerciaux établis. C'est ce qui motive l'intérêt de la Chine et d'autres pays également.
    La protection de la souveraineté prend des formes plus complexes en matière de protection des ressources et de menace pour l'environnement. Ça me ramène à la question de savoir comment faire face aux multiples menaces qui se posent à tant de niveaux différents. Même les États-Unis ne peuvent le faire seuls. Eux aussi doivent pouvoir compter sur leurs alliés pour agir.
    Notre réponse doit s'inscrire dans une stratégie globale opérant sur plusieurs niveaux: politique, militaire, psychologique, économique et faisant intervenir le NORAD et l'OTAN. L'une des difficultés tient au fait que la Russie s'est représenté l'OTAN comme ce géant faible et pathétique, incapable d'agir, non parce que les ressources lui font défaut, mais parce qu'il n'a pas la force de volonté; il n'a pas la capacité de mobiliser et de réagir de manière efficace.
    Alors que la Russie utilise des missiles de croisière… c'est mon collègue, je pense, qui a dit que cela n'était pas nécessaire — mais c'était nécessaire dans un sens pour la Russie, parce qu'il fallait qu'elle marque le coup. Elle voulait envoyer un message. C'est ce que fait la Russie. Elle envoie toutes sortes de messages et nous ne répondons pas à ces messages.
    La symbolique est très importante. Quand on examine le type d'avion qu'on va se procurer, il ne s'agit pas simplement de dollars et de cents. Il s'agit de bien intégrer cela également avec le genre de message que l'on veut envoyer à notre interlocuteur. On peut gaspiller beaucoup en faisant des économies de bouts de chandelle. Parfois on dépense davantage parce qu'on veut donner une certaine image.
    Il y a de cela bien des années, j'ai passé quelque temps à l'Université Stanford comme professeur invité. Milton Friedman y était aussi, en détachement de l'Université de Chicago. Je travaillais sur le pacte de Varsovie et j'écrivais sur le sujet. Nous avons eu une conversation sur le sens du mot coût. Il m'a dit qu'un économiste doit parfois appréhender la valeur d'une dépense correspondant à une certaine somme d'argent, en termes qui ne sont pas purement économiques. Il arrive qu'en dépensant un dollar, on inflige 10 $ de dommages à la partie adverse et ça ne vaut pas la peine. En d'autres circonstances, Il arrive qu'on dépense 10 $ pour obtenir 1 $ d'avantage à l'autre bout et ça vaut la peine, parce que vous évaluez le coût en fin de compte en termes politiques.
    Quel que soit l'avion de combat que l'on finira par avoir, notre participation à la défense antimissile balistique fonctionne dans le cadre d'un groupe, d'un contexte donné. Quelle image veut-on projeter? Est-ce que nous parvenons à faire entendre raison à quiconque attenterait à notre souveraineté, serait tenté d'entreprendre des explorations qui pourraient nuire à nos intérêts, ou d'ouvrir à la navigation une voie susceptible d'avoir une incidence négative...? Est-ce que nous donnons l'impression d'une force et d'une détermination suffisante par nous-mêmes, dans notre alliance avec le NORAD et dans le cadre de notre alliance avec l'OTAN? Cela est très important. C'est pourquoi au XXIe siècle en particulier, la symbolique et les signaux sont aussi essentiels.
(1020)
    Merci beaucoup.
    Je vais passer à la dernière question pour le deuxième tour de questions. Monsieur Garrison, pour trois minutes, s'il vous plaît.
    Je souhaite revenir à la question de notre capacité navale dans l'Arctique. Je sais que certains ont demandé qui avait la puissance navale la plus grande au Canada. Ce n'est pas la Marine royale du Canada; c'est en fait Fednav, qui a plus de navires opérationnels que notre Marine à l'heure actuelle. Fednav a également un brise-glace plus puissant que celui de la Marine canadienne.
     Monsieur Braun, je veux vous poser de nouveau la question. Le Nunavik dont Fednav est propriétaire, est actuellement loué à une compagnie minière chinoise. Est-ce là un exemple du genre de menace liée au manque de capacité, que la mise en valeur des ressources prendra de vitesse le Canada dans sa capacité de contrôler l'Arctique?
(1025)
    Le risque est toujours présent en raison des tentations qui existent. Nous cherchons des ressources et des compagnies qui veulent faire des profits. Il arrive que l'on autorise des compagnies à participer, sans avoir réfléchi à toutes les implications qui ne se limitent pas aux seuls avantages économiques mais peuvent également comporter des facteurs liés à la sécurité.
    C'est pourquoi il est tellement important que le gouvernement inscrive sa réflexion dans le cadre d'une grande stratégie et qu'il conserve à chaque instant une vision d'ensemble. Je comprends parfaitement qu'il nous faut prendre des décisions pratiques. Il y a les facteurs fonctionnels et les facteurs coûts. Qu'est-ce que ça nous rapporte de construire des brise-glaces? Est-ce qu'on les met en location? Comment coopérons-nous avec les autres?
    Les décisions sont prises à différents niveaux, mais c'est au niveau de gouvernement le plus élevé que se situe la grande réflexion stratégique. Nous devons nous demander si nous avons su la mener de manière efficace, pas seulement au Canada, mais collectivement en Occident. Je vois la menace qu'a présentée la Russie, cela n'aurait pas dû se produire. Nous n'aurions pas dû le permettre. Nous n'avons pas réagi comme il convenait dans le cas de la Géorgie. Nous n'avons pas réagi de manière appropriée dans le cas de l'Ukraine, et ce qui se passe en Ukraine a une incidence sur ce qui se passe dans la Baltique, et ce qui se passe dans la Baltique a une incidence sur ce qui se passe dans les pays scandinaves et dans l'Arctique.
    Pendant que je menais mes recherches sur ce dernier ouvrage, je parlais à des gens au Danemark et en Suède. Ils se disaient vraiment préoccupés par ce qui se passe en Estonie, en Lettonie et en Lituanie, mais ce qui se passe en Lettonie, en Estonie et en Lituanie est aussi influencé par ce qui s'est passé en Ukraine, où la Russie a pu démontrer qu'elle pouvait en toute impunité renverser l'ordre établi dans l'après-guerre froide. Voilà ce qui s'est passé dans le cas d'un pays qui n'a pas le pouvoir… la Russie n'est pas une superpuissance, mais elle a pu faire cela.
     M. Poutine a démontré, dans le cas de la Syrie, qu'il était en mesure d'agir unilatéralement, de surprendre les Américains, et de ne pas s'embourber. Cela pourrait lui donner la tentation d'autres aventures.
    Voilà le genre de facteurs qu'il nous faut examiner, qu'il s'agisse d'une question d'ordre commercial, militaire ou politique, et dans l'Arctique nous n'avons aucune marge d'erreur. En cas de problème dans l'Arctique, une erreur aura des conséquences catastrophiques.
    Merci beaucoup.
    Cela met fin aux deux premiers tours de questions-réponses.
    Je vais poser une question puis je céderai la parole à M. Bezan.
    C'est à vous, madame Sloan, que s'adresse ma question. On nous a dit aujourd'hui — et il se trouve que je le sais — que nos priorités en matière de défense aérospatiale pour ce qui est de notre aviation de combat, sont en premier lieu la souveraineté, puis NORAD et puis l'OTAN. Du point de vue pratique, je crois que lorsque nous achèterons quelque chose à l'avenir, peu importe ce que c'est, il nous faudra avoir à l'esprit ces priorités ainsi que notre infrastructure et notre budget. Je conviens, comme cela a été dit plus tôt, que le NORAD et l'OTAN sont en fait les systèmes auxquels nous participons. Nous fournissons des capacités à ces organisations.
    Cela dit, si notre priorité numéro un est la souveraineté, nous avons une infrastructure en place et un montant de fonds limités. Le nombre de chasseurs a été mentionné plus tôt. Nous avons des avions-citernes qui fonctionnent avec certains systèmes et pas avec d'autres. Nous avons un Nord Canadien parsemé de pistes de 6 000 pieds. Ne serait-il pas logique de nous concentrer sur notre priorité numéro un et nos contraintes en matière d'infrastructure et de financement pour choisir quelque chose qui nous servirait à nous d'abord, et que l'on puisse utiliser aussi en connexion avec ces systèmes comme le NORAD et l'OTAN? Chacun sait que l'Allemagne et la France n'achètent pas un chasseur de la cinquième génération. Ils ont le Rafale et l'Eurofighter, mais personne ne panique parce qu'ils ne viennent pas s'asseoir à la table.
    Tout cela étant dit, puis-je avoir vos commentaires là-dessus, s'il vous plaît?
    Oui, bien sûr. Je pense qu'il nous faut établir des priorités pour ce qui est de la défense de l'Amérique du Nord. Comme je l'ai dit, le Super Hornet participe de cette logique. Mon avis en la matière n'est pas encore arrêté.
    Comme je l'ai dit plus tôt, il y a une foule de facteurs à prendre en considération, et l'un d'entre eux est la chaîne d'approvisionnement et le temps qu'il faudra pour… Je crois comprendre que le Super Hornet volera jusqu'en 2040 aux États-Unis. Il se peut que je me trompe là-dessus, mais nous voulons un appareil qui volera pendant au moins 40 ans. Le CF-18 aura volé pendant 45 ans lorsqu'il prendra sa retraite.
    Y aura-t-il des problèmes liés à la chaîne d'approvisionnement à long terme, durant la troisième et la quatrième décennie? Ça fait partie des points que je souhaiterais examiner dans le cadre de l'énoncé des besoins.
    Il importe également qu'il y ait interopérabilité avec nos alliés. Si nos principaux alliés achètent tous le F-35, alors il faudrait pencher dans la direction du F-35 avec les États-Unis de même qu'avec la Grande-Bretagne et l'Australie, bien que, comme vous l'avez signalé, de nombreux alliés n'achètent pas le F-35. Mais ce ne sont pas nécessairement ceux qui seraient les dirigeants de la coalition. L'Allemagne ne sera probablement pas à la tête de la coalition pour une mission à laquelle participerait le Canada, encore que cela pourrait changer à l'avenir, je suppose.
    Voilà quelques facteurs supplémentaires que je prendrais en considération au moment de décider dans quelle direction aller.
(1030)
    Merci beaucoup. Avez-vous un avis, monsieur Braun? Soyez très bref.
    Oui, j'en ai un. Nous n'achetons pas un avion; nous achetons un système. C'est une erreur de penser à l'avion pris isolément. Comme l'a dit Elinor Sloan, Il nous faut penser aux alliés avec lesquels nous allons opérer dans le Nord, et il s'agirait de la Norvège, du Danemark et des États-Unis. Les États-Unis achètent cet avion en masse.
    Enfin, ce qui est très important, c'est de savoir contre qui nous protégeons notre souveraineté. Si la menace est la Russie, quel est le message que nous envoyons? L'avion et le système envoient un message.
    Très bien, comme je l'ai dit plus tôt, le NORAD est un système. Aussi longtemps qu'il y a interopérabilité avec le NORAD, le problème est réglé.
    Monsieur Bezan, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais revenir sur ce qui pourrait constituer une provocation pour la Russie.
    Madame Sloan, vous avez parlé de ce drapeau planté au fond de l'océan Arctique au pôle Nord par les Russes, et nous avons tout ce processus en cours à l'heure actuelle avec la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
    Si la décision relative à l'emplacement sur le plateau continental va à l'encontre de ce que la Russie perçoit comme étant le prolongement de son territoire, est-il probable que cela provoque un accroissement des tensions dans l'Arctique ?
    Je ne crois pas. Je pense que la Russie adhère à ce processus de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et qu'elle respecterait cette décision. Je ne pense pas que cela pourrait tenir lieu d'étincelle.
    La principale préoccupation de la Russie dans l'Arctique, je crois, concerne sa voie navigable du Nord et le fait que la fonte des glaces y est beaucoup plus rapide que de notre côté de l'Arctique. L'étincelle pourrait venir du fait que la Chine utilise cette voie navigable du Nord sans demander la permission. Il existe vraiment une menace maritime là-haut, sur laquelle le Comité souhaitera sans doute se pencher prochainement.
    D'accord.
    Je souhaiterais entendre rapidement ce que M. Braun et Mme Assenova ont à dire. Je m'en voudrais, avec tous les experts assis autour de notre table de ne pas parler du prochain sommet de l'OTAN à Varsovie et de ne pas vous demander ce qui pourrait en sortir, compte tenu du regain d'agressivité de la Russie. Quelle sera d'après vous la position du Canada et celle des États-Unis dans ces discussions?
    Monsieur Braun, est-ce que vous pourriez lancer le débat?
    Je pense qu'une énorme pression s'exercera sur les membres de l'OTAN qui ne consacrent pas 2 % de leur PIB aux dépenses au titre de la défense, pour les inciter à accroître leurs dépenses. Je pense que l'on commence à voir des signes qui vont dans ce sens, même en Scandinavie où, dans un sens, on a été désarçonné par la réalité. Les Suédois ont bazardé leur aviation de chasse anti-sous-marins. Ils doivent acheter de nouveaux appareils. Les Danois vont également augmenter leurs dépenses. Je pense que les Allemands devront réexaminer le rapport qu'ils ont en Europe, encore qu'ils envisagent toujours de construire Nord Stream 2, ce qui n'est pas selon moi le message qu'il faut envoyer.
    Je crois que ce sera un sommet très important et qu'il sera essentiel d'envoyer le message approprié pour rétablir la dissuasion qui est si essentielle pour l'OTAN. Il nous faudra également réfléchir à la façon de venir en aide aux alliés de l'OTAN en Europe de l'Est. Ces pays sont vulnérables. Comme l'a signalé Mme Assenova, la Roumanie a maintenant une frontière maritime avec la Russie. De proche en proche, cela a un impact sur nous, puisque le Canada est membre de l'OTAN.
    Il nous faut réfléchir à tout cela et nous aurons à prendre des décisions difficiles. Il nous faut également planifier à long terme. On parle constamment de la Russie de M. Poutine, mais personne ne vit éternellement et aucun système n'est absolument immuable. Il existe ce qu'on appelle la loi de Stein. Herbert Stein disait que si une tendance ne peut pas se poursuivre, elle ne se poursuivra pas. Personne ne vit éternellement, pas même M. Poutine. Il aura une fin et il n'y a pas de succession en place. Ce sera très chaotique.
(1035)
    Voulez-vous que l'on passe aux affaires du Comité dont nous avons parlé plus tôt?
    Je voudrais remercier nos invités d'être venus témoigner aujourd'hui. Nous apprécions beaucoup. Au nom du Comité, merci beaucoup.
    Nous allons suspendre un instant nos travaux pour vous permettre de vous retirer, puis nous reprendrons les affaires du Comité, merci beaucoup.
(1035)

(1035)
    Nous sommes de retour. Avez-vous une motion à présenter?
    J'ai présenté un avis de motion, il y a une quinzaine de jours, je vais juste en donner lecture pour le compte rendu :
Que le Comité entreprenne une étude sur la stratégie et l’élaboration d’un nouveau Livre blanc sur la défense et sur l’examen de la politique par le gouvernement; que l’étude se concentre sur ce qui suit :

(a) l’évaluation des risques et des menaces;
(b) les moyens et la capacité;
(c) l’état de préparation et le recrutement;
(d) l’approvisionnement; (e) la sécurité nationale et la protection de la souveraineté, incluant l’Arctique et les approches maritimes;
(f) les responsabilités en matière de dissuasion, de combat et de maintien de la paix, incluant le NORAD, l’OTAN et les Nations unies;
Que le Comité fasse rapport de ses conclusions à la Chambre des communes d’ici le mardi 18 octobre 2016.
    Monsieur le président, vous et moi avons discuté de cela. L'objet de la motion n'est pas de nous distraire de ce que nous sommes en train de faire maintenant, mais d'y contribuer. Nous continuerons de travailler sur notre rapport, comme l'a décidé le Comité, sur la défense de l'Amérique du Nord, en privilégiant l'état de préparation de la défense aérospatiale. Mais au fil des auditions des témoins, on parle également de choses qui vont au-delà du NORAD; on parle de choses comme l'OTAN et d'autres besoins des Forces armées canadiennes en matière de sécurité et d'infrastructures. Cela nous donnera la possibilité d'utiliser les renseignements que nous glanons en ce moment pour la préparation d'un second rapport qui pourrait sans doute se charger d'une partie de… On pourra peut-être voyager un peu cet été, mais surtout, commencer tôt cet automne pour combler les lacunes sur certains points comme notre position à propos de l'OTAN, les questions concernant l'approvisionnement, la Marine, et l'état de préparation et les capacités.
    J'espère que si l'on a l'approbation du Comité, on pourra même envisager un déplacement rapide cet été jusque dans l'Arctique, à Resolute ou Alert ou les deux, pour voir ce que nous faisons là-bas, en particulier en ce qui concerne les nouveaux systèmes de formation mis en place à la Baie Resolute. Et puis si on veut, on pourrait même aller à Bruxelles, au SHAPE, et examiner la situation à partir d'un contexte OTAN, et il faut absolument aller à Halifax au moins pour examiner la situation de la Marine royale canadienne et le programme de construction navale, ensuite collaborer au processus d'examen de la défense.
    J'en ai parlé avec le ministre Sajjan, et sachant qu'ils veulent mettre fin aux consultations publiques vers la fin juillet et qu'ils consacreront la totalité des six derniers mois de l'année à la rédaction de l'examen des politiques, même si nous présentons notre rapport en octobre, ça permettra encore d'en tirer parti pour la rédaction du projet. Le comité du Sénat, vous le savez, a été chargé d'un rôle spécifique en matière de missions de maintien de la paix et d'examen des missions dans le cadre de l'ONU, mais je pense qu'il a encore du travail à faire dans un contexte plus large lié à nos autres alliances, en particulier du point de vue de l'OTAN.
(1040)
    La discussion est ouverte.
    Monsieur Garrison, vous avez la parole.
    L'une de mes préoccupations, c'est que l'annonce de cet examen ne comporte aucune indication de la marche à suivre après que l'on ait recueilli l'avis du public. Tout en étant favorable en général à la motion présentée par M. Bezan, je vois mal comment le ministre et le gouvernement dans son ensemble ont envisagé le rôle de notre Comité. En particulier, je cherche toujours un engagement disant qu'à tel ou tel moment le projet résumant ces consultations ou le projet de stratégie reviendra devant la Chambre des communes sous une forme ou une autre. Le lieu le plus approprié, je pense, serait devant notre Comité.
    Je suis généralement d'accord, mais Il existe une certaine confusion en ce qui concerne le rôle de ce Comité dans l'examen de la politique de défense et il y a des lacunes concernant cet examen du côté du ministère et du Parlement. J'ai ce souci à long terme. J'appuie la motion, mais je crois que le Comité doit réfléchir à ce qui va se passer après que l'on aura procédé à toutes ces consultations et ces études et à ce que sera notre rôle dans l'examen de la politique de défense proposée, sur la base de l'examen en question.
    Monsieur Spengemann.
    Monsieur le président, je pense que ce projet est louable dans ses ambitions, mais que du fait précisément de cette ambition, ce calendrier est irréaliste. Il y a beaucoup trop à faire dans les délais impartis, surtout si l'on parle de terminer les consultations publiques vers la fin juillet. Ce serait bien de pouvoir mener un processus en parallèle, cela retiendrait l'attention des médias, mais ça ne contribuera pas au succès de l'examen de la politique du gouvernement en matière de défense. L'étude sur la défense aérospatiale, à laquelle nous travaillons actuellement, peut donner des résultats précieux. Si l'idée consiste à combler quelques lacunes, ça ne peut pas prendre la forme d'un projet aussi ambitieux, mais plutôt celle de petites études qui viendraient compléter le processus dans la mesure où elles répondent à un intérêt du gouvernement. Compte tenu des échéances, ce projet ne me paraît pas viable.
    Allez-y, monsieur Bezan.
    Une partie de ce travail a déjà été faite. Une fois que nous aurons terminé cela, avec tous les autres avis d'expert que nous avons reçus, « l'évaluation des risques et des menaces » en ce qui concerne l'élément défense aérospatiale de l'Amérique du Nord sera couverte. Comme on se concentre exclusivement sur les équipements aérospatiaux, nous avons des lacunes importantes en termes de capacités. C'est pourquoi il nous faut parler avec la Marine. C'est pourquoi il nous faut une présentation d'un commandant de l'armée de terre canadienne.
    Pour ce qui est de l'état de préparation et du recrutement, les Forces armées canadiennes font face à d'énormes problèmes à l'heure actuelle. Les effectifs des forces de réserve, en particulier, sont en train de fondre. Il nous faut entendre les experts en matière de réserve et en ce qui concerne également le recrutement des forces régulières.
    Pour ce qui est de l'approvisionnement, il y a à boire et à manger. Chacun sait, quelle que soit son affiliation politique, qu'il faut s'attaquer à ce problème et qu'il nous faudrait y consacrer une ou deux séances.
    Je pense que le paragraphe (e) de la motion, « la sécurité nationale et la protection de la souveraineté », sera couvert dans le cadre de l'étude que l'on est en train de faire.
    Et lorsqu'on parlera de l'OTAN et de l'ONU, on pourra contribuer au processus. À la lumière de mes conversations avec le ministre, ça continue de valoir la peine. Comme vous le savez, le comité d'experts soupèsera toutes les pièces apportées au dossier. Je pense qu'en octobre, ils en seront encore à l'examen du résultat des consultations publiques et des soumissions en ligne, et qu'ils auront encore le temps d'examiner tout cela et d'intégrer les résultats à leur examen global et au Livre blanc en cours de rédaction. Nous ne pensons pas qu'il puisse sortir et être présenté avant le mois de janvier, selon les dires du ministre, donc il y a du temps de disponible. Il y a tout un trimestre pour utiliser cela et combler certaines lacunes.
    Pour en venir aux préoccupations de Randall, je conviens que cela fait partie du travail de collecte d'informations, mais la question, je le répète, c'est qu'est-ce qui vient ensuite et si le Comité, cet automne ou peut-être même cet hiver, aura la possibilité de prendre connaissance du travail des experts et de faire des recommandations pour le projet de Livre blanc. Puis, en fin de parcours, une fois que le Livre blanc sera publié, nous voudrons revenir là-dessus et que le ministre puisse le présenter au début de l'année prochaine.
    Je pense que cela est possible et qu'il nous appartient de le faire. C'est le travail d'élaboration de la politique et sans doute l'événement le plus important des deux prochaines années. Nous souhaitons en être parties prenantes et exercer nos responsabilités, en qualité de parlementaires, afin de contribuer à informer le gouvernement quant au contenu de ce Livre blanc.
(1045)
    Madame Romanado, allez-y.
    Je trouve la motion un peu redondante. Comme vous l'avez signalé, il y a des éléments que nous couvrons dans l'étude en cours. Comme nous l'avons dit et comme en a convenu le Comité, l'accent au départ est mis sur la préparation de la défense aérospatiale, mais cet automne nous examinerons d'autres éléments des Forces armées canadiennes. Cela sera abordé, je pense.
    Pour ce qui est maintenant de l'examen de la défense, je pense qu'il couvrira une bonne part de ce qui est dans votre motion. Je ne recommanderais pas de lancer une étude supplémentaire, compte tenu des contraintes de temps et du fait qu'une étude de la défense est déjà en cours et que le public en général, y compris les parlementaires, ont la possibilité d'apporter leur contribution, de même que les membres des Forces armées canadiennes.
    Je crois que ce serait redondant. Nous aurons peut-être la possibilité d'inviter le ministre de la défense cet automne une fois que le rapport préliminaire sera prêt, peut-être pour qu'il nous le présente et que nous lui communiquions nos observations. Cela réglerait la question du processus des comités, mais je pense qu'à ce stade je ne peux pas appuyer une motion en faveur d'une étude supplémentaire, étant donné que ces questions seront abordées dans divers autres cadres.
    D'accord, je termine rapidement avant que vous n'appeliez la prochaine question.
    Bien sûr. Monsieur Bezan, poursuivez.
    Je vois la position des libéraux. Ils veulent se concentrer sur un seul aspect de la question, plutôt que de l'aborder dans sa totalité.
    Ce n'est pas ce que j'ai dit.
    Je n'essaie pas de réduire la portée de ce que nous faisons actuellement. Nous respecterons ces échéances. Il s'agit d'apporter une pierre de plus à l'édifice et d'examiner la question de la défense sous son aspect le plus général au niveau du Canada et de voir comment le Livre blanc pourra s'inspirer de ce travail. J'essaie d'en renforcer l'efficacité, dans un second temps, une fois que nous aurons terminé l'examen de la question de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, et qu'alors, cet automne, il s'agira d'apporter rapidement un complément d'information. C'est ce que je suggère de faire dans cette motion. Sans ôter quoi que ce soit à ce que nous faisons actuellement.
    Nous nous en occupons cet automne. C'est ce que nous avons dit.
    Oui, c'est ce que j'ai dit. Le 18 octobre le rapport là-dessus doit être présenté, cela est donc couvert.
    La deuxième chose que je voulais dire c'est que, si vous voyez ce que le Royaume-Uni a fait dans le cadre de la préparation de leur Livre blanc, ils ont fait trois études très rapides. Tout cela a contribué à l'élaboration du Livre blanc qu'ils ont publié il y a quelques mois. Ils ont tiré parti de chaque étude. L'objectif de la première était assez étroit, puis ils l'ont élargi. Ils ont lancé une première étude, rapide, à caractère général, comportant six ou sept réunions et ils ont publié un rapport. Après quoi ils se sont occupés de l'OTAN, puis ils sont passés à la troisième étape. Tout ce que je dis, c'est que nous pouvons faire preuve de la même souplesse et de la même capacité, parce que nous avons d'excellents analystes, que nous pouvons rapidement rassembler l'information nécessaire et que nous avons largement le temps de publier un rapport qui servira à informer le Livre blanc.
    Cela dit, je vous laisse appeler la prochaine question.
    Très bien. Sur la motion de M. Bezan, il est mis fin à la discussion — À moins que quelqu'un n'ait besoin d'entendre de nouveau la motion. Votons à main levée...
    Puis-je vous interrompre? J'ai une question à poser. Nous allons continuer, n'est-ce pas?
    Un simple éclaircissement, cela faisait partie de notre première...
    Vous avez voté contre?
    Non. Votre suggestion a été incorporée au texte, il s'agit donc d'une étude de la défense de l'Amérique du Nord axée au départ sur la préparation aérospatiale.
    Mais nous allons la terminer?
    Oui.
(1050)
    D'ici la fin juin.
    Ce n'est pas d'ici la fin juin.
    Non. La préparation aérospatiale devait aller jusqu'à la fin juin, après quoi nous devions passer à autre chose sur quoi nous allions nous prononcer en cours de route.
    D'accord.
    C'est à cela que j'essaie de me rattacher.
    D'accord. La porte reste ouverte pour s'engager dans cette voie.
    Il essaye en fait d'incorporer tout cela dans le reste de l'étude.
    Comme vous venez de l'ajouter à votre déclaration initiale, la porte reste ouverte. Dans la rédaction actuelle, il est dit que l'étude « se concentre sur ce qui suit ». Il n'est pas dit « pourrait se concentrer », c'est en langage très direct. Il est dit que ces sept choses sont très importantes, d'après ce que j'entends de ce côté, nous allons mettre cela au vote, mais la porte reste ouverte pour prendre la voie que vous voulez.
    C'est la porte que voici, alors allons-y.
     Tous ceux pour la motion présentée par M. Bezan. Tous ceux contre.
    Il semble que la motion soit rejetée.
    Puis-je demander un vote par appel nominal?
    Nous devons passer au vote par appel nominal. Ça ne prendra pas longtemps. Veuillez répondre oui ou non lorsque j'appelle votre nom.
    (La motion est rejetée par 5 voix contre 4.)
    Puis-je avoir une motion d'ajournement ?
    M. Mark Gerretsen: Je propose l'ajournement du Comité.
    Le président: Merci beaucoup.
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