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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je m'appelle Caitlin Shane et je suis avocate à la Pivot Legal Society. Je suis accompagnée aujourd'hui de Naomi Moses, avocat et membre du conseil d'administration de Pivot.
Pivot est un organisme de parrainage juridique et de défense des droits de la personne basé dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Nous recevons nos mandats directement de nos clients, c'est-à-dire de travailleuses du sexe, de consommateurs de drogues, de sans-abri et de gens qui, dans l'ensemble, vivent bien en dessous du seuil de la pauvreté.
Au nom de nos clients, nous exhortons le Comité à appuyer les propositions de modification des dispositions relatives à la suramende compensatoire. Il est essentiel de redonner le pouvoir discrétionnaire aux juges qui, aux termes de la loi actuelle, ne peuvent pas exempter de cette amende les accusés qui n'ont pas les moyens de la payer. Nous avons quelques recommandations mineures à formuler. Je laisserai à Naomi le soin de vous les exposer.
À titre d'information, dans son intervention devant la Cour suprême du Canada dans une contestation de la constitutionnalité de la suramende compensatoire, Pivot a fait valoir que la suramende obligatoire équivalait à une peine cruelle et inhabituelle. Nous avons expliqué ce que cela signifiait pour les accusés indigents de se présenter devant le tribunal et de se voir imposer une amende qu'ils ne pourront pas payer. Je voudrais aujourd'hui expliquer au Comité certains des effets néfastes que nous avons signalés à la Cour suprême.
Pour le défendeur qui réussit à payer la suramende, cela signifie avoir 100 $ de moins sur les 335 $ qu'il touche chaque mois à titre d'aide au revenu pour se nourrir, se vêtir et payer les nécessités de subsistance. Dans le cas du défendeur qui ne paie pas, cela signifie faire l'objet de recours civils de recouvrement, et il importe de signaler qu'en Colombie-Britannique le montant de la suramende peut être prélevé sur les prestations de protection sociale, les comptes bancaires et les salaires. Pour le défendeur qui demande une prolongation du délai de paiement — paiement qu'il pourrait ne jamais être en mesure de faire —, cela signifie qu'il doit s'engager à répétition dans un processus de demande qui est long, inaccessible et non soutenu par le programme provincial d'aide juridique.
Dans le cas du défendeur qui manque à ses obligations de paiement, cela signifie qu'il vit constamment dans la crainte des conséquences de son défaut de paiement, y compris l'arrestation. Il importe peu que l'arrestation soit probable. La Cour suprême du Canada a conclu, pour ce qui est des travailleuses du sexe et des toxicomanes, que la crainte d'une arrestation peut mener à des situations réellement dangereuses, à savoir être coupé des fournisseurs de services, ne pas risquer d'appeler la police lorsqu'il y a une urgence et qu'une aide est nécessaire, vivre dans l'isolement au milieu des crises du logement et des opioïdes.
Nous estimons que la suramende aboutit au même scénario. Il demeure pertinent. Une personne qui vit dans la crainte d'être emprisonnée est exposée aux mêmes risques et n'aura pas nécessairement recours à l'aide dont elle a besoin.
Partout en Colombie-Britannique, des juges ont reconnu ces effets néfastes et, malgré les précédents de common law, condamnent régulièrement les contrevenants à une journée d'emprisonnement en défaut de paiement. Cette pratique peut paraître alarmante, mais elle ne procède pas d'un esprit de malveillance. Nous dirions qu'elle tient plutôt à la compassion et à la reconnaissance du fait que tel défendeur ne peut pas payer. Dans un tel cas, il n'y a pas d'autres options.
Je terminerai en disant que le Parlement a maintenant une belle occasion de remédier aux dommages causés par le caractère obligatoire de la suramende compensatoire. Nous demandons seulement que les dispositions soient formulées de façon à créer un régime qui soit, autant que possible, accessible et adapté aux besoins des groupes à faible revenu.
Je cède maintenant la parole à Naomi, qui pourra mieux que moi vous les expliquer.
Merci de votre attention.
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Bonjour, monsieur le président et membres du Comité. Je suis avocat chez Rosenberg Kosakoski Litigation, à Vancouver, et je comparais aujourd'hui au nom de la Pivot Legal Society.
Je suis d'accord avec ma collègue pour dire que ce projet de loi est un pas important dans l'amélioration du vécu des clients de Pivot, dont beaucoup vivent dans une pauvreté extrême dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver et qui ont été très durement touchés par le caractère obligatoire de la suramende compensatoire. Nous avons également des recommandations concrètes pour améliorer les modifications proposées.
Je m'attarderai sur une seule partie des modifications proposées, soit le nouveau paragraphe 737(5). Dans son libellé actuel, cette disposition permet aux contrevenants d'être exemptés du paiement de la suramende compensatoire, pourvu qu'ils puissent convaincre le tribunal que cela leur causerait un préjudice injustifié. La personne doit demander une exemption au tribunal.
Nous croyons que le libellé du paragraphe 5 devrait refléter ce que les juges faisaient en pratique avant les modifications apportées en 2013 à ces dispositions, qui ont rendu la suramende compensatoire obligatoire. La pratique générale, en cour provinciale, voulait que le juge, souvent de sa propre initiative et sans qu'il y ait demande officielle, exempte le contrevenant, au moment de la détermination de la peine, après que celui-ci a eu l'occasion de faire état de sa situation financière.
En supprimant de ce paragraphe les passages « le contrevenant le convainc que » et « sur demande du contrevenant », on rétablirait le pouvoir discrétionnaire du juge de prononcer ces exemptions au besoin, tout en conservant la présomption qu'une suramende sera imposée.
Une révision comme celle-ci ferait en sorte que l'exemption pour préjudice serait accessible aux personnes qui en ont le plus besoin. Ce sont des gens qui vivent dans la pauvreté. Ils ne sont généralement pas représentés par un avocat et ils sont souvent reconnus coupables d'infractions relativement mineures, comme le vol à l'épicerie, le non-respect des conditions et le défaut de comparaître, tous des accusations criminelles très courantes dans le quartier Downtown Eastside.
De plus, nous exhortons le Comité à examiner la façon dont ce projet de loi pourrait être élargi de manière à exempter les personnes à qui une suramende à été imposée et qui ne peuvent pas la payer. Ce sont des gens qui ont déjà demandé des prolongations de délai de paiement, car c'est le seul allégement prévu par la loi actuelle. Nous proposons que cette loi soit modifiée de façon à ce que ces suramendes soient rayées des dossiers des personnes qui vivent dans la pauvreté et qui ne peuvent pas les payer sans compromettre sérieusement leur bien-être, leur sécurité, voire leur survie.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au Comité aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Bonjour, messieurs et mesdames.
Je ne répéterai pas ce que viennent de dire les deux avocates de l'organisation Pivot Legal Society. J'ai aussi eu l'occasion d'entendre leurs plaidoiries à la Cour suprême.
Permettez-moi un bref historique. Une des raisons de ma présence aujourd'hui est une cause que j'ai portée en appel au Québec, l'affaire Alex Boudreault c. Sa Majesté la reine, et al.. Cette cause concernait le pouvoir discrétionnaire du juge d'imposer ou non une suramende compensatoire, pouvoir qui avait été retiré par le Parti conservateur en 2013. La cause a été entendue par la Cour suprême en avril 2018, et nous attendons son verdict. Trois dossiers de la Cour d'appel d'Ontario se sont greffés à la cause de M. Boudreault, que je défendais et qui émanait de la Cour d'appel du Québec. Il y avait donc des intervenants de partout au Canada.
En premier lieu, je tiens à dire que nous ne nous attardons pas à certains arguments juridiques comme, par exemple, prétendre que l'imposition d'une suramende compensatoire enfreint l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. Sans aller jusqu'à ce niveau de détail, nous voulons rassurer les gens et leur dire que nous, en tant que représentants des accusés, ne nous opposons pas au principe de la suramende compensatoire. Cette dernière a sa raison d'être et elle est importante dans le système pénal canadien. Tous les intervenants, les procureurs et les avocats au Canada sont d'accord sur ce point.
Là où nous ne sommes plus d'accord, c'est sur le retrait du pouvoir discrétionnaire du juge. Nous suggérons que ce pouvoir discrétionnaire soit rétabli, entre autres pour les raisons mentionnées par mes deux consoeurs. Un des principes fondamentaux du Code criminel oblige le juge à s'enquérir de la capacité de payer de l'accusé avant de lui imposer une amende. Nous croyons et nous plaidons respectueusement que ce raisonnement devrait également s'appliquer dans le cas d'une suramende compensatoire. Il faut comprendre ici que la suramende compensatoire s'applique non seulement à tous les dossiers, mais aussi à tous les chefs d'accusation contenus dans une dénonciation ou un acte d'accusation.
Je vous donne un exemple simple: dans le cas de cinq chefs d'accusation liés à un acte criminel et pour lesquels la personne est condamnée à une peine de prison, la suramende compensatoire va s'élever à 1 000 $. Cela pourrait résulter en une peine disproportionnée, car le juge ne tiendra pas compte de la suramende compensatoire qu'il est obligé d'imposer et qui sera gérée par le greffe du tribunal, et que le contrevenant ne paiera même pas parce qu'il n'a pas d'argent.
S'il écope d'une peine de prison, certains se diront que le contrevenant aura l'option de faire des travaux communautaires comme punition de son défaut de paiement. Or, dans les provinces qui permettent ces travaux, le délai est de deux ans. À ma connaissance, mais je n'en ai pas la preuve et je n'y vois pas de solution, il est impossible pour un détenu de faire des travaux communautaires. Si sa peine d'emprisonnement est de trois ans, la seule solution dans son cas sera alors de prolonger son incarcération, comme l'ont mentionné mes consoeurs. Il s'agit ici d'un exemple parmi tant d'autres dans le cas de défaut de paiement.
Il est possible qu'un certain laxisme ait eu cours dans les tribunaux canadiens de première instance avant l'abolition du pouvoir discrétionnaire des juges en 2013. En exerçant leur pouvoir, les juges ne faisaient peut-être pas le même genre d'enquête avant d'imposer une suramende compensatoire que celle qu'ils effectuaient avant d'imposer une amende, je suis d'accord. Depuis 2013, les avocats et les tribunaux se sont rendus compte qu'ils feraient preuve de plus de rigueur dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire si celui-ci était rétabli, car l'imposition d'une suramende compensatoire ne serait plus automatique.
Comme je le disais, il y a peut-être eu un certain laxisme: sans remettre en question l'importance de la suramende compensatoire, certains choisissaient de ne pas l'imposer si, par exemple, le contrevenant venait d'écoper d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Advenant le rétablissement du pouvoir discrétionnaire, les tribunaux pourront et devront peut-être poser certaines questions sur le bien-fondé d'une suramende compensatoire — je le souhaite —, et j'ose imaginer que les avocats de la défense sauront y répondre adéquatement.
Je vous remercie.
La Cour suprême a stipulé qu'une personne indigente ne pouvait pas être incarcérée parce qu'elle n'avait pas payé les amendes ou la suramende qui lui avaient été imposées. L'article 734.7 du Code criminel prévoit que, dans un tel cas, la personne revienne devant le juge et demande une prolongation du délai de paiement de la suramende.
Au Québec, le délai prévu par le gouvernement est de 45 jours. C'est sûr que c'est prévu dans le Code criminel. De façon réaliste, on retourne devant le juge et on demande un délai supplémentaire de deux mois. Si on ne paie pas l'amende, on retourne devant lui deux mois plus tard et on refait une demande. Le juge ne peut pas émettre un mandat d'incarcération pour une personne indigente. La Cour suprême l'a stipulé et les tribunaux respectent cette décision.
Si la personne se présente devant le juge et demande un délai supplémentaire, en théorie, elle n'ira jamais en prison. Or dans les faits les gens ne se présentent pas devant le juge, que ce soit parce qu'ils sont négligents, qu'ils ont peur ou qu'ils ne savent pas à qui s'adresser. Les personnes sans domicile fixe et celles sans revenus ne se présenteront pas devant le juge. Si le juge n'a pas reçu une demande de délai supplémentaire, il émettra un mandat d'incarcération. Peut-on dire, alors, qu'un mandat d'incarcération atteint l'objectif visé par l'imposition d'une suramende? Sauf votre respect, la réponse est non.
Finalement, la société canadienne va devoir payer pour l'incarcération supplémentaire de la personne et la suramende n'aura jamais été payée. C'est l'une des conséquences. En théorie, la personne peut se présenter devant le juge et demander un délai de paiement. C'est ce que la Cour d'appel du Québec a aussi stipulé dans l'affaire Chaussé, en précisant qu'on pourrait demander un délai indéfini pour le reste de sa vie. Effectivement, on peut demander un délai, mais qui le fait? Personne.
D'autre part, il y a la suspension d'un permis de conduire ou d'un autre type de permis parce qu'on n'a pas payé une suramende. On ne peut pas faire de demande de pardon tant qu'on n'aura pas payé la suramende.
Il y a aussi l'application de la loi au civil, comme dans l'affaire Boudreault. Cet homme avait été remis en liberté et on lui a demandé de verser une caution. Il avait déposé de l'argent à la cour pour respecter les conditions. Lorsqu'il a commis de nouveaux crimes, il a été incarcéré à nouveau. Lorsque que M. Boudreault a été condamné, le greffe civil du Palais de justice de Montréal a simplement prélevé de l'argent de la caution pour payer une partie de la suramende. La personne qui avait déposé cette caution, soit sa mère, a perdu son argent parce que le greffe civil a prélevé de l'argent de la caution pour payer la suramende, puisque M. Boudreault était incarcéré et ne l'avait pas payée.
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C'est un grand plaisir de reprendre la séance, car nous allons maintenant entendre notre deuxième groupe de témoins sur le projet de loi .
J'aimerais souhaiter la bienvenue à ce deuxième groupe distingué.
Nous commençons par M. Steve Coughlan, professeur à la Schulich School of Law de l'Université Dalhousie. En tant que représentants des historiens homosexuels, nous accueillons M. Tom Hooper, professeur dans le programme sur le droit et la société à l'Université York, et M. Gary Kinsman, professeur émérite de sociologie à l'Université Laurentienne. Du Centre canadien de la diversité des genres et de la sexualité, nous accueillons Mme Calla Barnett, présidente du conseil d'administration.
Nous accueillons également M. Robert Leckey, du Fonds Égale Canada pour les droits de la personne, qui vient de se joindre à nous. Il est professeur de droit et doyen de la faculté de droit de l'Université McGill et ancien président d'Égale Canada.
Bienvenue à tous.
Comme je le disais à nos premiers témoins, nous commençons toujours par les témoins qui comparaissent par vidéoconférence parce que nous ne voulons pas, au cas où la communication serait coupée, perdre leur témoignage. Je sais que vous venez d'entrer dans le studio, mais si vous êtes prêt, je vais commencer par vous. Vous avez huit minutes, mais je ne vous interromprai pas avant 10 minutes.
La parole est à vous, professeur Leckey.
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Merci beaucoup. Faites-moi signe si je parle trop vite à un moment donné.
Nos communautés LGBTQI2S apprécient grandement l'intérêt manifesté de toutes sortes de façons par le gouvernement fédéral, allant jusqu'au .
Pendant le temps qui m'est alloué cet après-midi, j'ai l'intention de soulever quatre points. Tout d'abord, je vais exposer notre perspective ou notre approche générale. Deuxièmement, j'exprimerai l'accord d'Égale Canada avec le mémoire de Gentile, Hooper, Kinsman et Maynard, que vous entendrez après moi.
Je demande que le texte législatif soit modifié pour deux raisons. La première, c'est que le projet de loi ne règle pas le problème des interventions chirurgicales sur les enfants intersexués. La deuxième tient à une difficulté que posent les efforts, par ailleurs bien accueillis, déployés jusqu'ici pour renverser les effets de la discrimination passée à l'endroit de nos communautés.
Permettez-moi de commencer, brièvement, par la perspective globale.
À Égale Canada, nous abordons ces questions selon une approche générale qui tient compte de l'égalité, de la dignité et de l'inclusion des LGBTQI2S. Nous sommes fort conscients de la longue histoire des infractions sexuelles et morales au droit pénal qui visaient nos communautés de façon discriminatoire, arbitraire et disproportionnée. Nous insisterons sur l'intersectionnalité, conscients que les membres de notre communauté sont désavantagés par le fait d'être des personnes homosexuelles handicapées, par exemple, ou d'être racialisés ou des personnes autochtones transgenres. J'insiste sur l'importance symbolique du droit pénal dans les questions touchant nos communautés.
Les interdictions de l'époque victorienne relatives à la sodomie, aux maisons de débauche, aux actions indécentes — et j'en passe — ont des répercussions qui vont au-delà de leur simple application et des condamnations qui en résultent. La simple menace de les appliquer peut avoir de puissants effets, tout particulièrement chez les personnes les plus vulnérables qui pourraient ne pas avoir accès à de bons conseils juridiques, ni la moindre idée de la façon de réagir.
En deuxième lieu, et très brièvement, je tiens à signaler que nous avalisons entièrement le rapport de Kinsman et al., que vous allez entendre. Nous appuyons leurs demandes pour que le projet de loi aille plus loin, et ce, de plusieurs façons. Nous reprenons à notre compte leur appel à l'adoption de lignes directrices claires et fondées sur des données probantes lorsqu'il est envisagé de recourir au droit pénal dans les poursuites pour non-divulgation du VIH.
Permettez-moi maintenant de parler de deux modifications du texte législatif qu'il est peu probable que d'autres personnes vous proposeront.
La première concerne les enfants intersexués. Le paragraphe 268(1) du Code criminel établit le crime de voies de fait graves et le paragraphe 268(3) traite de l'excision. Il précise que « l'excision, l'infibulation ou la mutilation totale ou partielle des grandes lèvres, des petites lèvres ou du clitoris » constituent une « blessure » ou une « mutilation », mais il prévoit une exception pour le cas où l'opération chirurgicale est pratiquée « pour la santé physique de la personne ou pour lui permettre d'avoir des fonctions reproductives normales, ou une apparence sexuelle ou des fonctions sexuelles normales ». L'autre exception à l'application de cette définition de voies de fait graves intervient lorsque la personne concernée est âgée d'au moins 18 ans.
Autrement dit, l'alinéa 268(3)a) détourne les protections du droit pénal visant les enfants de ceux d'entre eux qui subissent une intervention chirurgicale dans le but de leur donner « une apparence sexuelle ou des fonctions sexuelles normales ». L'idée de normalité appliquée à l'apparence ou aux fonctions sexuelles constitue un véhicule pour les suppositions cisnormatives au sujet des corps médicalement corrects ou normaux.
Je ne peux pas entreprendre une analyse complète fondée sur la Charte cet après-midi, mais le paragraphe 268(3) soulève des préoccupations sur le plan de la sécurité de la personne et de l'égalité. De plus, les organismes internationaux de défense des droits de la personne ont reconnu que la prétendue chirurgie corrective des enfants dont les organes génitaux sont considérés comme anormaux porte atteinte à leur autonomie et à leur intégrité personnelle. Nous vous exhortons donc à modifier le paragraphe 268(3) du projet de loi .
Le dernier point porte sur les dispositions législatives en vue de mettre fin à une discrimination historique.
Deux mesures correctives — l'article 156 proposé dans le projet de loi et le mécanisme de radiation déjà adopté dans le projet de loi — reposent de façon injuste et discriminatoire sur l'âge actuellement défini du consentement sexuel.
En premier lieu, l'article 156 proposé préserve la possibilité de poursuites pour conduite transgressive dans le cas d'infractions, auparavant condamnables, qui ont été abrogées, pourvu que la conduite demeure criminelle aujourd'hui.
En deuxième lieu, l'alinéa 25c) du projet de loi prévoit des demandes d'ordonnance de radiation des déclarations de culpabilité pour les infractions de nature homosexuelle qui sont énumérées, mais à certaines conditions, notamment que les personnes participant à l'activité en question étaient âgées de 16 ans ou plus à l'époque.
Les deux dispositions visent à mettre fin aux effets néfastes de la criminalisation du comportement homosexuel, mais de façon discriminatoire, tout en préservant la faculté de punir un comportement qui demeure manifestement criminel selon les normes actuelles. Mais les deux sont problématiques. Les efforts pour assurer un traitement égal ne doivent pas reposer, comme c'est le cas ici, sur l'âge actuel du consentement de 16 ans. Il faut plutôt tenir compte du fait que, même si l'âge de consentement à la sodomie était de 21 ans, puis de 18 ans, l'âge de consentement pour les relations sexuelles entre personnes de sexe différent était de 14 ans jusqu'en 2008.
L'article 156 proposé permettrait toujours d'intenter des poursuites pour sodomie consensuelle commise avec un jeune de 14 ou 15 ans parce que, de nos jours, celui-ci ne peut consentir valablement à des relations sexuelles qu'avec une personne d'à peu près le même âge que lui. La disposition sur la radiation, quant à elle, ne permettrait pas la radiation d'une condamnation pour sodomie, même consensuelle, pratiquée avec un jeune de 14 ou 15 ans. Quelles que soient les bonnes intentions, ces dispositions perpétuent involontairement la discrimination contre nos communautés dans la mesure où il n'y a aucun motif permettant de poursuivre un hétérosexuel qui a eu des relations sexuelles vaginales consensuelles avec une personne de 14 ou 15 ans à l'époque où l'âge du consentement était de 14 ans.
Par conséquent, l'énoncé de Justice Canada concernant la Charte est inexact en ce qu'il affirme que « l'adoption de l'article 156 proposé aurait pour effet de limiter les poursuites à celles qui ne soulèvent pas de préoccupations relatives à la Charte ».
Je vous remercie de votre attention.
Je suis heureux d'avoir été invité à vous parler aujourd'hui des parties du projet de loi qui visent à supprimer les dispositions désuètes du Code criminel, en particulier celles qui ont été invalidées par les tribunaux, plutôt que d'être simplement devenues caduques.
C'est une question qui me préoccupe depuis des décennies et que je soulève auprès du ministère de la Justice depuis plusieurs années. Nous semblons être sur le point de prendre enfin des mesures nécessaires, qui se font attendre depuis longtemps. Je suis bien sûr en faveur de cela. En fait, il est difficile d'imaginer les raisons pour lesquelles quelqu'un pourrait s'y opposer.
En septembre 2016, un juge de première instance en Alberta, comme vous le savez tous, a reconnu Travis Vader coupable de meurtre en se fondant sur l'infraction prévue à l'article 230 du Code criminel. Bien sûr, l'article 230 du Code criminel est au nombre des dispositions sur le meurtre imputé et il a été invalidé par la Cour suprême du Canada il y a 25 ans. Malheureusement, malgré sa présence dans le Code criminel, il ne fait pas partie du droit pénal canadien.
C'est précisément l'une des faiblesses du Code criminel qu'un grand groupe d'universitaires en droit pénal ont portée à l'attention de la dans une lettre en décembre 2015. C'est la même omission de mettre à jour le Code afin d'abroger le délit de meurtre imputé qui a amené la Cour d'appel de la Colombie-Britannique à faire remarquer, dans un arrêt rendu en 2010:
Je ne saurais conclure les présents motifs sans me demander pourquoi on n'a pas pris de mesures pour modifier le Code criminel afin de se conformer à l'arrêt Martineau rendu il y a maintenant 20 ans par la Cour suprême du Canada, selon lequel le libellé de l'alinéa 229c) est inconstitutionnel. Le droit qui est consigné dans le Code criminel, sur lequel chaque citoyen a le droit de compter, ne représente pas la loi du pays. Une question comme celle qui surgit dans la présente affaire ne devrait pas avoir sa raison d'être. Cela crée le risque d'une erreur judiciaire et le besoin potentiel d'engager des frais importants pour corriger une erreur devant un tribunal d'appel, en raison notamment d'un nouveau procès, en supposant qu'il soit pratique d'y recourir. À mon avis, le fait de ne pas régler ces questions comme il se doit en mettant à jour le Code criminel afin d'abroger les dispositions jugées contraires à la constitution ne rend pas service à la justice.
Comme je l'ai dit, cette décision — l'arrêt Townsend — a été rendue en 2010. Les signataires de la lettre en sont arrivés à cette conclusion en citant d'autres affaires, datant de 1997 à 2008, où précisément la même chose s'était produite, à savoir qu'on avait indiqué aux jurys que le droit régissant l'homicide était tel qu'énoncé dans le Code criminel, alors que ce n'était manifestement pas le cas. Même si ce point est déjà passablement évident, il vaut néanmoins la peine de le souligner.
L'article 19 du Code criminel dit qu'on ne peut invoquer l'ignorance de la loi comme excuse. Cette approche — qui consiste à s'appuyer sur l'hypothèse fictive selon laquelle tous les membres du public connaissent la loi — n'est justifiable que s'il est au moins possible pour une personne de connaître la loi. C'est pourquoi « aucun crime, aucune peine sans un texte de loi », c'est-à-dire la règle selon laquelle la loi doit être connue, constitue l'un des principes clés de la justice fondamentale, garanti par l'article 7 de la Charte. C'est la raison pour laquelle la règle de l''interprétation rigoureuse de la loi existe. C'est pourquoi l'article 9 du Code a effectivement aboli le crime de common law. C'est la raison pour laquelle des lois peuvent être invalidées si elles sont vagues; si elles ne sont pas suffisamment claires, elles sont alors inconstitutionnelles.
Nous avons toutes sortes de règles fondamentales et importantes qui insistent pour que le libellé du Code criminel soit aussi clair que possible. Pourtant, malgré cela, nous retrouvons des dispositions qui énoncent sans ambiguïté ce qui ne correspond manifestement pas à la loi et nous permettons que telle situation perdure pendant des décennies. Franchement, c'est ahurissant.
Le juge de première instance de l'affaire Vader a essuyé certaines critiques. À son niveau, cela se comprend. En effet, on peut s'attendre à ce que les juges aient une compréhension plus poussée du droit que le grand public, qui lui n'a pas accès à un exemplaire annoté du Code criminel. Pour s'informer, les gens ordinaires iront en ligne. Ils se rendront sur le site Web du ministère de la Justice, le site Web officiel du gouvernement du Canada, où ils consulteront le Code criminel, qui les trompera sur ce qu'est le droit pertinent.
Bien sûr, il ne s'agit pas seulement du public; il y a la police aussi. La police devrait pouvoir consulter un libellé législatif qui correspond réellement à la loi canadienne. Lorsque ce n’est pas le cas, nous nous retrouvons dans la situation que nous avons connue au Canada, soit des dizaines de personnes accusées au criminel d’une infraction qui n’existe pas — l’interdiction des relations sexuelles anales à l’article 159.
Bien sûr, de telles accusations finissent par être rejetées, mais c’est loin de réconforter la personne qui a subi l'embarras d'une telle poursuite et les frais qui en découlent. On aura beau dire: « Eh bien, vous savez, la police n'aurait pas dû croire que le droit pénal était bien ce que le Code criminel disait que c'était », cela ne règle rien.
Revenons au blâme adressé au juge dans l’affaire Vader, qui ne savait pas que l’article 230 avait été invalidé. D’accord, oui, il aurait dû le savoir.
Par contre, tout ce que cela veut dire, c’est qu’il n’a pas su échapper à un piège qui lui avait été tendu. Il y a certainement lieu de se demander pourquoi nous tendons des pièges à nos juges. Si une personne chute parce qu’elle ne remarque pas que ses lacets ont été attachés ensemble, une grande partie du blâme doit aller à la personne qui les a attachés. Si un juge ne remarque pas la présence d'un piège dans la loi, alors une bonne partie du blâme doit aller à l'auteur du piège. Et l'auteur du piège, en l'occurrence, c’est le Parlement. C’est vous. Il n’y a aucune raison valable de laisser cette situation perdurer pendant des décennies, mais le Parlement l’a laissée perdurer.
Qu'aurait-il fallu pour éviter l'écueil dans l’affaire Vader et ceux qui pourraient surgir d'autres dispositions inconstitutionnelles? À vrai dire, un étudiant d’été du ministère de la Justice aurait pu régler cela en deux heures de travail un après-midi. Il est difficile de voir comment la rédaction ou l’adoption d’un tel projet de loi aurait pu occuper à ce point le législateur, puisque la Cour suprême du Canada avait déjà fait tout le travail de politique en décrétant que les dispositions étaient inconstitutionnelles.
Il est vrai que toutes les situations ne sont pas les mêmes. Lorsque les dispositions sur le meurtre imputé ont été invalidées, il était clair qu’il n’y avait pas lieu de les remplacer. Lorsque l’alinéa 179(1)b) concernant le flânage a été invalidé, la Cour suprême a donné des indications sur la forme que devrait prendre la nouvelle disposition, de sorte qu’il vous aurait fallu un peu de temps pour rédiger un nouveau projet de loi qui soit conforme à la Constitution. Lorsque les dispositions sur l’avortement ont été invalidées en 1988, la Cour suprême n’a pas dit qu’il ne pouvait plus y en avoir, seulement que celles-ci n’étaient pas bonnes, alors oui, il aurait peut-être fallu un certain temps pour décider de faire autre chose à la place, et si oui, quoi?
Ce qu’il faut retenir ici, cependant, c’est que la deuxième étape est la seule qui peut varier. La première étape, l'invalidation, est immuable et tout à fait non discrétionnaire. La loi actuelle n’en est pas une et il faut la retirer du Code criminel. Peu importe la suite, il n’y a aucune raison de ne pas le faire au plus tôt.
Cela m’amène à ma principale préoccupation ici aujourd’hui. Comme je l’ai dit, il n’y a aucune raison valable, après des décennies, de ne pas retirer ces dispositions inconstitutionnelles du Code criminel. Il semble pourtant exister une réelle possibilité que cela ne se fasse pas durant la présente législature.
Les dispositions visant l'abrogation des dispositions inconstitutionnelles se trouvaient auparavant dans leur propre projet de loi. C’était le projet de loi . Pour une raison ou une autre, les dispositions de ce projet de loi, qui ne contenaient rien d’autre et que ne risquaient pas vraiment de susciter la controverse, ces dispositions sensées et non litigieuses se retrouvent maintenant dans le projet de loi , qui lui contient de nombreuses dispositions sensées et de nombreuses litigieuses.
Personnellement, je pense que certaines des autres propositions sont très bonnes et que d’autres n’ont tout simplement pas été mûrement réfléchies. Il est donc difficile de dire si elles sont sages ou non. Ce projet de loi doit faire l’objet d’un débat approfondi et être adopté par les deux chambres alors qu'il reste à peine un an avant les prochaines élections. Il ne serait pas étonnant qu'on n'y donne pas suite.
Nous devons donc choisir entre, d'une part, précipiter l’adoption de réformes qui pourraient avoir une grande portée sans tenir suffisamment compte du prix à payer pour résoudre un problème fondamental de longue date ou, d'autre part, continuer à payer le prix de ce problème fondamental de longue date pour ne pas en créer d’autres plus importants. Ce n’est pas un choix facile, et il n’est pas évident non plus de savoir pourquoi nous y sommes maintenant forcés, ou pourquoi le projet de loi n’aurait pas pu être adopté tout seul.
Au bout du compte, je vous recommande les parties du projet de loi qui ont le mérite de supprimer ces dispositions inconstitutionnelles, et j’espère qu’il y aura moyen de le faire, que le reste du projet de loi soit adopté ou non.
Merci.
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Merci de nous avoir invités à prendre la parole ici aujourd’hui. Je vais partager mon temps avec M. Kinsman.
Nous représentons un groupe d’historiens gais et lesbiennes spécialisés dans le traitement policier des orientations altersexuelles. Nous sommes ici pour donner suite au 10e rapport du comité sénatorial des droits de la personne, qui demandait au gouvernement de s’attaquer aux lois archaïques invoquées pour criminaliser la commmunauté LGBTQ2 au Canada. Elles sont vraiment archaïques: actes indécents, vagabondage, maisons de débauche... on dirait une tournée des antiquités du Code criminel.
Le projet de loi abroge l’article 159, sur les relations sexuelles anales, et fait suite essentiellement aux excuses que le a présentées récemment aux membres de la communauté LGBTQ2, où il mentionnait expressément la disposition pénale contre la sodomie et le préjudice qui en découle. Conscient de ce préjudice, le gouvernement a adopté le projet de loi , qui permet aux personnes reconnues coupables de cette infraction de demander qu'elle soit rayée de leur dossier dans certaines conditions.
L’abrogation des dispositions concernant les relations sexuelles anales s'inscrit dans un effort plus vaste pour éliminer ce qu’on appelle les lois « zombies ». Ces lois sont toujours dans les textes même si les tribunaux les ont déclarées inconstitutionnelles. Le s’est aussi excusé auprès des personnes arrêtées lors de descentes dans des bains publics, en relevant expressément l’injustice causée par la loi sur les maisons de débauche, mais il n'en est pourtant pas question dans le projet de loi ni dans celui que nous étudions aujourd’hui. C’est parce que la loi sur les maisons de débauche ne correspond pas exactement à la définition étroite d’une loi zombie selon le gouvernement. Elle n’a pas été déclarée explicitement inconstitutionnelle par les tribunaux. Ce n’est pas une loi zombie. C’est un autre genre de monstre. C’est une loi Frankenstein.
Pourquoi est-ce que je me sers de cette référence culturelle populaire pour décrire la loi sur les maisons de débauche? Eh bien, je vais vous donner trois raisons.
Premièrement, comme Frankenstein, la loi sur les maisons de débauche est une relique du XIXe siècle. Elle a été incluse dans le Code criminel original de 1892 afin d'interdire les bordels et autres lieux de travail du sexe. Elle a été modifiée en 1917 pour inclure les lieux d’indécence, dans le but de fermer les salons de massage. Cette loi est anachronique et doit être abrogée.
La deuxième raison pour laquelle je l’appelle une loi Frankenstein, c’est que, comme le monstre de Frankenstein, elle est connue pour causer du tort. Dans l’arrêt Bedford de 2013, la Cour suprême a conclu que la loi sur les maisons de débauche causait aux travailleuses et travailleurs du sexe un préjudice nettement disproportionné par rapport à ses objectifs. Par conséquent, en 2015, le terme « prostitution » en a été retiré en vertu de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, la LPCPVE.
La LPCPVE a maintenu de nombreuses lois injustes, y compris celle sur les maisons de débauche et ses clauses d'actes indécents, dont se servait la police pour faire des descentes dans les bains publics. De 1968 à 2004, plus de 1 300 hommes ont été accusés de la sorte. Vous avez entendu la semaine dernière comment cela a pu nuire à des homosexuels comme Ron Rosenes, un membre de l’Ordre du Canada qui, à ce jour, a un casier judiciaire pour avoir été arrêté lors des descentes de 1981 dans les bains publics de Toronto.
Le gouvernement s’est expressément excusé de cette loi injuste. Comment se fait-il que nous soyons ici pour demander son abrogation? Des hommes comme Ron Rosenes méritent que leur dossier soit effacé.
La troisième raison pour laquelle j’appelle cela une loi Frankenstein, c’est que, comme le monstre de Frankenstein, la loi sur les maisons de débauche ne correspond pas à l’intention de son créateur. Elle a été créée par le Parlement pour criminaliser les bordels et autres lieux de travail du sexe en fonction d’une norme sociale de moralité.
À la suite de l'arrêt Bedford de 2013, le travail du sexe a été retiré de cette loi, ce qui laissait derrière la vague notion d’indécence, qui a été considérablement modifiée par la Cour suprême dans l’affaire Labaye de 2005. La loi n’a pas été déclarée inconstitutionnelle; elle a plutôt été réécrite par la cour. La définition d’indécence est passée d'une norme sociale de moralité à une norme fondée sur un préjudice non consensuel.
Cette nouvelle définition d'une maison de débauche constitue une infraction très grave et tout à fait méconnaissable par rapport à l’intention première du Parlement. Ce qui était autrefois une loi de moralité contre les bordels est devenu un crime odieux et violent. Quelle sorte d’établissement permettrait de tels actes de préjudice non consensuel? Une loi du XIXe siècle sur la moralité est-elle le meilleur outil pour lutter contre de tels endroits?
Ces actes sont visés par d’autres articles plus pertinents du Code criminel. Il est étrange que l’article 75 du projet de loi modifie la loi sur les maisons de débauche afin de permettre la possibilité d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, qui entraîne une peine réduite. Cela va à l’encontre de la gravité de cette infraction telle que les tribunaux l’ont maintenant définie.
En 1982, le ministre de la Justice de l’époque, Jean Chrétien, disait au Comité: « Par principe, je crois que si des articles du Code criminel sont tombés en désuétude ou deviennent désuets, il n’y avait aucune raison de les maintenir. » Aucune accusation n’a été portée en vertu de la loi sur les maisons de débauche en 2017. Le Parlement n’a pas besoin d’attendre que les tribunaux abrogent cette loi désuète, surtout une loi pour laquelle le a présenté des excuses.
J’exhorte le Comité à abroger non seulement les lois zombies, mais aussi les lois Frankenstein et toutes les autres qui ont été élaborées suivant la morale du XIXe siècle et qui ont criminalisé les personnes LGBTQ2 et les travailleuses et travailleurs du sexe.
Merci.
Je remercie également M. Leckey pour l’appui de McGill à la position que nous défendons aujourd’hui devant le Comité.
L’article sur l’indécence dans la loi sur les maisons de débauche est lié à une interprétation juridique plus large des relations entre personnes de même sexe, comme étant indécentes dans l’histoire du Canada. C’est aussi le cas de l’infraction d’actes indécents. Ces articles ont été et continuent d’être invoqués pour caractériser des pratiques LGBTQ2S comme étant plus indécentes que leurs équivalentes chez les hétérosexuels, ce qui provoque de la discrimination envers nos communautés.
Dans mon exposé, je m’appuie sur des recherches et des écrits exhaustifs que j’ai faits, avec d’autres membres de notre groupe, sur la réglementation et la surveillance policière des activités sexuelles consensuelles au Canada. Depuis la fin du XIXe siècle, on invoque l’infraction d’actes indécents pour arrêter des personnes LGBTQ2S dans des bars, des clubs, des parcs et des toilettes. Les personnes impliquées ont construit pour elles-mêmes des relations de vie privée et d’intimité, dissimulées derrière des arbres ou des buissons, dans des cubicules aux portes verrouillées ou fermées, sans vouloir déranger les autres. Souvent, elles ont été piégées par la police qui empiétait sur leur vie privée.
La police invoquait souvent des actes indécents plutôt que la grossière indécence ou la sodomie parce que c'était une infraction moins grave et qu’il était plus facile d’en faire la preuve en cour. Lors de la purge effectuée au nom de la sécurité nationale, pour laquelle le s’est excusé auprès des personnes LGBTQ2S, la GRC menaçait d’utiliser l’accusation d’actes indécents pour inciter les gais et les bisexuels à dénoncer leurs amis de la fonction publique et de l’armée, afin de pouvoir les expulser.
En Ontario, après la résistance massive aux descentes dans les bains publics au début des années 1980, la police a fait de la surveillance ciblée, y compris avec de l'équipement de surveillance vidéo, pour procéder à des arrestations pour actes indécents. Ces arrestations ont eu lieu à St. Catharines, à Welland, à Oakville, à Oshawa, à Mississauga, à Guelph, à Kitchener-Waterloo et à l’opéra d'Orillia. Les noms des accusés ont été divulgués par la police aux journaux, ce qui a poussé un homme de St. Catharines à se suicider.
Rien qu'entre juillet 1982 et avril 1983, selon le Right to Privacy Committee, 369 hommes ont été arrêtés à Toronto pour des actes indécents commis avec d’autres hommes. Des milliers de personnes ont été arrêtées injustement au motif de l’infraction d’actes indécents.
L’article 60 du projet de loi modifie certaines parties de la disposition sur les actes indécents. Cette disposition doit être entièrement abrogée. Cela permettrait aussi aux personnes injustement reconnues coupables d’actes indécents de demander la radiation de leur condamnation, ce qui leur est actuellement refusé en vertu du projet de loi . Ce n’est pas inscrit dans ce projet de loi et c’est toujours dans les textes. Le Comité peut faire l'effort de s’attaquer à cette infraction historiquement injuste.
Le vagabondage aussi est une infraction générale, mal définie. On s'en est toujours servi contre les travailleuses et travailleurs du sexe, mais aussi pour surveiller les genres et les expressions sexuelles des gens. Des personnes portant les vêtements ou affichant d'autres attributs du « mauvais » sexe ont été accusées de cette infraction. En 1994, la Cour suprême a statué que l'infraction de vagabondage était inconstitutionnelle et contraire à la Charte. L’article 62 du projet de loi supprime une partie de la loi sur le vagabondage, mais comme pour les maisons de débauche et les actes indécents, l’infraction demeure intacte. Il faut l'abroger entièrement.
Le recours sélectif aux dispositions fondées sur la moralité et le piégeage par la police ont créé des liens historiques et des affinités entre les luttes des communautés LGBTQ2S et des travailleuses et travailleurs du sexe. Nous appuyons entièrement la position qui vous a été présentée par l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe.
En 2015, la déclarait: « Je suis fermement déterminée à revoir les lois sur la prostitution. » Trois ans plus tard, il est plus que temps d’agir. Dans le contexte plus large de l’abrogation des lois qui criminalisent le travail du sexe, nous joignons notre voix à celles qui demandent l’abrogation des infractions relatives à l'avantage matériel et à la publicité, parce qu'elles créent des conditions de travail et des conditions de vie dangereuses pour les travailleuses et travailleurs du sexe.
Il y a beaucoup d'autres lois qui ont servi à criminaliser les activités consensuelles des personnes LGBTQ2S, mais qui ne sont pas mentionnées dans le projet de loi . Nous espérons certainement qu’on y remédiera bientôt. Il s’agit notamment des lois sur l’obscénité qui ont été utilisées contre des librairies et des publications LGBT et pour faire en sorte que des représentations sexuelles non conformes aient l'air plus obscènes et indécentes que leurs équivalentes hétérosexuelles.
Nous appuyons également sans réserve les préoccupations soulevées par le Réseau juridique canadien VIH/sida et de nombreux autres intervenants au sujet des articles du Code criminel qu'on invoque pour criminaliser injustement les personnes porteuses du VIH.
En conclusion, nous vous exhortons à ne plus compter sur le Code criminel pour faire respecter la moralité, au moyen de divers articles qui définissent notre sexualité comme étant indécente et criminelle. Au lieu de cela, les infractions pénales devraient viser leur véritable objet, c’est-à-dire la violence et le harcèlement.
La démarche des excuses à nos communautés exige que les lois sur les maisons de débauche et les dispositions sur les actes indécents et le vagabondage soient entièrement abrogées dans le projet de loi . Autrement, ces excuses demeurent imparfaites et inachevées. Vous avez maintenant l’occasion de corriger la situation. Nous espérons que vous la saisirez.
Merci.
Je suis heureuse qu'on nous offre une tribune, à moi et à mon organisme, pour que nous puissions nous faire entendre et donner une voix à ceux qui n'en ont pas. Je suis ici pour eux, pour moi et pour tous les Canadiens qui ont à coeur la justice et l’égalité. Nous sommes solidaires avec les historiens LGBT et nous appuyons entièrement les arguments soulevés par Égale Canada et M. Leckey.
Avant de commencer, j’aimerais souligner que ces délibérations se déroulent sur un territoire algonquin non cédé.
Comme l’ont indiqué mes collègues aujourd’hui et la semaine dernière, le projet de loi est une excellente occasion pour nous de saluer les excuses présentées par le et de dénoncer la criminalisation continue de la communauté LGBTQ2SIA et le manque d’autonomie corporelle dont souffrent certains de nos membres.
Avant de formuler mes critiques et mes recommandations, je tiens à vous féliciter d’avoir inclus les relations sexuelles anales parmi les infractions criminelles à abroger. C'est un pas en avant et un changement attendu depuis longtemps. Merci.
Toutefois, si nous nous arrêtons là, nous aurons raté une occasion d'apporter tant d’autres changements souhaités depuis longtemps et qui apporteraient justice et égalité à la communauté LGBTQ2SIA et à tous les Canadiens. Nous sommes tout le monde et nous sommes partout.
Le défaut d'abroger la loi sur les maisons de débauche et les lois sur le vagabondage, la nudité, la représentation théâtrale immorale et l'exposition indécente demeure un point de litige sérieux entre notre communauté et le gouvernement. Les excuses présentées l’an dernier par le dénoncent explicitement le recours à la loi sur les maisons de débauche pour criminaliser la communauté LGBTQ2SIA; pourtant, aucune mesure n’a été prise à ce sujet.
Les effets de ces lois continuent de nuire à nos communautés. Les gens qui ont été accusés et condamnés ont perdu leur famille, leurs proches et leur carrière. Ils vivent dans la précarité. Certains se sont enlevé la vie. Ceux qui sont encore parmi nous ne verront pas leur dossier effacé tant que ces lois n’auront pas été abrogées. Ils continuent de vivre dans la honte d’un tel traitement, certains depuis plus de 30 ans. Le lui-même a reconnu ce préjudice causé par l’État et on continue pourtant à ne pas s'en occuper.
La criminalisation du travail du sexe a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême, notamment dans l’affaire Bedford de 2013. Malheureusement, la LPCPVE a rétabli un certain nombre de ces crimes jugés inconstitutionnels, notamment l'obtention de services sexuels moyennant rétribution, la communication dans ce but, l’avantage matériel tiré des services sexuels d'une autre personne, le proxénétisme, la publicité et l’avantage matériel dans la publicité. Toutes ces infractions se conjuguent pour isoler les travailleuses et travailleurs du sexe, qui ne peuvent pas filtrer les clients ou engager des services de sécurité ou de soutien administratif. Ces lois continuent de les mettre en danger.
Les services de police locaux, provinciaux et fédéraux continuent d’invoquer les lois en vigueur pour harceler et traiter en criminels des gens qui devraient pouvoir faire leur travail avec le soutien et la protection de l’État. Nous recommandons fortement que le projet de loi prévoie clairement la décriminalisation du travail du sexe.
Le projet de loi ne protège pas les enfants intersexués contre les interventions chirurgicales non consensuelles. En juin 2017, le CCDGS a présenté son « programme rose », indiquant clairement que nous sommes solidaires des membres des communautés intersexuées et de leur droit de décider ce qui est le mieux pour leur corps. Or, aujourd’hui, le paragraphe 268(3) du Code criminel du Canada autorise les médecins à pratiquer de telles interventions non consensuelles sur des bébés et de jeunes enfants dont ils jugent l'identité sexuelle ambiguë, c’est-à-dire intersexuée.
Ce faisant, l’État, les parents et les médecins qui prennent ces décisions et qui effectuent ces interventions se trouvent à priver ces enfants de leur autonomie corporelle, et à leur causer préjudice en raison des problèmes qui en résultent. Par exemple, Kimberly Mascott Zieselman, qui a publié un article d’opinion dans la revue USA Today en 2017, s'est fait enlever ses testicules sans son consentement à l’âge de 15 ans. Cette opération l’a condamnée à prendre des hormones de substitution pour le reste de sa vie.
On ne lui a même pas dit qu’elle avait subi cette opération avant qu'elle ait 41 ans. Imaginez-vous apprendre qu’une partie de votre corps vous a été enlevée sans votre consentement. Imaginez que cela ait entraîné un problème de santé permanent et des frais médicaux pour le reste de votre vie. Voilà ce que cette loi autorise. Nous recommandons fortement que l’abrogation du paragraphe 268(3) soit incluse dans le projet de loi .
Le projet de loi ne limite pas les lois qui permettent la criminalisation du VIH. Nous avons demandé des éclaircissements à ce sujet. À ce jour, peu importe ce qu'en dit le rapport même du gouvernement, la réponse du système de justice pénale à la non-divulgation du VIH est qu'il s'agit d'une agression sexuelle grave, alors qu'on affirme que la transmission du VIH est une question de santé publique plutôt qu’une question pénale.
Dans ce même rapport, il est démontré que l’activité sexuelle avec une personne porteuse du VIH qui suit le traitement prescrit et qui a maintenu une charge virale supprimée « présente un risque négligeable de transmission ». Qu'on puisse continuer de criminaliser la non-divulgation du VIH va directement à l’encontre d'un rapport du gouvernement appuyé sur des données probantes.
Le projet de loi peut servir à limiter cette loi, à garantir que la non-divulgation du VIH ne soit pas traitée comme un acte criminel et que les membres de la communauté LGBTQ2SIA soient à l'abri de la discrimination exercée par des procureurs de la Couronne homophobes, transphobes ou autrement véreux. Mais dans sa forme actuelle, il ne le fait pas.
Mon dernier point, c’est que le projet de loi omet de définir correctement la notion de personne marginalisée. Il obligerait les juges à tenir compte de la situation d’un accusé appartenant à un groupe marginalisé au moment d'imposer les conditions de sa mise en liberté sous caution, mais l’absence de définition peut être interprétée comme une exclusion de la communauté LGBTQ2SIA. Nous recommandons fortement l’inclusion explicite des LGBTQ2SIA dans la définition de « personnes marginalisées ».
Merci beaucoup de m’avoir écoutée.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Coughlan, je vous remercie de votre exposé sur les lois zombies. Vous avez mentionné l'affaire de Travis Vader, qui a assassiné Lyle et Marie McCann, un couple de personnes âgées de ma ville natale de St. Albert. À la suite de la décision du juge Thomas et sous la direction de notre président, le Comité a écrit une lettre à la pour demander au gouvernement de présenter un projet de loi visant à abroger les articles « zombies » du Code criminel. Bret McCann, le fils de Lyle et Marie McCann, m'a approché peu après, et lui et moi avons tenu une conférence de presse, en compagnie de son épouse Mary-Ann, à St. Albert en décembre 2016.
Vous avez tout à fait raison. En mars 2017, la a présenté le projet de loi , qui n'a pas dépassé le stade de la première lecture. Rien n’a été fait depuis. J’ai demandé à maintes reprises à la ministre pourquoi on tardait tant à traiter un sujet qui ne prête pas à controverse. Comme vous l’avez souligné, il n’y a aucune raison que des articles inconstitutionnels du Code criminel demeurent dans le Code criminel, rédigés en noir sur blanc, comme s'ils avaient force de loi. Par conséquent, nous voici aux prises avec cette situation. Un projet de loi très simple, qui aurait pu être adopté à l’unanimité, se trouve maintenant lié à un énorme projet de loi omnibus.
Je suis en contact avec la famille McCann, et elle est très bouleversée. Elle ne s'est pas gênée pour exprimer sa frustration au sujet de l’incapacité du gouvernement à agir.
Vous avez mentionné l’article 159 du Code criminel concernant les relations sexuelles anales. Comme il l'avait fait pour l’article 230, le gouvernement a présenté un projet de loi distinct, le , à l’automne 2016. Il en a fait tout un plat, c’était tellement prioritaire pour lui que c'est resté bloqué à l’étape de la première lecture. Aucune suite n'a été donnée. Puis le gouvernement a ramené l’abrogation de l’article 159 en présentant le projet de loi le 8 mars 2017. Encore une fois, c’était tellement prioritaire que c'est bloqué en première lecture. Nous avons maintenant le projet de loi .
Vous avez tout à fait raison de dire qu'il ne s'agit pas seulement du gouvernement actuel. Les gouvernements précédents n’ont pas abrogé les articles inconstitutionnels. À l’avenir, si nous pouvons faire abroger ces articles, que suggérez-vous pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise? On peut supposer que le projet de loi sera adopté et que ces articles seront supprimés, mais il y aura inévitablement de nouveaux articles qualifiés d’inconstitutionnels. Quelles mesures le Parlement devrait-il prendre pour être proactif à l’avenir?
Monsieur Leckey, j’aimerais revenir à vos propos sur la communauté intersexuée, à l’alinéa 268(3)a). Avant de vous poser une question pointue, je précise à l'intention de mes collègues que nous parlons de bébés nés avec des organes génitaux portant à équivoque. Ils ne se présentent pas comme des garçons ou des filles. Autrefois, on les appelait des hermaphrodites, mais la société a évolué. Les gens de la communauté utilisent le terme « intersexué ». C’est une communauté très importante et marginalisée.
Nous sommes allés au secrétariat de la communauté LGBTQ2, où travaillent des gens comme Morgan Holmes et d’autres, pour bien comprendre ce qui se passe. Imaginez que vous êtes parents et que vous avez un bébé qui vient au monde avec des organes génitaux qui sèment un doute sur son identité sexuelle. Les professionnels de la santé au Canada peuvent décider du sexe de votre enfant à la naissance. Ils ont 50 % de chances de se tromper ou 33 % de chances de se tromper, selon l’endroit où se situe le bébé dans le spectre du genre.
Des amis à moi, sur l’île de Vancouver, ont eu un enfant avec des organes génitaux équivoques il y a 15 ans. Ils ont trouvé un professionnel de la santé qui leur a dit de laisser l’enfant grandir. C’était exactement ce que voulaient les parents. Il y a deux mois, cette personne qui a maintenant 15 ans a organisé une fête de dévoilement de sexe et en a choisi un. Je ne vous dirai pas ce que c'est, parce que cela n’a pas d'importance.
Ce qui est important, c’est que personne n’a poussé cette jeune personne de 15 ans, qui a grandi dans un parfait bonheur et qui s'est maintenant choisi un sexe. Nous donnons à des médecins le pouvoir de faire essentiellement du tort à des bébés. Ce n’est pas génial. Nous ne devrions pas permettre cela.
Monsieur Leckey, quel libellé utiliseriez-vous dans cet article pour empêcher que cela se produise?
Je vis à Toronto, mais comme ma femme et moi sommes en visite chez des amis dans le centre de la Colombie-Britannique, je suis ici, à Kelowna, où il fait très beau.
Je suis le coordonnateur de la Toronto Police Accountability Coalition, une organisation fondée en 2001. Notre travail consiste à proposer des politiques progressistes à la Commission des services policiers de Toronto et à la Police de la communauté urbaine de Toronto.
Au cours de ces 17 années d'existence, nous avons eu à composer avec des cas de toutes sortes. Les plus récents concernent le contrôle d'identité, la façon d'intervenir auprès de personnes en situation de crise de santé mentale, les fouilles à nu, le profilage racial, la surveillance policière, la formation et le recrutement de policiers. La Toronto Police Accountability Coalition publie un bulletin électronique bimestriel gratuit contenant un résumé de ce qui se passe à Toronto et de ce que nous en pensons.
La Toronto Police Accountability Coalition a présenté à la Commission des services policiers de Toronto des mémoires à l'appui d'une politique obligeant les procureurs de la Couronne à lui signaler les cas où un juge a conclu qu'un agent ne disait pas la vérité sous serment. De tels cas se produiraient trois fois ou plus par an à Toronto. La Commission a maintenant adopté cette politique.
Aujourd'hui, nous tenons à exprimer notre inquiétude concernant l'article 657.01 du projet de loi, qui permet la présentation d'une preuve reçue au moyen d'une déclaration sous serment. L'article prévoit qu'une preuve déposée sous forme d'affidavit peut être utilisée dans la présentation des « éléments de preuve de routine » recueillis par la police.
J'aimerais parler de ces pratiques que l'on dit « de routine » à l'heure actuelle, du moins à Toronto, et dans d'autres villes, je suppose.
La première est le contrôle d'identité selon lequel un policier interpelle, à sa discrétion, une personne qu'elle oblige à fournir certains renseignements. Jusqu'à tout récemment, jusqu'à ce que la loi soit modifiée, le contrôle d'identité était considéré comme une pratique policière « de routine » à Toronto et en Ontario. Or, nous savons que le contrôle d'identité vise essentiellement les jeunes Noirs, et il est démontré qu'il s'agit de discrimination raciale. Nous pensons qu'il est déraisonnable de laisser entendre que des éléments de preuve obtenus de cette façon devraient être produits devant le tribunal sous forme d'affidavit.
Une autre activité policière courante, l'arrestation pour possession de marijuana, est elle aussi empreinte de discrimination raciale. Trois fois plus de Noirs que de Blancs sont arrêtés. Une fois de plus, nous trouvons inacceptable que de tels éléments de preuve soient reçus sous forme de déclaration sous serment.
Une troisième pratique considérée comme étant une activité « de routine » à Toronto est la fouille à nu. Au moins 40 % des personnes arrêtées pour infraction criminelle, quelle que soit la nature de l'infraction, font l'objet d'une fouille à nu, et ce, malgré que la Cour suprême ait déclaré, dans sa décision de 2001, que de telles fouilles doivent être rares — ce qui, selon notre interprétation, devrait représenter moins de 10 % des cas. Il est bien connu que dans certains cas, le seul fait que des fouilles à nu aient été menées suffit pour que le juge lève les accusations.
L'autre point que nous aimerions mentionner, c'est qu'il y a des cas, comme je l'ai dit tout à l'heure, où l'authenticité de la preuve présentée par la police devant les tribunaux est contestée. Il arrive que les agents présentent des preuves qu'ils savent mensongères, et que les tribunaux doivent rétablir la vérité. Souvent, c'est en se fondant sur le seul comportement de l'agent que les tribunaux en arrivent à cette conclusion, chose qui ne serait pas possible avec une preuve sous forme d'affidavit.
Nous reconnaissons qu'il y a des cas où la preuve par affidavit déposée par la police peut être contestée, mais nous ne sommes pas convaincus que c'est une bonne façon de procéder. C'est un peu comme agir après le fait. Nous croyons que cette disposition devrait être éliminée du projet de loi.
Nous aimerions insister sur le fait que nous souhaitons appuyer des mesures qui raccourcissent la durée des procès afin de faire gagner un temps précieux aux tribunaux et économiser leurs ressources. C'est une question sur laquelle notre organisation s'est penchée. Nous croyons que la bonne façon de procéder est d'instaurer un processus d'approbation des accusations, dans le cadre duquel les procureurs de la Couronne rencontrent les agents pour déterminer quelles accusations devraient être portées.
Cela se fait maintenant dans trois provinces canadiennes: en Colombie-Britannique, au Québec et au Nouveau-Brunswick. En fait, le filtrage pré-inculpation permet aux tribunaux de gagner beaucoup de temps. En Ontario, le nombre d'accusations pourrait être réduit de 93 000 à 70 000 si la province utilisait la procédure de filtrage pré-inculpation et les mêmes règles qu'au Québec.
Cette pratique a également permis de réduire considérablement le nombre d'affaires suspendues ou retirées. Au Québec, où la procédure de filtrage pré-inculpation est en place, ce pourcentage est de 9 %, comparativement à 46 % en Ontario. Si vous voulez faire gagner du temps aux tribunaux, oubliez la preuve par affidavit des agents de police, utilisez plutôt le filtrage pré-inculpation.
Ce sont là les recommandations que nous présentons respectueusement au comité.
Je vous remercie beaucoup.
Merci de m'avoir invité à vous faire part de mes propositions.
De nos jours, on a parfois l'impression que le monde court à sa perte et qu'on ne peut rien faire pour l'en empêcher. Je suppose que vous avez tous décidé de faire de la politique pour améliorer les choses. Vous voulez améliorer la situation de vos familles, tout comme moi. Je serais un piètre politicien, mais en tant qu'avocat et père de famille, je suis ici pour faire en sorte que mon fils grandisse dans un Canada doté du meilleur système de justice pénale possible.
Comme je n'ai que quelques minutes pour vous faire part de mes propositions, veuillez me pardonner si je vais direct au but. Le projet de loi contient quelques bonnes mesures, mais de mon point de vue, une bonne partie d'entre elles me semblent arbitraires. Je suis très inquiet à l'idée qu'il soit adopté dans sa forme actuelle, car il fera beaucoup plus de mal que de bien, ce qui serait vraiment dommage.
Aux fins de cette consultation, j'ai pris connaissance d'une partie des témoignages que vous avez entendus ici et lu une partie des mémoires qui vous ont été adressés. Si vous aviez tenu cette consultation avant le dépôt du projet de loi, je pense que son contenu aurait été fort différent. Le gouvernement aurait pu s'appuyer sur des mémoires sérieux présentés par des avocats criminalistes qui composent quotidiennement avec ces questions. Depuis l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture, le gouvernement y a investi une bonne dose de capital politique et, malgré votre engagement à faire ce qui est bien, j'ai bien peur que vous fassiez la sourde oreille à ce que je vais vous dire.
Ma principale recommandation est la suivante: ne précipitez pas les choses.
Quand vous examinez ce projet de loi avec un peu de recul, vous voyez émerger une tendance. Le projet de loi confère plus de latitude aux agents de police et aux procureurs de la Couronne, il restreint la marge de manoeuvre des accusés et de leurs représentants, sans redonner aux juges le pouvoir discrétionnaire qui leur a été retiré lors de la réforme des peines minimales obligatoires par le gouvernement Harper.
Sur ce dernier point, nous savons tous qu'il y a plusieurs mois, la sénatrice Kim Pate a proposé, dans le projet de loi , une solution qui me paraît assez simple pour régler le problème des peines minimales obligatoires. Si vous supprimez le préambule et les notes explicatives, ce projet ne fait que trois pages, dans les deux langues officielles. Il est simple, élégant et rédigé de manière à résister à l'épreuve du temps. Comme vous le savez, une semaine plus tard, votre collègue , députée néo-démocrate de Saskatoon-Ouest, a proposé une solution similaire au moyen du projet de loi .
Je suis vraiment déçu de voir qu'après trois ans à étudier cette question, le gouvernement ne propose rien dans ce projet de loi pour régler le problème des peines minimales obligatoires. Je le dis avec une certaine tristesse, mais aussi avec respect. Je pense que les actes du gouvernement sont probablement plus éloquents que les mots qu’il utilise pour décrire ce projet de loi. Que dit exactement ce projet de loi ? Il dit que le gouvernement place une grande confiance dans les agents de police et les procureurs de la Couronne, ce qui est tout à fait raisonnable dans certaines circonstances.
Mais voyons ce que cela signifie exactement. Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, les agents de police auront beaucoup plus de latitude pour traiter les infractions, par exemple. Les autoriser à témoigner par écrit, comme vient de le dire M. Sewell, sans être soumis à un contre-interrogatoire, est une preuve de confiance incroyable. Les procureurs de la Couronne, de leur côté, auront la tâche de déterminer les protections procédurales qui seront offertes aux accusés dans une gamme plus large de cas.
Cette question de confiance ne sort pas du néant. En tant que secrétaire parlementaire, M. Mendicino , qui était jusqu'à récemment membre de votre comité, a clairement fait savoir à la Chambre que le projet de loi vise à accroître la capacité de la Couronne à exercer son jugement éclairé au cas par cas. C'est l'une des principales raisons pour laquelle le gouvernement procède à l'hybridation d'un si grand nombre d'infractions.
C'est ce qu'il a affirmé peu après avoir laissé entendre, le même jour à la Chambre des communes — c'était le 5 juin 2018, en réponse à une question de sur les éléments de preuve de routine présentés par des policiers —, que les avocats de la défense exercent un mauvais jugement et se chicanent sur des détails sans importance.
Comprenez-moi bien. Je ne dis pas que le pouvoir discrétionnaire de la Couronne est une mauvaise chose. Nous savons que c'est un élément essentiel de tout système judiciaire qui fonctionne bien, de tout système de justice pénale. Or, comme la Cour suprême l'a clairement affirmé dans l'affaire Bain, en 1992, la protection des droits fondamentaux ne doit pas reposer sur la confiance à l'égard du comportement exemplaire permanent de la Couronne. Il est intéressant de noter que cette affaire portait sur des récusations péremptoires et la mise à l'écart de jurés. À l’époque, la Couronne avait beaucoup plus d'influence sur la composition du jury que la défense. La Cour suprême a statué que cela était contraire à l’alinéa 11d) de la Charte.
Par contraste avec tous ces nouveaux pouvoirs discrétionnaires conférés aux agents de l’État, le projet de loi prive mes collègues et moi-même des outils de base que nous utilisons pour nous assurer que justice est rendue équitablement. Notre rôle de contrepoids aux abus est considérablement restreint. Soyons clairs, des abus, il y en a parfois. C'est pourquoi je recommande dans mon mémoire, que vous avez tous reçu ce matin, mais que vous n'avez peut-être pas encore eu le temps de lire, d'établir une infraction criminelle pour non-communication de la preuve.
Les motifs justifiant ce projet de loi énoncés dans le hansard n'ont pas beaucoup de sens dans une société libre et démocratique. Prenez l'idée d'éviter aux témoins de témoigner deux fois. Si vous allez au bout de ce raisonnement, il serait possible de mieux épargner les plaignants si nous passions directement de l’arrestation à la déclaration de culpabilité, sans tenir de procès. Cela permettrait d'économiser beaucoup de temps et d'argent, mais ce n'est pas là le rôle d'un système de justice équitable.
Chez nos voisins du Sud, la Cour suprême des États-Unis a évoqué la nécessité de garantir l'intégrité du processus d'établissement des faits au moyen notamment d'un contre-interrogatoire efficace. Dans sa décision dans l'affaire Coy c. Iowa, rendue en 1988, la Cour affirme que même si le processus peut malheureusement choquer la victime sincère d'un viol ou un enfant maltraité..., il peut aussi confondre et mettre à jour le faux accusateur ou révéler qu’un enfant est sous l'emprise d'un adulte malveillant. Le tribunal conclut en disant que c'est une lapalissade d'affirmer que les protections constitutionnelles ont un coût.
Notre système de justice criminelle n'est pas tout à fait similaire à celui des Américains et ne devrait pas l'être, mais la question soulevée dans cette cause est universelle. Nous ne décidons pas d'instruire des procès parce que c'est une solution pratique. Ce n'est pas vrai. Et ce n'est pas non plus une partie de plaisir pour les gens qui y participent. Les procès peuvent être coûteux et, dans de rares cas, ils peuvent être très longs.
Malgré ce que vous avez pu entendre, je vous assure que les avocats de la défense ne sont pas complaisants à cet égard. La vaste majorité des personnes inculpées souhaitent que le processus soit le plus rapide possible, mais pas au prix d'une injustice.
Les cas nécessitant une enquête préliminaire sont souvent plus longs à régler que les autres, mais ce n'est pas une raison pour abolir la plupart des enquêtes préliminaires. Cela veut tout simplement dire que les affaires plus complexes ont tendance à nécessiter des examens préalables pour s’assurer que le procès subséquent est équitable. Tous les Canadiens accusés d'un délit, pas seulement ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité, s'attendent à juste titre à avoir un procès équitable.
La perfection sera toujours inaccessible, mais les procédures qui garantissent l'équité d'un procès sont essentielles pour prévenir toute condamnation injustifiée. Dans de nombreuses affaires criminelles au Canada, une enquête préliminaire bien menée sera un gage de procès équitable. Le droit à un contre-interrogatoire est la pierre angulaire de l'équité dans toutes les sociétés libres et démocratiques du monde. Je vous exhorte donc à examiner attentivement les conséquences de l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle. Il faudra des années de coûteux litiges pour réparer les dommages et, d'ici là, des personnes innocentes risquent d'être privées de leur liberté à cause de ce projet de loi. En le modifiant dès maintenant, vous pourrez éviter cette situation.
Je vous remercie.
Je sais que vous ne tarderez pas à savoir que je dois prendre un vol. Cela ne m'inquiète pas. L'important, c'est de bien faire les choses ici. N'hésitez donc pas à me poser des questions.
Je m'appelle Rick Woodburn et je suis président de l'Association canadienne des juristes de l'État. Nous représentons quelque 7 500 avocats de la Couronne de partout au pays, des 10 provinces et du gouvernement fédéral, tant des procureurs que des juristes. Nos propositions prennent donc en compte un vaste éventail d'opinions.
Je n'ai pas déposé de mémoire. J'ai toutefois réduit le nombre de propositions que nous formulerons, et nous entendrons bien entendu vos questions.
Je remercie le Comité de nous avoir invités. Je vous en suis reconnaissant. Il se peut que certains de nos commentaires soient un peu à contre-courant. Je ne veux dénigrer personne, ni les rédacteurs du projet de loi, ni quiconque y a travaillé avec diligence, mais nous aimerions l'examiner plus en détail.
Notre rôle ne sera pas d’appuyer ou de rejeter le projet de loi en soi. Nous souhaitons toutefois vous faire part des arguments pour et contre et vous donner une idée de ce que les procureurs et les avocats de la Couronne pensent de ce projet de loi sur le terrain.
Les avocats de la Couronne ne sont évidemment pas tous d'accord avec tous les articles du projet de loi. Certains sont pour, d'autres contre, et j'espère arriver à vous en faire part aujourd’hui, à tout le moins à vous transmettre de l'information qui vous permettra peut-être de faire marche arrière; lorsque vous réfléchirez à d'éventuelles modifications et aux différents articles, j'espère que ces renseignements vous aideront à savoir ce qui se passe sur le terrain.
Le premier point que nous aimerions examiner est la réforme du cautionnement, en particulier le remplacement des articles 523 et 524 par le nouvel article 523.1.
Mon interprétation du nouvel article 523.1, qui précéderait directement l'article 524 et qui reprend l'article au complet, c'est que l'article 523 n'est pas supprimé, si j'ai bien compris. Par conséquent, la Couronne a toujours la possibilité de demander la révocation de la mise en liberté sous caution d’une personne. Pour les procureurs de la Couronne, cette procédure supplémentaire ne fait que rajouter, dans certains cas, à une autre audience administrative pour non-respect d'une ordonnance et ainsi de suite. Ce nouvel article est donc redondant à bien des égards. Notre but à tous ici est d'éviter les retards, et l'ajout d'un article redondant dans le Code criminel ne nous aide pas nécessairement à atteindre ce but.
Je m'explique.
Conformément à l'actuel article 523, la Couronne peut, à la discrétion, faire tout ce que dit le nouvel article 523.1. Nous pouvons laisser tomber l'accusation, demander la révocation du cautionnement et ainsi de suite. Nous pouvons déjà faire tout cela. Le nouvel article 523.1 présuppose que les avocats de la Couronne ne prennent pas connaissance des accusations lorsqu'ils interviennent une première fois pour évaluer le bien-fondé de la cause, mais nous le faisons. En tant qu'avocats de la Couronne, il est important pour nous de nous assurer que ces infractions, ce non-respect des conditions de libération sous caution, soient prises en compte. Nous disons que c'est seulement là une étape de plus qui n'est pas nécessaire en réalité parce que les avocats de la Couronne font déjà leur travail à cet égard.
L’autre point intéressant à relever au sujet des infractions contre l'administration de la justice ou des cas de non-respect des conditions de mise en liberté, c'est qu'on semble beaucoup insister sur leur nombre et sur l'engorgement du système qui en découle. Je peux vous dire d'expérience que ces cas n'engorgent pas le système et ne causent pas de retards. Le non-respect d'une ordonnance judiciaire est très facile à prouver, même lorsque cela conduit à un procès, ce qui est très rare. N'oubliez jamais que ces infractions n'engorgent pas le système. Elles sont nombreuses, mais elles n'engorgent pas le système.
L'autre chose qu'il faut savoir au sujet de ces infractions, de ces non-respects d'une ordonnance du tribunal, c'est qu'il est important que tout le monde comprenne que c'est une pierre angulaire de notre système de cautionnement: toute personne mise en liberté sous caution est censée respecter les conditions et, si elle ne le fait pas, elle sera alors arrêtée et conduite devant le tribunal. Il doit avoir une pénalité pour ces manquements. D'après ce que je comprends du nouvel article 523.1, s'il est appliqué, ce sera davantage une tape sur les doigts. Croyez-moi, les contrevenants vont vite comprendre qu'ils peuvent tirer profit de cette nouvelle disposition. Ils seront de plus en plus nombreux à enfreindre leurs conditions de mise en liberté sous caution.
Ce ne sont là que quelques arguments au sujet de la réforme du cautionnement. Nous répondrons, bien entendu, à vos questions à ce sujet.
Concernant les enquêtes préliminaires, beaucoup de choses ont été dites. J'ai entendu certains témoignages et lu une partie des mémoires. Les opinions sont très divergentes sur la suppression des enquêtes préliminaires pour les infractions non punissables d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Les avocats de la Couronne sont également divisés sur cette question et j'aimerais vous faire part des arguments pour et contre. Premièrement, l'un des avantages les plus évidents concerne les victimes d'agression sexuelle. Bien sûr, comme l'a fait remarquer un témoin ici même, le fait que ces victimes doivent témoigner deux fois les victimise doublement, comme je l'ai moi-même constaté. Supprimer cette obligation encouragera peut-être certaines victimes à se manifester dans les procès pour agression sexuelle, sachant qu'elles seront appelées à témoigner qu'une seule fois. Quand nous parlons de témoins, j'inclus également les enfants.
Pour une raison ou une autre, le projet de loi n’inclut pas les agressions sexuelles graves. Dans ces cas, bien sûr, le droit à une enquête préliminaire existe.
Du point de vue de la Couronne, les actuelles dispositions sur les enquêtes préliminaires posent problème. Je parle notamment de ce qu'on appelle les audiences de préparation à l'enquête au cours desquelles les avocats de la Couronne et de la défense se présentent devant le tribunal et tentent de circonscrire les points en litige. La plupart du temps, nous constatons que nous n'arrivons pas à le faire. Nous finissons par tenir des mini-procès au cours desquels nous devons défendre notre cause conformément au critère établi dans l'affaire Sheppard, bien entendu. Les audiences préalables à l'enquête dont il est question dans le Code criminel ne fonctionnent pas nécessairement comme on vous l'a expliqué.
L'autre point consiste à présenter notre cas par écrit ou à ajouter les déclarations des témoins et ainsi de suite. Chaque administration a sa propre manière de procéder, mais d'après ce que j'entends, la plupart des tribunaux n'autorisent pas cette pratique et les avocats de la défense n'acceptent pas que la Couronne procède à une enquête préliminaire sur dossier. Les choses se passent différemment d'un tribunal à l'autre. Nous constatons que la suppression de l'enquête préliminaire présente des avantages, je suppose, dans certains cas.
Le côté négatif, c'est que les parties, tant la Couronne que la défense, n'ont pas la possibilité d'analyser le cas, de rencontrer les témoins, de voir comment les éléments de preuve se présentent. Cela ne permet pas aux avocats de la Couronne et de la défense d'en arriver à un règlement après l'enquête préliminaire. Ce sont quelques-uns des éléments manquants qui ressortent lorsque nous discutons de la question.
Il y a des avantages et des inconvénients, et nous avons déjà entendu parler de certains. Il est donc important de les garder à l'esprit.
Un autre point important, ce sont les récusations péremptoires des jurés. J'ai probablement plaidé dans plus d'une cinquantaine de procès devant jury et assisté à de nombreuses récusations motivées; cette procédure dure entre une journée et une journée et demie dans le cas des procès pour homicide. C'est donc un long processus actuellement, surtout si vous devez en plus tenir compte des exemptions générales, des particularités, des récusations péremptoires et, parfois, des récusations motivées dépendant de l'importance du cas.
Je constate, dans les nouveaux articles 638 et 640 du projet de loi, que malgré la suppression des récusations péremptoires, l’article sur la récusation motivée est toujours là. Si vous regardez le nouveau paragraphe 640(2), vous verrez que ni l'avocat de la défense ni l'avocat de la Couronne ne peuvent mettre en doute l'impartialité d'un juré. Selon l'interprétation qui en est faite, le terme « juré » signifie le jury. Pour une récusation motivée, c'est donc cet article-là qui est invoqué. Si vous l'examinez attentivement, vous constaterez que l'aboutissement logique de cet article, c'est que nous risquons d'avoir des récusations motivées dans un plus grand nombre de procès, ce qui exige beaucoup de temps. Cela pose donc un problème.
L'autre point, c'est que la décision ultime concernant chaque juré sera prise par le juge.
Si vous regardez comment cela se traduira dans le cas d'une récusation motivée, certaines questions sont soulevées et tranchées par la Couronne et la défense. Chaque juré est convoqué et interrogé. La manière dont cela se passera, selon nous, c'est que les jurés seront convoqués et interrogés et que la Couronne et la défense auront la possibilité de s'adresser à eux; le juge prendra ensuite une décision quant à l'impartialité de chaque juré, jusqu'à ce que nous en ayons 12, 14 ou 16, en fonction du déroulement du procès, ce qui en allongera de beaucoup la durée, par exemple, d'un, deux ou trois jours, selon les cas.
Cela nous paraît très problématique parce que ce qui était un petit cas au départ devient un cas beaucoup plus important; c'est du moins ce que nous pensons, mais nous pouvons comprendre la logique de cela.
Bien entendu, il y a les affaires. La Cour suprême du Canada a affirmé qu'un juge doit rester à l'écart des audiences sur l'impartialité afin que sa décision sur l'impartialité d'un juré le place directement dans le processus de sélection du jury. La Cour suprême du Canada dit que cette pratique pourrait être inconstitutionnelle et c'est justement là que cette partie du projet de loi pourrait être contestée après quelques procès devant jury. Selon nous, c'est problématique.
Où en sommes-nous pour le temps?
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Ce n'est pas très logique. Cela me paraît très arbitraire. Je comprends que les rédacteurs du projet de loi essayaient probablement de trouver le moyen de faire cesser cette pratique et d'essayer... Dans les cas les plus graves, nous avons besoin d'une enquête préliminaire, mais ce n'est pas de cette façon que les enquêtes préliminaires fonctionnent et ce n'est pas le rôle qu'elles jouent dans les vrais procès criminels.
Nous décidons de mener une enquête préliminaire au cas par cas. Très souvent, je vais porter une affaire punissable par mise en accusation directement devant un juge de la Cour de justice de l'Ontario parce que l'enquête préliminaire ne servirait à rien. Je veux seulement aller de l'avant. Le cas n'est pas complexe et je veux en finir au plus vite et mon client aussi.
Dans le cas d'infractions pour lesquelles la peine maximale est d'environ cinq ans, il peut arriver que l'enquête préliminaire soit absolument nécessaire. Dans mon mémoire, j'aborde brièvement la question de l'article 278 parce que je pense que l'une des conséquences non voulues de ce projet de loi, c'est que vous aurez des cas plus complexes relevant du régime Mills prévu à l'article 278. J'en parle dans mon mémoire, mais pour ceux et celles qui n'ont pas encore eu l'occasion de le lire, il s'agit, en gros, de dossiers de tiers comportant des allégations de rapports sexuels. Il y a un ensemble spécial de protections et l'un des plus importants dans le régime, c'est que la plaignante ou le témoin n'est pas contraint de témoigner à la suite d'une demande de communication de dossiers présentée par une tierce partie.
Cela signifie que, pour établir l'existence de dossiers et présenter une demande d'accès à ces dossiers avant le début du procès, je dois passer par l'enquête préliminaire parce que la plaignante sera présente. Elle n'est pas contrainte d'être présente à la présentation de la demande. C'est durant l'enquête préliminaire que nous bâtissons le dossier en vue de la demande d'accès. Si cette étape n'est pas possible, nous nous retrouvons soudainement à la Cour supérieure, s'il s'agit d'une affaire complexe, possiblement devant jury. La partie plaignante est appelée à la barre et je lui pose des questions au sujet des dossiers dont j'ai besoin pour que le tribunal puisse établir les faits. Je dépose ensuite la demande au milieu du procès. La plaignante est autorisée à retenir les services d'un avocat. Les détenteurs des dossiers, que ce soit des médecins ou des institutions, ont aussi droit à un avocat. Nous avons ensuite un long ajournement pour traiter les dossiers. Le procès sera peut-être vicié, parce que nous avons un jury sur place qui se demande ce qui se passe. Ces conditions ne favorisent pas un système de justice rapide et efficace.
Ma réponse à cette question est sans doute plus longue que vous le souhaitiez, mais c'est pour vous démontrer à quel point ce projet de loi, dans le contexte d'un code criminel qui contient des dispositions comme celles-là, risque de faire dérailler les choses.
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Je vous signale que je ne passe pas beaucoup de temps au tribunal des contraventions. Je traite des affaires où les témoignages des policiers vont au-delà des problèmes de trafic automobile.
Cela étant dit, je suis certain que mon ami sera d'accord avec moi pour dire que les avocats de la Couronne et de la défense cherchent généralement à circonscrire les questions avant le procès. Si le témoignage d'un agent n'est pas absolument nécessaire et si nous pouvons l'intégrer à un exposé conjoint des faits qui sera déposé devant le tribunal, ou si ce témoignage n'est pas vraiment important pour aucun d'entre nous et si nous pensons que les éléments de preuve que l'agent pourrait fournir ne changeront rien au procès, nous pouvons nous passer de ce témoignage. Cela se fait très souvent.
J'ai eu un procès pour meurtre qui a duré très longtemps, mais nous avions 14 exposés conjoints de faits distincts portant sur différents points, que nous avons soumis au jury. Ce système fonctionne bien et les avocats eux-mêmes, sachant ce qui est important et ce qui ne l'est pas, peuvent le contrôler pour faire en sorte que le tribunal a tout ce dont il a besoin pour tirer une conclusion sûre et solide.
Je reconnais qu'il peut arriver que des agents passent pas mal de temps à attendre. Ce système n'est peut-être pas aussi efficace que nous le voudrions. L'ancien procureur général de l'Ontario, Michael Bryant, a signé un article dans lequel il dit que rendre justice efficacement, c'est comme réussir une oeuvre musicale ou une circoncision — ce n'est vraiment pas une bonne idée. À un certain moment, l'efficacité risque parfois de fausser la justice. Nous ne devons jamais chercher à atteindre l'efficacité au point d'empêcher que justice soit rendue.
Il faut qu'il y ait une raison quelconque. À mon avis, obliger un avocat de la défense à présenter une demande pour faire témoigner un agent de police afin qu'il puisse être contre-interrogé et, dans certains cas, l'obliger à révéler la raison pour laquelle il souhaite contre-interroger cet agent de police alors qu'il tente d'établir un point, par exemple, une infraction à la Charte ou autre chose... Dans nos avis de demande fondée sur la Charte, nous énonçons les principaux points que nous alléguons, mais c'est parfois... Dans l'affaire Evenson, en Alberta, on évoque le danger de donner trop d'information à l'avance à un témoin, même à un témoin bien intentionné, parce que cette information peut changer en rétrospective. Il se peut que la mémoire du témoin lui fasse défaut et qu'il soit incapable de se souvenir de certaines choses.
Le contre-interrogatoire est un exercice ardu que nous devons préserver et protéger. Par conséquent...
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Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser au comité permanent sur des questions qui revêtent une importance particulière pour les victimes d’homicide.
MOVA est un organisme de soutien constitué de familles de victimes d’homicide, dont le seul but est de soutenir d’autres familles de victimes d’homicide.
J’aimerais vous parler aujourd’hui de quatre questions pressantes qui revêtent une importance particulière pour des gens comme moi. Vous voyez, moi aussi, je suis mère d’un enfant assassiné. Mon fils, T.J., s’est fait tuer le 3 janvier 2003. Les problématiques dont je vous parle aujourd’hui ne sont pas seulement celles que je connais par expérience, mais aussi celles que j’ai recueillies auprès d’autres familles.
Le premier sujet que je voudrais aborder est la faible représentation des victimes, non seulement dans l’ensemble du système de justice comme cela a toujours été le cas, mais aussi dans le cadre du processus d’examen judiciaire.
Le point de vue de ceux qui demandent des changements pour l’accusé a été défendu de façon disproportionnée, comparativement à celui des victimes, et pourtant, pour chaque délinquant, il y a entre 1 et 10 victimes qui sont directement touchées et dont les besoins ne sont traités que de la façon la plus sommaire. Les victimes sont de nouveau victimisées par un processus qui ne leur accorde aucune place, et pourtant, ces victimes et co-victimes doivent essayer de reprendre leur vie en main, pratiquement sans aucun soutien. Cela a pour effet de drainer les systèmes de soins de santé et de services de police, pour n’en nommer que quelques-uns.
Nous entendons constamment parler des droits de l’accusé et des droits du délinquant, et le système judiciaire fait tout en son pouvoir pour respecter ces droits. Nous discutons rarement des droits de la victime et des co-victimes. Les mesures de soutien qui leur sont offertes sont presque inexistantes. Dans le cadre de la réforme de notre système de justice pénale, nous devons mettre davantage l’accent sur les droits et les besoins des victimes et co-victimes, c’est-à-dire les personnes et les citoyens du Canada dont la vie a été volée par les actes d’une ou de plusieurs autres personnes sans que ce soit leur faute ou qu’elles l'aient voulu.
Au Manitoba, un jeune homme a été assassiné à bord d’un autobus Greyhound. Ce jour-là, 15 des personnes qui étaient dans l’autobus et qui ont assisté au drame ont été interrogées. Sur les 15, toutes souffraient encore de séquelles 10 ans plus tard. Une personne s’est suicidée et une nouvelle mère s’est fait enlever son enfant par les services sociaux parce qu’elle n’était pas en mesure de bien s’en occuper. D’autres souffraient de TSPT, d’autres n’étaient plus capables de garder un emploi et avaient besoin de l’aide sociale.
Où sont les soutiens pour ces personnes, et aussi pour leur famille — quelques dollars de la province pour le counselling? Où peut-on parler d’eux et de leurs besoins? Qui se soucie même de ce qui leur arrive?
Sont-elles un fardeau pour les systèmes publics? Absolument. Même du point de vue économique, il est logique de soutenir ces personnes après l’incident, de les reconnaître et de les aider à reprendre une vie à peu près normale.
La deuxième question dont j’aimerais parler est la reclassification des infractions. À l’heure actuelle, les accusations de meurtre au premier et au deuxième degré sont souvent réduites à un homicide involontaire coupable. Je sais qu'il y a diverses raisons à cela. Il faut établir une distinction entre les cas où une personne est accusée de mort accidentelle et où une personne négocie un plaidoyer d’homicide involontaire coupable. Ce n’est pas la même chose. Cependant, nous avons eu plusieurs cas au Manitoba où, parce que le temps passé en détention présentencielle est réalisé à temps et demi, le délinquant purge une période minimale après sa sentence et parfois, sa peine est même entièrement purgée au moment de la détermination de la peine.
Dans les cas où l'acte de tuer quelqu’un a été délibéré, la période présentencielle ne devrait pas être comptée à temps et demi. Elle devrait être comptée de la même façon que la peine à purger pour meurtre ou meurtre au deuxième degré.
La question pourrait être résolue si l’homicide involontaire coupable pouvait être divisé en deux catégories, l’une où le plaidoyer de culpabilité pourrait être négocié et l’autre où la mort accidentelle serait acceptable. Un facteur commun pour toutes les victimes est que la personne qui a délibérément enlevé la vie à un être cher doit être tenue responsable. Nous ne voulons pas que la mauvaise personne soit poursuivie, mais nous voulons que le vrai coupable soit tenu responsable. Lorsqu’une accusation initiale de meurtre au premier ou au deuxième degré est portée, l’accusation est fondée sur un acte délibéré. Il faut le reconnaître dans la détermination de la peine.
La troisième question dont j’aimerais vous parler est celle de la non-responsabilité criminelle. Les familles des victimes d’homicide comprennent les répercussions des conclusions de la non-responsabilité criminelle plus que quiconque, exception faite du délinquant.
La question de la maladie mentale fait, à juste titre, l’objet d’énormément de discussions dans de nombreux ministères et établissements au Canada. Les familles des victimes dont la vie a été enlevée par quelqu'un qui est ensuite jugé non criminellement responsable trouvent sidérant que lorsqu’une personne est déclarée non criminellement responsable dans une affaire de meurtre, il ne soit pas obligatoire de la suivre pour s’assurer qu’elle respecte les directives des médecins qui veilleront à ce qu’elle prenne les médicaments nécessaires pour rester sur la bonne voie. En pareil cas, c’est comme si le système de santé et le système de justice pénale laissaient tomber non seulement la victime, mais aussi le délinquant. Si cette personne récidive parce qu’elle a cessé de prendre ses médicaments pour une raison ou une autre, elle se retrouvera de nouveau dans le système de justice pénale et laissera plus de victimes dans son sillage. Tout cela pourrait être évité si l’on exigeait que ceux qui ont commis un meurtre et qui sont déclarés non criminellement responsables soient suivis pour s’assurer qu’ils continuent de prendre leurs médicaments.
La dernière question dont j’aimerais vous parler est celle des longs délais de procès. Je sais que beaucoup de travail a été fait à ce sujet partout au Canada. Justice différée est justice refusée. C’est vrai pour l’accusé, mais c’est aussi vrai pour les victimes. Dans le cas d'une affaire au Manitoba, il s’est écoulé huit ans entre la date de l’infraction et la date du rejet de l’appel. Deux accusés ont été reconnus coupables de meurtre au premier degré. Ils avaient tous deux obtenu leur mise en liberté sous caution avant leur procès. Ils sont maintenant incarcérés depuis quatre ans et l’un d’eux demande déjà des sorties avec escorte. Certes, la famille a été victimisée par les assassins de leur fils, mais elle a été victimisée de nouveau par le système judiciaire pendant les huit années qu’il a fallu pour que les procédures judiciaires soient réglées, et la revictimisation se poursuit à cause d'un processus qui reconnaît les droits du délinquant, mais seulement des droits limités pour la famille de la victime.
Les victimes de partout au Manitoba et, j’en suis sûr, partout au Canada, sont reconnaissantes des réformes qui accélèrent le processus judiciaire. Il faudrait des mois pour raconter ce qui est arrivé aux victimes d’homicide, et les problèmes de revictimisation sont beaucoup trop nombreux pour que j'aie le temps d'en faire le tour ici. Cependant, je suis reconnaissante au Comité d’avoir accepté d’entendre les questions que je vous soumets aujourd’hui.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
L'Association des familles de personnes assassinées ou disparues est un organisme sans but lucratif qui intervient dans toutes les régions du Québec et dont la mission principale est de briser l'isolement vécu par les familles des victimes en proposant des ressources et des outils variés pour les aider à reconstruire leur vie. Le premier mandat de l'AFPAD est d'accompagner et de soutenir les familles touchées par un homicide ou une disparition d'apparence criminelle.
Depuis 2005, nous avons aidé plusieurs centaines de personnes touchées par un homicide ou un drame, et ce, dans tout le Québec, pour qu'elles reçoivent un soutien moral, psychologique et juridique à la suite du drame, pour être en mesure de faire face à leur deuil et de reprendre le cours de leur vie.
L'AFPAD tient à remercier le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l'occasion qu'il nous donne de présenter notre avis. L'AFPAD tenait particulièrement à présenter cette opinion afin que les législateurs soient interpellés au sujet du sort des victimes d'actes criminels et de leurs proches et qu'ils donnent à ce projet de loi une portée plus grande sur le plan de la sécurité des victimes qui, malheureusement, est grandement affaiblie par les changements proposés dans ce projet de loi.
Les victimes sont souvent les oubliés des changements législatifs. Nous ne voulons pas intervenir sur tous les points aujourd'hui, mais nous attirons votre attention sur deux points majeurs, le premier étant que nous retenons et saluons la proposition d'ajout de la notion de « partenaire intime » à l'article 2 du Code criminel du Canada.
Les paragraphes 227(3) et 227(6) proposés modifiant l'article 515 présente un changement majeur, à notre avis, en imposant un renversement de la preuve lors d'une demande de remise en liberté provisoire lorsqu'un prévenu est accusé d'une telle infraction. Par contre, cette disposition ne s'applique qu'à un récidiviste condamné auparavant pour une infraction perpétrée contre un partenaire intime. La notion de récidive nous inquiète grandement puisque plusieurs de nos familles se sont vu arracher un proche par assassinat lors de violences faites dans un contexte conjugal sans être nécessairement répétitives. Il faut comprendre qu'une situation de violence entre partenaires intimes est délicate et souvent gardée sous silence, ce qui devrait pousser les législateurs à une plus grande prudence envers les victimes potentielles et se traduire par de l'interventionnisme politique et judiciaire. Ainsi, quel choix s'oppose à la protection d'une vie, celle d'un agresseur? Cette interprétation trop prudente face à la récidive arrive trop tardivement dans le processus de protection des victimes. Ces mêmes victimes ont pourtant droit à la protection évoquée dans la Charte canadienne des droits des victimes. Il faudrait donc s'en prévaloir. Il faut retirer la notion de récidive si l'on veut atteindre des objectifs louables de protection des victimes.
Le deuxième point qui nous semble important est l'intention du projet de loi de moderniser les pratiques et la procédure en matière de remise en liberté provisoire. Le projet de loi apporte plusieurs modifications visant à moderniser les pratiques et la procédure en matière de remise en liberté provisoire. Le projet de loi réorganise plusieurs dispositions et modifie certaines procédures afin de favoriser la mise en liberté rapide des inculpés selon les conditions les moins lourdes qui conviennent dans les circonstances. Permettez-moi de ne pas adhérer à ces principes, qui viennent fragiliser la protection des victimes. Pouvez-vous identifier un seul prévenu ou accusé qui avouera au juge qu'il n'a pas l'intention de respecter les conditions, si contraignantes soient-elles?
La volonté de réduire les délais et d'administrer la justice le plus efficacement possible vient occulter la protection des victimes. Nous sommes déçus aujourd'hui de constater que les législateurs n'ont pas saisi l'occasion de protéger les victimes. Le droit consenti dans la Charte au présumé agresseur, semble-t-il, prédomine, aux dépens de la protection et de la sauvegarde d'une vie et des droits consentis dans la Charte canadienne des victimes. Comment avez-vous prévu de protéger davantage ces victimes vulnérables et fragilisées par cette notion de remise en liberté rapide et la moins contraignante possible? Je suis aujourd'hui inquiète, puisque ces victimes n'ont pas eu, malheureusement, de deuxième chance.
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Je vais continuer sur le même sujet.
Mon nom est Bruno Serre. Je suis aussi le père de Brigitte Serre, qui a été assassinée le 25 janvier 2006 sur son lieu de travail, à Montréal, à l'âge de 17 ans.
Je milite à l'Association des familles de personnes assassinées ou disparues depuis près de 10 ans et je fais partie du conseil d'administration. Je suis ici de façon bénévole afin de vous sensibiliser au vide législatif en ce qui a trait aux victimes.
Pourtant, j'ai souvent comparu ici au sujet de la Charte des droits des victimes et des changements à la loi que nous voulions pour les victimes. Toutefois, dans ce projet de loi, je ne sens pas l'influence de la Charte canadienne des droits des victimes.
Comment comptez-vous protéger toutes ces victimes qui ont peur et qui dénoncent leur agresseur, alors qu'on remet rapidement ces derniers en liberté dans les conditions les moins sévères et les moins contraignantes, à moins qu'il ne soit un récidiviste?
Voyons! Pensez-vous que Brigitte Serre, Daphné Huard-Boudreault, Cheryl Bau-Tremblay, Gabrielle Dufresne-Élie, Francine Bissonnette et toutes les autres ont eu une deuxième chance? Non. Elles ont toutes été assassinées, et par des personnes qui n'étaient pas des récidivistes.
Je vous implore de retirer la notion de récidive et d'ajouter plus d'éléments visant la protection des victimes. Le renversement du fardeau de la preuve pour obtenir une remise en liberté devrait être systématique lorsqu'il y a eu de la violence envers une victime. Sinon, comment protéger ces victimes? Il faudrait peut-être leur construire une tour d'ivoire, sinon, vous serez passés à côté du sujet. Demandez à ces victimes terrorisées ce qu'elles en pensent.
Je peux vous dire que, depuis 10 ans, j'ai fréquenté des familles qui ont vécu ces drames. Ce n'est pas facile pour elles et elles ne reçoivent aucune aide. Elles sont terrorisées et elles ont peur. Quand il y a des crimes passionnels comme ceux-là, avec de la violence, c'est nous qui nous retrouvons ensuite avec les familles des personnes assassinées.
Nous vous remercions de prendre le temps de nous écouter. Il faut que cela change, car il faut changer la tendance qui fait que nous voyons trop d'homicides qui auraient pu être évités.
Je vous remercie.
:
Bonsoir, et merci de votre invitation à discuter du projet de loi .
Je m’appelle Maureen Basnicki. Je suis la cofondatrice de la Coalition canadienne contre le terrorisme. Je suis également la fondatrice de la Fondation canadienne de la Journée nationale du service.
Au fil des ans, j’ai eu l’occasion de m’adresser aux comités de la Chambre et du Sénat sur de nombreux sujets concernant le terrorisme, les initiatives antiterroristes et la défense des victimes de crimes violents, y compris les Canadiens victimes de terroristes. J’ai été l’une des premières récipiendaires de la Médaille du jubilé de diamant de la reine pour mon dialogue continu sur le terrorisme, et c’est dans cette optique que je présente un mémoire aujourd’hui. Je vous remercie de me donner l’occasion de le faire.
Le 11 septembre 2001, ma vie a changé à jamais lorsque mon mari, Ken, a été assassiné lors des attentats du 11 septembre. C’était un fier Canadien qui travaillait chez lui à Toronto. Ken en était à son premier voyage à New York pour faire du réseautage. À la suite des horribles attaques, j’ai décidé que je voulais faire quelque chose pour m’assurer qu’aucune famille n’ait à subir ce que la mienne a subi, et j’en ai parlé avec d’autres victimes.
Je suis très fière d’être Canadienne, tout comme Ken, mon défunt mari. Même si Ken a été assassiné à l’extérieur de notre frontière, il est important pour moi que mon pays envoie un message clair à la communauté internationale, à savoir que mon Canada ne tolérera personne, qu’il s’agisse d’un citoyen canadien ou d’un citoyen d’un autre pays, qui tente délibérément de blesser ou de tuer des civils innocents. C’est pourquoi j’ai cofondé C-CAT avec mon ami et collègue Danny Eisen. Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, la Coalition canadienne contre le terrorisme est un organisme non partisan de recherche en politiques et de défense des intérêts qui s’est engagé à rechercher des stratégies juridiques et publiques novatrices pour la lutte contre le terrorisme.
Dans ce contexte, j’aimerais vous parler de certaines dispositions du projet de loi qui me préoccupent beaucoup.
Le gouvernement a utilisé le terme anodin « hybridation » pour faire référence à plus d’une centaine de changements apportés aux dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine. Cependant, il est clair que ce qui se passe ici, c’est simplement une réduction des peines. J’aimerais particulièrement parler des articles 16, 17 et 20 à 23. Ce sont toutes des dispositions relatives au terrorisme.
À l’heure actuelle, la fourniture de biens ou de services à des fins terroristes pourrait être punie de 10 ans de prison. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende. À l’heure actuelle, l’utilisation ou la possession de biens à des fins terroristes pourrait entraîner une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende. À l’heure actuelle, la participation à une activité d’un groupe terroriste pourrait entraîner une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende. À l’heure actuelle, la participation à des activités terroristes pourrait être passible de 10 ans de prison. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende. À l’heure actuelle, le fait de quitter le Canada pour participer à une activité terroriste pourrait entraîner une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende. À l’heure actuelle, le fait de préconiser ou de fomenter le terrorisme pourrait entraîner une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende. Enfin, héberger un terroriste est actuellement passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans. En vertu de ce projet de loi, la peine pourrait être une simple amende.
La justification fournie par le gouvernement est qu’il faut accélérer le système judiciaire. Sur ce point, je ne suis pas en désaccord. Il y a des retards déraisonnables dans les poursuites contre les criminels, et ces retards ont souvent mené à la libération des criminels pour une raison technique. Cependant, on peut se demander si le fait de traiter un terroriste de la même façon qu’une personne qui a reçu une contravention de stationnement est la meilleure façon de réparer un système défectueux. Je dirais que non, absolument pas. Il envoie le mauvais message aux victimes et à l’ensemble de la société canadienne. Il envoie le mauvais message aux autres pays et aux terroristes potentiels, qu’ils soient d’origine intérieure ou étrangère.
Les terroristes, les membres de groupes terroristes et ceux qui en tirent profit devraient faire face à toute la rigueur de la loi. Je me demande, puisque le gouvernement actuel est souvent très porté sur la consultation, quels groupes ont demandé cela. Je ne peux pas imaginer qu’un député membre de votre comité ait frappé à une seule porte où on lui a dit craindre que la peine imposée aux terroristes soit tout simplement trop sévère.
Je recommande au Comité d’abroger toutes les dispositions du projet de loi qui réduisent les peines imposées aux terroristes. Désengorger les tribunaux est certainement un objectif noble, mais il y a de bien meilleures façons d'y parvenir que ce qu'on tente de faire ici. Les victimes ont tout intérêt important à ce que le système de justice pénale ne soit pas retardé. Il faut trouver des solutions qui mettent l’accent à la fois sur les droits de l’accusé et sur ceux des victimes.
J’aimerais terminer en reprenant les paroles du lorsque des Canadiens de partout au pays lui ont reproché de verser 10,5 millions de dollars pour satisfaire au règlement concernant la violation des droits d’Omar Khadr. Il a dit:
La mesure d’une société — une société juste — n’est pas de savoir si nous défendons les droits des peuples quand il est facile ou populaire de le faire, mais si nous reconnaissons les droits quand c’est difficile, quand c’est impopulaire... Nous sommes une société qui défend les droits des peuples et lorsque les gouvernements ne respectent pas les droits des peuples, nous finissons tous par payer et c’est la leçon que les gouvernements futurs tireront de ce règlement.
Je voudrais vous rappeler que la sécurité des citoyens est la responsabilité première de notre premier ministre. Il est essentiel pour le Canada de veiller à ce qu’il y ait des lois et des sanctions qui envoient un message clair de condamnation et de dissuasion. Je suis une Canadienne victime du terrorisme. Je joins ma voix à celle de nombreuses autres victimes de crimes violents pour dire qu'à notre avis, le fait de réduire la peine au minimum dans le cas de crimes odieux commis par des terroristes, des récidivistes, des conducteurs en état d’ébriété, etc., diminue les droits des victimes.
La justice et la reddition de comptes ne sont pas possibles pour toutes les victimes. Cependant, lorsque nos forces de sécurité attrapent le coupable, j’espère que notre système judiciaire infligera la peine appropriée, qui sera juste à la fois pour le délinquant et pour la victime. Je revendique mes droits en tant que Canadienne et victime. S’il vous plaît, ne détruisez pas nos lois criminelles. Cela enverra le mauvais message.
Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions plus tard.
:
Bonsoir, mesdames et messieurs.
Je vous remercie de votre invitation et du privilège que j'ai de témoigner devant le comité.
[Traduction]
J’ai quelques réserves. Je ne suis pas avocat et je ne suis qu’un politicologue. On m’a également demandé de parler précisément de la question de l’hybridation, et je limiterai donc mes observations à cette question particulière.
[Français]
Je serai heureux de répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
[Traduction]
D’après ce que je peux voir, la stratégie globale en matière d’hybridation consiste à inciter les gens à plaider leur cause. Si, dans le cadre d’une mise en accusation, vous êtes passible d’une longue peine, vous n’avez pas grand intérêt à plaider. Si, dans le cas d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine est beaucoup plus courte, vous êtes fortement incité à plaider votre cause. Cet incitatif est renforcé par des programmes comme la justice sur la bonne voie qui offre une récompense financière aux procureurs de la Couronne pour plaider les causes. Les procureurs de la Couronne seront heureux, parce que cela leur rapportera plus d’argent, mais j’ai quelques inquiétudes.
Tout d’abord, comme je l’ai dit dans mon mémoire, la grande majorité des cas passent par les tribunaux provinciaux. Un nombre minuscule de cas passent par les cours supérieures, de sorte que ce projet de loi risque de désengorger le système des cours supérieures aux dépens du système des cours provinciales. Bien sûr, cela porte aussi bon nombre des peines maximums possibles à deux ans moins un jour. Cela risque également de renforcer le nombre de personnes qui se retrouvent dans des systèmes provinciaux où, dans l’ensemble, elles n’ont pas accès au genre de programmes qu’elles obtiennent en Cour fédérale. Je ne suis pas certain que le fait d’avoir encore moins de cas traités par les cours supérieures que nous en avons déjà sera particulièrement efficace pour ce qui est du système correctionnel que nous avons en place.
Deuxièmement, il y a déjà des gens qui retardent délibérément le processus judiciaire parce qu’ils profitent du temps mort. Le temps mort, qui était crédité à deux pour un, est maintenant à la discrétion du juge. Il peut maintenant être crédité, et c'est souvent le cas, à raison d’une fois et demie. Maintenant, votre motivation est de faire traîner le processus le plus longtemps possible, car plus vous pouvez le faire traîner en longueur, moins vous risquez de faire de la prison en vertu de cette nouvelle proposition si l’infraction est punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Cela réduira le nombre de personnes qui purgeront une peine d’emprisonnement.
Troisièmement, très peu de cas font l’objet d’un procès. Je vous donne ici quelques données. Plus de 90 % des affaires sont classées par d’autres moyens que le procès. Dans quelle mesure l’hybridation permettra-t-elle vraiment d’atteindre l’objectif de désengorger le système judiciaire?
Quatrièmement, de nombreuses infractions sont déjà hybrides. Ce qui est particulièrement intéressant ici, bien sûr, c’est la longue liste d’actes et violations qui ne sont pas actuellement des infractions au Code criminel, mais d’autres formes d’infractions. Je signale une chose particulièrement curieuse, c’est-à-dire que la loi énumère les conséquences pour chaque infraction, sauf une, c’est-à-dire l’exploitation et la traite des personnes, où la seule référence est à un autre projet de loi qui est actuellement à l’étude au Parlement.
J'ai choisi cet exemple particulier parce que je ne sais pas dans quelle mesure le public canadien tolérera l’hybridation des peines qui sont actuellement assorties d’une peine maximale de 10 ans. Je suppose que les peines maximales de 10 ans visent à signaler qu’il s’agit d’infractions graves. Si ces infractions sont maintenant hybrides, le message que nous envoyons est que ces infractions ne sont plus aussi graves qu’elles l’étaient auparavant. Nous devrons vérifier cela auprès de l’opinion publique.
Cinquièmement, l’élargissement de la marge de manoeuvre des procureurs de la Couronne a d’importantes répercussions procédurales qui n'ont peut-être pas été soigneusement envisagées. J’énumère ces répercussions, les répercussions en ce qui a trait aux mandats, en ce qui a trait à la prescription pour le dépôt d'accusations, en ce qui a trait aux empreintes digitales, au droit de choisir un procès devant juge et jury, et au moment où vous pouvez demander un pardon. On parle ici de changements de procédure assez importants.
Sixièmement, la Couronne ou la police porte vraisemblablement des accusations pour une bonne raison. C'est parce qu’ils croient avoir une chance raisonnable d’obtenir une condamnation. Ne devrait-on pas laisser le système de justice suivre son cours? Ne rendons-nous pas un mauvais service aux organismes d’application de la loi et à la Couronne qui croient qu’il y a lieu de porter des accusations? À quoi sert, au bout du compte, d’avoir un système de justice quand notre seul objectif est de régler le plus grand nombre de cas possible avant qu’ils ne fassent l’objet d’un procès?
Septièmement, je m’inquiète des conséquences pour les enquêteurs du fait que, si moins de cas sont portés devant les tribunaux, cela signifie que seuls seront portés les cas très graves qui seront très complexes.
Si nous avons moins d’enquêteurs ayant une vaste expérience qui sont interrogés par des avocats de la défense agressifs et très talentueux, je pense qu’il y a un plus grand risque que ces affaires particulièrement complexes et notoires échouent par la suite en raison de l’inexpérience de certains membres des forces de l’ordre qui se présentent pour témoigner.
Huitièmement, ce point a déjà été abordé d'une façon beaucoup plus éloquente que je ne saurais le faire par les familles des victimes ici présentes. Même si nous avons une Charte canadienne des droits des victimes, je soupçonne que les victimes sont seulement consultées pour la forme. Il ne semble pas que les changements proposés ici vont rassurer la confiance des gens dans le système de justice pénale. Ils sont probablement assez mal vus par les victimes.
En résumé, je conclus que l’hybridation semble faire passer les avantages du processus judiciaire avant les intérêts des victimes, des enquêteurs, des procureurs, des provinces, du public, de l’intégrité du système de justice et de la primauté du droit. Je m’inquiète de toute modification législative qui ferait passer le mérite du processus avant le mérite du fond.
[Français]
Merci.
:
Monsieur le président, chers membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de participer à cette étude.
L'Alliance évangélique du Canada — soit l'AEC — est l'association nationale des chrétiens évangéliques au Canada. Nos filiales comprennent 45 confessions religieuses, plus de 65 organismes ministériels et 35 établissements postsecondaires. Établie en 1964, l'AEC constitue un forum national pour les quatre millions d'évangélistes du Canada. Elle fait entendre une voix positive pour les principes bibliques de la vie et de la société.
Notre approche à l'égard des questions que nous aborderons dans le projet de loi est fondée sur des principes bibliques qui enseignent le respect de la vie et de la dignité humaines, les soins aux personnes vulnérables et la liberté de religion, principes qui se reflètent également dans les lois et les politiques canadiennes.
Le projet de loi propose un nombre important de modifications au Code criminel, y compris le reclassement d'un certain nombre d'infractions en infractions mixtes. Vous n'êtes pas sans savoir que cela ouvrirait la voie à ce que certains actes criminels graves soient traités comme des infractions sommaires relativement mineures à la discrétion de la Couronne. On m'a demandé de m'exprimer au sujet de cet élément du projet de loi. Nos préoccupations en cette matière relèvent de quelques domaines importants.
Les lois pénales mettent en mots des normes qui sous-tendent la société. Elles expriment et renforcent les engagements fondamentaux qui sont le liant de la société. On dit souvent que le droit a valeur d'enseignement. Les modifications au Code criminel peuvent suggérer un changement dans les principes fondamentaux de notre société ou dans leur interprétation. Ce peut être approprié, mais nous devons examiner attentivement les répercussions de tout changement que nous apportons.
La catégorisation d'une infraction criminelle tend à indiquer la gravité du comportement en cause. Le reclassement en infraction mixte suggère que l'infraction en question peut désormais être vue comme un acte moins dommageable pour les personnes vulnérables et moins apparenté à une violation de la dignité humaine ou encore à une menace à la société ou à la cohésion sociale. Avec toute la déférence qui s'impose, nous estimons que le fait de reclasser certaines des infractions proposées dans ce projet de loi enverrait le mauvais message. Nous comprenons que l'un des objectifs du reclassement des infractions en infractions mixtes est de réduire les retards dans le système de justice pénale, mais pour paraphraser ce que M. Geoff Cowper a dit au Comité la semaine dernière, notre objectif ne devrait pas être de réduire les retards, mais bien d'administrer la justice en temps opportun, en tenant compte de l'intérêt public ainsi que des besoins de la victime et de la collectivité dans son ensemble.
Lorsque le projet de loi propose une peine maximale plus sévère pour la violence répétée entre partenaires intimes — j'entends les préoccupations de mes collègues au sujet de la récidive —, cela signifie qu'il s'agit d'une infraction que le gouvernement juge très grave, que la violence est inacceptable et qu'elle doit être dissuadée au moyen de peines sévères. On envoie ainsi le bon message.
À l'inverse, lorsque le projet de loi propose de créer des infractions mixtes liées à la traite de personnes, à l'exploitation sexuelle ou à l'agression d'officiants religieux, il envoie le message, de manière intentionnelle ou non, que de telles infractions sont moins graves. Le projet de loi propose de reclasser en infraction mixte le paragraphe 176(1) du Code criminel, qui parle de l'acte de gêner ou arrêter un ministre du culte, ou lui faire violence. L'acte de gêner ou de faire violence à un responsable religieux qui est sur le point d'exercer des fonctions religieuses est une atteinte directe à la croyance et à la pratique religieuses. Dans l'exercice de leurs fonctions religieuses, les officiants ne se contentent pas d'agir individuellement; ils représentent la communauté religieuse élargie.
L'an dernier, plus de 65 chefs religieux de différentes confessions ont écrit au leurs vives préoccupations au sujet de l'abrogation des protections prévues à l'article 176 tel que proposé dans le projet de loi . Nous avons écrit ceci: « L'agression délibérée d'un représentant religieux à l'extérieur d'un lieu de culte est un type d'infraction différent des autres genres de troubles publics, d'agressions, de menaces ou d'incitation à la haine. Une infraction commise contre des personnes dans des lieux de culte se répercute dans l'ensemble de la communauté et touche chaque membre. »
Les infractions contre les représentants religieux et les personnes dans des lieux de culte ont un caractère et une signification uniques et ils découlent de motifs différents. Dans un climat de plus en plus marqué par la haine, particulièrement dans les lieux de culte, lesquels sont pris pour cible, nous croyons qu'il est essentiel de maintenir la protection ciblée que l'article 176 offre aux chefs religieux. Nous nous réjouissons du fait que le Comité a entendu les préoccupations des Canadiens de confession religieuse et qu'il a recommandé que l'article 176 ne soit pas abrogé, mais qu'il soit plutôt révisé pour inclure tous les responsables religieux. Dans le même esprit de compréhension et d'écoute des préoccupations des Canadiens religieux, nous demandons au Comité de recommander que cette infraction ne soit pas transformée en infraction mixte dans le projet de loi .
Hier soir, vous avez entendu des témoignages très convaincants sur la réalité de la traite des personnes et de toutes les formes d'exploitation sexuelle, ainsi que sur les effets dévastateurs de ces crimes sur leurs victimes. Ces actes criminels constituent une grave violation des droits de la personne, ce qui comprend le droit des femmes et des enfants de vivre à l'abri de la violence. Il est essentiel que la gravité de ces infractions soit reflétée de manière cohérente dans nos lois et dans nos politiques. Nous savons depuis des années qu'au pays, ce sont surtout les femmes et les filles canadiennes qui sont victimes de la traite des personnes et qui sont exploitées dans le commerce du sexe.
Au Canada, 95 % de tous les cas où des accusations de traite de personnes ont été portées au cours des 12 dernières années relevaient de la sphère domestique et constituaient principalement de l'exploitation sexuelle. Selon le dernier rapport de Statistique Canada, 95 % des victimes de la traite de personnes sont des femmes, 72 % ont moins de 25 ans et une victime sur quatre a moins de 18 ans.
Nous sommes heureux que le gouvernement prenne des mesures pour lutter contre la traite des personnes et mène des consultations sur l'élaboration du nouveau plan d'action national. Nous attendons également avec impatience le rapport du Comité sur l'étude de la traite des personnes.
Le fait que le projet de loi propose de rendre mixtes certaines infractions liées à la traite des personnes et à l'exploitation sexuelle est cause de déception pour nous. Les autres initiatives montrent bien que, au gouvernement, l'on estime que ces crimes doivent faire l'objet de mesures législatives et de politiques, mais le reclassement proposé des infractions en infractions mixtes semble envoyer un message contradictoire.
Dans le projet de loi, nous soulignons en particulier les reclassements en infraction mixte suivants:
Il y a d'abord l'article 210 portant sur la tenue d'une maison de débauche. Cette disposition permet aux organismes d'application de la loi de se pencher sur la propriété et l'exploitation des maisons de débauche, qui sont souvent déguisées en spas, en centres holistiques ou en salons de massage. Des personnes sont souvent détenues, exploitées ou victimes de trafic dans de tels endroits. La désignation et le maintien de ce genre de lieu dans le Code criminel sont importants, parce que l'existence et le fonctionnement de tels endroits peuvent légitimer l'emprise d'un proxénète, d'un trafiquant ou d'un exploitant, qui exerce son pouvoir et son influence sur les personnes exploitées.
En préparation de mon témoignage, j'ai parlé avec une collègue et amie qui connaît bien le fonctionnement des maisons de débauche. Elle m'a expliqué que les proxénètes et les trafiquants utilisent des adresses comme des centres holistiques et des salons de massage en toute connaissance de cause. Le fait de placer les filles dans un établissement autorisé donne au proxénète ou au trafiquant la légitimité d'une entreprise. Les personnes qui exploitent ces lieux le font de manière intentionnelle, en suivant un plan déterminé.
Dans les maisons de débauche, l'exploitation est endémique. Nous devons pouvoir accéder à ces endroits. De plus, nous devons éviter de restreindre la capacité des organismes d'application de la loi à surveiller et à fouiller ces lieux et à intenter des poursuites au besoin.
Plutôt que d'abroger cet article, comme certains l'ont demandé, ou de le reclasser en infraction mixte, comme le fait ce projet de loi, nous suggérons au Comité d'envisager de clarifier la définition de « maison de débauche » dans le Code criminel. La définition actuelle est imprécise et cette imprécision camoufle l'exploitation qui nous préoccupe. Nous appuierions une définition qui indiquerait clairement que l'infraction cible des situations d'exploitation sexuelle où des personnes sont détenues, gardées ou exploitées en un lieu où quelqu'un d'autre contrôle leurs déplacements, leurs activités et, bien souvent, leurs finances.
Il y a ensuite le paragraphe 279.02(1), qui porte sur l'avantage matériel découlant du trafic, ainsi que le paragraphe 279.03(1), qui a trait à la rétention ou à la destruction de documents. Ces infractions relatives à la traite de personnes âgées de moins de 18 ans demeurent des actes criminels. Nos lois accordent à juste titre des protections particulières aux enfants, qui sont particulièrement vulnérables à plusieurs égards.
Toutefois, ce projet de loi ferait de ces infractions des infractions mixtes en ce qui concerne les victimes adultes. L'ennui, c'est que les adultes exploités, ce sont souvent des enfants exploités qui ont atteint l'âge de 18 ans. Souvent, rien n'a changé à part leur âge. Or, la gravité des mauvais traitements qu'ils subissent ne diminue pas.
Déjà, lorsqu'elles deviennent des adultes selon la loi, les victimes peuvent se sentir laissées pour compte, parce que le système leur offre moins de soutien et de services et traite les crimes commis contre elles comme des crimes moins graves. J'ajouterais que, même si l'exploitation commence lorsque la victime est à l'âge adulte, nous voulons éviter d'envoyer le message que ce comportement est moins grave. La traite des personnes et les infractions criminelles connexes doivent être considérées comme très graves et traitées comme telles. Par conséquent, nous recommandons que ces infractions ne soient pas reclassées en infractions mixtes.
Enfin, il y a le paragraphe 286.2(1) portant sur l'avantage matériel tiré des services sexuels. Cette disposition vise clairement les individus qui profitent, comme le dit la loi, de la vente des services sexuels de quelqu'un d'autre — je soupçonne qu'elle s'applique presque exclusivement à de tels cas. Il est évident que les lois actuelles visent à prévenir l'exploitation d'une personne par une autre.
Cette infraction et les autres infractions visées par la ne devraient pas être transformées en infractions mixtes. Cette loi a induit un changement très important dans la façon dont nous approchons la prostitution au Canada en décriminalisant les activités de ceux qui sont vendus ou qui vendent des services et en déplaçant l'attention vers les acheteurs et ceux qui profitent de l'exploitation. Nous croyons que ces lois constituent un outil essentiel dans la lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle parce qu'elles visent à réduire la demande de services sexuels rémunérés, demande qui alimente le trafic sexuel et entraîne les femmes dans la prostitution.
La loi prévoit un examen quinquennal obligatoire. Nous recommandons fortement au gouvernement de maintenir les lois actuelles sur la prostitution en l'état et de procéder tous les cinq ans à un examen approfondi de ces lois et de leur efficacité pour déterminer comment les renforcer ou les améliorer, dans le but d'éliminer l'exploitation sexuelle.
Merci.
:
J'aimerais continuer sur la même lancée.
Quand on est une victime, on n'a pas beaucoup de droits. La première fois qu'on va en cour et qu'on passe devant un juge, c'est une première et on veut que ce soit la dernière. Personne n'est intéressé à y retourner. C'est vraiment une première et on n'est au courant de rien. On n'a aucun droit, mais on voit que l'accusé, de son côté, a tous les droits. Même moi, je me suis fait avertir que, si je n'arrêtais pas de regarder et d'intimider les accusés, le juge me ferait sortir de la cour et je n'aurais plus le droit d'assister au procès.
Comment une victime se sent-elle quand elle est là? J'ai vu, sur Facebook, la photo d'une statue dont le centre était vide. C'est cela, une victime. Quand elle perd un être cher, il y a un très gros vide dans le centre; l'être cher n'est plus là.
Je ne peux pas vous expliquer la douleur qu'une victime peut vivre. Je comprends les autres victimes, et quand je les rencontre je sais ce qu'elles vivent; c'est dans les tripes. Il n'y a pas deux victimes pareilles. Parmi toutes celles que j'ai rencontrées, personne n'a vécu le drame de la même façon; ce n'est jamais pareil. C'est toujours à recommencer et à expliquer. Ce n'est pas la même douleur; personne ne le vit pas de la même façon. L'approche est différente.
Malheureusement, les victimes sont souvent mal informées. Il faudrait qu'elles soient mieux informées. On accorde beaucoup d'importance aux accusés et pas beaucoup aux victimes. Cela ne prend pas grand-chose. Il faut donner de l'information aux victimes, s'en occuper et les protéger.
Tantôt, j'ai dit que les victimes de drames conjugaux n'étaient jamais protégées. Si elles ont le malheur de faire une dénonciation, ce sont elles qui souffriront parce que les accusés se vengeront. Elles n'ont aucune protection.